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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 18 juin 1834
Sommaire
1) Pièce adressée à la
chambre
2) Projet de loi relatif à la sûreté
publique
3) Fixation de l’ordre des travaux de la
chambre. (A : sûreté publique ; B : circonscriptions cantonales
des justices de paix ; C : organisation communale )
(A (Legrelle (+orangisme), de Robaulx),
A et B (Dubus), A et C (Jullien),
C (Dubus, Jullien, d’Huart, Gendebien, Jullien)
4) Proposition de loi relatif aux droits
de sortie sur les toiles et les étoupes de lin. Situation de l’industrie
linière (Desmaisières, Bekaert,
de Robaulx, Duvivier, A. Rodenbach, de Robaulx, Jullien, de Foere, Duvivier, de Robaulx, Desmaisières, de Foere, Rogier)
5) Proposition de loi relative aux droits
de sortie sur les toiles ((+négociations commerciales avec la France) de Robaulx, Jullien, A. Rodenbach, Desmaisières,
Rogier, Jullien, de Robaulx, Gendebien, de Robaulx, de Foere, Desmaisières, Verdussen, Rogier, de Foere, Duvivier, Rogier, Legrelle, A. Rodenbach, Bekaert, A. Rodenbach, Legrelle, Dumont, Desmaisières, de Foere, Gendebien, de Robaulx, Rogier, A. Rodenbach, Duvivier, Gendebien, Desmaisières, Duvivier, Desmet, A. Rodenbach)
(Moniteur belge n°170, du 19 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi et demi.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, dont la
rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître à la chambre la pièce suivante.
PIECE ADRESSEE A
« Le sieur H.-J.-G.
François demande que la chambre adopte le projet tendant augmenter le personnel
des cours d’appel. »
- Renvoyé à la
commission chargée de l’examen du projet de loi qui a rapport à l’augmentation
du personnel des cours et tribunaux.
PROJET DE LOI RELATIF
A LA SURETE PUBLIQUE
M. d’Huart, rapporteur de la section centrale, donne
lecture du rapport sur le projet de loi relatif à la sûreté publique. (Nous
donnerons ce rapport.)
M.
le président. -
Le rapport sera imprimé et distribué ; la chambre désire-t-elle fixer le jour
de la discussion ?
M. Dubus. - Je demande que la discussion soit fixée ultérieurement.
M. Gendebien. - Après la loi communale.
M. Legrelle. - Je demande que s’occupe promptement de la
loi dont on vient de faire le rapport.
Vous vous êtes empressés de voter, il y a quelques
jours, une loi contre les menées orangistes ; la loi actuelle n’est que le
corollaire de cette loi, et elle est aussi nécessaire.
Il faut une loi répressive contre ceux qui commettront
des horreurs semblables à celles dont nous gémirons encore longtemps.
Je demande qu’après
l’impression du rapport, nous puissions nous occuper du projet ; la discussion
devrait avoir lieu ainsi demain, ou après-demain.
M. de Robaulx. - Je pense que nous ne devons pas avoir une
telle soif de lois répressives, de lois de politique furieuse ; il y a dans le
projet dont on vient de vous faire le rapport, tout un code politique de
peureux, code qu’on ne saurait examiner avec trop de maturité ; nous devons
nous occuper avant tout de la loi communale qui est une loi d’organisation et
qui un intérêt beaucoup plus pressant ; je demande que le projet sur la sûreté
publique soit examiné après la loi communale, à moins qu’on n’adopte la
proposition de M. Dubus de la remettre sans fixer le jour.
Je ne crois pas,
messieurs, que nous devions craindre de nouveaux pillages : d’ailleurs, si de
pareils événements se renouvelaient, et qu’ils fussent identiques avec ceux qui
ont eu lieu, votre loi n’atteindrait pas les vrais coupables, de même qu’à
Mons, ce ne seront pas les vrais coupables qui seront punis.
M. Dubus. - En demandant que la discussion fût fixée ultérieurement, mon dessein
n’était pas de l’ajournement indéfiniment.
Vous venez, messieurs,
d’entendre un long rapport qui appelle la méditation de tous les membres de
cette chambre ; il n’est pas question ici d’une loi temporaire, il s’agit d’une
loi d’un code définitif qui ne pourra être changé qu’avec le concours de deux
autres pouvoirs, je demande que l’on ne fixe pas maintenant la discussion de
cette loi ; lorsque nous aurons reçu le rapport qui doit être imprimé et
distribué, nous pourrons apprécier si une discussion plus ou moins rapprochée
est possible.
Nous avons d’ailleurs
des lois sur lesquelles le rapport a été fait et distribué, nous avons une loi
urgente celle des circonscriptions des cantons de justice de paix. J’ai fait
hier une motion pour s’occuper de cette loi ; la chambre n’a pu statuer à cet
égard parce qu’elle n’était plus en nombre.
M.
Jullien. - La
discussion de la loi dont le rapport vient de vous être fait n’a rien qui
presse.
Ainsi que l’a dit M. de
Robaulx, c’est une loi qui doit être méditée : il y a d’ailleurs dans les lois
existantes tout ce qu’il faut, à quelques nuances prés, pour réprimer les
émeutes qui pourraient encore avoir lieu.
La seule loi qui presse
(je demande pardon à la chambre d’en revenir toujours là), c’est la loi
communale. Je désirerais, puisqu’il s’agit encore d’une question de priorité,
et afin qu’on ne mît pas d’autres lois à la traverse, que l’on fixât un jour de
la semaine prochaine où l’on s’occuperai de la loi
communale.
Ce serait, je crois, un
moyen de rappeler les membres absents, car vous voyez que nos bancs sont
déserts ; beaucoup de membres sont partis, parce qu’ils ne savaient sur quoi on
devait discuter ; d’autres se sont absentés parce qu’ils avaient besoin de
retourner chez eux. Il serait prudent de déterminer le jour où l’on aborderait
la discussion de la loi communale.
M. de Robaulx. - Quel jour proposez-vous ?
M.
Jullien. - En
ayant égard à ce qui nous a été dit sur l’état de santé de M. Dumortier, je
demande que l’on fixe jeudi. Une fois que la chambre aura déterminé le jour de
la discussion de la loi communale, cette discussion aura lieu avec ou sans
rapport, car il faut enfin en finir. (Aux
voix ! aux voix !)
- La proposition de M.
Dubus est, mise aux voix et adoptée ; le jour de la discussion de la loi sur la
sûreté publique sera ainsi ultérieurement fixé.
M.
le président. -
Avant de mettre aux voix la proposition de M Jullien, je dois faire une
observation. Nous nous rendons tous les jours chez M. Dumortier pour nous
occuper du rapport de la loi communale, nous ne pouvons cependant fixer d’une
manière précise le jour ou le rapport sera imprimé et distribué.
M. Dubus. - Il me paraît impossible que l’on fixe le jour de la discussion de la
loi communale. Je ne comprendrais pas comment la chambre, alors qu’elle sait
que le rapport de cette loi lui sera bientôt communiqué, pourrait prendre le
parti de discuter avec ou sans rapport, à moins qu’elle ne considère le
laborieux travail de la section centrale comme parfaitement inutile ; pour moi,
je désire être en position de pouvoir examiner le rapport, qui est le résultat
des observations de toutes les sections, et dont la section centrale s’est
occupée dans un grand nombre de séances.
Je crois que la section
centrale doit être consultée pour savoir si le rapport peut nous être
communiqué assez à temps pour qu’on l’examine d’une manière suffisante avant
jeudi ; si j’en crois ce qui en a été dit, ce rapport sera assez volumineux, il
aura 25 à 30 feuilles d’impression ; il faut au moins que nous ayons le temps
de le lire.
M. Jullien. - Je demanderai si la section centrale n’a pas arrêté la nouvelle
rédaction de la loi ; s’il en était ainsi, si la rédaction des articles était
arrêtée, il me semble que nous pourrions nous occuper de quelques questions de
principes, en attendant que le rapport en entier nous fût distribué.
M.
le président. -
Je pense que la section centrale ne pourrait présenter un article amendé par
elle, sans faire connaître les motifs de cette modification.
M. d’Huart. - On pourrait imprimer les parties
du rapport qui sont terminées ; ce serait autant de temps de gagné. Si le
rapport a 20 feuilles d’impression, quelque parties
doivent être en état d’être livrées l’impression.
Quelques voix. - C’est ce qui se fait !
M. d’Huart. - Alors le but de mon observation
est rempli.
M. Gendebien. - Je demanderai à M. Raikem s’il ne préside
pas la section centrale ; il pourrait, s’il en était ainsi, nous dire si le
rapport sera prêt dans trois jours, s’il pourra nous être distribué lundi soir
; il nous faut au moins, je crois, trois jours pour prendre connaissance du
projet, nous ne pouvons voter aveuglément une loi aussi importante.
M.
le président. -
Je ne crois pas qu’il soit possible de distribuer le rapport lundi soir ; il
faudrait, en tous cas, que je pusse m’entretenir à cet égard avec le rapporteur
; je ne pourrai donner les explications qui me sont demandées que demain.
M.
Jullien. - Je
demande alors qu’on ne consulte la chambre que demain.
Discussion générale
M.
le président. -
M. Desmaisières a la parole pour donner quelques explications.
M. Desmaisières. - Je ne me suis point opposé, hier, à ce que
l’on ne mît à l’ordre du jour pour aujourd’hui que les questions relatives aux
étoupes et toiles, parce que celle des lins paraît, dans l’opinion d’un grand
nombre de membres de la chambre, devoir donner lieu à de fort longues
discussions qui pourraient nous conduire à ne point pouvoir voter la loi
communale pendant la présente session. Je crois cependant devoir vous
soumettre, avant que la discussion ne s’ouvre, quelques observations, à
l’effet, d’abord, de bien fixer l’ordre, et ensuite pour que chaque orateur
sache bien d’avance quelles sont les diverses questions qu’il peut agiter, s’il
veut se conformer à la décision que la chambre a prise.
Le projet de loi que
j’ai eu l’honneur de vous soumettre au nom de la section centrale est précédé
de quatre considérants qui tous me paraissent pouvoir être conservés ; il y
aurait cependant lieu à faire un changement au second, il faudrait y substituer
le mot étoupes à celui de lins, si absolument vous ne voulez rien statuer quant
aux lins, si en un mot, vous voulez laisser cette question hors de cause pour
le moment, sauf à en décider plus tard.
L’art. 1er et le tarif
peuvent rester tels qu’ils sont quant à la rédaction et aux classifications ;
car il suffira de diminuer la chiffre de la quotité du droit de sortie en ce
qui touche le lin autre que les étoupes, pour ne rien préjuger en ce qui
concerne la question du lin proprement dit. Je m’explique. On est assez
généralement d’accord pour évaluer le droit de sortie actuel d’un 1/2 à 1 p. c.
de la valeur. Voilà donc déjà 1/7 du droit proposé par la section centrale qui
doit être admis, si l’on veut maintenir l’état actuel des choses. Maintenant
les sections de la chambre et la section centrale, à l’unanimité, ont
généralement admis qu’il fallait en faveur de la classe ouvrière, non pas
prohiber, mais frapper d’un droit de sortie élevé les étoupes à la sortie.
La chambre elle-même, en
comprenant les étoupes dans les objets sur lesquels la discussion peut avoir
lieu, me paraît avoir en quelque sorte donné tacitement son approbation à cette
mesure de justice envers des travailleurs belges qui sont malheureux, et qui méritent
d’autant moins de l’être que c’est à leur travail et à leurs sueurs que le pays
doit une grande partie des richesses qu’il possède. Je pense donc qu’aucune
opposition ne sera faite à ce que les étoupes soient frappées à la sortie d’un
droit élevé ; or, messieurs, les lins en tiges brutes, vertes, sèches ou
rouies, contiennent tous des étoupes ; le lin teillé les contient encore à peu
près toutes, car peu de filasse en sort avec la paille, et le lin peigné les
contient plus ou moins selon qu’il a été plus ou moins travaillé.
Il y aura donc à majorer
le droit actuel à la sortie de ces diverses espèces de lin en raison de
l’élévation du droit dont vous aurez frappé les étoupes, et en raison de la
quantité d’étoupes qui entre dans ces lins. Car sans cela le droit dont vous
auriez frappé les étoupes serait illusoire puisqu’en faisant sortir le lin
teillé ou le lin en chaume, sans payer de droits, non seulement on ferait
sortir en même les étoupes sans payer de droit ; mais on enlèverait encore au
pays la main d’œuvre d’extraction des étoupes.
Il me paraît en
conséquence que ce n’est pas agir contrairement à votre décision d’hier,
messieurs, que de s’occuper de la question du droit sur les lins autres que les
étoupes, dès que l’on se borne à s’en occuper en ce qui concerne les étoupes
que contiennent ces autres espèces de lin.
Quant aux fils, je crois
que c’est par oubli, chose assez naturelle dans une discussion où, comme à
celle d’hier, les propositions se croisaient dans tous les sens ; je crois que
c’est par oubli, dis-je, qu’ils n’ont point été mentionnés. Car les motifs
d’ajournement pour les lins ne sont nullement applicables ici, et dans mon
opinion, il y a lieu à satisfaire promptement aux justes réclamations de
quelques localités du Hainaut.
Enfin,
pour ce qui est des tissus et des articles 2 à 9 du projet de loi qui s’y
rapportent, la décision de s’en occuper aujourd’hui est formelle. Il ne
resterait donc plus qu’à décider si l’art. 10, qui tend à faire de cette loi
une loi d’essai en la rendant essentiellement temporaire, doit être mis en
discussion. Je crois que cela ne fait pas doute ; car d’une part il s’agit de
faire l’essai d’un nouveau système de douanes à l’égard des toiles et fils, et
de l’autre côté en décidant qu’on ne s’en occuperait pas quant à présent de la
question des lins, vous n’avez pas entendu décider par là, je pense, qu’on ne
s’en occuperait jamais. Et cette question se présentera naturellement à la
discussion lorsque, vers la fin de l’année de durée donnée par l’art. 10 à la
présente loi d’essai, vous décréterez une loi permanente ; et ainsi, par
l’adoption de cet article, vous ferez voir que l’ajournement voté sur la
question des lins n’est pas ce que nous appelons en termes de parlement
« la question préalable. » Enfin rendre la loi temporaire, c’est ne
pas gêner les négociations du gouvernement avec les gouvernements des pays
voisins.
M.
Bekaert. -
Messieurs, la proposition de mon honorable ami M. de Foere tendant au double
but d’imposer les lins à un droit modéré de sortie et d’augmenter les droits à
l’entrée des toiles et linges de table étrangers, soulevait à la fois deux
questions de la plus haute importance, deux questions vitales pour la plus
importante branche de l’industrie nationale ; mais, me conformant à la décision
que la chambre a prise hier, je ne traiterai qu’une seule de ces questions,
celle relative à la fabrication linière.
Les manufactures de
toiles et de linge de table, sans protection à l’intérieur, n’ayant que des
débouchés très restreints au dehors, éprouvaient depuis longtemps le besoin
d’attirer sur elles la bienveillante attention de la représentation nationale
protectrice, née du commerce et de l’industrie. Leur voix sera écoutée avec
d’autant plus d’intérêt que le remède à leur mal, la modification qu’elles
réclament à la loi, étendra simultanément ses bienfaits au commerce et à
l’agriculture elle-même. On se tromperait étrangement que de croire que, dans
l’espèce, on puisse isoler le bien-être de ces différentes industries, et que
la prospérité de l’une ne soit point essentiellement influente sur celle de
l’autre. Si l’agriculture fournit la matière première, les manufactures les
consomment ; elles en décuplent la valeur en les changeant de forme et de
nature. Le commerce, à son tour, s’empare des fabricats, les exporte sur les
marchés étrangers ou les livre à la consommation intérieure, et renouvelant
sans cesse ses opérations, il imprime aux fabriques cette permanente activité
qui réagit si efficacement sur le prix de la matière. C’est ainsi que tout se
lie entre ces industries. Aussi, il serait difficile de déterminer lequel de
ces trois agents est comparativement le plus utile dans l’ordre de l’économie
politique ; mais il est incontestable qu’ils ne sont précieux que l’un par
l’autre.
Le gouvernement
français, que certes on n’accusera pas d’avoir agi sous l’influence de l’esprit
de localité, ou d’avoir eu des vues étroites en fait d’administration ; le
gouvernement français, dis-je, comprit l’importance de l’industrie linière, et
lui voua toute sa protection. Nos lins ne furent point inconsidérément livrés
aux nations rivales. Les toiles de Bielefeld, les tissus d’Ecosse, les linges
de table de Silésie, les damasses de Saxe, n’eurent point la libre entrée pour
venir partager avec les produits nationaux les marchés de ce vaste empire.
C’est pendant cette heureuse période que nos fabriques prirent les plus riches
développements, et augmentèrent considérablement la fortune publique. Mais le
traité de 1814 qui nous sépara de
Les manufactures sont
les mères nourricières d’une nombreuse et intéressante partie de la population.
Leur prospérité contribue essentiellement à la force et à la richesse des
Etats. Elle exerce une puissante influence sur l’ordre et le bonheur social. En
retour de tant de bienfaits, la patrie leur doit toute sa bienveillance et sa
protection. Parmi les précieuses existences industrielles dont
La perfection du tissu
et la fraîcheur de leur blanc n’ont point encore trouvé d’égales. La
supériorité de nos toiles ne saurait être mieux constatée que par les grands
soins que mettent les autres Etats à les éloigner de chez eux. Elles ne sont
reçues en Prusse, en Angleterre, en France, que moyennant des droits de 30 à 40
p. c. Si, d’après la doctrine du jour, il est vrai que le degré de protection
dont une industrie a besoin pour se soutenir est le thermomètre qui indique sa
situation relative à l’industrie rivale, notre fabrication linière peut se
flatter d’être la plus avancée en progrès, puisque la protection qu’elle
réclame est immensément inférieure à celle dont les fabriques similaires
jouissent chez nos voisins. La hauteur des droits que nos rivaux s’obstinent à
maintenir sur nos toiles, prouve suffisamment combien ils en redoutent la
concurrence. Si donc la fabrication linière chez nous est en souffrance, il
faut en chercher les causes en dehors de l’activité et de l’intelligence
industrielle. Vous les trouverez tout entières dans l’absence de protection à
l’intérieur, et de débouchés à l’extérieur. L’exportation est l’âme du
commerce, elle donne l’essor aux fabriques, tout se vivifie par elle. C’est sur
les marchés étrangers que l’industrie manufacturière doit verser le sur-plein
de ses produits, quand ils surpassent les besoins de la consommation indigène.
C’est ainsi que nous rendons les autres peuples nos tributaires, et que nous
entretenons notre classe ouvrière aux dépens du consommateur étranger.
Le commerce
d’exportation est à la fois le précieux élément de la richesse nationale et de
la prospérité industrielle. L’Angleterre et
Les débouchés à
l’extérieur ne sauraient s’obtenir qu’au moyen de traités de commerce ou
d’échanges.
En attendant que nos
espérances et nos vœux puissent se réaliser à cet égard, ne négligeons point
l’autre moyen de venir au secours de l’industrie linière, celui d’assurer à ses
produits la préférence sur les marchés à l’intérieur : ce moyen, il est vrai,
est moins efficace que l’autre ; mais il est tout entier à votre disposition et
l’urgence en est également démontrée. En effet, lorsque, dans tous les pays qui
nous environnent et les nombreuses colonies soumises à leur domination, nos
toiles blanches et nos linges de table sont imposés à des droits prohibitifs,
la justice aussi bien que l’intérêt du pays exigent impérieusement qu’au moins
nos fabricats soient protégés chez nous ; et serait-il équitable de leur
refuser cette faveur en présence de celle dont les autres produits nationaux
sont en possession. Les draps français sont prohibés dans l’intérêt de nos
draps de Verviers ! Nos casimirs, nos fers, nos tapis, nos porcelaines,
jouissent d’une protection qui écarte la concurrence étrangère : quel serait le
motif pour lequel l’industrie linière, qui est toute nationale, ne serait point
si favorablement traitée que les autres industries ? Les négociants de toutes
les villes que votre commission permanente d’industrie a consultés sur la
question, ont été unanimes sur la nécessité d’établir immédiatement sur les
toiles et linges de table étrangers les droits tels qu’ils sont proposés par
l’honorable M. de Foere. La
combinaison du droit par classes et au poids ainsi qu’elle est établie en
France et en Angleterre, est de l’avis de tous les hommes spéciaux la seule qui
pour les toiles puisse être appliquée avec succès.
Ce mode offre, sur la
perception à la valeur, des avantages et des garanties incontestables. Il est
plus équitable, parce qu’il présente une base matérielle au lieu d’une base
d’opinion, et que par ainsi il exclut toute faveur. Il est plus facile, parce
qu’il est donné à tout douanier de manier la balance et la loupe, tandis qu’il
s’en trouverait peu ou point qui sussent estimer, même approximativement, la
valeur d’une balle de toiles blanches. Il est préférable, parce qu’il écarte le
système de préemption toujours plus ou moins odieux, et qu’il prévient les
nombreuses contestations que fait naître sans cesse la perception à la valeur.
Enfin, c’est le seul mode qui, dans l’espèce puisse à la fois assurer à
l’industrie la protection que la législature aura voulu lui accorder, et
garantir au trésor la rentrée des droits qui lui sont dus.
Le linge de table, qui
est d’une nature différente, ne doit être imposé qu’au poids seulement ; et,
messieurs, il est essentiel de remarquer que le tarif proposé est de 25 à 30 p.
c. inférieur à celui auquel nos toiles et linges de table sont soumis en
Allemagne, en France et en Angleterre. Cependant vous concevez, messieurs, que
ne consentir à recevoir les productions industrielles de nos rivaux qu’aux
mêmes conditions auxquelles les nôtres sont reçues chez eux, ne serait qu’un
acte de réciprocité et de justice ; mais la fabrication linière ne pousse point
jusque là ses exigences, et certes, si l’on considère encore qu’en Allemagne la
main-d’œuvre et la matière première sont à plus bas prix que chez nous, que la
vie animale est à meilleur compte et les impôts moins élevés, il est évident
que la protection que l’on demande est très modérée ; mais l’industrie linière
veut prouver en cette circonstance qu’elle ne craint point de prendre l’avance
pour engager les industries rivales à la suivre dans la voie progressive de
l’émancipation commerciale. Mais, tant que ce grand principe ne sera point
consacré par le code commercial des autres peuples, ne hasardons par une
générosité mal entendue de l’étendre, nous seuls, au-delà des limites posées
par nos intérêts matériels ; il es plus que urgent d’accorder la protection
qu’on réclame, il est temps de mettre une digue à ce débordement de produits
étrangers qui de toute part inondent
Je voterai pour les
droits demandés par le projet de loi de M. de Foere, pour les toiles, les
linges de table, les étoupes.
M. A. Rodenbach. - Je crois que l’honorable M. de Robaulx a
demandé la parole. Je ne sais si c’est pour s’opposer au projet ou pour
simplifier la discussion. S’il veut parler avant moi, je lui céderai volontiers
la parole.
M. de Robaulx. - J’ai demandé la parole pour adresser une
simple question au ministre.
Je ne me suis pas
préparé pour examiner la question qu’au titre d’industrie linière. Je ne
pensais pas que tout ce qui était relatif à cette industrie fût traité
aujourd’hui ; je croyais que la seule question des toiles serait mise en
délibération, et que c’était là la décision prise hier par la chambre. Mais il
paraît qu’on cumule la question des étoupes avec celle des toiles, qui sont
deux questions bien distinctes.
Je craindrais par un
vote trop précipité, en adoptant un droit aussi élevé que celui qu’on veut
mettre sur les étoupes, qui est, je crois, de 25 p. c.,
de préjuger la question des lins. Si tel devait être le résultat de l’adoption
de la proposition, en ce qui concerne les étoupes, je voterais contre. Mais
avant, comme on ne doit juger qu’avec maturité les questions qui ont la plus
grande influence sur l’industrie et l’agriculture, qui est la branche
principale de la prospérité publique en Belgique, je désirerais, puisque la
question des étoupes est improvisée dans cette assemblée, que le ministre des
finances, s’il s’est préparé, s’expliquât sur l’influence que l’adoption de la
loi, en ce qui concerne les étoupes, aurait sur l’agriculture et le commerce.
Je voudrais savoir si l’on est bien fixé sur la nécessité où sont les Flandres
d’avoir un droit protecteur qui frappe les étoupes à la sortie d’un droit du
quart de la valeur.
Je voudrais savoir
également, en supposant que vous mettiez sur les étoupes ce droit que je
regarde comme exorbitant, quelle influence ce droit aura pour les Flandres, ou
quelques districts de Flandre. Car, les Flandres ne sont pas unanimes pour
réclamer le projet sur l’industrie linière qui vous est soumis. Si quelques
districts le sollicitent, il en est qui ne le demandent nullement, et les
autres provinces, au moins la majeure partie, paraissent opposées à ce projet.
Je ne parlerai pas des
lins, la cause serait trop belle. Je demanderai quel avantage il résultera du
droit dont vous frapperez les étoupes, pour les fileurs et les tisserands ; car
je crois que c’est dans leur intérêt que la proposition est faite.
Les Anglais tirent des
étoupes de Belgique, parce qu’ils viennent à faire, au moyen de leurs
mécaniques, du fil plus beau et par conséquent des toiles plus belles que
celles de Flandre ; si vous les frappez d’un droit du quart
p. c. de la valeur, et que les Anglais en trouvent à meilleur marché dans le
nord…
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - En France, où le droit n’est que
de 25 centimes par cent kilogrammes.
M. de Robaulx. - Vous forcerez les Anglais à aller chercher leurs
étoupes en France, comme dit M. le ministre des finances, ou en Suède et en
Russie. Si tel devait être le résultat du projet, ce serait une véritable
duperie. Mais je ne crois pas que tel est le résultat qu’ont eu en vue les
auteurs du projet, qui n’ont pas vouloir être utiles à leurs provinces qu’en
respectant les intérêts des autres provinces.
Le ministre des finances
doit être à même de dire la quantité d’étoupes qu’on enlève chaque année, la
quantité qui reste dans le pays, et le taux auquel elles sont aujourd’hui. Tout
cela est important. Les étoupes manquent-elles ? Combien se vendent-elles ?
Peuvent-elles soutenir la concurrence avec les étoupes étrangères ? Voilà des
choses sur lesquelles nous avons besoin d’être fixés avant d’augmenter le droit
à la sortie. Mais ce n’est pas la loi sur les étoupes qui doivent avoir de
l’influence sur le sort des fileurs ou des tisserands, c’est la loi sur les
toiles.
Je n’ai entendu
jusqu’ici aucune objection contre la proposition en ce qui concerne l’élévation
du droit sur les toiles, et si elle ne rencontre pas d’opposition de la part
des industriels, je voterai pour son adoption.
Mais quant aux étoupes,
je demande si l’effet de l’augmentation du droit à la sortie ne sera pas
d’empêcher les provinces méridionales de trouver un débouché à celles qu’elles
produisent. Messieurs des Flandres auraient leurs étoupes à meilleur marché ;
mais comme celles qui se trouveraient chez eux leur suffiraient, celles des
provinces méridionales se trouveraient sans écoulement parce que le droit de 25
p. c. dont on les aurait frappées ne permettrait pas aux
étrangers de venir les prendre. Si vous ne me prouvez pas que les étoupes
manquent dans le pays, et que le droit dont vous les frapperez dans l’intérêt
des Flandres n’empêchera pas l’écoulement de celles
qui se trouvent dans les autres provinces, je voterai contre ce droit.
Voilà les questions sur
lesquelles je prierai M. le ministre des finances de nous donner des
explications. Je les attendrai avant de me prononcer.
M.
Desmet. - Les
toiles et les étoupes sont deux questions différentes. Commençons par celle des
étoupes.
Plusieurs voix. - La division ! la
division !
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas compris qu’il serait
question aujourd’hui de la discussion dés étoupes. Je pense même qu’hier on a
arrêté seulement qu’on s’occuperait dans la séance d’aujourd’hui de la question
des toiles. C’est dans cette persuasion que je me suis préparé, pour aider M. le
ministre de l’intérieur dans cette discussion. Mais, en abordant la question
des toiles, il y a une question préjudicielle que doit résoudre l’assemblée.
C’est celle de savoir si on prendra pour base de la discussion la proposition
de M. de Foere, celle de M. A. Rodenbach, ou le travail extrêmement remarquable
et lumineux présenté à l’assemblée par M. Desmaisières sur ces propositions.
Quant
à moi, puisqu’on paraît disposé à diviser le travail et à ne s’occuper
aujourd’hui que de la question des toiles, il me paraîtrait plus rationnel et
plus simple de se borner à mettre en discussion la proposition de M. A.
Rodenbach, la question de savoir s’il y a lieu d’augmenter le droit sur
l’importation des toiles ; car si vous preniez le rapport pour base de la discussion,
vous seriez obligés d’appliquer aux toiles toutes les modifications que la
commission propose d’apporter au système des douanes, en ce qui concerne
l’industrie linière ; tandis que si vous mettez en discussion la proposition de
M. A. Rodenbach, la chambre n’aura à s’occuper que de la question de savoir
s’il convient d’élever les droits actuellement existants sur les toiles
étrangères.
Voilà la proposition que
je fais à la chambre.
M. A. Rodenbach. - Je vais parler très laconiquement. Je vous
dirai d’abord, pour éclairer la question, que ma proposition est extrêmement
simple. Je ne demande qu’une augmentation de droit à l’entrée des toiles, sans
apporter aucune perturbation dans le système des douanes. Je propose d’élever
ce droit à 10 p. c. ; mais je ferai observer que ce
chiffre n’est que nominal. Vous savez tous qu’un droit de 10 p. c., par suite des déclarations qu’on fait au-dessous de la
valeur, se trouve réduit à 7 p. c.
Donc lorsque j’ai
demandé un droit de dix pour cent sur l’entrée des toiles, je n’avais
réellement l’intention d’imposer sur cette branche d’importation qu’un droit de
sept p. c. Si ce droit montait à 10 p. c., il y aurait
introduction frauduleuse de toiles, que l’organisation de nos douanes ne permettrait
pas au gouvernement d’empêcher activement, et le trésor serait privé d’une
grande partie de la branche de revenus que nous voulons lui ouvrir, tandis que
la fraude n’existera pas si le droit n’est que de 7 p. c. de la valeur.
Je crois, si j’ai bien
compris M. le ministre des finances, qu’il s’est rallié à ma proposition. Vous
n’aurez donc pas de difficultés à prendre une décision sur la question des
toiles. L’adoption d’un système quelconque sur la matière est d’une urgence
qu’il m’est facile de démontrer. En 1832, il est entré en Belgique
mensuellement une valeur de 50,000 fr. de toiles venant de l’Allemagne. Ce
chiffre en
Il est d’autant plus
nécessaire d’encourager l’industrie linière que cette industrie a déchu à dater
de notre réunion à
Il est impossible que
les puissances voisines trouvent mauvais que nous changions de système, puisque
nous nous plaçons même par l’élévation du droit dans une position
désavantageuse relativement à la leur.
Je ne dirai que très peu
de mots pour défendre mon système. Je demanderai aux gens de bonne foi si, en
ne frappant à la sortie la matière première que d’un droit de trente cents par
Je
me plais à croire que si la chambre écoute les plaintes des tisserands
flamands, ils ne resteront pas en arrière des tisserands anglais sous le
rapport des perfectionnements introduits nouvellement dans la fabrication des
toiles.
Si notre système de
douanes était plus fort, plus complet, je n’hésiterais pas à demander un droit
d’entrée de 20 à 25 p, c. Mais, dans l’état actuel de cette partie du service
public, une restriction trop absolue pourrait plutôt être nuisible qu’utile. Je
crois que le droit dont je réclame l’introduction suffira pour nous assurer un
plus fort débouché à l’intérieur.
M. de Robaulx. -
J’avais interpellé M. le ministre des finances sur la question des
étoupes ; il ne m’a pas répondu d’une manière satisfaisante. Il me paraît qu’il
conviendrait que l’on décidât d’abord la question, qui ne semble pas devoir
donner lieu à de graves contestations. Je demande que la proposition de M. A.
Rodenbach, qui est relative à l’entrée des toiles, soit seule mise en
délibération, et nous aurons au moins achevé promptement une partie de la loi.
Puis M. le ministre des finances, qui a déclaré être prêt, nous communiquera
ses observations concernant la question des étoupes, et nous prendrons plus tard
une décision sur ce dernier point s’il y a lieu. Ce mode de procéder est le
seul qui puisse nous éviter la perte d’un temps précieux et l’obligation
d’entendre de longs discours sur un point qui a réuni toutes les opinions de la
chambre. (Adhésion générale.)
M.
Jullien. - Ce
n’est pas sans raison que la chambre dans sa séance d’hier a admis la division
de la question des toiles et des lins. La chambre était persuadée que si l’on
cumulait les deux parties de cette question, il en résulterait une discussion fort longue. Rien plus controversé que le système présenté à
l’égard des lins, tandis que tout le monde est d’accord sur la question des
toiles. Je vous avoue que, comme M. le ministre des finances, je croyais qu’en
adoptant hier la division du projet de la section centrale, la chambre n’avait
en aucune manière prétendu aborder la question des étoupes. Celle-ci se lie
étroitement au système sur les lins.
Si maintenant vous la
confondez dans la discussion, vous aurez l’inconvénient de ramener tout ce qui
tient au commerce des lins, inconvénient que la chambre avait soigneusement
voulu écarter dans la séance précédente.
La
division que vous avez demandée n’aurait donc plus aucun résultat. L’assemblée
conçoit la nécessité ou du moins l’utilité de la proposition de MM. de Foere et
Rodenbach sur l’élévation du tarif des toiles. Toutes les chambres de commerce
du royaume ont été consultées et toutes ont émis une opinion favorable à cet
égard. La commission supérieure d’industrie, siégeant à Bruxelles, a rédigé sur
cet objet un mémoire très lumineux dont les membres de cette chambre auront
pris connaissance probablement, mémoire qui démontre également l’urgence d’une
mesure protectrice. Nous sommes donc suffisamment éclairés. Ainsi je demande
que l’on traite exclusivement la question des toiles et que l’on écarte celle
des étoupes.
M.
de Foere. - Il
est difficile de comprendre que le ministre des finances ait oublié la décision
que la chambre a prise hier à l’égard du mode de discussion sur le projet de
loi relatif à la sortie des toiles.. M. le ministre
vous demande si c’est la proposition de M. Rodenbach ou la mienne qui est
maintenant en discussion. Vous savez qu’après que j’eus déposé ma proposition,
M. A. Rodenbach en présenta une autre le lendemain, C’est sur ces deux
propositions réunies que la section centrale nommée à cet effet a eu à porter
son examen. Elle les a confondues, et a soumis de son côté à la chambre un
travail complet.
Ce
n’est donc ni la proposition de M. Rodenbach, ni la mienne, qui est en
discussion, mais la proposition de la section centrale sur laquelle vous avez à
donner votre décision. Il n’y a entre la proposition de M. Rodenbach et la
mienne de différence que sur le mode de perception du droit. M. le ministre des
finances décidera entre les deux modes que nous avons proposés. On a demandé la
division de la question des toiles et de celle des étoupes. Cette division est
inutile, attendu que ces deux questions sont bien distinctes, et que le projet
de loi ne les confond en aucune manière.
Il n’y a donc en
discussion, je le répète, que le projet que la section centrale a soumis à vos
délibérations, en opérant la fusion des deux propositions que M. Rodenbach et
moi avons présentées séparément. M. Rodenbach propose que la perception du
droit se fasse en raison de la valeur des toiles, et mon opinion est que cette
perception doit se faire en raison seulement du poids. Ce mode est celui qui
est pratiqué en France et en Angleterre. C’est ce mode qui présente le moins de
difficultés.
J’attendrai les
observations que l’on me fera pour traiter plus amplement cette question.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - Je veux soutenir l’opinion émise par M.
Jullien, et l’opinion des autres orateurs qui ont fait des motions d’ordre
tendant à ce que la question des toiles soit seule agitée. J’ai toujours
compris que telle était la volonté de la chambre, et que hier on avait décidé
que les toiles occuperaient exclusivement la séance de ce jour. S’il en est
ainsi, il s’agira uniquement de décider quel projet, celui de la section
centrale ou celui de M. A. Rodenbach, aura la priorité.
La section centrale
présente un système d’après lequel il faudrait changer le mode de perception des droits suivi actuellement ; M. de Foere a fait une
proposition, qui changerait également le mode de perception : il me semble que
la question à résoudre serait simplifiée si on examinait seulement cette
question sous le rapport de l’augmentation du tarif actuel. M. A. Rodenbach
fait une proposition tendant à augmenter le droit ; si la chambre lui donne la
priorité, je la soutiendrai.
M. de Robaulx. - Je crois que nous sommes tous d’accord ; on
ne s’occupera que des toiles. (Oui ! oui
!) Je demande que la chambre prenne une décision formelle à cet égard.
Quand la décision sera prise, M. A. Rodenbach soutiendra que c’est à la valeur
qu’on doit s’attacher pour déterminer le droit ; le rapporteur de la section
centrale prétendra que le droit ne doit être assis que d’après la quantité de
fils qui se trouvent dans le tissage et la chambre décidera quel principe elle
adopte pour la détermination du tarif de la douane.
M. Desmaisières. - Je ne m’oppose pas à la motion d’ordre
faite par l’honorable M. de Robaulx ; on peut fort bien examiner la question
relative aux toiles avant la question relative aux étoupes. Cependant il n’en
est pas moins vrai que hier on a décidé qu’on mettrait à l’ordre du jour et les
toiles et les étoupes.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Aux voix la motion d’ordre.
M.
de Foere. - Je demande
la parole sur la clôture. La motion d’ordre faite par M. de Robaulx est inutile
; il va de soi que nous examinerons la question relative aux toiles, car cette
question ne peut être confondue avec la question relative aux étoupes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois que toute l’assemblée
sera d’accord sur ce qui concerne les toiles ; mais il pourra en être autrement
sur ce qui concerne les étoupes. Il me semble qu’on devrait transformer la
question sur les toiles en un projet de loi séparé...
M. de Robaulx. - C’est l’objet de ma motion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On ferait ensuite un projet sur
les étoupes.
- La chambre ferme la
discussion.
La chambre décide
ensuite qu’elle discutera d’abord le tarif sur les toiles, tarif qui fera un
projet de loi séparé.
Discussion générale
M.
le président. -
La discussion est ouverte sur les toiles.
M. de Robaulx. - Je demande la parole pour provoquer la
discussion, pour la faire réellement naître.
Le projet de M. A.
Rodenbach a pour but de continuer le mode de perception suivi aujourd’hui ; la
section centrale demande que le tarif soit établi d’après un autre système :
elle veut que les toiles en pièces écrues de moins de 8 fils par 100 kilog., paient 40 francs ; que les pièces écrues de 8 à 12
fils exclusivement paient 50 francs ; de 12 à 16 fils, de 16 à 18 fils le taux
varie encore ; il change aussi pour les toiles blanches, pour les toiles
imprimées. La chambre choisira entre le mode de perception basé sur la valeur,
et le mode de perception basé sur le nombre des fils du tissage. Les
observations que je présente ont pour objet de mettre plus d’ordre dans la
discussion.
M. A. Rodenbach. - Le ministre repousse le système présenté
par la section centrale !
M. de Robaulx. - Le ministre peut se tromper. Si vous
décidez que vous ne changez pas le mode de perception des droits je n’ai pas d’observation à faire ; j’en ferai si l’on admet le
mode de perception à la loupe et au poids.
En matière de douanes il
me paraît qu’un petit pays doit autant que possible suivre l’impulsion des plus
grands qui lui sont limitrophes ; en finance comme en politique nous devons
nécessairement suivre l’impulsion de
Dès lors, mon système
est de nous rapprocher autant que possible, en matière de douanes, du système
financier français.
Aujourd’hui, messieurs,
que nous nous rapprochons davantage de
Il y a des personnes qui
dans un amour extrême de l’indépendance en finances, disent :
Voila ainsi que la
modération va être prêchée de ces bancs. (On
rit.) Cela vous étonne ; mais lorsque la modération est raisonnable, je
l’adopte comme un autre.
Dans des questions de
finances et d’industrie, vous avez besoin de
Les indépendants comme
moi trouvent qu’il y a nécessité que, comme puissance du troisième ou quatrième
ordre, nous fassions coordonner notre tarif de douanes avec celui de
Ces
observation préliminaires me conduisent à un résultat.
La section centrale a proposé pour les toiles écrues, par
M.
Jullien. - Du
moment que l’on a admis que l’on ne s’occuperait que de la question des toiles,
il me semble que l’ordre de la discussion est extrêmement simple ; quant à moi,
je n’adopte pas celui que propose l’honorable M. de Robaulx, et même je le renversera complètement.
Au lieu de commencer par
discuter quel sera le mode de perception, il me semble plus logique de discuter
s’il y aura un droit, et ensuite quel sera ce droit.
Il y a deux projet en
présence, l’un de M. de Foere, l’autre de M. Rodenbach ; l’un de ces projets
propose de percevoir le droit en valeur, tandis que l’autre propose de percevoir
le droit à la loupe ou au poids ; voila uniquement en quoi diffèrent les deux
projets.
La
section centrale propose un droit de 7 p. c., l’autre
projet propose 10 p. c. ; d’un autre côté la commission d’industrie dit que
l’élévation du tarif à 10 p. c. serait avantageuse pour le pays. J’adopterai
aussi cette élévation et je ne pense pas qu’aucune puissance étrangère puisse
s’en plaindre.
Je pense que l’ordre de
la discussion est de statuer d’abord sur le point de savoir s’il y aura un
droit, à combien s’élèvera ce droit, et ensuite d’examiner le mode de
perception.
M. A. Rodenbach. - Je ne veux pas attaquer le système de la section
centrale. Je dirai cependant que ma proposition est infiniment plus simple,
puisqu’elle continue ce qui existe déjà. On fait peser maintenant un droit de
1, 2 et 3 p. c. sur les toiles écrues et sur les toiles blanchies ; moi, je
demande un droit de 10 p. c. pour toute espèce de toiles. Ma proposition n’est
qu’une loi temporaire, elle ne durera qu’une année : ce n’est que lorsque nous
ferons un changement complet à notre tarif des douanes que nous devrons
examiner, après l’avoir bien étudiée, la question du mode de perception,
La proposition de la
section centrale est complexe, elle renferme trois systèmes : un système pour
les toiles écrues, un système pour les nappes et serviettes, un système enfin
pour les toiles à matelas. Il est inutile, ce me semble, de discuter ces trois
systèmes puisqu’il s’agit d’une loi transitoire.
Je pense, d’ailleurs,
que le ministère ne veut qu’une légère majoration, puisque le ministère s’est
rallié à ma proposition.
Quant
à ce qu’a dit M. de Robaulx sur le système français, il faudrait, dans ce
système, frapper les toiles d’un droit de 25 à 30 fr. Je pense que nous ne
pouvons le faire.
D’ailleurs cette
objection ne mérite pas qu’on s’y arrête, car
M. Desmaisières. - J’appuie la motion d’ordre de M. de Robaulx
de consulter la chambre sur la question de savoir si on adoptera le mode de
perception proposé par la section centrale ou celui de M. A. Rodenbach. Je pense qu’on ne peut pas, comme le propose M.
Jullien, fixer la quotité du droit avant d’avoir décidé cette question, parce
que cette quotité doit varier d’après le mode qu’on adoptera. Le mode de
perception à la valeur est excessivement défectueux. Quand vous fixez le droit
à 10 p. c., par suite de fausses déclarations, vous ne
percevez pas 6 ; tandis qu’en percevant au poids et à la loupe, si vous fixez
le droit à 7 p. c., vous êtes sûrs d’avoir au moins 6.
On ne peut donc pas commencer
par discuter la quotité du droit, parce que cette quotité ne peut pas être la
même dans l’un et l’autre cas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre ne perdra pas de vue
la manière dont cette discussion a été introduite dans la chambre. Elle se
rappellera qu’un grand nombre de documents et de mémoires avaient été publiés
sur la question des toiles et des lins ; la section centrale avait présenté un
travail très volumineux qui se recommande par un très grand nombre d’aperçus
intéressants ; ce travail était déjà long à étudier en raison de son importance
; d’autres propositions sont venues s’y joindre ; tous ces documents formaient
un volume considérable qu’il a été impossible de méditer dans le court espace qui
a été laissé à la chambre et au ministère, entre la fin de la séance d’hier et
le commencement de la séance d’aujourd’hui.
Cependant, des diverses
questions qui se rattachent à l’industrie linière, le gouvernement a été à même
de se former une opinion sur celle relative aux toiles. Eclairé par le rapport
de la commission d’industrie qui a été distribué, et par d’autres
renseignements qu’il s’est procurés, il pense que la majoration de droit dont
on propose de frapper les toiles à l’importation, peut être admise sans
inconvénient, alors que la durée de la loi est fixée à une année.
Messieurs, la chambre et
le gouvernement seraient à l’instant d’accord, et la loi pourrait être votée
immédiatement, si de son côté la section centrale se rapprochait du gouvernement
en adoptant aussi pour une année la base de perception actuellement existante.
Nous ne voulons pas préjuger la question du mode de perception. Il est possible
que le système proposé par la section centrale assure la perception des droits
d’une manière plus certaine que le système actuel dont la base est la valeur ;
mais je prie de remarquer que la loi n’est proposée qu’à titre d’épreuve et ne
doit avoir qu’une année de durée.
Pendant
ce temps, le gouvernement sera à même d’étudier les effets de la loi,
d’apprécier le mode actuel de perception et de méditer le mode proposé par la
section centrale. Ce mode entraîne un changement entier de système et par suite
de législation. Vous pouvez vous en convaincre en jetant les yeux sur le
tableau qui se trouve à la page septième du rapport. Il contient plusieurs
articles qui donneront lieu à d’assez longues discussions. Je dis donc que si
nous voulons abréger la discussion et satisfaire au vœu plusieurs fois exprimé
dans cette assemblée, de favoriser la production des toiles indigènes en
frappant d’un droit modéré les toiles étrangères, nous devons adopter la
proposition de M. Rodenbach.
Le tarif actuel
continuera d’être appliqué avec une augmentation. On aura contrarié les
habitudes du commerce en ce qui concerne le taux du droit, mais non pour le
mode de perception. C’est une considération que nous ne devons pas perdre de
vue.
M. Jullien. - Il m’est impossible de me rendre aux observations de M. Desmaisières. On ne peut suivre le
mode de discussion qu’il propose, sans renverser les règles de la logique. Vous
voulez déterminer le mode de perception d’un droit avant que ce droit soit
établi.
Commencez par établir le
droit. On me répondra qu’il y a déjà un droit sur les toiles ; mais il est
tellement minime qu’il ne vaudrait pas la peine de changer le mode de
perception, pour laisser le droit actuel. D’ailleurs le but n’est pas de
laisser subsister ce droit, mais de l’élever jusqu’à concurrence de 7 ou 10
p.c. Il me semble que si on veut procéder avec ordre, la première question à
mettre aux voix est celle de savoir si le droit sera élevé. Une fois ce
principe posé, sans déterminer la quotité du droit, on agitera la question de
savoir de quelle manière il devra être perçu. Je comprends que le mode de
perception doit influer sur la fixation de la quotité du droit.
On est d’accord, je
crois, sur l’élévation du droit, et ce ne sera que le mode de perception qui
soulèvera des difficultés.
M. de Robaulx. - J’avais fait ma motion pour simplifier la
discussion, mais je vois que la forme nous conduit beaucoup plus loin que le
fond ne l’aurait fait. Peu m’importe qu’on commence par décider si on
augmentera ou non le droit sur les toiles, il faudra toujours en venir à décider
si on prendra pour base le projet de la section centrale ou celui du ministre ;
et selon moi, il fallait commencer par opter entre ces deux systèmes. Mais si
M. Jullien tient au mode qu’il propose, je n’insisterai pas. Je retirerai ma
proposition.
M. Gendebien. - Nous sommes tous d’accord sur la nécessité
d’augmenter les droits sur les toiles, et il est inutile, ce me semble, d’aller
aux voix sur cette question. Quant à la seconde question, je pense qu’il
importe de décider d’abord le quantum du droit, sauf à régler ensuite le mode
de perception. Quand vous aurez décidé que le droit sera augmenté de 7 ou 10 p.
c., la discussion s’ouvrira sur la question de savoir
si le droit se percevra d’après la valeur estimative ou au poids et à la loupe.
Vous aurez des modifications à faire au chiffre, suivant le mode que vous
adopterez.
On est d’accord qu’en
percevant le droit d’après la valeur, si on fixe le droit à 10 p. c., on perçoit 7. Eh bien, si vous adoptez ce mode et que
vous vouliez un droit effectif de 7 p. c., vous
porterez 10 dans la loi. Si au contraire vous faites percevoir le droit au
poids et à la loupe, comme les chances de fraude sont moindres pour avoir 7
vous porterez 8. La question est donc de savoir si vous voulez percevoir
réellement 7, 8 ou 10 p.c. sur les toiles étrangères.
M. de Robaulx. - Je crois que si la question était plus
nettement posée, nous finirions par nous entendre. Il me semble qu’il serait
plus naturel de discuter d’abord lequel des deux systèmes l’on adoptera. Ce
premier point une fois vidé, la discussion ne portera plus que sur le taux du
droit à imposer aux toiles étrangères. Si vous décidez que le droit sera perçu
suivant la valeur de l’objet manufacturé, vous continuerez le système adopté
dans le tarif actuel. Du reste, puisqu’on insiste, je retire toute motion. Je
demande seulement que l’on ferme la discussion générale, et quand on en viendra
aux articles, alors on pourra établir la priorité entre le taux du droit et le
mode dont il sera perçu.
M. de Foere. - Il me paraît incontestable qu’il faut
suivre le mode de discussion proposé par les honorables MM. Gendebien et
Jullien. Il faut d’abord poser ces questions : Y aura-t-il augmentation du
droit d’entré sur les toiles ? Quelle sera cette augmentation ? Puis viendra en
dernier lieu la troisième question que l’on pourra poser en ces termes : Quel
sera le mode de perception du droit ? On modifiera le tarif alors conformément
aux décisions que la chambre aura prises. Du reste, les deux propositions,
présentées par l’honorable M. Rodenbach, la deuxième par moi, peuvent être
facilement coordonnées. Si l’on reconnaît que le droit doit monter réellement à
10 p. c., il faut, dans le système de M. Rodenbach,
adopter un chiffre fictif de 13 p. c. Si c’est à mon système que l’assemblée
donne la préférence, le chiffre du droit sera le chiffre réel et représentera
un quantum sans déduction de non-valeur présumée.
M. Desmaisières. - Du moment qu’il est bien entendu que l’on
ne fixe que provisoirement le taux du droit d’entrée sur les toiles, sauf à
l’appliquer ensuite au système de perception qui paraîtra le plus convenable à
la chambre, je ne m’oppose plus à ce que l’on entame la discussion du montant
de ce droit.
- La motion d’ordre
présentée par M. Jullien est mise aux voix et adoptée.
M.
le président. -
Je vais mettre aux voix la question de savoir si le principe de la majoration
du droit d’entrée sur les toiles est admis par la chambre.
M. Verdussen. - Je ne m’oppose pas à la majoration du droit
d’entrée sur les toiles. J’ai demandé la parole pour faire une observation
tendant à éclairer la chambre sur le vote qu’elle va émettre. Je remarque que,
dans le tableau annexé au projet de loi présenté par la section, le tarif belge
contient plusieurs espèces de produits manufacturés qui ne se trouvent pas
comprises dans la proposition de l’honorable M. Rodenbach. Or, M. Rodenbach
prétend-il que la majoration de droit qu’il sollicite ne porte que sur les
objets mentionnés dans sa proposition ? S’il en était ainsi, il ne faudrait pas
poser la question de savoir si le droit d’entrée sur les toiles étrangères sera
majoré mais bien si l’augmentation portera sur telle ou telle espèce de toiles.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La question posée par M. le
président n’a rapport qu’au système de majoration du tarif en thèse générale,
Mais la décision que prendra la chambre n’exclut pas la faculté de présenter
des amendements sur les espèces de toiles que l’on croirait ne pas devoir
comprendre dans la mesure prise à l’égard de cette branche d’industrie.
-
La question d’augmentation du droit d’entrée sur les toiles étrangères est mise
aux voix et résolue affirmativement par la chambre.
M.
le président. -
La discussion est ouverte sur la question de savoir quelle sera cette
augmentation.
M.
de Foere. -
Avant de décider cette question, la chambre doit bien se déterminer sur le
principe posé par M. Rodenbach qui suppose 3 p.c. de perte sur la perception du
droit, et qui, en demandant 10 p. c. de droit, n’a en réalité demandé que 7 p.
c. Je proposerai pour ma part que ce droit soit en réalité de 10 p. c. En
élevant ainsi ce droit, nous resterons à 20 p. c. au-dessous de nos rivaux. Les
nations voisines y trouveront encore un avantage. Du reste, si cela avait été possible,
j’aurais préféré que le droit eût été beaucoup plus élevé. La seule manière de
contracter avec d’autres nations est d’agir avec elles sur le pied de la plus
parfaite réciprocité. Pour les forcer à nous accorder une part égale de
bénéfices dans les échanges que nous faisons avec elles, il faut conserver
l’équilibre dans la balance des droits prohibitifs et ne jamais rester en
arrière chaque fois qu’elles prennent une mesure nouvelle en matière de
douanes.
L’Angleterre ne se
serait pas départie de son système exclusif si les nations voisines ne l’y
avaient forcée en élevant les droits contre l’entrée de ses produits au taux
des droits qu’elle imposait aux leurs.
Il
s’est établi dans notre pays une fausse idée de la liberté commerciale. Cette
liberté ne consiste pas à ouvrir la porte à tous les produits étrangers aux
dépens des produits nationaux, mais bien à traiter les nations voisines sur le
pied de la plus parfaite réciprocité. C’est à l’influence de l’opinion
généralement admise en matière de liberté commerciale que la section centrale
paraît avoir cédé, en proposant une aussi faible augmentation du droit.
Puisque
la loi tend à empêcher l’introduction des toiles étrangères, il fallait adopter
un droit d’entrée qui fût au niveau de celui que
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le droit de 10 p. c. proposé par
M. de Foere est donc le même que celui que présente M. Rodenbach.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - M. Rodenbach propose bien 10 p. c., mais ce
droit, selon son système, ne sera véritablement que de 7 p. c., tandis que M.
de Foere demande un droit réel de 10 p. c. Le système de M. de Foere est
conforme à celui de la section centrale qui suppose une perception réelle,
efficace, tandis que l’honorable M. Rodenbach admet la possibilité d’une fraude
enlevant au trésor public 3 p. c. sur le droit imposé à l’entrée des toiles
étrangères.
Les
10 p. c. proposés par M. de Foere devraient être portes à 13, si la chambre
adoptait la proposition de M. Rodenbach qui maintient le système de perception
actuellement existant.
M. Legrelle. - Je vous avoue que je ne conçois rien à
cette méthode. Ce n’est pas un droit imaginaire que la chambre doit voter. Si
M. de Foere demande réellement un droit de 13 p. c.,
qu’il le dise. A quoi bon demander un droit qui ne saurait être perçu ? Ce
n’est pas de cette manière qu’une bonne législation doit procéder.
M. A. Rodenbach. - Si nous ne voulons pas discuter pendant
trois ou quatre heures, nous devons prendre une décision sur la question de
savoir si la chambre veut suivre dans la discussion la proposition de la
section centrale ou la mienne.
L’honorable M. de Foere
a paru regretter que le droit proposé sur les toiles étrangères fut aussi peu élevé. J’ai déjà répondu à cette objection, en
annonçant à la chambre que j’avais subordonné le taux
du droit que je propose à la nature de notre système de douanes. Je conçois que
la position insulaire de l’Angleterre lui permette d’exercer une surveillance
active et de prévenir la fraude. Je conçois également que
L’honorable M. Coghen
nous a communiqué une pièce qui constate ce que j’avance.
Je persiste donc à
borner le taux du droit que je demande à 7 p. c. réels ou 10 p. c. fictifs.
M.
Bekaert. - Deux
systèmes sont en présence : l’un assure à l’industrie une protection vraie,
efficace, l’autre ne lui offre qu’une protection illusoire, mensongère. Votre
choix ne saurait être douteux. M. Rodenbach, défenseur du mode de percevoir les
droits à la valeur, est franchement convenu que, de cette manière, le droit de
10 p. c. dont on frapperait, à l’entrée, les toiles étrangères, ne s’élèverait
en réalité qu’à 7 p. c. ; il a donc argumenté lui-même
pour faire rejeter ce mode. Un impôt protecteur doit être une vérité et non pas
un mensonge.
L’assiette du droit au
poids est donc le seul mode qui puisse convenir, parce qu’il est le seul juste,
le seul qui soit en rapport avec les exigences de l’industrie linière. Mais,
dit M. Rodenbach, mon système est moins compliqué, il offre plus de facilité
dans l’exécution. L’honorable membre voudra bien me permettre de soutenir le
contraire. Je ne pense pas qu’il y ait un seul douanier qui fût capable
d’estimer la valeur d’une balle de toiles blanches, tandis que tous les
employés sauront faire usage de la balance et du compte-fils. D’ailleurs,
j’observerai qu’un impôt dont l’assiette n’a d’autre base qu’une opinion
individuelle peut prêter à la faveur comme à l’arbitraire ; vice radical qu’il
ne faut point introduire dans la loi.
Mais, dit M. Rodenbach,
un droit réel de 10 p. c. est trop élevé, il donnerait lieu à la fraude. Je
demanderai la permission de répéter ce que j’ai déjà eu l’honneur de dire,
qu’une semblable protection serait encore de 25 p. c. inférieure à celle dont
l’industrie linière est en possession chez nos voisins, tandis que l’équité
demanderait que cette protection fût aussi élevée en Belgique qu’elle l’est en
Allemagne, en Angleterre et en France. En effet nos établissements
industriels doivent nous être aussi chers que le sont à nos rivaux ceux qu’ils
possèdent, et quant à la fraude, peut-on admettre qu’elle serait plus facile
chez nous que chez nos voisins ? nos frontières ne
sont-elles point réciproquement les mêmes, ou nos douaniers seraient-ils moins
actifs, moins intelligents que les douaniers français ou allemands ? Au
surplus, il incombe au gouvernement d’empêcher ou de prévenir toute
infiltration suspecte ou frauduleuse. Mais, dit encore M. A. Rodenbach, vous
voulez faire usage du mode de perception qui se trouve
établi en France, et c’est l’Allemagne qui nous inonde de ses toiles ; eh bien,
ce sera contre l’Allemagne que nous emploierons le poids et la loupe. Ce mode
est établi avec succès contre nos produits ; pourquoi n’en ferions-nous point
usage contre les produits de nos rivaux ? Si nous désirons une nouvelle loi sur
la matière, c’est incontestablement pour l’avoir meilleure que celle qui
existe. Il ne faut donc point dédaigner les leçons de l’expérience ; si, en
effet, nous voulons protéger l’industrie, nous devons avoir recours aux moyens
reconnus efficaces pour atteindre le but que nous nous proposons.
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
La chambre doit décider si elle donnera la préférence au mode de perception que
je propose, ou au mode de perception proposé par la section centrale.
M. Legrelle. - C’est la seule manière d’en finir !
M. Dumont. - La question principale dont la chambre doit
s’occuper, c’est de savoir quelle sera l’augmentation du droit à l’entrée des
toiles étrangères. Celle de M. de Foere et A. Rodenbach sont semblables en ce
sens qu’elles ont pour but une augmentation égale du droit actuel ; mais on
arrive à cette augmentation par un mode de perception différent ; et M. A.
Rodenbach, pour obtenir une augmentation de 7 p. c.,
en propose une de 10 p. c. sur la valeur des toiles ; il pense que la fraude
enlèvera à 3 p. c. La section centrale dit avec beaucoup de raison qu’il ne
faut élever les droits que modérément ; que c’est là
le plus sûr moyen de diminuer la fraude.
Il
n’est pas difficile de montrer qu’en élevant le droit de 7 p.c., le fraudeur
peut encore faire des bénéfices assez considérables ; je demande donc que
l’augmentation ne dépasse pas ce taux, et que l’on emploie le mode de
perception qui donnera exactement cette augmentation du droit.
M. Desmaisières. - Je m’oppose à la nouvelle motion d’ordre
faite par M. A. Rodenbach. Nous
avons décidé que nous examinerions s’il fallait augmenter le droit sur les
toiles à leur entrée ; cette question ne rencontre pas d’opposition.... (Aux voix aux voix ! la clôture !)
M.
de Foere. - Je
ne sais pas ce que l’on peut mettre aux voix.
-
Plusieurs membres quittent leurs banquettes et sa retirent.
M.
Fleussu. - Nous
ne sommes plus en nombre pour délibérer.
M. Gendebien. - Il faut savoir d’abord si l’on percevra 7
on 10, abstraction faite du mode de perception. Veut-on encourager l’industrie
? élevez le droit perçu actuellement, mais dites de
combien il faut l’élever.
M. de Robaulx. - Je ne comprends pas que l’on puisse voter 7
p. c., par exemple, pour les deux systèmes de
perception. J’ai demandé que l’on se rapprochât du système français : en
augmentant de 7 p. c. cela produira un droit qui, comparé à celui de
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - Le tarif français n’est pas ce qui doit nous occuper en ce moment.
D’après tous les renseignements qui nous sont parvenus, tous les avis que nous
avons reçus, l’augmentation du droit sur l’entrée des toiles doit être de 7 p.
c. de leur valeur. Si on adopte le système de la section centrale, il faudra
laisser le chiffre 7 ; si on adopte le mode proposé par M. Rodenbach, on aura 7
en posant le chiffre 10.
M. A. Rodenbach. - Remarquez bien que dans la
proposition de la section centrale il y a trois systèmes : un pour les toiles
écrues, un pour les toiles à matelas…
M. Gendebien. - Qu’importe ; admettez le chiffre 7, par
exemple, on discutera ensuite article par article selon les espèces de tissus !
- La chambre ferme la
discussion.
La chambre décide que la
délibération est ouverte sur le mode de perception.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le système proposé par M.
Rodenbach est le plus simple ; il ne change rien dans le mode de perception
actuelle ; il ne change que le chiffre du tarif.
M. Gendebien. - La question n’est pas de savoir quel est le
mode le plus simple ; il est de savoir quel est le mode le plus utile à
l’industrie : ce ne sont pas les commodités de l’administration que nous
recherchons ; c’est l’intérêt de l’industrie qui nous occupe. Le mode de
perception proposé par la section centrale est-il meilleur pour l’industrie,
que celui proposé par M. Rodenbach ? voilà la
question.
M. Desmaisières, rapporteur. - Rapporteur de la section
centrale, je dois soutenir sa proposition ; mais, dans ce but je n aurai pas
besoin de faire de grands effort. La section centrale a pris des renseignements
près de M. le ministre des finances ; elle a recueilli ce qu’on lui a dit et
j’en présente le résumé en ces termes dans mon rapport (page 56).
« Enfin, pour ce
qui est des toiles et autres tissus de lin, comme il s’agissait ici
d’introduire dans notre système de douanes un mode de perception dont notre
tarif général n’offre aucun exemple, nous avons cru devoir consulter à cet
égard le ministre des finances, qui nous a fait connaître que son opinion ne
pourrait être bien fixée à l’égard de cette question, qu’il considère comme
aussi importante que celle du taux de l’impôt lui-même, que lorsque les
discussions de la législature auront fait voir tous les inconvénients et tous
les avantages de ce système. Cependant, animé du vif désir de contribuer à
éclairer le vote de la section centrale autant qu’il lui était possible, il
nous a transmis diverses notes, dont la substance suit :
« Le tarif actuel impose
les toiles de lin à la valeur. Ce mode paraît le plus simple dans son
application, surtout quand il ne s’agit que d’un droit peu élevé. Il suit le
plus directement la proportion relative du prix de la marchandise ; mais il a l’inconvénient
de n’être équilibré que par le moyen coercitif de la préemption, qui, de sa
nature, est subordonnée au discernement et à l’opinion des employés. Il laisse
donc sous ce rapport beaucoup à désirer, surtout dans l’intérêt du trésor.
« Le mode de perception
au poids présente une base plus matérielle et plus certaine, mais a
l’inconvénient de faire peser l’impôt sur la marchandise dans une proportion
inverse de sa valeur, vu que les tissus fins et de plus grande valeur pèsent
moins que les tissus grossiers et de moindre valeur.
« En France, on a adopté
un mode mixte, qui consiste à imposer les toiles au poids, mais
proportionnellement au degré de finesse, dont on s’assure au moyen d’un
instrument appelé compte-fils.
« Ce mode écarte la
nécessité de la préemption et prévient la disproportion du droit relativement à
la valeur. Sous ce rapport, il paraît offrir de l’avantage sur les deux autres.
Son application au tarif des douanes belges, par rapport aux toiles, serait un
essai dont l’expérience seule pourrait démontrer les avantages ou les
inconvénients sur les autres modes.
« Le tarif belge actuel
présente, à l’article draps, aussi un mode mixte, composé de deux éléments
combinés avec le poids et la valeur ; mais dont il est aisé d’apercevoir la
différence avec celui du poids combiné avec une base également positive et
matérielle, comme celle du degré détermine de finesse.
« La loi générale des
douanes du 26 août 1822, n°38, est basée sur quatre moyens simples, quelquefois
combinés entre eux, savoir :
« La quantité ou le
nombre ;
« Le poids ;
« La mesure ;
« Et la valeur.
« Les toiles y sont
imposées à la valeur, élément qui, renfermant toutes les spécialités sous une
seule base, rend très simple la forme de déclaration de cette marchandise et la
vérification de la part des employés du gouvernement.
« Introduire un
cinquième moyen de perception pour les toiles, celui du degré de finesse, c’est
créer pour cet article un régime spécial et exceptionnel au mode général du
système actuel des douanes ;
« C’est nécessiter
une désignation distincte de toutes et chacune des spécialités des tissus, afin
de ne pas laisser de doute dans l’application du tarif ;
« C’est enfin rendre
indispensable l’addition à faire dans la loi qui établira cette nouvelle
tarification d’un règlement législatif posant les conditions et les obligations
expresses attachées à ce moyen exceptionnel de perception, qui exigera, tant à
l’égard de l’importation que du transit, une vérification plus détaillée, plus
compliquée que celle du moyen à la valeur.
« Sons ce rapport, il y
aurait de l’avantage à majorer purement et simplement les droits à la valeur
actuellement existants, parce qu’ainsi on ne devrait apporter ni aucune
addition, ni aucune modification au régime de douanes, dont on conserverait
ainsi toute la simplification à l’égard de cette marchandise.
« Si, au contraire,
la législature pensait que, par suite de considérations d’intérêts industriels
et commerciaux, il y a lieu à admettre le mode exceptionnel proposé, il
deviendrait indispensable d’en déterminer très explicitement et sans lacune la
forme et les conséquences. »
Voici maintenant les
réflexions que fait la section centrale :
« Vous voyez,
messieurs, que M. le ministre des finances fait dépendre l’adoption ou le rejet
du nouveau mode à introduire de la question de savoir si les intérêts de
l’industrie et du commerce réclament ce mode oui ou non.
« S’ils ne le réclament
pas, il devient plus rationnel, dit-il, de se borner à majorer les droits actuellement
établis à la valeur ; de cette manière on conserve le régime actuel des douanes
à l’égard de cette marchandise ; les employés du gouvernement en ont
l’habitude, et il est d’ailleurs bien plus simple que celui qu’on propose.
« S’ils le réclament,
alors il ne faut pas balancer à l’adopter ; mais il nécessite des additions et
modifications (en ce qui concerne ce nouveau tarif partiel) à la loi générale
des douanes.
«
La section centrale a pensé que cette question ne faisait pas doute.
« Oui, a-t-elle répondu,
les intérêts de l’industrie et du commerce réclament l’introduction de ce mode
de perception.
« D’abord,
avons-nous dit avec M. le ministre des finances lui-même, ce mode écarte la
nécessité de la préemption qui existe dans celui de la taxation à la valeur, et
prévient la disproportion du droit relativement à la valeur impossible à éviter
dans le mode d’imposition au poids seulement. »
Je pense, messieurs, que
les paroles que je viens de citer de M. le ministre des finances, sont en
contradiction avec le système qu’il a soutenu aujourd’hui.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai raisonné avec la section centrale dans
l’hypothèse d’un système complet tandis qu’aujourd’hui il s’agit d’un seul
article. Je dis que le système de M. Rodenbach est préférable à tout autre,
parce qu’il rentre dans le système qui est en vigueur ; d’ailleurs, c’est sous
la forme du doute, c’est en raisonnant sur tous les modes de perception, que
j’ai entretenu une correspondance avec la section centrale.
M. Desmet. - Il est impossible maintenant, il me semble, d’adopter la proposition
de M. Rodenbach ; cette proposition était bonne sous le régime hollandais, mais
aujourd’hui il faut adopter un système anglais et français.
J’appuierai le droit
établi par la section centrale.
M. A. Rodenbach. - Il est naturel que je soutienne ma
proposition, mais je ferai remarquer que je ne suis pas le seul. Plusieurs
chambres de commerce, et entre autres la chambre de commerce de Bruxelles l’ont
approuvée ; la commission supérieure d’industrie l’a également approuvée ; elle
a pensé que jusqu’à ce que nous ayons changé notre tarif de douanes on ne
pouvait mieux faire que de l’adopter. (A
demain ! à demain !)
- La séance est levée à
4 heures 1/2.