Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17 juillet 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2)
Proposition de loi fixant les droits sur les céréales (essentiellement le
froment et le seigle) (Coghen, Meeus,
Coghen, Rogier, A. Rodenbach, Eloy de Burdinne, Legrelle, Smits, d’Huart,
Meeus, Legrelle, de Muelenaere, Dumont, A. Rodenbach, de Muelenaere,
Rogier, Legrelle, Helias d’Huddeghem, Smits, Dumont, Meeus, Rogier,
Coghen, Rogier, de Theux, d’Huart, Dumont, Dewitte, Verdussen, Rogier, Pirson, Rogier, Pirson,
Legrelle, Helias d’Huddeghem, Dumont, Rogier, Devaux,
d’Huart, Rogier, A. Rodenbach, Coghen, Legrelle, Rogier, A. Rodenbach, Meeus, Eloy de Burdinne, A. Rodenbach, de Muelenaere, Lardinois, A. Rodenbach, Pirson, Verdussen, Eloy de Burdinne, Verdussen, Dumont, Eloy de Burdinne, A. Rodenbach, Coghen)
(Moniteur
belge n°199, du 18 juillet 1834)
(Présidence de M.
Raikem)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. H.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« L’administration commerciale d’Oltergem demande l’établissement d’un tribunal de première
instance à Alost, et que cette ville soit le chef-lieu d’arrondissement. »
- Renvoyée à la commission chargée de l’examen
du projet de loi présenté par MM. Dewitte et Desmet.
________________
« L’administration communale d’Haeltert demande l’établissement d’un chef-lieu
d’arrondissement à Alost, et que les cantons d’Herzele, Ninove, soient détachés
de l’arrondissement d’Audenaerde, pour faire partie de celui d’Alost. »
Renvoyée aux commission chargées de l’examen
sur les circonscriptions des justices de paix et du projet de loi présenté par
MM. Dewitte et Desmet.
________________
« Le sieur Louvre, ancien receveur, à
titre onéreux, des taxes municipales de Liége, demande une pension de
retraite. »
________________
« Le sieur Destaville,
visiteur de la douane, adresse des considérations sur l’exercice du droit de
préemption. »
________________
« Un grand nombre de propriétaire de
terres, situées dans
________________
« Le sieur A. de Mulder, milicien de 1827,
demande que les miliciens de 1826 et 1827, soient renvoyés dans leurs
foyers. »
________________
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la
commission des pétitions.
________________
« Le sieur Dubois, bourgmestre, adresse
des observations sur les amendements introduits dans les articles 5 et 6 de la loi communale. »
- Déposé au bureau des renseignements.
Un congé est accordé à M. de Robaulx.
________________
M. le président
donne lecture de la lettre suivante :
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous informer que le
21 de ce mois un Te Deum sera chanté en l’église des Saints Michel et Gudule à
l’heure ordinaire, à l’occasion du troisième anniversaire de l’inauguration du
Roi.
« Si la chambre juge convenable de se
rendre en corps à la cérémonie, des ordres seront donnés pour qu’une escorte de
troupes soit mises à sa disposition. Je vous prie en conséquence, M. le
président, de vouloir bien me donner connaissance, dans le plus bref délai
possible, de la résolution qui sera prise à cet égard.
« Le ministre de l’intérieur, C.
Rogier. »
- La chambre, consultée, décide qu’elle se
rendra en corps au Te deum qui sera chanté, le lundi 21 de ce mois, en
l’honneur du troisième anniversaire de l’inauguration du Roi. »
Un membre. - A quelle heure a lieu la cérémonie ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - A onze heures.
Discussion des articles
Articles du tarif
M. Coghen, rapporteur, présente le rapport de la section
centrale, à laquelle la chambre a renvoyé la question du droit progressif. Les
conclusions de la section centrale sont le maintien du droit fixe.
M. Meeus. - Si j’ai bien compris l’honorable rapporteur de la section centrale,
les membres sont restés d’accord sur ce point, qu’il n’y avait rien à changer
au projet présenté par elle. Je dois vous faire quelques réflexions à ce sujet.
Je comprends que plusieurs membres de cette
chambre, grands partisans de la protection à accorder soi-disant à
l’agriculture, fassent leurs efforts pour faire majorer les droits actuellement
existants ; mais je ne puis concevoir que non contents d’obtenir cette faveur
qu’ils demandent pour l’agriculture, ils viennent, sans que les chambres de
commerce aient été consultées, sans que le commerce ait en aucune manière émis
son opinion, établir un maximum et un minimum et baser là-dessus un système de
droits fixes. Car, lorsque les chambres de commerce ont été consultées, de quel
projet de loi s’agissait-il ? D’un projet de loi présenté par un honorable
membre, qui s’est rendu fameux dans cette discussion, je veux parler de M. Eloy de Burdinne. (Hilarité.) Vous remarquerez que le
projet de la section centrale est entièrement opposé à celui présenté par cet
honorable orateur.
Les chambres de commerce ont-elles été
consultées sur cette question : « Le droit étant décidé, convient-il
d’établir un minimum et un maximum ; ou cette deuxième question étant décidée,
doit-on préféré un droit progressif à un droit fixe ? » Evidemment cette
question n’a pas été proposée aux chambres de commerce. Or, il me semble que,
dans une telle question, c’est une question de pudeur : qu’après avoir accordé
à l’agriculture tous les avantages possibles, lui avoir concédé un privilège de
droits énormes, après avoir, comme l’a dit hier l’honorable M. Smits, assuré à
l’agriculture une protection telle que jamais aucune industrie n’en a obtenu
une semblable, vous ne soyez pas encore satisfaits, vous venez encore entraver
le commerce dont une partie déjà est passée en Hollande, détruire le commerce
d’Anvers, et cela sans consulter les chambres de commerce. C’est, je le répète,
une question de pudeur.
Si la chambre prend une telle
détermination, je me confierai dans la sagesse du sénat qui doit aussi discuter
cette loi. Sans doute les membres du sénat, tous grands propriétaires, seraient
personnellement intéressés à voter une loi protectrice de l’agriculture ; mais,
sans doute, d’ici à ce que la loi soit soumise à leurs délibérations, ils
seront éclairés par la sagesse et par les réclamations du commerce ; et il sera
évident pour eux que la loi en discussion, sans offrir d’avantages réels à
l’agriculture, est la ruine du commerce.
J’insiste pour le renvoi devant les
chambres de commerce et pour que la chambre attende leur avis. Jusque-là,
contentez-vous de majorer les droits de manière, puisque vous craignez tant, à
ne pas avoir à craindre les importations de l’étranger. N’allez pas, pour
satisfaire les propriétaires, les cultivateurs, sacrifier l’intérêt général et
celui du commerce.
M. Coghen, rapporteur. - Ce que réclame l’honorable
préopinant a été fait : M. le ministre de l'intérieur a envoyé aux chambres de
commerce le projet de loi en discussion. Les rapports ne sont peut-être pas
tous rentrés. Mais assurément les chambres de commerce ont été consultées sur
le projet de la section centrale comme elles l’ont été sur celui de M. Eloy de Burdinne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est vrai que le projet de loi
de la section centrale a été soumis à l’avis des chambres de commerce. Mais
telle était aux yeux des membres de la section centrale l’urgence d’une loi sur
les céréales, qu’ils m’avaient à peine accordé 48 heures pour recevoir ces
avis.
Ils ont été demandés, plusieurs me sont déjà
parvenus. Mais vous sentez qu’ils se ressentent de la précipitation avec
laquelle ils ont été donnés ; aussi ces renseignements ne sont-ils pas propres
à former une conviction. J’ai déjà eu l’honneur d’en écrire à M. Coghen, en lui
demandant de solliciter de la chambre la remise à une autre époque de la
discussion de la loi.
Mais la
chambre n’a pas cru devoir s’arrêter à cette demande. Elle a décidé qu’il
serait passé outre. Des avis sont arrivés, mais les chambres de commerce n’ont
pas assez de temps pour mûrir leur opinion, surtout pour la motiver. J’ai déjà
eu occasion de dire à la chambre plusieurs fois que les chambres de commerce étaient
partagées d’opinion, que les unes avaient répondu qu’elles auraient préféré le
système proposé par M. Eloy de Burdinne au système adopté par la section
centrale, et que d’autres repoussaient tout nouveau système et demandaient
qu’on s’en tînt à ce qui existe.
Du reste, si l’on croit que les avis de ces
chambres peuvent être utiles à la discussion, je pourrais aller au ministère
les recueillir et les mettre sous les yeux des membres de la chambre. Mais je
déclare qu’on y trouvera peu de lumières.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, s’il s’agissait de frapper les céréales étrangères d’un droit
excessif, je demanderais moi-même le renvoi aux chambres de commerce, quoique
depuis six mois les projets aient été envoyés à ces chambres. Mais il ne s’agit
ici que d’un droit de 3 fr. par hectolitre, qui se réduit en réalité à 2 fr.
car vous savez qu’en matière de douane, trois ne font pas trois, ils ne font
souvent que deux. De même l’impôt sur le seigle, qui est de 1 fr. 50 c., se réduira à un franc, par la même raison que je viens
d’exprimer à l’égard du froment.
Nous ne devons pas craindre de mettre un droit
aussi faible sur les grains étrangers maintenant que le froment est à 13 fr. et
le seigle à 8 fr. car, avec les déclarations, le droit sur le froment ne sera
pas de plus de 21 p. c. et sur le seigle de 15 p. c.
Nous avons d’autres produits qui jouissent
d’une semblable protection, il suffit de jeter les yeux sur notre tarif de
douane pour s’en convaincre.
En France et en Angleterre, les
droits sont bien autrement élevés. En France, au prix actuel de 13 francs
l’hectolitre, on ne paie pas deux ou trois francs de droit, mais 15 fr. En
Angleterre, pays le plus commercial du monde entier, on paierait au prix de 13
fr. auquel est maintenant le froment en Belgique, 26 fr. 40 c. de droit. Voilà
des impôts exorbitants, des droits d’entrée qui seraient de nature à effrayer.
Il n’y a donc pas d’inconvénient à voter la
loi, et il y en aurait de très grands à en retarder le vote, car les spéculateurs
auraient le temps de faire venir des grains, et un retard de quinze jours
suffirait pour empêcher l’effet de la loi.
M. Eloy de
Burdinne. - Je ne puis pas concevoir comment une question aussi simple
que celle soumise à la chambre puisse donner lieu à longues discussions. En
vérité, si nos contradicteurs, si les honorables membres qui prétendent qu’une
loi protectrice de l’agriculture n’est pas nécessaire, s’étaient donné la peine
de voir toutes les discussions qui ont eu lieu dans les chambres françaises en
1819, 1821 et 1832, certes ils ne s’efforceraient pas de nous convaincre que la
loi est inutile. Un honorable membre a dit hier que c’était sous l’empire de M.
de Villèle que la loi française avait été adoptée. On a ajouté que M. de
Villèle était un grand propriétaire, et qu’il n’était pas étonnant si sous son
ministère on avait adopté une loi protectrice de la propriété.
Je ferai remarquer que la loi la plus favorable
à l’agriculture, celle qui a été le plus élaborée et qui doit servir de type,
c’est la loi de
Une voix. - Il n’y ni maximum ni minimum.
M. Eloy de
Burdinne. - Je renoncerais au système de maximum et de minimum pour le
système français. Je me rallierais ainsi à l’opinion de M. de Robaulx qui est
de nous rapprocher du système français, puisque nous sommes sur le point de
faire un traité de commerce avec
Plusieurs voix. - A la motion de M. Meeus !
M. Eloy de
Burdinne. - M. Meeus est entré dans de longs développements qui se
rattachent au fond. Si cet honorable membre a pu s’écarter de l’ordre du jour,
je crois avoir le même droit. Ici personne n’a de privilège, chacun peut user
du même droit, et j’en userai, si toutefois cela plaît à la chambre ; car ;
j’aime singulièrement à plaire à la chambre et même à tous ceux qui me
contredisent.
M. Meus a dit qu’il fallait protéger le
commerce de grains par le motif que les navires qui vous apportaient des grains
servaient à emporter les produits de votre industrie. J’ai déjà eu l’honneur de
dire qu’on ne pouvait pas craindre de manquer de navires pour transporter les
produits de notre industrie. En effet, en 1832, il est entré dans nos ports 875
navires chargés de grains, sur 1255 entres dans les 11 premiers mois.
Il en est
sorti 1256, et sur ce nombre, 1020 sont partis sur lest, c’est-à-dire, qu’outre
les 875 navires qui nous ont apporté les grains, il est sorti sur lest 145
navires qui avaient apporté des cafés, des vins, etc. Ainsi, dans le cas où il
ne serait pas entré de navires chargés de grains, il serait encore sorti 145
navires sur lest. Messieurs, il peut y avoir trop de commerce de grains, et il
y en aurait trop si ce commerce nous enlevait plus que notre superflu, ce que
je ne veux pas ; car je ne veux pas qu’il nous enlève ce dont nous avons besoin
Mais ce n’est pas ce commerce d’exportation qu’on veut favoriser. Quant au
commerce d’importation, il serait inutile d’y chercher les moyens d’exporter
nos produits, car ils sont refusés partout. Mais nous, nous sommes assez
bénévoles pour recevoir ceux des autres, quand nous ne savons que faire des
nôtres.
M. le président.
- Voici la proposition de M. Legrelle :
« Je demande que les chambres de commerce
soient consultées sur la préférence à accorder au droit fixe ou progressif,
avant que la chambre ne statue sur cette question. »
M. Legrelle.
- C’est la proposition qu’avait faite verbalement M. Meeus. Je l’ai mise par
écrit, parce que j’ai entendu M. le président dire qu’il n’avait pas de
proposition faite. II n’y a rien de plus rationnel que cette proposition. En
effet, de quoi s’agit-il ? d’établir un droit fixe ou
un droit progressif. C’est là toute la question. Je n’aborderai que celle-là.
J’ai entendu M. le rapporteur a dit qu’il était inutile de consulter davantage
les chambres de commerce, sur une question sur laquelle elles ont déjà été consultées.
Je dois combattre cette assertion. L’honorable rapporteur n’a pas réfléchi que
la question n’est plus la même qu’à l’époque où les chambres de commerce ont
été consultées. Alors le principe de l’augmentation n’était pas voté, et la
chambre n’avait pas décidé non plus qu’il y aurait un maximum et un minimum.
Les chambres de commerce n’ont pu donner leur
opinion sur la question actuellement soumise à vos délibérations, celle de
savoir si, dans ces circonstances, il convenait d’adopter un droit fixe ou un
droit progressif. J’insiste en conséquence pour que nous puisions de nouvelles
lumières près des chambres de commerce. Je ferai remarquer que les rapports de
ces chambres de commerce ne se feront pas attendre aussi longtemps qu’on paraît
le penser. Dans trois ou quatre jours au plus vous les aurez. La chambre ne
perdra pas de temps pour cela, car elle pourra s’occuper du tarif pendant qu’on
attendra les renseignements demandés aux chambres de commerce.
Je déclare, quant à moi, que ces renseignements
sont indispensables ; car, quoiqu’appartenant à une ville qui a un grand
intérêt dans la question, je ne saurais maintenant à quel système donner la
préférence. Le principe voté hier ne nous empêche pas d’examiner si entre le
maximum et le minimum il vaut mieux établir un droit fixe ou un droit
progressif.
Dans une question semblable, ce
serait faire abnégation des convenances et, comme l’a dit l’honorable M. Meeus,
de pudeur, que de se refuser à consulter les chambres de commerce qui sont les
juges naturels.
L’intérêt des agriculteurs n’est nullement
compromis par ma proposition ; car dans quelques jours on aura les rapports, et
la chambre n’aura pas discuté les autres parties de la loi avant qu’il ne nous
soient parvenus.
On n’a donc pas de motif pour s’opposer à ce
qu’on prenne l’avis des chambres de commerce.
M. Smits.
- Les chambres de commerce du royaume ont été consultées sur la proposition de
M. Eloy de Burdinne, dont le but était d’établir un droit progressif sur les
céréales. Elles se sont, à cette époque, occupées uniquement de cette question.
Plus tard la section centrale ayant proposé un système de maximum et de minimum
auquel s’est rallié M. Eloy de Burdinne, les chambres de commerce ont alors
examiné cette question et ont eu deux fois vingt-quatre heures seulement pour
donner leur avis motivé. Elles n’ont pu se prononcer sur la question de savoir
s’il fallait établir un droit fixe ou un droit gradué, attendu qu’elles
n’avaient pas été consultées à cet égard. Je pense donc que la chambre pourrait
prendre en considération la proposition de M. Meeus, qui tend à renvoyer
l’amendement présenté dans la séance précédente à l’avis de ces corps qui ont
intérêt à faire connaître leur opinion à cet égard. De cette manière nous pourrons
nous entourer de toutes les lumières que nous pouvons désirer. La loi a trop de
portée pour que nous avancions avec trop de précipitation. Il n’y aurait au
surplus qu’un délai de quelques jours. M. le ministre de l'intérieur pourrait
exiger les rapports dans un terme de trois fois vingt-quatre heures.
M. d’Huart. - Je ferai remarquer à l’assemblée que d’une
part M. le ministre de l'intérieur vient de dire que lorsque le projet de la
section centrale a été envoyé à l’avis des chambres de commerce du royaume,
elles n’ont pas eu le temps d’examiner suffisamment en deux fois 24 heures les
questions qui leur ont été soumises, et que d’une autre part les adversaires du
projet prétendent que le renvoi de la question soulevée ne retardera la
discussion de la loi que de trois jours au plus. M. le ministre de l'intérieur,
s’il exprime sa pensée (et s’il prend la parole, je suis persuadé qu’il
l’exprimera) avouera lui-même qu’il faut un mois pour examiner mûrement la
question de l’adoption d’un droit fixe ou d’un droit gradué, parce qu’il faudra
non seulement consulter les chambres de commerce, mais également les
commissions d’agriculture. Or, un mois, au point où la section centrale en est,
c’est un an pour nous. C’est le renvoi de la loi à la session prochaine. C’est
disons-le, le rejet pur et simple de la loi.
Car, si la chambre décide que la question doit
être envoyée à l’avis des chambres de commerce du royaume, nul doute que ces
corps, qui ont en général intérêt à repousser la loi, apporteront du retard
dans l’envoi de leur opinion, et votre décision aura eu pour objet d’ajourner
indéfiniment une loi dont l’urgence a été suffisamment démontrée ; lorsque les
avis des chambres de commerce arriveront, vous ne serez plus réunis.
Il faut remarquer d’ailleurs que, chaque fois
qu’une nouvelle question se présentera dans la discussion de la loi des
céréales, les adversaires du projet vous en demanderont probablement le renvoi a l’avis des chambres de commerce. Aujourd’hui que le
système de maximum et de minimum a été adopté par la chambre, on vient lancer
au travers de la discussion un système nouveau qui nécessite, selon ses
partisans, l’avis des chambres de commerce. Il en sera de même plus tard si
vous admettez la demande de renvoi.
Au surplus, si des avis déjà émis
par ces corps signifiaient quelque chose, on en aurait fait ressortir
l’opinion. Mais comme il est probable qu’elles n’ont pas donné de. bonnes raisons contre le projet, ou n’a pu s’étayer de ces documents.
Les chambres de commerce doivent, par leur nature, savoir au premier abord si
tel ou tel système est convenable. Ce n’est pas au bout d’un mois qu’elles
seront plus éclairées. Je conclus donc au rejet de la proposition de M. Legrelle.
Plusieurs voix. - La clôture !
M. Meeus. - Messieurs, je viens m’opposer à ce que la clôture soit prononcée,
parce que la question soulevée par l’honorable M. Coghen et moi n’est pas
suffisamment éclaircie. Veuillez remarquer que d’abord le langage de M. d’Huart
vous prouve qu’il n’a pas bien compris ma proposition. Je n’ai pas dit qu’en
attendant que les chambres de commerce eussent émis leur avis, il fallait que
la majorité de la chambre consentît à voir ajourner la discussion de la loi sur
les céréales.
J’ai dit au contraire que pendant cet
intervalle un membre de cette majorité pourrait proposer d’élever le droit
actuel au taux de 37 francs par exemple. Par conséquent vous n’avez pas à
craindre que, pendant que les chambres de commerce s’entoureront de nouveaux
documents, il y ait des importations considérables de grains. Vous aurez
apporté à l’agriculture la protection dont vous croyez qu’elle a besoin, et
vous aurez fait en même temps une chose juste et raisonnable en consultant le commerce
à propos d’une question qui est tout à fait dans son domaine. Il ne faut pas
que vous alliez tuer le commerce. Il me semble que la chambre peut admettre la
proposition de M. Legrelle, sans craindre qu’elle n’ait pour but d’écarter la
discussion de la loi. Nous vous disons : Mettez un droit sur les grains ; mais,
avant d’établir définitivement un nouveau système consultez de nouveau les
chambres de commerce, afin de savoir s’il sera progressif ou bien s’il sera
fixe.
L’agriculture sera suffisamment protégée
lorsque vous aurez élevé le droit de 5 p. c.
L’honorable M. d’Huart a prétendu que l’on n’a
pas réfuté les raisons mises en avant pour l’adoption du système de maximum et
de minimum. Je dirai à mon tour que l’on n’a pas répondu aux arguments que j’ai
avancés contre ce système.
M. H.
Dellafaille - Je demande que M. Meeus veuille bien se renfermer dans la
question et parler sur la clôture.
M. Meeus. - Il m’est impossible de parler contre la
clôture sans entrer dans quelques explications relatives à cette question dont
on veut arrêter la discussion à son origine. Je dois motiver le rejet de la
clôture que je demande, et je me fonde sur cette raison, que la question n’a
pas été controversée. M. H. Dellafaille est peut-être suffisamment éclairé.
J’avoue que pour ma part on n’a pas suffisamment répondu à ma proposition.
Je crois que la chambre ferait une chose
équitable, rationnelle : ainsi je protégerai efficacement à sa manière
l’agriculture, en attendant l’avis des chambres de commerce sur l’adoption d’un
système nouveau. Vous voyez donc, messieurs, que mon intention, en demandant
qu’elles soient consultées, n’a pas été d’ajourner la discussion.
M. Legrelle. - Il est important que la
question soulevée par la proposition de M. Meeus et moi soit suffisamment
discutée. M d’Huart a fait ressortir les inconvénients qui pourraient résulter
du retard que le renvoi aux chambres de commerce ferait éprouver à la loi. Je suis
loin de désirer pour ma part que la discussion soit remise indéfiniment. Je
proposerai même que si mardi prochain les chambres de commerce d’Anvers
n’avaient pas répondu, nous passions outre et procédions à la continuation de
l’examen du tarif. Mais je désire ardemment que nous puissions consulter ceux
qui sont en position de nous donner de bons conseils. Je vous dirai franchement
que, bien qu’appartenant à une ville de commerce, je ne suis pas encore à même
de donner mon vote sur le mode de droit à établir sur les céréales.
M. de Muelenaere.
- J’avais demandé la parole pour m’opposer à la clôture. Il m’a semblé qu’il y
avait un moyen très simple de résoudre la question soulevée par M. Legrelle. Je m’oppose donc à la
demande de clôture qui ne me permet pas de le développer.
Plusieurs voix. - Il faut laisser parler M de Muelenaere.
M. le président.
- Je ne puis accorder la parole à M. de Muelenaere que sur la clôture. Si
personne ne demande la parole, je mettrai aux voix la clôture.
M. Dumont. - La proposition de M. Legrelle n’a pas
été suffisamment discutée. L’agriculture et les consommateurs sont
désintéressés dans la décision du système de droit.
Je ne vois pas de dangers à différer de
quelques jours la discussion de la loi. Il est juste de connaître l’opinion du
commerce, dans une question qui l’intéresse exclusivement. Je demande donc que
la clôture ne sait pas prononcée, d’autant plus qu’il serait convenable
d’entendre M. de Muelenaere.
M. A. Rodenbach.
- Je me prononcerai en faveur de la clôture, par les raisons développées par M.
d’Huart.
M. Meeus se plaint de ce que n’ait pas répondu
à ses arguments. Puisque j’ai la parole...
Voix nombreuses. - Parlez sur la clôture.
- La clôture est mise aux voix ; elle n’est pas
adoptée.
M. A. Rodenbach. - Je m’opposerai au renvoi
de la proposition de M. Legrelle aux chambres de commerce attendu que les
chambres de commerce ont déjà été consultées sur la même question.
On dit que les chambres de commerce à qui le
projet de M. Eloy de Burdinne a été envoyé ont répondu qu’elles ne pouvaient
connaître les résultats du système progressif. Je ferai remarquer, messieurs,
que le système progressif établi en France et en Angleterre équivaut au système
de maximum et de minimum ; la chambre de commerce d’Anvers et plusieurs autres
ont rejeté ce système, ainsi les chambres du commerce ont donne leur avis tacitement.
M. de Muelenaere.
- On demande à consulter les chambres de commerce sur la question de savoir si
c’est un droit fixe ou un droit progressif qu’il faut adopter.
D’abord je me permettrai de faire remarquer à
l’assemblée que les chambres de commerce ont déjà été consultées précédemment
sur le projet de la section centrale, et qu’il résulte de la déclaration faite
ici par l’honorable M. Smits, que les chambres de commerce ont donné leur avis.
Mais, dit l’honorable membre, les chambres de commerce se sont particulièrement
occupées du maximum et du minimum, et elles ont perdu de vue la question du
droit progressif.
Il me paraît résulter de ces paroles,
messieurs, que plusieurs chambres de commerce ont traité la question du droit
progressif ; dès lors il y a utilité pour l’assemblée d’avoir les documents
fournis par ces chambres, et je crois que M. le ministre de l'intérieur voudra
bien les déposer sur le bureau.
Je désire que les chambres de commerce donnent
leur opinion sur cette question qui, d’après les paroles de l’honorable député
de Bruxelles, pourrait avoir une grande influence sur le commerce des grains ;
mais d’un autre côté, d’après ce qu’a dit l’honorable député du Luxembourg, il
pourrait arriver qu’il résultât de la demande de nouveaux renseignements un
retard qui serait très préjudiciable : c’est ce retard, messieurs, qu’il faut
éviter.
Rien ne s’oppose, messieurs, à ce que la
chambre continue la discussion sur la loi, et que, pendant ce temps, les
chambres soient consultées. Il est probable, d’après ce qu’ont dit deux
honorables préopinants, qu’il ne faut que deux ou trois jours pour consulter
toutes les chambres de commerce qui ont une certaine
importance, sur la question qui nous occupe.
Tout ce qui importe, c’est que les
chambres de commerce soient consultées et aient émis leur avis avant que la loi
soit définitivement votée par les deux chambres ; or il est probable que la
discussion durera un ou deux jours, et il est à croire aussi que la loi ne sera
définitivement votée au sénat que dans 5 ou 6 jours au plus tôt.
S’il ne faut que 48 heures pour que les
chambres de commerce donnent leur avis, les renseignements qu’elles donneront
pourront arriver assez à temps pour être communiqués soit à cette chambre, soit
au sénat. Si les motifs exposés par les chambres de commerce sont tels que le
commerce éprouve un préjudice grave, le sénat modifiera la loi ; et
l’assemblée, lorsque le projet lui reviendra, aura sous les yeux les avis des
chambres de commerce. Nous pouvons avoir la persuasion que si ces avis ont un
caractère de gravité, le sénat a assez de sagesse et de patriotisme pour les
accueillir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, il me semble que l’on
perd de vue que la chambre a à sa disposition beaucoup plus de renseignements
que ne peut lui en fournir le ministre de l’intérieur.
C’est la chambre qui a fait l’enquête, qui a
consulté les chambres de commerce, les commissions d’agriculture et les
députations des états ; le gouvernement n’a fait que réclamer officieusement
les avis transmis par ces différents corps ; ainsi, messieurs, il y a absence
de renseignements. Je ne sais pas si un reproche ne devrait pas être adressé à
la section centrale qui, ayant à sa disposition une masse de documents, n’en a
pas fait part à la chambre. Si on avait soumis l’analyse des avis des diverses
assemblées dont j’ai parlé, la chambre aurait été plus à même de prononcer.
La question du droit progressif a été traitée
par les chambres de commerce lors de la première enquête ; j’ai été surpris que
l’honorable M. Coghen n’ait pas fourni à l’assemblée quelques renseignements,
attendu que les avis des chambres de commerce sont analysés d’une manière très
incomplète.
L’enquête a porté sur la proposition de M. Eloy
de Burdinne qui proposait le tarif progressif : reste la question du maximum et
du minimum, ; sur ce point, les chambres de commerce
n’ont point été consultées convenablement. J’ai déjà dit que, lorsque
l’honorable M. Coghen m’avait remis le projet de la section centrale, j’avais
été pressé de renvoyer ce projet, et qu’on ne me donnait que quarante huit
heures pour le soumettre aux chambres de commerce. Ces assemblées ont en effet
renvoyé le projet dans les trois jours.
Les
chambres de commerce ont été divisées d’opinion sur le projet ; d’après
quelques-unes, il ne fallait rien innover au tarif actuel, et plusieurs autres,
car il ne faut pas croire que le commerce se soit déclaré l’adversaire de toute
protection à l’agriculture, plusieurs autres se sont prononcées en faveur des
droits protecteurs. D’un autre côté, des commissions d’agriculture se sont
prononcées contre des droits protecteurs. Ainsi, messieurs, il y a eu
impartialité de part et d’autre.
Je dis que l’enquête était incomplète, vu le
peu de temps donné aux chambres de commerce pour obtenir leur avis, et je
persiste à croire qu’un délai de trois jours est un délai insuffisant pour
recueillir des chambres de commerce une opinion suffisamment mûrie et
raisonnée.
Du reste, je suis prêt à communiquer les avis,
quelque vagues qu’ils soient, des chambres de commerce, du moins ceux qui me
sont parvenus.
M. Legrelle.
- J’ai l’honneur de faire observer que les avis que M. le ministre de
l'intérieur a reçus des chambres de commerce ne sont pas analogues à la
question. Reportez-vous, messieurs, au moment où les chambres de commerce ont
été consultées sur la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne, et sur le
projet de la section centrale. Lorsque M. Eloy de Burdinne a soumis sa
proposition, qui admet le droit progressif, les chambres de commerce se sont
déclarées contre : lorsque la section centrale a fait connaître son opinion,
les chambres de commerce se sont également prononcées contre. Ces assemblées
désiraient qu’il ne fût rien innové au système actuel, c’est pourquoi elles se
sont montrées contraires à l’une et à l’autre proposition ; maintenant on a
décidé qu’il y aurait une majoration de droits, qu’il y aurait même un maximum
et un minimum.
La question est changée ; il ne s’agit plus que
de soumettre aux chambres de commerce, d’après vos décisions, si les droits
seront fixes ou gradués. Je prie M. le ministre de l'intérieur de faire
attention à ces observations ; car telle est la véritable question. L’avis que
les chambres de commerce donneront ne pourra s’appliquer qu’au point où la
discussion est parvenue.
Comme l’a dit M. de Muelenaere, la
discussion peut continuer, et nous pouvons aborder la discussion du tarif.
Dans la partie du projet sur laquelle les
chambres de commerce seront consultées, l’agriculture n’est point fort engagée
(je prie l’honorable M. Eloy de Burdinne de me contredire si je me trompe).
Qu’il y ait un droit fixe ou progressif après que le maximum et le minimum ont
été adoptés, je crois que la question est en dehors de l’agriculture ; c’est
une question de commerce. C’est la question de savoir comment vous ferez moins
de mal au commerce, car vous lui ferez toujours du mal. (Légers murmures.)
Je l’ai dit, je devrais m’abstenir si la
question est mise aux voix, car je ne suis pas suffisamment éclairé à cet
égard.
M. Helias d’Huddeghem. - Avant de vous séparer il y a
trois semaines, les bases du projet étaient arrêtées ; ces bases ont été soumises
aux chambres de commerce et aux députations des états.
Je me suis assuré à Gand que non seulement les
membres des députations, mais les chambres de commerce, ont trouvé que s’il y
avait quelque chose à redire aux projet, c’était que
le minimum était trop bas. Maintenant, puisque la question du minimum est
décidée, il est inutile de renvoyer le projet de nouveau aux chambres de
commerce.
La section centrale a eu des documents, mais
elle n’a pas eu les avis des chambres de commerce. Je désirerais voir déposer
les avis de ces chambres de commerce. Mais ajourner la discussion pour obtenir
un avis ultérieur de ces chambres me paraît être une tentative de nous priver
pour cette année encore de la protection dont notre agriculture a besoin. Je
m’opposerai en conséquence à tout ajournement.
M. Smits. - M. Legrelle a à peu près fait les
observations que je me proposais de présenter à la chambre. Cependant, je ne
comprends pas trop comment la chambre pourrait continuer la discussion sur le
tarif alors que c’est précisément sur ce tarif qu’on désire que les chambres de
commerce soient consultées. On ne pourrait s’occuper que du droit de sortie et
de transit. Ce serait une manière d’opérer plus ou moins irrégulière. Je crois
que si on consultait dès aujourd’hui les chambres de commerce, les rapports
pourraient nous être parvenus mardi ou mercredi. Il faut leur laisser au moins
trois jours pour se réunir et délibérer ; on pourrait alors reprendre la
discussion.
M. Dumont. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre.
Il me paraît qu’il y a deux motions en
discussion.
M. Meeus. - Et la vôtre fera trois !
M. Dumont. - De
l’adoption de l’une de ces motions dépend le sort de l’autre. Je proposerai de
mettre d’abord aux voix la proposition de M. de Muelenaere d’inviter le
ministre de l’intérieur de déposer les divers rapports qu’il a reçus. Il est
possible qu’en examinant ces rapports et surtout celui de la chambre de
commerce d’Anvers, chacun de nous trouve des renseignements suffisants pour
former son opinion. Dès lors la motion de M. Meeus serait sans objet. Je
demande donc qu’on s’occupe d’abord de la proposition de M. de Muelenaere.
M. le président.
- Je prie M. de Muelenaere de déposer sa proposition.
M. de Muelenaere.
- J’ai demandé simplement le dépôt des rapports.
M. Meeus. - Je demande la parole pour répondre aux observations de M. de Muelenaere. Il vous a dit :
Continuons à discuter la loi pendant que nous demandons les avis des chambres
de commerce ; nous pourrons les avoir en 48 heures ; si la loi était votée
avant que ces avis fussent arrivés et qu’ils fussent de nature à faire modifier
la loi, nous pourrions nous confier dans la sagesse du sénat pour espérer ces
modifications. Il me semble qu’il pourrait raisonner ainsi s’il était vrai que
les chambres de commerce se trouvent assemblés, alors qu’on adresse une lettre
à leur président, pour avoir l’opinion d’une chambre. Il faut qu’il ait le
temps de rassembler les membres. Souvent ceux qui connaissent le mieux la
matière sont à la campagne ou absents. Vouloir un avis en 48 heures, c’est n’en
pas vouloir. Supposons qu’ils puissent arriver en 48 heures ou assez à temps
pour que le sénat modifie le projet adopté par la chambre des représentants ;
mais la plupart des membres qui soutiennent le projet de loi actuel, et tout le
premier l’honorable M. Eloy de Burdinne qui, je le répète, s’es rendu fameux
dans cette discussion, vous a dit qu’il fallait de toute nécessité que la loi
fût rendue de suite, parce que sans cela l’agriculture serait aux abois. J’ai
même entendu dire derrière moi que les importations étaient imminentes, que des
cargaisons énormes allaient arriver. Je sais que la chose est impossible ; mais
le fût-elle, le droit ayant été augmenté, vous n’auriez plus les importations à
craindre.
L’agriculture qui, dit-on, va tomber
(pour ma part, je désire qu’elle soit toujours aussi prospère qu’elle l’est
aujourd’hui), pourrait être fort tranquille ; et le commerce maritime, dans la
sollicitude que lui montrerait la chambre, verrait qu’il est appelé à jouer un
rôle en Belgique. Mais d’après la manière dont nous y allons, il ne jouera plus
dans notre pays qu’un fort pauvre rôle. (Aux
voix ! aux voix !)
Un membre. - Si le ministre consent à communiquer les
rapports qu’on lui demande, il est inutile de voter.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je consens à communiquer les
derniers avis qui m’ont été adressés par les chambres de commerce. Je ne les ai
pas tous, mais je les ferai prendre et je commencerai par communiquer ceux que
j’ai en main.
M. Coghen, rapporteur. - Je désire répondre quelques mots
aux regrets exprimés par M. le ministre de n’avoir pas trouvé dans mon rapport
assez de développement des motifs qu’ont fait valoir à l’appui de leur opinion
les chambres de commerce, les comités d’agriculture et les états-députés.
Dans l’analyse que j’ai donné de ces
opinions dans mon rapport, j’ai pris ce qu’il y avait de plus saillant pour et
contre tel ou tel système. Je ne pouvais pas faire autre chose, à moins de
copier textuellement dans mon rapport tous les documents qui nous ont été
transmis.
Au reste, quand j’ai fait mon rapport, comme je
l’ai déposé avec tous les documents que nous avions recueillis, chacun des membre de la chambre a pu en prendre inspection.
Quant aux nouveaux rapports, M. le ministre les
a, et parmi ceux-là, nous en trouverons qui n’ont pas été faits en 48 heures,
car il en est encore arrivé aujourd’hui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est en effet arrivé encore un
rapport aujourd’hui ; c’est celui de la chambre de commerce de Charleroy qui
répond : « Nous n’avons plus rien à vous dire attendu que les principes
sur lesquels vous nous consultés ont été discutés et adoptés par la
chambre. »
M.
de Theux. - Messieurs, l’objet de la discussion se trouve
considérablement restreint. Si le ministre de l’intérieur a plusieurs rapports
de chambres de commerce, il aura la bonté d’en donner lecture. De cette manière
nous pourrons plus facilement connaître s’il y a lieu de consulter
ultérieurement ces chambres de commerce. Dans mon opinion cela n’est pas
nécessaire, car le système des droits gradués leur a été soumis, et les raisons
qu’elles ont émises sur le système des droits gradués en général, doivent être
appliquées à ce système entre le maximum et le minimum, et leur demander leur
avis sur ce point serait les consulter deux fois sur le même objet. Au reste,
attendons les communications.
M. d’Huart. - Le commerce a déjà été consulté sur le
point sur lequel on veut lui demander son avis. La section centrale a fait
connaître aux chambres de commerce qu’au lieu du système de droits gradués
présentés par M. Eloy de Burdinne, elle proposait d’établir entre un maximum et
un minimum un droit fixe de 3 fr. par hectolitre. Si les chambres avaient
préféré qu’on mît entre le maximum et le minimum un droit proportionnel plutôt
qu’un droit fixe, elles l’auraient dit ; car en demandant leur avis, on leur a pas prescrit d’opter entre les deux systèmes.
Au surplus, si, après que la loi sera votée, la
presse ou les chambres de commerce présentaient de nouvelles vues sur la loi
telle qu’elle aura été adoptée par la chambre des représentants, le sénat leur
prendra en considération.
Je demande donc que la discussion continue.
M. Dumont.
- Tout à l’heure, en demandant qu’on s’occupât de la proposition de M. de
Muelenaere, mon intention était de faire suspendre la discussion sur la
proposition de M. Meeus jusqu’à ce qu’on ait pu entendre la lecture des avis
des chambres de commerce.
Je pense, comme M. de Muelenaere, qu’on
pourrait consulter les chambres de commerce sans interrompre la discussion de
la loi. Il se passera encore 5 à 6 jours avant le vote définitif. On pourrait
arrêter le point sur lequel les chambres de commerce seraient consultées, et
leurs avis arrivant avant le vote définitif, la chambre les examinerait et
reviendrait, s’il y avait lieu, sur sa première décision.
On pourrait au besoin reculer d’un jour ou deux
le vote définitif.
Je demande maintenant que la discussion soit
ouverte sur le dernier rapport de la section centrale, sur la question de
savoir si ce droit sera fixe ou proportionnel sauf à revenir sur la motion de
M. Meeus, lorsque les rapports des chambres de commerce seront arrivés.
M. Dewitte. - Il y a un fait avéré :
c’est que les chambres de commerce ont été consultées sur la proposition de M.
Eloy de Burdinne et sur le rapport de la section centrale ; les derniers
rapports sont parvenus au gouvernement ; il me paraît rationnel que l’on
examine ces rapports. De l’examen des avis envoyés par les chambres de commerce
peut résulter la conviction que toute consultation ultérieure sera inutile.
M. Verdussen.
- Il est impossible de voter sur la proposition de M. Legrelle, sans examiner
les réponses du commerce qui sont parvenues au ministère de l’intérieur. Si ces
documents sont incomplets, il faudra nécessairement adopter la marche proposée
par l’honorable bourgmestre d’Anvers. Il serait convenable de suspendre la
séance jusqu’au moment où nous aurons communication des pièces.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je suis en mesure de lire deux de
ces rapports, dont l’un est assez long. Si la chambre le désire, j’en donnerai
lecture.
- M. le ministre de l'intérieur donne lecture d’une partie du
rapport de la chambre de commerce de Ruremonde et du rapport de la chambre de
commerce de Verviers. (Note du webmaster
: ces rapports sont ensuite repris in-extenso dans le Moniteur belge. Ils ne
sont pas repris dans cette version numérisée).
M. Pirson. - Le
rapport de la chambre de commerce de Ruremonde est insignifiant. Quant à celui
de Verviers, je m’étonne que ce soit précisément l’une des ville
les plus éloignées du royaume qui ait répondu la première.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais ce que cela veut dire.
M. Pirson. -
Vous me répondrez. Le rapport de la chambre de commerce de Verviers n’est que
l’amplification de certain discours prononcé dans cette enceinte. Je ferai une
seule observation sur ce rapport. C’est qu’il s’élève contre tout système de
prohibition, et si j’ouvre le tarif de douanes, j’y lis : Draps, casimirs,
etc., qui proviennent de France : prohibés
! (Hilarité.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais pas ce que l’honorable
M. Pirson a voulu dire en faisant remarquer que le rapport de Verviers est
arrivé avant les autres. J’espère que la chambre n’aura pas compris M. Pirson. Je me dispenserai donc de
lui répondre. Je ferai seulement observer que j’ai là les deux rapports que
j’avais sous la main. La circulaire adressée aux chambres de commerce date du
30 juin. La réponse de celle de Verviers est du 17 juillet. Il n’y a donc pas
eu de précipitation dans la réponse.
M. Pirson. - Je n’ai pas accusé la loyauté de M.
le ministre de l'intérieur. J’ai seulement voulu exprimer mon étonnement que
l’on nous ait dit que les chambres de commerce n’avaient pas eu le temps de
répondre, et que cependant celle de l’une des villes les plus éloignées de la
capitale ait eu le temps d’adresser son rapport.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Plusieurs chambres de commerce
ont répondu à ma circulaire du 30 juin. J’ai lu, comme je l’ai dit, les seuls
rapports que j’eusse à la chambre. Je suis, en vérité, honteux de devoir entrer
dans tous ces commérages.
M.
Legrelle. - Il est inutile d’entendre la lecture des autres rapports.
Ils ne disent pas davantage sur le droit gradué. Je pense qu’il vaudrait mieux
gagner du temps en votant sur ma proposition.
L’avis des chambres de commerce n’a pas été
demandé sur la question qui nous occupe. L’honorable M. de Theux a dit que ces
corps avaient été consultés sur la question de savoir s’il faut adopter un
droit fixe ou un droit gradué. Il est vrai qu’il était question dans le projet
de M. Eloy de Burdinne d’un droit gradué. Mais elles l’examinaient en général,
et en le rejetant, la chambre de commerce d’Anvers n’a pu examiner ce système
en particulier. Aujourd’hui que nous avons voté l’adoption d’un droit de
maximum et de minimum, il est nécessaire de poser aux chambres de commerce du
royaume la question de savoir s’il fait adopter un droit fixe ou un droit
gradué.
M. Helias d’Huddeghem. - Il est positif que les chambres
de commerce, en discutant le projet de la section centrale, ont
eu à examiner s’il était convenable ou non d’adopter le système gradué. M. le
ministre de l'intérieur vient de vous donner lecture de l’avis de la chambre de
commerce d’une ville manufacturière, opposé par conséquent aux intérêts
agricoles. Mais je désirerais qu’on lui opposât l’avis de la chambre de
commerce de Gand qui ne peut manquer d’être favorable à la loi.
Si des membres de cette chambre
avaient fait la proposition formelle d’adopter le système gradué, je concevrais
que l’on demandât l’avis des chambres de commerce du royaume ; mais puisque
cette proposition n’a pas été faite, pourquoi retarder plus longtemps une
discussion qui a déjà duré 15 jours ?
M. Dumont.
- La chambre de commerce dont il convient de connaître l’avis, c’est la chambre
de commerce d’Anvers ; s’il n’est pas parvenu au gouvernement, je demande qu’on
lui donne le temps nécessaire pour répondre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’avis de la chambre de commerce
d’Anvers a été donné dans un sens tout à fait contraire à l’un ou l’autre de
ces deux systèmes. Elle n’est pas entrée dans de plus grands développements.
M. Devaux.
- Il me semble qu’il devrait être donné lecture des autres rapports. Je ferai
une question à M. le rapporteur de la section centrale. Les chambres de
commerce ont été consultées sur le projet présenté par M. Eloy de Burdinne. Si j’ai bonne mémoire, plusieurs questions
ont été posées. Je prierai M. Coghen de vouloir bien me dire si parmi ces
questions se trouvait celle-ci : Conviendrait-il d’adopter un système de droit
gradué ou de droit fixe ?
M. d’Huart. - L’observation de l’honorable préopinant
n’est plus admissible. Il ne peut plus être question du tarif gradué de M. Eloy
de Burdinne, du moment que la chambre a décidé qu’il y aurait un maximum et un
minimum. Ce que la chambre a à examiner, c’est de savoir si le droit fixe de 3
fr. par hectolitre doit être maintenu comme le propose la section centrale, ou
si le tarif doit décroître du minimum au maximum. Mais les chambres de commerce
ont donné leur avis sur le projet de la section centrale, sur la proposition
qu’elle fait d’établir un droit fixe : si elles avaient trouvé qu’un droit fixe
ne convenait pas, elles n’auraient pas admis le droit fixe de 3 fr. que la
section centrale proposait ; elles auraient dit qu’elles préféraient que le
droit de 3 fr. allât en décroissant depuis le minimum jusqu’au maximum. Mais,
je le répète, relativement au tarif gradué de M. Eloy de Burdinne, la question
est tranchée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me semble que la chambre peut
discuter la question de fond sans attendre l’avis des chambres de commerce.
Elle est compétente dans la question et n’a pas besoin des lumières des
chambres de commerce qui, je le répète, sont très incomplètes. Il s’agi
seulement de savoir si on veut ou non franchement aborder la question du tarif
gradué, ou si l’on veut s’en tenir au droit fixe. Ce n’est pas le retard des
avis des chambres de commerce qui doit empêcher d’aborder la question.
M. A.
Rodenbach. - La proposition que l’on fait de scinder cette discussion
est sans exemple dans les débats parlementaires de quelque pays que ce soit.
Comment ! déjà un article de la loi est voté et on
veut envoyer la loi aux chambres de commerce ! Je demande au contraire que la
discussion continue sur le tarif et les amendements, et qu’on en finisse ; car
nous perdons beaucoup de temps par tous ces débats incidents.
M. Coghen, rapporteur. - M. le président de la commission
d’industrie a envoyé aux états-députés, aux chambres de commerce et aux
commissions d’agriculture, le projet de loi de M. Eloy de Burdinne ; elles ont
donné leur avis sur le projet, mais il ne leur a pas été fait d’autre question.
M. Legrelle.
- Je ferai remarquer qu’il résulte de ce que vient de dire l’honorable
rapporteur que la question dont a parlé M. Devaux n’a pas été soumises aux
chambres de commerce.
M. le président.
- Je vais mettre aux voix la proposition de M. Legrelle et l’amendement qu’y
propose M. de Muelenaere.
- L’amendement de M. de Muelenaere est mis aux
voix et adopté.
La proposition de M. Legrelle avec l’amendement
de M. de Muelenaere est mis aux voix ; elle n’est pas
adoptée.
M. le président.
- La chambre passe au n°1 du tarif ; il est ainsi conçu dans le projet de la
section centrale et dans l’amendement de M. Lardinois :
« Projet de la section centrale : droits
d’entrée : 37 fr. 50 c. ; droits de sortie : 25 c. ; droits
de transit : 2 fr. 80. »
« Amendement de M. Lardinois : droits d’entrée : 30 fr. ; droits de sortie : 25 c. ; droits de transit : 1 fr. 50. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On m’apporte de nouveaux
rapports, et je les dépose sur le bureau ; malheureusement le rapport de la
chambre de commerce d’Anvers ne s’y trouve pas joint. Cette chambre de
commerce, sans entrer dans de longs développements, se prononce contre le
système gradué.
M. A. Rodenbach.
- Je ne me prononce pas contre l’amendement relatif au transit ; je l’ai au
contraire appuyé parce que je ne veux pas détruire le commerce des céréales.
Lorsque les grains renchériront trop, les grains étrangers pourront être vendus
; ainsi le pain ne pourra jamais arriver à être trop cher.
Je me prononce contre l’amendement
de M. Lardinois. Je ferai
observer qu’il demande une diminution de 20 p. c. sur le froment. Or sur le
froment le droit proposé par la section centrale est de 3 francs. Il sera
réduit de 2 francs par la déclaration à la douane, c’est un pareil droit que
l’on veut réduire de 20 p. c. ; ce serait le réduire à
rien.
L’honorable député de Verviers
propose ensuite de réduire de 11 p. c. le droit sur le seigle ; ce droit est de
1 fr. 50 ; ce serait le réduire à 1 fr. Il réduit le droit sur l’orge de 35 p. c., celui de l’avoine de 31 p. c. On propose toutes ces
réductions lorsqu’il est constant que le minimum adopté pour
M. Meeus. - Je n’ai pris la parole que pour réfuter une assertion déjà aux 3/4
détruite que l’honorable préopinant vient d’admettre. Il a dit que les droits
sur le froment et le seigle, fixés dans le projet de la section centrale à 3
fr. et 1 fr. 50, se trouveraient réduits par la déclaration à la douane à 2 fr.
et 1 fr. Je voudrais savoir où l’honorable préopinant a puisé cet argument. Il
est vrai que lors de la discussion de la loi des toiles on a dit qu’il fallait
calculer les droits fixes à 10 francs comme ne s’élevant réellement qu’à 7 fr.,
parce que là il y a à juger une qualité de marchandises ; je comprends que là
on puisse donner le change aux douaniers ; mais quand il faut prélever le droit
sur le poids des denrées, je ne comprends pas comment il peut y avoir erreur.
De deux choses l’une : ou les douaniers font
leur devoir, ou ils ne le font pas ; s’ils font leur devoir, il faut supposer
que vous recevrez le droit en entier tel que la loi le porte ; s’ils ne le font
pas, je voudrais savoir pourquoi on prend la proportion du tiers, pourquoi ne
pas prendre la moitié ou les trois quarts. Si c’est une proportion que vous
établissez sur la manière dont le douanier remplira son devoir, je ne le
conçois pas.
M. Eloy de
Burdinne. - On dit que 3 fr. ne sont pas seulement 2 fr. ; je dirai
plus, c’est que 3 fr. ne sont rien en comparaison des droits qui sont établis
dans les autres pays.
Les personnes qui ont quelque connaissance de
l’art des estimations peuvent dire que la rasière de seigle d’Odessa est
beaucoup plus forte qu’une rasière de notre pays, par la raison que les grains
d’Odessa sont séchés et qu’ils rendent beaucoup plus.
J’ai eu l’honneur, par des rapports, de
démontrer quelle différence il y avait dans les qualités des grains. Faut-il
répéter ce que M. de Villèle a dit ?...
Quelques voix. - Il n’ a pas dit
cela.
M. Eloy de
Burdinne. - Il l’a dit ; ceux qui en doutent n’ont qu’à lire le
rapport.
Autres voix. - Oui, il l’a dit.
M. Eloy de Burdinne. - Il a démontré que
lorsque des blés français se vendaient à Marseille 19 fr.,
les blés d’Odessa se vendaient 25 fr. ; ainsi voilà 6 fr. de différence.
Messieurs, s’il est un reproche à faire la quotité du droit, c’est qu’il soit trop bas
; ce n’est pas là un impôt sur le consommateur, ce n’est pas un moyen de faire
augmenter le pain, ou du moins, si le prix augmente, ce ne sera que dans une
faible proportion. Ce qu’il y a d’important, c’est de faire que nous ne soyons
plus encombrés des grains étrangers, c’est de ne pas recevoir de l’étranger la
consommation d’un an et demi, lorsque nous avons déjà la consommation de deux
années.
Enfin, nous devons donner la préférence aux
producteurs du pays, et non aux producteurs étrangers.
M. A. Rodenbach. - Je répondrai quelques mots
à l’honorable député de Bruxelles ; je lui dirai, relativement à l’appréciation
des douaniers, que par exemple, le sel se vendait au prix même du droit qui
devait être perçu.
Je dirai ensuite que la base de la section
centrale a été de 80 kilog. par hectolitres ; cette
base est trop élevée. Il y a beaucoup de grains qui ne pèsent par hect. que 70, 72, 74 kilog.
M. de Muelenaere.
- La chambre a demandé communication des procès-verbaux de la chambre de
commerce ; ces procès-verbaux ont été déposés, et je viens de les parcourir.
Parmi ces différents rapports il en est qui sont plus ou moins importants. La
chambre de commerce de Bruxelles émet par exemple une opinion très motivée ; je
demande à faire connaître quelques-uns de ces rapports qui me paraissent tous
en faveur de la loi.
(Note du webmaster : L’orateur lit ensuite
des passages des rapports établis par les chambres de commerce de Tournay,
d’Ostende, de Bruxelles et de Mons. Compte tenu de leurs intérêts secondaires,
ces passages ne sont pas repris dans la présente version numérisée.)
Il n’y a, messieurs, que la chambre de commerce
de Charleroy qui se montre opposée à la loi, parmi tous les rapports qui sont
communiqués. Je sais qu’il y a d’autres chambres de commerce à consulter ;
elles peuvent être défavorables au projet, mais elles peuvent aussi y être
favorables.
Toujours est-il, messieurs, que les chambres de
commerce de Bruxelles, d’Ostende, de Mons et de Tournay se réunissent au
projet.
M. Lardinois.
- Lorsqu’il a été proposé de consulter de nouveau les chambres de commerce et
les comites d’industrie, j’ai gardé le silence parce que dans mon opinion les
avis de ces commissions ne doivent pas servir de guide dans nos délibérations.
L’honorable M. de Muelenaere vient de nous lire quelques rapports des provinces
agricoles qui adhère entièrement aux projets de loi sur les céréales : eh bien
! qu’il lise maintenant ceux de Liége, de Verviers,
d’Anvers, etc. ; il y trouvera l’antidote des raisonnements dont il se prévaut.
Tous ces avis, messieurs, sont inspirés par les intérêts et les besoins de
chaque localité, et ils ne doivent servir que pour chercher à y démêler ce qui
convient le mieux à l’intérêt général.
Le préopinant appuie fortement sur ce qu’il ne
trouve dans les documents qu’il a sous les yeux qu’un seul rapport contraire :
je le renverra au rapport de la section centrale, et il y trouvera que sur 27
chambres et commissions consultées, 13 sont contre le projet et 14 pour.
Par mon amendement, j’ai eu pour but moins la
diminution du tarif proposé que de faire disparaître le système du minimum et
du maximum ; mais comme ce détestable principe est adopté, et que le commerce
maritime ne peut éviter le coup funeste qu’on veut lui porter, je ne dirai plus
que quelques mots en faveur seulement des consommateurs.
On a dit plusieurs fois dans cette séance que 3
ne font pas toujours 3 en matière de douanes ; pour prouver un pareil argument
il faut admettre que la loi actuelle ne sera pas loyalement exécutée par le
gouvernement ; car le droit se percevant au poids, je ne conçois pas qu’il
puisse y avoir fraude à moins d’une connivence coupable de la part des
employés. Je concevrais que l’on put éluder le droit s’il se percevait sur la
valeur
Au commencement de la séance, l’honorable M.
Rodenbach vous a dit que le tarif du projet donnait pour le froment 20 à 21 p.
c., et pour le seigle 15 à 16 de la valeur. C’est une erreur, et il convient de
rectifier ce calcul.
Le froment à fr. 13 l’hectolitre représente 27
p. c. de la valeur au taux de fr. 37.50 les 1,000 kil. ; et
le seigle à fr. 8 représente 21 p. c. pour la même quantité et au droit de
21-40 l’hect.
Avec mon amendement vous avez pour le froment
22 p. c., et pour le seigle 19 p. c. de la valeur.
Vous voyez, messieurs, la différence n’est pas considérable.
Je n’en dirai pas davantage, messieurs, parce
que je vois que tous nos efforts sont inutiles.
M. le président.
- L’amendement de M. Meeus est celui qui s’écarte le plus de la question
principale. Il propose pour le froment un droit d’entrée de 12 fr. 50 c. par
1,000 kil., au lieu de 37,50 que demande la section
centrale.
- Cet amendement est mis aux voix.
Il n’est pas adopté.
M. le président.
- M. Lardinois propose un droit de 30 fr. au lieu de 37 fr. 50 c.
- Cet amendement est également rejeté.
Le chiffre de 37 fr. 50 c. proposé par la
section centrale est adopté.
M. le président.
- La section centrale propose à la sortie un droit de 25 centimes.
- Adopté.
M. le président.
- Elle propose pour le transit un droit de 2 fr. 80 c.
M. Lardinois et M. le ministre de l'intérieur
propose de substituer à ce chiffre celui de 1 fr. 50 c.
- Cet amendement est adopté.
M. le président.
- Pour le seigle, la section centrale propose un droit d’entrée de 21 fr 40 c.
par mille kil.
M. Lardinois propose de fixer ce droit à 19 fr.
- Cet amendement n’est pas adopté.
Le chiffre de 21 fr. 40 c. de la section
centrale est adopté.
Le droit de 25 centimes qu’elle propose à la
sortie, est adopté sans discussion.
M. le président.
- Pour le transit elle propose un droit de 1 fr. 80 c.
M. Lardinois propose de fixer ce droit à 1 fr.
50 c.
- Cet amendement est adopté.
M. le président.
- Maintenant, désire-t-on passer à la fixation du maximum et du minimum ?
M. le président.
- Pour le froment, le maximum proposé par la section centrale est 24 francs et
le minimum 13 francs.
M. A. Rodenbach a présenté l’amendement suivant :
« Par modification au projet de loi de la
section centrale, je propose de soumettre le froment et le seigle à un régime spécial, comme suit : maximum du
froment, 20 fr. par hectolitre, et son minimum à 15 francs ; maximum du seigle
à 15 francs, et son minimum à 9 francs.
« Toutefois le froment ne pourra être
prohibé à la sortie, que lorsque pendant 15 jours le prix moyen régulateur aura
atteint 24 francs, et lorsque le prix moyen du seigle aura atteint 17
francs. »
Voici celui de MM. Eloy de Burdinne et Helias d’Huddeghem :
« Par modification au tarif en discussion,
les soussignés ont l’honneur de vous proposer de prohiber l’entrée du froment
lorsque le prix moyen du froment sera descendu à 16 francs l’hectolitre ; et
l’entrée du seigle quand le prix en sera coté à 9 francs l’hectolitre. »
M. Rodenbach à la parole pour développer son
amendement.
M. A. Rodenbach.
- Le minimum de 13 fr. proposé par la section centrale me paraît préjudiciable
à l’agriculture. Voilà pourquoi j’ai proposé d’y substituer celui de 15 fr.
Vous conviendrez que 13 fr. est un vil prix et qu’à ce taux il est impossible
au cultivateur de payer son fermage et ses contributions ; il couvre à peine ses frais de culture. Nous ne pouvons pas
jeter la perturbation dans l’industrie agricole. C’est cependant ce qui
arriverait si vous adoptez le chiffre de la section centrale. Celui de 15 fr.
que je propose est encore très raisonnable ; vous savez qu’en vendant le
froment 15 fr. le laboureur n’a pas encore de bénéfice. D’un autre côté, j’ai
baissé le maximum à 20 fr. et en cela je suis plus favorable au commerce et à
la consommation que la section centrale qui propose de le porter à 24 fr.
Je permets l’entrée à 20 francs qui est à peu
près la moyenne du prix des céréales en Belgique depuis vingt ans. A ce prix le
commerce trouve son compte et le consommateur également, et je n’arrête pas
encore les exportations, je permets aux agriculteurs et aux négociants
d’exporter jusqu’à ce que le prix du froment soit arrivé au taux de 24 francs.
Mon maximum est le prix auquel les
céréales sont en ce moment en Angleterre, et au prix de 20 francs, le droit y
est de 27 francs. Vous voyez que dans ce pays de fabriques, le pain est cher et
que cela n’empêche pas la prospérité de leur industrie. Vous ne devez donc pas
craindre que nos manufactures souffrent du régime que je vous propose
d’adopter.
Il y a au surplus un autre moyen de diminuer le
prix du pain, c’est de supprimer le droit de mouture qui existe encore dans des
villes manufacturières, ce droit qui avait excité tant de réclamations sous le
gouvernement précédent.
Je répète en terminant, qu’en adoptant ma
proposition vous concilierez tous les intérêts : les intérêts du commerce, les
intérêts de l’agriculture et ceux du consommateur qui sont aussi sacrés à mes
yeux.
M. Pirson. - J’ai proposé un amendement qui
devient inutile, depuis que la chambre a décidé qu’il aurait un droit unique.
Mais il y a une question importante à examiner. Il s’agit de savoir si le droit
de maximum qui fait l’objet de l’amendement de M. Rodenbach équivaudra à une
prohibition, ou bien si ce sera seulement un redoublement du droit. Mon opinion
est que le droit doit simplement être doublé. Ainsi quand le prix du froment
sera arrivé à son maximum, si le droit ordinaire, est de 37 francs 50 centimes.
Je pense qu’il faut qu’il monte à 48 ou 50 francs. Si l’amendement de M.
Rodenbach introduisait une prohibition véritable, je n’hésiterais pas à le
rejeter. Si ce n’est que le redoublement du droit, je l’adopterai. Mais il est
nécessaire que la chambre reçoive des éclaircissements à cet égard.
M. Verdussen.
- Vous ne serez pas étonné que si je m’oppose au taux de maximum établi par la
section centrale, je ne puisse adopter l’amendement de M. Rodenbach, qui
rapproche tellement les chiffres que le pays sera exposé à une prohibition
continuelle.
Je ne conçois pas que le plus ou moins
d’abondance des récoltes n’entre en aucune manière en ligne de compte dans la
fixation du maximum. La chambre me permettra de lui soumettre l’exemple suivant
:
Un agriculteur récolte dans une année ordinaire
70 hectolitres de froment. Il en réserve 15 pour la semaille
prochaine et pour son usage domestique ; reste donc 55 hectolitres qu’il vend à
18 fr. donc 990. L’année suivante qui donne une riche moisson il récolte sur
une même surface de terrain 100 hectolitres ; j’en déduis les 15 mesures pour semaille et nourriture, qui restent invariables, il aura
donc à vendre 85 hectolitres au prix de 11 fr. 65 c.,
pour avoir également 990 fr. 25 c.
Je ne puis donc admettre le minimum
proposé par la section centrale et encore moins celui qui fait l’objet de
l’amendement de M Rodenbach, parce que les calculs ne sont pas basés sur une
donnée aussi importante que le plus ou moins d’abondance de la récolte.
D’après ces considérations, et en supposant que
le taux de 13 francs ne permette pas au cultivateur de faire de trop beaux
bénéfices pendant les années abondantes, je propose de réduire le minimum d’un
franc et de la porter à 12 fr.
M. Eloy de
Burdinne. - Je réfuterai les calculs de l’honorable M. Verdussen. On ne peut prendre pour
point de comparaison une différence de 100 à 70 entre les années stériles et
les années abondantes. Je ne crois pas que l’on puisse procéder d’une manière
aussi absolue. Il faudrait établir des calculs sur une exploitation quelconque
composée de tant d’individus, supputer la quantité de grains nécessaires pour
l’ensemencement des terres et la consommation des ouvriers, et établir ensuite
les calculs d’après un relevé véritable. On ne peut agir en agriculture comme
en matière commerciale. Dans le commerce on peut très bien faire des
évaluations pareilles à celles auxquelles s’est livré l’honorable M. Verdussen. Mais je le répète, en
agriculture, cela est impossible.
Puis il
faut considérer que dans les années abondantes ce n’est pas un espace donné qui
fournit le double de la récolte ordinaire. Mais il peut se présenter un hectare
qui offre cette abondance particulière, abondance compensée du reste par la
stérilité d’autres hectares. Il est donc nécessaire de chercher dans tous les
calculs, comme je l’ai fait, le chiffre moyen.
Je ne parlerai pas de l’amendement de M.
Rodenbach, parce que ce n’est pas ici le moment.
M.
Verdussen. - Tout le monde doit reconnaître qu’il y a des années
stériles et des années d’abondance. Les différences des récoltes peuvent être
représentées par les rapports de 70 à 100. L’honorable M. Eloy de Burdinne
prétend qu’à l’égard de telle ferme, de telle exploitation, ce rapport sera
inexact. Mais dans une loi générale, il ne faut pas s’arrêter à des exceptions.
Il faut présenter le résultat des expériences faites dans le pays. C’est ce que
j’ai fait.
M. Dumont. -
J’aurais voté pour l’amendement de M. Verdussen, si la chambre n’avait pas
admis la fixité du droit. J’ai quelques doutes à cet égard. Mais s’il est
prouvé que la chambre a eu en vue de repousser le droit gradué, il est évident
que la proposition de M. Verdussen n’est pas admissible.
Hier on a fait cette proposition qui a été
également renvoyée à la section centrale, et la section centrale a été d’avis
de maintenir la fixité du droit.
On a élevé un incident sur
l’opportunité de connaître l’avis des chambres de commerce ; après cela aucune
discussion ne s’est élevée sur la préférence à accorder au système de droits
fixes ou au système gradué. Si vous vous en tenez au droit fixe, il faudra
adopter la proposition de M. A. Rodenbach ; mais quels inconvénients
n’aura-t-elle pas pour le commerce ? Ce sera un remède aux maux
extraordinaires, mais il faudra trop souvent y avoir recours ; c’est la
fréquence des remèdes qui nuit au commerce ; il souffrirait moins si vous vous
décidiez à rendre la mesure très rare en adoptant un système de droits
progressifs. S’il m’était permis de revenir sur le système de droits
progressifs, l’honorable M. Verdussen m’a fourni l’occasion de le préférer au
système des droits fixes.
Si cela ne m’est plus permis, je n’ai pas
d’observation à faire ; je me bornerai à faire remarquer qu’à 15 fr., le
froment étant encore à vil prix, si vous voulez venir au secours de
l’agriculture, il ne faut pas choisir ce prix comme minimum, mais fixer un
droit à l’entrée sur le froment lorsqu’il est 15 fr., un droit plus élevé
lorsqu’il est à 14 fr., plus élevé encore à 13 fr. et enfin fixer à 12 fr. le
minimum, ou le taux de prohibition pour l’importation des céréales étrangères.
M. Eloy de
Burdinne. - Comme le dit l’honorable M. Dumont, lorsque le blé est à 15
fr., l’agriculture est encore dans la gêne ; mais le taux moyen du pays n’est
pas le prix réel ; car je vous ai fait voir que le prix des grains à Anvers
était plus élevé : ce taux plus élevé a fait hausser les grains de toutes les
autres provinces.
Je ferai à cet égard une observation : Sur le
marché de Liége il y a un certain temps, le grain était coté à 10 fr. 80. Eh
bien en ce moment le taux moyen dans tout le royaume était de 12 fr. 15 cent,
il y avait près de 2 fr. de différence. Ainsi, messieurs, si vous fixez le
droit par le taux moyen, vous n’accorderez pas la protection nécessaire à
l’agriculture.
D’après la
loi du 18 juillet 1819 en France les blés étrangers étaient prohibés dans les
départements rangés dans la première classe, lorsque le prix du blé était
au-dessus de 20 fr., lorsque était au-dessus de 18 fr. pour la deuxième classe,
et enfin au dessus de 16 fr. pour la troisième classe.
Vous voyez donc qu’en France, la prohibition
des céréales étrangères s’étendait jusqu’au prix de 16 fr. Si vous n’admettez
pas des bases au moins aussi larges, autant vaut dire que vous ne voulez rien
accorder à l’agriculture. Si vous n’accordez la prohibition des céréales que
lorsqu’elles sont à un prix tel que l’agriculture est ruinée, autant vaut dire
à l’agriculteur d’abandonner la culture et de se laisser nourrir par
l’étranger. Ce sont ces considérations qui m’ont porté à proposer par
amendement le même minimum qu’en France.
M. A.
Rodenbach. - Quelques membres se sont montrés les antagonistes du
système anglais auquel ils préfèrent le système progressif, le système
français. Je leur répondrai en leur faisant remarquer que l’échelle que je
propose est très grande ; elle s’étend de 15 à 20 francs ; elle donne toute
latitude au commerce et rend impossible toute perturbation ; elle est plus
libérale que le système établi en France par la loi de 1819.
M. le président.
- La parole est à M. Coghen, rapporteur.
M. Coghen, rapporteur. - La question du maximum et du
minimum est très importante. Je prie la chambre de vouloir bien renvoyer la
discussion à demain. Je ne pourrais pas maintenant donner tous les
développements nécessaires à mon opinion.
- La séance est levée à 4 heures et demie.