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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 10 juin 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative aux droits d’entrée et de sortie sur les céréales (Eloy de Burdinne, d’Huart, A. Rodenbach, de Theux, Rogier, Coghen, Eloy de Burdinne, de Theux, d’Huart, Rogier)
3) Projet de loi d’organisation provinciale. Second vote des articles
a) Incompatibilités avec les fonctions de commissaire d’arrondissement (Rogier, H. Dellafaille, Rogier, Eloy de Burdinne, Pollénus, de Theux, Eloy de Burdinne, Dubois, Milcamps, Doignon)
b) Du conseil provincial (Verdussen, H. Dellafaille, de Theux, Verdussen, de Theux, Rogier, de Theux, Dubus), prestation de serment (portant plus particulièrement sur l’exclusion perpétuelle des Nassau) (Pollénus, H. Dellafaille, de Theux, Pollénus, Dubus), fonctionnement du conseil provincial (Verdussen, de Theux, Verdussen, H. Dellafaille, Gendebien), approbation du règlement d’ordre intérieur par le Roi (Dubus, Rogier, Fallon, Rogier, Fallon, Dubus, Rogier, Ernst, Lebeau, d’Huart, de Theux, Gendebien, Rogier, Dubus, Gendebien)
(Moniteur
belge n°162, du 11 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à midi et demi.
M. H. Dellafaille fait l’appel nominal.
M.
Liedts donne
lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. H. Dellafaille expose sommairement l’objet des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La dame Closchaert, veuve Fermant,
exploitant une ferme, avec terres, sise aux polders sur la lisière qualifiée
hollandaise-et belge, demande de pouvoir transporter ses produits en franchise
de droit au marché d’Eccloo. »
« La douairière Lefebvre
réclame l’entremise de la chambre pour obtenir une réponse aux deux pétitions
que son mari a adressées à M. le ministre des finances, pour obtenir la
liquidation d’une engagère qui a été fournie au
gouvernement autrichien. »
« Cinq propriétaires de
houillères du levant de Mons s’élèvent coutre la réclamation adressée à la
chambre pour les exploitants de Charleroy, tendant à arrêter l’exécution des
embranchements du canal de Charleroy à Bruxelles vers Marimont-Houdain. »
- Ces pièces sont
renvoyées à la commission des pétitions.
M. Van Hoobrouck demande et obtient un congé.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE AUX DROITS D’ENTREE ET DE SORTIE SUR LES CEREALES
M. Coghen, rapporteur de la commission d’industrie,
chargée de l’examen du projet de loi présenté par M. Eloy de Burdinne, sur les
céréales, donne lecture du rapport de cette commission. (Nous le ferons
connaître.)
- L’impression du
rapport est ordonnée par la chambre.
M. Eloy de Burdinne. - Je serais assez
tenté de me rallier aux propositions de la commission d’industrie, si je ne craignais
qu’il ne pût être discuté et adopté, quant à ses conclusions, avant notre
séparation. Si je les ai bien comprises, elles sont de nature à blesser bien
des oreilles dans cette chambre ; il s’agit de prohibition. Le système gradué
que j’ai proposé me semble infiniment préférable. Ce qui me porte en outre à ne
pas me rallier aux conclusions de la commission d’industrie, c’est la
comparaison que j’ai faite du temps que l’on met à faire une loi en France et
dans notre pays. Le projet de loi sur les céréales fut soumis à la chambre des
députés le 8 mars ; il fut développé le même jour. Le rapport sur ce projet fut
fait le 10 avril suivant. Le 18 du même mois, la discussion fut ouverte, et
quoiqu’elle eût subi quelques interruptions, le 4 mai 1821 le projet fut adopte
à la majorité de 282 voix contre 54.
En Belgique au contraire
le projet de loi que j’ai présenté sur le même objet a nécessité pour le
rapport un examen de cinq mois, de sorte que si l’on présente un nouveau
projet, en supposant même que les renseignements pris sur le premier puissent
servir à sa confection, il n’en résultera pas moins un délai nouveau plus ou
moins long ; et je doute que la chambre consente à se constituer en permanence
pour voter dans la session actuelle la loi que l’industrie agricole réclame.
Cependant, messieurs, il ne faut pas se le dissimuler. Cet objet important ne
souffre aucun retard. Je vous garantis que si la loi n’est pas votée avant la
récolte, le pays sera inondé des céréales étrangères, à moins que
Permettez-moi,
messieurs, de vous exposer, à l’appui de l’urgence d’une loi sur les céréales,
le relevé des produits agricoles de cette nature introduits en 1832 dans la
Belgique. L’étranger y a déversé la valeur d’un capital de 22,653,000
francs, supérieur de cette somme à celui qui représente nos exportations. Et
ces 22 millions que nous avons donnés à l’étranger, c’est comme si nous les
avions jetés à la mer. Car toutes les céréales venant des pays étrangers sont
destinées à être dévorées par des insectes de toute nature, à être la proie des
charançons, des souris, des rats. (Hilarité.)
Vous riez, messieurs, mais c’est là un fait positif, et il n’y a pas de quoi
rire.
M.
de Sécus. - C’est très vrai.
M. Eloy de Burdinne. - On me dira que
les grains étrangers ne sont pas entrés en aussi grande quantité en 1833. Ceci
est très exact. Cependant, malgré le tarif que vous avez rétabli, il en est
entré pour une valeur de 7 millions. Depuis le mois de janvier cependant
l’importation des grains étrangers continue : il en est entré pendant les mois
d’avril et de mai 1,553 hectolitres dans la province de Liége, venant de la
Prusse. J’entends M. le ministre de l’intérieur dire que cette quantité est de
peu d’importance. Je dis que l’introduction des céréales étrangères, quelque restreinte
qu’elle soit, fait infiniment de tort à nos agriculteurs qui ne savent que
faire des leurs. Si le système actuel continuait à être en vigueur, le
gouvernement n’aurait qu’à demander aux étrangers de payer la contribution
foncière.
Il faut un peu songer au
sort de la population agricole. Elle a mérité par son patriotisme la
sollicitude de la nation. Elle a fait pendant la révolution des sacrifices que
n’auraient pas faits les autres industries si on en avait appelé à leur amour
du pays. (Marques d’approbation.)
M.
Helias d’Huddeghem. - Cela est vrai.
M. Eloy de Burdinne. - Je terminerai là
mes observations. Je me réserve de parler dans un autre moment.
M.
le président. - Je ferai observer à la chambre que 5 sections ont déjà
examiné le projet présenté en dernier lieu par M. Eloy de Burdinne ; la section
centrale doit nécessairement nommer un rapporteur. Je crois qu’il serait
convenable de remettre la discussion jusqu’à la présentation de son rapport.
M. d’Huart. - J’ai demandé la parole pour appeler
l’attention de la chambre sur l’ordre de ses travaux. Il me semble qu’il
conviendrait que l’on fixât un jour pour la discussion des conclusions du
rapport de la commission d’industrie. Il s’agirait alors de savoir si le
gouvernement a l’intention de présenter un projet de loi sur les céréales,
comme il y est invité par la commission d’industrie. S’il y consentait, la loi
transitoire présentée par l’honorable M. Eloy de Burdinne deviendrait inutile,
puisque le but qu’il veut provisoirement atteindre serait définitivement
rempli.
L’argument d’où résulte
à l’évidence l’urgence d’une loi sur les céréales, c’est l’unanimité des avis
que M. le rapporteur de la commission nous a fait connaître sur le but, sinon
sur les moyens.
Comme la loi communale
n’est pas encore à l’ordre du jour, et qu’après le vote définitif de la loi
provinciale il se pourrait qu’il y eût une lacune dans nos travaux, il semble
désirable que la discussion sur les conclusions de la commission d’industrie
puisse avoir lieu immédiatement.
M. le président. - Je puis annoncer à la chambre
que le rapport sera imprimé et distribué demain soir à messieurs les membres.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai si le
rapport de la section centrale sur la proposition de M. Eloy de Burdinne sera
fait en même temps. Ce qu’il y a de plus important à discuter sur la matière
qui nous occupe, c’est le principe. Si j’ai bien compris le rapport de la
commission supérieure d’industrie, ses conclusions sont des conclusions
conditionnelles. Il s’agira de savoir si le ministre de l’intérieur se rallie
au système de minimum et de maximum quelles proposent. Il pourra en même temps
nous donner sur cette grave question de plus amples éclaircissements en nous
communiquant les documents qu’il doit avoir en sa possession. Munis de ces
pièces et des rapports de la commission d’industrie et de la section centrale,
nous pourrons voter le principe.
M. de Theux. - Il me semble qu’il ne
s’agit pas encore de discuter le principe. Je désirerais savoir vers quelle
époque nous aurons des conclusions précises sur le projet de loi présenté par M. Eloy de Burdinne. Si ce temps était
rapproché, l’on pourrait coordonner les conclusions de la commission
d’industrie et les observations du gouvernement avec le système de M. Eloy de
Burdinne, qui pourrait demeurer la proposition principale et que l’on pourrait
modifier par des amendements.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le
gouvernement est prêt à se mettre en rapport avec la commission d’industrie. On
ne peut répondre du temps qu’il faudra au gouvernement et à la commission pour
présenter à la chambre un projet de loi susceptible de recevoir son approbation
; mais néanmoins je puis répondre de mon zèle. Le ministère est prêt, je le
répète, à se mettre en rapport avec la commission d’industrie et à lui fournir,
ainsi qu’à la chambre, tous les documents qui sont en sa possession. Toutefois,
la chambre ne doit pas perdre de vue qu’une bonne loi de céréales est une chose
difficile â faire. Or, pour faire une chose difficile, il faut du temps.
M. Coghen, rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur
vient de déclarer qu’il voulait bien se rallier à la proposition que j’ai eu
l’honneur de vous faire comme rapporteur de la commission d’industrie. Jamais
je n’ai douté un instant que le gouvernement n’agît ainsi ; il apprécie trop
bien les intérêts du pays pour ne pas se rallier aux conclusions que la
commission d’industrie vient de prendre par mon organe.
Cette loi, messieurs,
est très urgente ; car nous ne pouvons nous dissimuler que le prix avili des
céréales est une véritable calamité et qu’il donnera lieu à un grand nombre de
justes réclamations auxquelles nous ne pourrons faire droit si nous ne prenons
pas immédiatement des mesures de précaution, parce qu’alors le mal sera fait.
Je
crois que si M. le ministre de l’intérieur est dans l’intention de donner les
documents nécessaires à la commission d’industrie, elle pourra, en se
concertant aussi avec M. le ministre des finances, présenter un projet de loi
immédiatement ; et l’opinion des états députés, des chambres de commerce et des
commissions d’agriculture est connue, car les bases en sont très simples. Je ne
doute pas qu’avant la fin de la semaine il ne pût être soumis à la chambre.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai entendu M.
le ministre de l’intérieur dire qu’une bonne loi de céréales était une chose
difficile à faire. Toutefois je ne doute pas qu’il ne soit en état d’en faire
une bonne.
Oui la législation des
céréales serait une chose difficile, si nous n’avions pas sous les yeux la
législation en vigueur chez nos voisins. Il ne s’agit que d’ouvrir le Moniteur Universel du 1er semestre de
1831, pour y puiser tous les principes pour ou contre le projet de loi que j’ai
eu l’honneur de vous soumettre ; on y trouvera tous les arguments pour et
contre le système que j’ai proposé.
Mais qu’à cela ne tienne
: dès qu’on donne la promesse formelle de prendre des mesures efficaces avant
que nous ne nous séparions, je ne tiens pas à ce qu’on s’occupe de mon projet ;
je tiens à ce que des mesures soient prises : mais peu m’importe de qui elles
viennent, du moment qu’elles rempliront le but de ma proposition. Mais s’il
faut le dire, je crains que nous n’ayons rien. Comme je l’ai dit, lorsque j’ai
fait ma première proposition et qu’on l’a envoyée aux commissions
d’agriculture, aux chambres de commerce, etc., c’était la renvoyer aux calendes
grecques ; sinon aux calendes grecques, à cinq mois de là, et vous pouvez en
juger, puisque c’est le 5 janvier que j’ai fait ma proposition.
Mais
croyez-vous que la commission d’industrie, en se concertant avec le ministère,
ne dirait pas : Vous ne pouvons supporter la
responsabilité d’une telle loi. Songez qu’il ne s’agit pas d’échelle graduée, mais
de prohibitions. Or, les économistes crient haro sur les prohibitions ; ils ne
veulent pas en entendre parler. Lorsque la commission d’industrie sera
assemblée avec les ministres, on dira : La question est importante, la question
soulève des intérêts graves ; il faut consulter le commerce, l’industrie
par-ci, la navigation par-là. On consultera l’industrie, les chambres de
commerce ; on consultera tout le monde ; et en définitive nous n’aurons rien.
J’insiste donc pour que
la proposition de loi transitoire que j’ai soumise à la chambre le 5 de ce
mois, ne soit pas abandonnée.
M. de Theux. - D’après la déclaration
faite par l’honorable rapporteur de la commission d’industrie, il me paraît
inutile d’insister. Il est évidemment utile que le gouvernement se mette en
rapport avec la commission d’industrie, qui a recueilli un grand nombre de
documents sur la question dont il s’agit.
Je demande que le projet
de l’honorable M. Eloy de Burdinne ne soit pas retiré, et qu’il soit discuté en
concurrence du projet que présentera la commission d’industrie. La discussion
s’ouvrira sur les deux projets ; et la chambre décidera entre les principes de
l’un et de l’autre.
M. d’Huart. - Du moment que le ministre est
disposé à se mettre en rapport avec la commission d’industrie pour préparer un
projet de loi, puisque les conclusions de la commission ne tendaient pas à
autre chose, il me semble qu’il n’y a plus lieu à discussion sur cet objet.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Jamais le gouvernement ne
s’est refusé à s’associer à la commission d’industrie pour élaborer un projet
de loi. Je crois que si, au lieu de s’adresser à la chambre, la commission
s’était adressée directement au ministère, on aurait gagné du temps ; et elle
aurait trouvé le ministère aussi bien disposé si elle avait demandé son
concours par un acte officieux, qu’en le demandant par un acte officiel.
Quant à ce qu’a dit
l’honorable rapporteur, que le projet de loi pourrait être présenté à la fin de
la semaine, je ne doute pas des lumières et du zèle de la commission ; mais je
ne m’associerai pas à cette promesse que je craindrais de ne pas tenir ; il ne
me paraît guère possible de pouvoir présenter pour cette époque un travail
complet. Mais je renouvelle l’assurance de m’associer avec tout le zèle dont je
suis capable à la commission d’industrie, pour que le plus tôt possible les
mesures nécessaires soient prises.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION PROVINCIALE
Second vote des
articles
Titre V. Des incompatibilités
M.
le président. - La chambre est arrivée au titre V : des
incompatibilités. Son premier article a été amendé et est ainsi conçu :
« Art. 40. Ne
peuvent être membres du conseil provincial :
« 1° Les membres de la
chambre des représentants ou du sénat ;
« 2° Le gouverneur
de la province ;
« 3° Le greffier
provincial ;
« 4° Les commissaires
d’arrondissement ;
« 5° Les directeurs
du trésor, les receveurs ou les agents comptables de l’Etat ou de la province ;
« 6° Les employés
au gouvernement provincial, ainsi que les employés aux commissariats
d’arrondissement et de milice. »
La discussion est
ouverte sur cet article.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le rapport de la section
centrale sur le nouvel article des incompatibilités n’avait pas compris dans
les incompatibilités avec les fonctions de conseiller provincial celles de commissaire
d’arrondissement. C’est par un amendement qui est passé à peu près sans
discussion et à une assez forte majorité que cette incompatibilité a été
introduite dans l’article.
Je viens demander le
retranchement du paragraphe 4 qui concerne les commissaires d’arrondissement.
S’il s’agissait de former un corps politique, on concevrait jusqu’à certain
point qu’on voulût en exclure une classe de fonctionnaires qui ont un caractère
politique. Mais lorsqu’il s’agit de former un corps purement, exclusivement
administratif, on conçoit moins facilement qu’on veuille exclure d’un tel corps
des fonctionnaires administrateurs.
Par le mode d’élection
que vous avez adopté, les intérêts cantonaux seront représentés, il y aura des
représentants cantonaux ; mais les intérêts d’arrondissement n’auront pas de
représentants. Les commissaires de district sont par leur position à même de
connaître non seulement les intérêts cantonaux, mais encore les intérêts de
divers cantons réunis. Sous ce rapport je crois que la présence de ces
fonctionnaires dans le conseil provincial serait fort utile à l’arrondissement.
Dans beaucoup de questions, le conseil aura besoin de renseignements que les
commissaires de district seront seuls à même de lui donner.
On
ne voit pas pourquoi, après avoir repoussé l’incompatibilité des fonctionnaires
amovibles de l’ordre judiciaire, on maintiendrait l’incompatibilité des
fonctionnaires de l’ordre administratif. Serait-ce qu’on redouterait de leur
part moins d’indépendance ? mais jusqu’à ce jour nous
n’avons pas eu lieu de remarquer que les commissaires d’arrondissement eussent
moins d’indépendance que les commissaires du Roi près des tribunaux. Les
commissaires d’arrondissement ont même un avantage sur les autres ; ils ont un
caractère administratif que n’ont pas les fonctionnaires de l’ordre judiciaire
; ils peuvent apporter au conseil provincial des renseignements et des
connaissances spéciales qu’eux seuls peuvent bien développer. Je demanderai
donc, d’après ces considérations, le retranchement du paragraphe 4.
M. H. Dellafaille - Messieurs, la
proposition de déclarer les fonctions de commissaire d’arrondissement
incompatibles avec celle de membre d’un conseil provincial vient originellement
du gouvernement. Je sais que la pensée primitive du projet n’appartient point
au ministère actuel ; mais il me semble que lorsque l’année dernière M. le
ministre Rogier est venu à cette tribune présenter de nouveau ce même projet
sans aucun changement, il en a fait complètement siennes les dispositions, et
entre autres celle qui nous occupe actuellement. Deux fois nous avons discuté
cette même question, et le ministère n’a point combattu l’exclusion des
commissaires de district. Aujourd’hui il vient tout à coup s’élever contre sa propre
proposition, deux fois approuvée par la chambre. Quel est donc le motif de
cette divergence dans sa conduite ?
Pour appuyer son nouveau
système, M. le ministre de l’intérieur nous dit que les conseils provinciaux ne
sont point des corps politiques, et que par conséquent la présence de
fonctionnaires amovibles ne doit point effaroucher dans des corps simplement administratifs. Il y a
quelques jours seulement le même ministre de l’intérieur nous tenait un tout
autre langage. Les conseils lui semblaient alors si bien des corps politiques,
qu’il réclamait précisément à ce titre le droit de dissolution et toutes les
autres mesures préventives dont il voulait hérisser la loi provinciale. Aussi
surpris de ce changement un peu subit d’opinion, je demanderai à M. le ministre
de l'intérieur ce que seront définitivement nos conseils. Seront-ils des corps
politique comme il le soutenait naguère, ou seront-ils des corps simplement
administratifs et nullement politiques ainsi qu’il le soutient aujourd’hui ? En
attendant qu’il ait résolu cette question, je commencerai par prendre acte de
son opinion du jour pour le cas où il viendrait de nouveau réclamer le droit de
dissolution.
M. le ministre de
l’intérieur désire que les commissaires d’arrondissement puissent faire partie
des conseils, parce que nécessairement, au fait des besoins et des intérêts de
leurs districts, ils peuvent donner à cet égard des renseignements très
précieux. Remarquez, messieurs, que le projet tel qu’il a été adopté ne prive
nullement les conseils des lumières de ces fonctionnaires. La section centrale
en proposant de donner au gouverneur le droit de se faire assister par des
commissaires, a précisément eu en vue de procurer au gouvernement le moyen de
faire assister aux séances les commissaires d’arrondissement. Ils sont les
aides naturels du gouverneur, et il est tout simple qu’ils soient de préférence
à d’autres appelés à le soutenir devant le conseil. Le but qu’on veut atteindre
est suffisamment obtenu, mieux même que par leur non-exclusion puisqu’il n’est
pas vraisemblable qu’ils seront toujours et tous honorés des suffrages des
électeurs.
Le ministre trouve une
contradiction entre l’exclusion de ces fonctionnaires et la non-exclusion des
membres de l’ordre judiciaire. Vous savez, messieurs, que mon avis était en
faveur de cette dernière incompatibilité ; cependant je ne crois pas qu’il y
ait ici la contradiction signalée.
L’exclusion des membres
de l’ordre judiciaire peut être, selon moi, soutenue par des motifs très
plausibles, mais différents de ceux qui militent en faveur de l’exclusion des
commissaires de district. Ces motifs se prennent dans l’utilité qu’il y a de ne
pas réunir dans la même personne deux sortes d’attributions essentiellement
différentes, et dans cette circonstance que les conseils sont appelés à
présenter des candidats pour les places vacantes aux cours d’appel. Quant à la
circonstance que les membres du parquet sont comme les commissaires de district
des fonctionnaires amovibles, je ferai remarquer que si cette raison devait
influer sur notre vote, les premiers fonctionnaires ont un caractère beaucoup
moins politique que les seconds. Il est à peu près reçu qu’un membre du parquet
n’est point révoqué pour motifs pris en dehors de la manière dont il remplit
ses fonctions, et je ne crois pas que sous le roi Guillaume il y ait eu un seul
exemple d’une révocation de ce genre. Cette espèce de règle a été tellement
respectée qu’il n’y a même pas été dérogé à l’époque du trop fameux message du
11 décembre. La révolution trouva encore en place un magistrat du parquet qui
avait eu le courage de refuser son adhésion à ce message.
Il
est en outre à remarquer, messieurs, que la proposition d’exclure les
commissaires de district, n’est nullement motivée sur une défiance injurieuse à
leur caractère. Il en est certainement qui sauront toujours allier au
dévouement du fonctionnaire l’indépendance du député ; seulement nous avons cru
que l’incompatibilité existait dans la nature même des fonctions. Sur toutes
les questions d’administration leur avis sera à peu près connu d’avance ; après
avoir proposé les mesures, ils viendront ensuite les voter. Ils exercent leurs
attributions sous la surveillance des députations. Il en arrivera donc que,
soumis à une fraction du conseil, ils viendront contrôler et concourir à nommer
leurs propres contrôleurs. Les raisons qui ont fait exclure les gouverneurs
doivent faire adopter l’exclusion des commissaires de district, puisque les
attributions de ceux-ci, quoique d’un ordre inférieur, sont de même nature que
celles des premiers. Tels sont, messieurs, les motifs qui ont adopté
l’amendement contre lequel on réclame aujourd’hui. Ils ont été il y a quelques
jours si bien développés que je crois pouvoir me borner à les rappeler
sommairement. Déjà à deux reprises vous les avez approuvés par votre vote. Je
ne vois pas qu’il ait été allégué une seule raison qui soit de nature à
modifier vos résolutions précédentes, et j’ose espérer que vous maintiendrez
une disposition que vous avez deux fois sanctionnée. C’est pour ma part ce que
je me propose de faire.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois que l’honorable
membre se trompe quand il dit que la chambre a déjà deux fois sanctionné
l’exclusion des commissaires d’arrondissement : on se rappelle que la chambre a
voté séparément les paragraphes de l’article en discussion, et qu’ensuite
l’ensemble a été rejeté. L’un des motifs du rejet est précisément l’exclusion
des commissaires d’arrondissement, qui s’y trouvait consacrée. Si l’on en voulait
une preuve, on la trouverait dans la proposition de la section centrale, dont
faisait partie l’honorable membre. Ni l’assemblée, ni la section centrale n’ont
voulu l’exclusion des commissaires d’arrondissement.
On vient de dire qu’on
prenait acte de la déclaration que je faisais tout à l’heure, à savoir que les
conseils provinciaux étaient des corps purement administratifs ; que par
conséquent il n’y avait pas de raison pour en éliminer les fonctionnaires
administratifs : on prétend que cette déclaration est en contradiction avec une
autre déclaration que j’aurais faite que les conseils provinciaux étaient des
corps politiques : messieurs, je n’ai jamais avancé une pareille absurdité :
j’ai dit au contraire que c’est parce que les conseils provinciaux sont des
corps administratifs qu’il faut en éloigner la politique et tout ce qui
rendrait à les faire changer de nature. J’ai dit que le système du préopinant
allait à transformer les conseils provinciaux en corps politiques ; et nous
avons constamment soutenu qu’il fallait conserver à ces conseils leur caractère
purement administratif.
Je m’attendais à ce que
la minorité de la section centrale, laquelle a voté le maintien de
l’incompatibilité, aurait fait valoir les motifs dont elle s’était abstenue de
présenter le développement dans le rapport ; mais en vérité on ne nous a pas
fourni un seul mot qui justifiât cette incompatibilité. On ne nous a pas
démontré pourquoi on ne trouvait pas les commissaires d’arrondissement dignes
de faire partie des conseils, alors qu’on admettait dans ces conseils les
commissaires du Roi membres de l’ordre judiciaire.
On a
fait observer que tous les commissaires d’arrondissement ne seront pas élus, et
qu’ainsi le but que nous proposions en les faisant entrer dans le conseil
provincial ne serait pas atteint : cela est possible, mais cela ne change pas
le caractère des commissaires d’arrondissement ; cela ne fait pas qu’ils ne
puissent être de très bons représentants de l’arrondissement. Je n’ai pas dit
qu’on devait les élire tous ; je soutiens que ce sera un mal si les
commissaires d’arrondissement instruits ne font pas partie des conseils, comme
il n’y aura aucun inconvénient à ne pas appeler dans les conseils les
commissaires qui ne seraient pas dans le cas d’y apporter d’utiles lumières.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois vraiment
que l’on se fait un fantôme lorsqu’on veut exclure les commissaires de district
des conseils provinciaux : dans les états provinciaux de Liége, nous avions
trois commissaires de district ; eh bien, je vous l’avoue, dans l’assemblée on
eût été bien peiné de les voir exclure, et particulièrement l’un d’entre eux ;
celui-là nous était précieux ; il nous donnait des renseignements bien propres
à décider notre conviction.
Je ne dirai pas que tous
les commissaires de district marchaient sur la même ligne, mais il nous était
bien facile, à nous électeurs, d’exclure ceux qui ne nous convenaient pas.
C’est ce que nous avons fait en 1829, époque à laquelle les électeurs
connaissaient les droits et les pouvoirs qui leur appartenaient dans l’intérêt
public ; en 1829 sortirent des états provinciaux 18 membres, 3 membres
seulement furent réélus, parmi lesquels se trouvait un commissaire de district.
Croyez-moi, les
commissaires de district qui ne se conduiraient pas bien au conseil provincial
ne seraient pas réélus ; on aura soin de leur donner leur congé.
Si
vous craignez de voir ces fonctionnaires au sein du conseil, pourquoi ne craindriez-vous
pas d’y voir aussi les maires on les bourgmestres (comme vous voudrez les
appeler) ? Si les bourgmestres sont nommés par le Roi, ce sont des hommes du
gouvernement ; par conséquent, il n’y a pas plus de raison pour établir une
différence entre eux et le commissaire de district.
Je citerai un exemple à
l’appui de ce que j’ai déjà dit ; dans la chambre nous avons parmi nous nombre
de fonctionnaires, et nous voyons qu’ils votent selon leur conscience, ainsi
que nous le faisons tous.
Je voterai contre
l’exclusion des commissaires de district.
M.
Pollénus. - Après les explications données par M. Dellafaille, je ne
pouvais m’attendre à l’interpellation qu’a adressée M. le ministre de
l’intérieur à la minorité de la section centrale.
Je pense que l’honorable
M. Dellafaille a exposé, autant qu’il était possible et d’une manière
victorieuse, les motifs qui avaient primitivement fait adopter
l’incompatibilité à l’égard des commissaires de district.
Je répéterai avec
l’honorable orateur que cette incompatibilité n’a rien d’hostile aux
commissaires d’arrondissement ; la section centrale pas plus que le
gouvernement, à qui la première pensée de l’exclusion de ces fonctionnaires
appartient, la minorité pas plus que la majorité, n’a cru indignes de faire
partie du conseil les commissaires de district ; c’est là la réponse à faire à M. Eloy de Burdinne.
Le motif
d’incompatibilité des commissaires d’arrondissement est puisé dans leur
position, telle qu’elle est définie vis-à-vis du conseil provincial par la loi.
En votant l’article 137,
vous avez déclaré que les commissaires de district étaient les subordonnés du
gouverneur, et vous avez adopté l’incompatibilité du gouverneur ; ainsi
aujourd’hui on vous demande d’admettre dans le conseil provincial les
commissaires de district qui sont les subordonnés de celui que vous avez jugé
devoir exclure ; le gouverneur ne fera pas partie du conseil ; et il pourra se
trouver dans les Flandres huit commissaires de district que vous avez, je le
répète, déclarés dépendants du gouverneur.
L’incompatibilité dont
il s’agit n’est point puisée dans la méfiance que l’on aurait à l’égard des
commissaires d’arrondissement ; loin de là, les membres de la section centrale
apprécient aussi bien que M. Eloy de Burdinne toute l’estime que l’on doit
porter aux commissaires de district membres de cette chambre ; ils sont heureux
d’en trouver qu’ils peuvent compter parmi leurs amis.
On a dit que les
commissaires de district sont à même de donner des indications aux conseils ;
il a déjà été répondu à cela que le rapport que feront les membres de la
députation aura déjà fait connaître ces renseignements.
Ainsi
que quelques préopinants l’ont dit, les commissaires de districts pourront
toujours être appelés au conseil en qualité de commissaires du gouvernement et
je pense même que les gouverneurs feraient bien de toujours se faire assister
des commissaires des districts, s’il s’agit d’objets concernant leurs
arrondissements respectifs. Ainsi les lumières que pourront donner
les commissaires de district ne seront pas perdues ; elles se trouveront
d’abord dans le rapport à la députation, auquel ils pourront encore donner des
développements en qualité de commissaires spéciaux.
Il faut repousser tonte
idée de méfiance de la part de la section centrale, et ici je parle de la
majorité qui est devenue la minorité. L’exclusion des commissaires
d’arrondissement résulte uniquement de leur position légale.
Je crois avoir répondu à
l’interpellation de M. le ministre de l’intérieur à l’égard de la dernière
minorité de la section centrale dont j’ai fait partie.
M. de Theux, rapporteur. - Je crois
devoir à l’assemblée de justifier les dernières conclusions de la section
centrale, d’autant plus que ces conclusions différent des premières.
Dans les premières
conclusions, nous produisions neuf espèces d’exclusion, parmi lesquelles il en
existait trois qui avaient du rapport entre elles ; ces trois exclusions
étaient : celles des commissaires d’arrondissement, des ingénieurs et des
architectes employés par l’administration provinciale.
La chambre, après avoir
voté tout le système présenté par la section centrale, par division, l’a rejeté
en votant sur l’ensemble, et a renvoyé l’article de nouveau aux méditations de
la section centrale ; la section centrale n’a point trouvé de motif au rejet de
l’ensemble de l’article, après l’adoption de chaque partie, si ce n’est que la
chambre avait pensé que le système d’exclusion était trop large, qu’il gênait
la liberté des électeurs, et qu’il écartait du conseil plusieurs spécialités
qui pouvaient y apporter des lumières.
Ayant égard à cette
considération, la section centrale a cru devoir écarter l’incompatibilité des
commissaires d’arrondissement, des ingénieurs et des architectes employés par
l’administration provinciale.
Chacun de ces
fonctionnaires pouvait apporter dans le conseil des lumières précieuses pour la
discussion des intérêts de la province. La section centrale a cru qu’il entrait
dans les vues de la chambre d’attacher une plus grande importance aux lumières
que ces fonctionnaires pouvaient apporter dans le conseil, qu’elle n’en
attachait aux relations existantes entre leurs fonctions et celles des membres
du conseil provincial.
Je ferai remarquer que
la section centrale a éliminé l’exclusion des commissaires comme celles des
ingénieurs et des architectes et qu’en France, où cette incompatibilité existe,
il y a incompatibilité aussi à l’égard des ingénieurs et des architectes de la
province ; on peut en induire qu’il y a analogie entre ces trois exclusions.
Une autre considération
peut répondre à une des objections faites par l’un des honorables préopinants :
c’est qu’aujourd’hui le système électoral offre plus de garanties, attendu que,
d’après l’amendement de M. d’Hoffschmidt, il faut qu’il y ait dans un canton au
moins 70 électeurs.
On a dit que l’on ne
comprenait pas comment on pouvait admettre les commissaires d’arrondissement,
alors que l’on en écartait le gouverneur.
Il faut remarquer que la
loi assigne au gouverneur des prérogatives que n’ont pas les commissaires ; le
gouverneur est constitué 1’organe du gouvernement auprès du conseil provincial
; il peut faire des réquisitions au conseil, il peut arrêter l’exécution des
actes délibérés par le conseil, par la
suspension. Aucune de ces prérogatives n’appartient aux commissaires
d’arrondissement.
D’autre part, on a
encore cru que la position du gouverneur serait fausse s’il était membre du
conseil, alors qu’il ne présiderait pas le conseil ; quelques membres même
eussent proposé d’accorder la présidence au gouverneur, si la publicité des
séances n’eût été un obstacle de fait insurmontable.
On a
dit qu’on pourrait appeler dans le sein du conseil les commissaires pour
fournir les renseignements dont le conseil aurait besoin. Mais il est important
de remarquer que si cette prérogative est accordée au gouverneur dans l’intérêt
de la défense de son système d’administration, les électeurs peuvent aussi
donner un mandat positif aux commissaires d’arrondissement qu’ils croiront
aptes à défendre leurs intérêts.
Il est évident que les
commissaires d’arrondissement pourront souvent mieux défendre les intérêts de
leur arrondissement.
Tels sont les motifs qui
ont été débattus dans le sein de la section centrale. J’ai signalé ceux qui
l’ont décidée à vous proposer de ne pas comprendre les commissaires
d’arrondissement parmi les incompatibilités.
M. Eloy de Burdinne. - J’ai le regret de
ne pouvoir partager l’opinion de M.
Pollénus. Je ne conçois pas, quant à moi, qu’on prononce l’exclusion de
certaines classes de personnes de telles ou telles fonctions, sous prétexte
d’incompatibilité. C’est en quelque sorte une insulte qu’on fait à ces
personnes, une dégradation qu’on prononce contre elles.
En
effet, tout homme qui est appelé à remplir une fonction auprès du gouvernement
et en même temps appelé par ses concitoyens à faire partie d’un corps
délibérant dans l’intérêt du pays, il faut qu’il donne des garanties à ceux qui
le nomment. S’il n’en donnait pas, on ne le nommerait pas. Quant à l’exclusion
des gouverneurs, dont on a argumenté pour faire exclure les commissaires
d’arrondissement, je n’ai pas partagé l’opinion de la chambre, et je déclare
que je ne sais pas pourquoi on les a exclus. Dans un siècle de liberté je ne
comprends pas qu’on empêche un citoyen de nommer un représentant en qui il a
confiance, à qui il reconnaît les capacités nécessaires pour défendre les
intérêts qu’il ne peut traiter lui-même. Je crois que les motifs que j’ai fait
valoir contre l’exclusion des commissaires d’arrondissement n’ont pas été
détruits par les orateurs qui les ont combattus.
M. Dubois. - Je ne pense pas comme le préopinant que ce
soit faire une insulte aux commissaires d’arrondissement que de les exclure des
conseils provinciaux. Je suis persuadé qu’aucun des commissaires ne se croirait
insulté par cette exclusion. Toute la question est de savoir si leur présence
dans le conseil est nécessaire. M. le ministre de l’intérieur a fait remarquer
que d’après le système adopté par la chambre dans son premier vote, des
arrondissements risqueraient de ne pas être représentés au conseil. Il y a
certains intérêts d’une nature particulière qui n’appartiennent pas aux
communes, mais à l’arrondissement ; c’est l’administration des wateringues.
Cette administration est
relative à l’agriculture et tient en même temps aux intérêts commerciaux. En
général les commissaires d’arrondissement sont attachés à ces administrations.
Ce sont en quelque sorte les seules personnes à même de donner aux conseils des
renseignements sur ce point.
M. Pollénus, qui nous
combat, voudrait que les gouverneurs appelassent autour d’eux les commissaires
d’arrondissement. La principale objection qu’il fait à leur admission dans le
conseil, est qu’ils sont comptables vis-à-vis du conseil. Je crois qu’il s’est
trompé ; c’est vis-à-vis de la députation permanente du conseil, que le
commissaire d’arrondissement est comptable de sa gestion.
L’article invoqué par M.
Pollénus est le 133ème de la loi, qui est ainsi conçu :
« Les commissaires
d’arrondissement sont spécialement chargés, sous la direction du gouverneur et
de la députation du conseil provincial, etc.... »
Ce
n’est donc pas au conseil, mais à la députation du conseil qu’ils sont
comptables. Si vous vouliez exclure du conseil ceux qui sont comptables devant
lui de leur gestion, ce serait la députation que vous voudriez en exclure ; car
ce sont eux qui sont les véritables comptables du conseil. Vous devriez, par le
même motif, exclure les échevins du conseil communal, parce qu’ils sont
comptables de leur gestion devant ce conseil.
Je n’insisterais pas
autant sur l’admission des commissaires d’arrondissement dans le conseil, si
vous n’aviez pas posé un principe aussi large pour l’éligibilité. J’avais
présenté un amendement pour restreindre le choix des électeurs ; mais vous avez
cru devoir le rejeter. Si donc maintenant vous éliminez les commissaires
d’arrondissement, vous vous mettez en opposition avec le principe qui vous a
fait écarter mon amendement.
M.
Milcamps. - Messieurs, il faut convenir qu’on donne de fort bonnes
raisons pour faire entrer les commissaires de district dans les conseils
provinciaux ; ils peuvent être utiles dans les conseils, parce que leur
expérience de tous les jours, la connaissance qu’ils ont de toutes les parties
de l’administration, ne pourraient qu’éclairer le conseil sur les besoins de la
province et les mesures à adopter ; et je sais qu’ils rendaient de très grands
services dans les anciens états provinciaux,
Je lis dans le rapport
de la section centrale que l’incompatibilité est fondée sur ce que les
gouverneurs, étant subordonnés au gouvernement dans leur administration, ils
pourront, en certains cas, se trouver de ce chef en opposition avec leur
qualité de conseillers de la province.
Cela
signifie-t-il que les commissaires d’arrondissement ne voudront pas contrarier
les projets du gouverneur ? mais cette raison me
touche peu, car je suppose aux commissaires de district assez d’indépendance
pour ne pas transiger avec leurs devoirs, et je n’en veux d’autre preuve que ce
qui se passe dans cette chambre.
Pour moi, messieurs, je
considère les commissaires de district comme des hommes précieux dans les
conseils ; car personne ne connaît mieux les intérêts et les besoins de leur
arrondissement, et par conséquent de la province ; peu partisan des
incompatibilités, je voterai contre celle proposée.
M.
Doignon. - Je vous rappellerai, messieurs, que déjà vous avez décidé la
question à une grande majorité. Vous avez prononcé deux fois sur
l’incompatibilité des fonctions de commissaire et membre du conseil provincial.
Dans une autre séance, vous avez rejeté en entier l’article 4 relatif aux
incompatibilités ; mais ce qui prouve que ce n’est pas parce qu’on y avait
compris les fonctions de commissaire d’arrondissement que vous avez rejeté cet
article, c’est qu’ensuite vous avez admis cette incompatibilité à une grande
majorité et que vous l’avez confirmée en votant l’ensemble de l’article à la
même majorité.
Le gouvernement avait
d’ailleurs compris cette incompatibilité dans son projet ; et la section
centrale l’avait également admise en premier lieu. Elle s’est trompée, quand
elle a pensé qu’il était dans l’intention de la chambre d’admettre les
commissaires dans le conseil provincial ; car le dernier vote de la chambre a
prouvé que cette incompatibilité était dans ses vues. Elle est fondée sur les
rapports entre ces fonctionnaires et le conseil. D’un côté c’est la province,
de l’autre c’est l’homme du gouvernement. Si je jette un coup d’œil sur les
motifs qui ont fait admettre l’incompatibilité des gouverneurs, je trouve que
ces motifs, s’appliquent également aux commissaires d’arrondissement.
Voici comment s’exprime
la section centrale :
« Quant à
l’incompatibilité, elle est fondée sur ce que les gouverneurs, étant
subordonnés au gouvernement dans leur administration même, pourraient en
certains cas se trouver de ce chef en opposition avec leur qualité de
conseillers de la province, ainsi que l’expérience l’a prouvé dans les
états-provinciaux. »
Or, si les gouverneurs
sont exclus parce qu’ils sont subordonnés au gouvernement, à plus forte raison
doit-on exclure les commissaires qui sont subordonnés aux gouverneurs.
On a voulu mettre sur la
même ligne les membres de l’ordre judiciaire et les commissaires
d’arrondissement.
Les conseils jugent les
actes et la conduite des commissaires mais ils n’ont nullement à examiner la
conduite des membres de l’ordre judiciaire. Il n’y a rien de commun entre
l’ordre judiciaire et l’administration provinciale. Il n’y a donc aucun
inconvénient à en admettre les membres dans les conseils provinciaux. En
France, les sous-préfets et les préfets sont exclus du conseil départemental.
Le ministre français a déclaré que cette incompatibilité était tellement
justifiée par l’expérience qu’il croyait pouvoir se dispenser de donner aucun motif.
Un bon législateur doit
profiter des leçons de l’expérience. Vous vous rappelez que, sous le
gouvernement précédent, les bourgmestres qui faisaient partie des conseils
étaient tellement subordonnés aux commissaires de district, dans leurs
fonctions de conseillers, qu’on pouvait dire qu’ils les suivaient comme des
moutons suivent leur berger, et les chambres provinciales étaient devenues de
véritables chambres moutonnières.
Le gouvernement, en
voulant suivre cet exemple, se jette dans une voie dans laquelle il pourra se
repentir d’être entré ; car il provoquera des résistances. Le peuple verra avec
peine qu’on lui ravit ses libertés, et il en naîtra des collisions fâcheuses.
On s’affaiblirait donc
en voulant se donner de la force.
Vous avez déjà décidé
que les gouverneurs ne peuvent présider les conseils provinciaux ; mais par la
même raison vous devez aussi décider que les commissaires d’arrondissement ne
pourront non plus occuper le fauteuil de la présidence. Or, si vous les
admettez dans le sein des assemblées provinciales, rien n’empêchera qu’ils ne
soient nommés présidents par leurs collègues. De sorte que, par une voie
indirecte, les conseils pourraient se trouver présidés par l’homme de l’Etat et
non par celui de la province.
On a dit que les
électeurs sauraient apprécier le caractère d’indépendance des commissaires. Il
est des positions toutes particulières contre lesquelles nous devons prémunir
les électeurs eux-mêmes. Il y a de ces influences irrésistibles qu’il faut leur
éviter.
L’on a prétendu que la
présence des commissaires d’arrondissement était indispensable dans les
conseils à cause des lumières qu’ils pourraient apporter dans les discussions.
On a répondu victorieusement à cette objection. S’il fallait que les hommes à
même de donner aux conseils des renseignements dont leur spécialité leur
suppose la connaissance, il y faudrait appeler bien d’autres fonctionnaires
publics, y permettre l’entrée du gouverneur lui-même. Lorsque les conseils
désireront avoir des renseignements sur tel canton, sur telle localité, ils
pourront appeler les commissaires d’arrondissement et obtenir de cette manière
toutes les explications qu’ils jugeront leur devoir être de quelque utilité. Il
n’est donc pas nécessaire qu’ils fassent partie de ces assemblées.
Enfin l’on a prétendu
que l’exclusion des commissaires d’arrondissement devait entraîner celle des
bourgmestres. Je pense qu’à cet égard il n’existe aucune espèce de similitude.
Il est à présumer que si les bourgmestres doivent être nommés par le Roi, ils
seront au moins choisis dans le sein des conseils de régence, c’est-à-dire
parmi les élus du peuple. Les inconvénients que nous avons signalés pour
motiver l’exclusion des commissaires d’arrondissement ne peuvent être invoques
contre l’admission des bourgmestres aux conseils. Du reste l’expérience nous
apprendra ce qu’il peut y avoir de vrai dans les deux opinions. S’il y a des
abus, la législature pourra y porter remède.
Je persiste donc dans la
proposition que j’ai faite. (La clôture !
la clôture !)
Plusieurs membres. - L’appel nominal.
Il est procédé à l’appel
nominal sur le paragraphe 4 de l’article 40.
Ont voté le maintien de
l’incompatibilité prononcée contre les commissaires d’arrondissement dans le
paragraphe 4 de l’article 40 :
MM. Berger, Boucqueau de Villeraie,
Coppieters, Dautrebande, de Foere, A. Dellafaille, H.
Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Roo, Desmaisières, de Stembier,
de Terbecq, Dewitte, Doignon, Domis,
Dubus, Fallon, Fleussu, Gendebien, Jullien, Legrelle,
Liedts, Polfvliet, Quirini, Thienpont, Trentesaux,
Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen.
Ont voté contre :
MM. Bekaert, Brixhe, Coghen, Cols, Dams, de
Behr, de Laminne, de Longrée, F. de Mérode, W. de
Mérode, de Nef, C. Vuylsteke, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Theux, d’Hane, d’Huart, Donny, Dubois, Deschamps,
Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Cornet de Grez, Helias d’Huddeghem, Lardinois, Lebeau, Milcamps, Olislagers, Poschet, Raikem, A.
Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Vandenhove, H.
Vilain XIIII, Zoude.
L’ensemble de l’article
modifié par le vote précédent est mis aux voix et adopté.
Titre VI. Du conseil provincial
Chapitre Ier.
Dispositions concernant la réunion des conseils et le mode de ses délibérations
Article 44 (du
projet de la section centrale)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article 44 du projet de
la section centrale, ainsi conçu :
« Art. 44. Le
conseil se réunit de plein droit chaque année le premier mardi de juillet, à
dix heures du matin, en session ordinaire. Il se constitue sous la présidence
du doyen d’âge, assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires.
« Indépendamment de
cette session, le Roi peut convoquer le conseil en session extraordinaire.
« La session
extraordinaire est annoncée dans un journal de la province ; les convocations
sont faites par le gouverneur, par écrit et à domicile. »
M.
Verdussen. - Lors de la première discussion, il a été entendu que les
articles étaient adoptés sauf rédaction. Je crois donc pouvoir me permettre de
revenir sur une expression du paragraphe premier de l’article 44. Ce paragraphe
se termine par ces mots : « Le conseil se constitue sous la présidence du doyen
d’âge, assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires. » Je crois que,
d’après les termes que vous avez adoptés dans les articles suivants, vous
devriez dire : « les deux moins âgés. »
Mais ce n’est pas
seulement sur cette correction que je veux appeler votre attention. Je crois
qu’il est échappé dans cet article aux premiers rédacteurs du projet et la
section centrale une expression incompatible avec le reste de la loi ; c’est le
mot de secrétaires. Je crois qu’il faudrait dire des scrutateurs. Il n’est pas
possible de dire des secrétaires, puisqu’ils n’auraient rien à faire, aucun
registre à tenir, aucune signature à donner. En effet, les
art. 119 et 120 sont ainsi conçus :
« Art. 119. Le
greffier provincial assiste aux séances du conseil ou de la députation ; il est
spécialement chargé de la rédaction des procès-verbaux et de la transcription
de toutes les délibérations ; il tient à cet effet des registres distincts pour
le conseil et la députation, sans blanc ni interlignes ; ces registres sont
côtés et paraphés par le président du conseil.
« Les actes ainsi
transcrits, de même que les minutes de toutes les délibérations, sont signés
par le greffier, etc. »
« Art. 120. Les
expéditions sont délivrées sous la signature du greffier et le sceau de la
province dont il est le dépositaire. »
Si les premiers rédacteurs
du projet et la section centrale ne s’étaient pas mépris sur le sens du mot
secrétaires, je ne doute pas qu’ils n’eussent employé plutôt celui de
scrutateurs. Je suppose qu’ils ont été dominés en employant cette expression
par l’art. 1er de notre règlement, qui porte :
« Art 1er. A l’ouverture
de la session, le doyen d’âge occupe le fauteuil.
« Les quatre plus
jeunes représentants font les fonctions de secrétaires. »
Mais
veuillez remarquer n’y a aucune analogie entre le greffier provincial et le greffier
de la chambre. Le greffier de la chambre ne signe aucune pièce, n’a pas pour
ainsi dire un caractère public, tandis que, d’après le caractère et les
attributions que vous avez donnés au greffier provincial, je ne sais vraiment
pas ce que feraient les secrétaires. Si ce n’est dans cet article, vous ne
dites rien des secrétaires, et il ne faut rien en dire. Si vous voulez mettre le mot scrutateurs, l’article sera en harmonie avec l’art.
60, dont le dernier paragraphe est ainsi conçu : « Le président est
assisté des quatre conseillers les moins âgés, faisant les fonctions de
scrutateurs. »
On m’objectera peut-être
que les secrétaires sont nécessaires
pour la première séance du conseil dans laquelle il y a à nommer le
président et le vice-président. Mais l’art. 141 porte dans son deuxième
paragraphe : « Les greffiers provinciaux continueront leurs fonctions
jusqu’à l’époque à laquelle il aura été fait une nomination nouvelle en vertu
de la présente loi. » Par conséquent, même pour la première séance les
secrétaires sont inutiles. Le greffier provincial en cette occasion comme en
toute autre en remplira les fonctions.
M. H.
Dellafaille. -
L’honorable préopinant demande qu’on substitue à l’expression du projet celle
de scrutateurs ; mais cette expression n’aurait aucun sens ; chaque fois qu’il
y a scrutin, la loi a pourvu à la manière dont le bureau des scrutateurs devait
être formé. Mais je ne conçois pas un bureau de scrutateurs qui n’aurait rien à
scruter. Quant à l’existence des secrétaires vous l’avez déjà préjugée par
l’adoption de l’art. 49 ; il est ainsi conçu :
« Art. 49. Le
conseil, à l’ouverture de chaque session, nomme un président et un
vice-président et forme son bureau. »
Ces derniers mots ne
peuvent s’entendre que de secrétaires remplissant des fonctions analogues à
celles des secrétaires de la chambre.
Je conviens que les art. 119 et 120 ont conféré au greffier des attributions
qui ont singulièrement réduit celles des secrétaires ; mais il faut toujours
que des secrétaires soient présents dans l’assemblée et assistent le président
qui, lors des votes par assis et levé, ne peut décider seul de quel côté se
trouve la majorité. L’observation de l’honorable préopinant ne pourrait donc
tendre qu’à faire réviser le titre de la loi où vous avez réglé les
attributions du greffier.
M. de Theux, rapporteur. - Je crois
qu’il n’y a rien à changer à la qualification de secrétaire qui se trouve dans
l’article. En effet, l’honorable M. Verdussen demande si ces secrétaires ont
des fonctions différentes de celles des scrutateurs. Je réponds : Oui, ils ont
des fonctions qui en diffèrent beaucoup. Pour s’en convaincre, il suffit de
lire l’art. 10 de notre règlement où sont déterminées les attributions des
secrétaires de la chambre, attributions évidemment analogues à celles des
secrétaires du conseil provincial.
« Art. 10. Les fonctions
des secrétaires sont de surveiller la rédaction du procès-verbal, d’en donner
lecture, d’inscrire pour la parole les députés suivant l’ordre de leur demande,
de donner lecture des propositions, amendements et autres pièces qui doivent
être communiquées à la chambre, de tenir note des résolutions, de faire l’appel
nominal, de tenir note des votes ; en un mot, de faire tout ce qui est du
ressort du bureau, etc. »
Ce seront également là
les attributions des secrétaires du conseil provincial. Evidemment ils ne
remplissent pas simplement les fonctions de scrutateurs. L’honorable préopinant
fonde son observation sur ce que le procès-verbal ne sera pas signé par les
secrétaires. Mais c’est là une seule partie des attributions des secrétaires.
Et cela n’empêche pas que les attributions des secrétaires du conseil
provincial ne subsistent telles qu’elles sont définies dans l’art 10 de notre
règlement. Que le procès-verbal soit signé par le greffier ou par le
secrétaire, peu importe ; mais il est évident que pour les autres attributions
que je viens de rappeler, elles seront nécessairement dévolues aux secrétaires
composant le bureau du conseil provincial.
M. Verdussen. - L’honorable M. H. Dellafaille a
dit : Que viendront faire au bureau des scrutateurs perpétuels ? Mais il ne
s’agit pas de scrutateurs perpétuels ; car il ne s’agit dans l’article que du
bureau provisoire. Or que fera ce bureau provisoire ? Que fera-t-il sinon
présider à la nomination du président et du vice-président ? Y a-t-il là des
fonctions de secrétaires ou des fonctions de scrutateurs ?
Quant à ce qu’a dit
l’honorable M. de Theux, je crois y avoir répondu d’avance en comparant les
fonctions de secrétaire de la chambre et de secrétaire du conseil provincial.
Il nous a renvoyés à l’art 10 du règlement de la chambre ; or cet article n’est
pas applicable ici. A la chambre le secrétaire lit le procès-verbal parce qu’il
l’a signé et approuvé ; mais au conseil provincial c’est le greffier qui rédige
et qui contresigne le procès-verbal. Il est évident que les secrétaires
seraient ici une superfluité ; car, d’après le caractère que vous avez donné au
greffier, eux n’auraient aucun caractère, n’auraient aucune pièce à signer.
M. de Theux, rapporteur. - La loi a
prévu le cas où le conseil provincial a des élections à faire. Le 2ème
paragraphe de son article 60 porte que dans ce cas « le président est assisté
des 4 conseillers les moins âgés faisant fonctions de scrutateurs. » Mais
les fonctions des secrétaires composant le bureau diffèrent beaucoup de celles
de scrutateurs ; et je ne comprends pas comment on leur donnerait cette
qualification.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si on
veut éviter des conflits entre le greffier et les secrétaires, il est
nécessaire de changer cette dernière expression dans l’article dont la chambre
s’occupe. Quant à moi je ne vois d’autre secrétaire que le greffier provincial
: c’est lui qui rédige le procès-verbal, qui le contresigne et sans doute en
donne lecture, à moins que ce ne soient les secrétaires qui lisent le
procès-verbal rédigé par le greffier ; hors de là je ne vois pas ce que les
secrétaires pourraient avoir à faire ; leurs fonctions seront toujours
véritablement celles de scrutateurs. Que les votes aient lieu au scrutin ou par
assis et levé, les secrétaires qui seront près du président pour constater les
votes, rempliront toujours les fonctions de scrutateurs. J’aimerais donc mieux
cette expression au lieu de celle de secrétaires.
M. de Theux, rapporteur. - Je ne
conçois pas comment on pourrait qualifier de scrutateurs ceux qui seront
chargés des fonctions de secrétaires. Les dispositions de notre règlement
seront probablement adoptées par les conseils quand ils feront leurs
règlements. Il suffit ici de décréter en principe qu’il y aura des secrétaires.
Est-ce l’office d’un secrétaire ou d’un scrutateur de rédiger le procès-verbal
; donner lecture ; d’inscrire ceux qui demandent la parole ; de tenir note des
votes ; de faire l’appel nominal ?
M.
Dubus. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Aux termes du règlement
on ne peut mettre en délibération lors du vote définitif que les nouveaux
amendements qui seraient la conséquence du rejet d’un article ou de l’adoption
d’un amendement lors du premier vote.
M. Verdussen propose un
amendement à la première partie de l’article 44 qui n’a point reçu de
modification. L’honorable membre dit qu’il ne propose qu’un changement de
rédaction, et que tous les articles ont été admis sauf rédaction ; cela est
vrai, mais il n’y a que la première partie de son amendement qui soit un simple
changement de rédaction : on peut mettre les moins âgés au lieu des plus
jeunes ; cela ne change pas le sens. Il n’en est pas de même en mettant scrutateurs au lieu de secrétaires ; ici il n’y a pas seulement
changement de rédaction, il y a encore changement de sens. On ne peut pas
mettre cette dernière partie de l’amendement aux voix.
Je m’y oppose aux termes
du règlement. (Appuyé ! appuyé !)
M.
le président. - On demande la question préalable sur la seconde partie
de l’amendement présenté par M.
Verdussen.
- La question préalable,
ou la déclaration qu’il n’y a pas lien à délibérer, est mise aux voix et
adoptée.
La première partie de
l’amendement est admise, ainsi on écrira les moins âgés au lieu des plus
jeunes.
Articles 45 et 46
L’article 45 est
définitivement adopté, et sans discussion.
Un autre 46 nouveau est de même admis définitivement.
M.
le président. - « Art. 48 Après la vérification des pouvoirs les
conseillers provinciaux prêtent le serment suivant : « Je jure d’observer
la constitution et la loi d’organisation provinciale.
« Avant la
prestation du serment, le président rappellera que le décret d’exclusion à
perpétuité des membres de la famille d’Orange-Nassau de tout pouvoir en
Belgique fait partie de la constitution. »
M. Pollénus. - Je crois devoir soumettre à la
chambre un doute qui me paraît exister sur l’exactitude ou la justesse de la
rédaction de la deuxième disposition de cet article. Je crois me rappeler que
l’acte auquel le paragraphe fait allusion, porte que le décret d’exclusion des
Nassau est déclaré avoir été porté par le congrès comme pouvoir constituant.
Mais ce décret ne porte point, je pense, qu’il fait partie de la constitution ;
la différence que je signale n’est que dans les mots, elle n’en est pas une
quant aux effets de l’acte ; mais comme la disposition de notre projet ne fait
que rappeler simplement ce qui existe, il me paraît qu’il serait plus exact de
rappeler la disposition du décret dans les mêmes termes qu’il a été porté, sans
quoi nous disons qu’une disposition fait partie d’une constitution qui cependant
ne contient pas la disposition rappelée ; vous sentez que dans cette rédaction
il y a quelque chose qui n’est pas exact, et qui paraît exiger une modification
qui exprime plus nettement la pensée de la chambre dans une disposition qui a
rencontré une adhésion si unanime.
Comme je n’ai pas sous
les yeux le texte du décret d’exclusion, je dois me borner à signaler ce doute
qui, je le répète, ne frappe aucunement sur le fond d’une disposition que tous
nous voulons conserver , mais qui pourrait faire
adopter un changement de rédaction.
M. H. Dellafaille - Le second paragraphe de
l’article 48 est un amendement présenté par l’honorable M. Dumortier : à la
section centrale nous avons cru qu’il convenait d’appliquer cet amendement à
tous les membres du conseil, au lieu de l’appliquer seulement aux membres de la
députation du conseil ; et c’est pour cela qu’il a été placé au bas de
l’article 48.
M. de Theux, rapporteur. -
L’observation faite par M. Pollénus a été discutée dans le sein de la section
centrale, et l’on a cru qu’il n’y avait pas la moindre difficulté à dire que le
décret faisait partie de la constitution.
Un
décret du congrès est constitutionnel ou est ordinaire. Le décret constitutionnel
ne peut être changé que dans les termes déterminés par la constitution ;
l’autre décret peut être changé comme les lois. Mais le décret qui exclut les
Nassau est constitutionnel, et tous les décrets rendus par le congrès comme
pouvoir constituant font partie de la constitution. La constitution est la
réunion des décrets rendus par le congrès : on n’a pas voté sur l’ensemble de
la constitution.
M.
Pollénus. - Il me semble que quand on rappelle une chose, il faut la
rappeler dans les termes dans lesquels elle a été portée.
M.
Dubus. - Je crois, avec l’honorable rapporteur de la section centrale,
qu’il faut conserver la rédaction, et qu’elle est telle qu’elle doit être. On
doit appeler constitutive la réunion de toutes les dispositions
constitutionnelles ; par conséquent, toutes les dispositions adoptées par le
congrès comme pouvoir constituant font partie de la constitution. Si on
changeait la rédaction, on détruirait tout l’effet de l’article : on ferait
jurer d’observer la constitution, puis on ferait jurer d’observer les décrets,
et ce serait dire que le décret ne serait pas rendu par le pouvoir constituant,
ne serait pas constitutionnel. (Aux voix
! aux voix !)
- L’article 48 mis aux
voix est adopté.
M.
le président. - « Art. 49. Le conseil, à l’ouverture de chaque
session, nomme un président et un vice-président, et forme son bureau. »
M. Verdussen a la parole
sur l’art. 49.
M.
Verdussen. - Bien que M. le ministre se soit rallié à la rédaction de
la section centrale, je pense qu’il faudrait conserver la rédaction du
gouvernement en ce sens que le président, le vice-président devront
être nommés pour toutes les sessions de l’année.
Si
vous adoptez la rédaction de la section centrale, l’art. 119 de la loi serait
inexécutable. Cet article porte dans un de ses paragraphes que les registres
sont cotés et paraphés par le président du conseil ; mais, à la clôture de la
session ordinaire, il n’y aura plus de président du conseil : comment les registres pourraient-ils
être cotés et paraphés en cas de session extraordinaire ?
Je pense qu’il
conviendrait de rédiger ainsi l’article : « Le conseil, à l’ouverture de chaque
session ordinaire, nomme un président et un vice-président, et forme son bureau
pour toute la session de l’année »
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs,
j’avoue que je n’ai pas bien compris la portée de l’amendement de l’honorable
préopinant.
Peu importe que le
président du conseil soit nommé pour une seule session ou pour toute l’année,
pour une session ordinaire ou pour une session extraordinaire. La même
difficulté se présentera lorsqu’il s’agira du dernier procès-verbal de la séance
de clôture du conseil : le procès-verbal ne pourrait être soumis au président
qu’après l’expiration de ses pouvoirs ; dans ce cas je ne pense pas qu’il y ait
aucun inconvénient à ce que le président signe même le procès-verbal de la
dernière séance du conseil.
Le motif de la section
centrale, en proposant de faire nommer le président pour chaque session, c’est
que dans une session extraordinaire il peut être question d’objets spéciaux
d’une importance toute particulière à l’Etat ; dans cette circonstance, il faut
laisser le conseil libre de se constituer un autre pouvoir.
M. Verdussen. - Je répète qu’avec l’article en
discussion, l’article est inapplicable ; car, M. de Theux n’a pas répondu à ce
que j’avais dit relativement aux sessions extraordinaires du conseil.
M. H. Dellafaille - Je ferai observer que
l’amendement de M. Verdussen créerait une espèce de dignitaire hors du conseil,
et il se trouverait ainsi un fonctionnaire public sans fonctions.
On a paru craindre que
le conseil n’eût pas toujours un président, mais en l’absence d’un président,
dans l’assemblée, le doyen d’âge pourra toujours en remplir les fonctions. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Gendebien. - Je ne vois pas grande importance dans l’amendement dont il
s’agit ; cependant lorsque le conseil sera convoqué dans une session
extraordinaire, dont la durée pourrait n’être que de 24 heures, si le conseil
est obligé de composer de nouveau un bureau, il en résultera une perte de temps
considérable. C’est sous ce rapport de ménager le temps, que j’appuierai
l’amendement, car il est toujours utile de faire perdre le moins de temps
possible aux citoyens qui se dévouent aux intérêts publics.
- L’amendement de M.
Verdussen est mis aux voix et adopté.
M.
le président. - « Art. 50. Le conseil détermine, par son
règlement, le mode suivant lequel il exerce ses attributions, en se conformant
à la présente loi.
« Ce règlement sera
soumis à l’approbation du Roi. »
M.
Dubus. - Messieurs, je crois que le dernier paragraphe de l’article
doit être supprimé.
Je ferai remarquer que
le gouvernement n’avait pas demandé que le règlement du conseil fût soumis à
l’approbation du Roi ; toutefois je ne suis pas surpris que la chambre, sur la
proposition d’un de ses membres, ait d’abord ajouté à l’article cette
disposition ; car il faut se souvenir que la section centrale proposait de
rejeter de la loi un grand nombre d’articles réglementaires proposés par le
gouvernement, et qu’ainsi le règlement des conseils était encore tout entier à
faire ; maintenant que l’on a rétabli et que l’on trouve dans la loi toutes les
dispositions principales relatives au règlement, et qu’il ne s’agit plus que de
les compléter selon les circonstances ou les localités, nous ne devons pas
soumettre ce règlement à l’approbation du pouvoir central.
De
deux choses l’une : ou le règlement du conseil sera conforme aux dispositions
de la loi, ou il y sera contraire ; si le règlement est contraire à la loi, le
Roi aura toujours le droit de l’annuler ; s’il est conforme à la loi,
l’approbation du gouvernement est superflue.
D’ailleurs, il faut que
le règlement soit exécutoire, aussitôt qu’il sera arrêté, puisqu’après ce
premier acte et en vertu de cet acte, le conseil devra dans la même session
exercer ses attributions en délibérant sur tous les intérêts provinciaux qui
lui seront soumis. Le conseil ne peut attendre que son règlement ait été envoyé
dans la capitale et en soit revenu approuvé par la Roi pour se livrer à ses
importants travaux, pour lesquels quinze jours seulement lui sont accordés par
la loi.
Par ces motifs.je
m’oppose à ce que le règlement du conseil soit soumis à l’approbation du
gouvernement.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ou l’amendement proposé a de
l’importance, ou il n’en a pas : s’il a de l’importance, je ne vois pas
pourquoi l’acte dont il parle ne serait pas soumis ainsi que d’autres actes du
conseil à l’approbation de l’administration centrale ; si le règlement du
conseil n’a pas d’importance, je ne vois pas quel inconvénient il y aurait à le
soumettre à l’approbation du Roi.
Nous avons voulu que le
règlement du conseil fût soumis à l’approbation royale, afin d’établir une
uniformité nécessaire entre les divers règlements d’ordre intérieur ; il est
utile que chaque province ait un mode de délibération uniforme.
Je crois que le retard
dont a parlé M. Dubus ne peut être que de deux fois 24 heures lors de la
première session du conseil ; je ne pense pas que ce retard emporte avec lui
d’inconvénients qui puissent motiver suffisamment le retranchement de la
formalité dont il s’agit. Il reste dans la loi assez de dispositions réglementaires
pour que le conseil puisse marcher, et attendre que l’approbation du Roi
arrive.
Du reste, il y a dans la
loi assez de dispositions réglementaires pour que le conseil puisse marcher, en
attendant que l’approbation royale arrive. Elle ne pourra pas tarder. Je ne
suppose pas, d’ailleurs, qu’il s’élève de contestations entre le gouvernement
et les conseils, quant à la rédaction de ces règlements, puisque les
principales dispositions sont dans la loi que nous votons. C’est là un motif de
plus pour soumettre les règlements au pouvoir central qui est chargé de
l’exécution de la loi ; il empêchera que le conseil n’introduise dans son
règlement des dispositions qui contrarient la loi.
On a
dit que le pouvoir central pourrait, dans ce cas, annuler le règlement. Le
gouvernement usera le moins possible du droit d’annulation, c’est pour cela
qu’il demande les moyens de prévenir les causes qui le mettraient dans la
nécessité d’en user.
Le seul motif que l’on a
fait valoir, c’est qu’on retarderait les délibérations du conseil, si son
règlement devait être soumis à la sanction royale. Je répète que 24 heures, 18
heures au plus suffisent pour venir du chef-lieu de chaque province à la
capitale, et que trois ou quatre jours qu’il faudrait pour avoir l’approbation du
Roi ne sont pas de nature à arrêter les délibérations du conseil.
M. Fallon. - Messieurs, si l’amendement que nous
discutons avait pour objet d’établir l’uniformité pour les règlements dans les
différentes provinces, je serais tenté de l’adopter. Mais d’après ce que vient
de dire M. le ministre on ne pourra pas obtenir cette uniformité. L’examen des
règlements des conseils, dit-il, sera l’affaire d’une couple de jours. Or, il
est impossible de supposer que les conseils se rencontreront dans la rédaction
de leur règlement. On ne peut pas penser non plus que deux ou trois fois
vingt-quatre heures suffisent pour examiner tous les règlements présentes par les provinces et en faire un règlement
uniforme pour tous les conseils. C’est physiquement impossible. Comme
l’approbation des règlements des conseils par le pouvoir central ne pourrait
avoir que cette utilité, je pense qu’il n’y a pas lieu de l’admettre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si le
délai de quatre jours est trop court, j’en mettrai huit, douze s’il le faut. On
ne peut pas trouver dans cette circonstance une raison pour retrancher cette
disposition. Il faudra que le règlement se fasse ; ce ne sera pas d’un jour, il
faudra le discuter ; eh bien, le conseil délibérera ce règlement sous l’empire
des anciens règlements, il s’arrangera pour cela comme il voudra. il est probable que le nouveau règlement ne réglera pas les
délibérations du conseil pour la première aunée. S’il faut 15 jours pour le
soumettre à l’approbation du Roi, il ne sera exécutoire que pour la session
suivante.
M. Fallon. -
M. le ministre prétend qu’il n’y a pas d’utilité dans la suppression
qu’on propose. Les conseils s’assembleront, s’occuperont d’un règlement. Mais
ensuite il faudra qu’ils s’occupent des intérêts de la province. Pour qu’ils
puissent marcher il sera nécessaire qu’ils aient un règlement quelconque. Si
vous maintenez l’amendement, après avoir délibéré le règlement, on l’enverra au
ministre, et le conseil devra suspendre ses fonctions. Car il n’aurait pas de
règlement, et il ne peut pas marcher sans règlement. Il se trouvera ainsi huit,
dix jours sans pouvoir s’occuper des intérêts de la province. Je demande donc
la suppression de la disposition, afin que les conseils puissent continuer
leurs fonctions sans interruption.
M.
Dubus. - Je n’ai pas donné pour motif unique de la suppression que je
demande le retard que la disposition apporterait dans les délibérations du
conseil. J’ai dit encore que l’acte n’était pas d’une importance telle qu’il y
eût lieu de le soumettre à l’approbation du Roi ; qu’au moment de l’adoption de
l’amendement l’approbation pouvait paraître nécessaire, mais qu’elle ne l’était
plus depuis l’adoption d’un grand nombre d’articles réglementaires dont la
section centrale avait proposé la suppression. Nous avons admis en principe
qu’on ne soumettrait pas à l’approbation du Roi les objets de peu d’importance
; et d’un autre côté, nous avons donné au roi le droit d’annuler les actes du
conseil qui seraient contraires à la loi, ou blesseraient l’intérêt général.
Voilà les principes que nous avons posés dans les articles antérieurs, nous ne
pouvons pas en dévier quand nous votons l’article 50. Maintenant que toutes les
questions tant soit peu importantes que la discussion d’un règlement intérieur
peut faire naître sont tranchées d’avance dans la loi, je ne conçois pas le
motif qui fait insister pour soumettre ce règlement à l’approbation du Roi.
J’ai
entendu parler d’uniformité. Je conçois qu’on puisse désirer de l’uniformité
dans les règlements provinciaux, quant aux points principaux, quant aux points
prévus dans la loi. Mais quant aux autres, pour ce qui est des détails, je
comprends que le règlement du Hainaut diffère de celui de Gand et de Liége. Il
suffit qu’on soit sur les bases principales. Si nous avions voulu une
uniformité complète, nous avons pris le chemin le plus long pour y arriver ; le
moyen le plus court et le plus simple était de faire le règlement nous-mêmes.
Mais telle n’a pas été notre intention, nous avons déterminé jusqu’à quel point
nous voulions que les règlements fussent uniformes. Quant au reste, nous
l’avons laissé à l’arbitrage des conseils qui se guideront d’après les
circonstances, qui peuvent ne pas être les mêmes dans les différentes
provinces.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’ai dit que si l’approbation
du règlement par le pouvoir royal entraînait des inconvénients, il y avait
moyen de les éviter, et que ce n’était pas un motif pour retrancher de la loi
une disposition qui doit régler tout l’avenir. Je proposerai donc par une
disposition transitoire de déclarer que l’approbation royale ne sera requise
que pour la seconde session. De cette manière, je répondrai aux scrupules de
ceux qui craignent de voir les travaux des conseils interrompus par
l’obligation de recevoir l’approbation royale pour le règlement, avant de
commencer les délibérations. Cette approbation ne lierait le conseil que pour
la seconde session.
Je ne comprends pas
pourquoi l’honorable M. Dubus insiste si fort pour faire rejeter une formalité
requise pour un grand nombre d’actes et surtout pour ceux qui ont un caractère
de généralité. Nous voulons éviter que le pouvoir exécutif soit dans
l’obligation d’annuler les actes des conseils. Sous ce rapport, nous aimons que
les règlements soient soumis à l’approbation du gouvernement, qui pourra leur
indiquer les dispositions qu’il désire voir éliminer, et qui l’auraient mis
dans la nécessité d’annuler.
La
loi a bien prévu les dispositions les plus importantes, mais elle n’a pas prévu
tout ce qui peut tomber dans la tête des membres du conseil. Il est impossible
qu’on introduise des dispositions toutes nouvelles peu en harmonie avec la loi
et qui placeraient le conseil d’une province dans une position toute
différente, tout exceptionnelle vis-à-vis d’une autre province. Nous ne voulons
pas que le règlement soit mot pour mot le même dans toutes les provinces, nous
ne voulons pas une exactitude complète et parfaite, mais nous voulons que tous
présentent un caractère d’uniformité tel qu’il n’y ait pas de disparates trop
choquantes, et qu’un conseil ne fût admis à délibérer avec plus ou moins de
liberté qu’un autre.
Je ferai observer, en
terminant, que cette disposition avait été adoptée sur la présentation de M. de
Muelenaere, sans qu’aucune objection sérieuse se fût
élevée, et qu’elle avait été adoptée à une grande majorité. On n’a pas trouvé
d’inconvénient, et le seul qu’on signale aujourd’hui, nous indiquons le moyen
de faire cesser. Dès lors je ne vois pas pourquoi on ne maintiendrait pas la
disposition telle qu’elle est.
M.
Ernst. - Je commencerai pour répondre au ministre, par la raison qu’il
vient de donner en terminant. C’est précisément parce que l’amendement de M. de
Muelenaere a été adopté pour ainsi dire sans discussion, que j’ai demandé la
parole. Souvent, quand une disposition a été adoptée après une longue discussion,
je l’ai vu présenter comme le fruit de la sagesse, parce qu’on la supposait
admise en connaissance de cause ; mais je n’ai jamais vu donner comme motif de
sagesse qu’elle avait été emportée d’assaut. J’ai été frappé moi-même dans
cette séance de la précipitation avec laquelle cet amendement a été voté. C’est
tellement vrai qu’un autre amendement ayant été proposé ensuite, j’en proposai
le renvoi à la section centrale, et je témoignai mes regrets de ce qu’on
n’avait pas usé de la même rédaction pour l’amendement dont il s’agit. J’en
appelle à cet égard au souvenir de mes collègues.
J’examine maintenant la
question en elle-même. Deux raisons ont été présentées par l’honorable députe
de Tournay. La première est que les principales bases du règlement ont été
posées dans la loi ; et la seconde, que nous ne pouvons pas supposer que les
conseils agissent autrement que conformément à la raison, aux lois et à
l’équité.
Moi, je suppose que ce
qui sera fait dans les conseils provinciaux sera sage, sera utile : ce serait
montrer une défiance que rien ne justifie que d’admettre la supposition
contraire.
En général, le système
qui nous a guidés dans l’élaboration de la loi actuelle a été d’accorder à la
représentation provinciale la liberté la plus complète. Quand elle sortira des
règles qui lui auront été fixées, viendra le pouvoir central qui avisera aux
moyens de la faire rentrer dans les bornes dont elle n’aurait pas dû sortir.
Devez-vous craindre que les conseils provinciaux établissent un règlement qui
viole les lois ? Cela n’est pas supposable. Laissez-les donc agir en toute
liberté, et puis, s’il arrive, ce que je ne puis prévoir, qu’ils introduisent
dans leur règlement des dispositions qui sortent de leurs attributions ou
blessent l’intérêt général, vous, pouvoir central, vous pourrez annuler les
actes entachés de cette irrégularité. M. le ministre de l’intérieur a bien
senti lui-même la nécessité d’arriver à une mesure nouvelle, qui modifie sous
un certain rapport l’amendement primitif. Il propose d’adopter une disposition
transitoire d’après laquelle les règlements que se seront donnés des conseils
dans la première année, seront suivis sans l’approbation du gouvernement,
pendant cette session seulement.
Rien
n’est plus dangereux que d’établir la défiance dans une loi. Or, le système
défendu par le ministre tend à établir cette défiance. Car si le gouvernement
venait à éliminer quelques-unes des dispositions du règlement provincial, il
déclare en quelque sorte la guerre aux conseils provinciaux qui auraient adopté
quelques points où il aurait cru voir une atteinte à l’intérêt général, où un
empiétement d’attributions. Ce qu’il y a de plus convenable, c’est que les
règlements que se seront donnés les conseils soient obligatoires pour toujours,
sauf les dispositions contraires aux lois. Les assemblées provinciales
comprendront assez où commence la limite de leurs droits pour que le
gouvernement ne leur montre pas d’avance une pareille marque de défiance.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - On reconnaît de toutes parts
que le règlement d’ordre intérieur des conseils provinciaux ne doit pas
échapper à la censure de l’autorité supérieure et qu’il pourra être annulé dans
le cas où il blesserait l’intérêt général ou les lois. C’est un principe sur
lequel il paraît que tous les orateurs sont d’accord. Ce système cependant ne
doit pas être porté trop loin. S’il est vrai que le système préventif répugne à
nos institutions, c’est quand il s’agit de droits individuels ; mais en
administration il n’en est pas de même. L’annulation est une mesure extrême
qu’une bonne loi provinciale tend à prévenir, parce qu’elle est plus ou moins
blessante, parce qu’elle peut plus ou moins altérer l’harmonie que l’on doit
désirer de voir régner entre tous les corps de l’Etat. C’est pour ces
considérations que vous avez décidé que la plupart des actes des conseils, tous
ceux qui ont un caractère d’importance, devront être approuvés par l’autorité
centrale bien que vous lui ayez en même temps accordé
le droit d’annulation. Le système d’approbation, au contraire, est un système
qui s’applique quotidiennement, qui a pénétré dans les mœurs de
l’administration, un système d’où résulte la marche normale de l’autorité
administrative ; c’est un acte qui est dans les habitudes du pouvoir central,
accepté comme tel par les pouvoirs secondaires, qui n’a rien d’inusité ni
d’irritant.
L’approbation peut donc
prévenir les inconvénients que présente l’annulation. Elle peut être
subordonnée à quelques formalités par le gouvernement ; elle peut être débattue
à l’amiable entre le conseil provincial et l’autorité supérieure. Le
gouvernement pourra présenter les scrupules qui s’opposeraient à son
approbation, sans fiel, sans apparence hostile.
La plupart du temps les
conseils feront les modifications jugées nécessaires, et le gouvernement
approuvera un règlement d’où auront disparu les imperfections qu’il aurait
signalées. L’annulation au contraire, seule arme qui lui resterait si vous ne
lui donniez le droit d’approbation, arme que vous auriez bien fait de mettre
entre ses mains pour les cas extrêmes, supposerait un dissentiment grave,
complet, sous ce rapport, entre l’administration supérieure, et le conseil
provincial.
J’entends souvent que
l’on accuse le gouvernement de nourrir des préventions extrêmes contre la
liberté d’action des conseils provinciaux. Je pourrais opposer à ces reproches
des récriminations que les discours de plusieurs orateurs rendraient fondées,
et me plaindre, à mon tour, de l’extrême défiance, je pourrais dire de l’espèce
de terreur qui saisit quelques esprits dès qu’il s’agit du pouvoir central,
alors qu’il est cerné de toutes parts,, alors qu’il est placé sous le contrôle
le plus sévère ; chaque fois que le gouvernement tente d’introduire dans une
loi une surveillance qu’il croit utile, on lui jette à la tête l’accusation
d’empiétement de pouvoir, d’envahissement...
M.
Jullien. - Ce n’est pas sans raison.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) -
L’honorable M. Jullien est toujours sous l’influence de souvenirs qui se
rattachent à une époque avec laquelle la nôtre n’a pas et ne saurait avoir la
moindre analogie. Il serait difficile d’expliquer pourquoi une disposition qui
avait réuni l’assentiment presque unanime de la chambre serait repoussée au
second vote. Est-ce parce que le mot de Roi s’y trouve ? Est-ce une surprise
faite à l’assemblée ? La chambre, lorsque la proposition en fut faite, paraît
l’avoir considérée comme tellement simple, comme dérivant tellement de l’esprit
général, de l’économie du projet, que personne n’a imaginé de la combattre, et
n’a paru y voir une atteinte à l’indépendance des conseils provinciaux.
Je crois qu’an moyen de
la proposition additionnelle présentée par M. le ministre de l’intérieur,
disposition qui répond au seul scrupule qu’aient jusqu’ici manifesté quelques
membres, il n’y a pas de raison d’éliminer un article presque unanimement
adopté lors de la première discussion de la loi. Si l’on craint que le
règlement provincial ne puisse être approuvé assez tôt pour ne pas embarrasser
la marche de la première session, l’amendement du ministre de l’intérieur,
présenté comme conséquence de l’article de M. de Muelenaere et des objections
qu’il a soulevées, prévoit tout, pare à tous les inconvénients. L’approbation
ne sera exigée que lors de la deuxième session. Cela posé, je ne vois pas que
l’on puisse opposer à la disposition, dont nous réclamons le maintien, aucune
objection sérieuse.
M. d’Huart. - Le motif principal que l’on allègue en
faveur de l’amendement présenté par M. de Muelenaere, c‘est que cet amendement
aurait passé presque sans objection lors du premier vote. Ce fait est vrai ;
mais à peine eut-il passé, que plusieurs membres regrettèrent que le vote eût
été, pour ainsi dire, surpris. En effet, la proposition avait été lancée
incidemment dans la discussion. Je m’élevai le premier contre cet amendement.
Je dis qu’il faudrait y revenir, et l’on me renvoya au second vote. Vous voyez
donc que l’on a raison d’avancer que cet amendement a passé inaperçu.
On a parlé du besoin
d’uniformité dans les règlements. Il est indifférent que l’on délibère avec tel
ou tel règlement : qu’importe la voie par laquelle on arrive au but du moment
qu’il est atteint !
Mais ensuite M. le
ministre de l’intérieur n’a pas pu s’empêcher de reconnaître qu’il était
impossible de mettre de l’uniformité dans les règlements des conseils
provinciaux, qu’il était impossible qu’ils fussent identiquement les mêmes
partout. Quant aux principes du règlement ils seront les mêmes partout,
puisqu’ils se trouvent dans la loi.
Pour moi, je l’avoue,
lorsque je vois insister autant sur cette approbation, je crains qu’on ne
veuille, par le règlement, dénaturer les attributions du conseil provincial,
empêcher les conseils de délibérer à leur aise, empêcher, par exemple, que
leurs membres ne parlent deux fois sur la même question, enfin qu’on ne pose
des limites qui entravent les membres du conseil.
Si on veut que le
règlement soit partout uniforme, que la législature le fasse. Mais pourquoi les
règlements des conseils provinciaux seraient-ils partout uniformes ? Quel
inconvénient y aurait-il à ce qu’il en fût autrement ?
Les
règlements du sénat et de la chambre des représentants ne sont pas semblables,
et il n’en résulte aucun inconvénient. Ces règlements étaient les seuls dans
lesquels le gouvernement pouvait avoir une espèce d’intérêt à trouver de
l’uniformité. Mais, pour les conseils provinciaux, chaque gouverneur les
connaîtra et en suivra facilement les règles.
On n’a rien dit pour
établir l’utilité de l’approbation royale. Je voterai contre car je me défie de
toute proposition dont on ne démontre pas les avantages.
M. de Theux, rapporteur. - Je
rappellerai en peu de mots ce qui s’est passé au sujet de l’amendement de M. de Muelenaere. Il le présenta par
deux motifs ; le premier afin de garantir davantage que les règlements ne
s’écarteraient pas du système de la loi provinciale, le deuxième afin d’obtenir
le plus d’uniformité possible dans le mode de discussion des conseils
provinciaux. Cet amendement fut adopté, il est vrai, sans observation, mais
ensuite l’honorable M. d’Huart dit qu’il craignait que par suite le
gouvernement ne s’attribuât le droit d’imposer un règlement aux conseils
provinciaux. Et il appela l’attention de la chambre sur cet amendement pour le
second vote.
Voici ce que répondit à
M. d’Huart l’auteur de l’amendement :
« J’ai déjà eu
l’honneur de vous dire que les motifs qui m’ont déterminé à proposer mon
amendement, c’est pour qu’il y ait uniformité entre les règlements des diverses
provinces et pour que les conseils. ne puissent éluder
les disposition de la loi.
« J’admettrai
toutes les dispositions réglementaires qui se trouveront dans la loi, et qui ne
présenteront aucun inconvénient grave. Les art. 51,
52, 53 me paraissent tout à fait dans ce cas.
« Je les admets
afin que dans les conseils provinciaux il n’y ait aucune discussion sur les
objets qu’ils règlent. S’il était possible de mettre un règlement tout entier
dans la loi, je l’y mettrais ; mais je sais que cela est impossible, et c’est
parce que je le sais, que je veux soumettre les règlements à l’approbation du
Roi quoiqu’ils soient puisés dans la loi. »
Pour moi je ne me suis
pas opposé à l’amendement parce que je n’y ai pas vu une portée préjudiciable,
mais au contraire un but utile. Il faut observer que le Roi ne peut imposer une
disposition réglementaire à aucun conseil.
Lors
de la première organisation des conseils provinciaux, c’était le Roi qui
faisait les règlements d’institution de ces assemblées ; il s’était aussi
réserver les règlements d’ordre intérieur ; mais ici évidemment le Roi ne peut
rien faire qu’approuver ce qui est proposé par le conseil, ou refuser sa
sanction à ses propositions.
Le règlement est
évidemment une loi que le conseil s’impose à lui-même et à ses membres ; or il
résulte de l’amendement de M. de Muelenaere qu’il ne pourra être soumis à
aucune règle, à aucune obligation que le Roi n’aura pas approuvées.
Aussi longtemps que le règlement n’aura pas reçu la sanction royale, les
membres du conseil ne seront soumis à aucune disposition
précise autres que celles de la loi. Voilà la portée de l’amendement, Je
pense qu’il n’y a aucun inconvénient à le maintenir ; il tend à ramener de
l’uniformité dans les délibérations des conseils provinciaux ; or, l’on ne peut
disconvenir que ce ne soit utile
M.
Gendebien. - M. le ministre de la justice vous a dit qu’un amendement
tendant à faire soumettre à l’approbation du Roi les règlements des conseils
provinciaux devait être maintenu, d’abord pour prévenir les annulations qui
sont toujours très désagréables pour le pouvoir. Vraiment j’admire ce scrupule.
Je voudrais savoir comment fera le gouvernement pour réformer les règlements
sans annuler les résolutions des conseils provinciaux. Les conseils se
réuniront ; lors de leur première session, ils feront un règlement. Ce
règlement ne passera pas de la commission qui l’aura rédigé, directement aux
mains du gouvernement ; il sera soumis au conseil provincial et voté par lui.
Pour exercer la prérogative royale, il faudra donc que vous annuliez ce
règlement ou les dispositions qui vous déplairont.
Mais, dit-on, au moins
n’y a-t-il aucun inconvénient à laisser faire les conseils provinciaux à la
première session et en n’approuvant ce règlement que pour la deuxième session.
Et si ce règlement ne convient pas au conseil provincial, qu’arrivera-t-il ? Le
conseil siégera-t-il avec le règlement qui n’aura pas convenu au gouvernement
ou sera-t-il obligé de siéger avec le règlement tel qu’il aura été modifié par
le gouvernement ?
Messieurs, le
gouvernement n’a d’autres prérogatives à exercer sur les
conseil provinciaux que le droit de veto, que l’annulation ; il ne peut
rien imposer à ces conseils ; or, ne serait-ce pas leur imposer quelque chose
que de leur dire : La première session faites ce que vous voudrez, mais la
seconde session vous ne suivrez que le règlement approuvé ?
Mais, vous a dit le
ministre de la justice, il pourra naître des scrupules sur les règlements ; et
dans ce cas, le gouvernement appréciera les observations présentées par les
conseils ; il fera entrevoir les modifications dont le règlement sera
susceptible Si le gouvernement n’avait envie que d’agir bénignement, si le
passé ne prouvait le contraire, nous pourrions nous laisser prendre à ce piège.
Hommes du pouvoir, si
vous ne vouliez que cela, à quoi bon l’approbation royale ? Faites part au
gouverneur des modifications que vous désirez dans le règlement ; le gouverneur
en fera part au conseil provincial ; et, à moins que les membres de ce conseil
ne soient stupides, imbéciles ou ennemis du gouvernement, ils admettront les
modifications.
Ainsi point d’utilité
dans l’approbation royale ; au contraire, graves inconvénients dans cette même
approbation.
On ne peut pas prévoir
ce qui peut passer par la tête des membres des conseils provinciaux, dit le
ministre, et il faut bien que dans tous les actes un peu importants le gouvernement
ait son veto ou donne son approbation ; à moins de mettre les provinces en
interdit, de les traiter comme mineures, il faut bien reconnaître dans les
conseils de la capacité et le désir de bien faire : s’il y a erreur dans le
règlement, que le gouvernement la signale et elle sera redressée.
Il faut que les actes de
quelque importance soient soumis au gouvernement. C’est là en effet le système
de nos ministres ; ils veulent que nos provinces ne fassent rien que sous leur
bon plaisir.
On a même été jusqu’à
invoquer le nom du Roi !... Est-ce parce que le nom du Roi est dans le
paragraphe qu’on veut le repousser, a dit le ministre ; c’est là une
inconvenance parlementaire qui ne vaut pas la peine d’être relevée.
Cette inconvenance ne
vous fera pas hésiter relativement à la suppression d’une disposition en faveur
de laquelle ses défenseurs disent qu’ils ne voient pas d’inconvénient à la
maintenir : mais, messieurs, on ne fait pas des lois en les surchargeant de
dispositions dont on ne prévoit pas les inconvénients ; quand on fait des lois
il faut se demander : Y a-t-il utilité à formuler telle disposition ? Ici il
n’y a pas utilité, je l’ai démontré ; à plus forte raison n’y a-t-il pas
nécessité. La révolution a proclamé la liberté en tout et pour tous : le libre
arbitre des provinces est la règle générale qui découle de la révolution ; et
peur faire intervenir le pouvoir royal, il faut poser une exception.
«
Les règlements d’ordre intérieur pourraient blesser général. » C’est le
ministre de la justice qui s’est exprimé ainsi… Comment l’intérêt général
pourrait-il être blessé, parce qu’il pourra passer par la tête d’un conseil (je
me sers des paroles du ministre) de décider que l’on délibérera debout ou assis
sur des banquettes ? L’intérêt général peut-il être blessé parce que l’on ne
parlera que deux ou trois fois sur le même objet ? parce
que on réglera l’heure de l’ouverture et de la clôture des séances ? En quoi
l’intérêt général ou la dignité royale peut-elle être blessée par de semblables
détails ? A moins d’admettre que le Roi a droit d’imposer un règlement aux
conseils provinciaux, la disposition que je combats est complètement inutile.
Pour tous les scrupules qui pourront naître dans la pensée d’un ministre, on
n’a pas besoin de faire intervenir le Roi : il suffira que le gouverneur en
parle au conseil, et les modifications utiles seront faites au règlement
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, mon honorable
collègue a parlé du pouvoir exécutif, du pouvoir royal, ce qui est exprimé dans
l’article 1er le mot Roi ; et il n’a pas entendu faire intervenir ici la
personne du Roi. Tout le monde en est convaincu.
On reproche au
gouvernement de délibérer constamment sous l’empire de préventions hostiles aux
conseils provinciaux ; le gouvernement, dit-on, suppose constamment les
conseils provinciaux composés d’hommes stupides, ignorants, incapables de rien
faire de bon ; le reproche n’est évidemment pas fondé ; ce sont au contraire
nos adversaires qui font de telles suppositions à l’égard du pouvoir royal.
On devrait, ce me
semble, admettre que les hommes qui sont au ministère doivent, pour soutenir
les difficultés de leur position, jouir au moins de quelque bon sens ; et
cependant, tout à l’heure, on vient, de gaîté de cœur, supposer que le
ministère introduirait dans les règlements d’ordre intérieur des conseils des
dispositions telles que ces conseils ne pourraient délibérer, c’est-à-dire, que
le ministère ferait des actes qui annonceraient de sa part le défaut total d’intelligence.
Nous croyons que toute
sagesse présidera à la délibération des conseils provinciaux ; mais nous
demandons qu’on accorde au gouvernement présent, et surtout au gouvernement
futur, car nous ne croyons pas que le gouvernement présent se perpétue à tout
jamais, nous demandons qu’on accorde au gouvernement présent un peu de bon,
sens ; son intervention ne pourra, dans cette hypothèse, avoir lieu que dans
l’intérêt même du conseil, lorsqu’il s’agira de régler l’ordre de ses
délibérations.
Le gouvernement aura à
comparer les règlements qui lui seront soumis ; il prendra telles dispositions
à appliquer à tous les règlements, afin que les conseils provinciaux fassent
coïncider leur règlement avec les autres.
Le gouvernement ne leur
imposera pas de modifications, cela lui est interdit ; mais il leur indiquera
ces modifications, et il donnera ensuite son approbation au règlement modifié.
On dit : Le règlement ne
pourra renfermer que des dispositions de très minime importance. Alors, je le
demande, où est le mal de soumettre le règlement à l’approbation du pouvoir
central- ? Le règlement, dit-on, s’occupera seulement des heures où la réunion
du conseil devra avoir lieu, des heures du travail ; mais dans cette fixation
d’heures du travail, il pourrait être utile que le gouvernement intervînt. On
pourrait choisir des heures de travail qui porteraient la perturbation dans le
travail des bureaux, et dans la correspondance du gouverneur avec le ministère.
Il est bon que
l’administration centrale convienne des heures qui devront être adoptées dans
son intérêt comme dans celui du conseil.
J’admire la justice de
nos adversaires. On dit, que nous sommes avides d’introduire dans le conseil
provincial des formalités qui conviendraient à l’arbitraire dont nous sommes
affamés ; on nous accuse de chercher à imposer nos volontés au conseil, et en
même temps on a constaté que c’est sur notre proposition qu’un certain nombre
de formalités réglementaires ont été introduites dans la loi ; ainsi nous
sommes avides d’imposer nos volontés au conseil, et c’est nous-mêmes qui avons
voulu introduire ou maintenir le plus grand nombre de dispositions
réglementaires ! Nous nous sommes liés, nous qui voulions lier les états
provinciaux !
Les motifs que l’on fait
valoir contre l’approbation du gouvernement, en ce qui concerne les règlements
d’ordre intérieur, s’appliqueraient tout entiers, par la même raison, à ce qui
concerne tous les autres actes des conseils ayant un caractère de généralité
tel qu’on suppose que le pouvoir central doit intervenir pour les approuver.
Dans
le chapitre qui traite de ce dernier acte, nous voyons les règlements
d’administration intérieure. Cependant, je ne crois pas que le conseil puisse
introduire dans ces actes réglementaires des illégalités ou des absurdités ;
pourquoi donc ne pas leur laisser, sans les soumettre à cet arbitraire contre
lequel M. Gendebien réclame ? Pourquoi présumez-vous les conseils capables
d’introduire des illégalités dans les actes de l’administration intérieure ?
Pourquoi ne pas leur laisser pleine liberté à cet égard ? Pourquoi ne vous
êtes-vous pas reposés tranquilles sur le droit d’annulation ?
Pour nous, nous ne
voulons pas être forcés d’en venir à cet acte toujours pénible ; l’annulation
d’un acte du conseil entraîne toujours des inconvénients, c’est pour cela que
nous pensions qu’une mesure conciliatrice entre le conseil et le gouvernement
doit être adoptée de préférence à toutes les mesures d’annulation ; c’est une
espèce de transaction consentie des deux côtés ; le gouvernement donne son
approbation à telle condition, et il a soin de ne point trop exiger, afin que
son approbation soit toujours facile.
M.
Dubus. - Je ne m’attendais pas que la proposition que j’ai faite de
retrancher la disposition ajoutée à l’art.50 de la loi que nous discutons, rencontrerait autant de résistance de la part de MM. les
ministres, et soulèverait une aussi longue discussion, il me semblait que ce
retranchement devait être admis avec autant de facilité que l’avait été la disposition
elle-même lors du premier vote.
Pour répondre aux motifs
que l’on a fait valoir en faveur du retranchement de la disposition dont il
s’agit, MM. les ministres déplacent la question ; ils ne démontrent pas
l’utilité de la disposition, ils disent : Est-ce un si grand mal qu’elle existe
? Est-ce qu’elle gênerait par trop le conseil ? Est-ce qu’elle présenterait de
graves inconvénients ? Tandis qu’il leur incomberait d’établir que la
disposition est nécessaire ou au moins utile, et que son absence rendrait
possibles des inconvénients auxquels la loi n’offre pas de remède convenable.
Vous le voyez, c’est
déplacer la question, et le ministère s’abstient de prouver l’utilité de
soumettre le règlement à l’approbation royale ; je me trompe : M. le ministre
de l’intérieur vient de tenter de le faire. Après avoir demandé où était le mal
que le règlement fût soumis à l’approbation du pouvoir centrai, il a ajouté
(voyez combien est forte la raison) que le conseil pourrait adopter des heures
de travail qui gêneraient le gouverneur dans le travail de ses bureaux. Je vous
le demande, messieurs, est-ce parce que le conseil sera tellement assidu dans
ses travaux, pour lesquels il aura en tout 15 jours, qu’il ne restera plus de
temps au gouverneur pour s’occuper des siens dans ses bureaux ? Est-ce pour
donner les moyens au gouvernement de limiter jusqu’aux heures de travail du
conseil, soumis à tant d’entraves, qu’il y a lieu de soumettre son règlement à
l’approbation royale ?
Ainsi aucun motif
valable ne peut être allégué en faveur de l’amendement, et il y a des
inconvénients très graves à ce qu’il subsiste. On veut introduire l’action du
pouvoir central dans tout ; on veut qu’il y ait des entraves partout, afin que
le gouvernement pèse le plus possible, tandis que le gouvernement n’est jamais
meilleur que lorsqu’il agit sans se faire sentir.
M. le ministre repousse
bien loin tout dessein d’imposer arbitrairement des conditions aux conseils
provinciaux, et se targue de ce que le gouvernement avait proposé lui-même que
les bases ou dispositions principales des règlements d’ordre fussent arrêtées
par la loi d’organisation provinciale elle-même ; mais je remarque qu’en même
temps il laissait les conseils les maîtres de compléter ces dispositions comme
ils le jugeraient convenable, sauf le droit d’annulation dans le cas où le
règlement eût blessé les lois ou l’intérêt général ; et c’est ce que je propose
de consacrer en effet : le ministre, en vantant l’esprit prétendument libéral
qui a présidé selon lui à la proposition du gouvernement, ne devrait pas
diviser celte proposition, et si la première marché qu’il a adoptée était la
bonne, il devrait y persister.
On a demandé à plusieurs
reprises où était l’inconvénient de la disposition, mais on n’en a pas prouvé
la nécessité, et j’ai déjà démontré qu’il fallait en établir l’utilité, parce
qu’on ne doit pas sans raison soumettre les actes des conseils à la nécessité
de l’approbation du Roi. C’est ce qui a été reconnu par tout le monde lorsqu’on
a discuté le chapitre III du projet.
Quant à l’inconvénient,
il consiste d’abord en ce que le gouvernement intervient dans des choses
minimes.
Je
ferai remarquer en second lieu et surtout combien il est important pour une
assemblée délibérante d’être maîtresse de son règlement, du moins quant aux
dispositions peu importantes. L’expérience prouve que nous-mêmes, pressés que
nous sommes par le temps, contraints que nous sommes par la nécessité, nous
nous trouvons quelquefois obligés de passer au-dessus d’un article peu
important de notre règlement ; alors l’article du règlement, qui est fait pour
les cas ordinaires, a tort. Eh bien, vous mettrez les
conseils dans l’impossibilité d’obéir à une nécessité de cette nature.
L’inconvénient est d’autant plus grand pour les provinces, que tandis que nous
avons toujours du temps vers nous, leur session ne dure que 15 jours. A la fin
de la session, ils pourront se trouver dans la nécessité de prendre une mesure
urgente ; il ne leur restera pas assez de temps pour délibérer avec toutes les
formes prescrites par le règlement ; ou bien il faudra prolonger les
délibérations jusque pendant les heures que le ministre a le dessein de
réserver pour le travail des bureaux du gouverneur. Le conseil ne pourra pas déroger
à ces articles ; il devra laisser arriver le terme fatal et remettre à l’année
suivante peut-être une des affaires les plus intéressantes pour la province.
Voilà où va nous conduire cette passion de vouloir tout réglementer.
M.
Gendebien. - Veuillez remarquer qu’à peine la discussion avait
commencé, que déjà le ministre était obligé de reculer d’une année l’exercice
du droit d’approbation par le Roi. Pressé par les bonnes raisons qu’on lui
oppose et dans l’impuissance où il est d’y répondre, il est oblige de reculer
encore d’une année et je ne sais où il s’arrêtera, car il a dit qu’on
n’imposerait pas les règlements aux conseils provinciaux, mais que le Roi,
avant de donner son approbation adresserait des observations, et que
l’approbation ne serait donnée qu’autant que les observations seraient admises
par les conseils.
De sorte qu’à la seconde
session, si les observations ne sont pas admises, il n’y aura pas plus de
règlement que pour la session précédente. La troisième session arrivera, même
cérémonie.
Il y a encore un autre
inconvénient, c’est celui signalé par M.
Dubus. De plus, quand le règlement aura été approuve, si dans
l’exécution il présente des inconvénients graves qui entraînent des longueurs,
des lenteurs, on ne pourra pas le modifier sans recourir au Roi, pour la chose
la plus simple.
Rentrons, messieurs,
dans lés vrais principes de liberté. La Belgique a paru avoir reconquis toutes
ses libertés, a consenti à faire le sacrifice de quelques mois pour avoir
l’unité administrative ; laissez-lui celles qu’elle peut conserver sans
inconvénients graves. C’est parce qu’il n’y a pas d’inconvénients graves, qu’on
vous demande cette disposition ! Le Roi a le droit d’annulation ; j’ai prouvé
qu’il ne pourrait pas faire autre chose que d’annuler des actes du conseil, si
on soumettait le règlement à son approbation. Laissons le Roi dans sa
prérogative, et les conseils provinciaux dans les leurs ; s’ils sortent des
limites qui leur sont tracées par la loi, il pourra en faire usage.
M.
le président. remet aux voix la disposition
qui est ainsi conçue :
« Ce règlement sera
soumis à l’approbation du Roi. »
Deux épreuves sont
douteuses.
On procède à l’appel
nominal. En voici le résultat :
Nombre des votants 67.
Pour l’adoption, 38.
Contre, 29.
La chambre a adopté.
Ont voté pour
l’amendement :
MM. Bekaert, Boucqueau de Villeraie, Brixhe, Cols, Coppieters, de Behr, de Laminne,
de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode de Nef, de Puydt,
Constant Vuylsteke, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane, Dubois, Eloy de
Burdinne, Cornet de Grez, Helias
d’Huddeghem, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Milcamps, Olislagers, Polfvliet, Poschet,
A. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons, Ullens,
Vandenhove, Verdussen, H. Vilain XIIII.
Ont voté contre :
MM. Berger, Dams, Dautrebande, de Foere, A.
Dellafaille, H. Dellafaille, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet,
de Stembier, d’Huart, Doignon, Dubus, Deschamps,
Ernst, Fallon, Fleussu, Gendebien, Jullien, Liedts, Pollénus, Quirini, Raikem, Thienpont, Trentesaux, Vanderbelen, Vanderheyden, Zoude.
- La séance est levée à
4 heures et demie.