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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 9 mai 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif à l’organisation des provinces. Discussion des articles.
a) Cas d’incompatibilité des conseillers provinciaux, (notamment les ingénieurs des mines et des ponts et chaussées (Desmanet de Biesme, de Theux, de Puydt, Jullien, Desmanet de Biesme, Jullien, Rogier, de Robaulx, de Theux, Desmanet de Biesme), les militaires (Dubois, de Puydt, Dubois, de Robaulx, Jullien, de Theux, Legrelle, de Robaulx, de Puydt, Ernst, de Theux), les employés payés par l’Etat ou par la province (de Robaulx), le gouverneur (Simons), les fonctionnaires publics en général (+indépendance des députés-fonctionnaires) (Desmanet de Biesme, de Robaulx, Angillis, de Theux, de Robaulx, F. de Mérode, d’Hoffschmidt, d’Huart), rejet de l’article (Liedts, A. Rodenbach, de Muelenaere, d’Huart, A. Rodenbach), les membres d’une même famille (de Theux, Donny, de Theux, H. Dellafaille, Jullien, de Theux, Donny, Dumont, Verdussen, Donny, de Muelenaere, H. Dellafaille, de Muelenaere, H. Dellafaille, Jullien, Lebeau)
b) Fonctionnement du conseil provincial. Réunion au chef-lieu de la province (Verdussen, de Theux), date et durée des réunion du conseil provincial (Rogier, de Theux, Angillis, Schaetzen, Desmanet de Biesme, H. Dellafaille, de Theux, de Muelenaere, Rogier), approbation par le Roi du règlement d’ordre intérieur (de Muelenaere), droit de révocation des employés provinciaux (Lebeau, de Theux, Rogier), modalités d’adoption des résolutions du conseil (de Theux, Jullien, de Muelenaere, d’Huart, de Theux, de Muelenaere), dispositions à caractère réglementaires (règlement d’ordre intérieur) (Rogier, de Theux, Jullien, de Muelenaere, de Theux, Rogier, H. Dellafaille, Verdussen, Rogier, de Muelenaere, Verdussen, de Theux, Jullien), indemnités et traitements des conseillers (de Muelenaere, Ernst, Lebeau, d’Hoffschmidt, de Theux, A. Rodenbach, Angillis, d’Huart, H. Dellafaille, d’Huart, de Muelenaere, Verdussen, Jullien, d’Huart)
(Moniteur belge n°129 et 130, des 9-10 mai 1834)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi et demi.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de
la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître les pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Cent cinquante
habitants de Bruxelles demandent à la chambre, dans l’intérêt de l’humanité souffrante
et pour la conservation du spécifique de M. Lubin, de vouloir bien provoquer de
M. le ministre de l’intérieur la présentation prompte d’un projet de révision
de la loi du 12 mars 1818 ou de prendre l’initiative. »
- Renvoyée à la
commission des pétitions.
_________________
« Plusieurs
porteurs de los-renten s’adressent de nouveau à la chambre, afin d’obtenir par
son intervention le paiement des intérêts échus sur leurs obligations. »
- Renvoyé à la section centrale
chargée de l’examen de la question relative aux los-renten.
_________________
« L’administration
de Flobecq demande que cette commune soit érigée en
chef-lieu du canton d’Ellezelle. »
_________________
« Même réclamation
adressée par le sieur Lebran, juge de paix du
canton. »
_________________
- Renvoyées à la
commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des
justices de paix.
_________________
« Les bourgmestres
des diverses communes composant le canton de Perwelz
demandent que le chef-lieu du canton soit transféré en la commune de Walhain-St-Paul. »
_________________
« L’administration
communale de Hooglede demande une cette commune fasse partie du nouveau canton
judiciaire. »
_________________
- Ces deux pétitions sont
renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la
circonscription des justices de paix.
_________________
Le sieur E.-P. de
Brabant, ex-contrôleur du cadastre dans la province du Limbourg, réclame le
paiement de indemnités qui- lui ont dues.
- Cette pétition est
renvoyée à la commission chargée d’examiner la situation des opérations
cadastrales.
_________________
« Le sieur Bernard
J. Hebbelincks, ex-greffier de la justice de paix de
Nazareth, réclame l’intervention de la chambre pour être porté comme candidat à
la première justice de paix vacante. »
_________________
« Le sieur J.-F. Sap, propriétaire et cultivateur, réclame des changements
dans la répartition des taxes locales dites : abonnements. »
_________________
« Un grand nombre
de médecins, chirurgiens et accoucheurs des provinces d’Anvers et des deux
Flandres, réclament une nouvelle loi sur l’organisation médicale. »
_________________
- Ces trois pétitions
sont renvoyées à la commission chargée de l’examen des pétitions.
M.
de Roo. et M. Helias d’Huddeghem demandent un
congé.
- Accordé.
PROJET DE LOI RELATIF A
L’ORGANISATION DES PROVINCES
Discussion des articles
Titre
V. - Des incompatibilités
Article 39 (du projet de la
section centrale)
M. le président.- La chambre s’est arrêtée dans sa
dernière séance au 5ème numéro de l’article suivant de la section centrale :
« Art. 39. Ne
peuvent être membres du conseil provincial :
« 1° Les membres de
la chambre des représentants ou du sénat ;
« 2° Le gouverneur
de la province ;
« 3° Le greffier
provincial ;
« 4° Les
commissaires d’arrondissement et de milice ;
« 5° Les
administrateurs du trésor, les percepteurs on agents comptables de l’Etat ou de
la province ;
« 6°
Les ingénieurs des ponts et chaussées et les ingénieurs des mines ;
« 7° Les officiers
de l’armée de ligne en activité de service ;
« 8° Les
architectes employés par l’administration dans la province ;
« 9° Les employés
au gouvernement provincial, ainsi que les employés au commissariat
d’arrondissement et de milice. »
- Le 5ème numéro est mis
aux voix et adopté.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande la
suppression du 6ème numéro relatif aux ingénieurs.
M. de Theux, rapporteur. - Je demande
la parole pour expliquer en peu de mots les motifs de la commission pour proposer
l’incompatibilité dont il s’agit. Cette incompatibilité est reconnue en France,
et elle y a été introduite sans contestation sur la proposition du
gouvernement. Le motif qui a été donné, c’est que les ingénieurs des ponts et
chaussées sont en quelque sorte subordonnés à l’administration provinciale, du
moins dans une partie de leurs attributions ; on a pense qu’ils seraient portés
à proposer au conseil les entreprises qu’ils seraient chargés de surveiller. Ce
sont les mêmes motifs qui ont déterminé la section centrale. (Aux voix ! aux
voix !)
M. Desmanet de Biesme. - Dans la
précédente séance, j’ai dit qu’il était utile que les ingénieurs des ponts et
chaussées et les ingénieurs des mines fissent partie du conseil provincial,
surtout pour ce qui concerne la direction à donner aux routes, parce que les
intérêts particuliers se croisent souvent avec l’intérêt particulier.
J’ajouterai que, dans
cette chambre, où l’on traite ces questions, nous n’avons pas reconnu d’inconvénients
à y voir des ingénieurs, et que bien au contraire, dans une dernière discussion
sur les routes en fer, deux ingénieurs, en soutenant un système différent à
celui qui était proposé, ont donné des motifs qui ont fixé l’opinion d’un grand
nombre de membres.
Je déclare que quant à
moi, je suis ennemi de toute incompatibilité, à l’exception des membres de la
chambre des représentants ou du sénat. Chaque fois que vous établissez des
incompatibilités, vous vous montrez en contradiction avec le mode consacré de
l’élection directe. Sans examiner si l’élection directe est le meilleur
système, je dis que lorsqu’on est entré dans un système, il faut en suivre les
conséquences. Ainsi, du moment que l’élection directe a été admise pour cette
chambre, qu’on n’a reconnu aucune incompatibilité, il doit en être de même pour
le conseil provincial. Autrement, il existerait une espèce de bigarrure qui
aurait de graves inconvénients.
Lorsque
vous établissez une liste d’incompatibilités telle que la propose la section
centrale, vous vous éloignez absolument de l’esprit de la législation. Je ne
nie pas qu’il y ait quelquefois quelque inconvénient à ce que certains
fonctionnaires fassent partie du conseil provincial, mais nous voyons dans
cette chambre des employés du gouvernement, et l’expérience démontre que cette
qualité n’a pas nui à leur indépendance ; dans un pays constitutionnel on ne
voit pas un ennemi des libertés publiques dans tout employé du gouvernement.
D’après ces motifs, je
persiste dans mon amendement.
M.
de Puydt. - Je viens appuyer l’amendement proposé par l’honorable M.
Desmanet de Biesme.
A mon avis il n’y a
aucun motif de ne pas considérer les ingénieurs comme éligibles.
Les ingénieurs ne
doivent pas être classés parmi les employés ordinaires ; ils sont ingénieurs
par leurs connaissances, leurs talents, et non parce que le gouvernement les
emploie en cette qualité ; si le gouvernement cesse de les employer, il n’en
conservent pas moins leurs facultés, ils n’en exercent pas moins leur
profession qu’ils tiennent d’eux, et non d’une nomination révocable. Les
ingénieurs sont donc indépendants par état, tout autant que les avocats dont
l’administration emploie le ministère ; ils ne doivent pas plus que les avocats
être exclus des états provinciaux.
En Prusse, où tout ce
qui tient aux attributions des fonctionnaires est rigoureusement déterminé, les
régences des cercles sont composées d’un certain nombre de membres ayant chacun
des fonctions particulières. Ainsi par exemple, l’un est chargé des
contributions, l’autre du contentieux administratif, un troisième de
l’inspection des routes, etc.
C’est
la réunion de ces spécialités qui constitue l’administration provinciale.
L’inspecteur des travaux publics est un ingénieur, et dans l’une des régences,
entre autres celle de Cologne, cet inspecteur est un ancien élève de l’école
polytechnique.
Messieurs, ayez foi dans
les lumières et dans l’intégrité des hommes spéciaux. Accordez surtout quelque
confiance aux faits ; lisez les annales des travaux publics vous y verrez que,
sans aucune exception, les ingénieurs ont toujours donné leurs avis sur les
questions les plus importantes avec cette indépendance qui est le partage de
presque tous les esprits éclairés.
Je m’oppose donc à
l’exclusion proposée.
M.
Jullien. - J’appuierais l’amendement proposé par l’honorable M.
Desmanet de Biesme, si je ne trouvais pas dans l’art. 62 du projet que les
ingénieurs des ponts et chaussées doivent être salariés par la province. Voici
ce que porte cet article : « Le conseil est tenu de porter annuellement au
budget des dépenses le traitement et frais de route, jusqu’à due concurrence,
des ingénieurs et autres employés des ponts et chaussées en service pour la
province. » Il paraît ainsi que, dans l’intention de la loi, les
traitements des ingénieurs des provinces doivent être à la charge des provinces
; or, si les ingénieurs sont salariés par la province, employés par la
province, recevant d’elle un traitement et des frais de route, il ne me paraît
pas convenable qu’ils doivent faire partie du conseil plus que les autres
employés, car évidemment leur position aurait également quelque chose
d’équivoque.
Si
l’article 62 disparaissait du projet, je serais le premier à appuyer
l’amendement ; mais jusqu’à ce qu’on ait résolu la question de savoir si le
traitement des ingénieurs sera porté ou non au budget des dépenses du conseil,
je m’opposerai à ce qu’ils fassent partie du conseil.
Je ne doute pas que les
ingénieurs des ponts et chaussées ne puissent, par leurs lumières, rendre de
grands services au sein du conseil ; mais je ferai remarquer que lorsqu’il
s’agira de travaux de route, on pourra y appeler les ingénieurs comme employés
de la province ; en cette qualité on mettra leurs lumières à contribution, et
ils s’empresseront de donner tous les renseignements qui leur seront demandés.
C’est seulement d’après
les considérations que j’ai fait valoir que je voterai contre l’amendement.
M. Desmanet
de Biesme. - Je crois qu’il est facile d’obvier à la difficulté
signalée par l’honorable M. Jullien.
Il y a deux espèces d’ingénieurs, les ingénieurs de l’Etat et les ingénieurs
des provinces ; les premiers ne sont pas rétribués par les provinces : il ne
peut y avoir d’inconvénient à ce qu’ils fassent partie du conseil provincial.
M.
Jullien. - Il suffirait de mettre dans l’article : « les
ingénieurs qui ne sont pas salariés par les provinces. » (Oui ! Oui !) Je serais alors d’avis
d’adopter l’amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les
ingénieurs sont à la fois ingénieurs de la province et ingénieurs de l’Etat ;
les provinces par économie accordent des travaux aux ingénieurs qui sont
chargés de faire le service des routes de l’Etat. Je pense, au reste, que les
ingénieurs, employés de la province ou employés de l’Etat, ne doivent pas être
frappés d’incompatibilité. On a déjà fait remarquer que les conseils
provinciaux devront surtout s’occuper d’améliorations matérielles, c’est-à-dire
de constructions de routes et de canaux ; dans ces questions, les ingénieurs
sont les hommes les plus capables d’ouvrir un avis utile.
Je crois qu’il y aurait
de grands inconvénients à frapper d’incompatibilité tous les fonctionnaires
publics, dans une assemblée qui doit particulièrement s’occuper d’intérêts
matériels, qui est appelée à traiter toutes les questions de pratique. Vous
avez éloigné du conseil provincial les commissaires d’arrondissement, comme
étant des hommes spéciaux ; si vous en éloignez encore les ingénieurs, il ne
restera plus que des hommes à théories, là où l’on devra s’occuper de questions
de pratique, de questions dont la solution exige de grandes lumières.
M. de Robaulx. - Je ne sais trop ce qui a fait exclure les
commissaires d’arrondissement plutôt que les autres fonctionnaires ; mais
assurément ce n’est pas parce qu’ils auraient apporté des lumières au sein du
conseil.
Loi de moi, messieurs,
la pensée de croire que chaque fonctionnaire public soit nécessairement
dépendant, et de telle manière qu’il vote toujours dans le sens du gouvernement
; cependant nous ne devons pas nous dissimuler que les fonctionnaires publics
sont dans une position particulière, surtout depuis cette théorie que j’appelle
absurde, et en vertu de laquelle tous les hommes qui dépendent du gouvernement,
qui sont salariés par le gouvernement, sont les hommes du gouvernement, devant
nécessairement voter avec lui. Vous avez vu en effet des hommes qui ont été
frappés par le pouvoir parce qu’ils avaient refusé de tremper dans l’arbitraire
qui se développe chaque jour de plus en plus. Je le demande, d’après la théorie
que je viens de rappeler, peut-on admettre dans le conseil provincial des
fonctionnaires amovibles, qui alors même qu’ils seraient indépendants par leurs
sentiments, pourraient être dépendants par l’état de leur fortune ?
Je demande pourquoi,
après que l’on a exclu les commissaires on voudrait conserver les procureurs du
Roi et les autres agents du pouvoir ; quant à moi, je ne m’arrêterais pas à une
classification spéciale, et je crois que tous les agents révocables du pouvoir,
dans l’ordre administratif comme dans l’ordre judiciaire, ne doivent pas faire
partie du conseil provincial ; l’expérience a démontré la nécessité de cette
mesure.
Un
commissaire de district ne doit pas être placé sur la même ligne qu’un
professeur de l’université ; ceux-ci, ainsi que pourrait le démontrer un de nos
honorables collègues, sont beaucoup plus indépendants du pouvoir ; je ne me
souviens pas qu’il y en ait eu de destitués pour leurs opinions ; je crois même
qu’il y a des lois qui ne permettent pas de les destituer.
Les professeurs de
l’université, au bout d’un certain temps, jouissent de l’éméritat : ainsi sous
beaucoup de rapports ils ne peuvent être assimilés aux agents du pouvoir qui
doivent suivre la volonté du ministre sous peine d’être destitués ; cependant,
en faveur de ce principe que les fonctionnaires publics salariés par l’Etat ne
doivent pas faire partie des conseils provinciaux, je sacrifierais les
professeurs de l’université comme les autres fonctionnaires, parce que tôt ou
tard les fonctionnaires salariés par l’Etat peuvent être amenés malgré eux à
consolider le système du pouvoir. (Aux
voix ! aux voix !)
M. de Theux, rapporteur. - Plusieurs
orateurs pensent que la section centrale a pris à tâche d’exclure une certaine
catégorie de fonctionnaires, par le motif que ces fonctionnaires étaient
dépendants du pouvoir ; c’est une erreur grave. Cette pensée est étrangère à la
section centrale ; c’est en raison du rapport que les fonctionnaires avaient
avec l’administration provinciale, que la section centrale a proposé des
exceptions. Ces exceptions avaient été également proposées, toutes
nominativement, par le gouvernement français à la chambre des députés ; le
ministère sentait si bien que ces incompatibilités devaient être reconnues,
qu’il s’est cru dispensé d’en indiquer les motifs, persuadé que chacun les
comprendrait facilement.
A l’exception des
membres du sénat et de la chambre des représentants, et des militaires, tous
les fonctionnaires, dont l’article porte l’énumération, ont des rapports plus
ou moins directs avec l’administration provinciale ; c’est, je le répète, par
ce motif que la section centrale a proposé leur exclusion du conseil
provincial. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - M. Desmanet de Biesme a modifié, je crois, son
amendement en ce sens, qu’il exclut les ingénieurs salariés par la province.
M. Desmanet de Biesme. - D’après les
paroles de M. le ministre, je laisse mon amendement tel que je l’avais proposé
d’abord.
M. le
président met aux voix, le numéro 6 de l’article, en indiquant à la
chambre que les membres qui adoptent l’amendement de M. Desmanet de Biesme,
devront voter contre le paragraphe.
- Le paragraphe est
adopté.
M.
le président. - La discussion s’ouvre sur le 7ème numéro relatif aux
officiers.
M. Dubois. - Je proposerais de rédiger le
paragraphe de la manière suivante : « Les militaires en activité de
service. »
M.
de Puydt. - Messieurs, ainsi qu’on vous l’a déjà fait observer, nous
devons être très sobres d’exclusions, très sobres de mesures tendant à
restreindre les droits civils ou politiques.
Je ne puis donc admettre
sans évidence d’incompatibilité réelle l’amendement à l’art. 38, relatif aux
officiers de l’armée.
La loi électorale n’a
pas cru devoir considérer les officiers de l’armée comme inhabiles à siéger
dans l’assemblée des représentants de la nation, et cependant la durée des
sessions législatives présente de bien plus grands inconvénients pour le
service que la durée des sessions du conseil provincial ; pourquoi donc alors
celui qui peut être admis aux chambres serait-il écarté des conseils
provinciaux ?
L’incompatibilité, ainsi
qu’il convient de l’entendre, ne consiste pas dans le fait de ne pouvoir, en
certains cas, être présent à une assemblée à cause de fonctions spéciales qui
exigent la présence ailleurs ; elle consiste dans les attributions, dans
l’opposition qu’il y aurait entre des fonctions diverses qui ne doivent pas
être exercées par la même personne.
On exclut donc du
conseil provincial celui qui, par la nature de ses fonctions, n’y peut être
admis : c’est une question de principe que le législateur décide.
On ne nomme pas au
conseil provincial celui que ses fonctions mettent dans l’impossibilité
physique d’y assister, sans qu’en principe il y ait motif d’exclusion. C’est
une question de convenance ; la juger est le devoir de l’électeur.
Soyez assurés que ce ne
sera jamais que dans des cas très rares que des militaires pourront être élus ;
et probablement, dans ces cas, il n’y aura pas plus d’incompatibilité apparente
que d’incompatibilité réelle. Laissez donc toute liberté à l’élection, et ne
frappez pas de réprobation des hommes qui doivent jouir comme tous autres de
leurs droits politiques, et qui par état sont dévoués au pays.
L’exclusion formulée par
le projet de loi est d’ailleurs trop générale, et si parmi les officiers de
l’armée il s’en trouve qui, comme les officiers de troupes par exemple, sont
exposés à être fréquemment envoyés sur des points éloignés, il en est d’autres
qui, comme les officiers des états-majors, les officiers du génie ou de
l’artillerie, sont plus sédentaires, et qui par la spécialité de leurs études
sont aptes à rendre des services utiles dans les délibérations des assemblées
provinciales. Quel si grand mal y aurait-il donc à ce qu’un général, un colonel
commandant un régiment en garnison dans une province ; attachés peut-être par
des intérêts de fortune à cette province, un officier supérieur ou autre, du
génie ou de l’artillerie, fût appelé à faire partie de l’assemblée provinciale,
s’il peut apporter dans cette assemblée le tribut de ses lumières ? J’y
verrais, quant à moi, un très grand bien. Rien n’exige après tout que de telles
fonctions soient permanentes ; si, après une ou plusieurs sessions un militaire
membre du conseil provincial est envoyé dans une autre province, il sera pourvu
à son remplacement sans que le conseil soit arrêté dans ses travaux, sans qu’il
puisse pour cela perdre ses traditions.
Messieurs, n’isolez pas
trop les militaires, n’affectez pas de les placer toujours dans une position
exceptionnelle ; celui qui sert son pays avec son épée est tout aussi citoyen
que celui qui lui consacre ses talents comme administrateur. Former une
catégorie à part des officiers de l’armée, c’est donner de l’aliment à cet
esprit de corps qui partage les peuples en associations hostiles les unes aux
autres, qui fait de l’armée une puissance en opposition avec la nation.
Si vous voulez que
l’armée soit belge, qu’il n’y ait point de distinction de droits, faites que
ses membres soient électeurs et éligibles. Voulez-vous en faire une garde
prétorienne, tirez une ligne de démarcation entre elle et les autres citoyens ;
mais alors attendez-vous à voir un jour ou l’autre quelques Césars s’en servir
pour se mettre au-dessus des lois.
Je voterai contre le paragraphe en question.
M.
le président. - Le paragraphe 7 porte exclusion des officiers de
l’armée de ligne en activité de service.
M. Dubois. - Je demande que l’on rédige ainsi le
paragraphe : « Les militaires en activité de service. » En mettant
simplement les officiers de l’armée belge, vous n’excluez pas les militaires
d’un grade inférieur.
M. de Robaulx. - Du grade de soldat !
M.
Jullien. - Je vois que c’est la sixième section qui a proposé
l’incompatibilité dont il s’agit dans l’article 7, et le rapport dit que la
section centrale l’a admise à l’unanimité ; mais je ne vois nulle part les
motifs qui ont déterminé la section centrale : je voudrais les connaître, et je
prie M. le rapporteur de nous les exposer.
M. de Theux, rapporteur. - Ce n’est
par aucun motif pouvant porter atteinte à la considération des officiers de
l’armée que la section centrale a admis l’incompatibilité dont il s’agit.
Les discussions
publiques dans des conseils provinciaux ont paru incompatibles avec les
habitudes des militaires, avec l’esprit que leur inculque la discipline ; eh
bien les militaires reporteraient dans leurs corps cette tendance à tout mettre
en discussion qui existe dans les corps délibérants, ou bien ils apporteraient
dans le conseil leur esprit d’obéissance. Ces motifs sont, sans doute, ceux qui
ont guidé le gouvernement français à inscrire cette incompatibilité dans le
projet de loi départementale.
L’on
a fait observer que les militaires n’étaient pas exclus des chambres ; ici il y
a des considérations particulières qui ont pu les faire admettre : c’est dans
les chambres que se discutent tous les intérêts du pays et ceux de l’armée par
conséquent ; mais dans les conseils provinciaux jamais il n’y aura un seul
intérêt de l’armée en discussion ; et il n’est pas nécessaire qu’elle y ait des
représentants.
M. Legrelle. - Je pense que l’état militaire est
peu compatible avec les fonctions de membre d’un conseil de province ; mais si
l’on voulait prononcer cette incompatibilité, il fallait rédiger le paragraphe
autrement : vous avez d’autres officiers que ceux de l’armée de ligne ; vous
avez les officiers de l’artillerie, du génie, de la marine. Quoi qu’il en soit
de l’imperfection de la rédaction du paragraphe 7, je n’appuierai pas
l’amendement de M. Dubois qui rendrait l’incompatibilité plus générale et plus
complète.
M. de Robaulx. - Entend-on que le paragraphe
7 comprend les officiers des armées de terre et de mer ?
M.
de Puydt. et M. Ernst. - C’est ainsi
qu’on l’entend.
M. de Theux, rapporteur. - Il y a un
motif qui a fait oublier l’armée de mer, c’est que nous n’avons pas d’armée de
mer : il est vrai que nous avons quelques officiers de marine ; il est évident
que l’on comprend ces officiers dans l’incompatibilité.
M.
le président. - On délibère sur le principe, sauf rédaction.
- Le paragraphe 7, mis
aux voix, est adopté.
M.
le président. « Paragraphe 8. Les architectes employés par
l’administration dans la province. »
-
Ce paragraphe est adopte sans discussion.
M.
le président. - « Paragraphe 9. Les employés au gouvernement
provincial, ainsi que les employés au commissariat d’arrondissement et de
milice. »
- Ce paragraphe est
adopté sans discussion.
M. le président. - Je dois mettre aux voix
l’article 39 en son entier.
M. de Robaulx. - D’après les observations que j’ai faites tout
à l’heure, il me semblerait que c’est ici le moment de présenter une
disposition additionnelle. J’ai fait pressentir que je voudrais que toute
espèce de catégorie fût éliminée de la loi : je ne voudrais pas que l’on fît à
personne ce que l’on a appelé un affront ; prononcez des incompatibilités
d’après un principe, mais ne faites point d’affronts. Pour éviter les
catégories, on pourrait mettre :
« Toute personne recevant un traitement de l’Etat ou de la province
ne peut faire partie du conseil provincial. »
M.
Simons. - Je voterai pour le rejet de l’article entier. La discussion
particulière sur chaque paragraphe m’a démontré à l’évidence qu’il n’y a aucune
nécessité de consacrer en principe des incompatibilités autres que celles de la
parenté jusqu’au deuxième degré. Cette discussion m’a, au contraire, donné la
conviction pleine et entière qu’en écartant du conseil provincial les personnes
dont l’article en question présente la longue nomenclature, c’est enlever à ce
corps tous les éléments propres à lui imprimer la considération dont il doit
être environné ; c’est le priver des hommes spéciaux, qui par leurs lumières,
leur expérience et leur aptitude au travail, sont seuls capables de donner à ce
collège l’impulsion, la direction et la tendance nécessaires pour qu’il réponde
dignement à son institution ; en un mot, c’est absolument neutraliser sa
composition et en faire une assemblée dont les résolutions seront toujours
entachées de ces défectuosités et de ces imperfections qui sont le résultat
inévitable de l’inexpérience.
Malheureusement pour le
pays, nous sommes trop dominés par une préoccupation désavantageuse contre tout
ce qui tient au gouvernement, chaque fois que nous avons à nous occuper d’une
disposition législative tant soit peu importante. Notre travail s’en ressent
presque toujours. Nous agissons avec une défiance vraiment désastreuse pour le
pays, et de manière à fausser, à la longue, nos institutions les plus
libérales.
De là souvent les lois
ne se trouvent pas en rapport avec le principe qu’elles sont appelées à
consacrer. Le principe est souvent étouffé sous les mille et une formalités que
cette même défiance se tourmente à créer, et il se trouve qu’après avoir
reconnu la nécessité d’un principe, après l’avoir proclamé solennellement à la
face de la nation dans le préambule de la loi, nous en rendons en même temps
l’application impossible par son texte. Si c’est là organiser un pays, je vous
avoue franchement que je ne suis pas partisan d’une pareille organisation.
C’est constamment contre
les fonctionnaires du gouvernement que les attaques sont dirigées. Un individu,
par exemple, sera nommé gouverneur ; chacun applaudira à sa nomination. C’est
un parfait administrateur, c’est un homme intègre et qui ne transige jamais
avec sa conscience ; il mérite la confiance du gouvernement et la considération
de ses concitoyens. Ceux-ci l’ont constamment délégué pour défendre leurs
intérêts les plus chers, et toujours il s’est acquitte de sa mission avec
désintéressement, avec probité ; en un mot c’est un bon administrateur, un vrai
patriote ; aussi le jour de son arrivée dans la province il sera accueilli
comme un père. Mais à peine sera-t-il installé, à peine aura-t-il pris le timon
des affaires, que, par l’art. 39, l’honnête homme s’effacera comme par magie,
pour faire place à l’homme du gouvernement. Cet homme, qui a donné tant de
preuves de patriotisme, ne sera plus digne de représenter la province. Comme
particulier il a, à juste titre, su se concilier le respect et la considération
de ses concitoyens ; mais, comme fonctionnaire, il devra être humilié ; il doit
jouer un rôle purement passif dans le conseil, dont il ne pourra jamais faire
partie. Quelques membres du conseil trouvent-ils à propos de transformer
l’assemblée en comité général, M. le gouverneur sera invité à se retirer et ne
pourra plus prendre part aux opérations du collège, que lorsqu’il plaira au
collège de lui en accorder l’entrée.
Tels
seront, messieurs, les résultats de l’art. 39, si tant est que vous vous décidiez
à adopter les incompatibilités que la section centrale propose de consacrer.
Pour ce qui me concerne
je ne puis y donner mon adhésion. Je le repousse de toutes mes forces, parce
qu’il déconsidère le premier magistrat de la province et les autres hauts
fonctionnaires, qui se trouvent enveloppés avec lui dans une espèce de
dégradation civique. Je le repousse parce qu’il ne tend évidemment qu’à
affaiblir de plus en plus l’action du gouvernement, qui n’a déjà que trop peu
de moyens pour faire respecter les lois. Je le repousse enfin parce qu’il
choque les dispositions de la constitution qui, plus libérale que l’art. 39 qui
nous occupe, ne consacre ces restrictions odieuses pas même pour la
représentation nationale.
M. Desmanet
de Biesme. - Je me réunirai à la proposition de M. de Robaulx. En
administration il faut être conséquent avec les principes ; il n’y a rien de
pire que des systèmes bâtards, des systèmes mixtes. On vous a montré qu’il
était absurde d’admettre, dans les conseils provinciaux, les procureurs du Roi,
et d’en exclure les commissaires de district. Je demande que l’on déclare
l’incompatibilité pour tous les salariés par l’Etat ou par la province, et dont
les fonctions sont révocables.
M. de Robaulx. - Il est clair que je propose
mon amendement comme une addition à l’article 39.
M. Angillis. - On a exclu les commissaires de
district ; je ne vois pourtant pas de motif, ou même de prétexte spécieux pour
prononcer cette exclusion ; ensuite on a refusé l’exclusion des membres de
l’ordre judiciaire. : il y a les plus graves motifs pour prononcer
l’incompatibilité des fonctions du magistrat avec les fonctions
administratives. D’après l’assemblée constituante, les membres de l’ordre
judiciaire ne peuvent occuper aucun poste dans l’administration civile. Comme
l’a fait observer M. Desmanet de Biesme,
et comme on l’a dit dans
L’honorable M. de
Robaulx demande davantage ; il demande l’exclusion en masse de tous ceux qui
reçoivent des traitements de l’Etat ou de la province ; je crois qu’il a
raison. En établissant des catégories, vous soulèverez des mécontentements. Un
principe ne blesse personne : si celui proposé par M. de Robaulx était admis,
il faudrait en modifier la rédaction, car d’après son énoncé les membres du
sénat, ne recevant point de traitement, seraient aptes à être membres du
conseil provincial.
M. de Theux, rapporteur. - Je
regrette que les honorables membres n’aient pas présenté leurs observations
dans les séances précédentes sur les paragraphes de l’article que nous
discutons. Je l’ai déjà dit, messieurs, et cela servira de réfutation à la
proposition de M. de Robaulx. Ce
n’est pas en qualité de fonctionnaires publics que les individus sont exclus.
Si la section centrale avait cru que le titre de fonctionnaire fût un motif
d’exclusion, elle aurait procédé d’après un système absurde, puisque ce titre
n’est pas un motif pour être exclus des chambres : elle n’a pas voulu se mettre
en contradiction avec la constitution.
La section centrale a
pris en considération les rapports que les employés, à raison de leurs
fonctions, ont avec le conseil provincial ; il était impossible de s’appuyer
sur d’autres considérations.
Un
honorable membre a cru que le gouverneur était exclu des séances du conseil,
soit des séances publiques, soit des comités secrets ; il est dans l’erreur,
L’article 110 du projet de loi de la section centrale est conçu dans le sens le
plus large. Selon cet article, le gouverneur, ou celui qui le remplace, a droit
d’assister aux délibérations du conseil ; il peut se faire assister de
commissaires, il doit être entendu quand il le demande ; il peut prendre tous
les réquisitoires qu’il trouve convenable.
Il ne fallait pas
exposer le gouverneur aux chances d’une élection, il fallait le déclarer membre
du conseil de droit. En le soumettant aux élections, il pouvait rencontrer un
concurrent redoutable et échouer dans ses tentatives de nomination ; ce qui lui
ôterait de la considération. Quand un gouverneur serait élu, il ne
représenterait pas pour cela la province ; il ne représenterait que le canton
dont il serait l’élu ; il valait donc mieux le déclarer membre du conseil.
M. de Robaulx. - Je sais bien que mon amendement
n’est pas présenté dans l’esprit qui a dirigé la section centrale ; je n’ai pas
l’habitude de marcher avec elle. Les incompatibilités qu’elle établit sont
fondées, dit-on, sur les relations des fonctionnaires avec le conseil ;
cependant, je trouve le contraire dans l’article que l’on vient de discuter :
les officiers de l’armée ne sont certainement pas exclus à raison de leurs
rapports avec l’administration provinciale. Il faut donc chercher ailleurs que
dans les raisons alléguées les motifs de l’exclusion des officiers des armées
de terre et de mer. Le véritable motif, c’est lorsqu’il s’est agi de détruire
l’influence funeste du gouvernement dans les assemblées délibérantes.
Lorsque le congrès a agité
la question de savoir si les fonctionnaires publics pouvaient être membres des
deux chambres il s’éleva, à ce sujet, de vifs débats : on fit valoir de
nombreux arguments pour et contre. Les uns soutenaient l’indépendance des
fonctionnaires publics ; les autres croyaient à la possibilité de leur
dépendance et pensaient que c’était un motif pour qu’ils fussent exclus des
assemblées législatives. Mais à ce moment on était encore bien engoué des idées
révolutionnaires. Les fonctionnaires étaient extrêmement patriotes ; ils
venaient de faire leurs premières armes en faveur de la révolution ; ils
venaient d’être placés par la révolution : on fit valoir qu’il ne fallait pas
priver les assemblées législatives du tribut de leurs lumières, du concours de
leur patriotisme. Il fut décidé qu’ils seraient admis dans les deux chambres.
Voilà ce que nous avons fait ; mais alors j’étais prophète et meilleur prophète
que M. Lebeau. J’ai dit que les fonctionnaires apporteraient aux chambres le
tribut de leur dépendance. Je l’ai dit et je répète ; et que l’on compulse les
votes émis dans une circonstance récente, et l’on verra si je me suis trompé.
Le congrès a décidé
qu’il n’y avait pas incompatibilité entre les fonctions publiques et les
assemblées législatives ; mais la constitution n’a pas limite les
incompatibilités pour le conseil provincial ; elle a laissé à la législature le
soin de les déterminer. Il ne faut donc pas se laisser arrêter par cette
considération qu’on trouve dans le rapport de la section centrale, que la
constitution, en proclamant l’admissibilité des fonctionnaires publics dans les
deux chambres, les a implicitement reconnus admissibles au conseil provincial.
Il
s’agit de savoir si vous croyez pouvoir abandonner le règlement de tous les
intérêts de la province aux agents du pouvoir exécutif. Et, messieurs, ce n’est
pas pour le pouvoir actuel que je parle ainsi ; car le pouvoir est si mobile
que je m’attends à le voir, comme par un coup de baguette magique, passer un
jour ou l’autre en d’autres mains. Et que le pouvoir soit aux mains de M.
Lebeau ou à celles d’un autre van Maanen, je vous
assure que cela m’importe fort peu ; c’est le principe que je défends. Je crois
que le gouvernement a une influence innée sur les fonctionnaires, et que si
vous décidez qu’ils peuvent faire partie des conseils provinciaux, le pouvoir
les remplira de ses séides, d’hommes à ses gages qui soutiendront ses intérêts
dans ces conseils. J’ai à cet égard l’expérience de ce qui s’est passé dans
cette chambre, et qui, si vous n’accueillez pas ma proposition, se reproduira
dans les conseils provinciaux.
Si vous excluez les
fonctionnaires, l’organisation de la province sera dirigée dans le sens le plus
honorable à sa population ; si vous admettez le système funeste de
l’admissibilité des fonctionnaires dans le conseil provincial, vous renforcez
le pouvoir qui ne s’est que trop renforcé par ces mesures arbitraires que je
déplore et qui nous font passer pour le peuple le plus inhospitalier de ta
terre. Avec ce système, les conseils provinciaux battront des mains à ces
mesures arbitraires ; ce sera la ritournelle de ce qui s’est fait ici.
M. le
ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne sais si je dois me
considérer comme fonctionnaire dépendant ; en tout cas, je relèverai ce qui
vient d’être dit par le préopinant de la dépendance qu’il a attribuée à
plusieurs membres de cette chambre qui votent d’ordinaire autrement que lui. Je
crois, et l’expérience m’a prouvé, que les membres de cette assemblée ont
constamment voté en conscience, et sans se laisser fléchir par leur position de
fonctionnaires. N’oubliez pas, messieurs, qu’il est une certaine indépendance
non moins à craindre pour les intérêts du peuple que la dépendance de ses
représentants, c’est l’indépendance qu’accompagne le système trop en vogue : ôte-toi de là que je m’y mette. Il est
bon que des hommes dont la position est établie siègent dans les conseils
nationaux et provinciaux, concurremment avec d’autres dont la position est à
faire, et contrebalancent ainsi l’influence nuisible que j’ai signalée.
M. de Robaulx. - Soyez tranquille, M. le
ministre ; je n’ai aucune envie d’avoir votre place.
M.
d’Hoffschmidt.
- Messieurs, on a voulu représenter les fonctionnaires publics comme manquant
d’indépendance. Je proteste de toutes mes fortes contre une telle allégation.
Un honnête homme est honnête homme toujours, dans les fonctions législatives
comme dans celles de l’administration ; il sait conserver partout son
indépendance ; je crois l’avoir démontré dans plus d’une occasion, Si je
pensais que le gouvernement a raison, je saurais me mettre au-dessus des
doctrines que l’on vient de proclamer et je voterais pour lui. Peu importe ce
que penserait M. de Robaulx, ou autres. Je trouve même que c’est une allégation
défavorable au parti que vous défendez que de supposer des hommes capables de
vendre leur conscience pour une place. Ne croyez pas que vous les lierez par
là. (Très bien ! Très bien ! Des
applaudissements partent des bancs de l’assemblée.).
M.
le président. - Messieurs, veuillez faire silence.
M. de Robaulx. - Je voudrais savoir quelle
est la personne qui applaudit, je lui répondrais.
M.
d’Huart. - Moi
; j’applaudis à tout ce que vient de dire mon honorable ami M. d’Hoffschmidt.
M. de Robaulx. - Eh bien, et moi aussi j’applaudis
à la conduite honorable de MM. d’Huart et d’Hoffschmidt ; j’applaudis à la
conduite de ces fonctionnaires indépendants qui votent pour le pouvoir quand il
a raison, contre quand il a tort. Je suis heureux de trouver dans ces deux
honorables collègues et dans plusieurs fonctionnaires, membres de cette
assemblée, autant de patriotisme et d’indépendance. Mais ces messieurs
eux-mêmes doivent savoir que tout le monde n’a pas une conscience organisée
comme la leur. Quand je parle de fonctionnaires dépendants, je n’ai pas besoin
de nommer spécialement les individus ; je pourrais le faire si cela était
parlementaire. C’est d’ailleurs un principe que nous discutons. Et les
précédents prouvent que la dépendance absolue des fonctionnaires est un système
du gouvernement ; en effet, la destitution de MM. Desmet et Doignon pour leur
conduite parlementaire le prouve assez.
L’honorable M.
d’Hoffschmidt lui-même n’a-t-il pas gémi intérieurement de voir que
quelques-uns de ses collègues n’avaient ni sa conscience ni ses sentiments
généreux, qu’ils ne savaient pas comme lui mettre toute considération d’intérêt
personnel au-dessous des affaires du pays ?
J’ai donc pu dire que
l’exclusion des fonctionnaires publics des conseils provinciaux garantirait
l’indépendance de ces conseils ; j’ai pu citer à l’appui de cette opinion ce
qui s’est passé quand le système du gouvernement a été jugé par la chambre, car
si vous applaudissez ce système, moi je le siffle ; jamais je ne l’applaudirai.
Au reste la liberté des opinions existe ; j’ai développé mon système ; la
majorité prononcera.
- L’amendement de M. de Robaulx est mis aux
voix ; il n’est pas adopté.
L’article 39 est mis aux
voix et rejeté.
M. Liedts. - Je demande qu’on renvoie l’article à
la section centrale pour qu’elle en présente un nouveau.
M.
A. Rodenbach. - Il n’y a plus d’article ; il a été rejeté.
M.
Liedts. - Ainsi les membres des deux chambres pourront siéger dans les
conseils provinciaux.
M. le président. - La chambre statuera à cet égard
lors du vote définitif de la loi.
M. de Muelenaere. - J’appuie la motion
faite par l’honorable préopinant, de renvoyer l’article à la section centrale ;
je demande qu’elle soit invitée à prendre en considération s’il n’y a pas lieu
à présenter un nouvel article en remplacement de l’article 39.
M. d’Huart. - Je propose un nouvel article qui pourra
être discuté lors du second vote ; je demande qui soit renvoyé à la section
centrale. Voici cet amendement :
« Ne peuvent être
membres du conseil provincial :
« 1° Les membres de
la chambre des représentants et du sénat ;
« 2° Le gouverneur de la
province ;
« 3° Le greffier
provincial ;
« 4° Les agents
comptables de l’Etat ou de la province ;
« 5° Les employés au
gouvernement provincial, ainsi que les employés au commissariat
d’arrondissement et de milice. »
M.
A. Rodenbach. - Je présente le sous-amendement suivant à l’article 39
proposé par M. d’Huart :
« 6° Les membres de
l’ordre judiciaire. »
- Le renvoi de
l’amendement de M. d’Huart et du sous-amendement de M. A. Rodenbach, à la
section centrale, est mis aux voix et prononcé.
Article 40 (du
projet de la section centrale) et article 39 (du projet du gouvernement)
M.
le président. - La chambre passe à l’art. 39 du projet du gouvernement
(40 du projet de la section centrale). Voici le texte du projet du gouvernement
:
« Art. 39. Si
des parents ou alliés jusqu’au deuxième
degré inclusivement sont élus conseillers par le même collège électoral et au
même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix sera seul admis au
conseil ; s’ils sont élus séparément, le premier nommé sera préféré.
« L’alliance survenue
ultérieurement entre les conseillers élus par le même collège n’emporte pas
incompatibilité. »
L’article
du projet de la section centrale auquel le gouvernement se rallie est ainsi
conçu :
« Art. 40. Si des
parents jusqu’au deuxième degré inclusivement sont élus conseillers par le même
collège électoral et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de
voix, sera seul admis au conseil ; s’ils sont élus à des tours de scrutin différents,
le premier nommé sera préféré.
« L’alliance
survenue ultérieurement entre les conseillers élus par le même collège
n’emporte pas incompatibilité. »
M. de Theux. - C’est par erreur que
le deuxième paragraphe de l’article du projet du gouvernement a été reproduit à
la fin de l’article de la section centrale. Dans le système de la section
centrale, ce paragraphe doit être supprimé.
M.
Donny. - Messieurs, je regrette que M. le ministre de l’intérieur ait
abandonné le projet du gouvernement pour se rallier à celui de la section
centrale, qui me paraît moins rationnel. Je ne parle pas de la dernière partie
de l’article, bien que je me proposais d’en démontrer l’inutilité ; puisque
l’honorable rapporteur vient de dire que le dernier paragraphe doit être
supprimé, je n’ai plus de ce chef d’observations à faire.
Le rapport de la section
centrale nous apprend, à la page 14, que l’article en discussion a pour objet
de prévenir qu’une famille influente ne s’empare de toute l’élection d’un même
canton.
Pour que l’article
remplît l’objet qu’il se propose, il faudrait qu’il pût s’appliquer non
seulement aux parents de naissance, mais encore aux alliés au même degré ; car
tant que dure l’alliance, l’allié est membre de la famille ; il en partage
l’influence à peu près au même degré que le parent proprement dit.
Le gouvernement, en
mettant les parents et les alliés sur la même ligne, avait rendu hommage à
cette vérité. La section centrale l’a complètement méconnue, en supprimant le
mot alliés. Dans le système du gouvernement le beau-père et le gendre ne
peuvent être élus par le même collège électoral pas plus que le père et le fils
; mais dans celui de la section centrale, le beau-père et le gendre peuvent
être nommés à la fois. Cette section craint l’influence combinée d’un père et
de son fils ; mais elle ne craint pas celle d’un beau-père combinée avec celle
de son gendre, Cependant il n’y a dans tout cela que peu ou point de
différence. Si l’influence du père et du fils est à craindre, l’influence du
beau-père et du gendre l’est également.
Je préfère donc et de
beaucoup le système du gouvernement ; cependant l’article qu’il avait proposé
me paraît susceptible d’amélioration ; il y a une lacune dans cet article. Il y
est dit que si des parents ou alliés au degré prohibé sont élus par le même
collège et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le plus de voix sera
seul admis au conseil, mais on ne dit pas ce qui aura lieu lorsque deux parents
au degré prohibé, auront obtenu le même nombre de voix ; il faudrait ajouter
une disposition pour régler ce cas.
J’ai
préparé un changement de rédaction au projet du gouvernement dans le sens de
cette observation ; je le présente comme amendement. Il serait ainsi conçu :
« Si des parents
ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement sont élus conseillers par le
même collège électoral et au même tour de scrutin, celui qui aura obtenu le
plus de voix, et, en cas de parité, le plus âgé d’entre eux, sera seul admis au
conseil ; s’ils sont élus par des tours de scrutin différents, le premier nommé
sera préféré.
« L’alliance survenue
ultérieurement entre les conseillers dus par le même collège n’emporte pas
incompatibilité. »
M. de Theux, rapporteur. - Je ne vois
pas d’objection contre la préférence à donner au plus âgé lorsqu’il y aura
parité de voix ; je crois seulement que ce cas n’arrivera jamais.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ce cas est prévu par l’article
28.
M. de Theux, rapporteur. - Quant au
changement de rédaction proposé par l’honorable préopinant je dois expliquer à
la chambre le motif qui a déterminé la section centrale à ne pas maintenir
l’incompatibilité pour les parents par alliance ; c’est que dans ce cas deux
familles représentent le canton. Le père et le fils ne représentent qu’une
famille, tandis que le beau-père et le gendre en représentent deux. Le canton a
réellement deux organes lorsque deux conseillers sont membres de deux familles
différentes, tandis qu’il n’a qu’un organe lorsqu’ils sont membres d’une seule
famille. La différence est sensible entre les deux cas.
M.
le président. - M. H. Dellafaille a présenté un sous-amendement à
l’amendement de M. Donny. Il
consiste à ajouter à la fin du dernier paragraphe ces mots : « mais
empêchera la réélection, » et à ajouter à l’art. un paragraphe ainsi conçu
: « L’alliance est censée dissoute par le décès de la femme du chef de
laquelle elle provient. »
M. H. Dellafaille - C’est pour éviter toute
amphibologie que j’ajoute à la fin du deuxième paragraphe les mots
: « mais empêchera la réélection. » Quant au paragraphe additionnel,
il est extrait des anciens règlements. Je pense que lorsque la cause de
l’incompatibilité a cessé, ses effets doivent cesser également.
M. de Theux, rapporteur. - Je demande
la division sur l’amendement de M. Donny.
M.
Jullien. - L’amendement de M. Donny tend à reproduire l’article du
projet du gouvernement qui déclarait l’incompatibilité entre les parents et les
alliés au deuxième degré. La section centrale a cru devoir supprimer l’incompatibilité
résultant de l’alliance au deuxième degré. M. de Theux eu a donné cette raison
que dans ce cas les intérêts de deux familles sont représentés. Le père et le
fils, a-t-il dit, n’ont qu’un seul intérêt, vous excluez un ou l’autre ; mais
ce n’est pas un motif pour exclure le gendre ou le beau-père qui représentent
deux intérêts.
Messieurs,
cela n’est pas exact. Les intérêts du gendre peuvent être ceux du beau-père ;
le gendre, en entrant dans la famille du beau-père, épouse les intérêts de cette
famille à laquelle désormais il appartient.
La principale raison qui
a déterminé à formuler cette incompatibilité pour toute législation électorale,
c’est d’empêcher qu’un corps délibérant ne soit envahi par une seule famille.
Vous devez maintenir cette incompatibilité pour éviter que le conseil
provincial ne devienne une sorte de ménage, pour ne pas abandonner la province
aux intérêts d’une seule famille. Encore une fois, les intérêts du gendre et du
beau-père sont les mêmes ; et si ces intérêts sont opposés à ceux de la
province, on peut craindre que l’intérêt public ne soit sacrifié à l’intérêt
particulier.
M. de Theux, rapporteur. - Ce n’est
pas parce que la section centrale a pensé qu’il y avait impossibilité à ce que
deux membres de la même famille fassent partie du conseil provincial qu’elle a
établi l’incompatibilité de l’article 40. Mais elle n’a pas voulu que deux
membres de la même famille fussent élus dans le même canton. Il y a une
différence entre la parenté de deux frères et celle de deux beaux-frères.
Ceux-ci font partie de deux familles distinctes. Je ferai remarquer que l’art.
4 du règlement des états provinciaux n’excluait pas les alliés. La section
centrale a voulu consacrer exactement la même disposition.
Je
dois en outre expliquer pourquoi j’ai demandé la division de l’article 40.
L’amendement de
l’honorable M. Donny reproduit les dispositions primitives de l’article 39 du
projet du gouvernement. Je ne verrais par d’inconvénient à ce que la partie de
l’amendement qui règle la marche à suivre dans le cas où il y aurait parité de
suffrages fût adoptée. Mais je voudrais que l’on mît préalablement aux voix le
principe, c’est-à-dire la question de savoir si l’alliance sera une cause
d’incompatibilité. Si cette question était résolue dans le sens présenté par M.
Donny, il pourrait être donné suite aux sous-amendements présentés par
l’honorable M. Dellafaille.
M. Donny. - L’honorable rapporteur de la section
centrale vient de vous expliquer les motifs que cette section a eus, suivant
lui, pour supprimer l’incompatibilité dont le gouvernement frappait les alliés.
Mais il me semble que son explication diffère des développements du rapport de
cette section : car, à la page 14 de ce rapport, c’est l’influence de famille
que la section centrale a paru redouter, et non pas, comme le dit à présent
l’honorable membre, la circonstance assez indifférente d’une même famille
représentée par deux membres dans le conseil provincial. En redoutant les
effets de l’influence de famille sur les élections d’un canton, la section
centrale a raisonné comme vient de le faire M. Jullien. S’il en est ainsi, il faut bien convenir que les
alliés sont dans la même position que les parents pour l’exercice de l’influence
que l’on craint, et qu’ainsi il faut mettre les uns et les autres sur la même
ligne.
M. Dumont. - J’ai une observation à présenter
sur l’un des sous-amendements de l’honorable M. Dellafaille.
Il propose d’ajouter à
la fin du second paragraphe de l’article 39 amendé par l’honorable M. Donny : «
mais empêche la réélection. » Je pense qu’outre que cette disposition est
inutile, elle est encore inexacte. Elle est inexacte, parce qu’il peut se
présenter des cas où une alliance contractée entre les familles de deux membres
du conseil provincial ne pourra empêcher la réélection de l’un d’eux. Si,
pendant le cours de la session, l’un d’eux meurt par exemple, ce décès, rompant
l’alliance, détruit l’incompatibilité à la réélection. Cette disposition est
inutile, parce que lorsque les membres du conseil seront soumis à une
réélection, la cause d’incompatibilité
existant au moment pour les alliés s’oppose à la nomination de l’un
d’eux. Il ne peut s’élever le moindre doute à cet égard.
- Le
principe de l’exclusion des alliés jusqu’au deuxième degré est mis aux voix et
adopté.
M.
Verdussen. - Je pense que ces mots : en cas de parité de votes sont inutiles, attendu que l’article 30
déjà adopté a prévu ce cas.
M. Donny. - L’article 30 que vient de citer
l’honorable M. Verdussen dispose pour un cas spécial : l’article en discussion
dispose pour un autre cas spécial tout différent du premier. A l’article 30, il
s’agit de deux candidats en concurrence pour une seule et même place. Ici, il
est question de deux candidats qui ne concourent pas pour une même place,
puisque chacun d’eux est nommé à une place distincte qu’il remplirait s’il n’y
avait pas d’incompatibilité. Les cas n’étant pas identiques, ce qui est réglé
pour le premier ne fait pas nécessairement règle pour le second, et par suite,
je crois qu’il n’est pas inutile de conserver dans cet article les mots dont
l’honorable M. Verdussen demande la suppression.
M. de Muelenaere. - Indépendamment des
considérations que vient de présenter l’honorable M. Donny, je ferai observer
que dans l’article 30 il s’agit d’un scrutin de ballottage. Au premier tour de
scrutin, quand deux candidats réuniront le même nombre de voix il n’y aura pas
lieu à leur appliquer les dispositions de l’article 30, tandis que l’amendement
de M. Donny porte sur la première épreuve.
- L’amendement de M.
Donny est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur
le premier sous-amendement présenté par M. H. Dellafaille.
M. H. Dellafaille - Je répondrai à
l’honorable M. Dumont que mon sous-amendement ne porte pas sur le cas de décès
de l’un des deux alliés avant l’époque des réélections, parce qu’il est évident
que l’incompatibilité n’existe plus pour le survivant.
M. de Muelenaere. - Je pense que le sous-amendent
présenté par l’honorable M. Dellafaille est tout à fait sans objet. Il résulte
de l’adoption de l’amendement de l’honorable M. Donny, que des parents ou des
alliés jusqu’au deuxième degré ne pourront être nommés par le même canton. Eh
bien, si la parenté ou l’alliance existe au moment des opérations électorales,
nous retombons dans la première partie de l’art. 40. Le deuxième paragraphe de
cet article est une dérogation au principe consacré par le premier. L’intention
qui a dicté ce paragraphe est que l’on ne renouvelle pas les élections sans
motifs graves. Si donc l’incompatibilité amenée par une alliance survenue avant
les élections existe, le député sortant rentre dans la catégorie admise par
l’art. 40. Il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. Le sous-amendement de M.
Dellafaille me paraît donc inutile.
M. H. Dellafaille - L’art. 40, dans son
premier paragraphe, consacre l’incompatibilité des parents ou alliés jusqu’au
deuxième degré. Le deuxième paragraphe établit que si l’alliance survient
pendant la session du conseil provincial, il n’y aura pas lieu à réélection. Ne
pourrait-on pas, si mon sous-amendement n’était pas admis, considérer le
deuxième comme une dérogation complète à l’exclusion établie par le premier ?
Il y a au moins doute dans l’interprétation de l’article ; ma proposition
tendrait à l’écarter.
M. Jullien. - Je partage complètement l’opinion
de M. de Muelenaere. Quoiqu’il
paraisse résulter une espèce de doute dans l’interprétation de l’article, ce
doute sera éclairci par la discussion même qu’il a soulevée. Deux membres du
conseil provincial qui ne sont pas parents se trouvent alliés au deuxième degré
par le mariage contracté entre l’un d’eux et la sœur de l’autre. Faudra-t-il
que l’effet de cette alliance soit de faire sortir du conseil l’un de ces
nouveaux alliés ? Non, cette alliance n’entraînera pas momentanément
l’incompatibilité ; mais, la session finie, chacun rentrera dans le droit
commun, consacré par le premier paragraphe de l’article. Le sous-amendement de
M. H. Dellafaille n’est pas nécessaire ; mais il faudrait rendre plus clair le
sens de l’article 30.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - On pourrait modifier ainsi la rédaction
du second paragraphe, en mettant : au lieu de : « n’emporte pas
incompatibilité, » ces mots : « n’emporte pas révocation de leur
mandat. »
M.
Jullien. - Ou bien : « n’emporte pas incompatibilité pendant la
durée de la session. »
- La rédaction proposée
par M. le ministre de la justice est mise aux voix et adoptée.
Le deuxième
sous-amendement présenté par M. Hipp. Dellafaille est également mis aux voix et adopté.
Titre VI. - Du conseil provincial
Chapitre
Ier. Dispositions concernant la réunion du conseil et le mode de ses
délibérations
Article 41 (du projet de la
section centrale)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur le titre VI, article 41.
Cet article est ainsi
conçu :
« Le conseil
provincial s’assemble au chef-lieu de la province. »
M.
Verdussen. - Je crois qu’il faudrait ajouter à la fin de l’article le
mot ordinairement. Il pourrait
arriver des cas où la situation particulière du chef-lieu ne permettrait pas
que le conseil provincial y tînt ses séances.
Une voix. - Alors il y aurait force majeure.
M. Verdussen. - La section centrale a eu en vue
de prévenir l’abus qui pourrait être fait du déplacement du conseil provincial.
C’est ce que prouvent les développements de la section centrale à la page 14.
Les voici :
« La réunion du
conseil au chef-lieu de la province a été unanimement adoptée ; la 3ème section
aurait cependant voulu permettre au Roi d’en disposer autrement pour des causes
extraordinaires ; la section centrale, prévoyant la possibilité d’abuser de
cette faculté, ne l’a pas admise ; le changement de siège du gouvernement
provincial entraînera celui de la réunion du conseil, ce qui suffit pour parer
aux événements extraordinaires. »
Vous voyez que
l’intention de la section centrale a été de rendre obligatoire la réunion du
conseil dans le chef-lieu. Mais il faut prévoir le cas où un événement imprévu,
tel qu’un siège, rendrait l’accès du chef-lieu fermé aux membres du conseil. Le
mot ordinairement parerait à cet
inconvénient.
M. de Theux. - Il est évident que,
dans l’éventualité d’un siège, l’administration provinciale sera transférée
dans une autre ville, ce qui impliquera la translation du conseil provincial
même.
- L’article 41 est mis
aux voix et adopté.
Article 42 (du projet de la
section centrale)
M.
le président. - L’article 42 est ainsi conçu :
« Toutes les
sessions du conseil sont ouvertes et closes au nom du Roi par le
gouverneur. »
- Cet article est mis
aux voix et adopté.
Article 43 (du
projet de la section centrale) et article 42 (du projet du gouvernement)
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article 42 du projet du
gouvernement, ainsi conçu :
« Le conseil se
réunit de plein droit chaque année le premier mardi de juillet à dix heures du
matin, en session ordinaire. Il se constitue sous la présidence du doyen d’âge,
assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires.
« Indépendamment de
cette session, le Roi peut convoquer le conseil en session extraordinaire. Les
convocations extraordinaires sont faites par le gouverneur par écrit et à
domicile, et insérées dans les journaux de la province. »
L’article
43 de la section centrale est ainsi conçu :
« Le conseil se réunit
de plein droit chaque année le premier mardi de juillet, à dix heures du matin,
en session ordinaire. Il se constitue sous la présidence du doyen d’âge,
assisté des deux plus jeunes membres comme secrétaires.
« Indépendamment de
cette session, le Roi peut convoquer le conseil en session extraordinaire.
« Les convocations
extraordinaires sont faites par le gouverneur, par écrit et à domicile. »
M.
le président. - M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à la
rédaction de la section centrale ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je
n’ai aucune raison pour consentir à la suppression de la dernière partie de
l’article.
M. de Theux, rapporteur. - Il
pourrait arriver qu’une province fût dépourvue de journaux. Lorsque le traité
des 24 articles sera mis à exécution, les provinces du Limbourg et du
Luxembourg pourraient se trouver dans ce cas. Il a semblé à la section centrale
que la convocation à domicile suffisait.
M.
Angillis. - Je préférerais la rédaction de la section centrale. Si vous
admettez la publicité des séances, comment le public sera-t-il informé de
l’époque des sessions extraordinaires ? il faudrait mettre : dans un journal de la province, s’il y en a.
M. Schaetzen. - Je propose de changer
l’époque de la réunion fixée au premier mardi de juillet. Je crois que le
troisième mardi de juin conviendrait mieux. Il faut mettre autant que possible
les membres du conseil provincial dans la possibilité d’assister régulièrement
aux séances. Sous l’ancien gouvernement, on s’est plaint de ce que l’époque de
la réunion annuelle des états provinciaux tombât au milieu de celle de la
moisson. Toutes les élections provinciales et générales seront terminées au
commencement du mois de juin. Rien ne s’oppose à ce que l’on change le jour de
l’ouverture de la session du conseil. Je dépose donc un amendement dans ce sens
:
« Le
conseil se réunit de plein droit chaque année le troisième mardi de juin, etc.
»
M. Desmanet de Biesme. - Il y a, en
effet, une grande difficulté de réunir les habitants des campagnes à 1’époque
où on s’occupe des récoltes ; je pense que le mois de juin est préférable au
mois de juillet.
M. H. Dellafaille - Les réunions
électorales sont fixées, d’après la loi, le premier mardi du mois de juin ;
l’amendement serait contraire à cette disposition de la loi électorale.
M. de Theux, rapporteur. - Il eût été
à désirer de trouver une époque plus convenable que celle du mois de juillet,
puisqu’à cette époque les travaux de la campagne retiennent beaucoup de
personnes absentes des villes., Cependant l’époque proposée par l’honorable M.
Schaetzen aurait des inconvénients extrêmement graves. Deux fois déjà la
chambre s’est trouvée réunie pendant tout le mois de juin ; cette année elle
sera encore réunie dans ce mois, et il est probable qu’il en sera de même
pendant un certain nombre d’années.
Si les neuf conseils
provinciaux sont réunis dans le mois de juin et alors que les chambres seront
encore assemblées, il en résultera des embarras très graves pour le
gouvernement, relativement aux affaires qui se traiteront dans ces conseils.
L’époque du mois de juin
serait en outre trop rapprochée de l’époque des opérations électorales ; tout
le monde sait que les élections occupent activement le pays, même après
qu’elles sont terminées.
J’ajouterai
une dernière considération, c’est qu’au mois de juin, nous avons vu qu’on ne
pouvait quitter les travaux de la campagne pour venir voter dans cette chambre,
démarche qui ne demandait cependant qu’une absence de quelques heures : comment
donc alors les habitants des campagnes pourraient-ils se rendre au conseil
provincial dont la session dure au moins 15 jours ? comment surtout
pourraient-ils le faire dans les deux Flandres, où leurs travaux sont très
importants à cette époque du mois de juin ?
D’après ces motifs, je
crois qu’il faut conserver l’époque proposée par le gouvernement et adoptée par
la section centrale, tout en regrettant qu’on ne puisse fixer une époque plus
favorable.
M. de Muelenaere. - Messieurs, les motifs
que l’on a fait valoir dans une séance précédente, pour fixer les élections au
mois de mai plutôt qu’au mois de juin, ne militent pas en faveur de la
proposition qui vous est faite.
Un grand nombre de
personnes participent aux opérations électorales ; les assemblées provinciales
ne se composent que de 60 ou 70 membres tout au plus, c’est-à-dire, d’après la
loi, de dix membres par canton ; or, les artisans, les petits cultivateurs, et
généralement les personnes dont la présence est nécessaire a la campagne, ne
seront probablement pas appelés à faire partie des conseils provinciaux, et les
personnes qui en feront partie pourront s’absenter du moins pendant quelque
temps.
Il me semble que les
travaux de la campagne sont aussi importants dans le mois de juin que dans le
mois de juillet, surtout dans les Flandres. Quant à moi,je n’attache pas
d’importance à ce qu’on préfère l’époque proposée par l’amendement à celle
proposée dans le projet. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement n’est pas
adopté.
La proposition du
gouvernement est mise aux voix et adoptée.
Article 44 (du
projet de la section centrale)
M.
le président. - « Art. 44 (de la section centrale). La durée de la
session ordinaire est de 15 jours ; elle ne peut être diminuée que de commun
accord entre le gouverneur et le conseil ; elle peut être augmentée de huit
jours par décision spéciale du conseil, mais elle ne peut être continuée
au-delà de ce terme sans le consentement exprès du gouverneur. »
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je me rallierais à l’article
de la section centrale si la chambre adoptait que la dissolution du conseil
peut toujours être ordonnée par le gouvernement. Je crois qu’on pourrait
remettre la discussion de l’article après la disposition du projet relative à
la dissolution. (Assentiment).
- L’article est ajourné.
Articles 45 à 47 (du projet
de la section centrale)
Les trois articles
suivants présentés par la section centrale, sont successivement adoptés, sans
donner lieu à aucune discussion.
« Art. 45. L’assemblée
vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à
ce sujet.
« Elle ne peut délibérer,
si plus de la moitié du nombre de ses membres fixé par la loi n’est
présente. »
« Art. 46. Après la
vérification des pouvoirs,, les conseillers provinciaux prêtent le serment
suivant : « Je jure d’observer la constitution et la loi d’organisation
provinciale. »
« Art. 47. Le
conseil, à l’ouverture de chaque session, nomme un président et un
vice-président et nomme son bureau. »
Article 48 (du
projet de la section centrale)
M.
le président. - « Art. 48 (de la section centrale). Le conseil
détermine, par son règlement, le mode suivant lequel il exerce ses
attributions, en se conformant à la présente loi. »
Sur cet article M. de
Muelenaere propose un amendement qui consiste à ajouter : « ce règlement
sera soumis à l’approbation du Roi. »
M. de Muelenaere. - Les motifs de mon
amendement sont extrêmement simples ; dans la présente loi vous déterminez les
attributions et par conséquent les droits et les devoirs des membres des
conseils provinciaux. Par l’article en discussion, vous abandonnez au conseil
le droit de déterminer par son règlement le mode suivant lequel il exercera ses
fonctions en se conformant à la loi.
Il faut que le règlement
soit basé sur la loi, puisque les membres du conseil exercent leurs fonctions
conformément à cette loi ; si le règlement n’était pas soumis à une sanction
quelconque, s’il n’était pas soumis à la sanction d’un fonctionnaire
responsable, les membres du conseil pourraient ne pas se conformer à la loi ;
ils pourraient dépasser les attributions qui leur sont confiées.
Un autre motif qui
déterminé à présenter mon amendement, c’est que je désire autant que possible
que les règlements de tous les conseils provinciaux soient uniformes, et que
tous les conseils procèdent de la même manière.
En vertu de mon
amendement, le ministre sera chargé de vérifier les articles du règlement ;
vous aurez par là la garantie que la loi sera exécutée conformément à son
esprit et à son texte, parce que le ministre sera responsable vis-à-vis de
chambres, des infractions à la loi par le conseil.
Si vous abandonnez au
conseil seul le droit de faire son règlement, vous n’aurez aucune action sur ce
conseil, qui pourra alors prendre des mesures contraires à la loi.
- L’article est adopté
avec l’addition proposée par M. de
Muelenaere.
Article 49 (du projet de la
section centrale)
M.
le président. - « Art. 49 (de la section centrale.) - Les séances
du conseil sont publiques ; néanmoins l’assemblée se forme en comité secret,
sur la demande du président ou de cinq membres, ou sur la demande du gouverneur
; elle décide ensuite, si la séance peut être reprise en public, sur le même
sujet. »
- Adopté.
Article 50 (du projet de la section centrale)
« Art. 50 (de la
section centrale.) Le conseil vote à haute voix ou par assis et levé ;
néanmoins il vote toujours à haute voix et par appel nominal sur l’ensemble de
chaque résolution ; les présentations de candidats, les nominations, les
révocations ou destitutions se font seules au scrutin secret. »
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demanderai à l’honorable
rapporteur comment il accordait la fin de l’article avec la disposition qui
confère à la députation le droit de révocation.
M. de Theux, rapporteur. - Dans
chaque province il existe des employés purement provinciaux ; or, la nomination
de ces employés appartient au conseil provincial.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne vois pas d’inconvénient
à l’adoption de l’article, puisqu’il ne préjuge rien sur la question de la
nomination des divers employés provinciaux.
- L’article est adopté.
Article 51 (du
projet de la section centrale)
M.
le président. - « Art. 51 (de la section centrale.) « Nulle
résolution ne peut être adoptée qu’après avoir été votée article par
article. »
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs,
cet article est tiré de la constitution (art. 41) ; il a été proposé par le
gouvernement et adopté par la section centrale ; cependant en qualité de membre
de cette chambre et abstraction faite de ma qualité de rapporteur, je crois
devoir vous communiquer quelques doutes sur l’opportunité de l’article. (Parlez ! parlez !)
Nous
remarquons que dans cette chambre la délibération article par article entraîne
des longueurs considérables ; l’usage de ce vote n’est pas introduit dans les
assemblées provinciales, je pense qu’il est utile de leur abandonner la faculté
de voter sur l’ensemble des articles ou sur tous les articles séparément.
Ce qui me suggère cette
pensée c’est que la durée de la session des conseils étant limitée à 15 ou 20
jours au plus, les délibérations pourraient être entravées, si ces assemblées
devaient voter article par article. Ce mode de délibérer entraînerait
évidemment dans des longueurs dont les affaires souffriraient.
Je demanderai qu’on
substitue à l’article la disposition suivante : « Le conseil a le droit de
diviser et d’amender chaque proposition. »
M. Jullien. - La proposition de M. de Theux, me
semble inutile ; je ne conçois pas un corps délibérant qui n’aurait pas le droit
de diviser et d’amender une proposition, je ne sais vraiment où l’on veut en
venir avec de pareilles propositions ; c’est supposer qu’il peut exister des
conseils qui n’auront pas la faculté de délibérer.
Je le déclare, quant à
moi, je n’ai pas saisi le but de la proposition. Elle dit uniquement qu’on fera
ce qu’on a droit de faire ; on pourrait
ainsi mettre dans la loi une multitude de dispositions semblables.
M. de Muelenaere. - Je pense que l’article
tel qu’il est rédigé ne peut trouver place dans la loi, attendu qu’il est tout
à fait réglementaire.
De quels objets le
conseil aura-t-il à s’occuper en vertu de la loi centrale ? Il devra s’occuper
de règlements généraux d’administration, sur les incendies, sur la voirie et
sur les fonctions des gardes-champêtres. Ces règlements auront chacun 50, 100
et même quelquefois 150 articles ; si les membres du conseil sont appelés à
voter article par article, vous sentez combien les affaires à régler pourront
éprouver de retard. Si dans cette enceinte nous pouvons voter article par
article, il peut difficilement en être de même dans les conseils provinciaux,
parce que la session de ces assemblées ne durera que 15 à 20 jours.
Quant
à l’amendement de M. de Theux je crois qu’il est utile. Tout conseil n’a pas le
droit de diviser et d’amender une proposition ; sous le gouvernement précédent,
vous vous rappelez que les membres des états-généraux ne pouvaient diviser et
amender les propositions qui leur étaient soumises ; il fallait qu’elles
fussent adoptées ou rejetés purement et simplement.
J’appuie l’amendement
pour consacrer le principe fondamental de notre constitution, en matière de
discussion et afin qu’on ne conteste pas aux membres du conseil le droit de
division et d’amendement.
Je veux qu’on établisse
pour le conseil provincial la faculté d’avoir un vote séparé sur chaque article
; je ne veux pas lui en faire une obligation, parce que ses opérations
pourraient en être entravées.
M. d’Huart. - Faites bien attention que du moment que par
suite de l’amendement M. de Muelenaere, vous laissez au Roi la faculté
d’approuver ou de rejeter le règlement du conseil, il faut s’empresser
d’assurer au conseil tous les droits qu’il doit avoir. Je ne sais si l’amendement
de M. de Muelenaere a été examiné bien attentivement. Quoi qu’il en soit,
j’appelle l’attention de la chambre sur l’article en discussion ; en votant la
proposition de M. de Theux, vous consacrerez les droits des conseils
provinciaux. Je voterai en faveur de cette proposition.
M. de Theux, rapporteur. - Ce que
vient de dire l’honorable préopinant me dispenserait de répondre à M. Jullien. J’avais compris la
nécessité de remplacer la disposition de l’article 49 par celle-ci : le droit
de diviser et d’amender toutes les propositions, précisément pour assurer au
conseil et à chacun de ses membres l’exercice de ces droits ; mais je pense que
ce droit de diviser et d’amender les propositions garantit tous les droits et
qu’il est inutile d’imposer aux conseils des obligations qui les gêneraient
sans présenter de garanties.
M. de Muelenaere. - Je serais bien aise
d’entendre les réflexions de M. d’Huart sur mon amendement ; mais je pense qu’après
avoir réfléchi sur cet amendement, il le trouvera utile et sans inconvénient.
L’honorable M. de Theux
propose d’autoriser le conseil provincial à diviser et à amender tous les
articles ; j’appuie cette proposition parce que je veux réserver au conseil
provincial la faculté de voter article par article, sans lui en imposer
l’obligation. Souvent en votant article par article, le conseil ne jouerait
qu’une ridicule comédie, puisque tous les membres seraient d’accord sur l’objet
en délibération.
Je ne demande pas la
suppression de l’article 51, mais qu’il soit remplacé par l’amendement de M. de Theux.
M.
le président. - L’amendement de M. de Theux est ainsi conçu :
« Le conseil a le
droit de diviser et d’amender chaque proposition. »
- Cet amendement mis aux
voix est adopté.
M.
le président. - Cet amendement remplacera l’article 51 de la section
centrale. L’article 49 du projet du gouvernement est supprimé
Article 50 (du projet du projet
du gouvernement)
M.
le président. - « Art. 50 (du projet dis gouvernement). Toute
résolution est prise à la majorité absolue des suffrages »
» En cas de partage des
voix, la proposition est rejetée. »
- Cet article est adopté
sans discussion.
Articles
51 à 53 (du projet du gouvernement)
M.
le président. - La section centrale propose la suppression des articles
51, 52 et 53 du projet du gouvernement.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - La loi que nous discutons est
réglementaire et il faut qu’elle renferme toutes les dispositions
réglementaires principales, afin d’établir une sorte d’uniformité dans les
diverses provinces Les articles 51, 52 et 53, ne peuvent donner lieu à une
longue discussion dans cette enceinte et ils en éviteront peut-être de très
longues dans les conseils des provinces. Leurs premières séances seront toutes
entières occupées à la rédaction des règlements, et il sera bon de poser des
bases.
M. de Theux. - Si les articles 51,
52, 53 ne font pas de bien ils ne peuvent pas faire de mal.
« Art. 51. La
séance est ouverte et close par le président ; elle commence toujours par la
lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est approuvé s’il y a lieu,
et transcrit conformément à l’article 121 de la présente loi. »
M. Jullien. - Je ne me suis pas levé contre
l’amendement de M. de Muelenaere car je me propose d’y revenir et surtout d’y
réfléchir ; mais comme il se pourrait que cet amendement fût adopté dans la
seconde discussion, j’entre dans les vues du ministre de l’intérieur : il faut
poser ici les principes fondamentaux en
matière règlementaire ; car quelle que soit l’approbation ou la
désapprobation du Roi aux règlements des conseils provinciaux, ces règlements
auront du moins des dispositions importantes consacrées par les articles 51,
52, 53 nous pouvons les adopter.
M. de Muelenaere. - J’ai déjà eu l’honneur
de vous dire que les motifs qui m’ont déterminé à proposer mon amendement,
c’est pour qu’il y ait uniformité entre les règlements des diverses provinces
et pour que les conseils. ne puissent éluder les disposition de la loi.
J’admettrai toutes les
dispositions réglementaires qui se trouveront dans la loi, et qui ne
présenteront aucun inconvénient grave. Les articles 51, 52, 53 me paraissent
tout à fait dans ce cas.
Je les admets afin que
dans les conseils provinciaux il n’y ait aucune discussion sur les objets
qu’ils règlent. S’il était possible de mettre un règlement tout entier dans la
loi, je l’y mettrais ; mais je sais que cela est impossible, et c’est parce que
je le sais, que je veux soumettre les règlements à l’approbation du Roi
quoiqu’ils soient puisés dans la loi.
- L’article 51 est
adopté.
« Art. 52. Il est
permis à chaque membre de faire insérer au procès-verbal que son vote est
contraire à la résolution adoptée, sans pouvoir exiger qu’il soit fait mention
des motifs de son vote. »
- Cet article est adopté
sans discussion.
«
Art. 53. Exceptée dans les cas d’urgence reconnus par les deux tiers des
membres présents, l’ordre du jour est indiqué par le président au plus tard la
veille de la discussion, après avoir consulté l’assemblée. Il est affiché dans
la salle.
« Toute proposition qui
n’est pas à l’ordre du jour devra être remise par écrit au président et appuyée
par dix autres membres.
« L’assemblée
indiquera le jour où elle sera développée.
« La proposition ne
pourra être discutée si elle n’est appuyée par dix membres au moins. »
M. de Theux, rapporteur. - Messieurs,
si les deux articles précédents et que nous venons de voter n’étaient pas
susceptibles de contestation. il me semble qu’il n’en est pas ainsi de
l’article 53. Je ne vois, il est vrai, aucun inconvénient à adopter le premier
paragraphe. Les dispositions qu’il renferme ont pour but d’éviter toute
surprise ; mais les autres paragraphes pourraient plus ou moins embarrasser les
opérations du conseil. Je crois qu’il serait préférable de laisser aux conseils
le soin de faire des dispositions sur les mêmes objets, plutôt que de les
enchaîner d’avance.
Je demande la division
de l’article ; je voterai pour le premier paragraphe et contre les trois
autres.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je
crois que le maintien des trois derniers paragraphes est nécessaire. Ils ont
pour but de tenir l’assemblée provinciale en garde contre les propositions
qu’on pourrait lancer au milieu d’elle, c’est une espèce de frein que l’on met
à l’abus de cette faculté de faire des propositions. A cet égard les
paragraphes ont un but d’utilité, que les articles précédents ne présentaient
pas au même degré.
M.
Dellafaille. -
J’admets l’opinion de M. de Theux sur les trois derniers paragraphes, et me
réfère à ce qu’il en a dit. Le dernier est surtout inadmissible : on exige que
dix membres appuient une proposition ; mais dix membres seront souvent le tiers
de l’assemblée, et quelquefois la moitié des membres présents du conseil.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je propose 5 membres.
M. Verdussen. - Nous ne savons pas encore
combien de membres il y aura dans les divers conseils, comment pourrons-nous
fixer le nombres des suffrages que préalablement une proposition devra avoir
pour être soumise à la discussion. Nous ne savons pas, par exemple, combien il
y aura de conseillers à Namur ; s’il n’y en a que 27, il pourra ne s’en trouver
que 20 à l’assemblée : 5 suffrages seraient le quart. Je crois qu’il faut
retrancher le dernier paragraphe.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Dans
cette chambre toute proposition appuyée par 5 membres est mise aux voix, et
l’on peut admettre la même règle pour les conseils. J’insiste pour l’adoption
du troisième paragraphe ; il est utile. Quatre ou cinq membres pourraient
s’entendre pour faire des propositions politiques d’une très haute portée, il
faut que l’assemblée puisse avoir quelque temps pour y réfléchir. Je vois un
tel degré d’utilité dans les trois paragraphes, qu’en supposant même que toute
disposition règlementaire dût être bannie de la loi, il faudrait y insérer
celle que nous discutons.
M. de Muelenaere. - Il faut empêcher que le
conseil ne soit entraîné dans des discussions oiseuses et tout à fait inutiles
; c’est pour cela que je désirerais qu’une proposition ne pût être discutée
sans avoir été appuyée par un certain nombre de membres. Il arrivera de là
qu’avant de présenter une proposition, on la soumettra à plusieurs membres du
conseil, et que l’on aura des adhésions avant de la lancer dans le conseil.
Cependant demander dix suffrages serait peut-être trop exiger pour des
assemblées composées seulement de 27 membres, quoiqu’il n’y aurait rien
d’exagéré pour les assemblées composées de 72 membres.
Je voudrais que le
dernier paragraphe fût ainsi conçu : « La proposition ne pourra être
discutée si elle n’a été appuyée par le cinquième ou le sixième des membres
présents. »
-
Les trois premiers paragraphes mis aux voix sont adoptés.
M.
le président. - M. de Muelenaere dans son amendement déposé sur le
bureau rédige ainsi le paragraphe 4 :
« La proposition ne
pourra être discutée si elle n’est appuyée par le sixième des membres
présents. »
M. Verdussen. - Cet amendement présente le
grand inconvénient de faire changer à chaque instant le nombre des membres
nécessaires pour appuyer une proposition. Les membres du conseil qui entrent et
qui sortent donneront d’un moment à un autre des sixièmes différents.
Plusieurs voix. - Cinq membres ! Cinq membres !
M. de Theux. - On demande cinq
membres ; mais il faut savoir si les deux membres qui ont signé la proposition,
ainsi que l’auteur de la proposition lui-même peuvent compter au nombre des
cinq membres.
M. de Muelenaere. - Cela me semble
incontestable.
M. de Theux. - Je pense qu’il y a
réellement danger à adopter le dernier paragraphe ; dans ce moment ou n’en
saisit pas toute la portée. Dans cette chambre les choses se passent tout
différemment : Une proposition est déposée sur le bureau ; puis renvoyée dans
les sections qui en autorisent la lecture ; lecture faite on ne peut la
discuter avant qu’elle soit prise en considération. Ici que voulons-nous faire
? Nous voulons déclarer qu’il suffira de l’appui de cinq membres pour qu’une
proposition soit discutée.
Je crois qu’il vaudrait
mieux abandonner cet objet à la sagesse des conseils provinciaux ; ils sauront
mieux que nous ce qu’il faudra qu’ils fassent dans des cas semblables, que
leurs règlements ne manqueront pas de prévoir.
M.
le président. - M. de Muelenaere demande l’appui du sixième des membres
présents.
- Cette proposition mise
aux voix n’est pas adoptée.
M.
le président. - M. le ministre de l’intérieur demande l’appui de cinq
membres au moins.
- Cet amendement mis aux
voix est adopté.
L’article ainsi amendé
dans son dernier paragraphe est mis aux voix et adopté.
Articles 53 (du
projet de la section centrale) et article 54 (du projet du gouvernement)
M.
le président. - Voici l’art. 54 du projet du gouvernement et 53 du
projet de la section centrale :
« Le président a
seul la police de l’assemblée, il peut, après en avoir donné l’avertissement
faire expulser à l’instant du lieu de l’auditoire tout individu qui troublerait
l’ordre. Il peut même le faire détenir pendant 24 heures, sans préjudice des
poursuites à a exercer devant les tribunaux s’il y a lieu. »
M.
Jullien. - Messieurs, dans cet article il s’agit de la liberté
individuelle ; il s’agit d’une arrestation qui serait ordonnée par le président
de l’assemblée contre tout individu qui troublerait l’ordre. Je trouve que
cette disposition finale n’est pas assez claire. Le président peut même faire
détenir pendant 24 heures : mais comment le président fera-t-il arrêter cet
individu, où le fera-t-il détenir ? Voilà ce que la loi doit dire avec soin
lorsqu’il s’agit de l’incarcération d’un individu.
Il y a dans le code de
procédure, art. 89, une disposition qui est pour un cas tout à fait identique.
C’est le cas où un individu trouble l’ordre dans l’audience d’un tribunal. Le
président, par le moyen des huissiers, a le droit de faire expulser l’individu
qui trouble l’ordre, a le droit de le faire conduire dans la maison d’arrêt.
C’est cette disposition de l’art. 89 du code de procédure que je voudrais
introduire dans l’art. 54.
On ne peut pas non plus
ne pas dire où le citoyen arrêté sera déposé, et il faut que celui qui sera
chargé de recevoir le prisonnier ait une garantie. Il faut aussi que la société
ait la garantie que l’individu arrêté l’a été pendant l’audience ou pendant la
séance du conseil ; c’est ce que mentionnera le procès-verbal. Toutes ces
précautions sont bonnes à prendre dans l’intérêt de la liberté individuelle.
M.
le président. - D’après l’amendement de M. Jullien, l’art. 53 du projet
du gouvernement serait ainsi conçus :
« Le président a
seul la police de l’assemblée ; il peut, après en avoir donné l’avertissement,
faire expulser à l’instant du lieu de l’auditoire, l’individu qui y porte du
trouble. Il peut même le faire détenir dans la maison d’arrêt pendant 24
heures, il y sera reçu sur l’exhibition de l’ordre du président, ordre qui sera
mentionné au procès-verbal de la séance, et sans préjudice des poursuites à
exercer devant les tribunaux s’il y a lieu.
- L’amendement de M.
Jullien mis aux voix est adopté.
L’article ainsi amendé
est adopté.
Articles 55 et 56 (du projet
du gouvernement)
Les articles 55 et 56 du
projet du gouvernement sont adoptés en ces termes :
« Art. 55. Les
membres du conseil ne pourront prendre la parole sans l’avoir demandée et
obtenue du président.
« Le président
rappelle à la question l’orateur qui s’en écarte.
« Toute
personnalité, toute injure, toute imputation de mauvaise intention est réputée
violation de l’ordre.
« St un orateur
trouble l’ordre, il est rappelé nominativement par le président, après avoir
été entendu dans ses explications. Il n’en est fait mention au procès-verbal
que si le conseil l’ordonne expressément. »
« Art. 56. Les
élections ou présentations de candidats se font conformément au dispositions
des articles 19, 20, 21, 24, 25, 27, 28 et 30 de la présente loi.
« Le président est
assisté des quatre plus jeunes conseillers faisant les fonctions de
scrutateurs. »
Articles 57 (du
projet du gouvernement)
M.
le président. - La chambre passe à la discussion de l’art. 57, ainsi
conçu :
« Art. 57. Les
conseillers provinciaux ne reçoivent ni traitement ni indemnité. »
M. de Muelenaere. - Messieurs, cette
disposition me paraît contraire au but que nous devons nous proposer, qui est
de faire prendre part aux délibérations sur les intérêts de la province, à
toutes les industries, à toutes les fortunes. Il ne faut pas exclure des
conseils provinciaux ceux qui, à raison de leur peu de fortune ou de leur
industrie, ne pourraient, à défaut d’indemnité, se rendre au chef-lieu de la
province et y séjourner pendant la durée de la session du conseil. C’est dans
ce but que je propose l’article suivant en forme d’amendement :
« Il
sera porté au budget provincial à titre d’indemnité pour les membres du conseil
qui sont domiciliés à plus d’un myriamètre du lieu de la réunion, une somme
globale qui ne pourra excéder 100 fr. pour chaque membre ayant droit à
l’indemnité.
« Le règlement
fixera la répartition de cette somme en ayant égard aux distances parcourues
par les membres et à leur présence aux séances du conseil. »
M.
Ernst. - Je pense comme l’honorable préopinant, que ceux qui se
consacrent aux intérêts du pays, ne doivent pas le faire gratuitement ; mais
j’aurai l’honneur de proposer à l’assemblée lorsqu’elle aura voté sur le
principe, de renvoyer l’article à la section centrale.
M.
Ernst. - Je crois qu’il y a de grands inconvénients à improviser ainsi
des articles. Si l’idée m’en était venue plus tôt j’aurais également proposé le
renvoi à la section centrale de l’amendement qui tend à soumettre les
règlements à l’approbation du roi. Au lieu que cet amendement eût été
improvisé, il eût mieux valu qu’il fût soumis à l’examen de la section
centrale.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que la question n’est
pas très importante. Cependant il faut remarquer que les membres du conseil
provincial ne peuvent pas être assimilés aux membres de la chambre des
représentants. Ils sont bien dans la même catégorie d’éligibilité ; car à cet
égard les conditions sont les mêmes. Mais le déplacement et le séjour sont bien
plus onéreux pour les représentants. Si la session des chambres ne devait durer
que 15 jours ou trois semaines, personne n’aurait songé à allouer des
indemnités aux membres de la chambre des représentants. Et bien qu’on sût que
les sessions devaient être fort longues le principe de l’indemnité fut
fortement combattu dans le congrès. Si donc on veut avoir égard d’une part à la
brièveté des sessions, de l’autre à la position sociale des conseillers
provinciaux, l’on reconnaîtra qu’il est inutile de voter une indemnité.
Je
rappellerai qu’en France lorsqu’on a voté la loi départementale, il n’a été
question ni d’indemnité ni de traitement pour les conseillers généraux de
département.
De même pour le jury,
vous avez toujours refusé des indemnités ; vous n’avez dû en accorder que par
suite d’un amendement introduit dans la loi et qui a donné une grande extension
à la liste des jurés, et il est vraisemblable qu’on cesserait d’en allouer
aucune si on revenait à une proportion moins étendue que celle où on peut
maintenant choisir les jurés.
M.
d’Hoffschmidt.
- J’appuie l’amendement de M. de
Muelenaere. Je pense que si on n’alloue pas d’indemnité, les sessions
seront beaucoup trop courtes, les membres des conseils provinciaux seront
bientôt fatigués et retourneront à leurs affaires personnelles, et par suite
les intérêts des provinces seront négligés. Nous savons d’ailleurs ce que c’est
que les fonctions gratuites ; elles sont généralement mal remplies ; ceux qui
en sont revêtus les considèrent comme purement honorifiques, ne s’en occupent
nullement. Puis ce sera une espèce d’aristocratie ; il n’y aura que les
personnes jouissant d’une certaine aisance qui pourront faire partie des
conseils provinciaux, ils seront fermés à ceux qui auront peu de fortune,
eussent-ils des talents et la confiance générale. Je pense donc que le refus de
cette indemnité serait une mauvaise économie ; et cependant il ne peut y avoir
qu’un but d’économie pour déterminer le gouvernement à s’y opposer.
M. de Theux, rapporteur. - Le
gouvernement a fait lui-même la proposition de n’accorder aucune indemnité. La
section centrale a adopté cette opinion : de sorte que je ne sais trop si c’est
au ministre ou au rapporteur de la section centrale à développer les motifs qui
ont dicté cet article. Evidemment, le but principal que l’on a eu en vue a été
de ne pas grever les budgets provinciaux d’une dépense nouvelle. L’on a supposé
que les membres du conseil se trouveraient indemnisés par l’honneur d’être
choisis par leurs concitoyens pour représenter la province. Les partisans de
cette opinion ont d’une autre part considéré qu’il était peut-être important
d’éloigner du conseil les personnes placées dans une situation peu aisée de
fortune. On a fait valoir d’un autre côté des raison d’équité. On a dit qu’il
fallait faciliter l’acceptation des mandats des électeurs pour répondre aux
vues larges de notre constitution, que ce serait
éloigner de la députation des pères de famille, jouissant de peu de fortune, et
d’ailleurs excellents citoyens, que c’était un encouragement donné aux
conseillers pour rester à leur poste et ne pas trop précipiter la clôture de la
session. Telles sont les considérations alléguées pour et contre l’indemnité.
Entre ces deux opinions, la section centrale flottante, le système du
gouvernement a été adopté par une majorité de 4 voix contre 3. Venant à
l’opinion personnelle du rapporteur, elle ne s’éloigne pas de celle de M. de
Muelenaere, d’abord parce que l’indemnité que cet honorable membre propose est
très minime ; en second lieu, parce qu’elle ne servira qu’à payer les frais de
voyage et de séjour et ne sera pas accordée globalement, comme cela avait lieu
sous l’ancien gouvernement. A cette époque, on a vu des membres des états
provinciaux venir faire acte de présence pour avoir droit a une indemnité de 70
francs, et repartir immédiatement. Ce sont ces abus scandaleux que la section
centrale a voulu éviter ; que les membres de cette assemblée qui ont une
opinion formée à l’égard de la proposition en discussion veuillent bien la
déduire, afin que le travail de la section centrale soit rendu plus facile.
M. A. Rodenbach. - J’appuierai le principe de
l’indemnité. Il faudrait que l’on accordât des jetons de présence aux
conseillers. Je connais des personnes très parcimonieuses, dont la présence
serait utile au conseil provincial ; et qui, si leur mandat entraînait une
dépense de cent francs, se garderaient de l’accepter. On éviterait cet
inconvénient en accordant des jetons de présence.
M. Angillis. - Je dirai d’avance que j’appuierai
la proposition de M. Muelenaere. L’indemnité proposée par l’honorable membre me
paraît juste, équitable. On a cité, messieurs, pour repousser l’indemnité, ce
qui s’était passé au congrès national. Mais ce congrès était dominé par l’idée
de créer un gouvernement à bon marché. En Belgique, sous ce gouvernement a bon
marché, tout le monde est payé. (Hilarité.)
Le sénat seul, les pères de la patrie, ne le sont pas : si vous voulez que les
membres du conseil provincial remplissent leurs fonctions, il faut que vous
leur accordiez une indemnité quelconque. (Aux
voix ! aux voix !)
- Le principe d’une indemnité
à accorder aux conseillers provinciaux, est mis aux voix et adopté.
M. d’Huart. - Je ne pense pas que le renvoi à la section
centrale soit nécessaire. Une seconde lecture de l’amendement, qui est fort
clair, suffira pour asseoir l’opinion de l’assemblée. Vous verrez que la somme
de cent francs sera le maximum de l’indemnité accordée à chacun des
conseillers, que cette indemnité sera réglée en raison de la distance parcourue
et des jours de présence au conseil. N’auront pas droit à cette indemnité les
conseillers demeurant à moins d’un myriamètre de distance du chef-lieu de la
province. Je propose que l’on discute séance tenante l’amendement de M. de Muelenaere. (Appuyé !)
M. le
président donne de
nouveau lecture de l’amendement de M.
de Muelenaere.
M. H. Dellafaille - La section centrale
ayant rejeté le principe, n’a pu s’occuper de cette discussion. Il y a beaucoup
d’arguments à présenter contre une indemnité fixe.
Une voix. - Elle n’est pas fixe.
M. H. Dellafaille - Les conseillers
pourraient faire acte de présence pour venir mettre leur indemnité en poche. Je
demande le renvoi à la section centrale.
M. d’Huart. - L’honorable préopinant se trompe.
L’indemnité n’est pas fixe. Le total ne pourra jamais dépasser 6,000 fr. pour
un nombre de 60 conseillers, le maximum de chaque indemnité étant de 100 fr. Le
principe a été admis, pourquoi en retarder l’application ?
M. de Muelenaere. - J’ai ajouté à mon
amendement somme globale sur les
observations de quelques orateurs. Je voudrais que chaque année les sommes
nécessaires pour payer les indemnités fussent portées au budget provincial. La
répartition en serait faite par une disposition du règlement, de manière que
cette somme globale fût repartie en droits d’indemnité de voyage et droits de
présence aux séances.
M.
Verdussen. - Je ferai quelques observations en faveur du renvoi de
l’amendement à la section centrale. On se trompe si l’on croit que l’indemnité
à chaque membre ne pourra dépasser 100 francs.
Plusieurs voix. - C’est le maximum fixé par
l’amendement.
M.
Verdussen. - La somme globale certainement ne pourra dépasser 4,000
s’il y a 40 membres, mais il est très possible que dans la répartition des
indemnités, un membre du conseil provincial y participe pour une somme qui
dépasse 100 francs. L’amendement n’est donc pas aussi simple qu’on l’a dit.
J’appuierai en conséquence la proposition faite par M. Ernst.
M. Jullien. - Je ne vois pas pourquoi on mettrait
de la précipitation dans la rédaction et dans l’adoption de cet amendement.
Vous avez à déterminer le montant de l’indemnité, la distance à parcourir qui y
donnera droit. Ce sont là des dispositions qui ne peuvent être improvisées.
J’insiste pour que le renvoi à la section ait lieu. Elle nous présentera, je
n’en doute pas, une rédaction satisfaisante.
M.
d’Huart. - Je
renonce à ma proposition.
- Le renvoi à la section
centrale de l’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.
Article 58 (du projet de la
section centrale)
L’art. 58, auquel M. le
ministre déclare se rallier, est adopté ; il est ainsi conçu :
« Les membres du
conseil votent sans en référer à ceux qui les ont nommés ; ils représentent la
province, et non uniquement le canton qui les a nommés. »
Article 58 (du projet de la
section centrale)
- L’article 59 est
adopté ; il est ainsi conçu : « Aucun membre du conseil ne peut prendre part à
une délibération à laquelle lui, ou un de ses parents ou alliés jusqu’au
quatrième degré inclusivement, ont un intérêt personnel direct. »
- La séance est levée à
4 heures et demie.