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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 27 mai 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment demande de congé pour raisons
médicales (Dumortier (organisation communale))
2) Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre. Election contestée
du canton de Ath (Dechamps)
3) Projet de loi portant organisation des provinces. Discussion des
articles. Incompatibilités avec les fonctions de gouverneur, de greffier et de
commissaires d’arrondissement (Ernst, de
Theux, H. Dellafaille, Dubois,
Rogier, d’Huart, de Theux, Milcamps, Ernst, Fallon, H.
Dellafaille, de Theux, Fleussu,
Fallon, H. Dellafaille),
dispositions transitoires (de Robaulx, Fleussu), nombre et répartition de membres des conseils
provinciaux (de Robaulx, d’Huart,
Fallon, d’Huart, Pollénus, Coghen, d’Hoffschmidt, Dubus, Rogier, Legrelle, H. Dellafaille, (+organisation communale) Fallon, d’Huart, (+aspect non
politique des conseils) (Rogier, H.
Dellafaille), d’Hoffschmidt, Fallon,
Helias d’Huddeghem, (+aspect non politique des conseils)
Rogier, A. Rodenbach, (+aspect
non politique des conseils) (de Theux, Eloy
de Burdinne, Donny, A. Rodenbach,
Rogier, Dubus, Desmanet
de Biesme, Lebeau, Donny, Fleussu, H. Dellafaille, de Theux), Eloy de Burdinne, Dubois, Rogier, Eloy
de Burdinne)
(Moniteur belge n°148, du 28 mai 1834)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi et demi.
M.
de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la séance d’hier ; il est adapté sans réclamation.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pétitions suivantes.
PIECES
ADRESSEES A
« La régence de
Saint-Bergen et de Waerbeek déclarent adhérer au
mémoire de l’avocat Vandenbosch d’Alost, adressé à la chambre et relatif à la
circonscription judiciaire de
- Renvoi à la commission
chargée de l’examen de la proposition de MM. Dewitte et Desmet.
______________
« Huit habitants de
Bruxelles demandent le paiement de rentes constituées par la ville de Nivelles,
hypothéquées sur les revenus des péages et des barrières des chaussées
construites ou à construire. »
______________
« Les juges de paix
de l’arrondissement de Tournay demandent qu’il soit établi autant de classes de
juges de paix qu’il y a de classes de tribunaux de première instance, et qu’on
prenne pour base de leur traitement les 2/3 du traitement d’un juge de tribunal
de première instance. »
______________
« La dame veuve C. Ghys, à Erwetegen, demande
l’exemption du service de la milice pour son fils aîné comme étant son
soutien. »
______________
- Ces trois pétitions
sont renvoyées à la commission de pétitions.
M.
Dumortier, M. Dumont, M. Watlet demandent et obtiennent de congé. M.
Dumortier est souffrant.
M. Eloy de Burdinne, rapporteur de la commission chargée de la
vérification des pouvoirs de M. Deschamps, élu à Ath, est appelé à la tribune.
- Messieurs, la commission chargée de vérifier les pouvoirs de M. Adolphe
Deschamps fils, négociant à Seneffe, nommé membre de la chambre des
représentants par le district d’Ath le 10 courant, vient par mon organe vous
faire le rapport suivant :
Avant de vous faire part
des conclusions de ladite commission, il est bon de vous faire connaître les
motifs qui ont retardé de nous acquitter de cette commission.
Dans notre séance du 16
mai, nous avons remarqué que M. Deschamps n’avait obtenu qu’une majorité de 4
voix et que trois réclamations signalaient des irrégularités, entre autres que
dans le deuxième bureau plusieurs bulletins qui portaient des désignations
incomplètes, lui avaient été comptés, tandis que le procès-verbal de ce bureau
ne faisait mention que d’un seul billet de cette espèce, que les pétitionnaires
qualifient d’erreur.
Votre commission, avant
d’émettre son avis sur la validité des opérations d’Ath, a cru de son devoir de
demander des renseignements et particulièrement de réclamer les procès-verbaux
des deuxième et troisième bureaux ; je puis vous donner lecture du
procès-verbal de ladite séance du 16.
M. le ministre, ayant
obtempéré à notre demande, nous a transmis les deux procès-verbaux réclamés
ainsi que la copie de la réponse de M. le gouverneur du Hainaut à la demande
des renseignements sur le fondement des réclamations.
La commission s’est
réunie le 26 courant, et après avoir examiné attentivement les diverses pièces
que contenait le dossier, a reconnu que 520 électeurs ont pris part à
l’élection d’Ath, qu’un bulletin signé a été annulé, lequel soustrait reste 519
bulletins qui ont été pris en considération, nombre égal aux votants, la
majorité absolue étant donc de 260.
M. Deschamps a réuni 264
suffrages.
Voici d’ailleurs comment
les suffrages ont été répartis :
M. Deschamps (Adolphe),
négociant à Seneffe, 264 ;
M. Delescluse
(J.-B.), bourgmestre à Ath, 193
M. L’Olivier, général de
brigade à Bruxelles, 27 ;
M De Melin
(Maximilien), ex-membre du congrès, 17 ;
M. Corbisier, conseiller
à la cour d’appel de Bruxelles, 12 ;
M. Deschamps (Adolphe),
3 ;
M. De Melin (Maximilien), à Bruxelles, 1
M. De Melin (Maximilien), 1 ;
M. Ducorron,
échevin à Ath, 1.
Total, 519
Un bulletin déclaré nul,
1.
A la vérité, le 2ème
bureau a trouvé bon de considérer comme devoir valoir pour M. Adolphe
Deschamps, fils, négociant à Seneffe, un bulletin qui ne renfermait que Adolphe
Deschamps. En supposant le bulletin nul, il en résulterait encore que Deschamps
(Adolphe), fils, aurait obtenu 263 suffrages, ou 3 suffrages de plus que la
majorité absolue.
Les griefs signalés par
les pétitionnaires sont les suivants :
1° Que dans le 3ème
bureau il s’est trouvé un billet double ou deux billets pliés ensemble, portant
désignation de Adolphe Deschamps, et qu’à ce bureau tous les bulletins n’ont
pas été remis au président ; mais qu’un grand nombre ont été déposés dans la
boîte par les votants eux-mêmes ;
2° Que les bulletins
d’un bureau n’ont pas été brûlés séance tenante dudit bureau, mais apportés
au bureau principal pour y être brûlés ;
Et finalement que grand
nombre de bulletins ont été comptes à M. Adolphe Deschamps, abusivement, par le
2ème bureau ; ces bulletins, disent les réclamants, ne désignent que Deschamps,
d’autres Adolphe Deschamps et A. Deschamps.
Pour terminer, je vais
avoir l’honneur de vous donner lecture des conclusions de la commission :
« La commission de
vérification des pouvoirs de la chambre des représentants, après avoir examiné
les réclamations qui ont été adressées à la chambre au sujet de l’élection de M
Adolphe Deschamps par le district d’Ath, est d’avis que ces réclamations sont
sans fondement ; elle conclut à l’admission de M. Deschamps, comme membre de la
chambre des représentants. »
M.
le président. - Si personne ne demande la parole contre les conclusions
de la commission, je les déclare adoptées. En conséquence, je proclame membre
de la chambre M. A. Deschamps.
PROJET
DE LOI PORTANT ORGANISATION PROVINCIALE
Rapport
de la section centrale
M. de Theux, rapporteur. de la section centrale chargée de l’examen de la loi sur l’organisation
provinciale, et à laquelle quelques articles de cette loi ont été de nouveau
renvoyés, vient rendre compte de l’avis de la commission.
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de son rapport.
Disposition commune au gouverneur, au greffier
et aux commissaires d’arrondissement
Article 124 (du projet de la
section centrale)
M. le président. - « Art. 124 (du projet de
la section centrale). Ne peuvent être gouverneur de province, greffier
provincial ou commissaire d’arrondissement, les personnes désignées dans les
six premiers numéros de l’art. 87, y compris les avocats consultants.
« Le n°7 de l’art.
87 s’applique également à la parenté ou alliance entre le gouverneur, le
greffier provincial et les commissaires d’arrondissement, ou de l’un d’eux,
avec un membre de la députation du conseil. »
M. le président. - Je crois que l’on a ajourné
l’art. 87 ; demande-t-on également l’ajournement de cette disposition ?
M.
Ernst. - L’art. 124 se référant à l’art. 87, il faut évidemment
ajourner l’un, puisqu’on a ajourné l’autre.
M. de Theux, rapporteur. - L’art. 87
était relatif aux incompatibilités entre certaines fonctions et les fonctions
de membre de la députation ; les incompatibilités dont il s’agit ici sont
différentes.
On peut adopter
l’article 124, sauf rédaction.
M. H. Dellafaille - L’article
M.
Ernst. - Il est impossible qu’on se réfère à un article rejeté. Il faut
renvoyer l’article 124 à la section centrale.
M. de Theux, rapporteur. - Je
persiste à croire que l’on peut adopter l’article 124, sauf rédaction. Cet
article est indépendant de l’article 87.
M. Dubois. - C’est l’article 39 qui a été
rejeté ; l’article 87 n’a été qu’ajourné.
M. H. Dellafaille - Les incompatibilités
énumérées dans l’article 87 ayant été admises séparément, ont été rejetés par
le vote sur leur ensemble.
M.
Ernst. - On a rejeté l’article 39 ; mais l’article 87 n’a été ajourné.
Il ne faut donc pas rappeler l’article 87 dans l’art. 124.
M. le
ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’intention de la section
centrale a été d’étendre aux greffiers et aux commissaires d’arrondissement les
incompatibilités énumérées dans l’article 87 ; alors il me semble qu’on
pourrait dire dans l’article 124 : « Ne peuvent être gouverneurs de
province, le greffier provincial, les commissaires d’arrondissement et les
personnes désignées à l’article 87 comme ne pouvant faire partie de la
députation. »
M. d’Huart. - Le premier paragraphe de l’article 124 ne
se rapporte qu’aux six premiers numéros de l’article 87 ; il y a cependant 7
numéros dans l’article. Il faudrait que M. le rapporteur s’expliquât.
M. de Theux, rapporteur. - L’article
124 est relatif aux sept paragraphes de l’article 87.
Je demande que l’on vote
le principe de cet article 124 sauf rédaction.
M.
Milcamps. - La disposition de cet article qui établit une
incompatibilité entre les fonctions de commissaire d’arrondissement et celles
d’avocat consultant, me paraît fort sévère.
Le décret du 14 décembre
1810 déclara bien la profession d’avocat incompatible avec les fonctions de sous-préfet
; mais les dispositions de ce décret s’entendaient des avocats plaidants.
Les règlements de 1818
et 1825 n’ont pas rappelé cette incompatibilité que l’on pouvait considérer
comme supprimée, d’autant plus que ce dernier règlement la consacrait, quant
aux avocats plaignants, à l’égard des membres de la députation. Le projet
actuel de la section centrale, article 87, maintient cette dernière
incompatibilité.
Si les fonctions de
commissaire sont confiées à des personnes versées dans la connaissance des
lois, et si ces personnes ont suivi la carrière du barreau, voulez-vous
qu’elles renoncent à toute consultation, même pour des anciens correspondants ?
mais l’on doit leur supposer assez de sentiment
d’honneur pour qu’elles ne soient pas capables d’abuser de leur position pour
exciter des procès concernant des administrations publiques.
J’ai l’honneur de
proposer la suppression de ces mots : « y compris les avocats
consultants. »
M. le président. - L’amendement n’est pas appuyé
et je ne puis le mettre aux voix.
Je vais mettre aux voix
l’article 124 ; mais il faut sous-entendre que dans sa rédaction on a rappelé
les personnes désignées dans l’art. 87.
- Le premier paragraphe,
mis aux voix sous cette condition et sauf rédaction, est adopté.
M.
Ernst. - Je propose de supprimer la disposition qui exclut de la
députation les parents et alliés des commissaires d’arrondissement jusqu’au
quatrième degré.
J’ai cherché le motifs de cette exclusion, je n’en ai trouvé aucun.
Jusqu’ici elle n’a existé ni en Belgique, ni en France ; c’est une innovation., Cependant c’est déjà un principe adopté par la
chambre qu’il ne faut pas facilement prononcer des exclusions ; qu’il ne faut
les admettre qu’avec de graves motifs. Il y a différence énorme entre les
rapports du commissaire de district avec les gouverneurs de province ou avec
les membres de la députation. Le commissaire de district est subordonné au
gouverneur de la province ; il y a analogie entre leurs fonctions. Le gouverneur
exécute les décisions de la députation par le moyen du commissaire de district.
La députation est plutôt un corps délibérant qu’un corps agissant.
Le commissaire de
district n’a que des avis à donner à la députation, et il n’est pas à croire
qu’un de ses parents puisse exercer une influence fâcheuse sur les
délibérations de la députation. Le commissaire de district n’est pas
personnellement intéressé dans l’affaire ; il joint les pièces à l’appui de son
avis ; ces pièces servent à éclairer les autres membres de la députation. Si un
conseil provincial juge qu’un parent d’un commissaire ne doit pas faire partie
de la députation, il ne le nommera pas. Comment pouvez-vous croire que le
conseil provincial nomme à la députation le parent d’un commissaire
d’arrondissement, quand sa présence dans la députation entraînerait des
inconvénients ?
D’un autre côté, il y a
danger à limiter les choix du conseil provincial. Le conseil provincial peut
être embarrassé de trouver dans un arrondissement rural un homme qui convienne
pour la députation. Il ya déjà beaucoup d’incompatibilités prononcées. Les
notaires, les avocats plaidants, les membres de l’ordre judiciaire sont exclus
de la députation. Souvent le conseil, ne trouvant personne qui lui convienne
pour faire partie de la députation, sera disposé à nommer un parent d’un
commissaire de district, s’il voit dans ce choix les garanties nécessaires.
Il faut craindre qu’on
ne force les conseils de choisir tous les membres de la députation dans le
chef-lieu ; c’est là un inconvénient qui a été signalé sous l’ancien
gouvernement. Si vous voulez que les intéressés de toutes les parties de la
province soient représentés, il faut laisser le conseil
dans la position de faire de faire les choix partout. Il y a ordinairement plus d’hommes capables dans le chef-lieu ;
mais pourquoi lier les mains au conseil, s’il existe dans un arrondissement un
homme que recommandent son expérience administrative et ses études. Il y aurait
un grand inconvénient à ce qu’il ne pût faire partie de la députation, parce
qu’’il serait parent d’un commissaire de district. Il y aurait, il me semble,
une grande injustice à restreindre ainsi les choix du conseil. (Oui ! Oui !)
Je crois que la chambre
sera disposée à accueillir mon amendement alors que l’innovation qu’on propose
n’est nullement motivée. Si quelques motifs graves sont soulevés contre ma
proposition, je les écouterai ; s’ils me semblent pouvoir être réfutés, je
demanderai de nouveau la parole. (Très
bien !)
M.
Fallon. - Je prends la parole pour appuyer l’amendement proposé par mon
honorable ami M. Ernst. Il me
semble aussi que la demande de la section centrale va beaucoup trop loin, en
voulant établir une incompatibilité entre les commissaires d’arrondissement et
les membres de la députation pour cause de parenté. Je ne vois pas
l’inconvénient qui pourrait résulter de ce qu’un commissaire d’arrondissement
se trouve le cousin germain du greffier provincial avec lequel il n’a pas de
rapports, ou même un membre de la députation, avec, lequel il n’a que peu de rapports, puisqu’il n’a
véritablement de rapports qu’avec le gouverneur.
Il
est à remarquer que l’analogue n’existe pas, dans l’article 124 et dans
l’article 87 auxquels on se réfère. On conçoit que dans l’article 87 on
établisse une incompatibilité à l’égard des membres lui sont cousins germains,
puisque ce sont des hommes qui siègent dans le même corps, dans le même
collège, mais on ne peut faire l’application de ce principe au cas où un
commissaire d’arrondissement se trouverait être cousin germain d’un membre de
la députation. Du reste, l’expérience est pour le système que nous soutenons ;
dans l’une de nos provinces, le gouvernement provisoire n’a pas fait de
difficultés de nommer pour commissaire d’arrondissement un parent à un degré
plus proche qu’un cousin germain, le propre frère d’un des membres de la
députation. Le gouvernement provisoire, et depuis le gouvernement actuel, se
sont parfaitement bien trouvés. Je ne vois pas pourquoi on voudrait changer quelque
chose à cet égard.
M. H. Dellafaille - Je crois que le but de
la section centrale a été d’empêcher que par l’effet de la parenté entre le
gouverneur, les commissaires d’arrondissement et les membres de la députation,
l’administration des provinces ne devînt un conseil de famille. Je conçois, en
effet, que cela peut arriver.
Je comprends que le
gouverneur ne puisse être parent d’un membre de la députation, et que les
membres de la députation ne puissent être choisis dans la famille des
fonctionnaires de la province ; mais je ne vois ce qui pourrait empêcher que
les commissaires de la même province ne fussent parents entre eux, puisqu’ici
le contrôle de leurs actes s’exerce par le gouvernement. L’incompatibilité que
l’on propose me paraît nuisible, et je demande à cet égard quelques
explications à l’honorable rapporteur de la section centrale.
M. de Theux, rapporteur. - Je
répondrai d’abord à l’honorable préopinant qu’il a lui-même réfuté son
objection en combattant l’amendement de M.
Ernst. Il a dit qu’on pouvait craindre que l’administration des
provinces ne devînt un conseil de famille. Je dirai, en me servant du même
argument, que si plusieurs commissaires d’arrondissement, frère ou parents à un
degré très rapproché, administrent une même province, il y aura un esprit de
famille dans l’administration provinciale.
Maintenant on demande
pourquoi la section centrale propose une incompatibilité entre les parents
commissaires d’arrondissement et les parents membres de la députation : la
réponse se trouve dans l’art. 120, où il est dit que les commissaires
d’arrondissement sont spécialement chargés de surveiller l’administration des
communes sous la direction du gouverneur et de la députation du conseil.
Il
est résulté aussi de l’article la nécessité d’établir une incompatibilité à
l’égard des commissaires d’arrondissement et des membres de la députation. Il
est évident que si cette incompatibilité n’était pas prononcée, il pourrait
arriver que la députation excusât la faute commise par le commissaire
d’arrondissement, et que dans bien des circonstances le fonctionnaire pourrait
exercer de l’influence sur la délibération de la députation. On pourrait penser
aussi que les rapports seront accueillis plus favorablement s’ils sont examinés
par des membres, parents des commissaires d’arrondissement, que s’Ils sont
examinés par des personnes étrangères. Tels sont, sommairement, les motifs qui
ont déterminé la section centrale.
M.
Fleussu. - Comme c’est une grande innovation que l’on vous propose, la
plupart des membres de cette chambre en ont cherché les motifs. Ces motifs
viennent de vous être révélés. Vous semblent-ils, messieurs, assez puissants
pour faire admettre cette innovation ? Quant à moi, je ne le crois pas. On a
dit que l’on craignait que la députation des provinces ne devînt le domaine de
toute une famille ; je conçois, par exemple, qu’un membre de la députation ne
puisse être parent avec le gouverneur, ou, si vous voulez, avec le greffier
provincial, parce qu’il pourrait en résulter des complaisances fâcheuses au
sein de la députation ; mais je vous prie de le remarquer, l’amendement ne
porte que sur l’exclusion des membres de la députation parents de commissaires
de district ; il laisse subsister les autres dispositions de la section
centrale.
Quand un système est
admis, il faut en adopter toutes les conséquences ; vous voulez le système de
l’élection, eh bien, tous les inconvénients que l’on vient de signaler seront
présents aux yeux des électeurs membres du conseil ; c’est au conseil à savoir
si, malgré tous ces inconvénients, ils peuvent choisir le parent d’un
commissaire de district pour être membre de la députation ; vous ne pouvez
établir trop d’exclusions à la fois : voyez combien déjà vous avez restreint
les choix du conseil provincial ; d’après l’art. 87, qui a été ajourné et qui
sera sans doute adopté, ne pourront être membres de la députation les
fonctionnaires de l’ordre judiciaire, les ministres des cultes, les personnes
chargées de l’instruction publique salariées par l’Etat, la province ou la
commune, les membres des administrations communales, les receveurs des
administrations des pauvres, les avocats plaidants, les avoués et les notaires,
les fonctionnaires directement subordonnés au conseil ou à la députation, les
parents alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement.
Vous voyez combien sera
restreint le choix du conseil. Je suppose que dans une famille il se trouve
deux frères, deux cousins capables d’administrer la province. Eh bien, parce
que l’un aura obtenu la confiance du gouvernement, le peuple ne pourra pas
accorder la sienne à l’autre ? Remarquez que ce n’est pas de la même autorité
qu’ils tiennent leur mandat. Vous ne pouvez pas ainsi restreindre le choix du
conseil provincial, lui interdire de nommer un membre d’une famille, par cela
seul que le gouvernement aura confié des fonctions à un autre membre de cette
famille.
On a
dit que quand un commissaire de district aurait un frère membre de la
députation des états, la députation se montrerait plus facile pour excuser les
fautes de son administration ou pour admettre ses propositions ; Je ferai
observer que le commissaire de district ne fait que présenter des conclusions,
préparer le travail. La députation rend une décision conforme ou non après
avoir examiné ce travail. Voilà, comment les choses se passent. Quant à
l’administration du commissaire de district, s’il y a lieu de la juger, le
frère du commissaire de district se récusera, et les autres membres de la
députation seront là pour examiner sa conduite. D’ailleurs ce qu’on vous a dit
à cet égard pourrait s’appliquer à l’ordre judiciaire ; et cependant avez-vous
établi de semblables exclusions dans l’ordre judiciaire ? Avez-vous dit que
deux frères ne pourraient pas être, en même temps, l’un membre d’un tribunal
inférieur, et l’autre conseiller ? Non, je ne vois pas pourquoi vous voudriez
établir dans l’ordre administratif des incompatibilités, quand vous n’avez pas
cru devoir le faire dans l’ordre judiciaire.
D’après
ces considérations, je pense que la chambre adoptera l’amendement de notre
honorable collègue M. Ernst.
M.
Fallon. - Je crois que les considérations qui viennent d’être
développées détermineront la chambre à adopter l’amendement de M. Ernst. Si cet amendement était
rejeté, il en résulterait de graves inconvénients. Aux termes de l’art. 124, le
frère d’un membre de la députation du conseil provincial ne peut pas être
commissaire de district. Mais le conseil provincial peut nommer à la députation
le frère d’un commissaire de district, et la loi ne dit pas si le commissaire
de district devra, dans ce cas, donner sa démission. D’après l’article il en
serait ainsi ; de cette manière le conseil provincial pourrait toujours annuler
le choix du gouvernement pour le commissaire de district.
M. H. Dellafaille - L’objection faite par
l’honorable préopinant est réelle. Si le conseil nommait à la députation le
frère d’un commissaire de district, le commissaire de district devrait se
retirer. Il ne doit pas dépendre cependant d’un conseil de faire retirer un
fonctionnaire public nommé par le gouvernement. Mais cet inconvénient pourrait,
je crois, facilement être écarté. Il suffirait d’ajouter une disposition à
l’art. 87.
Je crois qu’il y a lieu
d’exclure la parenté entre le gouverneur, les commissaires de district, le
greffier et les membres de la députation provinciale, pour le premier parce que
le gouverneur travaille avec eux. Vous devez exclure les membres de la famille
du gouverneur, par la même raison, que vous avez exclu les parents des membres
de la députation.
Quant aux commissaires
de district, dans le cas où le conseil devrait examiner comment ils exercent
leurs fonctions, on a dit que le conseiller dont le frère serait traduit devant
le conseil se récuserait. Mais, malgré sa récusation, il aurait toujours de
l’influence sur ses collègues.
Ce qu’on a dit de
l’influence fâcheuse que la parenté du commissaire de district, soit entre
eux, soit avec le gouverneur ne m’a pas paru concluant. Le gouvernement est
toujours là pour voir si l’administration de la province souffre de cette
parenté et pour faire cesser le mal.
- L’amendement de M.
Ernst est mis aux voix et adopté, ainsi que le paragraphe amendé.
Dispositions transitoires
Article 125 à 128 (du projet
de la section centrale)
M.
le président. - Nous passons aux dispositions transitoires :
« Art. 125. Les
députations permanentes des états provinciaux et les autorités qui, dans
quelques provinces, remplacent ces mêmes députations, continueront leurs
fonctions en se conformant aux dispositions de la présente loi jusqu’à
l’installation des députations des conseils provinciaux. »
- Adopté.
« Art. 126. Le Roi
fixera la première réunion des collèges électoraux et des conseils
provinciaux. »
- Adopté.
« Art. 127. En
attendant la loi sur l’organisation communale, les rapports entre les autorités
provinciales et les administrations locales, établis par les dispositions en
vigueur, continueront d’être observés, pour autant qu’ils ne sont contraires à
la présente loi.
« En attendant la
loi sur l’organisation de la gendarmerie, il n’est rien innové au mode de
supporter les frais de casernement. »
-
Le second paragraphe de cet article a été renvoyé à la section centrale et a
été l’objet d’un rapport spécial.
Le premier paragraphe,
auquel l’art. 127 se trouve réduit, est mis aux voix et adopté.
« Art. 128. Toute
disposition, contraire à la présente loi est abrogée. »
M. de Robaulx. - Cet article est inutile. Il
est évident que, quand on fait une loi, les dispositions qui y sont contraires
sont de droit abrogées.
- L’article est mis aux
voix et adopté.
Article 125
(disposition additionnelle)
M.
Fleussu. - Messieurs, par l’art. 125 vous avez décidé que les
députations permanentes des états provinciaux et les autorités qui, dans quelques
provinces, remplacent ces mêmes députations, continueraient leurs fonctions en
se conformant à la présente loi, jusqu’à l’installation des députations des
conseils provinciaux. Mais vous n’avez rien décidé à l’égard des greffiers. Ne
faudrait-il pas insérer dans la loi une disposition, afin que les greffiers
puissent continuer leurs fonctions jusqu’à ce que les députations aient pu
faire leurs présentations aux termes de la présente loi ?
M.
le président. - M. Fleussu propose à l’art. 125 la disposition
additionnelle suivante :
« Les greffiers
continueront d’exercer leurs fonctions jusqu’à ce que de nouvelles nominations
aient été faites en vertu de la présente loi.
- Cette disposition est
mise aux voix et adoptée.
Tableau annexé au projet de loi (nombre de
membres des conseils provinciaux)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur le tableau annexé au projet de loi en
discussion. Le gouvernement propose 36 membres pour le conseil provincial de la
province d’Anvers ; la section centrale propose 46 membres.
M. de Robaulx. - Le tableau dont nous allons
entamer la discussion, a été formé sur des bases qui seront bientôt détruites.
La nouvelle
circonscription des cantons changera le système de répartition des conseillers
provinciaux. Je désirerais de savoir ce que deviendront les cantons dont les
députés seront supprimés. Vous savez qu’il y a dans la loi à laquelle je fais
allusion divers cantons qui seront ou supprimés ou morcelés. Que deviendront
les députés des cantons morcelés ? Les morcellera-t-on aussi ? L’intention du
gouvernement est-elle de faire décider immédiatement la question de la
circonscription des cantons judiciaires ? Ne serait-il pas convenable
d’ajourner la discussion du tableau jusqu’à l’adoption de la loi qui nous a été
présentée sur les justices de paix ? Il serait plus naturel de faire la
répartition plus tard. Si au contraire vous arrêtez immédiatement le chiffre du
tableau, vous vous verrez bientôt dans la nécessité d’y opérer des
rectifications. Au surplus, comme je trouve la loi excellente, elle ne me
semblera pas plus mauvaise si vous laissez subsister de nouvelles
défectuosités.
M. d’Huart. - La section centrale a présenté
le tableau tel qu’il est soumis à nos discussions, tout en sachant bien que la
loi sur la circonscription cantonale devra le modifier. Mais elle a eu vue de
faciliter la réunion des conseils provinciaux pour la présente année. Si nous
attendions l’adoption de la loi que je viens de mentionner, cette réunion si
ardemment désirée ne pourrait avoir lieu. Veuillez observer en outre que la
commission de l’examen de cette loi vous en proposera le renvoi à l’avis des
conseils provinciaux. (Dénégations.)
Si elle ne propose pas le renvoi, j’en ferai moi-même la motion. Les conseils
provinciaux sont les meilleurs juges de l’opportunité des changements que la
loi doit opérer. Adoptons le tableau tel qu’il est actuellement rédigé, sauf à
lui faire subir les modifications que la loi sur la circonscription cantonale
rendra nécessaire. Mais ne vous dissimulez pas qu’ajourner la discussion du
tableau c’est remettre à l’année prochaine la réunion des conseils dans les
provinces.
M. Fallon. - Il
est très possible que dans quelques provinces la loi sur la circonscription
cantonale présente des difficultés dont la solution soit du ressort des
conseils provinciaux. Mais ce cas ne sera pas général. Il est des provinces
dont l’organisation cantonale subira peu de modifications. Je ne vois pas
d’inconvénients à ce que l’on fixe le nombre des conseillers dans chaque
province, sauf à en faire plus tard la répartition.
M. d’Huart. - Rien ne s’oppose à ce que l’on considère le
tableau comme une loi transitoire. Nous admettons souvent des lois de cette
nature. (Adhésion.)
M.
Pollénus. - Je ferai remarquer à la chambre que le tableau que l’on se
propose de discuter en ce moment est basé sur la population des cantons ; il me
semble que dans un moment où la chambre est saisie d’un projet de loi apportant
des modifications aux circonscriptions cantonales, projet sur lequel les
rapports sont déjà faits, ce serait s’exposer à perdre son temps à discuter un
tableau dont les bases éprouveront nécessairement des modifications qui
vicieront le tableau avant qu’il puisse être mis à exécution.
Quel que soit mon désir
de voir le pays bientôt jouir d’une institution dont il a un si pressant
besoin, je ne puis cependant dissimuler que j’ai peu d’espoir de voir la loi
provinciale mise à exécution pendant le courant de la présente année.
L’honorable
M. d’Huart a dû prévoir que cette loi peut nous occuper encore plusieurs jours,
et un objet de cette importance ne peut manquer de donner lieu à de longs
débats à l’autre chambre, et j’ignore si le gouvernement est disposé à
convoquer immédiatement le sénat.
Il est une autre
question encore, c’est de savoir si le gouvernement jugera convenable de mettre
cette loi à exécution avant la loi communale qui est encore à faire ; c’est une
question, je le répète. J’ignore les intentions du gouvernement à cet égard,
Je
crois donc que la chambre doit éviter de perdre un temps précieux et qu’il est
préférable de s’occuper des amendements, qui ont été renvoyés à la section
centrale et dont la discussion a été différée.
M.
Coghen. - J’appuie la proposition faite par M. d’Huart, de discuter
immédiatement le tableau et les motifs qu’il a allégués en faveur de son
opinion. La nécessité d’une prompte réorganisation provinciale est reconnue par
tout le monde. On peut admettre la division cantonale actuelle, sauf à modifier
la répartition des conseillers sur les bases nouvelles, lorsque nous les aurons
adoptées. Mais, je le répète, la mise à exécution est d’une nécessité
incontestable, et nous sentons tout le besoin de n’y apporter aucun retard.
M. d’Hoffschmidt. - J’ai pris la parole pour combattre
les motifs allégués par l’honorable M. Pollénus pour l’ajournement de la
discussion du tableau. Je ne vois pas comme lui l’impossibilité qu’il y aurait
de mettre à exécution pour la présente année la loi qui fait l’objet de nos
discussions. N’avons-nous pas consacré, dans un article précédent que le Roi
fixerait la première réunion des conseils provinciaux ? Le Roi ne sera pas
oblige de fixer pour l’année 1834 cette réunion à l’époque ordinaire. Elle
pourra avoir lieu un mois plus tard, au mois de septembre par exemple.
Les
objections que rencontrera le projet de loi sur la circonscription cantonale ne
seront pas aussi fortes que l’on paraît le supposer. Si les modifications
apportées par la commission à laquelle nous en avons confié l’examen sont adoptées,
comme tout le fait supposer, les changements ne bouleverseront pas le système
actuel, et les inconvénients d’une nouvelle répartition ne sont pas aussi
graves qu’on pourrait le supposer. Le tableau que nous discutons actuellement
ne sera pas transitoire, et plus tard nous modifierons la répartition des
conseillers.
Ces changements ne
dépasseront probablement pas deux ou trois membres par province.
J’appuierai la
proposition de mon honorable ami M. d’Huart.
M.
Dubus. - Il y a dans le tableau des chiffres qui me semblent pouvoir
être adoptés définitivement ; je veux parler des chiffres globaux. Je crois que
la chambre a pris une décision antérieure qui en nécessite le vote. Si ma
mémoire ne me trompe pas, la chambre a ajourné l’adoption de l’article 86 du
projet de la section centrale jusqu’à la discussion du tableau.
Il est donc
indispensable que les chiffres globaux au moins soient discutés. Il faut fixer le
nombre des conseillers dont chaque conseil provincial devra se composer. Il ne
dépend pas de la loi actuelle de se prononcer irrévocablement sur le chiffre
des conseillers pour chaque canton. La répartition définitive ne pourra avoir
lieu que lors du vote sur la loi relative à la circonscription des cantons
judiciaires. Mais je le répète, il est nécessaire que nous fixions actuellement
les chiffres globaux.
Quant
à la question de savoir s’il convient de s’occuper du vote du tableau tel qu’il
a été présenté par la section centrale je ne verrais pas d’inconvénient à ce
que la chambre l’adoptât, sauf à le modifier plus tard. Mais je ne partage pas
l’opinion d’un honorable membre qui a demandé le renvoi du projet de loi sur la
circonscription cantonale à l’avis des conseils provinciaux. Je pense qu’au
moyen des avis qui nous ont été transmis de toutes les parties du royaume et du
travail consciencieusement élaboré par la section centrale, la chambre se
trouvera suffisamment éclairée pour en entamer immédiatement la discussion.
Mais mon opinion est qu’il y a urgence de compléter la loi provinciale, de la
voter dans tout son ensemble et de ne pas attendre la discussion de la loi
relative à la circonscription des cantons judiciaires.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne pense pas que le vote immédiat du tableau présente aucun
inconvénient. Comme la loi sur la circonscription cantonale n’est pas encore
votée, les élections pour les conseils provinciaux seront faites par les cantons,
tels qu’ils existent en vertu de la législation actuelle. Les élections qui
auront lieu après l’expiration du mandat des premiers conseillers, s’opéreront
d’après les bases établies pendant la durée de ce mandat. Pourquoi les
conseillers élus avant la réorganisation des cantons ne continueraient-ils pas
leurs fonctions ? Quand elles seront expirées, une loi spéciale pourra
déterminer la répartition nouvelle résultant d’un changement de législation.
M. Legrelle. - J’ai entendu dire que la loi
provinciale ne serait pas mise à exécution cette année. Je crois qu’il y a
urgence de presser la réunion des conseils provinciaux. Partout les députations
sont incomplètes.
Dans la province que
j’habite, s’il arrivait qu’un membre de la députation fût malade, et que le
gouverneur fût absent, l’administration se trouverait complètement
désorganisée.
M.
Dellafaille. -
L’urgence de la mise à exécution de la loi qui nous occupe n’est douteuse pour
personne. Les raisons alléguées par M. Legrelle sont justes.
M.
Fallon. - Si, pour compléter la loi provinciale, il ne nous restait
qu’à voter le tableau dont il s’agit, je concevrais qu’on pût s’occuper de ces
détails ; mais vous savez que deux rapports vous ont été faits sur la
circonscription des cantons judiciaires et que, aussitôt que vous aurez statué
sur les amendements qui ont été renvoyés à la section centrale, vous pourrez
vous occuper de ce projet de loi.
Plusieurs membres. - Et la loi communale ?
M.
Fallon. - Si après la loi provinciale on ne doit pas s’occuper de la
loi relative à la circonscription des cantons judiciaires, je ne vois pas
d’inconvénient à aborder dès à présent les détails. On s’occupera, dit-on, de
la loi communale ; mais je ferai remarquer que le rapporteur de la loi
communale est indisposé, et que, d’après l’avis des médecins, il ne pourra de
quelque temps encore prendre part aux travaux de la chambre. Il me paraît
difficile de discuter cette loi aussi prochainement qu’on se le propose.
M. d’Huart. - Je pense que pour compléter la loi
provinciale, il est indispensable, comme l’a proposé l’honorable M. Dubus, de
s’occuper du chiffre global des conseillers provinciaux. Je dis plus, c’est
qu’il n’y a aucun inconvénient à aborder les détails du tableau ; je suis
persuadé qu’ils ne donneraient lieu à aucune discussion, et que leur simple
lecture suffira pour en déterminer l’adoption.
Lorsque la loi relative
aux circonscriptions de cantons judiciaires aura été votée, il sera facile de
modifier le tableau ; mais je crois qu’il importe de terminer la loi
provinciale. Le gouvernement pourra convoquer le sénat, lequel discuterait la
loi provinciale pendant que nous-mêmes voterions la loi communale. Je persiste
donc à demander le vote immédiat du tableau.
Un grand nombre de
membres. -
Appuyé !
M.
le président. - La chambre passe à la discussion de la répartition des
conseillers provinciaux. Le gouvernement ne s’est pas rallié au projet de la
section centrale ; en conséquence la discussion est ouverte sur le projet du
gouvernement.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, la section centrale
a augmenté dans une proportion très forte le chiffre des conseillers proposé
par le gouvernement. Au nombre des motifs qu’a fait valoir la section centrale
en faveur de cette augmentation, je n’ai remarqué que celui-ci, savoir : que
dans un conseil plus nombreux, il y avait plus de chances de former une bonne
députation. Mais la section centrale a raisonné dans l’hypothèse où la
députation serait plus nombreuse que ne l’a proposé le gouvernement. Le
gouvernement à pensé qu’une députation de cinq membres était suffisante pour
faire face à tous les besoins administratifs de la province. La section
centrale a élevé ce nombre à huit. Si donc la chambre partage cette opinion que
cinq membres suffisent pour former une bonne députation provinciale, il s’en
suivra qu’on pourra diminuer le nombre des conseillers sans trop diminuer les
chances d’une bonne députation.
Les conseils provinciaux
ne sont pas des corps politiques ; sur ce point tout le monde est d’accord dans
cette chambre ; ils ont à s’occuper d’intérêts purement administratifs ; ils ne
sont chargés que des affaires de la province, et nous pensons que le moyen de
traiter ces affaires bien et promptement, d’en traiter beaucoup en peu de
temps, c’est de ne pas les livrer à des conseils trop nombreux, mais bien à des
conseils dans une proportion telle que tous les intérêts de la province soient
représentes, sans donner le jour à de longues discussions, à des débats qui
tourneront nécessairement à la politique si les assemblées provinciales sont
trop nombreuses.
Il ne faut pas,
messieurs, perdre de vue qu’au contraire de ce qui se passe dans d’autres pays,
nos assemblées provinciales délibéreront en public, premier stimulant qui
poussera les administrateurs vers les questions politiques, lesquelles ont
toujours plus d’attrait pour le public que les questions purement
administratives. Voilà ce qu’il faut éviter. C’est le devoir du pouvoir central
; et dans le pouvoir central, je comprends les chambres législatives. Il ne
doit pas souffrir que sur neuf points du royaume, neuf parlements fassent de la
politique, stimulés qu’ils seront par la présence du public.
D’après le projet de la
section centrale, différents corps administratifs présenteront un nombre de
plus de 60 membres. Il y aurait 73 conseillers dans
Il faut tenir compte
aussi de la difficulté qu’il y aura dans chaque canton de trouver des hommes
convenables pour ces fonctions et disposés à les accepter. Je crois qu’il est
déjà assez difficile dans tel ou tel canton de trouver tantôt 8, tantôt 4
conseillers, nombre proposé par le gouvernement. La section centrale propose
d’élever ce nombre à 11 conseillers, à 10, à 9. Un tel nombre me paraît
beaucoup trop élevé pour que les électeurs puissent faire des choix toujours
convenables, toujours heureux. Les électeurs, surtout dans les campagnes,
auront souvent de la peine à rencontrer dans les cantons 9 conseillers
également dignes de leur confiance. Ils connaissent souvent une, 2, 3 personnes
dans lesquelles ils ont confiance, et après qu’ils leur ont donné leur voix,
ils ne s’embarrassent pas du reste, et abandonnent leurs choix au hasard ou aux
indications que l’esprit d’intrigue pourra leur donner.
J’ajoute que si nous
nous rapportons à l’exemple d’un pays voisin où on ne peut supposer que les
intérêts administratifs ne soient pas bien compris, nous trouvons que le nombre
des représentants des divisions territoriales correspondant à nos provinces est
plus rapproché de la proposition du gouvernement. que
celle de la section centrale. En France les conseils généraux de département
n’ont pas plus de 30 conseillers, là même où il y a plus de 30 cantons ; car
alors plusieurs cantons se réunissent pour nommer un membre du conseil général.
Et
là, messieurs, les assemblées départementales ne sont pas publiques ; elles ne
peuvent correspondre entre elles ; elles sont loin d’avoir les attributions
étendues que nous avons données à nos assemblées provinciales.
De tout temps en France,
le nombre des conseillers a existé dans une proportion beaucoup plus faible que
celle que nous proposons ; je ne pense pas que dans les débats parlementaires
qu’ont successivement suscités les différents projets de loi d’organisation
départementale, la discussion ait porté sur l’extension à donner au nombre des
conseillers.
J’attendrai les raisons
que l’on peut faire valoir en faveur d’une augmentation que je considère comme
exagérée et comme n’étant pas de nature à servir les intérêts des provinces.
M. H. Dellafaille - Messieurs, l’idée qui
paraît dominer le plus M. le ministre de l’intérieur dans son opposition au
tableau proposé par la section centrale, est la crainte de voir les conseils
provinciaux s’ingérer plus facilement dans les matières politiques si le nombre
de leurs membres est trop nombreux. Je crois, messieurs, que cette crainte est
peu fondée.
Je ferai d’abord
observer à M. le ministre que si ce danger était à craindre, le nombre plus
restreint des conseillers ne l’empêcherait point. Il y aura toujours dans un
corps électif, quel que soit le nombre de ses membres, des hommes de toutes les
opinions, et dès lors les questions qu’on semble craindre ne laisseraient pas
d’être soulevées.
En outre, je crois que
c’est une erreur de craindre que les conseils provinciaux ne deviennent des
parlements au petit pied. Leurs attributions sont presque toutes
administratives. Il n’y a guère qu’un point où elles puissent toucher à la
politique, c’est le droit qui leur est conféré par la constitution, d’appuyer
les intérêts de leurs provinces et de leurs administrés auprès du Roi et des
chambres. Mais, messieurs, remarquez, s’il vous plaît, qu’une adresse ne
saurait inquiéter sérieusement, puisque c’est après tout le chef de l’Etat ou
les chambres législatives qui en décideront. Que si les conseils voulaient
substituer leur volonté à celle des autorités placées au-dessus d’elle par la
constitution, il y a des moyens suffisants pour réprimer cet abus.
En quoi voulez-vous
d’ailleurs que les conseils puissent inquiéter le gouvernement ? Toutes leurs
réclamations qui ont quelque importance sont soumises à la sanction royale. Le
Roi peut annoter tous les actes qui sortent des attributions de ces corps ou
qui blessent l’intérêt général. Sauf quelques légères modifications, la section
centrale admet dans ce rapport les propositions du gouvernement qui atteint par
le droit d’annulation les actes qui échappent à son droit d’approbation.
Pourquoi donc ces craintes que je ne conçois pas ? Et en quoi surtout le nombre
plus ou moins grand des députés peut-il en ce point exercer quelque influence ?
M. le ministre de
l’intérieur admet que tous les intérêts doivent être convenablement représentés
: c’est un des motifs qui ont déterminé la section centrale dans le chiffre
auquel elle s’est arrêtée. Beaucoup de cantons auront deux députés, et
l’absence de l’un d’eux ne laissera du moins pas un canton entier sans
représentation aucune. Rappelez-vous, messieurs, que dans nos anciens états
provinciaux, les députés des campagnes surtout ne brillaient pas par leur
exactitude aux séances.
Il est encore à
craindre, si le nombre est aussi restreint que ne le propose le ministre,
qu’une famille riche et influente, en faisant nommer plusieurs de ses membres
dans divers cantons, n’exerce trop d’action sur le conseil. Deux ou trois
familles liguées pourraient mener tonte une province. Ce motif n’a point
échappé à la section centrale.
M. le ministre craint
que les cantons ne puissent que difficilement trouver un nombre suffisant de
bons représentants. Il cité à l’appui de son opinion ceux qui ont dix ou onze
députés. Je lui ferai remarquer que les cantons ruraux n’ont que deux ou au
plus trois députés, et que ceux qui ont le nombre cité sont les cantons
dépendants des grandes villes. Ces localités sont précisément celles où les
capacités sont plus faciles à trouver, et elles ne voient même pas augmenter
leur ancienne représentation. Qui me fera accroire, par exemple, que le canton
de Gand ne pourra fournir dix députés, tandis qu’aux états provinciaux la ville
en a toujours fourni quatorze sans aucune difficulté.
Une raison qui me paraît
plaider avec force en faveur du chiffre de la section centrale, c’est
l’avantage inappréciable de mettre un plus grand nombre de personnes au fait de
nos institutions constitutionnelles et des intérêts du pays. Il serait à
désirer que nos conseils provinciaux pussent devenir des pépinières propres à
fournir au gouvernement des administrateurs habiles ; aux chambres, des membres
rompus à l’administration et connaissant à fond les besoins des districts qui
les envoient à la législature. Beaucoup de personnes ne peuvent accepter ces
fonctions, soit par leur position sociale, soit par leurs occupations. Si vous
voulez trouver un jour, dans vos conseils, des sénateurs, des représentants qui
répondent aux vœux de leurs commettants, il est nécessaire que vous rendiez ces
corps assez nombreux pour que les électeurs puissent facilement y trouver des
candidats.
A
l’appui de son opinion, M. le ministre nous a cité l’exemple de
Je voterai pour le
projet de la section centrale.
M. d’Hoffschmidt. - Un conseil trop peu nombreux ne
représente pas bien les intérêts de sa province. Dans un petit nombre de
conseillers, presque tous cultivateurs, pères de famille, il est très difficile
de choisir six ou huit personnes éclairées dans l’administration, pour composer
la députation. Si la proposition du gouvernement était adoptée, il y aurait des
provinces où le conseil serait évidemment réduit à un trop petit nombre de
membres. Je citerai les provinces du Luxembourg et du Limbourg qui sont très
peu peuplées. Le gouvernement ne leur accorde que 42 conseillers ; si, contre
mon attente, elles venaient à être scindées en vertu du traité des 24 articles,
il resterait seulement 23 conseillers à la province du Luxembourg et 17 ou 18
dans le Limbourg. Je demande si dans un aussi petit nombre de conseillers il
serait facile de choisir la députation ? M. le ministre pense que 40 ou 50
conseillers sont suffisants pour débattre les intérêts de la province : mais il
faut considérer que les conseils se partagent en plusieurs sections ; or, elles
ne pourraient être que de trois ou quatre membres, si les conseils étaient
réunis en petit nombre. Le travail de ces sections est cependant fort important
: si quelques membres, la moitié, par exemple, sont absents, je demanderai
comment les travaux s’exécuteront et quel sera le résultat de leur examen ?
M. le ministre de l'intérieur
a dit qu’en France les conseils de département n’avaient que 30 conseillers, et
il a ajouté que ces conseils avaient peu d’importance ; mais c’est précisément
parce qu’ils ont peu d’importance qu’ils ne sont pas nombreux, et l’argument de
M. le ministre ne vient donc pas en faveur de son système.
Je
pourrais ajouter bien d’autres considérations à celles que je viens d’exposer,
mais je me réfère sur beaucoup de points à ce qu’a dit l’honorable M.
Dellafaille. Il n’y a qu’une chose sur laquelle je ne partage pas son opinion.
Il a dit qu’il ne
fallait pas nous faire les vassaux de
M. Fallon. - J’appuierai le tableau proposé par la
section centrale : les motifs allégués par M. le ministre de l’intérieur contre
ce tableau ne m’ont pas frappé. Le tableau présenté par le gouvernement offre
des bizarreries assez choquantes.
Pour Namur, par exemple,
on y propose 27 conseillers, tandis que pour une autre province, égale en
population, on y propose 42 conseillers. La section centrale a présenté un
terme moyen entre les chiffres admis précédemment pour la composition des
conseils, et le chiffre du gouvernement. A Namur, nous avons actuellement 54
conseillers ; la section centrale en propose 43 : je ne vois pas d’inconvénient
à opérer cette réduction.
M.
Helias d’Huddeghem. - Je viens aussi appuyer le tableau proposé par la section centrale.
II me semble que le nombre des conseillers doit être fixé d’après la population
et l’importance des travaux du conseil.
Le nombre des
conseillers propose par la section centrale n’est point trop élevé pour
s’occuper des travaux qui leur seront confiés, et pour régler les différends
qui s’élèveront entre les communes et les particuliers. Le service ordinaire
pourrait souffrir si plusieurs membres s’absentaient. Dans
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je sais que, sous le rapport
de l’administration provinciale et communale,
On dit qu’il faut que
l’assemblée du conseil soit nombreuse pour prévenir les effets des absences et
des inexactitudes des membres ; nous croyons que c’est précisément le
contraire. Plus l’assemblée sera restreinte, plus grande sera la responsabilité
de chacun des membres ; nous croyons qu’il y aura plus d’absences, plus d’inexactitudes,
si un conseiller peut compter sur son collègue pour représenter son canton en
cas d’absence ; s’il est seul, il mettra plus de zèle à se rendre au conseil.
Le seul argument qui m’a
paru devoir attirer l’attention de la chambre, est celui-ci : Avec des corps
administratifs plus nombreux, vous créez, dit-on, une pépinière d’hommes
publics et d’administrateurs. J’avoue que, sous ce rapport, le projet de la
section centrale l’emporte sur le projet du gouvernement, attendu que le
dernier projet restreint les chances de former dans le pays des administrateurs
et des hommes publics, en restreignant le nombre des conseillers. Mais cet
argument, loin de détruire, ne fait que confirmer les considérations que j’ai
fait valoir relativement à la tendance que ces administrateurs auraient à
devenir hommes politiques. C’est là ce qu’il faut éviter.
Je crois que les
chambres législatives ne doivent point volontairement, imprudemment, travailler
à une œuvre qui aurait pour but de leur donner autant de rivales qu’il y aura
d’assemblées provinciales dans le royaume. Ce n’est pas le pouvoir exécutif qui
sera le plus menacé, c’est le pouvoir législatif, parce que. c’est ce pouvoir
qui a le plus à se défendre contre les envahissements qui me paraissent très
probables, alors que les assemblées provinciales seront très nombreuses,
qu’elles délibéreront en public et qu’elles auront la faculté d’adresser des
vœux sur toutes choses au pouvoir central.
Sait-on bien ce que
serait un vœu exprimé dans une assemblée composée de 73 membres et adressé à
une assemblée de 50 membres, telle que le sénat, ou à la chambre des
représentants délibérant avec un nombre inférieur de membres ?
Je suppose qu’une loi
soit votée à l’assemblée législative par 60 membres ; cette loi rencontre des résistances
dans les assemblées de la province : on l’accusera d’être inconstitutionnelle,
on dira que la chambre pas le droit de voter une loi en violation de la
constitution ; des vœux se manifestent contre cette loi par l’assemblée
provinciale composée de 73 membres, alors que la loi n’a été portée dans la
chambre que par 60 députés. Ne voyez-vous pas qu’il pourra exister une lutte
entre ces deux corps délibérant en public, et que la balance pourra pencher du
côté du plus nombreux ?
Je ne veux pas effrayer
la chambre par des craintes imaginaires ; nous n’avons pas encore acquis
l’expérience de ces assemblées provinciales délibérant en public ; je vous
avoue que je redoute de graves inconvénients pour la marche générale des
affaires. je crois que quel que soit le patriotisme
des membres de ces assemblées, ils seront souvent entraînés dans des questions
politiques, et qu’ils tendront à sortir du cercle de leurs attributions. Si
deux ou trois conseils provinciaux réunis forment une assemblée plus nombreuse que
la chambre des représentants et le sénat, je vous le demande, dans le cas où
ces corps s’entendraient pour blâmer un acte législatif, quelle serait la
position du pouvoir législatif en présence d’une pareille coalition ?
Je persiste à croire,
malgré ce qui a été dit, que l’on peut donner aux conseils provinciaux des
attributions plus étendues sans que pour cela il y ait nécessité d’augmenter le
nombre des conseillers.
On s’est étonné que la
province du Luxembourg fût portée dans le projet du gouvernement comme devant
avoir 42 conseillers, tandis que la province de Namur n’en a que 27 ; je ferai
observer qu’il y a entre les deux provinces une différence de 100,000 âmes dans
la population.
Il faut ensuite se
reporter à la différence dans le nombre des cantons ; la province du Luxembourg
a 33 cantons, tandis que celle de Namur n’en a que 13. Dans tous les cas, si la
province du Luxembourg a un privilège quant au nombre de ses conseillers, cela
répondrait à l’objection faite par un des membres de cette chambre que cette
province aurait un trop petit nombre de conseillers alors que l’adoption du
traité de 24 articles en aurait détaché une partie de
Le
nombre de conseillers proposé par le gouvernent ne l’a pas été dans des
circonstances récentes ; cette fixation date d’une époque où l’on ne pouvait
pas soupçonner le pouvoir de vouloir porter atteinte à l’indépendance
provinciale. Il est conforme à celui proposé au mois de décembre 1831 par un de
mes honorables prédécesseurs ; nous n’avons fait que le reproduire. Nous nous
sommes fait un devoir le défendre.
M. le président. - La parole est à M. A. Rodenbach.
M.
A. Rodenbach. - Personne n’appuie donc le tableau du ministre ? Je
répondrai quand un membre aura pris la parole pour le défendre.
Il n’y aura personne.
M. de Theux, rapporteur. - Il est
impossible de poser une règle bien précise pour la détermination du nombre des conseillers
provinciaux. C’est une affaire d’appréciation, d’opinion. En effet, en 1831 le
gouvernement, prenant en considération que les conseils provinciaux n’avaient
plus d’élections à faire pour les chambres législatives, avait pensé qu’on
pouvait diminuer considérablement le nombre des conseillers. En présentant le
tableau, il exposa ses motifs, ils ont été examinés. Dans les sections la
majorité s’est prononcée pour une augmentation du nombre des conseillers. Dès
lors la section centrale a cru pouvoir prendre un terme moyen entre les
propositions du gouvernement et celles de plusieurs sections qui voulaient que
le nombre des conseillers fût doublé.
On a dit que le seul
motif d’augmentation donné par la section centrale consistait dans
l’augmentation qu’elle avait donnée au nombre des membres de la députation :
c’est une erreur. Le premier motif résulte des opinions émises dans les
sections. Le deuxième motif est l’augmentation du personnel de la députation.
Le troisième est qu’on a voulu donner à chaque canton une représentation de
deux conseillers, afin que ses intérêts fussent mieux défendus au conseil
provincial et que tous les intérêts y eussent plus d’organes.
La section centrale
s’est-elle encore écartée de ce qui convient le mieux à l’intérêt général du
pays ? Je ne le pense pas. On craint, dit-on, que les conseils ne dégénèrent en
corps politiques, que l’augmentation de leur personnel ne les fasse dégénérer
en corps politiques. Je ne partage pas ces craintes. On dit encore qu’il
résultera de cette augmentation que les travaux des conseils s’expédieront avec
moins de rapidité. Mais ces deux objections se détruisent l’une l’autre. Si
l’augmentation du personnel ralentit l’expédition des affaires, les conseils
provinciaux n’auront pas le temps de s’occuper de questions politiques ; ils
pourraient à peine examiner le budget et les comptes de la province et quelques
projets d’utilité provinciale.
On craint aussi que
l’influence de corps aussi nombreux ne vienne paralyser l’influence du pouvoir
législatif. Si cette crainte était fondée, nous devrions évidemment nous
empresser de circonscrire ces corps dans de justes limites. Mais cette opinion
n’est pas fondée. D’ailleurs, nous avons employé le meilleur moyen pour
empêcher les conseils provinciaux de dégénérer en corps politiques ; ç’a été de
déclarer incompatibles les fonctions de membre de l’une des deux chambres, et
celles de conseiller provincial. C’est la meilleure garantie. Indépendamment de
ce que les membres des deux chambres sont plus habitués à traiter des questions
politiques, et sont plus portés à les soulever, il résulterait une fausse
position de cette double qualité, lorsqu’un membre des deux chambres aurait
fait partie d’un conseil provincial qui aurait exposé des vues politiques.
Mais, d’après la séparation établie entre l’une et l’antre fonction, les
conseils auront peu de chances de s’occuper de questions politiques, et les
chambres jalouses de leurs prérogatives ne favoriseront pas des démarches de ce
genre. Sans doute, si des vœux sages étaient exprimés dans l’intérêt de la
province, on ne les repousserait pas ; mais, s’ils prenaient un autre
caractère, ils rencontreraient évidemment dans les deux chambres, un obstacle
insurmontable.
On a dit que si
plusieurs conseils voulaient se mettre en opposition avec la législature,
l’exécution de la loi pourrait rencontrer des obstacles. Je répondrai d’abord
que je ne crois pas que cela soit à craindre. Il faudrait pour cela que la
majorité des conseils du royaume suivissent cette marche. C’est ce qui n’est
pas présumable. On a vu sous le gouvernement précédent, où les assemblées
provinciales étaient infiniment plus nombreuses, alors que les griefs étaient
immenses, que le midi de
On a
dit que les électeurs seraient embarrassés pour choisir un aussi grand nombre
de conseillers, qui s’élève jusqu’à dix dans certaines villes. Si c’était là
une raison, l’objection serait bien plus forte contre les conseils de régence,
dont le nombre des membres s’élève, quelquefois, jusqu’à 25. Je pense que cette
objection n’est pas sérieuse.
Un honorable député de
Namur a cru que, dans le premier projet, on avait commis une erreur vis-à-vis
de sa province, comparativement au Luxembourg ; on a pris pour base la
population. La province du Luxembourg est portée pour une population de 320
mille habitants, tandis qu’on n’en porte que 211 mille pour la province de
Namur.
Je bornerai là, quant à
présent, mes observations. J’attendrai les autres objections qui pourraient
être faites contre le projet de la section centrale.
M. Eloy de Burdinne. - Je viens appuyer
le chiffre du gouvernement, bien entendu que s’il se trouve des provinces qui
n’ont pas le nombre de conseillers que leur importance comporte, on devra
satisfaire à leur réclamation. J’appuie la proposition du gouvernement, d’abord
par le motif qu’il y aura une économie marquante, ce qui n’est pas à dédaigner.
Vous savez tous que nous cherchons les économies et que nous devons les prendre
où elles se trouvent.
On a fait valoir
plusieurs motifs à l’appui du chiffre de la section centrale. Un honorable
collègue, M. d’Hoffschmidt, craint, si on le diminue, qu’on ne soit embarrassé
pour former les sections, qui sont composées de trois et quatre membres et ont
à s’occuper d’objets importants. Je lui répondrai qu’aux états provinciaux on a
assisté aux séances avec beaucoup plus de zèle qu’à la chambre des
représentants. Je peux assurer que pendant tout le temps que j’ai eu l’honneur
de faire partie des états provinciaux de la province de Liége, il est rarement
arrivé que le dixième des membres fût absent.
Je ne sais pas si le
nombre de conseillers assigné à la province de Namur est suffisant, mais il me
semble que pour la province de Liége le nombre de 38 que lui assigne le
gouvernement suffit. A la vérité les états provinciaux se composaient de 63
membres ; mais je ferai remarquer que de ces 63 membres, 21 appartenaient au
corps équestre.
A cette époque il était
nécessaire que les états provinciaux continssent un grand nombre de membres,
parce que c’étaient autant de corps électoraux, qui nommaient les députés aux
états généraux. L’objet en valait la peine.
L’honorable M.
Dellafaille a fait une autre observation. Il a considéré les conseils
provinciaux comme des écoles administratives, où les conseillers pourront
acquérir des connaissances qui les mettront à même d’occuper des fonctions
gouvernementales ou législatives. Cependant, quinze jours de leçons par an me
semblent peu propres à former des hommes d’un grand talent.
M. le ministre de
l’intérieur a exprimé des craintes sur les inconvénients que pourra présenter
la publicité des séances. Je regrette de ne pouvoir partager ses craintes sous
ce rapport. Cette publicité amènera des résultats très favorables. Ayant
soutenu le principe de la publicité aux états provinciaux de Liége, je le
soutiendrai également dans cette enceinte. La publicité stimulera le zèle des
conseillers et maintiendra dans de justes bornes les hommes qui voudraient
s’écarter des principes de la révolution.
L’honorable
M. de Theux a dit que l’on avait augmenté le chiffre des conseillers, afin que
chaque canton fût représenté par deux membres. Mais je crois qu’il en résultera
une inégalité dans la proportion des citoyens représentés. Dans la province de
Liége, il est plusieurs cantons auxquels on a accordé une augmentation de
membres ; mais je ferai remarquer que le canton de Landen, dont la population
est de 9,393 habitants, n’aura, d’après le projet de la section centrale, qu’un
représentant, tandis que le canton de Bodegnée, dont
la population étant de 11,598 habitants ne dépasse celle de Landen que de 2,000
habitants, aura deux représentants. Le canton de Waremme, qui a 11,207
habitants, n’a qu’un représentant ; celui de Bodegnée,
qui n’a que deux cents habitants de plus, aura deux représentants. 200
habitants donneront donc droit à l’augmentation d’un représentant. Cet
inconvénient ne doit pas être dédaigné.
Quant aux questions
politiques que les conseils provinciaux pourraient agiter, je ne crains pas
celle prévision. On pourra émettre un vœu en nombre moindre.,
Qu’il y ait 42 conseillers ou qu’il y en ait 46, ce nombre ne les empêchera pas
de faire connaître, s’ils le veulent, leur opinion sur une question politique.
Du reste je suis très tranquille sur ce point, et je ne vois pas qu’il puisse
arriver les inconvénients que l’on semble craindre. Je voterai pour le chiffre
ministériel.
M.
Donny. - Je suis loin de partager les craintes de M. le ministre de
l’intérieur, qui trouve la tendance politique d’un conseil provincial d’autant
plus dangereuse que ce conseil serait composé d’un plus grand nombre de
membres. Aussi, si je n’avais d’autres motifs pour adopter le système du
gouvernement, je me rangerais facilement à l’avis de la section centrale. Mais
d’autres raisons me déterminent à donner la préférence au projet du
gouvernement.
D’abord, je pense que le
nombre de conseillers fixé par ce projet suffit pour l’expédition des affaires
dont sont chargés les conseils provinciaux. Ensuite j’y vois, comme M. Eloy l’a
déjà fait observer, une économie assez considérable pour le trésor. Cette
économie s’élève à la somme de 65,000 francs par an. Voici comment ce chiffre
est calculé : la section centrale vous propose de porter à 64 le nombre des
membres des députations ; le gouvernement en réduit le nombre à 45. II y a donc
dans le système de la section centrale une augmentation de 19 députés ; ce qui,
à raison de 3,000 francs par député, produit une somme de 57,000 francs. La section
centrale propose, en outre, 12 conseillers provinciaux de plus que le
gouvernement. Les indemnités que vous avez déclaré devoir leur être accordées
s’élèveront bien à 8,000 ; ce qui forme, avec le traitement des membres des
députations, un total de 65,000 francs.
Je
voterai donc pour le chiffre proposé par le gouvernement.
L’honorable M. Fallon a
fait une observation sur la disproportion du nombre des conseillers entre
diverses provinces. Je ne suis pas à même d’examiner si son observation est
bien fondée. Mais en tout cas il pourrait proposer un amendement.
M.
Fallon. - J’avais commis une erreur.
M.
Donny. - Dans ce cas mon observation tombe d’elle-même.
M.
A. Rodenbach. - L’on a craint que des conseils provinciaux en
s’occupant de matières politiques ne cherchent à entraver la marche du
ministère, à empêcher la marche gouvernementale de prendre son essor. Ces
craintes pourraient être fondées, s’il n’y avait eu des amendements, entre
autres un de M. de Muelenaere, tendant à restreindre l’action des conseils
provinciaux sous ce rapport. Leurs règlements doivent être soumis à
l’approbation du gouvernement. Ils ne peuvent, comme on l’a déjà dit, s’occuper
que d’intérêts purement provinciaux. S’ils voulaient faire connaître qu’une loi
sur les céréales serait utile, ils pourront en émettre le vœu, et ils seront
dans leur droit. Mais s’ils entraient dans le domaine de la politique, on ne
les écouterait pas, fussent-ils deux mille. Nous avons vu arriver à la chambre
des pétitions signées par 4,000 personnes. Elles ont été rejetées quand elles
nous ont paru ne pas devoir être accueillies.
Je
ne partage pas l’opinion de M. Eloy, quand il dit que les conseils provinciaux
ne seront pas une pépinière d’administrateurs et de représentants. Je pense que
l’on doit aux états-provinciaux un grand nombre d’hommes capables. L’honorable
M. Eloy a dû voir par lui-même quelle a été leur influence sous ce rapport. Je
pense donc qu’il y a lieu d’adopter le chiffre de la section centrale.
Quant à l’objection
d’économie que l’on a faite, je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à une
misérable économie d’une soixantaine de mille francs, Il faut avoir en vue
avant tout l’intérêt du pays. Au surplus, le chiffre actuel des dépenses pour
les conseils provinciaux sera d’un tiers moindre que sous le roi Guillaume.
Sous son gouvernement,
on n’a pas craint l’influence politique des états-provinciaux. On les a
enchaînés, et lorsqu’ils se sont élevés contre l’impôt sur la mouture, on n’a
pas écouté leurs réclamations.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Un honorable préopinant a dit
que si l’inconvénient de voir un corps administratif envahir le domaine de la
politique générale était le seul à redouter, il ne s’opposerait pas à ce qu’un
pareil corps existât. Mais il a déclaré s’opposer à ce que les conseils fussent
trop nombreux, par un motif que je m’empresse de repousser. Je veux parler du
motif d’économie. Alors que nous organisons le pays, nous ne devons pas nous
laisser aller à de mesquines considérations. d’économie.
Du moment qu’une institution est reconnue bonne, je ne vois pas, quant à moi,
que l’on doive en reculer l’établissement, parce qu’elle coûterait 60 ou 75
mille francs.
J’ai dit que les corps
nombreux délibérant devant le public seraient portés à s’occuper de matières
politiques. Je ne nie pas que des corps moins nombreux ne suivent la même
impulsion ; seulement, il y a moins de chances qu’une telle invasion dans le domaine
de la politique ait lieu dans ce dernier cas, et les résultats de cet
empiétement sur les droits de la législature seront moins redoutables. Un corps
de 75 membres adressant des vœux ou des plaintes sur une loi, adoptée par une
majorité de 53 représentants, par exemple, aura une influence plus grande que
si la décision avait été prise par un nombre inférieur à la majorité absolue de
la chambre des représentants.
Messieurs, on a beaucoup
parlé des anciens états provinciaux : on a dit que sous l’ancien gouvernement,
le nombre de leurs membres était plus grand que celui proposé par la section
centrale pour les conseils provinciaux, et qu’il n’en est résulté aucun
inconvénient pour l’administration. C’est là une erreur de mes honorables
adversaires : il est évident que sous l’ancien gouvernement les états
provinciaux ont fortement contribué à ébranler le gouvernement qui pesait sur
le pays. Certainement tous ces vœux exprimés en même temps sur plusieurs points
du royaume jetaient le gouvernement dans un grand embarras. Ce qui le prouve,
ce sont les moyens de répression employés par le gouvernement pour arrêter ces
vœux révolutionnaires, vœux légitimes alors que le pays n’était pas
véritablement représenté dans les états généraux, vœux qu’il serait dangereux
de voir renaître aujourd’hui en présence d’une représentation nationale dans
toute sa plénitude, dans toute sa sincérité.
Ce sont de tels exemples
contre lesquels vous devez vous prémunir pour empêcher que les conseils
provinciaux ne se laissent aller à l’impulsion qui dirigeait les anciens états
provinciaux. Je le dirai en toute franchise, j’ai applaudi, j’ai poussé à tout
ce qu’ont fait les anciens états provinciaux. Mais je le répète : je crois que
si l’action de la représentation provinciale était la même aujourd’hui, il en
résulterait de grands inconvénients que non seulement le gouvernement, mais que
même le pouvoir législatif en seraient souvent entravés.
Veuillez, messieurs,
remarquer ceci, c’est que sous l’ancien gouvernement le public n’assistait pas
aux séances des états-provinciaux, que les états ne nommaient pas eux-mêmes
leur président, qu’ils étaient présidés par le gouverneur de la province,
lequel pouvait exercer une grande influence sur l’assemblée en dirigeant la
discussion dans le sens le moins hostile au gouvernement et au pouvoir
législatif.
Il faut en outre
remarquer que le conseil provincial n’est pas composé de la même manière que
les anciens états provinciaux ; il y avait dans les élus une garantie qu’ils ne
présentent plus aujourd’hui. L’élection était faite par des collèges
d’électeurs très restreints quant au nombre et dont les choix, il faut le dire,
portaient sur des hommes fortement attachés aux intérêts matériels de la
province par leur position sociale et leur fortune.
Aujourd’hui, et à Dieu
ne plaise que je veuille attaquer ce changement de système, les choix seront
plus libres, plus populaires. Les conseillers provinciaux seront nommés
directement par les mêmes électeurs qui nomment la chambre des représentants et
le sénat. Ces électeurs seront souvent entraînés à faire des choix politiques
alors qu’ils n’ont que des administrateurs à
nommer. Il arrivera souvent, je pense, que les hommes qui n’auront pas
pu réussir à parvenir aux chambres législatives tâcheront de se récupérer en
briguant l’honneur d’être nommés aux chambres provinciales, car il y aura
véritablement des chambres provinciales délibérant et agissant au grand jour de
la publicité.
Si je fais si souvent
résonner le mot de publicité, ce n’est pas, comme a paru le croire un honorable
préopinant, que je ne trouve que la publicité ne soit une fort bonne chose en
elle-même. Je l’ai conseillée en d’autres temps, et aussitôt que je suis arrivé
aux affaires, je l’ai mise en pratique. Lorsque j’ai eu l’honneur d’administrer
la province d’Anvers, j’ai été le premier à faire publier dans le Mémorial les procès-verbaux des séances
de la députation ; j’ai eu soin que pour les affaires de milice et de garde
civique, la députation délibérât toujours portes ouvertes et en présence de
tous les intéressés.
J’ai dû faire connaître
ces circonstances pour faire voir quels ont été mes principes relativement à la
publicité, principe que je n’ai pas abandonnés ; car je crois encore qu’elle
est bonne en elle-même, j’espère qu’elle produira de bons fruits pour les
conseils provinciaux. On a dit qu’elle stimulerait le zèle des conseilleurs, je
le crois ; je crains même qu’elle ne le stimule trop ; je crains qu’avec les
meilleurs intentions ils ne sortent de leurs attributions, et qu’au lieu de
s’en tenir à la prosaïque administration ils ne se lancent dans la sphère de la
politique, bien plus attrayante pour le public et pour eux-mêmes.
Il
est à remarquer aussi que les conseils provinciaux ne doivent avoir à traiter
que des questions d’administration, et que pour de tels objets des assemblées
nombreuses ne valent rien. 60 membres feront moins d’ouvrages que 30 n’en
feraient. Ce sont des faits que chacun de vous est à même de vérifier chaque
jour. Je crois par exemple que la loi provinciale, qui est une loi
d’administration et que nous discutons en ce moment, marcherait moins
rapidement et moins bien si elle était discutée par 200 ou même 100
représentants. Il y aurait un plus grand nombre d'observations et de
contradictions. Dès los la discussion se prolongerait davantage.
En finissant je
déclarerai que je ne me dissimule pas que la thèse soutenue par le gouvernement
n’est pas en ce moment la plus populaire ; mais au moins j’espère que la
chambre me rendra la justice de croire que notre opinion est le résultat de
notre conviction, et que si nous cherchons à la faire prévaloir, c’est bien
moins dans l’intérêt actuel du pouvoir que dans l’intérêt absolu du
gouvernement en général et des chambres elles-mêmes.
M.
Dubus. - Sur la question qui nous occupe je remarquerai que déjà la
chambre a manifesté presque unanimement son opinion ; car, à l’exception d’une
section, toutes ont réclamé l’augmentation du nombre de conseillers proposé par
le gouvernement. La proposition de la section centrale a été prise à
l’unanimité ; enfin deux membres seulement de l’assemblée viennent de se
prononcer pour le projet du gouvernement, encore ont-ils rejeté bien loin les
craintes manifestées par les ministres, et ne se sont-ils déterminés que par de
chétives considérations d’économie. D’après cela, il me semble inutile de
prolonger la discussion ; je dirai cependant quelques mots pour motiver mon
vote.
Après avoir invoqué
l’exemple de
Il est impossible que
dans les conseils provinciaux toutes les localités soient représentées ; or,
c’est précisément parce qu’ils n’auront pas à s’occuper de questions générale,
et qu’ils ne devront examiner que des intérêts de localité qu’il faut tâcher de
représenter toutes les localités. Il est évident que plus vous étendez le
nombre des conseillers municipaux, plus vous avez la chance d’arriver à ce
résultat.
D’après les chiffres
proposés par la section centrale vous conserverez aux différents cantons ou
districts à peu près la représentation dans le conseil provincial qu’ils
avaient, car la diminution, proposée par la section centrale correspond à la
diminution provenant de la suppression du corps équestre, corps qui n’existe
plus dans nos institutions.
Ainsi, vous ne
diminuerez rien à la représentation provinciale ; et vous ne voudrez pas avoir
l’air, en organisant la province sous le régime de la liberté, de faire un pas
rétrograde, et d’accorder moins qu’on n’accordait auparavant.
Mais il y a danger, dit
le ministre, et ce danger est tel qu’il doit faire passer sur toute autre
considération ; toutefois ce danger n’inspire de crainte à personne et aucun
orateur n’en a paru ému. Le ministre ne veut pas de neuf parlements, sur neuf
points du royaume, faisant de la politique, on lui répond que les neuf conseils
provinciaux ne seront pas neuf parlements faisant de la politique, mais bien
neuf conseils occupés des intérêts de la province ; alors il s’écrie : Les
conseils peuvent émettre des vœux et voilà le danger. Soit, ils émettront des
vœux ; mais leurs vœux seront-ils moins puissants quand les conseils seront
composés de 50 membres au lieu de l’être de 73 membres par exemple ?
Que l’assemblée soit
composée de 73 membres ou de 40 à 50, elle représente toute la province ; et
dès qu’elle représente la province, le vœu unanime de 50 membres n’est pas d’un
poids différent que le vœu unanime de 73 membres. Supposez-vous que le vœu de
50 membres ne représente pas celui de la province ; alors un conseil de 50
conseillers est un conseil établi d’après un système vicieux. Mais si 50
membres représentent réellement la province, vous devez tout autant redouter
l’émission de leur vœu unanime que celle d’un plus grand nombre de conseillers
; ici ce sera la véritable représentation nationale qui pèsera dans la balance.
Ce n’est pas d’après le
nombre des votes que vous devez trouver le poids du vœu émis, c’est dans le vœu
en lui-même.
On demande s’il est bien
convenable qu’un corps nombreux s’adresse à un corps moins nombreux. Je ferai
observer que les conseils peuvent adresser leurs vœux au pouvoir exécutif, évidemment
moins nombreux que les conseils provinciaux. Ainsi la considération tirée du
chiffre des membres des assemblées provinciales, relativement au chiffre des
membres de l’un des chambres législatives, ne présente aucun danger.
Mais il pourra y avoir collusion
entre toutes les assemblées provinciales ; alors comment voulez-vous qu’une
assemblée législative résiste à un vœu manifesté par neuf provinces à la fois ?
Il est évident ajoute-t-on, que d’après ces hypothèses c’est le pouvoir
législatif qui est le plus menacé, qu’il l’est bien plus que le pouvoir
exécutif. Encore un coup le danger n’est pas dans le chiffre, il ne pourrait
être que dans les vœux émis. Au reste, le ministre a répondu lui-même à ses
propres objections.
Il a fait remarquer que
ce sont les mêmes électeurs qui nomment les assemblées provinciales et les
assemblées législatives ; or, comment ces assemblées qui représentent également
l’opinion du pays pourraient-elles se trouver en collusion ? Supposer que les
assemblées provinciales et les assemblées législatives, ayant la même origine,
seraient en opposition, c’est une véritable absurdité.
Pour
faire peur des conseils provinciaux, on rappelle leur influence sous le
gouvernement déchu ; le ministre assure qui ont fortement contribué à ébranler
la puissance de Guillaume : admettons que cela soit vrai ; y a-t-il comparaison
entre l’état de choses d’alors et l’état de choses actuel ? Quelle était la
représentation nationale sous les Hollandais ? Elle était un mensonge : les
Hollandais. inférieurs en nombre aux Belges, avaient
la majorité, majorité factice dans les assemblées délibérantes ; et les
états-provinciaux belges étaient traités par le gouvernement comme les états
d’un pays conquis. Tous les vœux adressés par les états-provinciaux aux états-généraux,
où régnait une majorité factice, étaient mutilés, étaient repoussés :
aujourd’hui lorsque l’opinion du pays se sera manifestée par les conseils
provinciaux, elle sera accueillie dans les assemblées législatives émanées de
la même source. Toutes les craintes exprimées par le ministre sont donc des
chimères.
On nous a longuement
entretenus des craintes, des dangers que l’on concevait relativement à
l’élévation du chiffre des conseils provinciaux ; mais on ne vous a pas
entretenus du véritable motif pour lequel on demande que ce chiffre soit
abaissé ; plus le nombre des conseillers sera petit, et plus le gouvernement
pourra exercer d’influence sur les assemblées provinciales et sur les
députations. C’est au profit de cette influence illégitime que l’on s’efforce
d’obtenir l’abaissement du chiffre ; et voilà, messieurs, le danger qu’il nous
faut craindre.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne
prétends pas traiter ici la question relative au nombre des conseillers ; j’appuie
la proposition de la section centrale. Je me propose de répondre à ce qu’a dit
M. le ministre sur les anciens états-provinciaux. Le ministre recule, oui
recule, c’est le mot, devant la loi provinciale et devant la loi communale ; il
a peur de ces lois : il craint que les assemblées provinciales ne soient des
assemblées séditieuses.
Je dirai que je vois
avec regret que les membres du ministère blâment actuellement comme ministres
ce qu’ils approuvaient dans un autre temps. Il me semble que les abus qui
existaient sous l’ancien gouvernement, doivent être maintenant combattus de la
même manière qu’ils l’étaient autrefois.
Les états-provinciaux
n’ont point exprimé de vœux révolutionnaires ; la grande divergence qui
existait sous l’ancien gouvernement était relative à l’article 151 de la loi
fondamentale. C’est cet article qui a été interprété d’une manière différente
par le pouvoir exécutif et les états provinciaux.
Les
états provinciaux avaient le droit d’exprimer leurs griefs ; et c’est parce
qu’on a chicané leurs prérogatives, qu’on a eu recours au droit de
pétitionnement qui a été la cause de la révolution.
Les états provinciaux,
du moins dans les provinces que j’habitais, se sont bornés, dans une adresse
respectueuse, à présenter les griefs et à demander à S.M. d’aviser aux moyens
de faire cesser ces griefs. Il n’y avait là aucune semence de révolution, et je
proteste contre ces paroles de M. le ministre, lorsqu’il a dit que c’était en
partie aux états provinciaux que la révolution devait être attribuée.
Qu’un corps provincial
soit plus ou moins nombreux, ce n’est pas cela qui est de la plus grande
importance ; si le gouvernement marche dans des voies populaires, plus il y
aura de membres dans le conseil provincial, plus il y trouvera d’appui. J’aime
à penser que le gouvernement ne marchera pas assez mal pur que toutes les
provinces se réunissent en mettent en commun leurs griefs pour renverser le
gouvernement.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Les hommes qui sont
transitoirement au ministère n’ont pas à rougir de l’espèce de contradiction
que leur reproche l’honorable préopinant.
Les hommes qui sont au
ministère ne croient pas que lorsque tout est changé, et changé de fond en
comble, dans notre ordre politique, il faille avoir contre le pouvoir exécutif
les mêmes défiances, et se servir des mêmes armes qu’on employait contre
l’ancien pouvoir royal. On le sait, l’ancien pouvoir royal s’était adjugé une
prérogative exorbitante ; il niait le premier principe d’un gouvernement
constitutionnel, la responsabilité des agents du pouvoir devant les chambres et
devant la presse ; non content de s’être adjugé ce pouvoir, il avait organisé
un système d’élection inextricable qui n’était qu’une véritable déception. Nous
pensons que vouloir continuer aujourd’hui, soit dans les chambres, soit dans
les assemblées provinciales, l’opposition des dernières années de l’ancien
gouvernement, ce n’est pas faire des progrès c’est tout simplement faire de
l’anachronisme et rétrograder en politique.
Il me semble que nous ne
sommes condamnés qu’à faire, en toute occasion, de la politique expérimentale,
une politique d’après coup, et non pas une politique de prévoyance.
Il y a deux ans, alors
que de toutes parts on obéissait à un esprit exagéré d’émancipation, à un
esprit d’indépendance absolue pour les pouvoirs inférieurs ; si on était venu
présenter à la chambre un projet tendant à restreindre cette indépendance, à
retirer aux communes par exemple le choix de leur principal magistrat dont
elles avaient été dotées par le gouvernement provisoire, on n’eût pas manqué de
soulever contre le ministère toutes les récriminations qui sont reproduites
aujourd’hui à l’occasion de la loi provinciale. J’en appelle cependant, messieurs,
à vous tous : n’est-il pas généralement reconnu maintenant que la marche de
l’administration centrale ne sera assurée que lorsque le choix du premier
magistrat des communes sera abandonné au pouvoir exécutif ?
On a accusé le ministère
de vouloir restreindre les libertés provinciales par le tableau sur lequel vous délibérez. Je
répondrai que le tableau dont il s’agit dans cette discussion, est celui qui a
été présenté par l’ancien ministère dont l’honorable rapporteur a fait partie.
Il avait sans doute d’excellentes raisons pour le proposer alors, comme il
croit en avoir de fort bonnes pour le combattre aujourd’hui. (On rit.)
M. de Theux, rapporteur. - Je demande
la parole.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Ainsi tout le crime du
ministère, c’est d’avoir proposé, sans modification, un tableau présenté aux
débats des deux chambres par l’ancien ministère : voilà tout le crime du
gouvernement. Si donc par ce fatal tableau, ainsi que l’a dit un honorable
membre, nous conspirons la confiscation des libertés provinciales, les
coupables ce n’est pas nous : nous sommes tout au plus les complices du
ministère précédent.
On a répudié encore, en
cette circonstance, l’exemple de
Messieurs, les
publicistes reconnaissent deux systèmes d’administration. Si dans un
gouvernement on n’a point placé la représentation des intérêts nationaux au
sommet de la société, il faut chercher les garanties dans une forte
organisation des localités. C’est ainsi que beaucoup d’hommes distingués se
consolent de voir ajourner l’époque d’un véritable système représentatif, en
présence de bonnes institutions provinciales et communales. C’est le système de
Si au contraire la
représentation des intérêts nationaux est telle que c’est au centre que la
véritable garantie doit se trouver, alors, pour éviter les résistances qui
auraient pour but de perpétuer un état de fédéralisme, le premiers soin du
gouvernement est d’affaiblir les résistances locales. C’est ce que l’assemblée
constituante s’est hâtée de faire ; dès qu’elle eut établi une véritable
représentation nationale, elle a détruit ces formidables provinces qui se
composaient de quatre ou cinq départements, ces pays d’états, pour y substituer
une division territoriale en 86 départements, elle a établi de nouvelles
circonscriptions et un nouveau système administratif ; et cette organisation
fut reçue avec enthousiasme par tous les hommes progressifs.
En France cependant,
messieurs, les dangers d’une coalition des intérêts secondaires contre le
pouvoir central sont moins à craindre qu’ici. Si trois ou quatre départements
s’organisaient en hostilité contre le pouvoir central, comme cela s’est vu dans
l’ouest, tout le reste de
Mais, dit-on, on a tout
prévu pour la stricte démarcation des pouvoirs. Quant aux vœux qu’émettraient
les conseils provinciaux, ils ne pourraient être de nature à gêner la libre
action du pouvoir législatif. D’ailleurs, ajoute-t-on, on ne sera pas obligé
d’y avoir égard, et s’il est besoin, on formulera des moyens de répression.
Messieurs, c’est déjà
une assez grande imprévoyance que de se mettre dans le cas d’être obligé
d’avoir recours à des moyens de répression contre des corps constitués. Il est
facile peut-être de réprimer en général les acres des individus ; mais la
répression n’est pas aussi facile à l’égard des corps constitués. Je redoute
peu que des assemblées provinciales commettent des usurpations assez graves,
pour que le gouvernement soit obligé d’avoir recours aux tribunaux pour les
faire rentrer dans le devoir. Le gouvernement d’ailleurs y réfléchirait
longtemps avant de recourir à de semblables moyens qui constituent une
véritable crise.
Mais après tout,
n’est-ce rien que des vœux ? Est-il vrai qu’un pouvoir ne puisse exercer son
influence que par des actes matériels ? Cela est si vrai qu’une simple adresse
de la chambre, bien que cela ne soit pas prévu par la constitution, mettrait la
couronne dans la nécessité de congédier à l’instant ses conseillers. Voilà un
exemple qui prouve qu’un acte de force morale, un acte qui n’est pas législatif
proprement dit, un acte matériel, mais l’expression de l’opinion d’une
assemblée délibérante, peut avoir une haute importance, et qu’il ne faut pas
traiter dédaigneusement un acte qui ne serait qu’une expression de vœux et le
regarder comme une chose à laquelle il serait facile de mettre un terme par des
ordres du jour et par des moyens de répression.
je ferai remarquer que
c’est beaucoup moins au profit du pouvoir royal que dans l’intérêt de l’unité
politique, dans l’intérêt des chambres elles-mêmes, que le ministère vous
engage à ne pas établir dans les provinces des parlements capables de lutter
contre l’action de la législature.
En vérité, on n’a pas
pensé ici à l’intérêt ministériel. De deux choses l’une : ou le ministère
marche d’accord avec les chambres, ou il est en opposition avec elles. S’il est
en opposition avec les chambres tous les conseils provinciaux auront beau lui
voter des éloges il n’en vivra pas vingt-quatre heures de plus, et s’il marche
avec elles tous les conseils provinciaux se ligueraient contre lui, qu’il
resterait inexpugnable, fort de l’appui des chambres.
Le ministère est donc
désintéressé dans cette question. On ne peut pas l’accuser de tactique, ni de
manquer de sincérité. Il est à désirer que tout le monde y mette autant de
franchise que lui. C’est l’action législative seule qui courra ici des dangers,
si vous organisez l’action provinciale sous d’un esprit de défiance et de
réaction contre le pouvoir royal.
Il ne faut pas comparer
des choses aussi dissemblables que les assemblées provinciales et les anciens
états provinciaux ; il faut remarquer que les anciens états provinciaux
avaient un caractère essentiellement politique, ils étaient collèges électoraux
; par cela seul leur caractère politique prédominait sur leur caractère
administratif, et si on a applaudi à la marche des états provinciaux, c’est
qu’alors, d’ailleurs, la représentation nationale était faussée dans son
principe. Le pays n’était pas véritablement représenté, comme il l’est
aujourd’hui.
Mais si le pays avait eu
une représentation homogène, personne n’eût songé à favoriser l’invasion des
états provinciaux dans le domaine de la politique. Tout le monde y eût trouvé
un danger réel.
Pour mon compte, du
reste, je suis parfaitement tranquille, la question que nous traitons est une
question de temps. Nous avons tort d’avoir trop tôt raison. Je crains qu’il
n’en soit de la loi provinciale, ce qu’il en a été du système communal. Chacun
reconnaît aujourd’hui qu’il est nécessaire d’y apporter des modifications,
qu’il est important aux yeux de tous de mieux établir les rapports des
municipalités avec le gouvernement.
Nous
n’aurions pas rempli notre devoir si nous n’avions pas insisté pour que l’on
imposât au pouvoir provincial des restrictions dont une fâcheuse expérience
démontrera plus tard la nécessité. Je suis intimement convaincu que l’une des
précautions les plus salutaires est de ne pas trop étendre le nombre des
conseillers, de ne pas ouvrir la porte à des entraînements, à des excitations,
à des envahissements dont la pensée, lors même qu’elle n’existe pas dans la
conscience des individus, se glisse par la force des choses dans les assemblées
délibérantes trop nombreuses, surtout dans un pays comme le nôtre, où les
partis sont encore en présence, où toutes les opinions ne se sont pas encore
complètement ralliées à l’unité nationale.
Elever le chiffre des
membres des corps provinciaux, c’est s’exposer à susciter de graves embarras à
la législature qui représente l’unité nationale, c’est créer inutilement des
dangers. C’est pour parer à des inconvénients dont les conséquence
pourraient être aussi fâcheuses, que nous avons maintenu le travail du
ministère qui nous a précédés au pouvoir.
M. Donny. - Je dois quelques mots de réponse à M.
le ministre de l’intérieur. Je n’ai pas dit que les empiétements politiques des
conseils provinciaux n’étaient pas à craindre. J’ai dit, contrairement à
l’opinion de M. le ministre, que ces empiétements n’auraient pas un caractère
plus nuisible lorsqu’ils proviendraient d’une assemblée plus nombreuse que
lorsqu’ils proviendraient d’un corps plus faible en nombre.
Je
crois, avec M. le ministre, que lorsque l’intérêt général exige que le pays
s’impose une dépense, il ne faut pas s’arrêter à des considérations d’économie.
Mais lorsque j’ai parlé d’une économie de 65 mille francs, j’avais commencé par
déclarer à la chambre que le nombre de conseillers provinciaux fixé par le
gouvernement me paraissait suffisant. C’était dire que dans mon opinion
l’intérêt général n’exigeait pas un plus grand nombre de conseillers. Dès lors
la question d’intérêt général était décidée pour moi, et il ne me restait plus
qu’à traiter la question d’économie. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. F.
de Mérode) - La
question est assez intéressante pour que l’on écoute d’autres orateurs.
M.
Fleussu. - Si je me lève en faveur du projet de la section centrale, ce
n’est pas pour défendre une thèse populaire, ce n’est pas pour faire de la
tactique parlementaire, c’est pour remplir le devoir que mes fonctions
m’imposent. Je vous avouerai que la question de chiffre qui nous occupe m’était
fort indifférente, et je n’avais pas plus de motifs pour adopter celui de la
section centrale que pour rejeter celui du gouvernement. Mais ce sont les
raisons avancées par le ministère qui font que je voterai pour le projet de la
section centrale. Ne voyez-vous donc pas que l’on déchire une à une toutes les
garanties que nous a assurées la révolution ? C’est tout au plus si l’on ne
vous a pas représenté les conseils provinciaux comme des institutions
éminemment dangereuses. On dirait que le peuple belge est animé d’un esprit de
turbulence tel qu’il est disposé à tout instant à renverser le pouvoir. J’ai
une autre opinion de lui. Nous nous sommes donné beaucoup de garanties. Nous
avons voulu un système d’élections directes. Nous avons voulu la publicité des
séances des corps délibérants. Eh bien, c’est parce que nous avons des
élections directes, c’est parce que nous avons le droit de publicité, que l’on
veut réduire le nombre des membres des conseils, que l’on veut que les élections
soient restreintes autant que possible. Voila où tend le système du ministère.
Un orateur a fait remarquer très judicieusement à mon avis la différence
d’opinions des ministres comme journalistes et comme hommes du pouvoir. Les
choses ne sont plus les mêmes aujourd’hui, a dit M. le ministre de la justice.
Vouloir continuer l’opposition des quinze dernières années, c’est rétrograder,
c’est faire de l’anachronisme. Le roi Guillaume voulait tout soumettre à sa
puissance royale. Il repoussait le principe de la responsabilité ministérielle.
Voilà ce qu’on nous dit, et ce qu’il y a de curieux, c’est que chaque fois que
nous demandons une garantie contre le pouvoir, on nous dit : Qu’avez-vous
besoin de cette garantie ? La responsabilité ministérielle n’est-elle pas là ?
Il semblerait qu’avec cette magique garantie, nous n’ayons plus que faire de
nos autres prérogatives, de la constitution même.
Il faut avouer que le
roi Guillaume a été bien maladroit. Ah ! s’il avait su
quel parti l’on peut tirer de cette garantie si malléable de la responsabilité
ministérielle, il ne s’y serait pas si obstinément opposé. Pour moi, je
l’avoue, j’aime beaucoup mieux stipuler des garanties dans nos institutions ;
elles me rassurent plus que de la responsabilité ministérielle qui n’est plus
qu’un mot vide de sens.
On vous a dit que ces
corps administratifs, s’ils étaient composés d’un trop grand nombre de membres,
leurs réclamations, soit près des chambres, soit près du gouvernement, seraient
trop importantes pour qu’il n’y fût pas fait droit. Messieurs, lorsqu’un corps
fait un acte quelconque, on ne cherche pas s’il a été délibéré par 40, 50 ou 60
membres ; on ne regarde pas quel était le nombre des membres présents, on
regarde quel est ce corps. Dans tout ce que délibéreront les conseils
provinciaux, on ne fera pas attention au nombre de ceux qui les composeront,
mais à ce qu’ils auront fait.
On a parlé encore des
anciens membres des états provinciaux. M. le ministre de l’intérieur a dit
qu’ils avaient contribué pour une forte part à la révolution, qu’ils avaient
ébranlé le gouvernement ; je le veux bien, je l’admets ; mais pourquoi en
a-t-il été ainsi ? parce que l’ancien gouvernement
restait sourd à nos plaintes. Que les conseils restent donc les mêmes ; qu’ils
soient un contrepoids contre vous-mêmes ; et soyez sûrs que si le gouvernement
est bon, ils n’auront jamais d’influence contre lui.
On
a dit que les délibérations des conseils ne seraient pas aussi bonnes si leurs
membres étaient très nombreux. Voyez, a-t-on dit, la loi provinciale ; comme
elle marche ! Assurément les choses n’iraient pas aussi bien si elle était
discutée par 200 membres. A cela je répondrai qu’au congrès nous étions 200,
que nous avons organisé le pays, fait une constitution et les principales lois
d’administration.
Vous voyez que cette
considération ne doit être d’aucune influence sur vos esprits. Je craindrais,
en continuant, de tomber dans des redites, d’autant plus que les honorables MM.
Dubus et Desmanet de Biesme ont fait valoir en grande partie les autres
considérations que je me proposais de soumettre à la chambre.
M. H. Dellafaille - Je conçois les craintes
que peut donner au gouvernement la tendance politique qu’il suppose aux
conseils provinciaux. Toutefois M. le ministre de la justice a-t-il fait
observer qu’ils s’élèveraient en vain contre le ministère si les chambres lui
prêtaient leur appui ; car si les chambres peuvent seules soutenir un
ministère, c’est également dans les chambres seulement qu’il peut être combattu
efficacement.
Mais M. le ministre de
la justice accordera à la section centrale qu’elle aussi veut l’ordre public et
qu’il n’est nullement entré dans ses intentions de créer dans les provinces des
corps qui pussent entraver le pouvoir royal ou la législature. Je dis cela
parce que M. le ministre de l’intérieur a semble vouloir donner à cette
discussion une couleur politique qu’elle n’aurait pas dû avoir. M. le ministre
de la justice a également exprimé la crainte que les conseils provinciaux ne devinssent
des corps politiques ; il a cité l’exemple des états provinciaux qui ont
beaucoup contribué au mouvement contre l’ancien gouvernement. Mais ce sont les
pétitions qui y ont le plus contribué ; et si l’on admet l’analogie entre la
situation d’alors et celle d’aujourd’hui il faut donc restreindre le droit de
pétition ; je ne pense pas que cela soit jamais entré dans les intentions du
congrès.
Les états provinciaux
ont résisté à l’arbitraire d’un gouvernement qui ne respectait rien, qui
violait la loi fondamentale avec une impudence rare : en agissant ainsi ils ont
répondu- u vœu général. Honneur à ceux qui ont ainsi rempli leur devoir ! Tous
ne l’ont pas fait. Ils n’en sont que plus dignes d’éloges. Mais je ne crois pas
que le souvenir de ces précédents doive nous déterminer à annihiler les
nouveaux conseils provinciaux.
On a paru reprocher à
l’honorable rapporteur de la section centrale d’avoir dévié d’un projet qu’il
avait présenté comme ministre. Oui, je dois le dire à la louange de notre
honorable collègue, jamais il n’a fait de difficulté pour revenir sur ses idées
premières, lorsqu’on lui a montre quelque chose de mieux.
On a semblé blâmer
l’opinion que j’ai émise sur
Quand j’ai dit que
l’Allemagne convenait mieux comme exemple que
Si le ministre craint
que les conseils provinciaux s’occupent de matières politiques, la chambre n’en
conçoit aucune crainte. Cette crainte d’ailleurs, ne signifie rien par la
manière dont elle est conçue. Composez un conseil de 30 à 40 membres, ou de 60
membres, dans l’un et l’autre cas il y aura toujours des conseillers contraires
au gouvernement ; mais plus le conseil sera nombreux, moins il se laissera
entraîner par les suggestions de quelques-uns de ses membres, et plus il
n’admettra pour guide que les intérêts provinciaux. Trente membres peuvent
s’adresser aux chambres comme 60 membres ; le conseil est un corps, s’il prend
des mesures en dehors de ses pouvoirs, les mesures coercitives sont là ; elles
sont applicables contre 60 membres, comme contre 30 membres.
Les
intérêts de la province seront mieux connus, mieux examinés, mieux défendus par
un plus grand nombre de conseillers ; l’absence de quelques membres du conseil
se fait moins sentir dans une assemblée nombreuse ; plus il y aura de membres
dans les conseils provinciaux et plus il se formera d’hommes propres à
comprendre les rouages administratifs et à discuter les intérêts du pays dans
les chambres. L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit que ce n’était pas en 15
jours qu’on pourrait faire des études administratives ; mais je crois aussi que
les membres des conseils provinciaux ne s’occuperont pas seulement pendant 15
jours des intérêts qui leur seront confiés ; je suppose que pendant l’année ils
se prépareront pour remplir dignement leur tâche pendant la session. Je
n’aurais pas une grande idée de celui qui se présenterait dans les réunions
provinciales sans avoir réfléchi sur les intérêts qu’il faudra y discuter.
Quant à la question
d’économie que l’on a agitée, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de la
réfuter, et je finirai ici, messieurs, de me répéter.
Je persiste dans mon
opinion.
M. de Theux, rapporteur. - Je ne
pense pas que l’on puisse avec fondement d’avoir, en 1832, présenté à la
chambre le tableau que le ministère défend aujourd’hui. Les conseils
provinciaux ne devant pas, comme les anciens états, être des collèges
électoraux, il fallait diminuer le nombre de membres de ces corps. Mais quelle
devait être cette diminution ? C’est ce qu’il n’était pas possible de
déterminer d’après des principes certains ; j’ai donc pu sans inconséquence
adopter l’opinion émise dans la plupart des sections, qui ont cru que la
réduction du nombre était trop forte.
La
plus grande objection que l’on a faite contre le projet de la section centrale,
c’est la crainte des discussions politiques dans ces assemblées ; c’est la
crainte de les voir ébranler l’Etat. Certes, si cette crainte me paraissait
fondée, je voterais pour le projet du gouvernement ; mais je pense au
contraire, que l’assemblée étant plus nombreuse, il sera plus difficile à des
hommes turbulents de s’y créer une majorité ; les corps étant plus nombreux, il
y aura moins de danger de les voir dominés par un esprit de parti ; les
résolutions y seront moins nombreuses et discutées avec plus de lenteur.
Quelques voix. - La clôture ! la
clôture !
M. Eloy de Burdinne. - Nous devons faire
une bonne loi provinciale, et nous ne devons pas économiser quelques heures
dans une question aussi importante. On n’a pas répondu à toutes les objections,
et j’aurai quelques nouvelles considérations à faire valoir ; je demande que la
clôture ne soit pas prononcée.
M. Dubois - Jusqu’à présent on n’a traité que la
question politique, il me semble que la discussion devrait être portée sur un
autre terrain. On a dit que le nombre de 38 députés pour la province de
Quelques voix. - C’est une question à régler plus
tard.
M. Dubois. - La question doit être discutée avant que le
principe relatif au nombre de conseillers ne soit adopté, autrement on
rentrerait plus tard dans cette discussion à propos du chiffre des conseillers
de chaque province.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois que la question est
assez importante pour que, lorsque plusieurs membres s’opposent à la clôture,
on remette la discussion à demain.
C’est
une question à laquelle nous attachons une importance que d’autres ne
reconnaissent pas. Nous avons fait valoir un grand nombre de raisons, en
examinant la question sous le point de vue politique ; nous en aurions aussi
beaucoup à faire valoir dans l’intérêt administratif, tandis qu’on ne nous a
pas donné un seul argument pour établir qu’une assemblée de 73 membres, placée
à la tête d’une province, entendrait mieux ses intérêts administratifs que ne
le ferait une assemblée de 50 ou de 40 membres. La section centrale n’a donné à
cet égard d’autre raison que l’opinion des autres sections. Voilà un côté de la
question qui pourrait être examiné avec avantage par tout le monde. La question
pourra se débattre avec d’autant plus d’impartialité que certains membres la
discuteraient sans préoccupation contre le gouvernement, que l’on a mis fort
injustement en cause, alors qu’il défendait l’intérêt général, qu’il est chargé
de représenter avec le pouvoir législatif, et qu’il a mission de défendre.
Quand nous examinerons la question purement sous le rapport administratif,
peut-être quelques-uns de nos honorables collègues reviendront-ils de leurs
préventions. Il ne s’agit pas ici de l’intérêt du ministère, qui est
essentiellement transitoire.
Je demande donc que la
discussion soit renvoyée à demain. Ce ne sera pas du temps perdu, car on pourra
jeter quelques lumières sur la question qui se présentera relativement à la
députation des conseils provinciaux.
M. Eloy de Burdinne. - Toute la chambre
sait que je ne me suis pas occupé de la question politique. Je demande le
renvoi à demain, pour présenter des observations sur la question
administrative. Je serai à même d’exposer des vues nouvelles, qui seront de
nature à satisfaire quelques membres.
- La clôture de la
discussion est mise aux voix et prononcée après deux épreuves.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 46 conseillers
proposé par la section centrale, pour la province d’Anvers.
- Le chiffre de la
section centrale est adopté.
La séance est levée à 5
heures.