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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 3 juillet 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif aux droits sur les céréales (Eloy de Burdinne, Zoude, Eloy de Burdinne, Smits, Zoude, (industrie de la soie (de Robaulx), industrie du coton (Desmet)), d’Huart, Zoude)
3)
Projet de loi relatif aux travaux urgents à faire aux rives de
4) Projet de loi relatif aux droits sur les céréales (Coghen, Eloy de Burdinne, Rogier)
5)
Projet de loi relatif au droit de sortie sur les pierres à chaux par
6)
Proposition de loi relative aux droits de sortie sur les toiles de lin.
Situation de l’industrie linière (Desmaisières, d’Huart, H. Dellafaille, Desmet, A. Rodenbach, de Foere, Jullien, Meeus, Duvivier, Dubus,
Jullien, F. de Mérode, Fallon, Dubus, Jullien,
Dubus, Lardinois, Desmanet de Biesme, Meeus, Dewitte, Lardinois, H. Dellafaille, Dubus, de Foere, Desmaisières, Dewitte, Dubus, Dewitte,
Jullien, Dubus, Lardinois, Desmaisières, Lardinois, Rogier, Lardinois)
(Moniteur belge n°185, du 4
juillet 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M.
H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en
est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La régence de Lessinnes demande que
dans la nouvelle circonscription des cantons, la commune de
- Renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la
circonscription des justices de paix.
____________________
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) transmet à la chambre les explications qu’elle
lui a demandées sur la pétition du sieur Dubosch.
M.
Eloy de Burdinne. - Je demande la parole pour une motion
d’ordre.
M.
le président. - Vous avez la parole.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs l’honorable M Coghen, le 10 juin,
en vous entretenant de la proposition que j ai eu l’honneur de vous soumettre
le 5 janvier, vous a annoncé que l’intention de la commission d’industrie était
de s’occuper de préférence d’un projet de loi sur les céréales, projet qu’elle
soumettrait à l’assemblée. Près d’un mois s’est écoulé depuis cette promesse,
et cependant la commission d’industrie ne nous a rien présenté, quoiqu’on nous
ait dit que quatre jours suffiraient pour formuler la loi. Il y a douze jours,
on promettait encore qu’à la rentrée des vacances que la chambre se donnait la
commission d’industrie et la section centrale nous soumettraient leur travail
sur les céréales. Mardi dernier, je m’attendais donc à entendre le rapporteur de
la commission d’industrie. M. Coghen était présent, il était porteur d’un
dossier assez volumineux, et j’ai pensé qu’il allait monter à la tribune. Il en
a été autrement ; il a gardé le silence, et depuis lors il n’a point reparu
parmi vous.
Où en est le travail de la commission d’industrie ? Je n’en sais rien.
Que fait son rapporteur ? je n’en sais rien encore.
Peut-être le rapport est-il envoyé à Amsterdam pour demander l’avis du haut
commerce. (Bruit.)
Messieurs, il ne faut pas se le
dissimuler, il est urgent et très urgent qu’une mesure soit prise relativement
aux céréales. Puisque la commission d’industrie ne fait pas de rapport, je
demanderai que la section centrale soit chargée d’examiner la proposition de
loi transitoire que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, et qu’elle soit
invitée à faire son rapport le plus tôt possible, afin que la chambre puisse
prononcer sur un objet aussi important : la sûreté de l’Etat, l’indépendance
nationale dépendent peut-être des mesures que vous avez à prendre.
M.
Zoude. - Lundi dernier, la commission d’industrie et la section
centrale ont été convoquées en même temps pour entendre la lecture du rapport
préparé par M. Coghen ; la convocation était indiquée pour midi ; M. Eloy de
Burdinne s’est présenté à 10 heures, et n’a trouvé personne. Toutefois M.
Coghen a fait part à la commission d’industrie de la conversation qu’il avait
eue avec le ministre de l’intérieur : le ministre avait envoyé le projet de loi
à la chambre du commerce d’Anvers et de celle de Bruxelles ; celle de Bruxelles
avait déjà donné son avis ; il attendait l’avis de la chambre du commerce
d’Anvers. Je pense que si M. Coghen paraît tout à l’heure, M. Eloy de Burdinne
sera satisfait car le ministre n’avait demandé que 24 heures de délai pour
savoir s’il se réunirait à l’opinion de la commission d’industrie. On comprend que son adhésion éviterait bien
des discussions.
M.
Eloy de Burdinne. - Par suite d une erreur dans les billets de
convocation je me suis présente ici lundi dernier, à 10 heures, et n’y ai
trouve que dix membres de la section centrale, induits comme moi en erreur ;
ils se sont retires à 11 heures et demie.
Quoi qu’il en soit de ces faits, je dirai qu’on a eu le temps de se
former une opinion sur la proposition que j’ai faite ; depuis cinq ou six mois,
on a pu prendre l’avis des chambres de commerce. Si actuellement on n’est pas
d’accord, on ne sera pas d’accord dans deux ans. Pourquoi tant de lenteurs
quand il s’agit d’une question agricole ? S’il s’agissait d’une question
commerciale ou industrielle, on ne consulterait pas les agriculteurs. Pourquoi
consulter les chambres de commerce sur une question agricole ? Demande-t-on aux
cultivateurs s’ils veulent payer le sucre, le café tel prix ou tel autre prix ?
Non.
Il s’agit d’une question vitale ; il faut la résoudre, le commerce
dût-il y trouver quelques inconvénients. La question est importante pour le
commerce lui-même.
Elle importe à l’Etat ; elle importe
à MM. les fonctionnaires qui pourraient bien ne pas recevoir leurs traitements
si l’on ne vient pas au secours de l’agriculture ; elle importe en un mot à
toute la machine politique. Si vous ne portez pas une loi sur les céréales,
quand on vous présentera le budget prochain, moi et d’autres voteront le rejet
des contributions foncières. Un membre du sénat, homme très capable, m’assurait
aujourd’hui que le sénat refuserait la contribution foncière si aucune mesure
sur les céréales n’était prise.
M.
Smits. - Il est étonnant que l’honorable préopinant adresse des
reproches à M. Coghen, qui a mis tant de zèle dans l’examen de la question dont
il s’agit ; je m’étonne d’entendre dire que l’on est allé à Amsterdam demander
l’avis du haut commerce ; il me semble que ces récriminations ne devraient pas
avoir lieu, surtout quand celui qui en est l’objet est absent.
Le projet
de loi sur les céréales n’a pas été seulement communiqué à la chambre du
commerce d’Anvers et de Bruxelles, mais il a été communiqué à toutes les
chambres de commerce du royaume. On conviendra que le commerce et l’industrie
sont assez intéressés dans cette question et qu’on peut les consulter : aussi
on n’a pas fait d’exception, on a consulté tontes les chambres de commerce.
M.
Zoude. - Si M. Eloy de Burdinne ne nous a pas trouvés lundi
dernier, c’est que nous nous étions réunis dans un bureau particulier, parce
que nous avions besoin d’un grand nombre de documents. Nous sommes restés
réunis depuis midi jusqu’à deux heures.
M. de Robaulx. - En
appuyant, dans la motion de M. Eloy de Burdinne, ce qu’il y a de digne d’appui,
je demanderai que l’on s’occupe aussi d’une autre question. M. Zoude avait promis
au nom de la commission d’industrie un rapport sur une pétition relative aux
soies écrues : je suis étonné qu’il n’ait pas tenu parole. Si je suis bien
informé, il y urgence de se prononcer sur cet objet.,
Il ne faut pas laisser plus longtemps les industriels dans l’inquiétude. Si
vous ne voulez pas les protéger, dites-le ; si vous voulez leur donner
protection, faites-le de suite.
Je demande que la commission d’industrie nous présente promptement un
rapport.
M.
Zoude. - Je vous ai déjà dit que M. Corbisier était parti pour
Mons avec les documents relatifs à cet objet ; qu’il était chargé de préparer
un travail : il doit revenir incessamment. L’état de sa santé est peut-être
cause qu’il n’est pas encore de retour.
M. Desmet. -
J’adresserai la même demande à l’honorable M. Zoude relativement aux pétitions
de l’industrie cotonnière qui ont été renvoyées à la commission d’industrie.
M.
Zoude. - Nous avons demandé des renseignements aux fabricants,
et nous les attendons pour faire le rapport.
M.
d’Huart. - Je
demande la parole
Messieurs, on ne prête pas assez d’attention à la motion de M. Eloy de
Burdinne qui est réellement dans l’intérêt du’ pays. La loi sur les céréales
intéresse la masse de la population. Nous oublions les agriculteurs pour ne
nous occuper que des industriels et du commerce.
Cependant on ne peut pas ignorer que c’est parmi les agriculteurs qu’on
trouve les hommes les plus dévoués à l’ordre de choses actuel. Ce sont eux qui
ont fait la révolution ; et si l’Etat était en danger, ce n’est pas dans le
haut commerce que le gouvernement trouverait un appui.
Il est temps qu’on s’occupe des
réclamations des agriculteurs. Il y a cinq mois que la proposition de M. Eloy
de Burdinne a été déposée sur le bureau ; toutes les informations nécessaires
ont été prises, et si l’opinion du ministre qu’on a demandée se fait trop
attendre, qu’on soumette le projet à la chambre sans l’adhésion du ministre ; la
chambre le discutera.
Je demande qu’on fixe à après-demain le dépôt du rapport sur le bureau
de la chambre.
M.
Zoude. - Je prends l’engagement de le faire déposer demain.
M.
le président. - S’il n’y a pas d’opposition, M. le rapporteur
sera invite à déposer son rapport après-demain au plus tard.
Nous passons à l’ordre du jour.
Second vote des articles
Article
3
M. le
président. - On a introduit un amendement à l’art. 3, il n’y en
a pas eu aux articles 1 et 2.
L’article 3 est ainsi conçu : « Les sommes ci-dessus seront mises à
la disposition du gouvernement pour exécuter les travaux d’office, à charge de
prendre sans retard son recours contre qui il appartiendra. »
L’article primitif était rédigé dans les termes suivants :
« Les sommes ci-dessus seront avancées par le trésor de l’Etat sauf
recours contre qui il appartiendra. »
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je demande qu’on supprime de l’article
amendé les deux mots sans retard.
C’est une prescription qui ne me paraît pas législative.
M.
Desmet. - Je ne m’oppose pas à la suppression des mots sans retard.
M.
de Robaulx. - Je crois que l’auteur de l’amendement, en adhérant
à la proposition de M. le ministre de l'intérieur, supprime tout son
amendement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole.
M.
de Robaulx. - Puisque M. le ministre demande la parole, je vais
répondre à ce que je lui ai entendu dire tout à l’heure sur la manière dont il
interprétait l’article.
Il disait que les mots sans retard
signifiaient que le gouvernement exercerait son recours quand il croirait de
l’intérêt de l’Etat de le faire. Moi je pense que les mots sans retard imposent au gouvernement l’obligation d’exercer son
recours contre qui de droit dès que les travaux seront exécutés. Si vous
retranchez ces mots de l’article et que vous laissiez la même prescription,
sauf recours, que dans la première loi que vous avez votée, vous maintenez
perpétuellement les propriétaires riverains, les communes, la province, l’Etat
indécis sur la question de savoir à qui incombe la dépense. Je crois qu’on a
suivi une mauvaise marche et qu’on devait avant tout résoudre cette question.
Vous dites que les besoins sont
pressants. Mais ce n’est pas d’aujourd’hui que ces besoins sont connus. Je
conçois que l’année dernière on soit venu vous parler d’urgence pour obtenir
des fonds, mais depuis cette époque le gouvernement a eu le temps d’exercer son
recours et il ne l’a pas fait ; et je crois qu’il n’est pas disposé à en
exercer. Si vous ne le mettez pas dans l’obligation de le faire chaque fois
qu’il arrivera des dégradations à une rivière, on demandera de l’argent sauf
recours qu’on saura ne devoir pas être exercé, et on obérera nos finances.
Voilà déjà cent et quelques mille francs que nous portons au budget de l’Etat
pour des dépenses de cette nature.
II est du devoir de l’administration de poursuivre ceux à qui ces
dépenses incombent.
M. A. Rodenbach. -
Si vous supprimez de l’art. 3 les mots sans
retard, il n’y a plus qu’une légère différence entre l’article du
gouvernement et l’amendement que vous avez adopté.
Je répéterai ce que j’ai dit dans une précédente séance, que je ne m’oppose pas à ce que le gouvernement fasse les travaux aussitôt qu’il en aura constaté l’urgence, et qu’il aura sommé les riverains de les faire. C’est dans cette pensée que nous avons adopté l’amendement de M. Desmet.
Il y a dix mois environ que pour le même objet nous avons voté une somme
de près de 80 mille francs, que le gouvernement a employée sans s’occuper de
faire des sommations à ceux qui devaient supporter la dépense des travaux. Nous
ne pouvons pas continuer à accorder des fonds à la légère, sans savoir si c’est
l’Etat, la province, la commune ou les riverains qui doivent payer. Sans cela,
toutes les provinces viendraient vous demander des millions pour des dépenses
semblables.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs lorsque les chambres ont voté une loi,
le devoir du gouvernement est de la mettre à exécution sans retard. L’habitude
n’est pas d’introduire une semblable prescription dans une loi, et on ne peut
pas le faire à moins que la chambre ne soit en défiance de l’exactitude du
ministre.
On s’est plaint de ce que le gouvernement n’avait pas encore fait de
sommations à ceux auxquels pouvait incomber la dépense des réparations aux
rives de
Nous avons dit que quand la somme a été accordée, rien n’était plus
urgent que de faire les travaux, et que depuis le gouvernement n’a pas exerce
de recours, parce qu’il attendait l’achèvement des travaux, afin de connaître
l’importance de la dépense, avant d’en demander le remboursement. J’ai dit
aussi que le gouvernement était nanti d’un moyen de compensation vis-à-vis la
province.
On a craint que si ou n’introduisait pas dans la loi les mots sans retard, la chambre serait exposée à
être entraînée à l’avenir dans des dépenses considérables. Je ne conçois pas
cette crainte. La chambre ne votera des fonds qu’autant qu’elle le voudra. Il
lui sera toujours possible de mettre un terme aux exigences du gouvernement, si
le gouvernement voulait l’entraîner dans des dépenses considérables et surtout
inutiles.
Je ne crois pas qu’on ait lieu de
redouter de la part du gouvernement trop de demandes de la nature de celle dont
il s’agit en ce moment. La chambre doit se rappeler que le gouvernement n’est
entré que malgré lui dans cette voie, qu’après avoir été longtemps sollicité
par les communes intéressées et que quand plusieurs membres de cette chambre
ont eu pris l’initiative.
Je m’oppose donc au maintien des mots sans retard dans l’article par les motifs donnés par M. de Robaulx
pour en demander la conservation.
M.
de Robaulx. - Je ne conçois guère la réponse de M. le ministre.
Je m’oppose à ce que les mots sans retard
soient retranchés de l’art. 2, parce que, selon moi, ce retranchement laisse la
loi sans sanction ; c’est demeurer dans le cas de l’année dernière, lors du
vote qui a mis à la disposition du ministre de l’intérieur des fonds à la
condition d’un recours auquel il n’a été donné aucune suite. J’espère que si
les paroles de M. le ministre de l'intérieur sont exactement rendues, l’opinion
publique en fera justice. En effet, M. le ministre s’oppose au maintien des
mots sans retard par les mêmes motifs
qui m’en font repousser la suppression. Mes motifs à moi étaient que le
gouvernement n’avait pas pris son recours l’année passée. Comment M. le
ministre peut-il s’appuyer des mêmes raisons pour venir soutenir une opinion
contraire à la mienne ?
J’ai demandé qu’avant la mise à
exécution des travaux, le principe fût décidé, c’est-à-dire que l’on déterminât
sur qui devait tomber la dépense que l’on nous demande, si c’est sur la
province ou sur les riverains. L’année prochaine il est possible qu’il se
présente également des demandes de fonds pour des réparations aussi urgentes
que celles dont la chambre s’occupe actuellement. Les mêmes inconvénients se
renouvelleront, et la chambre sera obligée de voter des fonds sans que le
principe soit décidé. Je déclare donc que si le mot sans retard est supprimé, je voterai contre la loi.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je n’ai pas la prétention d’être aussi
logicien que le préopinant.
M.
de Robaulx. - Il faudrait l’être.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je confie mon argumentation et la sienne à
l’appréciation de l’opinion publique, si tant est que l’opinion publique s’en
occupe. J’ai dit que les mêmes motifs qui avaient porté M. de Robaulx à
demander le maintien des mots sans retard, m’engageaient précisément à en demander la suppression. Je
crois m’être expliqué très clairement pour ceux dont l’esprit n’est pas prévenu
comme l’est celui de M. de Robaulx à l’égard de toute opinion avancée par un
ministre. M. de Robaulx fonde sa demande du maintien des mots sans retard, sur ce que le ministre
aurait fait preuve de négligence en ne prenant pas son recours contre qui de
droit. Le gouvernement soutient qu’il n’a pas été en lui de faire preuve de
plus d’activité. C’est pourquoi il repousse des mots qui entraîneraient le
blâme de sa conduite. C’est certainement là une opinion très logique.
M.
de Robaulx. - Il est inutile de vous blâmer.
M.
de Theux. - Je ferai observer que le recours sans retard contre
qui de droit est impossible dans les deux cas qui ont déterminé la présentation
du projet en discussion. Car dans ce moment vous ne sauriez déterminer qui doit
faire la dépense des réparations aux rives du Forchu-Fossé.
Il en est de même à l’égard des rives de
Je pose en fait qu’il sera impossible que le gouvernement exerce le
recours qu’on veut exiger de lui. L’on demandera pourquoi il n’existe pas de
règlement. Je ne sais pas si l’on s’est occupé de cette question depuis la
révolution. Tout ce que je sais, c’est qu’elle est d’une solution assez
difficile, puisque sous l’ancien gouvernement elle a été agitée sans qu’elle
ait amené un résultat satisfaisant. Depuis lors, nous n’avons pas eu dans la
province de Limbourg de conseil provincial. Or c’est ce conseil qui est chargé
de la rédaction de ce règlement. La province du Limbourg a perdu depuis 1830 la
totalité des revenus de
Mais comme je pense qu’il est utile
que dorénavant les véritables rapports soient établis sur cette espèce de
dépense, je désirerais que M. le ministre de l’intérieur se mît en relation
avec la représentation provinciale du Limbourg afin d’obtenir la confection du
règlement exigé par la loi de 1807.
Il est impossible que les réparations aux rives des fleuves se fassent
par les propriétaires riverains, parce qu’il n’y a aucun moyen de coalition. Il
suffit qu’un seul se refuse à prendre part au paiement de la dépense, pour que
leur action réunie devienne sans effet. Il est donc indispensable qu’il existe
un règlement d’administration qui fixe la part de contribution de chaque
propriétaire.
M.
Desmet. - Si j’ai consenti à laisser rayer de l’amendement que
j’avais présenté à l’article 3 du projet les mots sans retard, je l’ai fait parce qu’il me semblait qu’on aurait pu
l’interpréter dans toute sa rigueur et qu’on aurait pu soupçonner que mon
intention était de forcer le gouvernement à agir sans le moindre retard contre
les délinquants ; et je ne fais aucune difficulté à laisser distraire cette
phrase, parce que je crois que le principe est bien établi dans l’amendement,
qu’il y est positivement stipulé que le gouvernement, vu l’urgence des travaux,
qui a été déclarée à la chambre par le ministre de l’intérieur, les fera
exécuter d’office et qu’il sera obligé d’agir contre les délinquants pour
récupérer les dépenses faites par les deniers du trésor.
Les motifs principaux pour quoi
j’avais inséré dans mon amendement la phrase sans retard, sont parce que le ministre de l’intérieur avait mis
beaucoup de négligence à faire rentrer dans le trésor la somme que la chambre a
votée l’an dernier pour des travaux à exécuter aux bords de
M.
Milcamps. - Si je suis disposé à adopter la loi en discussion,
je ne suis pas déterminé à donner mon vote favorable par l’insertion dans cette
loi de l’obligation imposée au gouvernement de prendre son recours contre qui
il appartiendra, je crois que cette disposition ne pourra avoir d’effet. S’il
fallait attendre, pour opérer les réparations pour lesquelles on nous demande
des fonds, que la question de droit fût décidé, il faudrait d’abord que ceux
qui sont obligés de faire ces réparations fussent mis en demeure. Encore
faudrait-il préalablement s’adresser aux tribunaux. Il faudrait aussi commencer
par examiner la question de droit. L’on sent que cette marche serait beaucoup
trop longue, et ce ne serait peut-être que dans deux ans que les travaux
pourraient être mis à exécution. Je voterai donc pour le projet de loi, parce
que l’urgence de son adoption me paraît avoir été suffisamment démontrée.
- Le sous-amendement de M. Desmet tendant à retrancher de l’article 3 le
mot sans retard est mis aux voix et
adopté.
L’article 3 est mis aux voix et adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
On procède à l’appel nominal.
Nombre des membres présents, 67.
49 ont répondu oui ;
11 ont répondu non ;
7 membres se sont abstenus.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Berger, Brixhe, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, Dubois,
de Behr, de Foere, de Lambine, A. Dellafaille, H. Dellafaille, F. de Mérode, W.
de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Roo, Deschamps, de Sécus,
Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Huart,
Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Meeus,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Raikem, Rogier, Schaetzen,
Simons, Vanderbelen, Verdussen, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Zoude.
Ont répondu non :
MM. de Robaulx, Desmanet de Biesme, Dubus, Fallon, Polfvliet, A.
Rodenbach, Quirini, Seron, Trentesaux, H. Vilain XIIII.
MM. Dautrebande, Jullien, Lardinois, Smits, Ullens, Van Hoobrouck
déclarent s’être abstenus, comme n’ayant pas suivi la discussion.
M.
le président. - M. Legrelle, qui s’est également abstenu, est
invité à s’expliquer.
M.
Legrelle. - Convaincu que l’exécution des travaux dont il s’agit
est urgente, je n’ai pas voulu m’opposer par mon vote à la loi ; mais d’un
autre côté, également convaincu que les frais de l’exécution des travaux ne
doivent pas incomber à l’Etat, mais bien aux propriétaires riverains et à la
province, je n’ai pas voulu poser un mauvais antécédent en donnant mon adhésion
à la loi.
M.
le président. - M. Coghen demande la parole pour un fait
personnel.
M.
Coghen. - Avant mon arrivée dans cette enceinte, l’honorable M.
Eloy de Burdinne a trouvé convenable de faire contre moi une sortie que, dans
les convenances parlementaires, il ne devait faire au moins que lorsque
j’aurais été présent : cela eût été plus généreux et plus convenant. Il a fait
à mon égard des suppositions qui ne peuvent m’atteindre ; je ne demanderai pas
de conseils en Hollande quand il s’agit des intérêts belges.
Chargé par la commission d’industrie et la section centrale réunies du
rapport du projet de loi, je l’ai, conformément à leurs décisions, remis le 28
juin à M. le ministre de l’intérieur, afin de savoir si le gouvernement se
ralliait au projet. Lundi dernier le rapport a été lu ; je n’attendais que la
réponse de M. le ministre que je viens de recevoir : maintenant seulement je
suis à même de vous présenter demain le travail.
M.
Eloy de Burdinne. - Je n’ai pas accusé M. Coghen d’avoir envoyé
le projet de loi sur les céréales à Amsterdam.
J’ai répondu à M. Zoude qu’on avait envoyé le projet à Anvers pour
consulter la commission de la chambre de commerce ; j’ai demandé si, après
cela, on enverrait encore ce projet à Amsterdam. Je n’ai pas dit que M. Coghen
l’y avait envoyé.
M.
Legrelle. - Vous l’avez dit.
M.
Eloy de Burdinne. - Si je l’avais dit, je vous aurais été obligé
de me reprendre.
Je crois, messieurs, que j’avais le droit de me plaindre, après que la
loi sur les céréales était restée dans la commission de la chambre du commerce
d’Anvers deux ou trois mois peut-être, de ce que l’on lui renvoyait de nouveau
la loi, alors qu’elle était rédigée. Si toutefois la commission de la chambre
de commerce d’Anvers devait être consultée de nouveau, toutes les autres
commissions des chambres de commerce, ainsi que les commissions d’industrie,
les commissions d’agriculture et les députations des états, devaient également
être consultées.
Je crois que M. Coghen s’est montré trop susceptible, et que s’il avait
été ici, il ne se serait pas ainsi formalisé. Je n’ai accusé ni M. Coghen, ni
aucune autre personne.
Relativement au retard de la présentation du rapport, j’étais bien en
droit de faire quelques observations ; M. Coghen m’a dit à moi-même, lorsqu’il
a été chargé du rapport, qu’il suffirait de 4 jours pour faire la loi ;
cependant voilà plus d’un mois de cela.
On a pensé qu’il fallait soumettre
le projet à M. le ministre de l’intérieur ; mais il avait été convenu entre la
commission d’industrie et la section centrale, qui ont agiée
la question, que le rapport serait imprimé pour être distribué lors de la
première réunion des membres de cette chambre. M. Coghen à ce sujet m’a dit :
Votre procès est gagné ; eh bien, voilà comme on gagne ses procès dans ce bas
monde, c’est-à-dire qu’on le perd, car vous voyez que le rapport n’a pas été
fait à l’époque convenue.
Si j’ai parlé de M. Coghen, c’est parce que je ne l’avais pas vu depuis
quelques jours à la séance, et que je désirais savoir où en était le rapport
sur ma proposition. (L’ordre du jour !
l’ordre du jour !)
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je dois faire observer que le projet sur les
céréales n’a pas été seulement envoyé à la chambre de commerce d’Anvers, mais à
toutes les chambres de commerce. Cet envoi n’a pas été cause du retard dont on
s’est plaint ; le projet m’a été remis samedi, et dès hier les chambres de
commerce me l’avaient déjà fait parvenir ; c’est après cela que j’ai écrit à la
section centrale. (L’ordre du jour !
L’ordre du jour !)
Second vote des articles
M.
le président. - La chambre passe à la discussion sur le vote
définitif de la loi relative à l’exportation des pierres à chaux.
M. Dubus. - Messieurs, un amendement a été introduit, dans la séance d’avant-hier, à l’article 1er du projet présenté par la commission d’industrie par l’organe de M. Zoude. Ce projet de loi était d’un intérêt tout spécial, et en quelque sorte individuel. Il avait pour objet un cas tout particulier. Par l’amendement qui vous a été soumis, on a étendu, sans examen, la loi à un autre cas bien différent.
Je dis sans examen, parce que le projet est le résultat du travail de
votre commission d’industrie sur des pétitions qui lui avaient été renvoyées,
tandis que l’amendement vous a été présenté inopinément dans la séance. Cet
amendement a été voté sans discussion ; il n’a donc subi ni examen de la
commission d’industrie, ni de la section centrale.
Tant il est vrai qu’il s’agit ici de deux espèces essentiellement
différentes.
Par l’article premier, on propose, par dérogation au tarif actuellement
en vigueur, d’autoriser l’exportation des pierres à chaux par
Le rapport de la commission dit en faveur de quelle personne ce projet
de loi est proposé. Il s’agit d’un exploitant de carrières et de fours à chaux
de la province de Liège, qui avant la révolution trouvait un débouché pour ses
chaux dans un pays voisin, débouché qui a été inopinément fermé par l’état
d’hostilité où se trouve
Voilà l’espèce présentée par le rapport de la commission d’industrie, en
vous proposant de prendre en considération cette situation particulière de
l’exploitant de la province de Liége ; mais comme la circonstance qui a motivé
la présentation du projet n’est que momentanée, la commission propose de
déclarer dans l’art. 3 que la loi cessera de plein droit ses effets au moment où
cette circonstance n’existera plus, à l’époque du traité définitif entre
Quelle est l’espèce qu’on a proposé d’assimiler à celle dont s’est
occupée la commission d’industrie ? Des exploitants de carrière du Hainaut qui
voudraient faire transporter leurs pierres en France, pour y confectionner de
la chaux. Je le demande, quelle similitude y a-t-il entre ces deux cas ? La
position de ces exploitants n’a pas changé par le fait de la révolution et de
notre état d’hostilité vis-à-vis de
Ainsi d’une part il y a certains motifs d’urgence et de circonstance qui
militent en faveur de la première et que l’autre ne peut pas invoquer. Si nous
devons modifier notre tarif d’exportation pour les pierres à chaux, nous
pouvons examiner cette question à loisir.
En second lieu, on ne voit pas pourquoi cette disposition qu’on propose
pour le Hainaut aurait le caractère de temporaire qu’on donne à l’autre ; on ne
voit pas pourquoi elle cesserait ses effets à l’époque du traité définitif
entre
Je pense que la chambre devrait écarter cet amendement quant à présent ;
je n’en proposerai pas le rejet pur et simple, parce que je n’ai pas eu le
temps d’examiner avec soin la question, et tous les membres doivent se trouver
dans le même cas, par suite de la manière dont nous avons été saisis de cette
proposition.
Comme il n’y a ni motif d’urgence, ni similitude entre les deux espèces,
il me semble qu’on devrait renvoyer l’amendement de l’honorable M. de Puydt,
soit à l’examen des sections, soit à la commission d’industrie, et si la
réclamation, qui a donné lieu à l’amendement est fondée, on l’accueillera ;
elle fera l’objet d’un projet de loi séparé qui ne pourra pas être rédigé de la
même manière que celui proposé par la commission d’industrie.
On aura à examiner ce qu’on faisait
depuis quinze ans de ces pierres qu’on propose d’exporter en France, pour y
transporter la fabrication de la chaux. Il est possible que la réclamation soit
juste ; mais avant d’y faire droit, il faut l’examiner avec maturité.
Je demande donc que l’amendement de l’honorable M. de Puydt fasse
l’objet d’une proposition séparée et soit renvoyée à la commission d’industrie.
M.
de Puydt. - La prohibition des pierres à chaux a été motivée par
l’intérêt de l’industrie de Tournay seule. Je défie qu’on me prouve le
contraire. Mais la mesure trop générale blesse les intérêts d’autres localités.
Le projet de loi qui vous est soumis a uniquement pour but de
restreindre l’exportation à ses justes limites, de manière à concilier tous les
intérêts ; ce n’est donc pas en invoquant des principes généraux qu’il faut
combattre ce projet. Pour maintenir la prohibition générale et absolue, il
faudrait prouver que la mesure proposée est nuisible. Or bien loin de là elle
est utile aux localités pour lesquelles on l’invoque, sans faire tort au
commerce dans l’intérêt duquel la législation actuelle a été conçue.
En matière de douane, la liberté doit être la règle générale et la
prohibition l’exception.
L’industrie de Tournay ne peut pas souffrir de la liberté accordée aux
produits de l’arrondissement de Charleroy. Il n’y a entre ces localités aucun
rapport de consommation commun et qui puisse motiver une rivalité.
Le nouveau cas auquel l’amendement s’applique est donc également un cas
particulier ; car il s’agit simplement de donner une valeur à un produit qui
n’en a pas, sans nuire à une fabrication qui n’en est pas une.
La fabrication de la chaux dans le vallon de
Les cantons français riverains de
Si l’on considère que la chaux
produite n’a guère que le tiers du poids des matières premières, on concevra
qu’eu égard au peu de valeur de la main-d’œuvre de fabrication il y a un
avantage évident à fournir les matières premières au lien de la matière
fabriquée ; c’est-à-dire à faire bénéficier le commerce d’un transport double,
indépendamment des autres avantages qui résultent de la mesure proposée pour
les carrières de marbre du pays.
Je maintiendrai donc mon amendement. Quant au caractère temporaire de la
loi, il n’est pas un obstacle à opposer à son adoption ; toute loi de douane
doit être considérée comme temporaire jusqu’au moment où nous aurons un système
définitif.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je pense que la proposition de M. Dubus doit
être adoptée. La chambre se souviendra de quelle manière elle a été saisie de
cette loi ; elle se rappellera qu’elle a été mise en discussion avant d’avoir
été imprimée, de sorte qu’ici, comme dans une autre question beaucoup plus
importante, le gouvernement a été pris comme au dépourvu. Toutes ces questions
qui touchent à l’industrie et au tarif de douane sont fort délicates, et souvent
celles qui au premier abord paraissent les moins importantes, ont les
conséquences les plus graves.
Le projet dont il s’agit a été l’objet de l’examen du gouvernement ; il
était ce qu’on appelle en style administratif, en instruction : Le gouvernement
avait consulté les diverses chambres de commerce sur la convenance qu’il
pouvait y avoir à admettre la demande du sieur Germaux.
Tous les avis ne lui sont pas encore parvenus ; mais d’après le relevé que j’en
ai fait faire ce matin, les chambres de commerce paraissent partagées sur
l’opportunité de la demande. Les chambres de commerce de Tournay et de Mons s’y
opposent d’une manière absolue ; elles craignent que l’industrie de la
fabrication de la chaux ne soit transportée dans les pays voisins et que notre
pays ne perde la main-d’œuvre. Les chambres de Bruxelles et de Namur sont
d’avis d’admettre la demande du sieur Germaux. Dans
cet état de choses, il était difficile au gouvernement d’admettre la loi,
surtout avec l’amendement de M. de Puydt qui aurait contribué à rendre plus
vive l’opposition des chambres de commerce de Tournay et de Mons.
Je demande que l’article soit rédigé
comme la commission d’industrie l’a proposé, en y ajoutant le mot temporairement qui rendrait inutile
l’art. 3. L’époque du traité définitif entre
On pourra examiner ultérieurement s’il y a lieu de permettre la sortie
des pierres à chaux par
M.
Desmanet de Biesme.
- Je demanderai comme M. Dubus le renvoi à la commission d’industrie. On ne
doit rien précipiter en matière de douane et d’industrie. Comme l’a dit tout à
l’heure M. le ministre, des lois peu importantes en apparence ont souvent les
conséquences les plus graves. Vous vous rappelez tous le jour où un honorable
membre fit la proposition de changer les droits à l’entrée des houilles de
France en Belgique ; cette proposition fut présentée comme la chose la plus
simple du monde. M. de Robaulx insista pour qu’on ne se pressât pas de prendre
de décision ; on ne voulut pas l’écouter, et à peine la loi fut-elle votée que
Charleroy et plusieurs autres localités réclamèrent, et des réclamations vous
sont encore adressées tous les jours.
Je demande que toute la loi soit
renvoyée à la commission afin de consulter les chambres de commerce.
M.
le président. - Je vais consulter la chambre sur la proposition
de M. Desmanet de renvoyer toute la loi à la commission d’industrie, et
ensuite, s’il y a lieu, sur le renvoi particulier proposé par M. Dubus.
M. de Robaulx. - Je
demande la parole.
Si on ne proposait de ne renvoyer qu’une partie de la loi, je ne
pourrais me rallier à cette proposition. S’il existe un doute à l’égard de la
province du Hainaut, si la loi sous ce rapport doit mériter plus de maturité,
l’ensemble entier de la loi doit, ce me semble, être soumis à une révision. Il
ne faut pas faire une loi tronquée, une loi par pièces et morceaux. Si nous
établissons un pareil précédent, l’on ferait une loi particulière pour telle ou
telle rivière. Je ne pense pas que l’on puisse en agir ainsi. L’on a déjà
beaucoup de peine à traiter une question de douane dans des cas spéciaux. A
plus forte raison avons-nous besoin d’être entourés de tous les renseignements
nécessaires, lorsqu’il s’agit d’établir une dérogation aux dispositions
générales pour une localité particulière. J’appuie donc la motion de M.
Desmanet de Biesme qui tend à ajourner l’ensemble de la loi.
M. Dubus. - Je
consens volontiers à ce que la loi soit renvoyée à la commission d’industrie.
Je suis d’autant plus porté à admettre ce renvoi que les observations de M. le
ministre de l’intérieur ayant fait connaître l’opposition de quelques chambres
de commerce au projet de loi en discussion, il me semble qu’il serait utile de
connaître les motifs qu’elles ont fait valoir. Mais comme il serait possible
que la chambre n’adoptât pas le renvoi de la loi tout entière, je maintiens
toujours ma proposition première de renvoyer l’amendement de M. de Puydt, qui
n’a subi aucun examen préalable, tandis que le reste du projet a été examiné au
moins par la commission d’industrie.
Je n’appuierai donc que conditionnellement la proposition de M. Desmanet de Biesme.
M. Zoude. - Je
ferai observer à l’assemblée que sur cinq chambres de commerce qui ont émis
leur opinion sur le projet soumis à vos discussions, deux seulement se sont
prononcées contre. M. le ministre de l’intérieur a oublié de citer la chambre
de commerce de Charleroy qui a adopté le projet.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je n’ai cité aucune chambre de commerce en
particulier. seulement dit que les chambres étaient
partagées sur la question.
M.
Smits. - De nouveaux renseignements ont été demandés aux
chambres de commerce, attendu qu’il en est qui ont émis leur opinion sur le
projet actuellement en discussion sans la motiver. Je citerai la chambre de
commerce de Namur qui est dans ce cas. Je pense donc qu’il y a lieu d’attendre
ces renseignements qui ne tarderont pas à être transmis au ministre de
l’intérieur.
- La proposition de M. Desmanet de Biesme, qui tend à ajourner la
discussion du projet de loi, est mis aux voix et adopté.
Le projet de loi sur la sortie des pierres à chaux par
Motion d’ordre (question préalable)
M.
le président. - M. le rapporteur de la section centrale a la
parole pour une motion d’ordre.
M. Desmaisières, rapporteur. - Comme la motion d’ordre que j’ai
à vous faire est la conséquence de la réfutation des observations avancées par
l’honorable M. Dubus dans la séance précédente, j’aborderai cette réfutation qui
motivera suffisamment ma motion d’ordre.
Messieurs, hier on nous a reproché de ne pas avoir répondu à toutes les
objections présentées par l’honorable contradicteur du projet de loi présenté
par la section centrale. Je n’ai, quant à moi, il est vrai, pas cherché à
combattre quelques-unes des objections mises en avant, parce que, je le répète,
pour certaines d’entre elles, elles se trouvaient victorieusement combattues
par la déclaration toute franche et loyale de M. le ministre des finances qui
vous a dit que, malgré l’opinion contraire qu’il professait auparavant, il
avait dû en changer parce qu’enfin on ne pouvait pas refuser de se rendre à
l’évidence. Je dois croire que mes réponses à celles de ses objections que j’ai
combattues ont satisfait notre éloquent adversaire, puisque dans un deuxième
discours il n’en a plus été question. Il ne resterait donc plus à combattre que
deux des arguments qui nous ont été opposés par l’honorable M. Dubus, savoir le
reproche de vouloir demeurer stationnaires qu’on a fait aux fabricants des
Flandres, et l’argumentation basée sur les chiffres des exportations et
importations des produits manufacturés de l’industrie linière. Quant au premier
argument, on ne saurait soutenir que la section centrale n’y a pas répondu, car
elle y a répondu d’avance dans le rapport lui-même que j’ai eu l’honneur de
faire en son nom à la chambre, il y a plus de deux mois, et par conséquent
assez à temps pour qu’on ne puisse pas venir insinuer ici, comme on l’a fait,
que la discussion relative aux toiles a été introduite par surprise et en
quelque sorte furtivement. Mais puisqu’on paraît avoir adopté pour système de
reproduire toujours les mêmes objections sans les appuyer sur aucuns
raisonnements ou faits nouveaux, je demanderai la permission à la chambre de
donner lecture de quelques lignes qui se trouvent à la page 43 de mon rapport :
« C’est ici, messieurs, que nous ne pouvons nous empêcher de
repousser de toutes nos forces les reproches de rester stationnaires que l’on a
faits aux localités où se pratique l’industrie linière. Si elles sont
stationnaires ces localités, messieurs, comment se fait-il, que les autres
localités du pays et l’Europe entière cherchent à imiter, non seulement leur
industrie agricole, mais encore les produits de leur industrie linière ?
Comment se fait-il que d’autres localités n’ont jusqu’ici pas encore pu
produire des lins aussi beaux que les leurs, quoique, placées à côté d’elles,
elles aient ainsi l’exemple de culture sous les yeux, et ne doivent par
conséquent pas faire, comme elles l’ont fait, ressource de leur génie inventif
et progressif ? Comment se fait-il que ces autres localités, après avoir
cherché à imiter l’industrie agricole des premières, ne cherchent pas aussi à
imiter leur fabrication de fils et de toiles, en mettant en pratique les
prétendus perfectionnements, les prétendus progrès qu’elles voudraient voir
faire par celles-ci ? Comment se fait-il qu’en prétendant livrer la matière
première que produit leur sol à la fabrication étrangère, elles favorisent
ainsi les progrès des étrangers, au lieu de chercher à introduire dans le pays
cette fabrication meilleure selon elles ?
« Un ancien et honorable membre de cette chambre, qui a voulu introduire
la filature anglaise en Belgique, a déclaré qu’il n’a pu continuer à travailler
à cause de la cherté des lins ; une filature suivant le mode anglais, établie à
Alost, a également dû stater ; et il devait en être ainsi, car lorsqu’on
importe des machines de nouvelle invention, on n’importe pas l’intelligence et
l’expérience de ceux qui les ont mises en pratique ; il faut un temps moral,
nécessaire avant de parvenir à acquérir cette intelligence et cette expérience.
Ce n’est donc qu’à l’aide du plus bas prix de la matière première, qui alors
compense les frais d’expérience et ceux que l’on a dû faire pour importer les
machines, que l’on peut continuer à fabriquer avec ces mêmes machines. »
Vous voyez bien, messieurs, que nous avions déjà répondu
d’avance à ce à quoi on soutient aujourd’hui que nous n’avons pas répondu. J’en
viens à l’argumentation tirée des chiffres d’importation et exportation.
« On n’importe en Belgique, vous a dit l’honorable M. Dubus que
pour 6 à 800,000 francs de produits étrangers, et nous en fabriquons pour plus
de 40 millions ; quelle nécessité y a-t-il donc d’empêcher une importation dont
le chiffre est aussi minime par rapport à celui de la fabrication indigène ?
Quelle nécessité y a-t-il donc de faire peser ainsi un impôt sur le
consommateur de toiles étrangères ? Quelle nécessité y a-t-il enfin d’adopter
pour un aussi mince avantage un mode de tarification nouveau pour nous ? N’y
a-t-il pas nécessité au contraire de revenir à la proposition de M. Rodenbach
qui demandait 10 p. c. à la valeur, afin que dans la réalité on perçoive 7 p. c. ? »
Je n’irai pas contester le chiffre de 800,000 francs, ni même celui de
600,000, quoiqu’à mon avis ils soient très contestables ; mais je les
supposerai pour un moment bien réels, bien dans la vérité, et je maintiens
qu’encore il y a nécessité de frapper de droits plus élevés à l’entrée les
toiles fabriquées à l’étranger, et aussi d’adopter le mode de tarification
proposé par nous, qui a déjà reçu l’assentiment de 44 membres de la chambre.
Puisqu’on a parlé de la manière dont a été introduite la discussion sur les
toiles, je parlerai, moi, de la tactique employée pour chercher à opposer à
cette question importante une espèce de fin de non-recevoir.
On oublie ou on paraît oublier qu’il s’agissait d’abord de tout ce qui a
rapport à l’industrie linière, fabrication et matière première : à l’aide de
frayeurs que l’on a mises en avant, relativement aux longues discussions
auxquelles donne lieu la question relative à la matière première, on a écarté
et ajourné indéfiniment cette question. Quant aux toiles, a-t-on dit, ah ! ici nous sommes tous d’accord ; la discussion ne sera pas
longue ; tous, unanimement, nous trouvons qu’il y a lieu à frapper de droits
plus élevés l’entrée des toiles étrangères. En effet, il s’en est bientôt suivi
un vote formel, et je puis dire unanime, de la chambre qui décidait qu’il y
avait lieu à accorder de plus forts droits protecteurs contre l’introduction
des tissus de lin venant de l’étranger, Mais, aujourd’hui, il n’en serait plus
de même, selon notre honorable opposant ; à présent que la question des
fabricats est devenue complètement isolée, à présent qu’il n’est plus question
de matière première, on vient vous dire : Mais faut-il donc faire payer un
impôt à nos consommateurs de toiles étrangères pour qu’il n’en résulte qu’une
protection de 800,000 francs sur une fabrication de 40 millions ?
A cet égard, messieurs, qu’il me soit permis de lire encore un petit
passage de mon rapport qui se trouve à la page 42 ; le voici :
« Reste cependant l’objection qui a été faite par quelques personnes contraires
aux propositions, et qui consiste à dire que si des droits modérés ne peuvent
nuire à l’industrie linière elle-même, du moins ils ne peuvent lui être
d’aucune utilité. A ces personnes-là, nous répondrons qu’elles perdent de vue
que nous frappons de droits modérés à l’entrée les fabricats liniers venant de
l’étranger, en même temps que nous frappons nos lins (matière première) de même
modérément de droits à la sortie. En combinant ces deux moyens, nous évitons de
produire, de quelque côté que ce soit, des secousses violentes et pernicieuses,
et nous avons ainsi l’avantage d’employer des moyens efficaces pour protéger
notre fabrication et sans risquer de nuire essentiellement ni à aucune de ses
parties, ni à tout autre intérêt industriel ou commercial, qui pourrait se
trouver en opposition avec ceux de l’industrie linière. »
Mais vous produisez, vous vendez pour 40 millions, dit-on ; n’est-ce pas
assez ? Oui, certes, ce serait assez si ce n’était les dures privations
auxquelles, pour pouvoir encore les gagner au profit du pays ces 40 millions,
nos malheureux ouvriers doivent se résigner.
Oui, messieurs, je ne crains pas de l’annoncer ici, si vous ne frappez
pas les toiles étrangères à leur entrée en Belgique, vous serez obligés d’en
venir à des droits élevés à la sortie de la matière première, peut-être même à
la prohibition comme elle existe à l’égard des pierres à chaux de Tournay. Je
prie l’honorable député de Tournay de croire qu’ici mon intention n’est
nullement de combattre la prohibition à la sortie des pierres à chaux de
Tournay. Au contraire, j’ai déjà voté, avant-hier, implicitement pour le
maintien de cette prohibition, parce que je la crois utile et nécessaire aux
intérêts généraux du pays Je l’ai déjà dit dans mon rapport, messieurs, une industrie,
quelle que soit son importance et en quelque lieu de
J’en viens aux dernières parties de l’argumentation de l’honorable M.
Dubus, celles qui concernent : 1° la nécessité qu’il n’y aurait pas, selon lui,
de faire payer un impôt aux consommateurs de toiles étrangères pour le peu de
bénéfice qu’il en résultera, encore selon lui, en faveur de notre fabrication ;
et 2° celle de la nécessité d’écarter entièrement la proposition de la section
centrale en revenant à celle de M. Rodenbach, qui a été rejetée par 44 voix
contre 13, par le fait même de l’adoption de la proposition de la section
centrale.
D’abord, admettant encore que le chiffre de 800,000 francs soit
réellement exact, si c’est là un petit bénéfice pour la fabrication, il faut
avouer qu’alors le bénéfice qui résulterait pour le consommateur de toiles
étrangères de l’exemption des droits à payer à l’entrée, serait encore bien
plus minime, puisqu’il se réduirait au 1/14ème environ de cette même somme.
Mais, messieurs, en vérité je suis étonné que notre honorable
contradicteur, ordinairement si judicieux dans toutes ses argumentations, ait
pu nous proposer d’adopter dans l’intérêt des consommateurs la proposition de
l’honorable M. Rodenbach, qui voulait un taux nominal de 10 p. c. afin d’en
recevoir en réalité 6 ou 7 p. c. Un pareil mode de perception peut fort bien
être en faveur du consommateur qui, introduisant lui-même sa marchandise,
fraudera par sa déclaration 3 ou 4 p. c. sur les 10 p. c. portés par la loi ;
mais on avouera que l’introducteur de bonne foi sera ici complètement dupe, car
il paiera, lui, 10 p. c. et, comme on l’a fort bien dit, il y a immoralité à
rendre l’homme de bonne foi dupe de ce que lui dicte sa conscience. En suite de
cela on sait bien, messieurs, que le consommateur n’introduit pas lui-même le
plus souvent ; et que résulterait-il de là cependant ? c’est
que le consommateur de toile d’Allemagne, qui est déjà dupé par le bon marché
apparent, le serait encore par le taux de 10 p. c. qui se trouverait dans la
loi ; car le marchand qui n’aura payé, lui, que 6 à 7 p. c., fera valoir les 10
p. c. envers celui qui a absolument le goût des toiles d’Allemagne.
Je crois avoir répondu maintenant aux objections auxquelles on a paru
désirer que je réponde. Je passe à une motion d’ordre que je vais avoir
l’honneur de vous faire.
On s’est plaint, messieurs, de l’espèce de désordre qui a jusqu’ici
régné dans la discussion qui nous occupe ; mais à qui la faute ? Est-ce à ceux
qui reviennent constamment mettre en question des points déjà décidés par la
chambre, ou est-ce à ceux qui veulent avant tout respecter ces décisions ?
N’est-ce pas mettre le désordre dans une discussion que de proposer à la
chambre de revenir sur une décision déjà prise ? En supposant que la décision
prise par appel nominal, relativement au mode de tarification, puisse être
considérée comme un amendement, ce que je contesterai plus amplement que je ne
l’ai déjà fait quand il en sera temps ; en supposant, dis-je, qu’il s’agisse
ici réellement d’un amendement, encore le règlement de la chambre veut-il qu’on
attende le second vote avant de pouvoir proposer de revenir sur le premier. Je
crois donc que si l’honorable M. Dubus veut absolument maintenir sa
proposition, il doit au moins attendre jusqu’au second vote avant qu’elle
puisse être mise en discussion. J’espère qu’il n’ira pas penser que je veux par
là lui opposer une espèce de fin de non-recevoir ; car s’il l’ajourne jusqu’au
second vote, il n’en aura que mieux le temps de l’appuyer. Mais, quant à
présent, la chambre ne pourrait, sans violation de son règlement et sans se
montrer inconséquente avec ses décisions antérieures, émettre d’autre vote sur
la proposition de M. Dubus que celui de l’adoption de la question préalable.
J’ai donc l’honneur de proposer à la chambre, à présent qu’elle a adopté
dans les séances précédentes
1° la proposition d’accorder une plus forte protection à l’industrie
linière ;
2° le mode de tarification au poids et au compte-fils ;
3° l’article 1er de la loi ;
et 4° un droit de 30 francs à l’entrée sur les
toiles écrues de moins de 8 fils,
de passer immédiatement à la discussion et au
vote du droit proposé pour la classe des toiles écrues de 8 à 12 fils, et ainsi
de suite. Quand les droits sur les toiles écrues auront été votés, on pourra
passer aux toiles blanches, puis aux toiles à matelas et ainsi de suite, en
suivant l’ordre du tarif proposé par la section centrale de concert avec le
ministère. Mais, messieurs, si nous ne voulons pas nous engager dans des
discussions désordonnées et interminables, n’allons pas, je vous en prie,
parler toiles blanches lorsqu’il s’agit de toiles écrues, parler coutils
lorsqu’il s’agit de toiles blanches, etc. Renfermons-nous bien dans chaque
spécialité du tarif, et ainsi nous procéderons mieux, plus vite et avec
beaucoup plus de fruits pour les résultats de la discussion.
Quant aux toiles de moins de 5 fils,
si l’on considère cette proposition comme un sous-amendement à l’amendement
déjà voté par la chambre, qui est relatif aux toiles de moins de 8 fils, eh
bien, qu’on en renvoie la discussion au second vote, nous
nous y opposons pas.
Vous n’ignorez pas, messieurs, que le droit de 30 francs pour les toiles
de moins de 5 fils est un véritable amendement à la proposition de la section
centrale ; car si cette section y a adhéré depuis, je n’ai pu lors du vote,
qu’y adhérer en ma qualité de député seulement.
Enfin, messieurs, si M. Dubus persiste à demander qu’on vote dès à
présent sur sa proposition, je propose formellement la question préalable.
M.
d’Huart. -
Comme la question préalable demandée par le rapporteur de la section centrale
et la proposition de M. Dubus se confondent, je défendrai l’une pour combattre
l’autre, et me verrai forcé d’entrer dans l’examen de la question soulevée par
l’honorable M. Dubus pour l’appuyer.
Messieurs lorsque la chambre a résolu de prendre pour base de la
discussion le système de la section centrale qui tend à imposer l’entrée des
toiles étrangères suivant le mode du nombre de fils et du poids, elle n’avait
pas prévu, il faut bien en convenir, toutes les difficultés et les incertitudes
de ce système ; j’en appelle sur ce point à la plupart des membres qui ont voté
avec la majorité : qu’ils le disent, n’eussent-ils pas préféré la proposition
toute simple et claire de l’honorable M. Rodenbach, s’ils avaient prévu
qu’après une longue discussion dans cette enceinte, après les laborieuses
recherches, ou si vous voulez, après les tâtonnements de la section centrale,
les partisans du compte-fils eux-mêmes en seraient arrivés à devoir reconnaître
que l’application de leur procédé à deux sortes de toiles de même valeur, peut
imposer l’une à 7 p. c. et l’autre à 15 p. c. ?
Que veut la chambre en cette circonstance, ou du moins quel est le point
sur lequel tout le monde paraît d’accord ? c’est de
frapper les toiles étrangères d’un droit réel de 7 p. c. ; Que l’on applique
donc, d’une manière formelle et précise, cette volonté qui paraît si unanime.
On convient qu’en portant à dix pour cent dans le tarif des douanes, le droit
d’entrée sur la valeur des toiles, ce droit se trouve réellement réduit par la
déclaration à 7 p. c. Et qu’on n’invoque pas ici la conscience de ceux qui
feront les déclarations en matière de douane ; ce n’est pas le cas. Que l’on
adopte ce mode que vous a proposé lui-même l’un des députés des Flandres les
plus chauds protecteurs de l’industrie linière. Mais, dit-on, la fraude peut
s’exercer de cette manière : les déclarations se feront beaucoup au-dessous de
la valeur, le droit sera ainsi éludé. Erreur évidente, nos douaniers
connaissent aujourd’hui la valeur réelle des objets aussi bien que les
marchands eux-mêmes ; il se trouve dans tous les bureaux d’entrée de vieux employés
expérimentés que l’on ne trompe pas facilement et qui ne manquent pas d’exercer
la préemption des marchandises lorsque la déclaration reste trop en-dessous de
la vérité. Ne sait-on pas, en effet, que de fréquentes préemptions s’opèrent
sur nos frontières ? La pétition récente d’un commerçant qui réclamait à la
chambre contre la facilité que l’administration laissait aux employés pour se
défaire des marchandises qu’ils préemptent, ne décèle-t-elle pas suffisamment
le frein puissant que le droit de préemption apporte aux déclarations
frauduleuses ?
Puisqu’il est évident que pour imposer uniformément les toiles
étrangères, il faut fixer le droit directement sur la valeur, et renoncer à
l’expédient de la section centrale qui ne présente qu’incertitude, pourquoi ne
reviendrait-on pas, comme le demande l’honorable M. Dubus, sur la décision
prise lorsque les lumières de la discussion n’avaient pas encore porté leurs
fruits ? Le règlement n’a rien qui s’y oppose, non plus que la dignité de la
chambre ; car je ne sache pas que cette dignité consiste à s’obstiner dans une
mauvaise voie par la seule raison qu’on y serait entré : ne serait-il pas
étrange que, voulant explicitement imposer certaine marchandise étrangère d’un
droit uniforme qui ne dépassât pas 7 p. c., nous
admissions sciemment une mesure qui frapperait souvent cette marchandise d’un
droit de 15 p. c. ?
Si MM. les députés des Flandres veulent réellement se contenter d’un
droit protecteur de 7 p. ce. en faveur de l’industrie linière de leur province,
qu’ils se rallient franchement à la motion de l’honorable M. Dubus dont
l’adoption nous placera nous députés des autres provinces, moins versés qu’eux
dans la fabrication des toiles, en situation d’émettre nos votes en
connaissance de cause : s’ils persistent au contraire et s’ils triomphent dans
leur système actuel, mon devoir, quant à moi, sera de m’abstenir, car il me
resterait d’une part trop d’incertitude sur le taux réel du droit, et de
l’autre, je devrais douter si les opérations compliquées qu’il faudra faire
pour parvenir à l’application de ce droit, ne seront pas la source d’embarras
et de tracasseries que le commerce envisagera comme une véritable prohibition.
Je ne reviendrai pas, à propos de la motion d’ordre, sur les arguments
victorieux que vous a présentés hier l’honorable M. Dubus.
Je dirai seulement avec lui qu’une industrie qui fabrique et vend pour 40
millions ne doit pas craindre avec un droit protecteur de 7 p. c. une
concurrence qui n’a pu jusqu’à ce jour s’élever au-delà du cinquantième,
lorsque le droit était à peu près nul, c’est-à-dire de 1 p. c.
L’on est revenu sur le taux des valeurs des produits de l’industrie
linière dans les deux Flandres. Si les députés de ces provinces persistent à
présenter cette industrie sous un jour aussi alarmant, on leur opposera des
arguments que la prudence n’avait pas permis d’employer contre la situation de
l’industrie des Flandres, qu’ils ont signalée comme périclitante.(Bruit. Agitation.)
M.
A. Rodenbach. - Parlez, parlez
M. Helias d’Huddeghem. - Expliquez-vous.
M.
d’Huart. Je dirai ce qu’il me conviendra de dire.
Personne ne me forcera à ajouter un mot de plus que ce que j’ai l’intention de
dire, surtout lorsque la prudence me commande la réserve.
Je dirai aux honorables députés des Flandres que le résultat de leur
proposition ne méritera pas tout le zèle et les efforts qu’ils emploient
aujourd’hui : en effet en supposant qu’il n’entre plus à l’avenir de toiles
étrangères en Belgique, la vente des toiles indigènes pour 7 ou 8 cent mille
francs de plus ne sera pas sensible sur la masse.
J’ai des renseignements très positifs sur l’entrée des toiles étrangères
en Belgique.
En 1831 l’importation a été de 657,283 francs ;
En 1832, 833,281 francs ;
En 1833, 965,128 francs.
Si ce dernier chiffre diffère de celui qu’a présenté M. Dubus, c’est
qu’il a défalqué du chiffre général le montant des coutils importés.
Cette valeur a été en 1833 de 67,371 francs. En la défalquant de 965,128
francs, reste donc 897,757 francs, chiffre cité par M. Dubus dans la séance
d’hier.
Si je n’avais considéré la question que sous le rapport matériel,
j’aurais voté contre tout changement quelconque au tarif existant, mais j’y
attache une raison politique ; depuis longtemps la question des toiles a
retenti dans cette enceinte et au-dehors, nos collègues des Flandres ne sont
certes pas restés sans promettre à leurs commettants des améliorations en
faveur de leur industrie linière ; les Flamands en un mot s’attendent à une
modification dans la législation existante sur la matière : il convient donc de
donner à ces intéressantes provinces un apaisement auquel je souscrirai
volontiers.
Je termine, en restant convaincu que
le seul moyen de grande prospérité pour l’industrie linière, c’est
l’exportation de ses produits ; pour cela il faut que nos tisserands
approprient leurs tissus au goût et à la mode des pays étrangers, et que notre
gouvernement en facilite le débit au moyen des relations commerciales que sa
diplomatie s’efforce, je le sais, de consolider et chez les autres nations.
M.
H. Dellafaille - Je ferai remarquer à l’assemblée que
l’honorable M. d’Huart a parlé de tout, excepté de ce qui est en discussion.
M.
d’Huart. - On
me reproche de n’avoir pas abordé la motion d’ordre. J’ai constamment cherché à
faire ressortir les avantages de la proposition de M. Dubus.
Il m’a donc fallu entrer dans le fond de la discussion. L’honorable rapporteur
de la section centrale, en présentant sa motion d’ordre, s’est étendu aussi
longuement que moi sur des objets qui n’y étaient pas directement relatifs. Je
ne lui en fais pas un reproche. Je devais présenter tous les arguments que je
croyais capables d’engager la chambre à s’écarter du système de la section
centrale et à revenir à celui de M. Rodenbach, qui établit la perception du
droit selon la valeur et à l’avantage de ne pas dépasser le taux de 7 p. c.
admis comme base par la chambre. Pour arriver à ce résultat, il fallait bien
entrer dans le fond de la discussion.
M.
H. Dellafaille - J’appuierai la motion d’ordre de l’honorable
rapporteur de la section centrale. Malheureusement depuis deux jours la plus
grande confusion a régné dans la discussion. On avait décidé la majoration du
droit sur les toiles. On avait décidé le mode de perception de ce droit. Et
cependant ces questions ont été discutées de nouveau, et voici que l’on vous
propose de revenir à un système que la chambre a formellement abandonné. La
chambre a pris une décision sur le mode de perception du droit sur les toiles.
Est-ce une proposition nouvelle ou un amendement à la proposition de M.
Alexandre Rodenbach qu’elle a adopté ? Je pourrais nier ce dernier point et
dire que c’est la proposition du député de Thielt qui l’a emporté. Ce n’est ni
l’une ni l’autre.
C’est la proposition de la section
centrale à laquelle la chambre s’est ralliée. Un membre individuellement n’a
pas le droit de demander que la chambre revienne sur une décision qu’elle a
formellement prise. C’est le projet de la section centrale qui est en
discussion. C’est le mode de perception au poids et au compte-fils qui a été
adopté. L’honorable M. Dubus ne pourra donc reproduire qu’au second vote
seulement et par forme d’amendement la proposition de M. Rodenbach, contre
laquelle il y a actuellement décision.
Mais ce ne peut jamais être dans une première discussion qu’une
proposition rejetée peut être mise de nouveau sur le tapis. Le règlement est
formel à cet égard. Si l’assemblée consultée sur l’amendement de M. Dubus
l’accueillait favorablement, qui pourrait nous empêcher, nous, les adversaires
de son système, d’entraver de nouveau la discussion en reproduisant le mode de
perception que nous croyons le meilleur et que la chambre aurait repoussé ? Je
suis donc d’avis qu’il y a lieu d’adopter la question préalable.
M.
Desmet. - Messieurs, je ne compte pas répliquer aux observations
que vient de faire l’honorable M. d’Huart, qui a traité la question au fond et
qui a commencé une deuxième discussion sur le mode de perception à employer
pour percevoir le droit ; je veux rester dans les termes de la motion d’ordre,
je crois que c’est là la seule question qu’on doit discuter dans ce moment.
La chambre a décidé que les plaintes des fabricants de toiles de lin
seront prises en considération, que les droits d’entrée des toiles étrangères
seront majorés ; cette décision à été, je crois, prise à l’unanimité, ou du
moins personne ne s’y est opposé.
Elle a décidé que cette majoration sera telle que le droit sera
d’environ de 7 p. c. de la valeur.
Elle a décidé en outre que le mode de perception sera au compte-fils et
au poids et non pas à la valeur ; cette décision a été prise à la grande
majorité de 42 voix contre 13.
Elle a trouvé utile de renvoyer au ministre et à la section centrale le
projet de tarif que cette section avait présenté ; le ministre vient de
déclarer qu’il a assisté au travail, qu’il a fait des calculs dans son
particulier pour s’assurer si le droit est bien établi ct si le tantième ne
dépasse pas les 7 p. c. de la valeur, et qu’il approuve entièrement le projet
de tarification que nous avons sous les yeux.
Et dans la séance de hier, on revient sur tout, on remet tout en
question, non pas cependant dans les conclusions, mais dans les raisonnements ;
et si je les ai bien compris, je m’attendais à tout autre proposition que celle
qui à la fin de la séance a été déposée sur le bureau, car il m’a semblé qu’on
avait très peu traité la question qu’elle contenait. On a fortement critiqué le
mode de fabrication qu’emploient les tisserands flamands dans la confection de
leurs toiles ; on a dit qu’ils faisaient trop bien, que pour se mettre à la
hauteur de la fabrication du moment, ils devaient faire du mauvais, et que pour
conserver leur renommée, ils devaient travailler comme les Allemands et les
Anglais. On a conseillé de faire usage dans le tissage des toiles de lin de la
navette volante ; je ne crois pas qu’on ait dit qu’il fallait couper les doigts
à nos fileuses cl les remplacer par les mécaniques. Cependant on aurait aussi
pu le conseiller comme un jour l’a fait un de nos ministres. On a observé qu’il
ne valait pas la peine, pour une si petite entrée de marchandises étrangères,
de faire quelques changements au tarif existant ; enfin, on vous a cité avec
emphase quelques passage d’un rapport de M. Serruys, qui, quoique député
d’Ostende, y avait conclu que les toiles étrangères devaient à leur entrée être
imposées de 6 p. c. ; mais à la fin on a reconnu que le droit sur les toiles
étrangères à leur entrée devait être majoré, et que même il pouvait s’élever à
10 p. c. Puisque notre adversaire est d’accord avec nous sur le principal point,
celui de la majoration du droit, il n’est plus nécessaire de rentrer dans cette
discussion ni de lui répliquer sur ce qu’il a avancé concernant l’entrée des
toiles étrangères.
Je n’ai pas entendu qu’on avait critiqué le travail de la tarification
tel qu’il a été fait par le ministre et la section centrale ; cependant c’est
là le point je pense, qu’on aurait dû traiter et combattre ; les autres étant
décidés par la chambre. On veut revenir, comme on le voit par la proposition
déposée, sur le mode de perception du droit, et on insiste qu’une deuxième
discussion s’ouvre sur cet objet. Ce n’est pas que j’aie peur de cette
discussion, car les raisonnements qui ont engagé une majorité de 44 voix à se
prononcer pour le mode qu’on suit en France ne sont pas changés et n’ont rien
perdu de leur force ; mais je vous le demande, messieurs, est-ce bien dans
l’usage de la chambre de revenir ainsi sur une discussion ? Je conçois que cela
peut se faire quand on a été dans l’erreur sur un fait ou sur un point
quelconque, et qu’il est démontré que c’est en suite de l’erreur que la chambre
a donné son vote ; mais dans la question actuelle ça n’a pas eu lieu, tout le
monde a compris la question, on l’a longuement débattue, tous les points ont
été vidés, rien n’est resté dans le doute ; c’est avec une pleine connaissance
de cause que le vote a été voté : je ne conçois donc pas à quoi pourra servir
cette deuxième discussion ; pourra-t-on faire autre chose que se répéter ?
Chaque opinion reproduira ses mêmes arguments, et rien n’est survenu pour faire
changer les convictions et revenir sur une résolution prise à une telle
majorité.
Mais, si vous allez laisser
introduire un tel usage dans la chambre, je crains qu’il n’entraîne avec lui de
graves inconvénients et qu’il ne mette dans vos délibérations une inquiétante
incertitude. Votre règlement prévoit le cas qu’on peut revenir sur un vote et
qu’on peut le soumettre à une deuxième discussion, mais aussi cette exception
prouve que communément, un vote une fois donné, on ne peut plus y revenir, si
ce n’est quand il est démontré, comme je viens de le dire, que le vote a été la
suite d’une erreur de fait.
Je pense donc que la chambre se tiendra à la décision qu’elle a prise et
qu’elle s’opposera à laisser recommencer une discussion qui a été entièrement
vidée, comme elle trouvera non seulement inutile, mais déplacé de faire voter
une deuxième fois sur un objet qui a été décidé à une si immense majorité.
Je désire donc que la chambre décide, avant d’entrer dans toute autre
discussion, si elle donnera suite à la proposition de l’honorable M.
Dubus. Je ne doute pas que la négative sera décidée ; si contre
mon attente nous étions condamnés à reprendre une deuxième fois la discussion
du compte-fils, alors je demanderai la parole pour combattre l’opinion de cet
honorable député, et je tâcherai de répondre aux soi-disant incertitudes de
l’honorable M. d’Huart.
M.
A. Rodenbach. - Je m’abstiendrai d’entrer dans de longs détails
sur la motion d’ordre ou sur la question préalable ; la chambre me saura gré de
ne pas l’occuper de ces objets ; mais M. d’Huart nous a placés sur un terrain
où je dois le suivre.
L’honorable député du Luxembourg a cité des chiffres qu’il a qualifiés
d’officiels ; l’honorable député de Tournay a établi des chiffres qu’il a aussi
qualifiés d’officiels ; eh bien, et moi aussi, j’ai établi ma proposition sur
des chiffres officiels. Je ne l’ai pas conçue à la légère. J’ai été au
ministère des finances ; je me suis adressé à l’administrateur des douanes ; je
lui ai demandé des renseignements statistiques ; il a fait appeler des employés
qui m’ont présenté des tableaux statistiques.
D’après ces tableaux, il est entré en Belgique, en 1832, des toiles
étrangères pour 505,000 florins., environ 1,100,000
francs.
En 1833, pendant un semestre, il est entre pour 586,000 florins, environ
1,300,000 francs.
On a parlé de 800,000 francs ; il me semble qu’on est loin de compte ;
et j’ai cru devoir m’en rapporter aux tableaux qu’on m’avait communiqués mais
je n’ai plus foi dans les notes statistiques ; elles diffèrent tontes entre
elles.
Mais comment serait-il passible que
le chiffre de 800,000 fr. fût exact ? En Belgique on a détruit la fabrication
du linge de table ; tous les magasins dont pleins de linge de Saxe : peut-on
supposer que la valeur en soit si peu élevée ? Ceci seul prouve que les
tableaux de M. Dubus sont erronés.
Je n’ai pas grande confiance dans ceux que j’ai cités. Tous les chiffres
qu’on nous a communiqués ont jeté la perturbation dans nos débats.
M. de Foere. -
Discute-t-on sur la question préalable, ou sur la proposition de M. Dubus, ou
sur la question du fond ?
M.
le président. - On discute sur la motion de M. Desmaisières et
par conséquent sur la proposition de M. Dubus.
M.
de Foere. - Dans ce cas, le préopinant aurait dû être rappelé à
la question, car il est entré dans le fond de la question.
M.
Jullien. - La question préalable est une question de rappel au
règlement, et tout rappel au règlement doit être traité le premier.
M.
de Foere. - La question préalable a pour but de savoir si la
proposition de M. Dubus est admissible. Autrefois, M. Dubus a soutenu qu’on ne
pouvait revenir sur une décision prise ; mais les arguments s’appliquent à
telle question et ne s’appliquent pas à telle autre question. Cependant, il
importe de savoir si dans nos débats parlementaires nous allons introduire un nouvel
usage, lequel amènerait des discussions interminables.
M.
le président. - Vous avez la parole sur la question préalable.
Il s’agit de savoir si l’on peut revenir sur une décision antérieurement prise.
M. de Foere. - Ce
droit a été continuellement contesté à ceux qui ont voulu l’exercer ; M. Dubus
lui-même l’a contesté. Ce droit ne se trouve inscrit dans aucun article du
règlement. Les usages parlementaires sont établis dans notre règlement ; c’est là
que nous devons chercher le mode de délibérer, et si nous en sortons, il faut
consulter la chambre : M. Dubus n’a pas demandé qu’on consultât la chambre ; il
a introduit, de sa propre impulsion, un amendement sur un article adopté. Ce
n’est pas que je craigne l’amendement de M. Dubus ; car tout à l’heure je
prouverai que l’amendement est identiquement la même chose que la proposition
de la section centrale : le tarif de la section centrale est un droit établi
d’après la valeur.
Je demande que M. Dubus nous montre qu’il a droit de faire une
proposition semblable à celle qu’il a déposée sur te bureau.
M.
Meeus. -
J’appuie la proposition de M. Dubus, et cela d’après les motifs qu’il a déduits
hier clairement. Il a montré que l’assemblée, en votant le mode de perception
au compte-fils, n’a pas pu penser que les conséquences de ce mode de perception
seraient différentes du but que l’on se proposait.
S’il y a erreur dans le vote…
M. Jullien. - Cela
n’est pas démontré à tout le monde.
M.
Meeus. - Il est
inutile de continuer à discuter sur une erreur, et d’attendre le rejet de la
loi pour la recommencer. Cela ne serait pas dans la dignité de l’assemblée de
continuer à délibérer sur une base erronée.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Je demande à expliquer les causes des
différences que M. A. Rodenbach a trouvées dans les chiffres communiqués par le
ministère.
Plusieurs
membres. - Il
s’agit de la question préalable !
M.
le président. - Aux termes de la constitution les ministres ont
la parole quand ils la demandent.
M.
de Foere. - Quand ils demandent la parole sur la question en
discussion.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est du devoir du ministre de rectifier
les citations erronées que l’on peut faite. (Parlez ! parlez !)
D’honorables membres de l’assemblée demandent quelquefois des
renseignements aux divers ministères ; on s’empresse de les leur transmettre.
Mais quand ces membres ne demandent des renseignements que sur un article
spécial, ils ne peuvent avoir le chiffre du mouvement total.
Les chiffres spéciaux cités hier par
M. Dubus sont exacts mais son chiffre total n’est pas complet parce qu’il n’a
pas tenu compte des toiles à voiles ni des coutils.
Il y a 6 colonnes pour les tissus dans les tableaux statistiques des
importations ; j’ai donné le chiffre total de ces six colonnes, ce que n’a pas
fait M. Dubus ; et voilà la cause de la différence entre les chiffres.
M. Dubus. -
Messieurs, j’ai fait une proposition à laquelle on oppose la question
préalable. Je demande que la chambre m’entende au moins sur la question
préalable.
Je ferai remarquer que l’honorable auteur de la motion d’ordre n’a pas
annoncé que c’était la question préalable qu’il proposait. Cette motion d’ordre
semblait consister dans la réfutation de ce que j’avais dit hier pour appuyer
ma proposition : son auteur, après l’avoir développée et traité le fond de la
discussion, a terminé par invoquer le règlement et par proposer la question
préalable.
Il en est résulté que les orateurs qui ont pris la parole ensuite, ont
mêlé le fond de la discussion avec la question préalable. Je sois prêt à me
rencontrer avec l’honorable rapporteur sur le fond de la discussion et sur la
question préalable.
M.
Jullien. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Voix
diverses. - La
clôture a été demandée par plus de 10 membres. (Bruit.)
M.
Jullien. - Il n’est pas étonnant que la question s’égare, cas
nous sommes sortis du règlement.
On a proposé dans la loi un mode de perception qui est celui du poids et
du compte-fils : après une discussion fort longue dans laquelle on a présenté
un autre système de perception qui est celui de la valeur, la proposition qui
était dans le projet de la section centrale a été adoptée à une grande
majorité. Voilà un fait qui est incontestable. Maintenant, peut-on revenir sur
cette décision, lorsqu’on en est encore dans la première discussion de la loi ?
Je crois que cela est impossible.
Quelques
voix. - C’est
la question préalable.
M.
Jullien. - C’est la question préalable si vous voulez ; moi, je
l’appelle un rappel au règlement.
M.
Dubus. - Je demanderai aussi à parler sur le règlement. (Bruits divers.)
M. Jullien. - Je
demande qu’on me maintienne la parole sur le règlement.
M. le président. -
S’il en est ainsi, la clôture deviendra sans objet.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je m’oppose à ce que l’on
recommence la discussion. La clôture a été demandée par plus de dix membres.
M.
Fallon. - Je ne puis concevoir qu’on refuse d’entendre un membre
qui demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. -
Je proposerais, pour en finir, d’accorder successivement la parole à M. Jullien
et à M. Dubus sur le rappel au règlement et sur la question préalable. (Adhésion.)
M.
Jullien. - Je cède la parole à M. Dubus.
M.
Dubus. - J’aurais désiré répondre à l’honorable auteur de la
motion d’ordre sur tout ce qu’il a dit ; j’aurais démontré l’exactitude des
chiffres que j’ai cités, et j’aurais prouvé que j’ai toujours pris le chiffre
le plus favorable à mes adversaires.
Je me renfermerai dans la question préalable. On soutient que ma
proposition viole le règlement en ce qu’elle provoquerait la chambre à revenir
sur une décision qu’elle aurait prise, et sur laquelle on ne pourrait revenir
que lors du second vote.
Je crois qu’on fait une fausse interprétation du règlement, et à cet
égard, je dois répondre à un fait personnel. On prétend que dans d’autres
circonstances j’ai contesté le droit de revenir sur un vote de la chambre, et
qu’ainsi je suis aujourd’hui en contradiction avec moi-même. J’ai soutenu en
effet que la chambre n’avait pas le droit de revenir sur une décision prise,
mais c’était lorsque le vote de la chambre était formulé en articles ou en
amendements.
Il y a deux limitations à la règle posée par l’article 45 du règlement ;
ces limitations résultent à la fois de la nature des choses et des précédents
de la chambre ; l’une de ces limitations a lieu lorsque la chambre, à mesure
qu’elle avance dans une discussion, reconnaît des difficultés graves qu’elle
n’avait pas prévues : la chambre alors, pour sortir de ces difficultés, renvoie
le projet qui l’occupe à une commission ou à la section centrale, pour formuler
de nouvelles dispositions.
Je maintiens qu’il est dans les précédents de la chambre qu’alors
qu’elle s’occupe des propositions nouvelles que cette commission lui présente,
fussent-elles en opposition avec un vote précédent, elle les discute et les
adopte si elle les croit fondées, sans pour cela renvoyer au second vote. Je ne
préciserai pas les circonstances où cela a eu lieu, mais je me rappelle, et
plusieurs membres se rappelleront comme moi, que ce cas s’est présenté
plusieurs fois, non seulement dans cette chambre, mais au congrès, où, au
premier vote, des décisions ont été prises en opposition à des décisions
provisoires antérieurement votées. Cela a eu lieu surtout quand les premières
décisions portaient sur des bases qui n’avaient pas été formulées en articles.
Ici se présente une question de délimitation quant à l’étendue du vote.
Autre chose est que la chambre ait arrêté que la loi serait faite d’après telle
base, et qu’elle ait adopté l’article en conséquence des bases préalablement
adoptées. Le second vote a un caractère d’irrévocabilité que n’a pas le
premier. Cette doctrine est dans la nature des choses et conforme aux
précédents de la chambre.
Voyons les votes que la chambre a émis.
D’après la section centrale, elle a décidé en premier lieu que le droit
à l’entrée des toiles serait augmenté. Voilà une décision qui, si la chambre
venait à être convaincue que l’augmentation ne doit pas avoir lieu, ne la lie
pas irrévocablement, la chambre pourrait rejeter tout projet d’augmentation.
Voilà ce qu’on appelle un vote provisoire. Ce vote n’est pas formulé en
article, c’est une base préalable prise pour faciliter la discussion ; mais il
n’y a de délibération adoptée que quand il y a rédaction.
Je crois que cette distinction doit être comprise par tout le monde.
Ce qu’a encore décidé la chambre, c’est qu’on discuterait d’abord la question
des toiles, qu’on s’occuperait ensuite des étoupes et que les toiles feraient
l’objet d’une loi séparée.
Croyez-vous que la chambre ne pourrait, sans violer son règlement,
revenir sur cette observation su elle croyait utile de le faire ? Cependant les
observations des orateurs auxquels je réponds tendraient à cela. Dès que la
chambre aurait adopté la moindre règle dans la discussion d’un projet de loi,
la décision serait irrévocable, et il lui serait impossible de revenir alors
qu’elle reconnaîtrait qu’elle s’est trompée. En troisième lieu la chambre a
décidé que le mode de perception au poids combiné avec le compte-fils serait
suivi à l’égard des toiles. C’est encore là une décision préalable qui n’est
pas formulée en article et qui doit rester sans effet jusqu’à ce qu’elle ait
été formulée.
Ainsi cette décision ne lie pas la chambre, et si elle reconnaissait que
l’autre mode est préférable, elle pourrait sans difficulté revenir sur son vote
précédent et décider qu’il y a lieu d’adopter le mode de perception à la valeur
et de baser le droit sur ce mode de perception.
Il n’y a donc pas eu d’amendement adopté, mais on a seulement voté la
base préalable du projet de loi, de sorte que le texte du règlement ne se
trouve pas violé non plus. D’ailleurs les précédents sont là pour justifier ma
proposition.
Le rapport de la section centrale dit en quatrième lieu qu’on aurait
adopté l’article 1er sauf rédaction. Je ferai observer qu’il n’y a qu’un
fragment de cet article sur lequel ait pu porter le vote de la chambre, et
encore la chambre ne l’a-t-elle voté que provisoirement et sauf rédaction.
Quoiqu’on ait dit que vous ne pouvez revenir sur cette décision qu’au second
vote, il est évident qu’on aura à y revenir avant, puisqu’on devra voter sur
l’ensemble de l’article, quand tous les fragments auront été votés. C’est donc
une erreur de dire que la décision est définitive quant au premier vote.
Voilà, messieurs, toutes les
résolutions prises par la chambre ; vous voyez qu’il n’en est pas une seule qui
tombe sous l’application de l’article 45 du règlement que l’on m’oppose. Ainsi
je soutiens que la chambre peut remettre en délibération la question de savoir
si le droit sera perçu au compte-fils ou à la valeur, et cela par un double
motif :
1° Parce que la chambre a reconnu elle-même, après un commencement de
discussion de l’art. 1er du projet de loi, des difficultés tellement graves à
l’exécution du mode qu’elle avait admis, qu’elle a été obligée de renvoyer le
projet à la section centrale ; le 2° motif, parce que la chambre, en se
prononçant pour une base plutôt que pour l’autre, n’a pas en cela voté une
disposition formulée en article ; que les choses sont encore entières sous ce
rapport ; que par conséquent, en adoptant ma proposition, elle ne violerait pas
l’art. 45 du règlement.
M.
Jullien. - Je ne crois pas qu’il existe des antécédents dont on
puisse se prévaloir pour l’espèce qui nous occupe. On n’en a pas cité ; et
quand on en citerait, il faudrait reconnaître que c’est un abus, et on ne peut
pas se prévaloir de l’existence d’un abus pour le perpétuer. On a parlé de
faits pareils qui se sont passés au congrès ; je ferai observer que le congrès
avait un règlement pour ses délibérations qui était tout autre que le règlement
actuel de la chambre. Il ne s’agit donc pas de savoir quelles étaient les
dispositions du règlement du congrès, mais de voir quel est notre règlement.
C’est l’art. 45 qui doit faire ici la loi. Il est incontestable que vous avez
adopté la proposition de la section centrale et rejeté l’amendement de M.
A. Rodenbach. La question est de savoir si vous pouvez revenir
contre ce vote émis à une grande majorité.
On dit, et c’est là tout l’argument de M. Dubus : Il est bien vrai que
vous avez adopté la proposition de la section centrale ; mais elle n’a pas été
formulée. Ainsi, si cette proposition avait été formulée, l’honorable membre
est obligé de reconnaître qu’il serait impossible de déroger à la disposition
précise du règlement.
Mais, messieurs, il vous arrive souvent, quand un principe est en
discussion de voter le principe sauf rédaction. Maintenant, parce que la
rédaction n’a pas suivi immédiatement le vote du principe, sera-t-il vrai qu’on
pourra remettre ce principe en discussion, parce qu’il plaira à un membre de dire
que la chambre s’est trompée et qu’elle est disposée à revenir de son erreur ?
La chambre s’est trompée ! mais c’est encore là
une question. Si vous prétendez que la chambre s’est trompée, les membres de la
minorité prendront la parole pour soutenir le contraire. D’ailleurs, s’il est
vrai que la chambre se soit trompée, il y a un remède facile. La disposition
est révocable ou irrévocable : si c’est une disposition irrévocable, qui ne
tombe pas sous la disposition de l’art. 45 du règlement, vous voterez contre la
loi. Vous voyez donc que le remède est à côté du mal.
Si vous admettez le principe
qu’après avoir longuement discuté une question et voté à une immense majorité,
on peut, sous prétexte d’erreur, revenir sur la décision prise avant le second
vote, vous bouleverserez toutes les discussions et vous les ferez durer le
triple du temps qu’elles doivent prendre.
Tout le monde peut donc être tranquille : si lors du second vote on peut
démontrer qu’il y a eu erreur et que la décision soit irrévocable, on votera
contre la loi. Ceux qui seront convaincus que la chambre ne s’est pas trompée,
ceux-là maintiendront l’opinion qu’ils ont émise.
Il n’y a donc pas de raison pour violer le règlement aussi ouvertement
qu’on le propose.
M.
Dubus. - L’honorable préopinant a fait remarquer d’une part
qu’on a rejeté la proposition de M. A. Rodenbach comme amendement, et que ma
proposition tend à la reproduire. C’est une grave erreur de dire que la chambre
a rejeté l’amendement de M. Rodenbach, c’est même une double erreur. D’abord M.
Rodenbach n’a pas présenté sa proposition comme amendement, mais comme projet
de loi ; et sa proposition était la première en date, car il y a six mois qu’il
l’a déposée. Personne ne l’a privé de son droit d’initiative, personne n’a pu
le dépouiller du droit de présenter un projet de loi en convertissant sa
proposition en amendement.
Quant à lui, loin de consentir à faire de sa proposition un amendement,
il lui a constamment maintenu son caractère de projet ; il a demandé au
ministre s’il s’y ralliait, et le ministre, par son adhésion, lui a confirmé
son caractère de proposition principale.
II n’est donc pas exact de dire qu’il a présenté un amendement. Il n’est
pas non plus exact de dire que la chambre s’est prononcée sur cette question.
On a dit qu’il fallait poser des questions préalables. On a posé la
question préalable de l’augmentation du droit. On a ensuite voté sur la
question de savoir d’après quelle base le droit serait perçu. On n’avait pas
encore abordé un article quelconque de l’un des projets de loi soumis aux
délibérations de la chambre, et la proposition même de M. Rodenbach n’a pas été
rejetée. Une autre observation est que j’ai fait remarquer qu’il n’y avait pas
un amendement formulé, un article admis par la chambre. Je reconnaîtrais que si
l’amendement admis avait été formulé, la chambre ne pourrait revenir sur sa
première décision. Mais je n’ai pas reconnu du tout que la chambre ait adressé
un amendement formulé un article quelconque d’un projet de loi.
Quant à la question de savoir si la chambre peut revenir sur ce vote,
les usages de toutes assemblées délibérantes prouvent qu’il est possible de
changer une première décision alors que l’opportunité en a été démontrée. Je
citerai l’exemple d’une assemblée qui a précédé le congrès, je parle des
états-généraux. Quant à la seconde chambre s’est occupée de la révision des
codes, elle avait à élaborer un travail immense ; chaque article soulevait une
foule de questions préalables. On a voté séparément sur chacune d’elles, et
elles ont été ensuite renvoyées à une commission chargée de présenter la
rédaction du projet tout entier. Eh bien, il est arrivé souvent que le vote
définitif a écarté des propositions primitivement adoptées. Et la modification
de ces questions préalables n’a jamais présenté de difficultés, attendu que,
n’étant pas formulées en articles, elles ne pouvaient lier l’assemblée.
- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
La question préalable proposée par M. Desmaisières est mise aux voix et
adoptée.
M. Lardinois. - Je
ferai observer à la chambre que lorsque dans une séance précédente, j’ai
demandé à parler sur l’ensemble de la discussion, M. le président a dit qu’elle
serait continuée le lendemain ; je demande en conséquence à prendre la parole
dans la discussion générale.
M. Desmanet de Biesme.
- Si j’ai bien compris la motion de M. Desmaisières, cet honorable membre a
demandé que l’on passât à la discussion du tarif. Nous n’avons donc plus qu’à
nous occuper du tarif.
M.
Meeus. - Il me
semble que c’est seulement sur la proposition de M. Dubus que le rapporteur de
la section centrale a demandé la question préalable. La clôture a été également
prononcée sur la motion de M. Dubus. Nous
rentrons donc dans la discussion générale. La question que nous traitons a
assez importante pour que l’on en ferme pas subitement la discussion.
M.
Dewitte. - La discussion générale est close depuis longtemps.
Voici comment les choses se sont
passées. La chambre a décidé que le projet de la section centrale serait mis en
discussion ; alors elle a passé à l’examen du tarif. C’est pendant la
discussion de ce tarif que des doutes se sont élevés sur la quotité du droit
établi par le nouveau mode. Le tarif a été renvoyé à l’examen de la section
centrale qui a présenté ensuite un nouveau tarif. C’est donc ce nouveau tarif
qui est actuellement en discussion. La question soulevée dans la séance d’hier
par M. Dubus n’a donné lieu qu’à une discussion spéciale. Mais le tarif est le
seul dont il faille nous occuper, maintenant que la proposition de M. Dubus n’a
pas été accueillie.
M.
Lardinois. - Si la discussion générale est close comme on le
prétend, je demande seulement qu’il me soit permis de continuer la discussion
de la même manière que M. Dubus l’a fait hier.
M. H. Dellafaille -
L’article 1er du projet de la section centrale indique la manière dont le droit
sur les toiles sera perçu. Nous en étions à l’examen du tarif, lorsque ce tarif
a été renvoyé à la section centrale, afin que l’on sût à quel droit sur la
valeur correspondait le droit combiné au poids et à la loupe. La section
centrale a fait son rapport. C’est donc du tarif et du tarif seulement que nous
avons à nous occuper.
M. Dubus. - Je ne
conçois pas que l’on prétende que l’unique mandat de la section centrale était
d’apporter des modifications au tarif qu’elle aurait présenté. Elle aurait donc
outrepassé son mandat, puisqu’elle ne s’est pas contentée de refaire l’art. 1er
; mais elle a refait également l’article 9 et elle propose la suppression de
l’article 10. Elle s’est donc évidemment occupée de l’ensemble du projet de
loi. La plus grande partie des membres de cette chambre ont compris que le
projet de loi avait été renvoyé en entier à la section centrale pour qu’elle le
refondît complètement. On aurait dû au reste faire hier l’objection que l’on
présente aujourd’hui et nous avertir que la discussion était close. Je demande
donc que quel que soit le nom que l’on donne à la discussion, elle continue
comme elle a commencé dans la séance précédente.
M. de Foere. - La
chambre se rappellera que la clôture a été prononcée sur la discussion générale
avant que la discussion ne fût ouverte sur le tarif. Si hier M. Dubus a entamé
une discussion spéciale, il n’est pas entré dans la discussion générale.
Il a motive son amendement. La chambre a voté la question préalable. La
clôture a donc été prononcée deux fois : la première sur la discussion
générale, la seconde sur la discussion spéciale soulevée par M.
Dubus. Les deux décisions même de la chambre nous imposent donc
la loi de passer à l’examen du tarif, seul objet qui puisse être actuellement
en discussion.
M. Desmaisières,
rapporteur. -
D’après ce que vient de dire l’honorable préopinant, j’aurai peu de chose à
ajouter. Il est vrai que la proposition de la section centrale contient la
rectification d’une omission. Si cette réparation est considérée comme un
amendement, nous ne nous opposons pas à ce que sa discussion soit renvoyée au
second vote sur la loi. Mais il nous semble que rien n’empêche qu’on ne discute
les divers articles du tarif.
M.
Dewitte. - On trouve la preuve que la discussion générale est close
dans le Moniteur ; il rend compte de
ce qui s’est passé dans nos débats.
M.
Dubus. - On prétend que la discussion générale est close ; mais
la discussion générale sur quoi ? On propose un nouveau projet ; comment
allez-vous en commencer la délibération ? par le
ventre, si je puis parler ainsi ?
Vous ne voulez pas qu’on discute l’article premier ; mais cela n’est pas
raisonnable. Hier les membres qui ont pris la parole, et j’étais du nombre, se
sont livrés à des considérations générales. On leur a répliqué, et la
discussion a continué de la même manière jusqu’au moment où j’ai proposé de
revenir sûr un vote antérieur. M. Lardinois a demandé que la discussion
continuât au lendemain ; et M. le président a répondu que sa demande était sans
objet, attendu l’heure avancée. Je crois donc que la discussion doit continuer
sur l’article premier comme sur les autres articles. Je voudrais qu’on nous dît
comment il faut procéder dans cette discussion autrement qu’en commençant par
l’article premier ? Est-il possible qu’un article soit admis sans délibération
?
M.
Dewitte. - Je trouve dans le Moniteur
la réponse à ce que demande M. Dubus. Lui-même a
dit : « J’appuie toutes ces considérations ; j’appuie le renvoi à la section
centrale, et j’espère que le gouvernement s’occupera à rassembler les documents
nécessaires. »
M. Jullien. - Les
raisonnements présentés par M. Dubus ne me paraissent que spécieux. C’est un projet
nouveau, dit-il. Il est certain que si le projet était nouveau l’honorable
député de Tournay aurait parfaitement raison, mais c’est précisément ce qui
n’est pas. Vous avez renvoyé le projet à la section centrale dans un but
déterminé ; vous lui avez prescrit de s’occuper du tarif : à la vérité elle
s’est occupée de l’art. 1er, et d’après des vues nouvelles elle en a présenté
une autre rédaction, en conservant les bases adoptées.
Si vous en revenez à une discussion générale, il faut effacer tout ce que
vous avez fait. La discussion doit s’engager maintenant sur les articles.
M.
Dubus. - Toute la loi est dans l’article premier.
M.
le président. - Je dois consulter la chambre ; elle décidera. (La clôture ! la clôture !)
M.
Lardinois. - Mais hier, on a renvoyé la suite de la discussion
au lendemain ; pourquoi ne pas la continuer ?
M. Desmaisières, rapporteur. - Dans la séance du 19 juin, vous
avez adopté l’article premier, puis vous avez renvoyé les paragraphes du tarif
à la section centrale.
M.
d’Huart. - Sur
quoi a-t-on parlé hier ?
- La chambre consultée décide que la discussion générale est close.
Article
premier
M.
le président. - Voici la nouvelle rédaction de l’article premier
:
« Par modification au tarif actuel des douanes les toiles de lin,
de chanvre, et d’étoupes écrues, unies, teintes ou blanchies, les batistes, les
coutils, toiles pour nappes et serviettes écrues ou blanchies ou damassées, et
en général tous les tissus dont le lin, le chanvre ou les étoupes forment la
matière principale, quoiqu’elles soient mélangées avec une autre matière quelconque,
sont imposés conformément au tarif suivant. Le degré de finesse de ces tissus
désignés par le nombre de fils s’établira au moyen d’un instrument que fera
confectionner le gouvernement pour déterminer le nombre de fils que chaque
espèce présente en chaîne dans l’espace de cinq millimètres à l’endroit où le
tissu en contient le plus grand nombre. »
La délibération est ouverte sur les articles suivants que l’on trouve
dans le premier projet de la section centrale.
M.
Lardinois. - Je demande la parole. Je ne parlerai que sur
l’article premier et sur le tarif.
Messieurs je commence par déclarer que j’ai été surpris, avec un grand
nombre de membres de cette chambre, de voir mettre à l’ordre du jour la
discussion du projet de loi sur les lins, toiles et fils ; je ne m’attendais
pas à cette précipitation pour une question aussi immense et je comptais ainsi
qu’il en était convenu qu’on discuterait avant tout les lois provinciale et
communale.
C’est à l’étude de ces lois organiques que nous avons consacré notre
temps ; la plupart d’entre nous avaient perdu de vue les volumineux rapports
auxquels la question linière a donné naissance. Aussi était-on mal préparé pour
cette discussion et ce qui le prouve, c’est la confusion qui a régné jusqu’à ce
jour dans ces débats.
M.
le président. - C’est de la discussion générale !
M.
d’Huart. -
C’est son exorde.
M.
Lardinois. - N’ayant pu assister aux premières séances, je ne
prétends pas pour cela avoir le droit de rouvrir la discussion générale qui a
déjà été assez longue ; d’ailleurs la chose me paraît inutile si l’on veut
méditer les principes et les arguments développés dans la séance d’hier par
l’honorable M. Dubus ; quoiqu’il ait la modestie d’avouer que son opinion n’est
pas celle d’un homme spécial en cette matière, chaque fois qu’il voudra traiter
une question d’intérêt matériel avec cette sagacité d’esprit et de raison qui
le distingue, je suis sûr qu’il sera non seulement entendu avec plaisir par la
chambre, mais encore qu’il rendra service au pays.
M.
d’Huart. -
C’est vrai !
M. Desmaisières, rapporteur. - Au tarif ! au
tarif !
M.
Lardinois. - Dans les questions de cette nature, ce qui m’étonne
le plus, c’est l’inaction du ministère. Il semblerait qu’il est débordé par une
force supérieure, et qu’il n’ose prendre position. Fait-on une proposition qui
bouleverse tout un système de législation ? à peine
articule-t-il timidement quelques mots doucereux parce qu’il craint peut-être
de s’aliéner sa majorité.
C’est aussi la marche que l’on suit en France, mais là le ministère peut
en agir ainsi parce qu’il ne sacrifie rien, il néglige de provoquer les
améliorations réclamées par les consommateurs français, tandis qu’ici le
gouvernement expose le commerce et l’industrie aux plus grands dangers en
laissant, auditeur bénévole et silencieux, préconiser le système prohibitif et
même lui donner un commencement d’exécution par l’application de lois que pour
ainsi dire l’on surprend par lassitude.
M. Desmaisières, rapporteur et M. Helias d’Huddeghem. - Au
tarif, au tarif !
M.
Lardinois. - Ce n’est pas de cette manière, messieurs, que l’on
conduit les affaires d’un pays. Le gouvernement doit d’abord se prononcer
ouvertement pour un système de douane quelconque. Si là l’intérêt général exige
qu’on se plonge dans le système prohibitif, dites-le, la législature examinera
vos motifs ; si au contraire le système d’une sage liberté est plus favorable à
l’agriculture, au commerce et à l’industrie manufacturière, soutenez-le, et
n’en déviez pas, car il doit y avoir harmonie et concordance dans la
législation.
Je ne remarque pas non plus que les rôles des ministres soient bien
compris ni bien distribués. A cette occasion, par exemple, la question concerne
plus spécialement le ministre de l’intérieur que celui des finances- C’est au
premier qu’appartient de connaître de l’élévation du droit, et au second de
l’application et du mode d’exécution de la loi : cependant vous avez vu hier
que c’est le ministre. des finances seul qui s’est
rallié au projet de la section centrale.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole.
M.
Lardinois. - Après cette observation que je fais dans l’intérêt
de la chose publique, j’arrive à l’objet en discussion, et je me bornerai à
quelques considérations succinctes.
M.
Jullien. - Il faut rentrer franchement dans la discussion ou la
fermer franchement.
M.
Lardinois. - Je présente des considérations générales sur les
articles en discussion.
M.
le président. - Hier M. Lardinois a demandé que la discussion
continuât ; c’était à la fin de la séance, et rien n’a été décidé à cet égard.
Je ne prends aucune décision par moi-même ; je consulte l’assemblée, et quand
elle a prononcé ; je suis obligé de suivre sa décision et de la faire exécuter.
M.
Lardinois. - Je sais bien
que vous ne décidez pas et ne vous n’avez pas le droit de décider. J’ai demandé
hier que la discussion fût remise parce que j’avais quelques considérations à
présenter sur l’article premier.
M.
le président. - Je ne sais pourquoi l’honorable membre dit savoir
bien que je n’ai pas le droit de décider ; aucun de mes actes ne l’autorise à
tenir ce langage ; je ne me suis jamais arrogé le droit de prendre des
décisions.
M.
Lardinois. - Si l’on pense être assez éclairé, je garderai le
silence. (Parlez ! parlez !)
Messieurs, une révolution ne s’opère jamais sans compromettre plus ou
moins les diverses branches de la fortune publique. Indépendamment de cette
cause réelle de souffrance, l’organisation sociale est telle que du conflit des
intérêts divers qui se heurtent en tous
sens il résulte une infinité d’obstacles et d’embarras qui pèsent sur le monde
et qui excitent et perpétuent ses plaintes : aussi de tout temps s’est-on
plaint, et je crois qu’on n’est pas près de finir.
Parmi les industries qui ont fait entendre des cris de détresse depuis
quelques années, on peut placer en première ligne les fabriques de coton et
celles de toiles. Toutes les industries en général méritent la sollicitude du
gouvernement, mais il convient de donner une attention plus particulière à
celle-ci à cause de leur importance et du travail qu’elles procurent à une
grande population.
Au mois de septembre dernier l’honorable député de Thielt vous fit une
proposition relative à l’industrie linière, et immédiatement après deux
propositions du même genre furent produites par deux autres députés des
Flandres.
Quel est le but de ces propositions ? De protéger, répond-on, une
industrie qui périclite chaque jour davantage et qui menace de s’éteindre si
vous n’y apportez de prompts remèdes.
C’est bien ; nous sommes tous désireux d’administrer les remèdes
nécessaires à vos maux, mais il faut qu’ils soient possibles, et il ne sera
jamais possible ni juste d’étrangler l’agriculture en faveur des manufactures
et vice-versa ; car l’industrie sacrifiée viendrait à son tour crier au secours
!
Nons n’avons pas pour le moment à nous occuper de la sortie des lins ;
la question est aujourd’hui réduite à imposer les toiles étrangères à un droit
de 7 à 10 p. c.
La décadence de l’industrie linière ne tient pas aux seules causes que
les partisans des projets de loi ont signalées ; elle a commencé à déchoir
lorsque la consommation des toiles a diminué, c’est-à-dire, lorsque l’usage des
étoffes de laine a été plus général et surtout lorsque les étoffes de coton
produites à bas prix sont venues remplacer avantageusement la toile. Vous ne
pouvez pas vous dissimuler que c’est à cette dernière
cause qu’on doit attribuer principalement la diminution de production dont vous
vous plaignez. Ajoutez-y maintenant la perte de plusieurs débouchés à
l’extérieur ; l’état stationnaire dans lequel vous laissez croupir vos
fabriques, ce qui ne vous permet pas de profiter de l’avantage qui procure la
division du travail ; les machines grossières que vous employez, tandis qu’il y
a nécessité d’être à la recherche de tous les procédés nouveaux capables de
réduire les frais de fabrication ; ajoutez, dis-je, toutes ces raisons et bien
d’autres qu’il serait trop long de développer, et vous saurez quels sont les moyens
efficaces dont vous devez user pour faire prospérer votre industrie.
Comme moyen de protection, on se contente pour le moment de vous
demander un impôt à l’entrée sur les toiles étrangères. Mais, de bonne foi,
croyez-vous relever cette industrie avec un semblable palliatif ? Non, n’est-ce
pas, vous ne craignez pas sur nos marchés la concurrence étrangère ? Et comment
auriez-vous cette crainte ? De votre fenêtre vous voyez croître sous vos yeux
la matière première ; la main-d’œuvre est trois à quatre fois moins chère qu’en
Angleterre et pas plus élevée qu’en Allemagne. Que vous manque-t-il donc ?
D’être pénétrés de la maxime Aide-toi et
le ciel t’aidera, et puis des débouchés.
Vous aurez des débouchés suffisants lorsque vous produirez aussi
avantageusement que vos concurrents ; vous pouvez le faire, il n’y a qu’à le
vouloir ; les éléments nécessaires ne vous manquent pas. Mais, pour cela,
commencez par secouer la poussière des vieilles habitudes et des préjugés. Ne
prétendez pas que vous faites mieux qu’un autre parce que vous fabriquez plus
solidement, que vos toiles sont plus douces et plus blanches.
Ce ne sont pas vos besoins et votre goût que vous devez consulter, mais
les besoins et le goût des consommateurs. Si dans tel pays on veut de la
drogue, faites de la drogue, car si vous vous présentez avec de la bonne
marchandise, elle ne sera pas appréciée et vous serez forcés de la vendre au
même prix que de la mauvaise. Je vous donnerai pour exemple ce qui se pratique
à Verviers, et vous savez que cette industrie jouit d’une certaine réputation.
Eh bien ! on y produit des draps en toutes couleurs,
depuis six jusqu’à cinquante francs l’aune de France ; de cette façon
l’acheteur a de quoi choisir et l’on satisfait tous les goûts.
Pour mon compte, je consentirais bien volontiers à vous assurer la
consommation intérieure, mais je vois qu’elle ne vous échappe pas. L’industrie
linière produit annuellement pour une somme dc 40 millions de francs, et
d’après les documents officiels, l’importation des toiles en Belgique s’élève,
année commune, à 800,000 francs environ, c’est-à-dire à un cinquantième dc
votre production. J’avoue, messieurs, que lorsque j’ai entendu les plaintes de
plusieurs de nos honorables collègues, je croyais que la concurrence étrangère
était désastreuse pour nos fabriques de toile ; mais nous voyons tous qu’elle
est insignifiante, et qu’il est telle industrie qui ferait venir, pour servir
d’échantillon et de stimulant, des produits étrangers pour une pareille valeur,
avec la conviction que cela servirait l’industrie plutôt que de lui nuire.
L’idée avouée de la section centrale est de frapper les toiles
étrangères d’un droit de 7 p. c. ; à cet effet elle
vous a présenté un tableau où le mode de perception est établi au poids et au
compte-fils. M. le ministre des finances s’est rallié à ce tarif, dont je n’ai
pu encore vérifier tous les calculs. Malgré ce qu’il nous a dit des opérations
physiques à l’évidence desquelles il a dû céder, je ne puis m’y référer
aveuglément, et je me défie fort des opérations improvisées, et je serais
extrêmement surpris qu’en adoptant le tarif français on rencontrât justement
les 7 p. c. dont on cherche à imposer les toiles étrangères ; ce serait
évidemment un miracle, et je ne crois pas aux miracles de cette espèce.
Mon doute se fortifie encore de quelques vérifications et renseignements
que j’ai pris.
D’abord, on nous dit que l’on a calculé sur des coupons achetés dans une
ou plusieurs boutiques à Bruxelles. Voyez, messieurs, si c’est une manière
régulière et certaine de procéder pour fixer les bases d’un impôt. Je voudrais
savoir si on s’est assuré d’avoir acheté de la toile d’Allemagne ; si on a
acheté au plus bas prix possible, ou si le prix est celui que l’on établit au
détail ; si l’on s’est convaincu d’avoir opéré sur les qualités et prix du jour
? Je crois, messieurs, qu’il n’a été rien fait à cet égard et que l’on a
beaucoup donné au hasard. Je pourrais faire une infinité de questions qui
tendraient toutes à démontrer l’impossibilité d’atteindre positivement le droit
de 7 p. c. à la valeur en suivant le mode proposé au compte-fils et au poids.
Je m’appuie encore des calculs présentés par nos honorables collègues
MM. Rodenbach et Desmet, desquels il résulte que les toiles sont imposées à leur
entrée en France de 12 à 16 p. c. selon les qualités.
Il ne faut pas perdre de vue que le but de la section est d’obtenir un
droit ad valorem de 7 p. c. Dans
cette hypothèse examinons le tableau de tarification qu’elle présente dans son
dernier rapport.
Vous remarquerez. d’abord une grande différence
entre le tableau primitif et celui-ci. La section centrale a saisi avec
empressement l’idée d’adopter le tarif français, parce que les toiles sont
fortement imposées à leur entrée en France ; mais elle se garde bien de vous
dire que ce tarif s’écarte de beaucoup sur plusieurs articles du taux de 7 p.c.
; de cette manière elle espère obtenir plus qu’elle n’avait demandé.
Je signale à votre attention les toiles de 16 à 18 fils pour lesquelles
on avait primitivement demandé 140 francs par
Les toiles de 18 à 20 fils et au-dessus étaient tarifées à raison de 220
francs, et par le dernier projet le droit est élevé à 240 et à 350 francs, ce
qui fait une différence pour les tissus de plus de 20 fils sur
Des différences encore plus énormes se font aussi remarquer sur
l’article toile cirée. Il en est de même pour les coutils et le linge de table.
D’après le tarif, 100 kil. de coutils devraient coûte 4,300 francs ; cette
toile étant pesante et d’un prix pas très élevé, je ne serais pas surpris qu’il
y eût une différence de plus de moitié.
Le droit sur le linge damassé est fixé à 517 francs 50 c. ; ainsi 100 kil. de cette toile répondraient à une valeur
de 7,400 francs, ce qui est absurde. Sur ces deux derniers articles le droit ne
sera pas de 17 p. c., mais bien de 20 à 25, si on
avait la faiblesse de ne pas rectifier ce tarif.
J’ai fait un essai sur la toile d’emballage que l’on emploie le plus
communément, et je trouve que 100 kilog. coûtent 53
fr. ; en maintenant le droit de 10 fr., vous frapperez cette qualité à 20 p.c.
environ.
D’après tous ces faits et les motifs que je vous ai exposés
précédemment, je conclus que le mode de perception proposé par la section
centrale est incertain, et que le tableau de tarification diffère essentiellement
de la base de 7 p. c. ; je les repousse donc l’un et
l’autre jusqu’à ce qu’on les ait soumis à une nouvelle et sévère investigation.
Je crois que l’industrie linière n’a pas besoin de la protection qu’elle
réclame. Il y a gène chez elle parce qu’il y a surabondance de produits ; c’est
à les écouler à l’étranger qu’il faut tendre, et c’est un mauvais moyen pour y
parvenir que de mettre des entraves aux échanges.
J’ai la conviction qu’imposer à l’entrée les toiles étrangères n’est pas
un remède pour notre industrie linière ; cependant je ne lui refuserai pas le
droit de 7 p. c. qu’elle réclame. Ceci pourra paraître une contradiction, mais
je ferai remarquer que je me décide par les motifs énoncés par l’honorable M.
d’Huart : ce n’est pas une protection, mais une satisfaction que j’accorde aux
Flandres et pour une année seulement. Ce droit ne fera ni bien ni mal ; c’est,
passez-moi l’expression, un cautère sur une jambe de bois. Ce sera aussi un
exemple vivant de l’inutilité de pareilles mesures par rapport à l’industrie.
Je m’intéresse autant que qui que ce soit à l’industrie qui nous occupe
; j’en connais toute l’importance et je désire vivement sa prospérité. Mais je
ne partage pas les craintes qu’on manifeste à chaque instant sur sa ruine
prochaine. L’industrie linière est la première et la plus fortement enracinée
du pays ; elle tient à la fois à l’agriculture et aux fabriques ; elle peut
souffrir faute de progrès, mais elle ne peut pas plus périr chez nous que
l’industrie du boulanger.
Je ne mesure pas l’importance de la fabrication des toiles sur les
exagérations des adversaires que je combats. L’un, M. de Foere, s’écrie : Voyez
quelle concurrence ! six cent mille fabricants offrent
leurs produits sur nos divers marchés ! L’autre, M. Desmaisières, rapporteur,
avance que cette industrie procure l’existence à 500,000 individus. J’admets ce
dernier chiffre comme étant le plus faible, et je dis que, terme moyen, le
salaire s’élève à 60 centimes par jour, soit 200 francs par an ce qui suffit à
peine pour se sustenter. Eh bien ! avec ces données je
trouve que la main-d’œuvre importe pour cent millions par an et la production
entière en fabricats n’est que de 40 millions ! Je vous laisse, messieurs,
tirer les conséquences de cette erreur grossière avancée tant de fois.
Il est de fait que l’industrie linière emploie une population
considérable et toute la crainte des Flandres est de voir ces ouvriers
inactifs, c’est ce qui fait qu’ils s’éloignent de l’usage des mécaniques.
Lorsque l’honorable M. Dubus a conseillé de faire usage des machines pour
atteindre plus de perfection, j’ai entendu murmurer à mes côtés que ce serait
la ruine de l’industrie. Un autre député des Flandres a dit, nous faisons usage
de mécaniques, mais les produits qui en sortent sont tellement mauvais qu’on
les repousse du marché et qu’ils restent invendus. Je réponds à cette dernière
objection que vos machines sont mauvaises ou que vous ne savez pas on tirer
parti, car vos concurrents ne peuvent lutter contre vous qu’au moyen de
machines perfectionnées.
Dans l’intérêt de l’industrie il est important de détruire cette erreur
qui domine dans les Flandres. Pour la combattre plus facilement, je citerai un
auteur anglais Babache, traité sur l’économie des machines et des manufactures,
ouvrage très estimé et traduit en plusieurs langues.
A propos de la fabrication des toiles, il donne les renseignements
suivants, résultat d’une enquête faite en Angleterre.
- Ouvriers travaillant aux métiers à bras : en 1822, 2,800 ; en 1832,
800 : 2,000 en moins.
- Ouvriers travaillant aux métiers mus par la vapeur : en 1822, 657 ; en
1832, 3,039 : 2,402 en plus.
- Ouvriers travaillant à ourdir la trame : en 1822, 98 ; en 1832, 388 :
290 de plus.
- Total des ouvriers employés : en 1822, 3,555 ; en 1832 : 4,247 : 692
en plus.
- Nombre de métiers mus à la vapeur : en 1822 : 1,970 ; en 1832 : 9,177
: 8,207 en plus.
Vous voyez qu’en dix années le nombre des ouvriers à bras a diminué des
deux tiers, et le nombre des métiers mus par des machines à vapeur s’est élevé
à cinq fois sa valeur en 1822. Observez encore que les métiers mus par la
vapeur font trois fois autant d’ouvrage qu’un métier è bras d’homme.
Il appert évidemment de ces données, messieurs, que l’introduction des
machines ne diminue pas en général le nombre des bras ni le salaire des
ouvriers. Nous n’avons pas besoin de prendre nos exemples en Angleterre, nous
n’avons qu’à ouvrir les yeux et voir ce qui se passe autour de nous pour
constater l’évidence de ce fait. Cette vérité est aussi démontrée par les
économistes ; mais comme c’est écrit dans des livres, c’est un motif de
suspicion pour certains hommes, je n’en parlerai pas.
Je n’ai fait qu’effleurer la question actuelle parce que le temps et les
renseignements me manquent pour la traiter sous toutes ses faces. J’aurais pu
encore réfuter les faux principes et les faits erronés avancés par plusieurs
orateurs, mais ils l’ont été suffisamment par l’honorable M. Dubus, à qui on
n’a pas répondu par la raison qu’on ne pouvait pas le faire victorieusement.
On vous dit qu’il faut adopter le
système français parce que nous avons les mêmes intérêts, les mêmes mœurs, le
même langage et que notre politique le commande. J’ai, messieurs, beaucoup de
sympathie pour
Je considère le système prohibitif comme un système désastreux pour tout
un pays.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je regrette que l’honorable député de
Verviers ne se soit pas trouvé aux séances précédentes. Je le regrette par deux
motifs.
Le premier, c’est qu’il n’aurait pas manqué de jeter dans la discussion,
et de jeter en temps opportun, les vives lumières qui nous arrivent un peu
tardivement ; je le regrette en second lieu, parce qu’il se serait épargné la
peine de se livrer contre le ministère à des reproches tout à fait dénués de
fondement et qu’il regrettera sans doute.
L’honorable député de Verviers reproche au ministère de s’enfoncer dans
un système prohibitif, et de n’avoir pas le courage de se déclarer devant la
chambre partisan de la liberté illimitée du commerce et de l’industrie.
M.
Lardinois. - Je ne demande pas cela !
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le ministère a pour principe, surtout en
matière de douane et surtout dans les circonstances où nous sommes, de ne pas
professer de principe absolu. En ce point il est d’accord avec tous les
gouvernements, avec le pays, il est même d’accord, et il s’en félicite, avec
l’honorable député du district de Verviers, car lui-même, malgré les principes
absolus qu’il a d’abord posés, ne s’est pas montré en fait plus libéral que le
gouvernement.
En effet il a déclaré qu’à son avis, il fallait donner une satisfaction
à l’industrie linière, qu’il se rapprocherait du système de M. Rodenbach ou
même de celui de la section centrale en tant qu’il n’imposerait pas un droit
excédant 7 p. c. Les membres de la section centrale trouveront donc l’honorable
membre plus accommodant que nous ; car nous n’avons voulu d’abord nous rallier
qu’à la proposition de M. Rodenbach, qui était de continuer le mode de
perception actuel en adoptant une augmentation de droit. Par ce moyen nous
savions ce que nous faisions, où nous allions, tandis qu’en se jetant dans un
système nouveau pour lequel on manquait de bases, n’en ayant aucune expérience,
on s’est vu entraîné dans des difficultés inextricables.
Nos prévisions ne se sont malheureusement que trop réalisées, et depuis
huit jours, la chambre présente le triste spectacle de discussions sans suite
et sans issue. Des bancs où l’on s’attendait à trouver unanimité d’opinions, on
a vu partir les opinions les plus divergentes.
Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire à plusieurs reprises
que le gouvernement pensait qu’une augmentation du droit perçu ad valorem pouvait seule en ce moment
être admise, et que l’autre système ne présentait qu’incertitude, et embarras
et difficultés.
Du moment que le principe a été
résolu, du moment que la chambre avait adopté le système de la section
centrale, c’était à l’assemblée à subir les conséquences de sa décision. Mon
collègue le ministre des finances n’a pas cru devoir se refuser à apporter le
tribut de son expérience sur le terrain où la discussion avait été portée
malgré lui. Mais le rôle du ministre de l’intérieur dès lors était nul. On lui
reprocha d’être resté inactif et d’avoir laissé à son collègue la charge de
défendre le système de la section centrale. Dès l’instant qu’il ne s’agissait
plus que d’appliquer le système préféré par la chambre, le ministre de l’intérieur
n’avait plus rien à faire.
C’est donc, messieurs, très gratuitement que le préopinant s’est livré à
une sortie contre le ministère en général et contre moi en particulier. Je
regrette encore vivement le rejet de la proposition de M. Rodenbach, qui
n’était que la continuation du système actuel. Aussi aurais-je voté en faveur
de l’amendement de M. Dubus, si cet amendement avait été mis aux voix.
M.
Lardinois. - Des affaires particulières m’ayant rappelé chez moi
pour quelques jours, j’ai demandé à la chambre un congé qu’elle a bien voulu
m’accorder. Mais si j’avais pu prévoir qu’on présenterait furtivement à la
discussion le projet de loi sur les toiles, etc., je serais resté à mon poste
apporter dans la discussion le contingent de mes faibles lumières.
Lorsque j’ai dit que le ministère s’enfonçait dans le système
prohibitif, j’entendais celui de
M. le ministre de l’intérieur vous a dit qu’il n’a pas des principes
absolus et qu’il repousse la prohibition comme la liberté illimitée du
commerce. Je le félicite de ce juste milieu et je l’attends à l’application.
- La séance est levée.