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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mardi 18 novembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Situation générale du trésor public au 31 octobre 1834 (émission de bons du
trésor) (d’Huart)
3)
Projet de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Du
conseil communal. Publicité des délibérations du conseil (Dubois,
Gendebien, d’Hoffschmidt,
Legrelle, Dubus, de Theux, Gendebien, Dumortier, Verdussen, Gendebien, Devaux, d’Hoffschmidt, Verdussen, d’Hoffschmidt), attributions générales du conseil
communal en regard du texte de la constitution (Doignon,
Doignon, Lebeau, Desmanet de Biesme et Dumortier
(+administration des bois communaux), de Theux),
administration des bois communaux (de Brouckere, Desmanet de Biesme, Dumortier, Lebeau, de Brouckere)
(Moniteur belge n°323, du 19 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
une heure un quart.
M.
de Renesse procède à l’appel nominal.
M.
Dechamps donne lecture du procès-verbal de la précédente séance. La
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître que les pièces suivantes ont été adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Deux meuniers de
_________________
« Un grand nombre
d’habitants et propriétaires du nord des deux Flandres demandent un canal de
desséchement.»
_________________
« Le sieur Gislain, notaire, réclame des
modifications à la loi de ventôse an XI, sur le notariat.»
_________________
« Les notaires de troisième classe de l’arrondissement
d’Ypres réclament la modification proposée dans le projet de circonscription
cantonale en faveur des notaires des campagnes. »
- Ces quatre pétitions
sont renvoyées à la commission des pétitions.
_________________
M. de Longrée demande un congé.
- Accordé.
_________________
M. Lebeau, réélu député,
est admis à prêter serment.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’ai l’honneur de
déposer sur le bureau, avec un rapport explicatif, la situation générale du
trésor public au 31 octobre 1834, accompagnée de trois états de développements
par articles et chapitres des budgets généraux de dépenses des exercices 1832 et
1833 et de l’exercice 1834 jusqu’au 1er novembre dernier.
La chambre jugera
probablement utile d’ordonner l’impression et la distribution de ces pièces
susceptibles de jeter une grande lumière dans la comptabilité et propres ainsi
à faciliter la discussion des budgets. Vous voudrez bien, j’espère, me
dispenser de vous en donner lecture, attendu qu’il s’agit d’une masse de
chiffres trop difficiles à saisir ainsi au passage. (Oui, oui.)
Je me bornerai à une
seule remarque sur la conclusion qu’il est permis de tirer de ces documents,
c’est que le 16 février 1833, lorsque la législature a mis à la disposition du
gouvernement les quinze millions de bons du trésor, cette somme destinée à
faire face aux besoins des années antérieures et à ceux de l’exercice de 1833
n’était pas suffisante. Cependant, à moins d’événements imprévus, il arrivera à
la fin de 1834 qu’environ 11 millions et 250 mille fr. seulement de bons du
trésor seront absorbés pour les besoins de l’Etat : il est entendu qu’il ne
s’agit pas ici de bons du trésor relatifs au chemin de fer et qui ont une
affectation spéciale ; de sorte que, malgré les crédits supplémentaires de près
de 7 millions qui ont été votés extraordinairement pendant le courant de cette
année pour le département de la guerre, et pour lesquels il n’a pourtant été
rien ajouté à la disposition du gouvernement dans les voies et moyens, le
découvert du trésor, qui était le 16 février 1833, d’après les prévisions du
moment, de plus de 15 millions, sera réduit à environ ladite somme de onze
millions 250 mille francs.
Nos finances se sont
donc améliorées réellement depuis lors de plus de dix millions et demi ; ce qui
est dû aux soins que le gouvernement n’a cessé d’apporter à l’effet de réduire,
autant que le bien du service le permettait, les dépenses imputables sur les
crédits mis à sa disposition ainsi qu’au zèle et à la probité qui dirigent les
diverses administrations chargées de la rentrée des revenus de l’Etat.
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution des diverses pièces déposées par M. le ministre
des finances.
Discussion des articles
Titre
I. - Du corps municipal.
Chapitre III. - Des réunions et des
délibérations des conseils municipaux
Article 69 (du projet de la section
centrale)
M.
le président. - La chambre a ajourné hier la discussion de l’article 69
sur lequel des amendements ont été présentés par M. le ministre de l’intérieur
et M. Doignon. Ces amendements
ayant été développés et appuyés, la discussion est ouverte sur l’art. 69 de la
section centrale et sur les amendements déposés.
M.
Dubois. - Messieurs, j’ai examiné attentivement l’amendement qui vous a
été présenté dans la séance d’hier par l’honorable M. Doignon, ainsi que les
considérations qu’il a présentées à sa suite.
Convaincu de la
difficulté qu’il y aurait de restreindre dans des limites exactes le principe
de la publicité des séances des conseils de régence communaux, l’auteur de
l’amendement propose de laisser à la sagesse de la majorité du conseil
d’apprécier les cas où le principe devra fléchir devant des considérations
d’ordre public ou à cause d’inconvénients graves.
Je ne trouve, je
l’avoue, rien que de très juste dans cette idée, et je pense que l’expérience
ne tarderait pas à vous montrer combien il y aurait d’inconvénients et de
dangers si la chambre se renfermait, dans cette occasion, dans les limites qui
ont été si soigneusement tracés par la section centrale.
Ce n’est donc pas pour
combattre l’amendement que j’ai pris la parole, mais pour vous présenter,
messieurs, ainsi qu’à l’auteur, quelques considérations que m’a suggérées sa
proposition.
Ce qui m’a
principalement frappé, c’est que l’auteur, après avoir très bien établi que le
projet de la section centrale accorde trop à la publicité et qu’il existe une
foule de cas auxquels l’exception devrait s’étendre, abandonne lui-même son
principe pour le restreindre dans certaines circonstances et pour recourir à
des exceptions qui ne me semblent pas justifiées.
En effet, M. Doignon
propose sept cas particuliers dans lesquels la volonté des deux tiers des
membres présents aux conseils sera requise pour écarter la publicité de la
discussion. Ce sont ceux où il s’agira de la discussion du budget, de l’arrêt
des comptes, de la fixation ou de l’augmentation des taxes municipales, etc.
Or, je vous le demande,
messieurs, pourquoi, si la publicité offre des inconvénients graves dans le
cours des délibérations indiquées, pourquoi ne plus abandonner la décision de
la difficulté à la majorité du conseil ?
Pourquoi recourir à une
aussi faible minorité ? Il est incontestable que nulle part la publicité des
séances n’offrira plus que lorsqu’elle sera appliquée aux séances des régences communales.
Il est plusieurs cas où, dans les petites comme dans les grandes communes, elle
serait dangereuse pour l’ordre public et pour le maintien de la tranquillité
dans les communes. Ce serait perdre du temps que de s’attacher à démontrer une
chose qui d’ailleurs est reconnue par vous tous.
Ainsi, je pense qu’il
faut mettre la plus grande réserve possible dans la fixation des règles qui
établiront cette publicité, et puisqu’il est impossible de bien déterminer les
cas où le huis-clos sera obligatoire, il faudra du moins ne pas laisser un
objet aussi important subordonné à la trop grande confiance ou au caprice d’une
minorité souvent dangereuse.
Dans les plus grandes
communes, sept ou huit personnes dicteront leur volonté à la généralité des
membres du conseil ; dans les petites, il suffira que deux conseillers votent
contre le huis-clos pour rendre la publicité de la séance obligatoire ; car il
est bien rare que tous les membres du conseil soient présents aux séances.
Au surplus, il est une
considération à laquelle je crois devoir particulièrement m’arrêter : c’est
que, dans tout corps délibérant, une partie de l’assemblée cède difficilement
son opinion à celle de ses adversaires.
C’est une vérité qui
récemment a offert des résultats déplorables dans une localité intéressante du
pays ; là, on a vu la majorité se retirer devant la minorité. N’est-il pas à
craindre, messieurs, que si vous laissez dans certains cas décider la question
de publicité des séances par le tiers des membres présents, cette résolution
n’affecte désagréablement la grande majorité des membres présents ? Ne
serait-il pas possible que ceux-ci se retirent effrayés des conséquences que
peut avoir la résolution de leurs collègues, et rendent ainsi toute
délibération impossible ?
Oui, messieurs, la
timidité de quelques membres du conseil, quel que soit leur caractère modeste,
les empêchera souvent d’assister à des séances dont la publicité leur
paraîtrait inconvenante.
C’est donc pour rendre
ces résultats moins probables que j’ai l’honneur de vous proposer, comme
sous-amendement à la proposition de M. Doignon, la suppression des sept numéros
dans lesquels il indique les cas est le consentement des deux tiers des membres
du conseil serait requis pour obtenir le huis-clos.
Ainsi
toutes les séances des conseils communaux seront publiques, à moins que la
majorité des membres présents ne s’y oppose.
M.
le président. - M. Gendebien vient de déposer un nouvel amendement et
un article additionnel. Cet amendement est ainsi conçu :
« Les séances du conseil
communal sont publiques. Néanmoins le conseil se forme en comité secret, sur la
demande du président ou du quart des membres présents. Il décide ensuite à la
majorité absolue si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.
« Le président et
les membres qui demandent que le conseil se forme en comité secret sont tenus
de faire insérer leurs noms et leur demande au procès-verbal. »
Voici l’article
additionnel. Il deviendrait l’art 70 : « Les jours, heures et lieux
des séances, seront publiés et affichés aux endroits et de la manière
accoutumée, au moins deux jours par avance.
« Les journaux de la
cité seront dans le même délai invités à les publier. »
M.
Gendebien. - Messieurs, au milieu du conflit d’amendements proposés par
le gouvernement et les divers membres de cette chambre, il m’a paru que ce
qu’il y avait de mieux à faire était de ramener les choses à leur simplicité.
C’est aussi le moyen de se placer dans la vérité.
Je n’ai fait dans
l’amendement que j’ai proposé que reproduire l’art. 33 de la constitution et
l’art. 30 de notre règlement. Quoique personne n’ignore la constitution, il est
bon cependant de relire cet art. 33 :
« Les séances des
chambres sont publiques.
« Néanmoins chaque
chambre se forme en comite secret par la demande de son président ou de dix
membres. Elle déclare ensuite à la majorité absolue si la séance doit être
reprise en public sur le même sujet. »
L’art. 30 de notre
règlement exige que les députés qui demandent le comité secret signent leur
demande qui est inscrite avec leurs noms au procès-verbal.
Vous avez pu voir à la
simple lecture de mon amendement que je n’avais fait que reproduire
textuellement l’art. 33 de la constitution. Quant à l’art. 30 de notre règlement,
en l’appliquant au conseil communal, j’ai cru devoir y faire un léger
changement. Je n’ai pas exigé que la demande du comité secret fût faite par
écrit, parce que nous ne pouvons pas ignorer qu’il y a dans certaines communes
des membres du conseil qui auraient de la peine à rédiger une demande. J’ai
voulu seulement qu’ils fissent une demande et que leur demande et leurs noms
fussent inscrits au procès-verbal.
Quelque parti que vous
preniez, il sera difficile de déterminer les cas dans lesquels la publicité
doit avoir lieu. Pour éviter cette difficulté, je vous propose une disposition
qui est exécutée en Belgique depuis quatre ans sans inconvénient, Je propose de
faire pour les régences ce qu’on fait ici. L’art. 33 de la constitution a pour
lui une expérience de quatre ans, et trois ans d’application ont justifié
l’art. 30 de notre règlement.
Si la chambre pouvait un
jour oublier les principes de la constitution, au point de ne plus considérer
la publicité comme droit, ce serait un très grand malheur ; les conseils de
régence, par une conséquence naturelle, feraient la même chose et se
constitueraient en état d’hostilité avec la
publicité. Mais c’est là un inconvénient qui ne serait pas de longue durée, car
il se ferait un peu plus tôt, un peu plus tard, une réaction qui ferait
triompher les principes de la constitution.
Je crois, messieurs, que
nous ne pouvons mieux faire que le congrès et la chambre de 1831. Nous trouvons
dans les dispositions adoptées par le congrès et la chambre de 1831 toutes les
garanties dont la constitution a voulu entourer le conseil de régence.
M. d'Hoffschmidt. - Grand partisan comme
notre honorable collègue M. Gendebien de la publicité qui, selon moi, est un
principe inhérent à tout gouvernement constitutionnel, je suis disposé à
l’admettre pour les séances des conseils communaux, dans tous les cas où elle
n’offre pas de graves inconvénients ; mais, messieurs, ce principe, quoique
tout libéral, en ferait naître évidemment dans les communes rurales que nous
confondons trop souvent avec les villes dans la loi qui nous occupe. Dans
celles-ci, la publicité des séances des conseils peut en général être fort
utile, parce que les intérêts qui y sont traités sont fort importants. Les
magistrats municipaux sont des hommes capables de discuter les intérêts qui
leur sont confiés en public, tout en maintenant l’ordre par l’ascendant que
leur donnent leurs connaissances.
D’un autre côté, les
grandes communes possèdent des hôtels-de-ville où se trouvent des salles que
l’on peut disposer de manière à ne pas confondre le public avec les magistrats.
Pour ces communes-là,
messieurs, je réclame fortement la publicité comme un bien-être pour elles, et
j’adopte, à leur égard, l’amendement proposé par M Doignon, que je préfère à
celui de la section centrale qui n’a pas prévu les cas où le huis-clos
pourrait, dans les cas donnés, devenir nécessaire dans les discussions
incidentes. Mais je propose de le sous-amender, afin de former une exception
quant aux petites communes où la publicité des séances du conseil serait de
nature à jeter non seulement le plus grand désordre, par suite des animosités
qui en naîtraient infailliblement, mais encore à entraver complètement
l’administration.
En effet, messieurs,
vous connaissez comment sont composés presque tous les conseils dans les
communes rurales ; ils sont formés à peu près de cultivateurs très peu
instruits et qui ne remplissent pour la plupart leurs fonctions qu’avec dégoût
lorsque leur gestion leur suscite le plus petit embarras.
Les bourgmestres
eux-mêmes sont en grande partie des cultivateurs tels que je viens de vous
désigner les membres des conseils qu’il président ; ajoutez à cela que leurs
séances se tiennent dans les petites chambres à manger du bourgmestre qui
peuvent contenir à peine les membres du conseil, et vous concevrez que si le
public a droit à y être admis, quel sera le genre de discussion qui y aura lieu
surtout que les auditeurs ne se gêneront guère pour les magistrats avec
lesquels ils travaillent à la campagne tous les jours. Quant à moi l’expérience
que j’ai en administration suffit pour me démontrer à l’évidence que toute
délibération quelconque serait impossible en présence de pareil auditoire, et
je suis convaincu qu’accorder la publicité des séances dans les petites
communes serait leur faire le présent le plus funeste.
L’on me dira, peut-être,
qu’à la campagne le public se livre plutôt aux travaux agricoles qu’aux
discussions administratives, ce qui est effectivement vrai en général, mais dans
la plupart des communes il se trouve des oisifs ou avocats de villages qui,
désappointés de ne pas avoir été élus, profiteraient de la latitude que leur
donnerait la publicité des séances pour entraver la marche de l’administration,
et ils y parviendraient sans grandes difficultés.
La commission nommée par
le gouvernement pour former le projet d’organisation communale a si bien
compris ces motifs, après avoir consulté toutes les députations des états de
nos provinces ainsi que les chefs d’administration, qu’elle a consacré, quant à
la publicité des séances des conseils communaux une exception pour les communes
de 3,000 âmes et au-dessous ; et MM. les membres de cette commission ont sans
doute aussi invoqué leur expérience en présence de laquelle ils ont fait céder
des théories inadmissibles
Mais l’on me dira que
cette exception est inconstitutionnelle puisque notre pacte fondamental a
consacré le principe de publicité dans les limites établies par la loi, ce qui
ne peut s’entendre dans ce sens que des communes peuvent être exceptées quant
au principe.
J’admets que ce scrupule
soit fondé, quoique ni l’esprit ni le texte du § 3 de l’art. 108 de la
constitution ne me paraissent bien positifs à cet égard, et pour le lever, je
propose d’ajouter un alinéa à l’article proposé par M. Doignon.
D’après les motifs que
je viens de vous énoncer, mes amendements consisteraient à commencer l’article
proposé par cet honorable membre, par ces mots : « Dans les communes de
3,000 habitants et au-dessus, les séances des conseils communaux seront
publiques, etc. », et à le terminer par un paragraphe ainsi conçu :
« Dans les autres
communes la publicité n’a lieu que de l’avis unanime du conseil. »
Remarquez, je vous prie,
messieurs, que la commission dont j’ai eu l’honneur de vous parler avait, sans
égard pour la question constitutionnelle, excepté sans la moindre restriction
les communes au-dessous de 3,000 habitants de la publicité, de sorte que ses
dispositions étaient bien plus absolues que celles que j’ai l’honneur de vous soumettre,
qui laissent aux conseils la faculté de tenir leurs séances en public lorsque
ni l’intérêt de la commune, ni celui du bon ordre ne s’y opposent.
Je considère l’exception
que j’ai l’honneur de vous proposer en faveur des petites communes comme tellement
indispensable, que je me verrais forcé de rejeter tout article ou amendement
quelconque, si cette disposition ne s’y trouve pas insérée.
La publicité des actes
émanés du conseil communal sera suffisamment garantie dans les petites communes
par l’article que nous avons adopté hier, lequel prescrit la communication des
registres des délibérations de la commune. De cette manière, chaque fois qu’un
particulier se croira lésé dans ses intérêts par un acte quelconque de
l’administration communale, il pourra, en prenant copie de la délibération qui
le concerne, connaître exactement l’étendue des griefs contre lesquels il
croira avoir à réclamer.
Je viens de dire,
messieurs, que je réclamais en faveur des petites communes une exception au
principe de la publicité des séances des conseils communaux. Ce n’est pas sans
intention que j’ai employé cette expression : « en faveur des petites
communes. » Car vous accorderez réellement une faveur à ces communes, si
vous leur refusez la publicité, des séances de leurs conseils, publicité qui
amènerait un désordre complet dans les petites localités. Je ne conçois pas
quant à moi d’administration possible, si elle est consacrée à leur égard.
Ne croyez pas, je vous
prie, messieurs, que je suis ennemi de la publicité des séances des conseils
locaux dans les grandes communes. Au contraire, messieurs, je la considère dans
ce cas comme d’une absolue nécessité. Mais je peux, sans être en contradiction
avec moi-même, ne pas la vouloir pour les petites communes. Il n’y a pas la moindre
similitude dans les résultats que ce principe constitutionnel doit amener dans
les unes et dans les autres.
Je ne finirai pas,
messieurs, sans dire un mot sur l’amendement présenté par M. le ministre de
l’intérieur et sur l’article du projet de la section centrale. L’un et l’autre,
à mon sens, restreignent trop la publicité dans les grandes communes et
l’étendent trop dans les petites. L’on ne pourra éviter de tomber dans un excès
ou dans l’autre, quant aux questions de cette nature, dans tout le cours de la
discussion du projet de loi communale. Cette fâcheuse nécessité résulte de
l’inconvénient bien grave à mon avis de soumettre les petites communes et les
grandes à la même législation. Si nous n’établissons pas dès à présent des
exceptions, la législature se verra, dans deux ou trois années, obligée de
rapporter beaucoup de dispositions de la loi communale ; car il est
incontestable que telle disposition est bonne pour les villes qui peut être
très mauvaise pour les petites communes, et je crains bien que l’expérience ne
vienne confirmer mes prévisions à cet égard.
M. le président. - M. d’Hoffschmidt propose à
l’amendement présenté par M. Doignon le sous-amendement suivant :
« Dans les communes
de 3,000 habitants et au-dessus les séances des conseils communaux sont
publiques. Dans les autres communes cette publicité n’a lieu que de l’avis
unanime du conseil communal. »
M.
Legrelle. - Je regrette que l’honorable rapporteur de la section
centrale ne se trouve pas en ce moment à la séance pour défendre le projet de
la section centrale. Je vais tâcher en son absence de présenter quelques
considérations a l’appui d’une opinion que je partage avec elle.
La section centrale
s’est montrée l’amie de la publicité, mais d’une publicité sage qui ne pût
entraîner de désordre dans les assemblées des conseils communaux. Elle a pensé
qu’au sein de ces conseils, cette publicité pouvait ne pas être sans danger.
Qu’il me soit permis, messieurs, de vous lire un passage du rapport
justificatif du projet de loi en discussion. Tout ce que je pourrais vous dire
ne serait jamais à la hauteur de ce passage plein de sens et de lucidité :
« La publicité des
séances des conseils communaux est l’une des questions les plus délicates que
nous ayons eues à examiner.
« Ecartée par les
sections et la section centrale du congrès, elle fut reproduite en la séance du
26 janvier 1831, simultanément avec celle des séances du conseil provincial, et
quoique vivement combattue, elle fut enfin admise à la troisième épreuve dans
les termes de la constitution, c’est-à-dire sauf les limites à établir par la
loi.
« Quand on examine
la discussion qui a précédé cette proposition, on doit reconnaître que c’est
une question très difficile que celle de savoir si le congrès a entendu
accorder une grande publicité aux conseils communaux, ou bien s’il l’a voulu
admettre pour les conseils provinciaux, en la restreignant beaucoup dans les
communes. Ce qu’il y a de plus positif, c’est que la constitution admet que la
loi doit y apporter des limites ; et, en effet, on ne peut méconnaître que la
publicité des séances des conseils communaux peut, en bien des cas, être plus
dangereuse qu’utile, surtout dans les communes rurales, et que, si elle était
absolue, en beaucoup de cas elle tendrait à augmenter les dépenses de la
commune.
« Que la publicité soit
de règle dans les chambres où l’on ne traite que les objets généraux, cela ne
peut entraîner aucun inconvénient, et il en résulte de grandes garanties. Mais,
dans les communes, les conseillers sont trop près de leurs commettants. En
outre, à peu d’exceptions près, les intéresses seuls se rendraient aux séances
du conseil, afin d’intimider ceux qui oseraient voter contre eux. S’agirait-il
de fixer les traitements, les employés et leurs familles seraient les premiers
auditeurs, et leur présence pouvant exercer une fâcheuse influence,
augmenterait indéfiniment les dépenses de la commune : comment discuter, en
présence des employés, leur mérite, leur incapacité, leurs traitements ? Il en
est de la commune comme de la famille ; lorsque l’on traite ses affaires
intérieures, on n’appelle pas ses serviteurs pour entendre. Mais cette
publicité semble bien plus fâcheuse encore dans les communes rurales, où elle
pourrait engendrer les plus grands maux pour l’ordre public et pour la sûreté
des personnes. »
Je crois, messieurs, que
ce passage renferme des vérités auxquelles il serait difficile de répondre.
L’honorable M. Gendebien
n’a voulu poser à la publicité des séances des conseils communaux d’autres
limites que celles que la législature s’est imposées pour son assemblée même.
Je ferai remarquer qu’il
y a une différence très grande entre notre assemblée et les assemblées des
conseils communaux, même des grandes villes, où toutes les affaires qui se
traitent ont rapport à des questions de personnes. Nous n’avons jamais à nous
occuper dans nos délibérations de choses qui ne concernent que des individus ;
et jamais il ne se présente de questions où nos auditeurs soient directement en
cause. Qui formera le public des séances communales ? Ce seront les personnes
dont on agitera les intérêts dans le conseil. Lorsqu’il s’agira de fixer les
traitements des employés, comment voudrez-vous que les conseillers parlent
selon leur conviction si les individus ou les familles des individus en cause
sont présentes à l’assemblée ?
Ne savez-vous pas que
lorsque vous-mêmes vous voulez régler votre budget, votre ménage intérieur,
vous reconnaissez la nécessité de réclamer un comité général ? Je pourrais vous
citer beaucoup d’autres exemples où la publicité serait également dangereuse.
La constitution a
consacré la publicité des séances des conseils communaux dans les limites
voulues par la loi. C’est de ce principe consacré par la constitution qu’est
provenue l’erreur de l’honorable M.
Doignon. Il a pensé que la publicité était le principe général, la règle
et la publicité l’exception. Si la constitution a reconnu qu’il devait exister
des limites à l’exercice de la publicité, elle nous a donc laissé le soin de
les tracer. Nous sommes donc autorisés par le pacte fondamental qui nous régit
à éviter tout ce qui pourrait amener des désordres dans le sein des conseils
communaux.
Une des considérations
qui tendant à restreindre le principe de la publicité dans les conseils
communaux, c’est que la plupart des locaux où ces conseils s’assemblent ne sont
nullement disposés pour l’admission du public. Il faudra ou que le public soit
séparé des membres du conseil par une grille, ou qu’il circule autour des
magistrats mêmes. La position ne sera pas tenable. S’il y a des sifflets ou des
applaudissements, le président n’aura pas l’autorité de les réprimer ; quoique
vous l’ayez armé du pouvoir de punir les perturbateurs, il ne leur imposera pas
assez de respect.
D’un autre côté, les
délibérations perdront en promptitude par la publicité ; aujourd’hui que les
affaires communales se traitent en familles on parle peu et on agit beaucoup.
Quand les séances des conseil seront publiques, on parlera beaucoup et on agira
moins. Il n’entre pas, messieurs, dans mon esprit de faire la critique des
grandes assemblées délibérantes ; mais je pose en fait que dans un conseil
communal il se traite en un temps donné beaucoup plus d’affaires que dans notre
assemblée. La raison en est bien simple. Quand on n’a pas d’auditoire, et qu’on
ne dit que ce que l’on doit dire, la parole est plus sobre, l’action plus vive.
Dans le cas contraire, il arrive souvent que l’on ne parle que pour les
tribunes, et l’expédition des affaires en souffre. La publicité n’aura
d’avantage que pour quelques jeunes gens dont elle fera la réputation.
Tels
sont les motifs qui m’engagent à appuyer la proposition de la section centrale.
Je pourrais présenter d’autres considérations en faveur de son projet. Mais je
me bornerai à ce que j’ai dit, et je termine en disant que nous ne pouvons
admettre aucun amendement, si ce n’est celui de M. le ministre de l'intérieur.
M.
Dubus. - Il n’a été donné aucun bonne raison en faveur de la
proposition de la section centrale. Je ne pense pas que l’honorable préopinant
ait atteint le but qu’il se proposait en abordant sa défense. On a déjà dit que
la section centrale présentait deux règles absolues, l’une pour le cas de
publicité, l’autre pour le cas contraire. En pareille circonstance, il est
impossible d’établir à la fois deux règles absolues. J’aurais désiré que le
préopinant se fût attaché à défendre ce point de la proposition de la section
centrale. (Erratum inséré au Moniteur
belge n°236, du 22 novembre 1834 : Dans
la séance du 18 novembre, discussion de l’article 69, le commencement de la
réponse de M. Dubus à M. Legrelle : « Il n’a été donné aucune bonne raison
jusqu’à présent en faveur de la proposition de la section centrale, etc. »
offre une inexactitude très grave. M. Dubus a dit que c’était le préopinant M.
Legrelle qui avait allégué qu’aucune bonne raison n’avait été donnée
jusqu’alors contre la proposition de la section centrale, et que cependant il
avait négligé de rencontrer l’une des principales objections qui avaient été
faites, celle que la section centrale établissait deux règles absolues.)
Il me paraît que tous
les orateurs qui m’ont précédé ont été de l’avis de la section centrale, quant
au principe même de la publicité.
La divergence des
opinions n’a porté que sur la manière de déterminer dans quels cas la publicité
aura lieu et dans quels cas elle n’aura pas lieu.
Je dois cependant
excepter du nombre des orateurs qui ont admis la publicité un honorable
préopinant qui a présenté un amendement en faveur des petites communes, comme
il l’a dit lui-même. Comme cet orateur invoquait son expérience administrative,
je croyais qu’il avait en vue les communes de sa province, où beaucoup de
villages n’ont que 150 âmes, et où l’on est obligé d’en réunir plusieurs pour
en former une commune même très peu considérable. Pas du tout. Ce ne sont pas
seulement les petites communes que l’orateur a voulu priver du bienfait de la
publicité, mais presque toutes les communes de
On fait une exception en
faveur des grandes communes pour suspendre en quelque sorte la constitution
dans la presque totalité des communes du royaume. On admet la publicité ; mais
admirez comment on l’admet : il faut qu’elle soit établie du consentement des
membres du conseil ; n’est-ce pas là renverser la constitution ? La règle dans
la constitution, c’est la publicité ; au lieu que dans l’amendement la règle
c’est le secret. N’est-ce pas là fouler aux pieds la disposition
constitutionnelle. Je ne comprends pas les motifs d’un pareil système. S’il est
de si saillantes raisons pour l’appuyer, vous devez croire qu’elles frapperont
la majorité des membres des conseils municipaux et que cette majorité se
prononcera pour le huis-clos quand il sera utile ; mais l’orateur se défie
tellement de l’intelligence des membres des conseils, qu’il veut l’unanimité
pour obtenir la publicité. Avec une telle préoccupation d’esprit, il ne fallait
pas voter l’article 108 de la constitution. Messieurs, nous devons respecter la
constitution, la mettre en pratique par les lois, et non la renverser par les
lois.
Pour ce qui me concerne,
l’amendement auquel je donnerai la préférence est celui qui a été présenté par
l’honorable M. Gendebien, et je ne vois pas qu’il puisse donner lieu à des
inconvénients.
C’est
la majorité, d’après cet amendement, qui prononcera ; on ne pose pas de
principe absolu : la majorité, selon les cas, admettra la publicité ou le
comité secret. L’honorable membre, par sa proposition, rend hommage à la
constitution ; nous ne devons pas supposer que des motifs d’ordre public, ou
des motifs intéressant la morale publique, ne toucheront pas la majorité du
conseil ; ainsi la publicité posée en principe ne peut entraîner aucun danger.
Organisez le principe selon la constitution ; si dans l’exécution il naît
quelques difficultés, la législature est là pour y porter remède ; mais ne nous
défions pas du bon sens public, du bon sens des principaux habitants d’une commune.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Les honorables membres qui se sont appuyés sur le texte de la constitution
pour faire admettre dans la loi la publicité comme principe, comme règle
générale, me paraissent avoir plutôt dévié du sens constitutionnel que s’en
être rapprochés. Pour prouver cette assertion, il me suffit de comparer les
articles 53 et 108 de la loi fondamentale.
L’article 53 dit :
« Les séances des chambres sont publiques. » Voilà un principe nettement
énoncé. « Néanmoins, ajoute l’article, chaque chambre se forme en comité secret
sur la demande du président, ou de dix membres. » C’est ainsi que le congrès
national qui n’hésitait pas dans l’expression de sa pensée, l’a formulée.
Quand le congrès n’a pas
voulu établir d’une manière absolue la publicité, lorsqu’il a voulu s’en
rapporter à la législature, il s’est exprimé autrement. Que dit l’art. 108 . Au
paragraphe 4, il dit : « La publicité des séances des conseils communaux
et provinciaux aura lieu dans les limites établies par la loi. »
Voulez-vous n’avoir
aucun doute sur l’acception de ces mots, « dans les limites établies par
la loi, » rappelez-vous ce qui s’est passé au congrès quand l’article a
été discuté.
Dans la section centrale
du congrès, l’on avait admis en principe l’élection directe des membres des
conseils municipaux pour les villes, et l’on n’avait pas admis ce principe de
l’élection directe pour les campagnes ; eh bien, quelle a été la rédaction
adoptée pour embrasser les deux cas ? On a dit : L’élection sera directe dans
les limites établies par la loi.
Voilà comment on a
libellé l’article. Ainsi quand on n’a pas voulu poser comme règle absolue
l’élection directe, et permettre de faire une exception pour les communes rurales,
on a mis :
« L’élection sera
directe dans les limites établies par la loi. » Il est donc évident que
les expressions de l’art. 108 ne prescrivent pas la publicité des conseils
communaux comme une règle générale. La loi peut donc déterminer les cas où la
publicité peut avoir lieu et les cas où il faut l’écarter.
Ce point posé, il ne me
reste plus qu’à discuter l’opportunité de la publicité. Je crois qu’il faut
énoncer dans quelles circonstances la publicité aura lieu, et dans quelles
circonstances elle sera interdite ; c’est cette marche que j’ai suivie dans ce
que je propose à la chambre ; et ce que j’ai entendu ne m’a pas fait changer
d’opinion.
M. Doignon et d’autres
honorables membres ont posé comme principe la publicité des conseils communaux
; seulement ils laissent à ces conseils la faculté du huis-clos dans certaines
circonstances ; mais du moment où vous admettez comme principe la publicité des
séances, il est évident qu’il n’y aura presque jamais d’exception. Par là
encore on expose les conseils communaux à perdre un temps précieux pour
discuter dans chaque séance s’il y aura séance publique ou comité secret. Je
pense que ce système est très mauvais en pratique.
Quelques orateurs ont
cru qu’il ne présenterait pas d’inconvénients si on bornait la publicité aux
grandes villes ; mais M. Legrelle, bourgmestre d’Anvers, et par conséquent à
même d’apprécier les avantages et les inconvénients de la publicité, vous a
signalé les cas nombreux où elle est loin d’être utile.
Dans les grandes villes
même le principe de la publicité peut donner lieu à de graves inconvénients ;
ces inconvénients sont parfaitement indiqués dans le rapport de la section
centrale, et je ne m’arrêterai pas sur ce point.
Pour appuyer son
amendement, M. Doignon a montré quelques désavantages dans les cas où la
section centrale demande le huis-clos ; je ne puis partager l’opinion de
l’honorable membre. J’ai beaucoup de peine à concevoir qu’il puisse y avoir en
discussion des questions qui puissent intéresser les bonnes moeurs ou qui puissent
troubler l’ordre public.
Toutefois je ferai
remarquer que dans le cas où de semblables questions seraient agitées, on a
donné des moyens de police au président de l’assemblée. Si l’on veut donner aux
conseils la faculté de délibérer à huis-clos dans des circonstances
particulières, il faut dire, dans la rédaction proposée par la section
centrale, que dans le cas où l’ordre public et les bonnes meurs seraient
intéressés, le conseil ordonnera le huis-clos et fera mention dans le
procès-verbal des motifs qui le déterminent à prendre cette mesure. De cette
manière on aura satisfait au voeu de la loi et atteint le but qu’on se propose.
Cet amendement pourrait
être proposé si la chambre admettait le principe de déterminer les cas où la
publicité a lieu.
Je
pense que pour l’ordre de la délibération il est important de résoudre d’abord
la question de savoir si on admettra comme règle générale la publicité des
séances, sauf à déterminer les cas où elles devront être secrètes, ou bien si
on déterminera les cas dans lesquels la publicité devra avoir lieu. Je crois
que de cet ordre de délibération doit résulter la prompte solution des
difficultés qui ont été élevées, tandis que si nous persistons dans l’examen
simultané des nombreux amendements proposés, la discussion sera longue et
embarrassée. J’appelle l’attention de la chambre sur ce point.
M. Gendebien. - L’honorable M. Legrelle
déplorait tout à l’heure l’absence de M. le rapporteur ; au cas que la chambre
désirerait l’entendre, je ferai remarquer qu’il est maintenant à sa place.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je parlerai tout à l’heure.
M.
Gendebien. - Je saisis cette occasion pour dire à l’honorable
rapporteur que j’aurais du plaisir à l’entendre.
M.
Dumortier, rapporteur. Avant de prendre la parole, j’aurais désiré
entendre les honorables membres qui veulent combattre le projet de la section
centrale ; cependant si la chambre désire m’entendre dès à présent… (Parlez ! parlez !)
Je suis d’autant plus
disposé à défendre le projet de la section centrale, qu’il est l’expression
complète de mon opinion personnelle. Puisque l’assemblée le désire, j’aurai
l’honneur de lui expliquer les motifs qui ont dirigé votre section centrale
dans cette proposition.
Il y a dans la question
qui nous occupe, d’abord un principe constitutionnel à examiner sur lequel je
fixerai d’abord votre attention. La constitution a-t-elle ou non établi comme
règle la publicité des séances des conseils communaux ? Telle est la première
question que nous devons nous adresser. Si la constitution a tracé la règle,
nous ne devons pas en dévier, nous devons l’accepter avec toutes ses
conséquences. Si au contraire la règle ne se trouve pas dans la constitution,
nous pouvons faire ce que nous trouvons de plus utile, de plus convenable, de
plus opportun.
Pour bien juger la
question, il importe de voir comment a marché la discussion dans le sein du
congrès. C’est ici une espèce d’interprétation de la constitution que nous
avons à faire ; nous devons donc rechercher comment a procédé le congrès.
D’abord le comité de
constitution a proposé, relativement aux administrations provinciales et
communales, la disposition suivante qui est à peu de chose près le texte adopté
par le congrès :
« La publicité des
séances dans les limites établies par la loi. » Ce principe de publicité une
fois posé par le comité de constitution, la question a été renvoyée à l’examen
des sections.
Voyons comment s’exprime
le rapporteur de le section centrale : « Cette disposition, dit-il, a été
adoptée par les 1ère, 3ème, 4ème et 6ème sections. La 2ème a rejeté la
disposition que 4 membres seulement voulaient conserver. La 3ème a été d’avis
que la publicité ne devait avoir lieu que pour les séances des conseils
provinciaux et non pour celles des autorités communales. Dans la 7ème section
la disposition a été rejetée par 12 membres contre 3. Enfin la 8ème section n’a
voulu la publicité des séances que pour les conseils provinciaux. »
Ainsi, de 8 sections, 4
admettaient la publicité des séances dans les limites établies par la loi, 4 la
rejetaient et la refusaient spécialement pour les conseils communaux.
Je ferai observer que,
par suite des mots « dans les limites établies par la loi, » la
constitution ne pose pas un principe absolu. Il y a des limites à poser ; il
faut qu’elles soient posées. Il n’y a pas là de principe fixe et invariable.
Nous avons vu ce qui
s’est passé dans les sections ; voyons maintenant comment les choses se sont
passées dans la section centrale. Là on s’est demandé : 1° s’il y avait lieu
d’admettre la publicité des séances des conseils provinciaux ; 2° s’il fallait
admettre aussi la publicité des séances des conseils communaux. La première
question a été résolue affirmativement à l’unanimité ; ainsi il a été décidé
que les séances des conseils provinciaux seraient publiques dans les limites
établies par la loi. La 2ème question a été résolue négativement par une
majorité de 10 membres contre 3 ; ces derniers demandaient la publicité non
pour les conseils communaux des communes rurales, mais seulement pour ceux des
villes ; et ils trouvaient dans les mots « les limites établies par les
lois » la garantie que la publicité aurait lieu pour ces seuls conseils
communaux.
Voici comment s’explique
le rapporteur de la section centrale en répondant à ces membres composant la
minorité : « On a craint que la publicité ne nuisît à l’expédition des
affaires d’intérêt communal et on a pensé que rien n’exigeait la publicité des
conseils communaux. » Ainsi la section centrale a admis pour les conseils
provinciaux la publicité des séances dans les limites établies par la loi, et
elle l’a repoussée pour les conseils communaux. D’après cela le n°3° de
l’article de la constitution a été formulé en ces termes par la section
centrale :
« 3° La publicité
des séances des conseils provinciaux dans les limites établies par la
loi. »
Arrivons maintenant à ce
qui s’est passe au sein du congrès. Je tiens en main le compte-rendu de la
séance du 26 janvier 1831. Voici comment il s’exprime :
« L’ordre du jour
est la discussion des pouvoirs provincial et communal.
« Sur le paragraphe
30 de la section centrale dont je viens de donner lecture, M. Devaux propose l’amendement
suivant : « La publicité des séances des conseils provinciaux et communaux
dans les limités établies par la loi. »
« M. Barthélemy combat l’amendement de M.
Devaux, il y trouve de grands inconvénients. Il ne faut pas admettre le public
aux séances d’un conseil où l’on traite souvent des questions purement
personnelles dont la publicité pourrait alarmer les familles.
« M. le comte d’Arschot appuie l’opinion
de M. Barthélemy et dit que la publicité des séances des conseils communaux
dans les campagnes peut entraîner de grands inconvénients. Il croit qu’il ne
faudrait pas admettre cette publicité. »
Vous voyez que les deux
orateurs écartaient le principe de la publicité. Voyons maintenant comment
s’exprime l’auteur de l’amendement pour le justifier.
« M. Devaux - En disant : « dans les
limites établies par la loi » on laisse au législateur le soin de décider en
quel cas et où cette publicité doit avoir lieu. »
Il résulte évidemment de
ces développements donnés par l’auteur de l’amendement que toute latitude est
laissée au législateur en ce qui concerne la publicité des séances des conseils
communaux.
Ceci posé, examinons ce
qu’a fait le gouvernement dans son projet. Il ne parle pas de la publicité des
séances, il a cru qu’ainsi elle était interdite dans tous les cas. Votre
section centrale a cru devoir s’occuper de cette question. Tout en admettant
qu’en ce qui a rapport aux intérêts privés la publicité pouvait être
dangereuse, nous avons reconnu que dans d’autres cas elle présentait d’immenses
avantages.
Nous n’avons pas
considéré la constitution comme traçant une règle absolue ; et nous avons
présenté ce qui est relatif à la publicité sous trois faces différentes. Nous
avons admis : 1° des cas essentiellement obligatoires et où la publicité ne
peut être refusée par les conseils communaux ; 2° des cas où elle est
facultative ; 3° enfin des cas où la publicité est prohibée. Voilà les limites
que nous avons posées. Nous n’avons tracé des règles absolues que suivant les
cas auxquels elles se rapportent ; nous avons pensé que cela valait mieux
qu’une règle générale là où le congrès n’en avait pas voulu.
Nous sommes tous
d’accord sur la convenance de consacrer la publicité de droit lorsque les
délibérations ont pour objet :
« 1° Les budgets à
l’exception du chapitre des traitements, et les comptes ;
« 2° Le principe de
toute dépense qui ne peut être couverte par les revenus de l’année ou le solde
en caisse de la commune, ainsi que les moyens d’y faire face ;
« 3° L’ouverture des
emprunts ;
« 4° L’aliénation
totale ou partielle des biens ou droits immobiliers de la commune, les échanges
et transactions relatives à ces biens ou droits, les baux emphytéotiques, les
constitutions d’hypothèques, les partages des biens indivis ;
« 5° La démolition des
édifices publics ou de l’antiquité. »
Hors de là nous avons
déclaré la publicité facultative, en laissant à la sagesse des conseils à
prononcer à cet égard.
Mais cependant nous
avons pensé qu’il y avait des cas où la loi devait interdire la publicité des
séances : par exemple, quand le conseil doit s’occuper de questions de
personne. Nous n’avons pas cru que dans ce cas le conseil pût avoir la faculté
de délibérer en public, parce que la publicité serait plus nuisible qu’utile à
la commune.
On ne peut pas se dissimuler
que, même dans les plus grandes villes, les séances du conseil communal ne sont
fréquentées que par ceux qui ont intérêt à s’y rendre. Eh bien, les personnes
sur l’intérêt desquelles le conseil aura à prononcer viendront avec leur femme
et leurs enfants à la barre du conseil examiner les opinions émises, et porter
haine à mort à ceux qui leur seront défavorables. On ne peut se tromper sur
cette vérité, on ne gagnerait rien à la dissimuler. »
Le conseil communal
délibère sur la fixation des traitements, et là on apporte toute l’économie
possible, parce qu’on ne veut pas grever la commune d’impôts onéreux, et en
cela on est plus sage que dans de grandes assemblées. Eh bien ! quand un
conseil communal aura à délibérer sur des traitements d’employés, ces employés
viendront, entourés de leur famille, réclamer un salaire plus élevé ; le
conseil pourra se laisser influencer, et il en résultera une augmentation
d’impôt pour la commune. C’est ce que nous avons voulu éviter en décidant que,
dans ces cas, la publicité des séances devait toujours être interdite.
Nous avons cru devoir
également interdire la publicité des délibérations relatives aux établissements
d’utilité publique, hospices et bureaux de bienfaisance, parce que ces
délibérations ont presque toujours des acquisitions pour objet.
Nous avons établi en
principe qu’on ne pouvait pas permettre la publicité des délibérations
relatives à des acquisitions. Tout le monde est d’accord sur ce point, et c’est
avec raison. En effet, s’il s’agit de percer une rue et qu’on délibère en
public sur la direction qu’on lui donnera, les propriétaires s’entendront et
feront payer une plus-value, et la commune en souffrira. C’est dans l’intérêt
de la commune que nous avons interdit la publicité. Pour les taxes municipales,
nous avons cru remarquer que ces taxes reposent sur des industries spéciales,
et nous n’avons pas voulu mettre les propriétaires face à face avec le conseil
parce que quand il s’agirait de fixer les droits sur la bière, les brasseries,
les brasseurs viendraient avec leurs familles aux délibérations du conseil dans
l’espoir d’influencer sa décision ; quand il s’agirait des taxes sur les
distilleries, les propriétaires de ces établissements viendraient faire un
crime au conseil de ne pas leur permettre de vendre leurs produits assez bon
marché ; quand il s’agira de fixer la taxe sur la viande, ce seront les
bouchers qui viendront avec leurs grands couteaux.(On rit.)
Vous comprenez,
messieurs, que dans ces cas la publicité serait encore dangereuse. Mais d’un
autre côté elle ne saurait l’être dans les cas que nous avons déterminés. Nous
la regardons même comme très utile dans ces cas ; c’est pourquoi nous refusons
au conseil le droit de la restreindre. Nous le forçons alors à délibérer en
public, comme dans d’autres cas nous avons décidé que jamais les séances ne
seraient publiques Tels sont les motifs qui ont déterminé la section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur est d’accord avec la section centrale, seulement il repousse toute
publicité facultative. La section centrale a cru qu’il fallait, dans beaucoup
de cas, laisser à la sagesse du conseil la faculté de décider si la publicité
devait avoir lieu ou non.
Je ferai remarquer que
dans les petites communes, excepté pour les budgets et les comptes, les cas où
la publicité est obligatoire ne se présenteront pas. Les petites communes ne
font pas d’emprunt, elles n’aliènent pas, et en cas d’aliénation, il n’y aurait
pas de mal à ce que les habitants sussent ce qu’on entend faire des propriétés
de la commune. Quant aux monuments d’antiquité, ces communes n’en ont pas, ou
très rarement ; elles n’ont guère d’autre édifice que leur église. Les cas que
nous avons déterminés ne s’appliquent donc qu’aux villes et très peu aux
communes. Nous aurons ainsi rempli les intentions du congrès, qui voulait la
publicité des séances pour les conseils des villes et n’en voulait pas pour les
communes.
Quant aux cas où la
publicité est facultative, les membres du conseil seront assez sages pour ne
pas admettre cette publicité quand elle pourra être dangereuse.
Je conviens que, dans
beaucoup de communes, la publicité ne peut pas avoir lieu, la séance se tenant
au cabaret entre les pots et les verres. Il ne se peut pas que les femmes et
les enfants viennent s’asseoir à la même table que les conseillers et se mêler
à leurs délibérations ; mais c’est ce que le conseil lui-même comprendra, et
dans ce cas il décidera que la publicité ne peut pas avoir lieu. Comme, dans
les cas où la publicité est facultative, nous avons exigé, pour qu’elle eût lieu,
qu’elle fût demandée par les deux tiers des membres présents, nous avons une
garantie qu’elle ne sera pas ordonnée quand elle pourra être dangereuse. Tels
sont les motifs qui ont dirigé la section centrale. Je pense qu’ils obtiendront
l’assentiment de l’assemblée.
M. le président.
- M. Verdussen vient de déposer un amendement. Il propose d’ajouter
après l’énumération des cas où la publicité est de droit : « Toutefois, la
majorité des membres présents pourra, dans les cas précités, réclamer le
huis-clos pour des considérations d’ordre public, ou à cause d’inconvénients
graves. »
M.
Verdussen. - Je n’entrerai pas dans de longues explications pour
développer mon amendement. Ce qu’on a dit dans la discussion pourrait suffire
pour en faire comprendre les motifs.
Je partage l’opinion
émise par M. le rapporteur, et les idées exposées par M. le ministre de
l’intérieur, sous le rapport de la publicité non pas obligatoire, mais
facultative, des séances des conseils communaux.
Je pense que M. Doignon
s’est écarté du principe constitutionnel, en n’exigeant pas la publicité des
séances dans tous les cas. Indépendamment des considérations qu’ont fait valoir
les deux orateurs qui ont parlé dans ce sens, je dirai que l’art. 108 de la
constitution porte que les institutions provinciales et communales seront
réglées par des lois qui consacreront l’application des principes suivants :
1° l’élection directe,
sauf les exceptions que la loi peut établir à l’égard des chefs des
administrations communales et des commissaires du gouvernement près des
conseils provinciaux.
Remarquez que dans ce
paragraphe la constitution consacre le principe de l’élection directe sauf les
exceptions que la loi peut établir ; tandis que dans le paragraphe relatif à la
publicité des séances des conseils, la constitution ne dit pas sauf les exceptions, mais dans les limites établies par la loi.
Nous
avons donc à régler les limites de la publicité de ces séances, mais nous ne
devons pas établir d’exceptions. Je pense qu’il y a des cas où la publicité des
séances des conseils communaux peut être dangereuse ; aussi je ne prétends pas
que cette publicité doive être une règle invariable et absolue. Mais dans mon
opinion la restriction doit s’appliquer à des cas et non pas à telle ou telle
commune. J’ajouterai que j’ai emprunté à M. Doignon une partie des expressions
de mon amendement.
M.
Gendebien. - Messieurs, l’honorable M. Dubus vous a démontré des
inconvénients que je n’avais fait que signaler en passant, c’est-à-dire que si,
au lieu d’adopter mon amendement vous persistez à discuter la loi telle qu’elle
vous est proposée par la section centrale et commentée par les divers
amendements qui y ont été ajoutés, vous aurez beau prolonger votre discussion,
vous ferez toujours une loi imparfaite, parce qu’il n’est pas de l’essence de
la législature d’entrer dans de pareils détails. L’expérience a démontré que le
législateur doit toujours éviter les énumérations ; poser des règles, puis
établir des exceptions, mais toujours en principe et jamais par énumération.
Il est inutile de citer
des exemples et des autorités pour démontrer cette vérité. Ce que nous avons
fait depuis hier en est la preuve. Je ne sais si, quand vous aurez discuté
toute cette séance, vous ne serez pas obligés de renvoyer le tout à la section
centrale pour vous présenter un nouveau rapport sur lequel la discussion
s’ouvrira derechef.
Messieurs, je pense
rentrer complètement dans l’esprit de la constitution en vous proposant un
nouvel article 69.
Je trouve dans ma
proposition à la fois la règle et l’exception : la règle, parce qu’elle
consacre la publicité des séances, l’exception parce qu’elle prévoit les cas où
il serait utile de déroger à ce principe.
Le paragraphe 3 de
l’article 108 de la constitution établit la publicité des séances des conseils
provinciaux et communaux dans les limites établies par la loi. Si la
constitution n’avait pas dit cela, vous ne pourriez établir aucune exception
quelconque. Maintenant, lorsque vous avez fait l’application de cet article 108
aux conseils provinciaux sur le principe de la publicité des séances, il n’est
venu dans l’idée de personne d’y apporter des restrictions, Cependant,
aujourd’hui qu’il s’agit de la publicité des séances des conseils communaux, on
cherche à y mettre des entraves et pourtant le principe se trouve posé dans le
même article, sur la même ligne, avec la même valeur que pour les conseils
provinciaux.
Pourquoi ne pas accorder
aux conseils communaux ce que vous avez accorde sans difficulté aux conseils
provinciaux ? La constitution dit que la publicité des séances des conseils
communaux sera appliquée dans les limites établies par la loi. En résulte-t-il
qu’elle a imposé à la législature l’obligation rigoureuse d’établir ces limites
? Non, elle lui en a simplement laissé la faculté. Aussi ai-je posé ces limites
dans le sens qu’a eu en vue la constitution. Elles font l’objet du premier
paragraphe de mon article 69 ainsi conçu :
« Néanmoins le
conseil se forme en comité secret sur le demande de son président ou du quart
des membres présents. »
Maintenant voilà le
principe des limites ou exceptions établi. Où le puisé-je ? Dans la
constitution même, dans l’article 30 de votre propre règlement ; je pourrais le
trouver également dans les règlements des conseils provinciaux. Quoi de plus
simple que de laisser au président ou à la moitié des membres présents la
faculté de demander le huis-clos, alors que les délibérations auxquelles il
donnera lieu devront être confirmées par l’assentiment de la majorité ? Si vous
avez une telle défiance des conseils communaux, changez la constitution. Mais
tant que l’article 108 subsistera, il faudra bon gré mal gré avoir la même
confiance que le congrès dans les conseils communaux.
Messieurs, aurai-je
besoin de suivre et M. le ministre et M. le rapporteur de la section centrale
dans ses digressions sur les discussions du congrès et sur les dispositions
premières du comité de constitution. Il me semble avoir expliqué bien
clairement, bien nettement, l’intention des auteurs de la constitution. Vous
avez vu que l’on avait proposé au congrès la publicité des séances en faveur
des conseils provinciaux.
M. Devaux demanda que l’on
étendît les bienfaits de cette publicité aux conseils communaux. Il expliqua au
congrès qu’il entendait par cette adjonction que, la législature serait chargée
de régler dans quel cas et où la publicité sera admissible. La proposition que
je fais rentre tout à fait dans l’esprit de ce texte. Je détermine dans quels
cas et où la publicité des conseils communaux sera admissible. Je vous défie de
faire une nomenclature exacte des cas de prohibition et d’autorisation de la
publicité. Votre tâche sera d’autant plus difficile qu’elle sera double,
puisque vous serez obligés de faire une double énumération. En adoptant mon
article, vous vous dispensez de faire une loi incomplète. Vous laissez aux
conseils communaux le droit de déterminer dans quels cas la publicité aura
lieu. Je rentre précisément dans la règle et dans l’exception proposées par M. Devaux. Je ne préjuge rien. C’est
au bon sens et à la sagacité, aux principes de liberté et de convenance des
conseils, que je laisse à décider les cas où le comité secret sera nécessaire.
Je défie que la législature puisse préciser d’une manière claire et nette une
nomenclature qui ne laisse rien à désirer.
D’autres orateurs sont
entrés dans de longs développements sur les inconvénients graves qu’entraînera
selon eux la publicité des séances des conseils communaux. Ils ont dit que
cette publicité pouvait être fort bonne dans les grandes villes, mais qu’elle
serait dangereuse dans les petites communes ; que l’administration y serait
impossible, que les salles occupées par les conseils communaux seraient
encombrées d’oisifs, de brouillons, de femmes, d’enfants, de distillateurs, de
brasseurs, voire même de bouchers avec leurs grands couteaux. (Hilarité.) Toute cette fantasmagorie
peut réussir à faire peur à des enfants ; mais elle ne doit faire aucune
impression sur des membres placés à la tête des administrations communales. Que
celui qui n’a pas le courage d’accepter toutes les conséquences qu’entraîne la
magistrature ne se mette pas sur les rangs. Que ceux qui ne se sentent pas la
force d’affronter les clameurs des enfants et les grands couteaux des bouchers
restent chez eux. (Nouvelle hilarité.)
Il semble que l’on ait voulu travestir d’avance les séances des conseils
communaux en parodies des turbulentes séances de
Enfin la grande raison
que l’on invoque, c’est que l’administration deviendra impossible dans les
petites communes. Veuillez bien remarquer que c’est en restant sans cesse dans
le même cercle vicieux que l’on retarde l’émancipation des communes. Les
habitants des petites communes sont ignorants, il faut les laisser dans leur
ignorance et ne pas leur accorder des libertés qui les en feraient sortir. Vous
connaissez bien peu les mœurs des habitants des campagnes. Savez-vous ce qui
cause parmi eux le plus de défiance et de haine ? C’est la supposition, presque
toujours mal fondée ou plutôt toujours mal fondée, que les administrateurs des
communes mettent les revenus locaux dans leurs poches. J’ai dit que cette
supposition était mal fondée, parce que les malversations parmi les
bourgmestres ont été excessivement rares. Voilà un inconvénient qui disparaîtra
lorsque les affaires de la commune se traiteront au grand jour. Les habitants
des communes seront alors forcés de convenir que l’on n’administre pas aussi
facilement qu’ils se l’imaginaient.
M. d'Hoffschmidt. - La faculté de compulser
les registres communaux n’est-elle pas suffisante pour amener ce résultat ?
M.
Gendebien. - Je prie mon honorable interrupteur de vouloir bien
attendre pour me réfuter que j’aie cessé de parler, et de m’écouter avec toute
l’attention que j’ai prêtée à son discours. J’ai eu l’honneur de vous dire,
messieurs, que je trouvais des avantages à la publicité des séances des
conseils communaux. J’achève de le démontrer. Dans les petites communes
disparaîtra cette suspicion presque générale que l’on entretient contre
l’administration locale. Les habitants finiront par discuter paisiblement leurs
intérêts, au lieu de demander la solution de leurs disputes aux grands couteaux
des bouchers. (Hilarité.) Les hommes
les plus animés les uns contre les autres finiront par s’entendre au bout de la
séance, se donneront la main, ou scelleront la paix entre les pots et les
verres dont un honorable orateur a bien voulu peupler les locaux des conseils
communaux. (Hilarité.) Les habitants
se sentiront capables d’administrer leurs propres affaires, et leurs moeurs se
poliront, car c’est par le frottement que les hommes se polissent.
Vous voulez un
gouvernement représentatif, et vous ne voulez rien faire de ce qui peut rompre
le citoyen à la vie politique. Vous voulez lui ôter tous les moyens d’achever
son éducation constitutionnelle. Savez-vous s’il ne se trouve pas dans les
villages des jeunes gens en qui la publicité des séances pourra révéler des
talents administratifs capables de les faire arriver un jour au ministère ?
Quand cette publicité ne servirait qu’à apprendre aux paysans à gérer leurs
propres affaires, elle aurait déjà amené un grand bienfait. Ils n’iraient plus
confier leur fortune à ces mauvais avocats de village qui ne vivent que de la
ruine des malheureux. Je ne croyais pas qu’en 1834, après une révolution qui a
consacré la liberté en tout et pour tous, on hésitât à donner aux habitants des
campagnes les seules institutions qui pourraient les retirer de l’ignorance où
ils ont gémi jusqu’à ce jour.
Je crois en avoir dit
assez pour justifier mon amendement et pour établir que toute autre discussion
serait oiseuse et prolongerait nos débats sans résultat.
Je
me résume. Je dis que la proposition de la section centrale a ce vice dont tout
législateur doit se garder ; c’est de faire une énumération, une double
énumération ; je dis que la proposition de la section centrale n’établit pas
nettement ce que je trouve dans la constitution : de l’exception elle fait la
règle ; c’est-à-dire que le huis-clos sera la règle. Dans mon amendement je ne
fais que me servir des termes de la constitution. J’ai montré les avantages de
ma proposition ; on ne m’a opposé aucun inconvénient dans son application ; par
ces motifs je crois devoir terminer ici ; je craindrais d’abuser de votre
patience en en disant davantage.
Je me réserve toutefois
de répliquer.
M.
Devaux. - J’ai toujours pensé que la publicité dans les conseils
communaux pouvait avoir une grande utilité ; j’ai toujours pensé également que
dans certaines circonstances les inconvénients de cette publicité l’emportaient
sur ses avantages.
Je crois donc que la
constitution a bien fait de laisser au législateur toute latitude, ou la
faculté de distinguer les cas.
Le moment est venu de
faire la distinction. Selon moi nous devons garantir la publicité dans les cas
où elle est le plus utile, où elle est une nécessité et nous devons garantir
également les cas du secret, là où la publicité aurait plus d’inconvénients que
d’avantages.
La constitution a voulu
une certaine publicité, elle a reconnu qu’il pouvait résulter de bons effets de
la publicité ; et c’est pour cela qu’elle s’est servie des termes dans les limites de la loi. Quand la
constitution pose des principes, elle dit autrement ; elle dit : « Sauf les
limites de la loi. »
Si j’ai bonne mémoire,
ces derniers mots, furent proposes pour faire partie de l’art. 108 ; on fit
remarquer que la publicité n’était pas de principe pour les conseils communaux
et qu’il fallait une autre rédaction. C’est ce qui a été adopté.
Je le répète, nous
devons établir des garanties pour la publicité, et contre elle ; nous pouvons
même établir trois cas. Le premier serait celui où la publicité est
indispensable, où elle serait ordonnée ; le second comprendrait la faculté de
rendre publics les débats des conseils, c’est-à-dire que l’on abandonnerait la
publicité à l’avis du conseil municipal ; dans le troisième cas la publicité
serait prohibée, serait interdite.
Sur le premier point je
suis d’accord avec la section centrale, et on peut se contenter de son énoncé.
Je ne partage pas l’avis d’un honorable membre qui soutient que c’est à la
majorité du conseil à décider dans toutes les circonstances s’il y aura
publicité : nous devons garantir, assurer la publicité dans plusieurs
circonstances ; sans cela on pourrait craindre que beaucoup de régences ne
fussent toujours disposées à la repousser : je ne veux pas de la décision de la
majorité, je veux la décision de la loi. Tel est le but, il me semble, de
l’amendement de M. Verdussen.
Il est ensuite des cas
où la publicité ne doit pas être obligatoire, alors nous devons nous en rapporter
aux conseils communaux. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait la publicité
quand la majorité du conseil la veut ; ni pourquoi on demanderait les deux
tiers des voix comme le propose la section centrale. Le conseil peut désirer la
publicité par des motifs de délicatesse, il peut la désirer afin d’appeler
l’attention publique sur certaines questions et de s’éclairer d’avis étrangers.
Mais il est des cas où
il faut évidemment prohiber la publicité ; et ici je suis de l’avis de M.
d’Hoffschmidt. Il faut surtout la prohiber dans les petites communes. Dans les
petites communes, si on ne se réunit pas toujours dans la chambre à coucher du
bourgmestre, le conseil municipal se réunit quelquefois sur les bancs d’un
cabaret. Là les conseillers sont en présence d’amis qu’ils voient tous les
jours, et il serait impossible que ces amis ne prissent pas la parole.
Vous donnez au
bourgmestre le droit d’expulser ceux qui, sans droit, prendraient part au débat
ou donneraient des marques d’approbation ou d’improbation ; mais le bourgmestre
n’a pas toujours à sa disposition des moyens d’opérer des expulsions et à moins
qu’une rixe ne s’engage entre les auditeurs et les conseillers, il ne peut
expulser et agir de lui-même.
Je demande que dans les
communes de 2,000 âmes et au-dessous (ce sont les plus nombreuses en Belgique),
les séances du conseil communal ne soient publiques qu’en vertu d’une décision
des états députés.
J’aime
mieux la décision des états députés que celle de la majorité des conseils
communaux. Là où la publicité sera nuisible, le conseil provincial le dira
hautement : le conseil communal pourrait ne pas oser le dire, dans la crainte
de déplaire à ses amis.
- L’honorable orateur
dépose sur le bureau un amendement libellé d’après la théorie qu’il vient
d’établir.
M. d'Hoffschmidt. -. - La discussion qui
nous occupe est très importante. L’article qui la fait naître a déjà été
ajourné pour nous donner le temps d’y réfléchir ; aujourd’hui, je voudrais que
l’on renvoyât tous les amendements à la section centrale. Il y en a environ 5 à
6 de déposés sur le bureau du président ; donnons à la section centrale la
mission de nous en faire un rapport, ainsi que les motifs sur lesquels on les a
appuyés. C’est le moyen d’abréger nos débats.
- La proposition de M.
d’Hoffschmidt mise au voix est adoptée. Ainsi les amendements sont renvoyés à
la section centrale qui, demain, fera son rapport.
M.
Gendebien. - Je demanderai l’impression des amendements présentés.
M. Dumortier,
rapporteur. - La section centrale pourra bien faire son rapport demain
; mais il n’est guère possible que ce rapport soit imprimé.
M.
Verdussen. - Pour abréger, je me réunis à l’amendement de M. Devaux et
retire le mien.
M. d'Hoffschmidt. - Dans le même but, je me
réunis aussi à l’amendement de M. Devaux et retire ma proposition.
Titre
II. - Des attributions municipales.
Chapitre Ier. - Des attributions du
conseil municipal.
M.
le président. - La chambre passe au titre II des attributions
communales. Chapitre premier - Des
attributions du conseil communal.
M.
Doignon - Messieurs, la chambre, après avoir jusqu’ici organisé le
personnel du pouvoir communal, a maintenant à s’occuper de ses attributions.
Avant d’aborder la discussion des articles, j’aurai l’honneur de vous exposer
quelques considérations générales.
D’abord, il est un point
incontestable et auquel toutes les opinions sont forcées de se rallier ; c’est
que, par rapport à ces attributions comme pour le personnel, le pouvoir
communal doit être tel que le veut la constitution et non tel que peuvent le
désirer ceux qui voudraient aujourd’hui augmenter le pouvoir royal. Plusieurs
se sont souvent égarés dans cette discussion parce qu’ils ont mis leurs désirs
à la place de la constitution : cependant, quand elle a parlé, toute question
doit être terminée.
Nous devons donc partir
de ce principe que la commune représente un des pouvoirs qui constituent
Or la constitution nous
indique elle-même les seules modifications qu’on peut y apporter. Les intérêts
communaux, dit l’article 31, sont réglés par les conseils d’après les principes
établis par la constitution, et ces principes se trouvent posés en termes
exprès dans l’article 108. Pour le personnel, le premier numéro de cet article
admet l’élection directe, en exceptant seulement le chef de l’administration.
Quant aux attributions, le congrès nous fait voir, aux n°2 et 5 du même
article, comment il a cru dans sa sagesse devoir modifier le pouvoir communal
pour le mettre en harmonie avec l’intérêt de la grande famille et assurer son
union avec celle-ci. En attribuant au conseil tout ce qui est d’intérêt
communal, il se borne à prescrire l’application par une autre autorité de
quelques-uns de ses actes que la loi désignera et il autorise l’intervention du
Roi ou du pouvoir législatif pour empêcher uniquement que les conseils ne
sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général. L’art. 110 dit
encore qu’aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que
du consentement du conseil et que la loi déterminera les exceptions dont
l’expérience démontrera la nécessité.
Remarquez, messieurs,
que la constitution ne donne aucune attribution aux bourgmestres et échevins,
mais c’est au conseil seul qu’elle attribue tout ce qui est d’intérêt communal.
C’est donc dans ce corps municipal que réside premièrement tout le pouvoir
communal, toute la puissance administrative dans la commune. Si donc les
bourgmestres et échevins ont et doivent avoir certaines attributions, ce ne
peut être que parce qu’ils font partie de ce corps, et comme délégués par lui
en vertu d’une présomption de la loi. L’attribution faite au conseil par la
constitution et tellement universelle qu’on ne saurait lui contester le droit
de faire, s’il le pouvait, tout ce dont on charge les bourgmestres et échevins,
et que, tenant ce droit de la constitution elle-même, aucune législature ne
pourrait le lui enlever, soit directement, soit indirectement.
Mais comme il est
moralement impossible à un corps composé de neuf à 20 personnes de se réunir et
de se livrer chaque jour et à chaque instant à l’administration d’une commune,
la nature des choses veut qu’il soit pris dans son sein une commission ou
collège pour l’administration journalière. Il faut bien admettre cette
conséquence, dès que le législateur a voulu que l’institution communale fût
organisée par la loi de manière à pouvoir marcher. Mais puisque ce collège de
délégation émane du conseil lui-même, bien que le Roi intervienne aussi dans la
désignation de ses membres, il est et demeure de droit comptable envers ce
corps pour toute sa gestion.
On conçoit que la
constitution soit restée muette à l’égard de l’institution de ce collège. Le
congrès a voulu que le pouvoir législatif consultât l’expérience et vît s’il
fallait continuer ou modifier ce mode pour l’administration journalière. Mais
dans tous les cas, puisque c’est le conseil qui est investi de tout le pouvoir
communal, ces préposés pour la gestion de chaque jour devaient nécessairement
en être une émanation. En outre, ce n’était pas dans une constitution qu’il
pouvait jamais convenir d’énumérer les actes à attribuer à une pareille
administration. Il lui a donc suffi de jeter les fondements du pouvoir
municipal en créant d’abord un corps qui est le conseil, dont les fonctions
embrassent l’universalité des affaires de la communauté, sauf à l’organiser
pour mettre ce pouvoir en action dans la commune.
Mais puisqu’un corps ne
peut subsister ni être organisé sans un chef, par cela même que le congrès
instituait le corps et qu’il chargeait la législature de son organisation, il
laissait à celle-ci le soin de créer son chef ; et comme le chef fait toujours
nécessairement partie du corps qu’il doit présider, la chambre a respecté
l’ordre naturel des choses, en statuant qu’au moins il sera désigné par le
pouvoir exécutif parmi les membres de ce corps.
Pareillement le collège
préposé pour l’administration journalière, formant lui-même un petit corps
subordonné au plus grand qui est le conseil et dont il est sorti, le chef de
celui-ci devient naturellement le chef de celui-là.
De même que ce collège
doit être chargé des actes que le conseil ne peut raisonnablement faire
lui-même, de même il faut déférer à ce chef les actes dont ce collège lui-même
ne pourrait s’occuper sans grave inconvénient. Le conseil, aux termes de la
constitution, réunissant en lui tout le pouvoir municipal, le législateur ne
peut distraire de son attribution universelle que les actes administratifs
qu’il ne peut exercer par lui-même.
Le congrès s’est rappelé
que le roi Guillaume avait tenté par ses règlements de dénaturer les droits
constitutionnels des administrations communales, et que, d’après les art. 110
et 121 des règlements des villes et du plat pays, ce prince se réservait même
le droit de les interpréter de sa seule autorité. Afin d’ôter au pouvoir
exécutif tout moyen d’essayer à l’avenir de pareils empiètements contre les
droits des communes, le congrès a donc jugé prudent de mettre la commune, dans
la constitution, au rang des grands pouvoirs politiques de
Ainsi la constitution
belge a introduit un grand changement en cette matière. Son principe dominant,
c’est que tout ce qui est d’intérêt communal est attribué au conseil. Remarquez
cette expression tout ; donc point de
réserve, point d’exception ni de distinction : et cette attribution universelle
ne peut subir que deux modifications ou restrictions : ce sont celles prévues
aux n°’ 2 et 5 de l’art 108 que nous avons signalées plus haut.
L’ancienne loi
fondamentale (art. 155) statuait bien que les administrations communales ont la
direction pleine et entière de leurs intérêts, mais elle ajoutait aussitôt : «
telle qu’elle est déterminée par les règlements. » Ainsi, dans le même
article, d’une part on accordait une pleine et en entière direction des
affaires de la commune, et de l’autre on se réservait de la détruire ou
neutraliser au moyen de règlements qu’on ferait par la suite.
Tout en feignant de
concéder aux communes le droit de gérer d’une manière très libérale, le roi
Guillaume mettait ce même droit à la merci de sa volonté puisqu’il savait qu’en
définitive ces règlements seraient son propre ouvrage. La commune n’a donc
joui, malgré la promesse de la loi fondamentale, que des droits qu’il a bien
voulu lui laisser on plutôt de ceux qu’il n’a pas osé lui enlever.
Elle est donc énorme
l’erreur des auteurs du projet actuel de la loi communale lorsque, sans
réfléchir aux nouvelles dispositions fondamentales de la constitution belge,
ils ne se sont attachés qu’à reproduire dans cette loi ces mêmes règlements et
même à renchérir quelquefois sur les restrictions de l’excès contre les droits
constitutionnels des communes. On dirait que, frappés d’une défiance aveugle
contre une franchise communale, défiance qui est certes injurieuse pour le
caractère national, ils ont voulu remettre tout en question. Mais s’il était
vrai (ce qui n’est pas) qu’on doit avoir certaine appréhension, dans ce cas
encore je dirai que la législature qui est liée par la constitution ne peut
reculer, mais qu’elle doit attendre les leçons de l’expérience.
C’est donc en
s’attachant simplement aux principes posés dans la constitution qu’on peut
facilement connaître quelles doivent être les attributions du conseil et
quelles peuvent être en particulier celles du bourgmestre et des échevins.
Ce serait de sa part une
infraction à la constitution, s’il se permettait de donner, soit à un
bourgmestre qui n’est que le chef, soit aux échevins, une attribution que le
conseil lui-même pourrait facilement mettre en action.
C’est, messieurs, d’après
ces principes qui découlent naturellement de notre constitution que le pouvoir
législatif doit organiser l’institution communale et qu’il peut régler comme il
convient toutes les attributions, et du conseil et du collège des bourgmestre
et échevins, et du bourgmestre lui-même en particulier.
Sons le régime précédent
et d’après l’ancienne loi fondamentale et les règlements de Guillaume, qui
toutefois ne s’énonçaient pas sur ce point d’une manière aussi explicite, le
conseil devait aussi embrasser toute l’administration de la commune et rien
n’aurait dû lui être étrange. L’article 155 de la loi fondamentale donnait aux
administrations locales la direction pleine et entière de leurs intérêts
domestiques. Or, les membres du conseil sont déclarés formellement faire partie
de l’administration locale : les art. 1 et 2 des chapitres 1 et 2 des
règlements des villes et du plat pays, intitulés : De la composition de l’administration dans chaque commune, portent
que cette administration se compose du bourgmestre, des échevins et du conseil. Les articles 43, 44, 55 et 60
du règlement des villes, qualifient en termes exprès les conseillers de membres
de l’administration locale.
Mais le roi Guillaume,
jaloux de l’autorité des conseils, chercha par tous les moyens à la diminuer
dans ses règlements et il parvint à concentrer la plus grande part de
l’autorité locale dans la personne des bourgmestre et échevins dont la
nomination dépendait toujours de son bon plaisir. Dans ce système il détermina
d’une manière assez arbitraire les attributions des uns et des autres, et afin
de tenir dans une dépendance absolue l’administration de la commune, et par
rapport à ses attributions, et par rapport à son personnel, il eut soin, comme
je l’ai observé, d’ajouter à la fin de chaque règlement, un article ainsi conçu
: « Dans le cas où il s’élèverait quelque doute sur le vrai sens de
quelque article de ce règlement, ou si quelque changement ou interprétation
était nécessaire, il y sera pourvu ultérieurement par le roi. »
Cet article, en mettant
toutes nos franchises communales à la merci du pouvoir royal, donnait à
celui-ci le droit de les paralyser ou de les détruire quand il le voudrait.
Cependant il n’y eut pas dans le sein des états-généraux une seule voix qui
protestât contre une disposition aussi évidemment despotique. On vit au
contraire, vers cette époque (1824), quelques adulateurs belges pousser la
bassesse jusqu’à proclamer à la tribune que Guillaume était le roi le plus
libéral de l’Europe.
La même conduite,
messieurs, aurait les mêmes conséquences ; nos hommes d’Etat commettent une
erreur fatale, s’ils croient servir le pouvoir royal et le rendre plus fort par
des empiétements sur les droits constitutionnels de la commune.. Au lieu de
trouver de l’ordre, ils sèmeront du désordre pour l’avenir. Qu’ils veuillent.
bien se rappeler que sous le roi Guillaume le peuple soutenait contre le
gouvernement cette doctrine, plus ou moins controversée, qu’une loi qui viole
la constitution est nulle de plein droit et qu’on n’est pas tenu d’y obéir.
Songez, messieurs, que les infractions à la charte, dont il s’agit ici, ne
léseraient pas seulement les droits des Belges en général, mais ceux du corps
le plus respectable, le conseil de la commune, corps qui existe dans toutes les
communes du royaume, et qui est et sera toujours jaloux de conserver intacts,
et d’exercer dans tonte leur plénitude, les droits qu’il tient directement de
la constitution. L’attribution universelle de tout ce qui est d’intérêt
communal, donnée au conseil par notre constitution, et les seules modifications
qu’elle y apporte sont écrites dans notre charte en termes si clairs que nos
communes ne pourront jamais s’y tromper.
Article 74 (du
projet du gouvernement) et article 73 (du projet de la section centrale)
M.
le président. - L’article 74 du projet du gouvernement est ainsi conçu
:
« Le conseil délibère,
etc. »
L’art. 73 de la section
centrale auquel le gouvernement se rallie est ainsi conçu ;
« Le conseil règle,
etc. »
M.
Doignon - Je ne puis admettre le premier article des attributions du
conseil tel qu’il est rédigé par le gouvernement et la section centrale.
Le législateur du
congrès, après avoir créé, au chapitre Des
pouvoirs, le pouvoir communal, devait naturellement indiquer à quelle
autorité appartiendrait ce pouvoir administratif lorsqu’il s’agirait de
l’organiser. Il annonce donc par forme de principe, dans son article 108, n°2,
que cette autorité sera le conseil, et il lui attribue tout ce qui est communal
sans rien réserver ni excepter. L’approbation de quelques-uns de ses actes dans
des cas déterminés n’empêche aucunement que cette attribution ne demeure
universelle ; car le droit d’approbation par une autorité supérieure suppose
lui-même qu’il appartient à l’autorité inférieure de faire l’acte.
Or, le pouvoir communal
étant incontestablement celui d’administrer la commune, il est de toute
évidence que c’est au conseil qu’est déférée l’administration ou la gestion de
tons les intérêts communaux.
Ainsi, il est tout à
fait inexact de dire comme le projet ministériel que le conseil délibère ; il
fait plus, il fait les actes de l’administration, et il décide, sauf
approbation en certains cas, de la même manière que le juge prononce sauf
l’appel. Il est aussi vrai que tout ce qui tient à l’intérêt communal est du
ressort du conseil, sauf toutefois la délégation pour des attributions qu’il ne
peut exercer lui-même, qu’il est constant que les contestations qui ont pour
objet des intérêts civils sont exclusivement de la compétence des tribunaux
(article 92). La juridiction de l’un et de corps est également universelle,
d’une part pour l’intérêt civil, et de l’autre pour l’intérêt communal.
Nous avons vu que, même
aux termes des anciens règlements et de la loi fondamentale, l’administration
locale avait la direction pleine et entière des affaires communales, et que les
membres du conseil étaient formellement qualifiés de membres de cette même
administration ; ils étaient donc de véritables administrateurs. Le roi
Guillaume, dans ses règlements, avait ensuite démembré ce pouvoir d’administrer
pour ne laisser au conseil que ce qu’il voulait bien lui laisser.
Mais aujourd’hui il est
écrit en toutes lettres dans notre charte que tout ce qui intéresse la cité
appartient au conseil, que le pouvoir administratif dans la commune réside en
lui et en nul autre : donc l’administration comme la direction pleine et
entière des affaires communales lui sont positivement déférées. C’est là
aujourd’hui une vérité aussi immuable qu’elle est incontestable puisque aucun
règlement postérieur ni aucune loi ne pourraient plus maintenant y porter la
moindre atteinte ; et c’est cette vérité que nous devons ériger en principe
dans la loi actuelle.
La section centrale se
borne à dire que le conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal, et elle
emploie, dit-elle, cette expression règle
pour conserver celle consacrée dans l’art. 31 de la constitution. Mais
qu’on nous dise quelle utilité il peut y avoir à répéter purement et simplement
les termes d’un article de la constitution. Lorsque le corps législatif est
chargé, comme il l’est ici par l’article 139 de la constitution, d’organiser un
pouvoir constituant, il doit faire autre chose que de répéter simplement un
principe constitutionnel : mais son devoir est d’en exprimer dans la loi les
conséquences afin de donner la vie à ce même pouvoir. Or, nous avons vu que, de
la combinaison des art. 31 et 108 de la charte, il résulte que c’est le conseil
lui-même qui est charge d’administrer et de diriger tout ce qui est d’intérêt
communal.
Ce pouvoir administratif
du conseil doit n’éprouver de modification que par rapport à l’administration
journalière, qu’il faut bien que le législateur délègue à quelques membres du
conseil formant ensemble une commission ou un collège, s’il veut que la commune
soi convenablement administrée. Les chambres peuvent faire cette délégation en
vertu du pouvoir qu’elles ont d’organiser la commune ; car, sans cette
délégation, il n’y aurait point d’organisation raisonnable qui fût possible ;
elles opèreront d’ailleurs ici à peu près comme on l’a déjà fait pour
l’organisation provinciale.
Ainsi, pour ne citer
qu’un seul exemple, l’article 109 de la constitution dispose que la rédaction
des actes de l’état-civil et la tenue des registres sont exclusivement du
ressort des autorités communales : il est clair que le conseil ne pouvant
exercer lui-même les fonctions prévues par cet article, le législateur doit les
faire échoir aux membres chargés de l’administration journalière ou à l’un
d’eux.
Quelques-uns ont
prétendu distinguer dans la commune comme dans l’Etat deux pouvoirs distincts
et indépendants, le pouvoir législatif
qui appartiendrait au conseil, et le pouvoir exécutif qui appartiendrait
au collège des bourgmestre et échevins. Cette distinction tout à fait
imaginaire n’est point dans la constitution. Le pouvoir communal, créé par
notre charte, est unique et indivisible, et il est entièrement déféré au
conseil lui seul ; mais ce corps étant dans l’impossibilité physique de se
livrer au détail de l’exécution, il est d’une bonne organisation de le confier
à ce collège en vertu d’une délégation présumée par la loi. Mais, cette
délégation ayant sa source pour la commune comme pour la province dans
l’attribution universelle donnée au conseil, c’est au nom et sous les réserves
et instructions de celui-ci qu’elles doivent s’exercer ; ce système de
délégation sauve ainsi le principe constitutionnel que le pouvoir communal
réside dans le conseil.
Le conseil, devant
régler les intérêts communaux, doit le régler réellement et efficacement. C’est
donc à lui non seulement de faire et d’indiquer la règle, mais aussi d’en
régler l’exécution lorsqu’il le peut ; cette exécution elle-même, étant un
objet d’intérêt communal, tombe nécessairement dans son attribution universelle.
On ne peut donc aussi
passer sous silence, dans l’article en discussion, la réserve à laquelle est
soumise cette attribution universelle : c’est l’approbation de ses actes en
certains cas. On remarquera que le congrès en stipulant cette réserve, n’indique
aucunement par quelle autorité cette approbation doit être accordée. Rien
n’empêche donc qu’elle soit donnée aussi quelquefois comme en France par le
pouvoir législatif.
D’après ces
considérations, il y aurait donc lieu de changer les rédactions proposées par
le gouvernement et la section centrale, et de leur en substituer une autre en
ces termes :
« Le conseil a
l’administration et la direction pleine et entière de tout ce qui est d’intérêt
communal, sans préjudice de l’approbation de ses actes dans les cas ci-dessus
déterminés, et sauf les attributions ci-après données aux bourgmestre et
échevins. »
Ces expressions : direction pleine et entière sont celles
adoptées par la loi fondamentale de Guillaume, art. 155 et art. 16, règlement
de 1817, et 70 du règlement de 1824. Or, l’on ne peut prétendre que le congrès
aurait voulu que le pouvoir communal fût moins étendu qu’à cette époque.
La section centrale a
ajouté dans sa rédaction que le conseil délibère sur tout autre objet qui lui
est soumis par l’autorité supérieure.
Cette disposition paraît
inutile. Les pouvoirs constitués par la charte sont tenus de droit de se
communiquer leurs lumières. C’est surtout une obligation toute naturelle pour
la commune, qui dans l’Etat représente la petite famille. Aucune loi n’oblige
le pouvoir judiciaire d’éclairer le pouvoir législatif sur des matières de son
ressort, et personne n’a pensé jusqu’ici à lui imposer une semblable
obligation. Les conseils ne sont presque jamais consultés sur des objets étrangers
à l’intérêt communal. Une pareille disposition ne doit donc pas trouver sa
place dans une loi.
En
tout cas, l’expression « délibère » devrait être rejetée comme étant
équivoque. La rédaction des anciens règlements serait plus claire. Les articles
81 et 88 portent que le conseil donne ses considérations et avis sur toutes les
pièces qui, à cet effet, lui sont renvoyées par quelque chef de département
d’administration générale, le gouverneur, les états ou toute autre autorité, et
donne en général à ces autorités tous les renseignements qu’elles réclament.
M. Lebeau. - Le ministère a fait sien
l’article 73 du projet de la section centrale destiné à remplacer l’art. 74 du
projet du gouvernement. Je demanderai une explication à M. le ministre de
l’intérieur sur la signification qu’il attache à la première partie de
l’article de la section centrale ; elle me paraît avoir un sens trop absolu et
être, par sa rédaction, en opposition avec les actes de la chambre, le texte et
l’esprit de la constitution, et les dispositions ultérieures du projet même que
nous discutons. Je ferai remarquer que les termes de l’art. 31 de la
constitution invoqué par l’honorable rapporteur de la section centrale sont
beaucoup moins absolus que ceux de cette disposition.
L’art. 31 dit : Les
intérêts exclusivement communaux et
provinciaux (je ne parle pas de cette modification à laquelle j’attache peu
d’importance) sont réglés par les
conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la constitution. »
Or, ces derniers mots ne sont pas reproduits ici. Mais quelles sont en matière
de liberté communale les restrictions apportées par la constitution ? Nous les
trouvons dans les art 108 et 110. L’article 108 soumet certains actes des conseils
provinciaux et communaux à l’approbation de l’autorité supérieure ou des
états-députés. Une deuxième restriction réside dans des cas prévus par
l’article 110, le droit d’annulation de ces actes et de plus l’intervention du
pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif pour empêcher que ces conseils ne
sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général.
Voilà des restrictions
qui ne sont nullement rappelées dans l’art. 73, auquel le ministère s’est
rallié et dont l’énonciation me semble trop absolue dans ses termes.
Lorsque le conseil
communal opposera aux états-députes ou au gouvernement sa force d’inertie,
lorsqu’il ne viendra pas régler ce qui est d’intérêt communal, qui le réglera ?
Il faudra bien qu’un autre pouvoir prenne l’initiative dont la loi avait
investi le conseil communal. C’est ce que vous avez senti dans la discussion
des lois relatives aux enfants trouvés et aux dépôts de mendicité ; vous avez
décidé que quand les conseils communaux et provinciaux ne pourvoiraient pas à
ces dépenses, les états députés, le gouvernement ou le pouvoir législatif
interviendraient.
A
moins d’explications, je crois les termes des dispositions de l’art. 73 trop
absolus ; il a l’inconvénient de ne pas être, par sa rédaction, d’accord avec
les deux dispositions de lois que je viens d’indiquer et celles de même nature
dont l’expérience amènera la nécessité : A moins d’explications, je crois que
l’article présenté par le gouvernement est préférable à celui de la section
centrale. Notez que je ne parle ici que de rédaction ; car, sur le sens de la
disposition amendée, je crois que nous sommes d’accord, M. le rapporteur, M. le
ministre et moi.
M. Desmanet de Biesme. - Je demanderai
à M. le ministre de l’intérieur ou à M. le rapporteur de la section centrale si
par les expressions : « Le conseil règle tout ce qui est d’intérêt
communal, » on entend que l’administration des bois communaux revienne aux
communes. Vous savez que les bois sont soumis à l’administration forestière qui
nomme les gardes, règle l’arpentage, etc. Je demande si la disposition en
discussion change cet état de choses et comporte le sens que moi j’y attache.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je répondrai d’abord à l’honorable préopinant
en lui demandant s’il entend que les bois aient été rendus aux communes par la
constitution. Non sans doute. Non sans doute. Dès lors ils ne leur sont pas
rendus davantage par la disposition actuelle qui ne fait que reproduire les
termes de la constitution.
Je répondrai maintenant
à l’honorable M. Lebeau ; il commence par critiquer le projet de la section
centrale qui, selon lui, dit trop et pas assez. Suivant lui on a tort de dire :
Le conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal. Qu’est-ce cependant sinon la
reproduction du texte de l’article 31 de la constitution ? On parle des
restrictions apportées à la liberté communale par l’article 108 de la
constitution ; mais ne les avons-nous pas maintenues en insérant dans la loi un
article ainsi conçu (84) : « Le Roi peut en tout temps annuler les actes
de l’autorité communale, qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires
aux lois ou qui blessent l’intérêt général.
Si l’on demandé qui
règlera ce qui est d’intérêt communal alors que le conseil se retranchera à cet
égard dans sa force d’inertie, je répondrai que nous avons stipulé ce cas, et
donné alors à la députation le droit de régler d’office les intérêts communaux.
La supposition de l’honorable M. Lebeau est donc résolue par le projet de la
section centrale ; seulement elle l’est dans un article postérieur à celui en
discussion.
Maintenant je répondrai
à mon honorable ami M. Doignon qui combat le système de la section centrale et
propose une rédaction nouvelle. D’après l’amendement qu’il présente, le conseil
communal aurait l’administration et la direction pleine et entière de tout ce
qui est d’intérêt communal. Quant à moi, cette expression d’administration se
rapportant à un conseil communal, m’a toujours paru infiniment choquante. C’est
un abus de mots, un hollandisme, un véritable non-sens.
L’administration
est un acte de tous les jours. Un conseil ne peut donc administrer ; il ne peut
que délibérer.
Le projet de la section
centrale me paraît plus explicite que le long amendement qui vous est présenté
; j’en propose le maintien.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je n’ai fait aucune difficulté de me rallier au projet de la section centrale
parce que dans mon opinion les mots régler
et délibérer sont ici
parfaitement synonymes.
On s’est demandé si cet
article est en opposition avec le texte de la constitution. Evidemment non. La
constitution dans certains cas soumet les actes des conseils communaux et
provinciaux à l’approbation ou à la réformation de l’autorité supérieure. Il en
sera de même dans la loi communale. Il est d’ailleurs de principe qu’aucune loi
particulière ne peut déroger à la constitution.
Je pense comme le
rapporteur de la section centrale que l’amendement de M. Doignon ne peut être
adopté. Il cherche à faire prévaloir l’art. 155 de la loi fondamentale ; mais
il a perdu de vue que cet article portait : « la liberté communale telle
qu’elle sera définie par les règlements. » Comme les règlements émanaient
du souverain, c’était à lui en définitive qu’appartenait la faculté de régler
les libertés communales.
Un
honorable député de Namur a demandé si l’article en discussion rendait aux
autorités communales l’administration des bois communaux, notamment en ce qui
concerne la nomination des gardes. Sous ce rapport je lui répondrai par l’art.
128 du projet ; il porte :
« La députation
provinciale nomme les gardes des bois communaux sur une liste double de
candidats présentés par le conseil municipal ; elle en détermine le nombre pour
chaque commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions. »
S’agit-il de
l’exploitation des forêts communales, nous trouvons que les principes d’après
lesquels le conseil doit se diriger sont consacrés par les articles 74 et 75 du
projet.
M. de Brouckere. - Une interpellation de la
plus haute importance vient d’être adressée à M. le rapporteur, et il me semble
qu’il n’y a pas été répondu d’une manière satisfaisante. M. Desmanet de Biesme
a demandé si, en vertu de l’article 73, il serait changé quelque chose à la
manière dont sont administrés aujourd’hui selon la loi, les bois appartenant
aux communes. Je n’ai pas entendu qu’il ait été répondu d’une manière positive
à cette interpellation. On y a répondu par une autre interpellation.
Je
déclare, quant à moi, que je n’entends pas l’art. 73 dans ce sens, qu’il serait
apporté un changement quelconque dans l’administration des bois communaux. S’il
en était autrement, cet article ne devrait pas être voté sans une discussion
spéciale sur ce sujet, car on ne peut pas ainsi changer un mode
d’administration en vigueur depuis longues années sans examen et sans que
chacun puisse émettre son opinion. Si le gouvernement ne s’explique pas et ne
dit pas qu’il l’entend autrement, il sera bien entendu que l’article 73
n’apporte aucun changement à la manière dont sont administrés en ce moment les
bois appartenant aux communes.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande
qu’on déclare catégoriquement si l’administration des bois communaux doit
rester soumise à l’administration forestière. Si l’article 73 doit maintenir
les bois des communes sous l’administration forestière, je le combattrai et je
voterai contre.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ne pense pas que l’article puisse apporter
aucun changement à un mode d’administration consacré par la constitution, et
qui existe depuis trois ans. Je partage l’opinion de M. Desmanet, je trouve
qu’il serait mal de changer qu’il serait mal de changer ce
mode d’administration, mais cela ne doit pas l’empêcher de voter l’article dont
nous nous occupons. Il pourra, s’il le juge convenable, présenter un article
spécial, relatif à l’administration des bois des communes ; mais un article
général ne peut pas changer une chose qui existe depuis trois ans. Je l’engage
à présenter un article additionnel sur cet objet, la chambre le discutera et
prendra telle décision qu’elle jugera convenable.
M. Lebeau. - Je demande la remise à demain. Je désirerais
entendre M. le ministre des finances, dans les attributions de qui est
l’administration des forêts.
M. de Brouckere. - J’avais entendu l’article
comme M. le rapporteur. Je n’ai pris la parole que pour qu’il ne reste aucun
doute sur sa portée. L’interprétation de M. Desmanet m’avait surpris, car je ne
trouvais pas que dans l’article il fût question de l’administration des forêts
; je ne savais pas où il avait été chercher cela. Mais l’interpellation avait
été faite, et je craignais que si on ne s’en expliquait pas, on n’attribuât
plus tard à cet article une portée qu’il n’a pas. Personne n’a entendu faire
d’innovation sur la manière dont les bois communaux sont administrés.
Si M. Desmanet croit
qu’il doit être apporté un changement dans ce service, qu’il présente une
disposition, on verra ce qu’il y a à faire.
- La séance est levée à
4 heures un quart.