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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 21 juin 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Projet de loi relatif aux travaux
urgents à faire (A) aux rives de la Meuse (dans le Limbourg) et (B) aux rives
de l’Ourthe (à Liége) et (C) recours contre qui de droit (A (de Renesse, Olislagers), B (de Behr), A et/ou reprise par l’Etat de
l’administration de la Meuse par suite de la convention de Zonhoven) Simons, Desmanet de Biesme, Rogier, Desmanet de Biesme, Simons, Rogier, de Muelenaere, Pollénus, d’Hoffschmidt, de Theux, (+B)
Rogier, Pirson), C (Gendebien, d’Huart, Rogier, Ernst, Gendebien,
(+B) Ernst, (+A) Dumont, d’Hoffschmidt, de Muelenaere,
(+B) Raikem, de Theux, Desmet, Rogier, Gendebien,
Desmet, Rogier), B (Ernst, (+polders inondés) (d’Hoffschmidt
et A. Rodenbach), Dumont, Raikem, Ernst), C (Doignon,
Raikem), B (Desmanet de Biesme,
Raikem), C (de Muelenaere)
(Moniteur belge
n°173 du 22 juin 1834 et Moniteur belge n°174 du 23 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge
n°173 du 22 juin 1834) La séance est ouverte à une heure.
M.
de Renesse fait l’appel
nominal.
M.
H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, dont la rédaction est
adoptée.
M.
de Renesse fait
connaître à la chambre les pièces suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Trois habitants de Berendrecht
réclament une indemnité pour les pertes essuyées par suite de l’inondation du
polder Lillo. »
- Renvoyée à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur de Tillieux
adresse des considérations à l’appui du projet de loi sur la circonscription
judiciaire des cantons en ce qui concerne les notaires. »
- Renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet
de loi sur la circonscription des justices de paix.
________________
M. Jullien demande un congé de quelques
jours.
- Accordé.
Discussion générale
M. de Renesse. - Messieurs, déjà
l’année dernière plusieurs honorables membres de cette chambre ont prouvé que
les travaux à faire aux rives de
Sous l’ancien gouvernement, le produit de tous les
revenus de
Depuis notre révolution,
il est à votre connaissance, messieurs, que pendant plus de deux années aucune
navigation n’a pu avoir lieu par suite de la fermeture de
M. Olislagers. - Messieurs, je crois que la question qui vous
est soumise dans ce moment ne suscitera guère de difficulté ; car vous vous
rappellerez, messieurs, qu’à la séance du 15 février dernier, lorsque j’eus
l’honneur de présenter l’amendement par lequel je proposais d’allouer au budget
de l’intérieur une somme de 50,000 francs pour des réparations urgentes à faire
aux rives de la Meuse à Maeseyk et Aldeneyk, les principales objections de ces messieurs qui
s’opposaient à ma proposition étaient qu’ils craignaient que ce ne fût un
double emploi, vu qu’au mois d’octobre dernier la législature avait alloué une
somme de 73,000 fr. pour le même objet sur la proposition de mon honorable
collègue et ami M. de Theux. Je dis donc que nos honorables collègues
désiraient être éclairés sur ce point : eh bien, je crois que le rapport de M.
le ministre ne leur laissera plus aucun doute à ce sujet. Ces mêmes honorables
membres objectaient aussi que si les ouvrages étaient si urgents que je le
signalais, il était étonnant que M. le ministre n’eût pas porté l’allocation au
budget ; d’après cela ils allaient même jusqu’à dire qu’il était probable que
je m’exagérais les dangers :le rapport répond encore à ces objections. Je me
flatte donc, messieurs, que la justice qui vous dirige dans toutes vos
délibérations vous rendra favorables à la proposition que j’ai eu l’honneur de
vous faire en faveur de la province de Limbourg que je représente ici..
En effet, messieurs, la chambre ne s’est jamais refusée à
accorder des secours aux provinces qui en ont réclamé ; je ne puis donc croire
que vous vous opposerez à ceux que réclame à si juste titre la province de
Limbourg qui a tant soutient par la révolution, et pour laquelle ou a si peu
fait, comme vous l’a fort bien fait observer mou honorable collègue et ami M.
Simons dans un lumineux discours qu’il a prononcé à cette chambre l’année
dernière, lors de la discussion sur la même matière. Je ne répéterai donc pas
ce que cet honorable membre vous a si bien développé alors ; je vous dirai
seulement encore quelques mots à l’appui de ma proposition.
Lors du malencontreux cadeau que le gouvernement
précédent fit à la province par la cession de
M. le président. - La parole est à M. de Behr.
M. de Behr. - Je demanderai si on
discute simultanément les deux questions.
M. de Theux.
- Je pense qu’il serait mieux de discuter ces questions séparément.
M. de Behr. - Je ferai observer qu’il y
a des considérations qui s’appliquent à l’une et à l’autre question.
M. le président. - Lorsque la chambre
jugera à propos de fermer la discussion générale, on pourra demander la
division.
M. de Behr. - Messieurs, la proposition
que j’ai eu l’honneur de faire à l’assemblée, conjointement avec d’autres
collègues, lors de la discussion du budget de l’intérieur, a pour objet
l’allocation à titre d’avance d’une somme de 80,000 francs destinée à des
travaux à faire pour arrêter les envahissements de la rivière d’Ourthe dans le
bras dit Forchu-Fossé, à Liège ; la section centrale
à qui vous avez renvoyé l’examen de cette proposition, l’a accueillie
favorablement, et le gouvernement lui a de même donné son assentiment. Après
cette double épreuve, il me restera peu de chose à dire pour justifier la
demande dont il s’agit. Le Forchu-Fossé prend son nom
de la courbe semi-circulaire qu’il décrit ; il n’est qu’un bras secondaire
servant à la décharge ou trop-plein de la branche principale pour le mouvement
d’un grand nombre d’usines qui y sont établies. La courbure augmente chaque
année par des ébranlements considérables qui s’étendent à la distance de
Vous sentez, messieurs, que cette question donnera lieu à
un procès très compliqué, dont on ne peut prévoir ni le terme, ni le résultat.
Pour vous en donner une idée, il me suffira d’indiquer quelques-uns des moyens
que les parties intéressées se proposent de faire valoir : les riverains disent
que l’Etat ayant perçu les droits de navigation sur l’Ourthe, ainsi que les
droits de passage et les revenus de la pêche sus le bras du Forchu-Fossé,
était dans l’obligation de faire les dépenses d’entretien d’après le principe
d’équité naturelle que celui qui profite des avantages de la chose doit en
supporter les charges ; que d’ailleurs les dommages ont pour cause immédiate et
nécessaire les digues de barrage des moulins établis sur la branche principale
et celle du Forchu-rossé ; que ces ouvrages ont fait
refluer les eaux vers la rive où les éboulements ont eu lieu, et ont engagé par
suite la responsabilité du gouvernement qui les a autorisés.
D’autre part, les propriétaires d’usines prétendent
qu’ils ne sont pas soumis à d’autres obligations que celles que les actes de
concession leur ont explicitement imposées ; et de son côté, la province
soutient que l’arrêté qui lui a abandonné les droits de navigation, n’a pu
avoir d’effet rétroactif, et la grever de réparations extraordinaires de
dommages qui existaient antérieurement, et dont la dépense incombait au
gouvernement ou à d’autres. Je n’entrerai pas dans de plus longs détails pour
convaincre la chambre combien l’affaire est hérissée de difficultés, et
présentera de questions à résoudre ; mais, en attendant, n’est-il pas juste,
n’est-il pas rationnel que l’Etat vienne au secours des propriétaires
intermédiaires qui ne sont pas riverains et ne sont pour rien dans cette
affaire ; qu’il prenne les mesures nécessaires pour pourvoir aux besoins les
plus urgents, et prévenir les malheurs incalculables qui seraient la suite d’un
plus long retard ?
Dans tous les cas, le gouvernement est intéressé dans les
travaux à faire ; car, tout en déclinant une partie de la responsabilité
invoquée â sa charge il doit convenir que le barrage d’un moulin établi dans le
bras du Forchu-Fossé a contribué à refouler les eaux
vers le point où elles ont causé les envahissements. Or, quelle que soit la
part qu’il aura de ce chef à supporter dans la dépense, il est hors de doute
qu’elle excédera la somme demandée, si les désastres que j’ai signalés venaient à se réaliser. Il me reste à rencontrer un
argument qui a été présenté dans une séance précédente. On a dit que les
riverains étaient tenus de faire les dépenses d’entretien en retour des
avantages qu’ils peuvent recueillir des accroissements de terrain par alluvion.
Mais si l’on consulte les discussions du conseil d’Etat sur cette matière, on
verra que n’est qu’une compensation des inconvénients qui résultent pour le
propriétaire du voisinage de la rivière, et qu’il n’a point été dans l’esprit
de la loi de l’assujettir à des obligations que doit naturellement supporter
celui qui a la propriété des rivières et en retire tous les avantages.
Je crois donc pouvoir persister avec confiance dans la
proposition que j’ai présentée à la chambre avec mes honorables collègues.
M. Simons. - Messieurs, après le
rapport lumineux de l’honorable M. Dubus à l’occasion d’une proposition de même
nature que vous avez adoptée en septembre dernier, après les renseignements qui
vous ont été fournis dans la séance du 16 juin par l’honorable rapporteur de
votre section centrale, par suite de la proposition qui fait actuellement
l’objet de vos délibérations, il devient sans doute inutile de vous dérouler de
nouveau le tableau sombre de la position alarmante des propriétaires riverains
de
Il reste donc incontestablement prouvé que les rives de
Je me bornerai aujourd’hui à réfuter succinctement les
arguments que quelques honorables membres ont fait valoir dans une séance
précédente pour combattre la proposition dont il s’agit.
D’abord on vous a représenté cette province comme se
trouvant dans l’état le plus prospère. On vous a dit que la caisse provinciale
est abondamment fournie des fonds ; et partant de là, on conclut qu’elle doit
faire face elle-même à cette dépense.
La province du Limbourg dans un état florissant !! Est-ce
bien sérieusement qu’on l’avance ? Je ne puis le croire ; et si le caractère
franc et loyal de l’honorable membre ne m’était connu, je prendrai la chose
pour une véritable dérision.
Je ne vous dirai pas que cette malheureuse province a été
constamment accablée des logements militaires, qui ont écrasé les habitants du
plat pays ; son patriotisme reconnu ne permet pas qu’elle s’en plaigne, mais ce
qui est un fait incontestable, c’est que depuis la révolution les sources
principales de sa prospérité sont taries.
La navigation de
Le canal du Nord, dont à peine la province commençait à
ressentir l’influence bienfaisante, a été frappé de nullité complète dès les
premiers jours de la révolution, et l’est encore dans ce moment. Par là, une
grande partie des populations des communes avoisinantes sont replongées dans la
détresse ; leurs propriétés foncières sont diminuées considérablement de
valeur, et l’écoulement de leurs produits agricoles est absolument anéanti.
La province ne possédait qu’une grande route de
communication par Maestricht vers l’Allemagne.
Elle a fait des sacrifices énormes pour se la procurer.
Eh bien, cette communication unique lui est aussi enlevée par l’état de siège
continuel de la forteresse de Maestricht, et par suite elle se trouve en grande
partie privée des revenus de cette route, qui devaient servir au paiement des
intérêts et au remboursement partiel d’un capital de passé un demi-million,
qu’elle a dû négocier pour cet objet. Ce n’est pas tout, messieurs, pour
achever sa ruine, le gouvernement l’a dotée d’une ligne de douanes au beau
milieu de la province. En un mot, messieurs, l’anéantissement complet de toutes
ses communication sans exception ; un surcroît de charges insupportables par
suite des cantonnements militaires ; des entraves continuelles dans l’exercice
de son industrie ; l’enlèvement de tout débouché pour l’écoulement de ses
produits agricoles, et pour comble de malheur, un avenir affreux pour une
partie de la population intéressante : voilà la position malheureusement trop
véritable de la province du Limbourg. Jugez après cela si elle mérite d’être
impitoyablement repoussée lorsqu’elle vous demande un faible subside dans sa
détresse.
Quant à la caisse provinciale, de ce qui précède il ne
vous sera pas difficile de conclure que la situation n’est rien moins que
brillante. Il est vrai qu’il y a pour le moment une assez forte somme en
caisse. D’après le dernier budget provincial, que j’ai sous les yeux, cet
excédant peut s’élever à un peu au-delà de 200,000 francs ; mais cette
somme est à peu près intégralement destinée à faire face : 1° à trois ou quatre
années d’intérêts du restant d’un capital de 539,682 francs 53 centimes, que la
province a négociés pour subvenir aux frais de la construction de la route sur
Aix-la-Chapelle ; 2° à l’amortissement partiel de ce capital, dont les termes
arriérés se montent de 60,000 à 80,000 francs. Il n’y a donc réellement aucun
fonds disponible dans la caisse provinciale pour faire la dépense qui forme,
pour le moment, l’objet de vos délibérations.
Mais, en supposant qu’il y eût réellement des fonds
provinciaux disponibles, pourrait-on équitablement exiger de la province
qu’elle prît cette dépense à sa charge ? Je ne le pense pas. Je persiste à
soutenir que l’arrêté de décembre 1819 est implicitement abrogé, quant à la
province du Limbourg, par le traité du mois de novembre 1831 et par la
convention du 21 mai 1833 qui en est la suite. En effet, le chef du précédent
gouvernement, en chargeant la province de ce fardeau, lui a concédé en même
temps la jouissance du revenu de
Je répéterai, avec un honorable membre de cette assemblée,
que l’art. 9 du traité du 15 novembre et l’art. 4 du traité du 21 mai ont
changé quant à
Le gouvernement a interprété les conséquences de ces
traités dans le même sens. En effet, lorsqu’en août 1333 la navigation sur
Mais bientôt défense leur en fut faite de la part du
gouvernement, qui, si je ne me trompe, déclara en même temps, de la manière la
plus formelle, que la province serait dorénavant déchargée de l’entretien des
rives de cette rivière ou au moins indemnisée de ce chef. Aussi, messieurs, la
somme qui a été fournie dans le courant du mois d’août pour cet objet, et qui
se monte à 2,022 francs 69 centimes, a-t-elle été versée dans les caisses du
gouvernement, aux termes d’une dépêche de M. le ministre de l’intérieur en date
du 17 août 1833, 4ème division, n°5529.
D’après cela il ne peut plus rester le moindre doute à
cet égard. La province est définitivement déchargée de cette dépense, et elle
s’opposera comme de raison, par tous les moyens de droit, à ce qu’une pareille
charge lui soit imposée.
Mais, répond l’honorable membre dont je réfute les
arguments, en admettant l’abrogation de l’arrêté de décembre 1819 pour la
province du Limbourg, toujours reste-il certain que cette dépense ne peut être
mise à charge du trésor de l’Etat.
Cet objet, ajoute-t-il, rentre dans le droit commun, et
par suite, aux termes du code civil, les travaux quelconques nécessités pour
des rives de
On ne doit pas se faire
illusion sur l’état de ces propriétaires riverains. La plupart sont très peu
fortunés. Les uns possèdent pour toute propriété une petite cabane ; les
autres, un petit fonds de peu de valeur. Les grandes propriétés sont
extrêmement rares dans ces environs, et conséquemment vouloir que les
propriétaires riverains se chargent exclusivement de cette dépense, c’est
vouloir l’impossible. C’est condamner ces malheureux à une ruine inévitable.
Prononcez sur leur sort. Après tous les sacrifices qu’ils ont faits pour le
bien public, jugez s’ils sont dignes de votre commisération. Pour ce qui me
concerne, convaincu de l’urgence des travaux dont il s’agit, j’appuie de toutes
mes forces la demande d’allocation dont il s’agit.
M. Desmanet de Biesme. - Je désirerais que le ministre voulût bien
donner des explications sur ce que vient de dire l’honorable M. Simons. Je
demanderai si le gouvernement a pris à lui les péages de
Il n’y avait jamais eu aucune réclamation pour réparations
aux rives de
Les explications que je demande pourront fixer vos
délibérations ; vous verrez s’il ne conviendrait pas de rendre le péage à la
province comme elle l’avait auparavant, à la charge par elle de supporter les
dépenses de réparation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, après la convention du 21 mai qui
rendit la liberté à la navigation de
Dans le principe même,
Dans tous les cas, ce ne
peut être une somme considérable. Les droits étaient évalués à vingt mille
florins. En supposant qu’ils fussent les mêmes en 1833, ce serait une somme de
40,000 francs dont la province aurait été privée. Ce n’est pas avec cela que la
province aurait pu faire face aux réparations du fleuve, attendu que les frais
sont évalués à plus de cent mille francs si on voulait exécuter tous les
travaux cette année.
Voilà ce qui s’est passé. Le gouvernement n’a pas entendu
prendre à lui les charges de la province ; il a seulement été convenu qu’il
indemniserait la province dans une juste proportion, en raison des droits non
perçus par elle. Le gouvernement est encore prêt à tenir sa promesse vis-à-vis
de la province. Mais il n’a pas encaissé ces droits. Ils ont cessé d’être
perçus.
M. Desmanet de Biesme. - Les explications du ministre fixeront mon
opinion. Jusqu’à présent les réparations des rives de
Nous devons prendre garde de charger l’Etat des dépenses
provinciales, car nous ouvririons un gouffre dont nous nous garantirions
difficilement. M. d’Huart vous a dit que les travaux n’étaient pas si urgents
qu’on le prétendait ; car le ministre de l’intérieur, qui a tant de sollicitude
pour ses administrés, n’avait rien porté à son budget pour cet objet.
C’est par un membre de l’assemblée que la demande a été
faite ; et aussitôt des demandes plus considérables ont été faites pour
On nous présenté, il est vrai, la province du Limbourg
comme au moment d’éprouver les plus grands dommages. Je ferai observer que
d’autres localités ont éprouvé ces dommages et n’ont reçu aucune indemnité.
En effet, qu’avons-nous fait pour les malheureux inondés
de Lillo, de Liefkenshoek et autres, dont la position est d’autant plus
intéressante qu’elle est la conséquence de la révolution tandis qu’ici les
malheurs qu’on vous fait craindre, et pour lesquels on veut exciter votre
sollicitude, n’ont pas pour cause la révolution ?
Si nous mettions à la charge de l’Etat les
réparations quand elles seraient considérables, les propriétaires négligeraient
de faire les petites réparations, comptant pouvoir avoir recours à la caisse de
l’Etat quand ils seraient menacés de grands désastres.
Nous devons nous mettre en garde contre les appels faits
à notre philanthropie ; car il pourrait en résulter pour nos finances des
conséquences fâcheuses.
Je pense donc qu’on doit accorder à la province du
Limbourg une indemnité, sauf à elle à s’arranger avec les riverains.
M. Simons. - Je demanderai à M, le
ministre s’il n’est pas vrai qu’au mois d’août 1833, par suite d’une dépêche du
ministère de l’intérieur, la province a versé dans les caisses de l’Etat une
somme de deux mille francs provenant de droits antérieurement perçus par elle.
Je prierai M. le ministre de l’intérieur de nous dire pourquoi cette somme a
été versée dans les caisses de l’Etat, si l’Etat ne prenait pas les dépenses à
sa charge.
J’ai ici sous les yeux le budget de la province, où
il est dit, art. 5 : « Le produit du péage sur
Je crois que cela est clair.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier) - Je
ferai d’abord observer que cette note n’indique pas que le gouvernement a
enjoint à la province de ne plus percevoir le droit sur
M. de Muelenaere. - Quand les
ressources de l’Etat le permettront, je ne m’opposerai jamais à l’exécution de
travaux publics dont la nécessité est reconnue ; mais nous ne pouvons pas
permettre qu’on mette à la charge du trésor des travaux qui, par leur nature ou
par les lors, sont mis à la charge des communes ou des provinces.
Avant de pouvoir émettre mon vote sur la question qui se
débat en ce moment, j’aurais besoin de quelques explications.
Je ne connais ni les localités, ni l’état des choses ;
mais j’ai entendu dire que, par arrêté du 17 décembre 1819, les droits de péage
sur
Voilà la question sur
laquelle je désirerais être fixé avant de pouvoir émettre mon opinion sur la
quotité de la somme demandée. Car si les dépenses de réparations des fleuves
sont une charge des riverains, il faut qu’elles soient supportées par ceux à
qui elles incombent ; si ce sont les particuliers, la commune ou la province à
qui ces dépenses doivent être imposés ? je consentirai à ce qu’en raison des
circonstances, le gouvernement accorde des subsides à l’effet de contribuer à
faire les réparations dont l’urgence paraît être démontrée. Maïs la chambre
doit avant tout se fixer sur cette question à charge de qui la dépense
doit-elle incomber ? Ce n’est que quand on sera d’accord sur ce point que l’on
pourra examiner si, en raison de l’état financier de la province et des
habitants du Limbourg, il n’y aurait pas lieu de venir à leur secours. Je pense
que la chambre ne peut aller plus loin avant d’avoir vidé cette question.
M. Pollénus. - Je tâcherai de répondre
aux questions de l’honorable préopinant. Un arrêté du précédent gouvernement
avait abandonné à la province du Limbourg les droits de navigation perçus sur
M. de Renesse vous a déjà fait connaître que jamais, sous
le gouvernement précédent, le gouvernement n’a mis à la possession de la
province du Limbourg des droits qui n’étaient que la compensation des charges
nouvelles qu’il lui avait imposées. Car jamais l’administration provinciale n’a
possédé les passages d’eau. Ainsi le contrat passé entre le gouvernement des
Pays-Bas et la province du Limbourg n’a point reçu d’exécution de la part du
premier contractant. Car le droit de possession qui donnait au Limbourg une
partie importante des revenus de
Je crois que, dans l’état de la législation, il est vrai
de dire qu’une partie des réparations à faire aux rives d’une rivière doit être
mise à la charge des riverains. Il y a sur cette matière une loi dont je ne me
rappelle pas la date, qui traite ce qui concerne les digues. Mais les travaux
nécessaires pour la mise en état de navigabilité d’un fleuve sont entièrement à
la charge de l’Etat. Pour ce qui est des obligations imposées aux riverains, la
loi s’en réfère, pour la fixation de la part contributive, à des règlements
d’administration publique, règlements qui n’ont jamais existé pour la province
du Limbourg. De là la difficulté de fixer la part de chacun. Aussi les
honorables auteurs de la proposition qui a provoqué le projet de loi soumis à
vos délibérations ne demandent pas la somme nécessaire aux travaux comme la
conséquence d’une obligation de l’Etat, ils la réclament comme avance que les
propriétaires riverains devront rembourser en partie.
Ce n’est pas que la somme avancée doive être cependant
envisagée comme constituant une dette payable plus tard par la province ;
celle-ci ayant depuis longtemps cessé de jouir des droits de navigation et
n’ayant jamais usé des droits des passages d’eau, il est bien entendu que
puisque le gouvernement a perçu indûment les droits de navigation de
Il est un
antécédent que la chambre ne doit pas perdre de vue ; si mes souvenirs sont
fidèles, lors de la proposition de l’honorable M. de Theux, M. le ministre de
l’intérieur ne trouvait aucune objection à ce que la province du Limbourg ne
fût pas chargée des réparations de
Il m’est impossible de plaider en faveur de la province
du Limbourg d’une manière qui lui soit plus avantageuse qu’en citant les
paroles qui ont déjà été prononcées sur le sujet qui nous occupe. Je crois
avoir suffisamment répondu aux renseignements demandés par l’honorable M. de Muelenaere.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, jusqu’à présent l’on n’a traité que la
question d’urgence. Il me semble qu’avant de prendre une décision, la chambre
devrait examiner quelles sont les personnes qui sont tenues de contribuer aux
réparations des digues de
La province de Limbourg a deux cent mille francs en
caisse. On nous dit que ces fonds sont destinés au remboursement des capitaux.
Mais il me semble qu’avant de rembourser des capitaux, il faut veiller aux
intérêts pressants de la province. Un remboursement de capitaux peut souffrir
un retard ; des travaux que l’on prétend être urgents ne doivent pas admettre
de délai.
Les travaux dont on réclame l’exécution sont-ils
nécessaires pour la navigation de
Si les travaux que l’on vous demande ne doivent assurer
que la conservation des propriétés, c’est évidemment aux propriétaires
intéressés à les couvrir. Si chaque province en appelait au gouvernement pour
chaque dégât un peu considérable, pour des dommages occasionnés par les éléments
que l’on ne peut maîtriser, par les rivières, les fleuves, la grêle par exemple
(car ce cas est identique), l’Etat serait obéré au bout de dix ans : dans le
Luxembourg, les rivières occasionnent aussi de grands ravages aux propriétés.
Je demanderai aussi depuis quand l’entretien des rives de
On vous dit, messieurs, que les fonds dont on vous
demande l’allocation ne seront accordés qu’à titre d’avance. Mais quels moyens
le gouvernement aura-t-il de se faire rembourser ces avances ? Quand il
s’adressera aux communes à ce sujet, ne pourront-elles pas invoquer l’art. 110
de la constitution, qui dit : « Aucune charge, aucune imposition
communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. »
Dès que les communes verront les travaux exécutés, elles
diront ; Nous ne voulons pas que la dépense nous soit imposée. C’était une
charge de l’Etat. Aurez-vous plus de moyens de vous faire rembourser par la
province ? Non, le cas est identique.
Je crains bien que si nous admettons un antécédent aussi
dangereux, chaque année l’on ne nous demande de pareilles sommes pour des cas
analogues. On raisonne de cette manière : Puisqu’il suffit, pour obtenir des
secours de l’Etat, qu’il y ait urgence, négligeons l’entretien journalier des
rives de nos fleuves. Nous forcerons par là le gouvernement à nous accorder un
subside.
Dans ma province, on se prépare déjà à adresser des
demandes de secours au gouvernement pour un objet semblable, et elle a autant
de droit que les provinces du Limbourg et de Liége.
Les habitants du Limbourg, mettant en avant les charges
que leur ont fait supporter les logements militaires, proclament leur
patriotisme. Ce sont là des arguments que nous pouvons tous faire valoir ; mais
ce qu’il faut considérer dans la question qui nous occupe, c’est le droit. Je
rends justice au patriotisme des habitants du Limbourg ; mais je ne puis
consentir à leur accorder un denier pour la réparation des digues de leur
fleuve.
M. de Theux.
- Messieurs, je ne m’occuperai que de ce qui concerne les réparations des rives
de
La réparation des rives de
Sous le rapport du droit, je ne crains pas de dire que le
gouvernement doit faire les avances pour les réparations des rives du fleuve,
au moins en ce qui concerne les réparations qui étaient à charge de la province
avant la suppression des péages. Sous le rapport de l’utilité, je dis qu’en
l’absence d’un règlement, en vertu duquel on puisse imposer les propriétaires
riverains, il est de l’intérêt général que le gouvernement fasse des avances,
sauf son recours contre qui de droit quand le règlement sera établi.
Aux termes du droit, les réparations à faire aux rives
d’un fleuve doivent être supportées par les propriétaires riverains ou par les
propriétaires du fleuve, selon la nature des travaux.
Si les travaux ont pour objet la conservation de
propriétés particulières abstraction faite du halage, abstraction faite de la
bonne navigation, les réparations sont à la charge des riverains.
Si les travaux ont pour objet l’amélioration ou la
conservation de la navigation, ils sont à la charge du propriétaire du fleuve.
Dans la province du Limbourg comme dans toutes les
provinces, il a été établi un droit de navigation, en vertu de la loi du 30
floréal an X ; ce droit était destiné à l’entretien des chemins de halage et
autres ouvrages d’art à l’avantage de la navigation.
Ce droit formait un fonds spécial qui devait être
exclusivement employé aux réparations de
En 1819 le gouvernement des Pays-Bas a trouvé à propos
d’imposer aux diverses provinces le soin de réparer les rives de certains
fleuves, en leur abandonnant en même temps les produits de la navigation.
Voici le texte de l’arrêté :
« Art.
Le gouvernement s’est réservé, en abandonnant les péages,
la propriété des fleuves. Et c’est uniquement parce que les provinces
jouissaient des péages qu’elles étaient chargées des réparations.
Dès lors n’est-il pas certain, en principe, que si le
droit de péage vient à être supprimé, la province est déchargée du soin de
faire les réparations, et qu’elles tombent à la charge du propriétaire du
fleuve ?
Ce principe me paraît, à moi, incontestable et j’en fais
l’application à la province du Limbourg.
Depuis 1830 le péage a cessé de fait sur
La navigation n’a pu être ouverte qu’en 1833, et en vertu
de la convention du 21 mai ; mais la province a été obligée de cesser la
perception du droit qu’elle avait rétabli, et elle a été obligée de cesser par
suite d’une dépêche ministérielle. Ainsi, depuis 1830 jusqu’en 1833, la
province a été privée de la perception du droit, d’abord par le fait du gouvernement
hollandais, et. à dater de juin 1833, par le fait du gouvernement belge ; donc
depuis 1833 la province a été déchargée de toute réparation des rives de
Mais, dit-on, la province du Limbourg n’a pas appliqué
les fonds qu’elle a perçus antérieurement à l’entretien du fleuve.
Messieurs, la province percevait annuellement une somme
de 20,000 florins ; et cette somme était allouée aux communes pour faire des
réparations. Cependant, sous l’ancien gouvernement, quand cette somme était
insuffisante, le trésor a alloué plusieurs secours pour des travaux aux rives
de
Quant à la partie de la dépense qui est à la charge des
propriétaires riverains, il y a une considération d’équité qui doit déterminer
le gouvernement à en faire l’avance, sauf recours contre ces propriétaires. Il
n’existe pas de règlement en vertu duquel on puisse faire cotiser les
propriétaires, et a défaut de ce règlement, malgré les bonnes intentions de
plusieurs propriétaires, ils ne peuvent s’entendre avec les autres pour faire
le fonds nécessaire aux réparations. Les réparations ne peuvent se faire par
parties ; il est impossible qu’un ou plusieurs propriétaires fassent les
avances nécessaires pour exécuter les travaux, parce qu’ils sont trop
considérables.
Il faut que les dépenses soient faites par tous les
propriétaires réunis ; ainsi le veut l’art. 34 de la loi du 16 septembre 1807
portant :
« Lorsqu’il y a lieu de pourvoir aux dépenses
d’entretien ou de réparation des mêmes travaux, au curage des canaux qui sont
en même temps de navigation et de desséchement, il sera fait des règlements
d’administration publique qui fixeront la part contributive du gouvernement et
des propriétaires. »
Il a existé des projets de règlement dans la province de
Limbourg ; mais ils n’ont pu être mis à exécution à cause des difficultés qui
se sont élevées.
J’appellerai ici l’attention du ministère de
l’intérieur ; il doit s’occuper des règlements et de leur mise à exécution,
sans cela on perpétuerait les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui. En
attendant que ce règlement soit fait, il est de l’intérêt général que l’avance
soit faite par le trésor, sauf recours contre les riverains pour la partie de
la dépense qui les concerne.
Je ferai remarquer ici que l’absence d’un règlement est
aussi la cause des difficultés qui se rencontrent pour la réparation du Forchu-Fossé ; et sous ce rapport, je pense qu’il y a aussi
lieu de faire l’avance réclamée, sauf recours, soit contre les propriétaires,
soit contre la province, ou les propriétaires des usines, lorsqu’un règlement
sera établi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, on a fait valoir contre la
proposition soumise à la chambre les mêmes motifs qui ont été présentés l’année
dernière lors de la discussion du projet. Ces motifs n’ayant point été
accueillis à cette époque, nous avons la confiance que la chambre, conformément
à ses antécédents, mettra le gouvernement à même de faire face à des travaux
d’une extrême urgence et qui, par leur nature, rentrent en grande partie dans
ses obligations.
En effet, messieurs, il est un point de la question que
la chambre ne perdra pas de vue ; c’est l’obligation où se trouve le
gouvernement devant le pays de maintenir toujours en bon état la navigabilité
des fleuves et des rivières.
Les fleuves et rivières ne sont pas la propriété des
provinces ou des communes ; on a pu vouloir qu’il fût ainsi sous le
gouvernement déchu, mais ainsi nous ne le voulons plus aujourd’hui. Le
gouvernement actuel considère les fleuves et les rivières comme étant du
domaine public, et nous ne prétendons point confirmer l’aliénation qui en fut
faite par des arrêtés royaux de l’ancien gouvernement.
S’il est reconnu que l’état des rives des fleuves est tel
que si des réparations ne sont pas faites, la navigabilité du fleuve peut être
compromise et son cours changé, dès lors commence pour le gouvernement
l’obligation d’ordonner des réparations propres à prévenir de pareils accidents.
C’est là le cas qui se présente pour
La question de savoir jusqu’à quel point les riverains,
les communes, les provinces doivent intervenir dans les frais de ces
réparations, cette question nous devons la considérer comme secondaire. Il ne
peut dépendre de la négligence des communes, ou de l’indifférence des riverains
qu’un fleuve ou une rivière puisse cesser d’être navigable.
Je le répète, c’est une question secondaire de savoir
quels sont les moyens que le gouvernement a entre les mains pour faire
contribuer les communes, les provinces ou les riverains dans les réparations ;
le gouvernement a pour obligation de faire les travaux conservateurs des
fleuves, et lorsqu’il vient demander à la chambre de faire face à de tels
besoins, la chambre doit examiner d’abord si les travaux sont indispensables.
Or, il résulte des rapports des hommes de l’art envoyés sur les lieux, que la
navigabilité de
Si on interroge la législation sur la matière, on voit
qu’elle est en tous points conforme à la manière dont nous défendons notre
demande d’allocation. En effet, la loi du 16 septembre 1807 réserve en termes
formels au gouvernement la faculté d’intervenir dans les frais de réparations
urgentes des rives des fleuves ; le gouvernement a cette faculté, il est vrai,
concurremment avec la charge des propriétaires riverains, mais toujours est-il
qu’on n’a pas voulu abandonner aux seuls propriétaires riverains, le soin de
conserver la navigation des fleuves.
L’arrêté du 30 décembre 1819 qui a attribue aux provinces
les revenus des fleuves avec la charge d’entretenir les rives, a également fait
des réserves pour certains cas, en vertu desquels le gouvernement pouvait
intervenir dans les frais des réparations.
Les articles qui ont déjà été cités, les dispositions
rappelées dans le rapport de M. Dubus sur la matière, et qu’on n’a pas
combattues, ont été de nature à entraîner votre conviction, lorsque vous avez
accordé l’allocation de l’année dernière.
Voici comment s’exprime la loi du 16 septembre 1807 :
« Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la
mer ou contre les fleuves, rivières et torrents navigables, la nécessité en
sera constatée par le gouvernement, et la dépense supportée par les propriétés
protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, sauf le cas où le
gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds
publics. » (loi du 16 septembre 1807, art 33.)
L’arrêté de décembre 1816 porte une disposition analogue.
L’article 8 porte : « Nous nous réservons la faculté
d’accorder un subside, à payer par le trésor public, en conformité de l’art 224
de la loi fondamentale pour tels travaux publiés au polders (et spécialement
ceux connus sous le nom de calamiteuse polders), qui, par leur situation
particulière et intérêt général, exigent des secours extraordinaires. Ce
subside ne sera pourtant accordé qu’après que nous nous serons fait rendre
compte spécial et détaillé de l’état et des circonstances dans lesquels se
trouvent ces travaux et polders, ainsi que des raisons qui jusqu’à ce jour, ont
motivé le subside et qui peuvent le rendre nécessaire par la suite. »
Eh bien, messieurs ; nous soutenons que la partie de
Lorsqu’il s’est agi de faire des réparations aux rives de
l’Escaut, la chambre aurait pu soutenir que la législation mettait de telles
réparations à la charge des propriétaires riverains. La chambre ne l’a point
fait, parce qu’elle a eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles
se trouvent la province d’Anvers et les provinces des Flandres ; parce qu’elle
a eu en vue l’intérêt général qui lui commandait de préserver une grande partie
du pays de l’inondation et parce qu’elle a voulu conserver la navigabilité du
fleuve sans attendre que l’intérêt particulier soit venu prendre à sa charge de
si énormes obligations.
On parle souvent, messieurs, de l’indépendance communale,
de l’efficacité des efforts particuliers ; nous avons des exemples assez
fâcheux qui prouvent que cette indépendance locale, ces efforts particuliers,
n’emportent pas toujours avec eux tous les avantages qu’on leur suppose. En
effet, les propriétaires riverains de
Je dis qu’ils aiment mieux, mais il est plus vrai de dire
qu’ils ne sont pas en état d’agir, car ils ne peuvent s’entendre pour faire les
réparations. Il en est de même pour les provinces. Je ne doute pas que si les
provinces étaient pénétrées du sentiment de l’intérêt général, comme peut
l’être le gouvernement, elles ne se hâtassent de faire les réparations
urgentes, mais la province n’est pas chargée de défendre l’intérêt général : se
renfermant dans des intérêts locaux, elle abandonne le fleuve à lui-même.
Pour ce qui concerne le Forchu-Fossé,
il a été constaté que si le gouvernement ne se hâte pas de faire des
réparations aux rives du bras de l’Ourthe, il pourra arriver que l’Ourthe
lui-même vienne à se déverser dans le bras de Forchu-Fossé,
et que la navigation en soit compromise. Je demande si ce n’est pas le cas pour
le gouvernement d’intervenir pour que de pareils accidents ne s’accomplissent
pas. On aura beau dire que c’est aux propriétaires riverains à se garantir,
voilà des années qu’on le dit, et les propriétaires ne songent point à
s’entendre pour faire les réparations.
On dira encore que ce sont les usiniers qui doivent faite
les réparations ; en supposant que les usines soient la cause de ce qui suppose
la déviation du bras de l’Ourthe, il faudrait établir ce fait par jugement et
forcer les usiniers à exécuter ce qu’ils ne veulent pas faire de bonne volonté.
Le gouvernement a quelque sollicitude pour ses
administrés, mais il n’en manque pas pour le trésor public, il ne se hâte pas
de disposer des fonds de l’Eta en pure perte et sans y être forcé. C’est
pourquoi nous avons soutenu que le territoire traversé par le bras de l’Ourthe
étant compris dans les limites de la commune de Liège, c’était à elle à
préserver son territoire des envahissements de ce bras de l’Ourthe. Elle a
répondu que cela ne la regardait pas. Le gouvernement s’est adressé à la
province. Même réponse. En attendant, la rivière continue ses envahissements.
Le danger devient de plus en plus imminent. S’il ne s’agissait pas de cas tout
à fait exceptionnel, je concevrais que la chambre craignît de poser des
antécédents dangereux, mais il s’agit dans cette circonstance de dégâts
constatés depuis longtemps ; il s’agit de faits absolument exceptionnels qui ne
se présentent dans aucune autre localité.
Dès lors je crois que la chambre ne doit avoir aucune
crainte pour l’avenir. Dans tous les cas, chaque fois que la navigation d’un
fleuve ou d’une rivière sera interrompue ou compromise, et que le gouvernement
viendra dire qu’il y a urgence de mettre la main à l’œuvre pour assurer la
navigation, la chambre ne doit pas hésiter à mettre entre les mains du
gouvernement les moyens d’exécuter les travaux qu’il déclare indispensables.
Au reste, les sommes demandées ne sont pas de
nature à effrayer l’économie des honorables membres. Je demande pour les
réparations au bras de l’Ourthe une somme de 80 mille fr., sauf recours contre
qui de droit, car le gouvernement ne renonce pas à recourir contre ceux à qui
il appartiendra.
Pour le Limbourg, je demande 50 mille francs avec la même
réserve. Véritablement, c’est le minimum que le gouvernement réclame, car s’il
avait demandé la somme absolument nécessaire, ce ne serait pas 50, mais 100
mille francs qu’il demanderait. Pour cette campagne, il a restreint la somme à
50 mille fr., mais peut-être l’année prochaine les 50 autres mille francs
seront-ils nécessaires. Je compte encore assez sur le concours de la chambre
pour espérer qu’elle ne refusera pas cette somme, si on vient, comme cette
année, lui déclarer qu’elle est indispensable.
M. Pirson. - J’avais demandé la parole
parce qu’avant les observations présentées par M. de Theux, tous les orateurs
avaient raisonné comme si la concession des péages sur
Mais cette mesure a été prise non seulement pour toutes
les provinces que traverse
Maintenant, il est reconnu que cette concession de péage
par le gouvernement s’étend aux provinces de Liége et de Namur. M. Pollénus est
tombé dans une grave erreur, quand il vous a dit qu’aussitôt que le gouvernement
eut concédé ces péages, il en retira une partie, parce qu’il mit en location
les passages d’eau. Je ferai observer à l’honorable membre que dans la
concession il ne s’agit pas de passages mais de navigation ; les passages se
font au moyen de petites barquettes qui traversent la rivière.
Le gouvernement n’avait jamais fait la concession de ces
passages. Ainsi il ne les a pas plus retirés à la province du Limbourg qu’à la
province de Namur qui voit faire tous les trois ans l’adjudication de ces
passages d’eau.
Mais j’avoue que je ne sais pas pourquoi le gouvernement
a suspendu les péages dans le Limbourg, lorsqu’on continue à les percevoir dans
la province de Liége et la province de Namur. C’est donc une faute que le
gouvernement a commise en cela.
Cependant il a dû avoir
quelque raison pour cela. C’est, je suppose, parce que la navigation depuis
Liége à
Mon opinion n’est pas la même à l’égard de la demande
faite pour le bras de l’Ourthe. Quand nous en serons-là, j’exposerai mes
motifs.
Je voterai donc pour les 50 mille fr. demandés pour la
province de Limbourg.
M. Gendebien. - Je pense que nous nous
occupons beaucoup trop de la question de droit, alors que nous n’avons aucune
qualité pour nous prononcer sur une question de droit quelconque. Je concevrais
que cette question fût soulevée si le gouvernement demandait une allocation au
budget de l’Etat, pour réparations soit aux digues de
Mais ici, c’est une avance qu’on vous demande, sans rien
décider quant au droit et le gouvernement reconnaît qu’aux tribunaux seuls
appartient de prononcer. Dès lors, tout ce qu’on pu dire et tout ce qu’on se
proposerait de dire serait absolument peine perdue et temps perdu.
Il me semble que dans cette affaire, il n’y a qu’une
question à examiner c’est celle de savoir s’il y a nécessite, s’il y a urgence.
D’un autre côté, comme le gouvernement annonce
qu’on pourra recouvrer cette somme, qui ne sera accordée qu’à titre de prêt, il
convient de savoir à qui on l’accorde, qui la demande. Je désirerais que le
ministère ou les auteurs des propositions voulussent bien dire par qui les
demandes d’avances ont été faites, si ce sont les particuliers riverains, des
villes, une ou deux provinces. Puisqu’on nous dit que nous devons recouvrer les
fonds que nous avançons, il faut qu’on nous dise à la demande de qui nous
ferons les avances ; sans cela, plus tard, quand nous en demanderions le
remboursement, on pourrait nous répondre qu’on ne nous à rien demandé et qu’on
n’a chargé personne d’emprunter.
Je demande donc qu’on veuille bien s’appliquer sur cette
première question. L’intérêt général se trouve-t-il compromis ? Y a-t-il
urgence ? Et ensuite sur cette autre question : qui fait la demande de fonds ?
à la charge de qui devons-nous faire des avances ? Il est essentiel que nous
ayons des données positives à cet égard, sans cela nous jetterons notre argent
aux vents, sans savoir qui nous le rendra.
(Moniteur belge n°174,
du 23 juin 1834) M. d’Huart. - Messieurs, ce n’est pas le gouvernement qui a
fait la proposition qui nous occupe, ce sont des membres de la chambre. Mais
des membres de la chambre n’ont pas mission pour faire une demande de cette
nature. Si le gouvernement avait fait son devoir, nous aurions pu accorder sans
objections les sommes nécessaires, mais il ne l’a pas fait.
L’année dernière il y avait réellement urgence ; le
gouvernement pas eu le temps de prendre les renseignements nécessaires, mais
depuis lors il a eu le temps de se procurer ces renseignements. Eh bien, il
résulte du rapport de la section centrale et des explications que vient de
donner le ministre, que le gouvernement n’a fait aucune démarche, aucune
enquête pour s’assurer à qui incombaient ces travaux de réparations, afin d’en
faire supporter les frais à qui il appartient. Il est indispensable, pour que
la réserve insérée dans la loi signifie quelque chose, qu’on sache à qui on
avance la somme, afin de pouvoir exercer son recours.
Je ne pense pas, comme M. Gendebien, qu’on ne doit pas
aborder la question de droit ; car si la chambre ne s’en occupait pas, le
gouvernement resterait tranquille, certain qu’il serait, en venant à la
dernière extrémité s’adresser à la chambre, d’obtenir, au moyen de l’urgence,
les sommes dont il aurait besoin.
Il n’aurait qu’à les employer et se dispenserait de faire
les réparations administratives nécessaires pour les faire rentrer dans les
caisses de l’Etat.
Les auteurs de la proposition disent aux députés d’Anvers
: Vous ne pouvez pas vous opposer à notre demande, car on a fait la même chose
pour vous.
Je ferai observer qu’il n’y a pas de parité entre les
deux cas.
Les dommages que l’on a cités étaient le résultat
des événements politiques. Mais ici le cas n’est pas identique. Ici les
débordements de la Meuse sont naturels. Les dégâts existaient déjà avant 1830.
Car on vous l’a dit (et ce renseignement est échappé à un honorable député du
Limbourg). les dégâts existaient depuis 30 à 40 ans ; et cependant, dans
l’espace qui s’est écoulé de 1819 à 1830, la province du Limbourg a perçu les
revenus du fleuve sans opérer les réparations dont la perception des revenus
lui imposait l’obligation. Il y a dans le projet une obscurité complète. Il
faut, avant de voter les sommes que l’on nous demande, que nous sachions ce
qu’elles deviendront.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - L’honorable préopinant qui, d’abord, avait
commencé par être de l’avis de M. Gendebien, a fini par ne plus partager son
opinion.
M. d’Huart. - Sur un point.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - L’honorable M. Gendebien a fait observer qu’il
ne faut pas traiter la question de droit. Je m’étais surtout attaché à faire
sentir la nécessité de commencer les travaux, à démontrer que le gouvernement
était en fait obligé d’assurer aux fleuve leur navigabilité.
M. Gendebien a demandé s’il y avait nécessité de
commencer les travaux. Je croyais avoir suffisamment répondu sur ce point. Il a
demandé quelles étaient les personnes qui réclamaient 1’exécution de ces
travaux. Je ne sais trop quelle conséquence il veut tirer de ces
renseignements. Beaucoup de personnes pourraient attirer l’attention du
gouvernement sur des réparations urgentes, sans pour cela être tenues de payer
les frais occasionnées par ces réparations. Plusieurs honorables membres de
cette assemblée ont pris l’initiative sur cet objet. S’ensuit-il qu’il faille
que les dépenses soient à leur charge ? Si tel est le but de la demande de M.
Gendebien, je ne la comprends pas. Si M. Gendebien est curieux de connaître les
autorités qui ont réclamé vivement la mesure que nous proposons, je lui citerai
la commune de Maeseyk, celle de Liége aussi, qui,
dans un mémoire officiel présenté à S. M., accusa le gouvernement d’incurie à
regard des rives de l’Ourthe. On dit que le gouvernement n’a pas fait toutes
les démarches qu’il aurait dû faire pour savoir à qui devaient incomber les
réparations des rives de
La chambre verra dans cette conduite du ministère la
preuve qu’il ne procède qu’avec beaucoup de circonspection dans ces sortes de
dépenses, qu’il ne s’est pas empressé de venir mettre à la charge du trésor des
dépenses qu’il put considérer comme devant être faites par les particuliers, la
commune ou la province. La chambre y verra la preuve que le gouvernement ne
s’est déterminé à s’adresser à elle que pressé par l’urgence des travaux.
Sa lenteur dans cette circonstance lui donne la
garantie qu’il ne renouvellera la même demande que dans des cas semblables. On
nous a reproché, en outre, d’employer tous les moyens pour obtenir l’allocation
en discussion. Il sera toujours permis, ce me semble, à un ministre d’employer
tous les moyens loyaux pour obtenir une dépense qu’il croit utile et d’intérêt
général. Si ce luxe de moyens consiste à avoir rappelé que dans d’autres
circonstances on a eu égard à la position des propriétaires riverains, que l’on
avait exigé d’eux l’exécution rigoureuse de la loi, je demande s’il y a lieu
d’en faire un reproche au gouvernement. J’aurais pu ne pas rappeler cette
circonstance, et je ne sais si, prévoyant la susceptibilité de certains
membres, je n’aurais pas mieux fait de ne pas m’y arrêter.
M. Ernst. - Je demande la parole sur la
motion d’ordre.
M. le président. - Je regarde la motion
d’ordre comme vidée.
M. Ernst. -
Si l’assemblée voulait me le permettre, je désirerais dire quelques mots sur la
motion d’ordre. Je suis surpris que M. le ministre de l’intérieur n’ait pas
répondu à l’honorable M. Gendebien par l’argument suivant : c’est à la
disposition du gouvernement que nous mettons l’argent qu’il nous demande, sauf
pour lui à exercer son recours envers qui de droit. Le gouvernement demande
qu’une telle somme lui soit accordée. C’est sous sa direction, c’est sous sa
responsabilité que les travaux seront exécutés. Il aura à justifier de l’emploi
de la somme et du refus que les parties obligées de prendre part à la dépense
pourront faire. Cela est d’autant plus vrai que le projet de loi est présenté
au nom du gouvernement.
M. Gendebien. - Je désirerais expliquer
ma motion d’ordre. Je croyais avoir présenté mes vues avec assez de clarté pour
qu’on les comprît. L’honorable M. Ernst n’en a pas bien saisi le sens. Je sais
très bien que c’est au gouvernement que nous avons à remettre les fonds. Tout
le monde est d’accord sur ce point. Nous savons très bien que l’on ne prendra
pas l’argent dans les poches des auteurs de la proposition. Ce que je demande,
c’est que l’on me dise qui a réclamé les fonds pour couvrir la dépense ?
Sont-ce les particuliers ? Sont-ce les communes ? Est-ce la province ? Qui a eu
un mot dit qu’il fallait une somme de, etc. ?
M. Ernst. - J’expliquerai ma pensée à
l’honorable M. Gendebien. Il y a deux questions. Qui fera la dépense ? Le
gouvernement ; c’est-à-dire que c’est lui, et non pas telle commune telle
province, que nous autorisons à faire la dépense. Y a-t-il eu des réclamations
? Oui ; car les habitants des communes situées entre le Forchu-Fossé
et
M. Dumont. - Je pense que l’honorable
M. Gendebien a demandé, avec beaucoup de raison, qu’on lui désignât au nom de
qui le trésor de l’Etat ferait les avances. On ne nous a donné aucune garantie
que ces avances nous soient un jour payées. Ce n’est qu’en vertu de règlements
d’administration que ce paiement pourrait avoir lieu, parce que la loi de 1807
s’en réfère aux règlements particuliers sur la matière pour la fixation de la
quote-part que les riverains ont à payer dans les dépenses relatives aux
réparations des rives fluviales. Je doute que le gouvernement puisse récupérer
aucune partie de la somme qu’il nous demande, parce que, s’il fait des
règlements d’administration, on lui dira qu’ils ne peuvent pas avoir un effet
rétroactif. C’est donc avec beaucoup de raison que l’on demande à connaître
quelles sont les personnes dont on récupérera les avances faites par le trésor
public, à qui on s’adressera devant les tribunaux en cas de refus. Si les
explications que l’on demande ne nous sont pas données, nous devons regarder
ces sommes comme devant rester à charge du trésor public.
Il est à
remarquer que, depuis quatre ans que le droit de navigation de la Meuse est
revenu au gouvernement, l’on n’a rien fait pour provoquer la création des
règlements qu’exige la loi de 1807. Puisque le règlement antérieur abandonnait
les revenus du fleuve à la province du Limbourg, il consacrait en même temps sa
part dans les dépenses de réparations. Pouvons-nous considérer cette
législation comme existante encore, puisqu’il ne perçoit plus les revenus de
M. d’Hoffschmidt. - Il est important que nous sachions à qui nous
avançons des fonds, puisqu’il s’agit d’une demande d’avance de fonds. La motion
d’ordre me paraît importante, et j’insiste d’autant plus sur le but de la
motion que je ne crois pas à l’urgence des travaux : si d’un côté nous avons
les rapports des ingénieurs, qui nous assurent que les travaux sont urgents, d’un
autre côté nous avons les déclarations de nos collègues : ils viennent de vous
dire que les propriétaires sont indifférents ; que les riverains ne veulent pas
se cotiser pour faire des réparations.
Comment ! les riverains ne
veulent pas faire de réparations ? Cependant il est tout naturel que celui qui
a une propriété, et une propriété menacée, se réunisse à ses voisins pour
aviser aux moyens d’empêcher sa ruine. Les dangers ne sont donc pas tels qu’on
veut nous le faire entendre puisque les propriétaires sont indifférents ; s’il
y avait urgence, ils ne seraient pas si apathiques.
M. le ministre de l’intérieur nous dit que les sommes
demandées ne sont pas de nature à effrayer l’assemblée ; mais la somme demandée
s’élève à 130 mille francs, et l’on nous a annoncé que ce n’était qu’un
commencement de dépense, et que l’année prochaine on fera une nouvelle demande
de fonds.
Ajoutez à
cela que l’année dernière nous avons déjà donné 73 mille francs ; réunissez
toutes ces sommes et vous en aurez une de 300 ou 400 mille francs : cette
dernière somme est suffisante, je crois, pour nous effrayer ; quant à moi, elle
me paraît assez forte pour ne pas l’imposer à l’Etat avant qu’il me soit
démontré qu’elle est à sa charge. Considérant que les travaux ne sont pas
urgents puisque les parties intéressées ne veulent pas concourir à la dépense ;
considérant de plus qu’on ne voit pas comment le trésor pourrait se faire
rembourser, je ne vois ni utilité, ni prudence à faire des avances.
M. de Muelenaere. - Je pense que c’est
à tort que l’honorable M. Gendebien a voulu éliminer la question de droit ; je
conçois l’importance de la question d’urgence et de la question d’utilité,
cependant la question de droit n’est pas moins importante.
Le projet de loi n’est pas présenté par le gouvernement ;
le ministre de l’intérieur l’a déposé sur le bureau, et il a déclaré que
c’était comme député et en son nom qu’il faisait la proposition. D’après l’art.
3 de cette proposition les sommes seront avancées par le gouvernement, ainsi le
gouvernement est lui-même de l’avis qu’il n’est pas obligé à faire la dépense.
Quand on fait une avance, c’est qu’on pense n’être pas obligé de la supporter.
Pour savoir à qui on fait l’avance, il faut savoir sur
qui tombe l’obligation de faire la dépense ; et c’était pour arriver à ce
résultat que l’honorable député de Mons faisait son interpellation.
On a dit que c’était un devoir pour le gouvernement
d’entretenir la navigabilité des fleuves et rivières ; soit, mais ce n’est pas
toujours le devoir du gouvernement de faire les frais pour que les fleuves et
les rivières soient navigables.
Il doit exister des règlements anciens sur cet objet.
Dans notre pays nous avons ou des règlements nouveaux ou des règlements anciens
concernant la matière, et c’est à l’administration à veiller à ce qu’ils soient
mis à exécution.
Lorsque les communes négligent les travaux qui sont à
leur charge, l’administration les fait exécuter d’office à charge de ceux qui
devaient les faire : voilà ce que le gouvernement doit faire. Il doit
rechercher qui doit faire les travaux ; puis il les fait exécuter si les
communes ou les provinces qui devraient les faire négligent de les
entreprendre.
Pour les wateringues il s’élève à chaque instant des
contestations ; cependant les travaux s’exécutent d’office, sauf recours.
Mais dans la question qui nous occupe il y a un grave
inconvénient, et il serait dangereux d’accorder légèrement la somme demandée.
Si les communes et les provinces voient le gouvernement
disposé à faire les frais de certains travaux, elles les négligeront ; et quand
les dégradations seront au-dessus de leurs forces, les provinces et les
communes réclameront un subside, et on sera en quelque sorte forcé de le leur
accorder.
Il faut procéder ici avec sagesse, avec circonspection.
Si les rives de
Mais il faut savoir à qui on fait les avances,, ou à qui tombe la charge de ces travaux.
M. Gendebien. - Nous ne déciderons pas
cela.
M. de Muelenaere. - Nous ne déciderons
pas cela ; nous ne pouvons décider les questions qui sont dans les attributions
des tribunaux ; mais il faut cependant examiner cette question pour éclairer la
chambre et pour que le gouvernement sache contre qui il aura recours.
M. Raikem. - La motion d’ordre me
semble rentrer dans la question du fond. Je n’examinerai pas en ce moment s’il
s’agit de discuter la question de droit ; je me bornerai à quelques
observations sur la motion d’ordre.
L’honorable M d’Hoffschmidt ne croit en aucune manière à
l’urgence...
M. d’Hoffschmidt. - Je doute !
M. Raikem. - Je conçois que cet
honorable membre, ne connaissant pas les lieux, puisse douter de l’urgence des
travaux ; cependant vous avez le rapport de la section centrale, chargée de
l’examen du budget de l’intérieur ; vous avez en outre la pièce du ministre qui
y est jointe, et ces documents prouvent suffisamment l’urgence des réparations.
Remarquez dans quelle situation particulière se trouve la
partie de la ville de Liége qui est placée entre les branches de l’Ourthe : le
point appelé Froidmont est menacé d’être renversé par
ces deux branches.
Les envahissements de l’Ourthe procèdent-ils du fait des
habitants de Froidmont, ou proviennent-ils d’autre
cause ? Mais les habitants de Froidmont ne sont pas
sur les bords, ne sont pas riverains ; les envahissements ne sont pas venus
instantanément, ils sont venus en quelque sorte insensiblement. La branche de
la rivière a toujours gagné du côté droit, et est sur le point d’envahir le
village.
Plus on apportera de retards pour faire les réparations,
et plus les dépenses augmenteront : on sent très bien que si les travaux ne
sont pas exécutés cette année, il faudra plus de 80 mille francs pour les
années suivantes, indépendamment des malheurs qui surviendraient.
Quelques honorables membres demandent que le gouvernement
fasse un règlement relativement à ces dépenses, et qu’il examine à la charge de
qui elles doivent tomber : mais si cette charge ne doit pas peser sur les
habitants de Froidmont, il en résultera que les
victimes des envahissements des eaux ne devaient pas en effet se hâter de faire
des dépenses auxquelles ils ne sont pas astreints ; aussi leur inertie ne
prouve rien contre l’imminence du danger.
Indiquez-nous contre qui le gouvernement aura son
recours, nous disent plusieurs orateurs. Mais indiquer, cela serait trancher
d’un mot la question qui s’est élevée entre la province, le gouvernement et la
commune.
A cet égard la question est difficile ; on ne voit pas
bien clairement qui doit supporter la charge, de la province, des communes, du
gouvernement, des riverains ou des propriétaires des usines. Mais en attendant
que la question de droit soit résolue, sauvez des communes entières d’une ruine
totale.
Je ne crois pas qu’il y a lieu à adopter la motion
d’ordre.
M. de Theux.
- Je ne pense pas que la motion d’ordre faite par l’honorable M. Gendebien
puisse arrêter la chambre. Les réparations sont à la charge des riverains ou de
la province, sauf en ce qui concerne le Limbourg à cause des événements de
1830, et sauf ce qui peut concerner les propriétaires des usines pour le Forchu-Fossé ; cela est incontestable : ainsi le
gouvernement ne sera pas embarrassé pour entrer dans ses avances ; il saura
bientôt à qui s’adresser. Nous pouvons puiser, à cet égard, des règles dans la
loi de septembre 1807 : lorsque les travaux nécessaires à la conservation des
rives sont faits, elle dit qui doit les payer définitivement. Il ne s’agit que
d’une seule chose quand ils concernent les riverains, c’est de constater
l’intérêt que le propriétaire avait à ce que les travaux fussent exécutés, pour
que le gouvernement puisse récupérer ses avances, à moins qu’il n’aime mieux
abandonner sa propriété.
Si on s’en référait à la motion d’ordre, il en résulterait
que le gouvernement ne pourrait faire lui-même d’office les travaux dont la
nécessité est constatée.
Les travaux à faire sont indispensables, soit dans
l’intérêt de la navigation, soit dans l’intérêt de la conservation des
propriétés riveraines : si les propriétaires riverains, si les communes ne font
pas ces travaux, le gouvernement doit pouvoir ordonner d’office leur exécution,
sauf à récupérer ensuite, contre qui de droit, l’avance qui aurait été faite.
On dit : Le règlement prévu par la loi de 1807 n’est
pas encore fait, et on pourrait opposer une fin de non-recevoir, lorsqu’en
vertu d’un règlement postérieur à la dépense, le gouvernement viendra réclamer
le remboursement de cette dépense.
Messieurs, on ne peut laisser dégrader les rives de la
Meuse et de l’Ourthe de plus en plus ; on ne saurait prétendre qu’un règlement
postérieur aux réparations urgentes dont il s’agit, ne pourrait être applique
pour récupérer les avances du gouvernement, alors surtout que la loi
contiendrait une disposition formelle à cet égard.
M. Desmet. - Je viens aussi appuyer la
motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien en ce sens que je désire également
avoir des renseignements de M. le ministre de l’intérieur avant de voter les
sommes demandées.
Je lui demande qu’il veuille déclarer à la chambre que
les travaux sont urgents, à tel point que si on ne les exécutait pas d’abord,
il pourrait en arriver des désastres ; et qu’ensuite il veuille aussi déclarer
à la chambre que les fonds demandés seront uniquement mis à la disposition du
gouvernement pour exécuter d’office lesdits travaux, et par conséquent
seulement à titre d’avance, sauf de prendre son recours contre qui il
appartient de droit.
Car, messieurs, c’est ainsi que je comprends pouvoir
avancer au gouvernement, dans le cas présent, les fonds qu’il demande ; c’est
parce que ces travaux sont urgents que personne ne les exécute, et qu’il se
trouve obligé de les faire exécuter d’office. C’est de la sorte que les travaux
d’entretien aux rives et bords des rivières dans la province de Flandre
s’exécutent. D’après les règlements existants ces travaux sont à charge des
propriétaires riverains ; mais si les propriétaires ne les exécutent pas en
temps, les agents des ponts et chaussées viennent les exécuter d’office au nom
du gouvernement.
Permettez-moi, messieurs, que je vous donne lecture du
décret sur lequel sont basés les règlements et arrêtés qui existent dans nos
provinces sur l’entretien et la police des bords des rivières et chemins de
halage.
Décret du 9 novembre 1778 :
« L’impératrice douairière, reine, etc.
« Etant informée que la rive gauche du Haut-Escaut se
trouve fort dégradée en plusieurs places, depuis les environs du jardin du
château de Swynaerde jusqu’auprès de la maison dite
den Admirael, et qu’il s’y est fait plusieurs
écoulements et cavités qui donnent lieu de craindre que pendant cet hiver,
lorsque les eaux seront abondantes, toute cette partie de la rive ne soit
emportée et percée, par où les paroisses de Swynaerde
et de Suverghem seront exposées à des inondations
ruineuses et autres calamités, à quoi il convient de pourvoir le plus
promptement qu’il sera possible ; nous faisons la présente, à la délibération
du sérénissime duc Charles Alexandre de Lorraine, etc., notre gouverneur et capitaine-général
des Pays-Bas, pour vous dire que c’est notre intention que sans perte de temps
vous fassiez assurer et mettre en bon état la susdite rive gauche de l’Escaut
près de Swynaerde, afin que lesdites paroisses de Swynaerde et Suverghem ne soient
point exposées à être submergées pendant cet hiver.
« Nous déclarons que les frais de cette réparation
devront être supportés par la généralité des propriétaires des terres qui
seraient sujettes à inondation, si la rive dont il s’agit venait à être
emportée par les eaux de la rivière, et qu’en tous cas semblables on devra
suivre la même règle.
« Au surplus, nous vous autorisons et chargeons de faire
faire chaque année dans la saison la plus propre, par deux commissaires de
votre corps, la visite des rives et bords des rivières qui se trouvent dans
votre ressort, en chargeant ces commissaires de vous faire, immédiatement après
cette visite, un rapport par écrit, exact et pertinent, de l’état où ils auront
trouvé les choses ; après quoi vous ferez promptement pourvoir à l’entretien et
réparations nécessaires, etc. »
Messieurs, je vous ai cité ce décret non seulement
parce que comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, il sert de base à nos
règlements sur la matière, mais encore parce qu’il contient un cas très analogue
à celui qui fait l’objet de notre discussion ; et vous avez vu que les travaux
dont il y est fait mention ont été exécutés d’office au nom du gouvernement. Je
me résume et demande à M. le ministre de l’intérieur qu’il déclare positivement
à la chambre que les travaux sont urgents, et que les fonds que nous allons
voter sont seulement accordés pour les faire exécuter d’office et jamais à
charge du gouvernement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) -
Véritablement, je ne comprends pas bien la motion d’ordre qui vous est faite.
Je suppose que l’on veut que je déclare à la charge de
qui la dépense doit tomber, et qu’ensuite je fasse en sorte de faire payer
cette dépense ; je répondrai que si je pouvais désigner les personnes à qui
doivent incomber les réparations je forcerais ces personnes à faire la dépense
; mais c’est justement parce que l’on ne sait pas maintenant à qui doit
incomber la dépense, que le gouvernement vient vous demander de faire faire les
réparations dans un intérêt général et d’ordre public.
Le gouvernement ne peut s’autoriser des décrets de Marie
Thérèse qui n’ont pas conservé une grande force, surtout dans la province de
Liége ; il a dû suivre la législation de 1807 et de 1819.
En vertu de cette législation, le gouvernement avance la
dépense à titre de subside. Avant de secourir les gens, il faut leur prêter.
Je suppose que nous ne puissions récupérer la dépense que
l’on aura faite à titre de subsides d’après les dispositions de la loi de 1807
et de l’arrêté de 1819. Eh bien, le gouvernement ne sera pas ruiné pour avoir
fait une avance dont le but est de conserver la navigabilité de deux fleuves.
La dépense n’est pas, ainsi qu’on l’a dit, de plus de 400,000 fr. ; elle est de
200,000 à 300,000 fr.
Il faut remarquer qu’il s’agit de deux cas exceptionnels
; on a dit que les dévastations de
Quant au Forchu-Fossé, le
gouvernement a frappé à toutes les portes pour obtenir l’argent nécessaire pour
la dépense ; il s’est adressé à la province, à la commune, aux propriétaires
riverains, aux usiniers, et même à la société du Luxembourg, qui était engagée
dans l’affaire ; chacune de ces parties intéressées se renvoyait l’obligation
de l’une à l’autre, et les travaux devenaient de plus en plus urgents.
Je fais, messieurs, cette dernière observation, afin que
la chambre puisse bien connaître que le gouvernement ne s’est décidé qu’à la
dernière extrémité à venir appuyer les réclamations qui ont été faites par les
honorables représentants du Limbourg et de la province de Liége.
Quant à la question
d’urgence, il a été déjà répondu à cette question trois ou quatre fois. Dans le
premier discours que j’ai prononcé, j’ai traité cette question d’urgence ;
j’ajouterai que l’on peut voir dans les rapports joints à celui de la section
centrale qu’il y avait urgence dans l’opinion des ingénieurs des ponts et chaussées,
et tellement urgence, que le gouvernement était accusé d’une coupable
indifférence, parce qu’il ne se pressait pas de mettre fin aux dégâts qui
existaient.
Voilà, je crois, des faits qui constatent l’urgence pour
tous ceux qui veulent comprendre.
M. Gendebien. - Je n’insiste pas sur ma
motion d’ordre parce que je vois que, loin d’abréger la discussion, elle la
prolonge sans fruits. Je ne ferai qu’une seule observation pour prouver combien
cette discussion est déplacée ; je porte à tous ceux qui ont traité la question
de droit et qui se proposent de la traiter encore, je leur porte le défi
d’arriver à une proposition formelle que la chambre puisse admettre ou
résoudre.
Le premier but de ma proposition est d’empêcher qu’on
perde du temps ; le second motif qui m’a déterminé, c’est que nous ne pouvons
nous occuper d’une question qui appartient aux tribunaux.
On parle d’urgence, de nécessité absolue ; mais s’il y a
crainte de danger, il y a toujours quelques intérêts particuliers froissés.
A-t-on entendu des réclamations à cet égard ? Non, et si personne n’a réclamé,
il n’y a pas cette urgence dont on a parlé.
La dépense que je considère comme urgente, c’est celle
relative aux inondés des polders, dont les habitations sont encore sous l’eau.
L’inondation des polders n’est pas le résultat de la
négligence des réclamants, c’est le résultat d’une guerre qui est la
conséquence de la révolution qui a donné la liberté à toute
Je n’ai donc pas demandé au ministre ni à personne de
nous indiquer les personnes auxquelles nous aurions recours. Je n’ai pas fait
cette question, et j’eusse été en contradiction avec moi-même si je l’eusse
faite ; car j’ai soutenu que la question était oiseuse, que quand vous
décideriez que la province, les communes ou les particuliers qui doivent payer,
vous n’auriez rien fait : mais j’ai demandé, et je répète ma question, qui
demande les fonds ?
Le ministre répond à la première question que j’ai posée
: Il y a nécessité, parce que c’est un devoir pour le gouvernement de maintenir
la navigation de tous les fleuves et rivières. Je le prie de me dire si dans le
cas où les digues de
Mais les eaux de
Je défie, après avoir discuté la question de droit,
d’arriver à une solution. Soumettez cette question à cinq jurisconsultes
réunis, ils auront de la peine à la résoudre. Que sera-ce si vous la jetez au
milieu d’une assemblée de 60 membres ? Et, en supposant que vous donniez une
solution, qu’en résultera-t-il ? qu’on se moquera de votre décision, car vous
aurez empiété sur le pouvoir judiciaire.
J’en reviens à la seconde partie, et je dis que nous ne
pouvons accorder des secours que pour autant qu’il y ait nécessité, urgence et
intérêt général compromis dans la navigation de
On en a bien élevé une à Anvers coutre le jeu de la
marée. Il serait facile de faire une digue de sept à huit mètres contre les
eaux supérieures, pour empêcher les eaux de la branche navigable de se déverser
dans la branche latérale. De cette manière, la navigation sera assurée. Si on
veut faire chose utile ou agréable aux particuliers dont les propriétés sont
menacées, je le conçois. Mais si les particuliers ne veulent pas se charger des
dépenses, je tire deux conséquences de cette disposition. Ou l’utilité réelle
n’est pas démontrée, ou les propriétés menacées ne valent pas les dépenses qui
faut faire. Car, depuis quand l’intérêt privé serait-il moins actif, moins
prévoyant que le gouvernement ?
Je ne vois donc pas de motif d’intérêt général pour accorder
la somme demandée.
Je conçois qu’il peut être très utile à un député,
quand il retourne dans sa province, de pouvoir dire qu’il a obtenu des sommes
considérables pour faire ce que des particuliers n’avaient pas le moyen de
faire. Peut-être que si j’appartenais à la ville de Liége, je pourrais me
laisser aller à de pareils sentiments. Mais je suis député de la nation, et
aussi longtemps que l’intérêt général ne sera pas bien constaté, je dirai que
les propriétaires des rives de
Je serai plus facile à amener à voter les fonds que je ne
l’ai été à les refuser ; car je suis toujours disposé accorder des allocations
demandées pour des travaux d’utilité publique.
M. Desmet. - Que le ministre déclare
qu’il y a urgence, et que c’est à titre d’avance qu’il demande les fonds pour
les employer sous sa responsabilité, et cela me suffit pour les accorder.
Le décret de Marie-Thérèse, dont j’ai parlé, est la loi
de ma province. D’après ce décret, tout ce qui se fait sur les rives et les
chemins de halage est au compte des particuliers. Le gouvernement exécute, et
les agents tombent sur les propriétaires riverains et se font rembourser.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - On me porte deux défis, je crois ; mais l’un m’a
échappé. On me défie de prouver qu’il y a urgence et intérêt général à faire
les réparations aux digues de
J’ai eu l’occasion de passer à Maeseyk
en 1833, l’état des rives était déplorable ; il y avait à croire que la ville
allait être envahie par les eaux. L’honorable représentant de Maeseyk pourrait affirmer ce que j’avance.
J’en appellerai à une autorité dont l’expérience doit
inspirer de la confiance à l’honorable M. Gendebien.
Le rapporteur s’est exprimé de la manière suivante
:
« En ce qui concerne l’amendement de M. Olislagers, la
section centrale a reconnu, par les rapports de l’administration des ponts et
chaussées, que les travaux, dont cet honorable membre réclame l’exécution, sont
également urgents, et que la somme de 73,000 fr., allouée au budget de 1833
pour des ouvrages analogues, ne fait pas double emploi avec celle de 50,000 fr.
demandée par l’amendement ; en effet, les débordements de
Je me réfère aux rapports de la section centrale ; je ne
pense pas que la chambre exige une autre démonstration.
M. Ernst. - Je parlerai de réparations
au bras de l’Ourthe, chose dont je suis sûr ; je ne connais pas les lieux,
c’est pour ce seul motif que je revendique la qualité de député de Liège.
J’espère que l’honorable préopinant me rendra la justice de croire que je suis
désintéressé dans cette question.
Est-il utile, est-il juste de faire au gouvernement
l’avance de 80 mille francs pour réparer les digues de l’Ourthe ?
Je crois que si tous les membres de la chambre avaient
été dans le cas de voir les lieux, on n’aurait pas discuté un instant sur la
question de justice, d’intérêt général. L’urgence est claire comme le jour. Ce Forchu-Fossé a déjà fait des ravages immenses ; un village
superbe, le presbytère et toutes les maisons ont été détruits. Il n’en reste
que l’église et une maison. Encore les fondements de l’église ont-ils été
endommagés et le chœur renversé.
C’est par les soins du curé que des travaux ont été
faits. Tous les jours la rivière fait des progrès de ce côté. Je pose en fait
que s’il arrivait une crue d’eau extraordinaire, l’église elle-même serait
renversée, et il ne resterait plus rien de ce hameau.
Rapportez-vous-en aux hommes de l’art que la section
centrale a envoyés sur les lieux.
On vous répète toujours de montrer l’urgence. Nous citons
beaucoup de raisons qui l’établissent, nous invoquons les rapports d’hommes
expérimentés qui se sont rendus sur les lieux. Je demande ce qu’on peut exiger
de plus.
Qui réclame, dit M. Gendebien ?
Ce sont de petits propriétaires de terres qui ont peu de
valeur. D’un côté ils trouvent de l’intérêt dans les envahissements de la
rivière et ne sont pas tentés de se mettre en avant pour coopérer à une dépense
énorme. Car, remarquez-le bien, il ne s’agit pas ici de ces dépenses ordinaires
que nécessitent les dégradations des rives fluviales ; il est question de
construire un canal nouveau. Ici l’on ne peut pas dire comme pour les dépenses
ordinaires : Vous profilez des avantages, donc vous devez participer aux
charges. Ce ne sont pas ceux qui avoisinent la rivière qui ont intérêt à
prévenir ses envahissements ; mais ce sont les habitants des hameaux plus
éloignés de Vennes, de
Ceci peut être une question. Mais si ce fait est vrai, ce
seraient les usiniers qui indirectement apporteraient un préjudice notable aux
intérêts des riverains. Les usiniers prétendent le fait faux. Les riverains
refusent de payer. Tous se renvoient la balle, pour me servir d’une expression
vulgaire. Je le demande, le gouvernement, en attendant que la contestation soit
résolue, doit-il laisser empirer le mal ?
On craint qu’en faisant, d’une dépense que l’on regarde
comme provinciale, une charge de l’Etat, les autres provinces ne réclament, à
l’exempte de la province de Liége, l’exécution de travaux urgents dans des cas
analogues. Mais le vote de la chambre ne préjuge rien. Faites d’abord la
dépense extraordinaire. Quand la question financière sera décidée, vous agirez
contre qui il appartiendra. Faudra-t-il auparavant attendre l’issue d’un procès
qui peut durer des années ? En attendant, la branche du Forchu-Fossé
continuera ses envahissements, et quand la contestation sera finie, il sera
peut-être trop tard.
L’honorable M. Gendebien a cité les réclamations des
habitants des polders.
Dans ce cas il s’agit d’une perte une fois faite, dont on
peut ajourner la réparation. Mais ce que nous demandons, nous, c’est d’arrêter
les progrès d’un mal qui peut devenir de jour en jour plus considérable. J’ai
tâché de traiter la question d’humanité générale. Il me semble qu’elle ne peut
plus présenter aucun doute. Les habitants des malheureux hameaux que j’ai cités
ne peuvent être tenus, par leur position, à payer les frais des réparations des
rives de l’Ourthe. C’est à l’Etat qu’appartient de faire cette dépense, à
l’Etat qui doit sa protection aux faibles.
Je passe à la question d’utilité générale. Si le
Fourchu-Fossé parvient à se réunir à la branche principale de l’Ourthe, comme
cette dernière branche est à un niveau plus élevé que le Forchu-Fossé,
il s’ensuivra que les eaux de la rivière se déverseront dans cette branche ;
les usinés privées de l’eau qui en fait mouvoir les machines seront obligées de
chômer. Mais, me dira-t-on, pourquoi les usiniers n’adressent-ils pas des
réclamations au gouvernement ? C’est qu’ils croient que c’est à l’Etat à faire
la dépense. Si le malheur que nous craignons arrivait, il s’ensuivrait que
toutes les usines d’une partie de la ville de Liége, que l’on nomme le quartier
d’Outre-Meuse, seraient tout à coup arrêtées.
Alors on
s’apercevra des torts immenses que la négligence aura causés, et les dépenses
que l’on devra faire dépasseront de beaucoup celles que l’on vous demande
maintenant. Du moment que les terrains meubles compris entre les deux branches
de l’Ourthe auront été enlevés par les eaux, la branche supérieur cessera
d’être navigable. J’en appelle à tous les honorables collègues qui ont été à
même de vérifier le fait. Ils pourront vous en certifier l’exactitude. Le
gouvernement est tenu de veiller à ce que la navigabilité de rivières soit
assurée. Or, la navigabilité de l’Ourthe est compromise. Voilà certainement une
question d’intérêt général. De quelque manière que l’on envisage la nature des
dépenses, il faudra bien que le gouvernement en supporte au moins une partie.
Plus vous retarderez d’adopter la mesure que l’on vous propose, plus vous
augmenterez la dépense, et plus par conséquent vous augmenterez la part du
gouvernement. Ce que nous réclamons donc, c’est ce qu’on appelle une mesure
conservatoire. Que le gouvernement intervienne d’abord, et puis il prendra son
recours.
M. d’Hoffschmidt. - Le tableau que l’honorable député de Liège a fait des
malheurs des riverains du Forchu-Fossé, est
certainement bien fait pour fixer l’attention de la chambre. Je serais le
premier à accorder les fonds que l’on nous demande, si je ne croyais pas que la
dépense dût être faite par la ville de Liége. A propos des réparations à faire
aux digues de
J’ai été frappé des
arguments de quelques préopinants qui ont dit que nous discutions l’urgence
d’une dépense telle que celle pour laquelle on nous demande des fonds, tandis
que la pétition des habitants de Lillo n’a pas encore été soumise à l’examen de
la chambre. Les malheureux inondés nous adressent requêtes sur requêtes. On les
envoie au bureau des renseignements, et on passe à la discussion des
réparations des rives de
M. A. Rodenbach. - J’avais d’abord
l’intention de ne pas prendre part à une discussion sur une question de droit.
Mais comme il arrive quelquefois que des hommes de loi s’occupent de questions
qu’ils ne connaissent pas, je les imiterai, sauf à me tromper comme eux. (On rit.)
Ce qu’a dit l’honorable préopinant relativement aux
polders est exact ; il ne s’agit pas de cent mille francs, il s’agit ici de
millions. On a parlé de Lillo. Je pourrai vous certifier que, depuis le mois
d’octobre, les habitants de ce village sont dans la plus grande misère. Des
personnes autrefois dans l’aisance, dont les propriétés ont été submergées,
vivent aujourd’hui dans de misérables cabanes. 2,300 arpents de terrain sont sous
l’eau. Dix fermes ont été inondées. Les malheureux habitants de Lillo ont faim,
ont grand-faim. Il ne s’agit pas, pour
soulager leur misère, de renvoyer leurs pétitions au bureau des
renseignements ou au ministre de l’intérieur. Ce n’est pas leur accorder des
secours.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Un projet de loi a été présenté.
M. A. Rodenbach.
- Les partisans de la dépense que l’on demande disent que les travaux sont
urgents. Je veux bien le croire. Mais je demanderai s’il n’est pas possible de
prélever la somme nécessaire sur le budget des travaux publics ou d’opérer un
transfert qui pare à la dépense. Puis le gouvernement pourrait vider la
question de droit. Il a à sa disposition des hommes de loi : qu’ils l’éclairent
de leurs lumières. Il saura par qui la dépense doit être supportée. Si les
parties intéressées se refusent à la dépense, que le gouvernement commence les
travaux aujourd’hui et que demain il intente un procès.
M. Dumont. - Il me semble que ce qu’a
dit M. Ernst ne prouve rien moins que ce qu’il a voulu prouver. Si les
ingénieurs préfèrent un nouveau lit aux eaux que de faire des endiguements,
c’est qu’ils croient la dépense inférieure ; mais cela ne prouve pas que ceux
qui devraient payer l’endiguement ne doivent pas payer le nouveau lit.
Quant à l’urgence, d’après ce que j’ai entendu, je n’en
vois que pour l’église et une maison. 80 mille francs ne sont pas nécessaires
pour garantir ces deux bâtiments. Si les propriétaires n’ont pas un intérêt
assez pressant pour faire la dépense, à plus forte raison l’Etat ne doit pas
être plus pressé qu’eux.
Je crois qu’il faut accorder un subside pour conserver
l’église, édifice d’intérêt communal ; mais le reste ne me paraît pas urgent.
M. Raikem. - Il paraît dans ce moment
que toute la question est réduite à une question d’urgence ; on agite aussi la
question d’intérêt général.
Il en est qui prétendent que les travaux sont dans
l’intérêt des habitants de Froidmont plutôt que dans
l’intérêt de la navigabilité de la rivière ; mais, avec la carte topographique
de cette contrée, on reconnaît bien vite que la navigation du fleuve peut être
compromise par suite du progrès désastreux des eaux.
Il n’y a pas seulement urgence pour l’église de Fetinne et pour une maison ; on voit encore, en jetant les
yeux sur la carte, qu’il serait impossible de restreindre les travaux à ce qui
concerne l’église.
Il ne faut pas faire attention seulement au hameau de Fetinne, où il ne reste que l’église et une maison ; il
faut encore faire attention au hameau situé entre Forchu-Fossé
et la branche de l’Ourthe qui est navigable, car les riverains courent là les
plus grands risques.
L’intérêt général est compromis, car il y a danger pour
les usines établies sur la branche principale de l’Ourthe. Les envahissements
se font peu à peu ; ce que par suite des temps qu’on en voit le progrès ; mais
si on n’arrête pas la tendance des eaux, on risque pour la navigabilité de
l’Ourthe.
Anciennement, autant que ma mémoire me le rappelle, on
prenait de grandes précautions pour éviter que la navigation ne fût interrompue
par des eaux trop abondantes dans la branche du Forchu-Fossé.
Sur qui les dépenses des travaux doivent-elles peser ?
C’est le gouvernement qui en faisait autrefois les frais. Les rivières
navigables appartiennent au gouvernement, aux termes des lois qui nous
régissent et c’est par conséquent au gouvernement à prendre tous les moyens
pour conserver la navigation, S’il a négligé de prendre les précautions qu’il
devait prendre, l’objet n’en est pas moins d’un intérêt général, et les
communes ou les particuliers ne doivent pas être obligés de payer pour lui ;
ils doivent encore moins être victimes des événements qui pourraient être la
suite de la négligence que l’on mettrait à faire les réparations nécessaires.
Un honorable préopinant a dit que s’il y avait
urgence, la ville de Liége et ses habitants s’empresseraient de faire les
travaux nécessaires pour les garantir. Mais on ne considère pas assez que c’est
une question mêlée d’intérêt général et d’intérêts privés, et qu’il est
impossible d’exécuter sur l’Ourthe des travaux généraux sans qu’il en résulte
un grand bien pour plusieurs particuliers ; mais c’est au gouvernement à voir
s’il a un recours ouvert contre ces particuliers.
Nous n’avons, me semble-t-il, qu’une question à examiner
en définitive ; c’est celle de savoir s’il y a urgence dans les travaux. Pour
moi, je crois qu’il y a urgence sous deux rapports ; sous le rapport de
l’intérêt particulier, et sous le rapport de l’intérêt général relativement à
la navigabilité de l’Ourthe et aux usines à qui l’Ourthe sert d’aliment.
M. Ernst. - Ce que vient de dire
l’honorable président de cette chambre me dispense de réfuter beaucoup
d’objections auxquelles j’avais d’abord l’intention de répondre.
Je dois répondre cependant un mot à mon honorable ami M.
d’Hoffschmidt. L’honorable membre a dit : Puisque le Forchu-Fossé
appartient à la province de Liége, c’est à cette province à en réparer le
dommage.
Le Forchu-Fossé, messieurs,
n’appartient pas plus à la province de Liége que
M. Doignon. - Lorsque, l’année
dernière, nous avons alloué une somme de 73,000 francs à titre d’avance, pour
répartitions aux rives de
L’année dernière, on a demandé 73,000 francs ;
aujourd’hui on demande 50,000 francs pour
Veuillez réfléchir, messieurs, aux conséquences du
système dans lequel on veut vous faire entrer. Si vous accueillez la
proposition qui vous est soumise, vous verrez la chambre assiégée d’une foule
de demandes de même nature.
Il est à ma connaissance que, dans l’arrondissement de
Tournay, il se présente un cas extrêmement grave ; c’est aussi un village qui
est menacé d’être ruiné totalement chaque année par les débordements de
l’Escaut ; ces eaux arrivent au milieu du village, et entourent l’église et les
maisons qui sont auprès ; chaque année les eaux ravagent les terres, et la
commune éprouve les mêmes dommages que les communes en faveur desquelles on
réclame aujourd’hui. Je demande si cette commune ne serait pas aussi fondée que
les autres à demander une allocation extraordinaire.
Si vous voulez adopter la proposition, une fois que vous
en aurez admis le principe, vous aurez à délibérer sur des dépenses qui
s’élèveront à des centaines de mille francs, à un million peut-être ; chaque
province, chaque commune pourra vous soumettre des réclamations sur des
dépenses de même nature. Je ne pense pas que votre intention, messieurs, est
d’entrer dans un tel système ; par ce motif seul, je rejetterai la proposition.
Les deniers des contribuables ne peuvent être employés à de semblables
dépenses.
Je pense, avec un honorable préopinant, que la
proposition regarde principalement des intérêts particuliers. Des réclamations
de même espèce ont été faites sous le ministère précédent, et ce ministère les
a constamment repoussées.
Si nous devons en juger d’après la lettre de M. le
ministre de l’intérieur, du 4 mars 1834, je vois que l’intérêt de la
navigabilité et l’intérêt du halage sont étrangers aux réparations, et que
c’est principalement l’intérêt des particuliers qu’on a en vue dans
l’allocation qui vous est demandée.
Voici la lettre de M. le ministre dé l’intérieur du 4
mars dernier :
« On a également soulevé et débattu la question de
savoir par qui doivent être supportés les frais d’établissement des ouvrages à
construire sur
Ainsi, messieurs, le ministre est contraire à lui-même
dans ce qu’il a dit aujourd’hui. Il résulte de la lettre que je viens de citer,
que les travaux nécessaires pour assurer la navigation du fleuve ont été
exécutés. Ce n’est donc pas dans l’intérêt général que le ministre demande une
allocation ; c’est dans un autre intérêt. Ici encore c’est dans le rapport même
que j’établirai la vérité de ce que j’avance.
« S’il s’agissait de consolider les rives de
Vous voyez, messieurs, que c’est dans l’intérêt des
propriétaires riverains que l’on agit, et cela, de l’aveu même du ministère
; et à l’appui de ce fait je lis encore
cette phrase dans le rapport de la section centrale :
« La section centrale propose d’allouer la somme
demandée par l’amendement, à titre et à la condition que des mesures soient
immédiatement prises pour faire décider la question de savoir à qui la dépense
doit incomber. »
Il n’est donc évidemment question que de réparer des
dommages qui concernent les propriétaires riverains.
En droit, je pense, messieurs, que les réparations dont
il s’agit incombent, ou devaient incomber (car elles datent de loin) aux
propriétaires riverains ; c’est un principe reconnu que les inondations qui
résultent du voisinage des fleuves doivent être supportées par les riverains.
C’est ce qui ressort des art 556, 557 et 538 du code civil ; d’après ces
articles, celui qui jouit du bénéfice du voisinage des rivières navigables ou
non, doit naturellement en supporter les charges et les désavantages. D’après
la loi du 16 septembre 1807, combinée avec l’arrête du 30 décembre 1819 que M.
le ministre a cité, on a consacré en principe ce que je viens de dire : les
réparations aux digues des fleuves incombent aux propriétaires riverains, sauf
le subside et les secours qui peuvent leur être accordés. Eh bien, cette règle,
messieurs, est celle que nous devons suivre dans les circonstances actuelles.
Si la charge incombe aux propriétaires, c’est à eux
exécuter les réparations ; s’ils s’y refusent, les tribunaux sont là.
On parle de règlement d’administration publique pour
déterminer sur qui doit tomber la dépense ; mais si ce règlement n’existe pas,
est-ce qu’il n’y a plus de justice ? A défaut du règlement, c’est aux tribunaux
à prononcer sur la question.
Si les propriétaires riverains, la régence de Liége et la
province ne s’entendent point à l’égard de ces réparations, il faut faire
assigner les intéressés pour faire décider que, vu l’urgence, les travaux
s’exécuteront, sauf plus tard à décider dans quelle proportion chaque partie
devra contribuer aux frais de réparation : voilà la règle à suivre ; mais ce
n’est pas l’Etat qui doit se charger des réparations, c’est aux intéressés
eux-mêmes à y pourvoir.
Dans tous les cas, il est un moyen pour le gouvernement
d’assurer le remboursement ; c’est un moyen de procédure bien simple, et le
gouvernement devrait, dès à présent, l’employer, Si toutefois il persiste à
vouloir faire exécuter les ouvrages lui-même, le gouvernement, dès à présent
devrait assigner en justice les propriétaires riverains, la ville de Liége et
la province, pour faire déclarer, ainsi que je l’ai dit, que, vu l’urgence, on
procédera aussitôt à l’exécution des travaux, sauf à juger ensuite à qui
incombe la dépense, et dans quelle proportion.
Si le gouvernement n’emploie point ce moyen, jamais il
n’obtiendra le remboursement des avances qu’il aura faites. Si on exécute les
travaux sans appeler les intéressés, ceux-ci diront que les travaux ont été
faits à leur insu, et qu’ils auraient pu les faire eux-mêmes ; ils en
contesteront l’utilité, et le secours du gouvernement deviendra illusoire.
Mais je pense que l’Etat ne doit pas être chargé de la
dépense ; on doit abandonner aux intérêts particuliers le soin de faire les
ouvrages nécessaires pour garantir les propriétés riveraines des ravages
auxquels elles sont exposées.
La section centrale a terminé son rapport de la
manière suivante :
« Le Forchu-Fossé, l’un de ces
bras, dont la direction, influencée par les usines, parcourt un terrain
alluvionnaire peu résistant, est sujet à de fréquentes déviations, qui causent
des dommages aux propriétés riveraines : ce sont ces dommages qu’il s’agit de
prévenir par des travaux de conservation aux berges de la rivière. »
Vous voyez, messieurs, que la section centrale est aussi
entrée dans mes vues pour assurer le remboursement de la dépense ; je crois que
le but que les mesures que j’indique, remplacerait bien le but que se propose
la section centrale.
M. Raikem. - Je répondrai à M. Doignon,
qui s’est oppose à la proposition parce qu’en droit les réparations des digues
des fleuves ou rivières incombent aux propriétaires riverains. Quand cela
serait vrai, je ne sais pas s’il n’y aurait pas lieu de la part du gouvernement
à faire l’avance des fonds, si j’ai bien compris le sens de l’art. 33 de la loi
du 16 septembre 1807.
Cet article est ainsi conçu :
« Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la
mer ou contre les fleuves, rivières et torrents navigables, la nécessité en
sera constatée par le gouvernement, et la dépense supportée par les propriétés
protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, sauf le cas où le
gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds
publics. »
Eh bien, messieurs, il me semble résulter de cet article
que c’est le gouvernement qui constate les travaux à faire ; s’il en reconnaît
l’urgence, il fait exécuter ces travaux, et ensuite il a son recours contre les
propriétaires qui peuvent avoir été protégés par ces travaux.
Je n’entends pas toutefois préjuger la question du
recours dans le cas dont il s’agit. J’ai déjà indiqué les difficultés que cette
question présente.
Remarquez, en outre, que dans le cas qui nous occupe, il
ne s’agit pas de faire une digue, mais un nouveau canal pour l’écoulement des
eaux, et par ce moyen protéger les propriétés du hameau de Froidmont
et assurer la navigation de l’Ourthe. Pour faire ce nouveau canal, il faudra
venir à des expropriations pour cause d’utilité publique. Or, conçoit-on que
les propriétaires riverains puissent se concerter entre eux pour faire ce canal
et venir demander des expropriations pour cause d’utilité publique ? Il y a
donc lieu de la part du gouvernement d’intervenir. Je n’entrerai pas davantage
dans la question de droit.
Je me bornerai à la question d’urgence. Il a été
suffisamment constaté que le gouvernement ne pourrait pas exercer son recours,
comme l’a indiqué M. Doignon.
L’intérêt public et
l’intérêt des habitants qui seraient plongés dans la détresse, si les
réparations n’étaient pas faites, doivent vous déterminer. à accorder les fonds
qu’on vous demande. On a parlé des inondés des polders qui n’ont encore reçu
aucune indemnité. Sans doute la chambre ne sera pas insensible à leur malheur,
elle examinera avec sollicitude la loi qui lui est soumise à ce sujet ; elle
n’a écarté aucune des pétitions qui lui ont été adressées à cet égard ; mais
pourquoi faire intervenir ces malheureux dans la question qui nous occupe ?
Faut-il, parce que des personnes se trouvent dans le malheur
par suite des circonstances de la guerre, augmenter le nombre des malheureux,
en ne prévenant pas des désastres par des travaux dont chacun de vous peut
apprécier l’urgence ?
Je vous prie de ne pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas
ici de réparer, mais de prévenir des malheurs au moyen d’une dépense légère
relativement aux désastres qu’elle doit empêcher.
M. Desmanet de Biesme. - On a tiré un argument en faveur de la dépense
du creusement d’un nouveau canal. Mais je dirai que ce projet n’est pas le seul
que nous présente la section centrale. Il y en a encore deux autres qui
consistent à faire des réparations aux rives du Forchu-Fossé.
M. Raikem a commis une erreur en annonçant que cette branche de l’Ourthe est
navigable ; elle ne l’est pas.
M.
Raikem. - Je n’ai pas dit que le Forchu-Fossé
fût navigable ; mais j’ai dit que la masse d’eau qu’il contient influait par
son plus ou moins de volume sur la navigation de l’Ourthe, et que c’était sous
ce rapport qu’il touchait à la navigabilité de cette rivière.
M. de Muelenaere. - Je pense que la
chambre sera forcée de se rallier à la proposition de M. Desmet et d’allouer la
somme que l’on nous demande pour des dépenses qu’une impérieuse nécessité
réclame, sauf au gouvernement à faire plus tard son recours. J’avoue que je
n’attends pas un grand résultat de ce recours.
Il faut qu’il y ait justice distributive pour toutes les
provinces. Il est donc du devoir du gouvernement de proposer l’adoption de
règlements uniformes pour tout le royaume, Il ne serait pas équitable que les
Flandres continuassent à observer des lois de Marie-Thérèse auxquelles d’autres
provinces ne devraient pas se soumettre. Si le gouvernement était fondé
d’accorder aux provinces des subsides pour les réparations à faire aux rives
des fleuves, je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas les canaux sur la même
ligne.
Nous avons dans notre province un canal dont l’entretien
annuel coûte 50,000 fr., et qu’il était négligé pendant un an, nous
occasionnerait une dépense de plus de 300,000 fr. S’il n’existe actuellement
pas des dispositions uniformes par les frais d’entretien des rivières et voies
de navigation, il faut que le gouvernement présente à ce sujet une loi à la
sanction de la législature.
Pour ce qui concerne la dépense spéciale qu’on nous
demande, je déclare que je la voterai, puisque l’urgence nous en est démontrée
; mais je ne m’attends pas que l’argent que nous allons accorder aux provinces
du Limbourg et de Liége rentre jamais dans les caisses de l’Etat.
M. le président. - La chambre n’est pas
en nombre pour voter.
- La séance est levée à 5 heures.