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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 24 mars 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative aux mouvements de l’armée hollandaise aux frontières et/ou à Maestricht (Dumortier, A. Rodenbach, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Rogier, Frison, de Renesse, Evain, Dumortier, F. de Mérode), (incident Hanno (Jullien, F. de Mérode)), Gendebien, d’Huart, de Robaulx, Pollénus, Dumortier, Devaux, Jullien, Evain, (+orangisme) de Brouckere, F. de Mérode, A. Rodenbach, d’Huart, de Brouckere, de Muelenaere, Gendebien, Rogier, Dumortier, Jullien, d’Huart, Evain)
3) Projet de loi relatif au chemin
de fer. (A : utilité du chemin de fer (notamment pour le commerce de transit
avec l’Allemagne) ; B : tracé du chemin de fer ; B+ (idem (au détriment de la
province du Hainaut et/ou de ses mines de charbon) ; C : mode d’exécution du
projet (initiative privée ou publique) ; D : coût et rentabilité ; E :
liaison avec le chemin de fer prussien) (B ((+D) Quirini,
(+B+) (Brixhe, de Puydt), (+canal
de Charleroy) Frison, de Theux,
Quirini, (+B+) (Brixhe, de Puydt, Frison), (+vallée de
(Moniteur belge n°84, du 25 mars 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait
l’appel nominal à midi trois quarts.
M.
Dellafaille lit le
procès-verbal ; le rédaction en est adoptée.
M. de
Renesse fait connaître
l’objet des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
géomètres du cadastre adressent des observations à cette institution et demande
que la chambre ordonne qu’il soit statué sur leur sort. »
- Renvoyé a la
commission chargée de vérifier la situation des opérations cadastrales.
________________
« Les notaires de
Tournay réclament contre le projet d’innovation à la loi du 25 ventôse an XI
dans le projet de circonscription des justices de paix.»
- Renvoyé à la
commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des
justices de paix.
________________
« Trois
propriétaires de bateaux de Venloo renouvellent leur demande d’une indemnité
pour la retenue de leurs bateaux par l’autorité militaire devant cette ville,
au mois de novembre 1830, dans l’intérêt de la défense de la place. »
« Le sieur Kaust
demande la prorogation du terme de renouvellement des titres de rentes. »
________________
- Ces dernières
pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. -
La chambre a, conformément à la décision qu’elle a prise hier, à entendre les
interpellations de M. Frison à M. le ministre de la guerre. M. le ministre de
la guerre n’étant pas encore présent à la séance, je propose à l’assemblée, en
attendant son arrivée, de reprendre la discussion sur les articles du projet de
loi relatif à la route en fer.
Un grand nombre de membres. - Non ! non !
M. le président. -
Dès lors, la séance est suspendue jusqu’à l’arrivée de M. le ministre de la
guerre.
- La séance est
suspendue. A une heure, M. le ministre de la guerre entre dans la salle.
M. le président. -
La séance est reprise.
M. Dumortier. - Messieurs, vous connaissez tons le but de la motion d’ordre de notre honorable collègue M. Frison. Je crois que dans un pareil état de choses, il est indispensable que tous les membres du cabinet soient présents à la séance. MM. les ministres de la justice et des affaires étrangères sont absents ; ils doivent se rendre dans l’assemblée. La chambre doit requérir la présence du cabinet tout entier.
Un grand nombre de voix. - Appuyé !
M. A. Rodenbach. -
J’appuie la motion d’ordre de notre honorable collègue M. Dumortier ; j’y
ajouterai une autre motion d’ordre, celle d’avoir un comité secret.
Plusieurs membres. - Non !
M.
de Robaulx. - C’est ridicule ; attendez au moins des ministres.
M. le président. -
Aux termes du règlement et de la constitution, la demande de comité secret doit
être appuyée par dix membres ; alors il est de plein droit.
M.
Desmanet de Biesme.
- Un comité secret répandrait des alarmes dans le public ; il ne doit avoir
lieu que si M. le ministre de la guerre annonce que les communications qu’il a
à faire sont de nature à ne pouvoir être données en public.
M.
de Robaulx. - C’est de la raison cela !
M. A. Rodenbach. -
Je retire ma motion d’ordre, me réservant de la renouveler à l’arrivée de M. le
ministre de la guerre.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier) - Je ne vois pas la nécessité de la présence de MM. les ministres
de la justice et des affaires étrangères ; mais je les quitte, et je sais
qu’ils vont se rendre à la séance.
La proposition de
requérir la présence de tous les ministres est mise aux voix et adoptée.
- La séance est de
nouveau suspendue pendant quelques instants.
M. les
ministres des affaires étrangères (M. F. de Mérode) et M. le ministre de la justice (M. Lebeau)
arrivent successivement dans la salle.
M. le président. -
Messieurs, les ministres étant tous présents, je vais accorder la parole au
membre qui a demandé à adresser une interpellation à M. le ministre de la
guerre. La parole est à M. Frison.
M. Frison. -
Messieurs, aujourd’hui que le vote émis hier par la chambre a calmé la fièvre
des chemins de fer qui tourmentait le ministère, il me sera permis d’attirer
vos regards, ceux du gouvernement, sur notre politique extérieure ; les
événements graves qui se pressent autour de nous méritent une sérieuse
attention.
Je n’ai pas de
connaissances stratégiques : j’avoue ma profonde ignorance en cette matière,
mais je ne suis pas moins dévoué aux intérêts, à l’honneur de mon pays.
Depuis quelques jours
une vague inquiétude s’est répandue dans le public : partout on ne s’entretient
que des rassemblements des Hollandais sur les frontières, Ces préparatifs
belliqueux de nos ennemis, après le retour immédiat du prince d’Orange de
Saint-Pétersbourg, où sans doute il n’aura pas été puiser des sentiments de
bienveillance et d’affection pour nous, et qui m’importent bien peu de sa part,
doivent nous ouvrir les yeux.
Que le ministère ne
s’endorme pas dans la fausse sécurité que lui inspire le traite du 21 mai !
Personne n’ignore de quelle valeur sont les traités entre nations, qui ne les
observent qu’autant qu’ils leur sont favorables, et que la force détruit
toujours. Ne comptons point sur les protestations amicales de nos protecteurs.
Bienveillance,
reconnaissance, liens de famille entre souverains, tout cela n’est d’aucun
poids à mes yeux. Il faudrait étrangement méconnaître les enseignements de
l’histoire, pour se laisser abuser par ces vains mots : vains, non point pour
nous citoyens, mais pour les monarques.
Dans une guerre
acharnée, personne n’a oublié la générosité de l’empereur d’Autriche, qui a
aidé ses alliés à renverser l’empereur Napoléon, son gendre, et a contribué à
l’exiler d’abord à l’île d’Elbe, plus tard à Ste-Hélène, où ce grand homme a
trouvé son tombeau. Murat, le roi de Naples, entraîné, par les caresses de
l’Autriche à faire cause commune avec les alliés contre son bienfaiteur, son
beau-frère, a été sacrifié par elle ; vous connaissez tous la déplorable fin de
cet illustre guerrier que la mort avait respectée sur tant de champs de bataille.
Ces deux exemples sont près de nous ; combien d’autres ne pourrait-on pas
encore invoquer ? C’est à vous, messieurs, qu’il appartient de déduire les
conséquences que l’on peut en tirer.
Nous pouvons compter sur
la sympathie du peuple français, pour moi, cela n’est pas douteux ! Mats en
est-il de même du gouvernement du juste milieu ? Les cajoleries de l’autocrate
pour le roi Louis-Philippe ne cachent-elles pas de sinistres projets ? Les
puissances du Nord ne feraient-elles grâce à la révolution française qu’au prix
du sacrifice de la nôtre ?
Messieurs, la bonne foi
hollandaise vous est connue : vous n’avez point oublié les désastres de
Louvain. Notre brave armée qui ne se contente pas de la bonne opinion que nous
avons conçue d’elle, mais qui est impatiente de la justifier, brûle d’effacer
des revers qui ne peuvent la flétrir, qui retombent tout entiers sur les hommes
qui avaient alors le timon des affaires. Une seconde défaite nous laisserait
sans excuse. Ainsi que vous l’a dit dernièrement M le ministre de la justice,
que le Roi de notre choix ne soit plus exposé à se trouver seul en face de
l’ennemi ; les Belges sauront le défendre, car, pour moi, j’ai foi dans le
dévouement, dans le courage de nos soldais. Mais il faut que le gouvernement se
tienne en garde.
Messieurs, je vous dois
une déclaration : l’opposition, dont on dénature souvent les intentions, ne
veut pas la guerre ; elle connaît trop le prix de la paix. Mais en présence des
démonstrations hostiles de nos ennemis, convient-il que nos frontières restent
découvertes ? Voici les interpellations que j’adresserai à M. le ministre de la
guerre.
Le gouvernement ne peut
ignorer que les bruits sur les mouvements hollandais à la frontière ont répandu
quelque inquiétude dans le pays ; j’invite M. le ministre de la guerre à donner
des explications qui soient de nature à le tranquilliser.
Je
rends justice à la franchise de M. le ministre de la guerre ; c’est pour ce
motif que je m’adresse à lui, et je suis persuadé que, dans les circonstances
où nous nous trouvons, à la franchise il saura allier la prévoyance et
l’énergie.
Les réponses de M. le
ministre mettront la chambre à même de juger si le gouvernement a fait son
devoir ; quant à moi, j’ai fait le mien, et je ne veux pas que le reproche
d’indifférence puisse retomber sur moi.
M. de Renesse. - Je demanderai à faire également une interpellation à M. le ministre de la guerre ; il pourra y répondre en même temps qu’à celle de l’honorable M. Frison.
M. le président. - La parole est à M. de Renesse.
M. de Renesse. - Je
demande à M le ministre de la guerre s’il a pris des mesures afin de faire
cesser les excursions que font les Hollandais de la garnison de Maestricht sur
le territoire belge, situé dans le district de Maestricht. Non contents de
parcourir la route qui leur a été tracée par le traité de
Zonhoven, ils s’en écartent entièrement, visitent presque journellement
plusieurs communes distantes à plus d’une lieue de la forteresse, et semblent
vouloir se créer un rayon stratégique. Par ces sorties continuelles, ils
inquiètent les habitants des campagnes, empêchent les douaniers belges de faire
leur devoir et protègent la fraude faite par quelques contrebandiers, qui introduisent
des marchandises à Maestricht sans en payer les droits aux douanes belges. Par
ces faits, que j’ai l’honneur de signaler à la chambre, il me semble que les
Hollandais contreviennent aux traités du 21 mai et de Zonhoven, et qu’il est de
la dignité de la nation de repousser avec force toute violation faite à son
territoire. J’ose en conséquence, engager M. le ministre de la guerre à prendre
au plus tôt des mesures énergiques, afin que l’honneur national ne reçoive plus
aucune atteinte.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain) - Messieurs, les rapports les plus récents que j’ai reçus
sur la situation de l’armée hollandaise, cantonnée dans le Brabant
septentrional, me donnent l’assurance que les troupes y occupent les mêmes cantonnements
que ceux qu’elles avaient pris l’année dernière, à la levée des camps de Ryen
et d’Oirschot.
Nul rapport ne m’a,
jusqu’à présent, signalé de mouvement de troupes. Seulement la rentrée des
permissionnaires, depuis le 15 février jusqu’au 1er mars, ayant augmenté
l’effectif de l’armée, les cantonnements, et surtout ceux de l’extrême
frontière, ont reçu un surcroît de troupes.
Quant à la force de
l’armée hollandaise, elle se trouve augmentée du nombre des permissionnaires
qui ont rejoint leurs corps depuis le 15 février jusqu’au 1er mars, époque à
laquelle la délivrance de nouvelles permissions a été très restreinte.
Telle est, messieurs, la
substance des rapports les plus récents qui me sont parvenus, et qui me sont
adressés par des personnes qui sont en mesure d’avoir des renseignements
exacts.
Confiants, comme nous
devions l’être, dans l’exécution de la convention de Londres du 21 mai 1833, et
pour nous renfermer dans les limites fixées par le budget, nous avons diminué
le nombre de nos troupes, et nous les avons réparties dans les garnisons pour y
prendre leurs quartiers d’hiver.
Mais nous avons fait
conserver et entretenir les camps pour les occuper au printemps, et c’est
encore dans ces positions que nous réunirons nos troupes.
La chambre doit être
bien persuadée que le gouvernement veille à la sûreté du pays, et qu’aucune
précaution ne sera négligée de sa part pour remplir son premier devoir envers
la nation.
La chambre sentira que
les mesures dont le gouvernement va s’occuper ne sont pas de nature à être
divulguées à la tribune et qu’il lui suffit d’avoir l’assurance que toutes les
dispositions sont et seront prises pour parer à tout événement.
Quant
à l’interpellation de l’honorable M. de Renesse, je dois dire qu’effectivement
le général Dibbets se permet de faire faire par la garnison de Maestricht des
promenades militaires qui s’étendent à une lieue, cinq quarts de lieue de la
place. Le chef d’état-major-général de l’armée a écrit au général Dibbets, et lui
a fait observer que ces promenades militaires étaient en opposition avec le
statu-quo réglé par l’armistice. Le général Dibbets a dit, en réponse, qu’il
n’avait jamais reconnu de rayon stratégique autour de la forteresse, et que ces
promenades militaires avaient toujours eu lieu. Cependant le gouvernement
reconnaît que cet état de choses présente des inconvénients et songe, pour y
parer, à employer de meilleurs moyens. Mais cela mérite de sérieuses
réflexions. Sous peu de jours, nous aurons l’honneur de vous faire connaître
les mesures prises à cet égard.
M. Dumortier. -
Messieurs, j’approuve fortement M le ministre de la guerre de ne pas différer
les mesures que réclame l’intérêt du pays ; mais je dois nécessairement déverser
le blâme non sur M. le ministre de la guerre, mais sur le cabinet qui reste
ainsi impassible, lorsque les événements sont de nature à compromettre
l’existence de la patrie, et alors que depuis si longtemps nous signalons des
dangers immenses auxquels il est important de pourvoir.
Vous ne pouvez,
messieurs, méconnaître aujourd’hui la pensée du cabinet, de ce cabinet qui est
resté le même que celui de M. le régent, pensée d’imprudence, pensée
d’imprévoyance et de confiance illimitée dans la diplomatie.
Tandis que vous ne
devriez avoir confiance qu’en nous-mêmes, c’est dans l’étranger que vous l’avez
placée. Personne ne peut en douter depuis le jour où un ministre d’Etat est
venu déclarer que
Le ministère sans doute
est bien coupable ; pour moi je désire que nous n’ayons à imputer au ministère
qu’une simple culpabilité morale. Mais les événements qui se passent en ce
moment réclament toute notre attention ; nous devons puiser dans ces
événements, ainsi que dans le passé, une leçon pour l’avenir.
Quelle était donc la
pensée du cabinet, lorsque deux mois avant les événements du mois d’août il
congédiait une partie de l’armée, n’organisait rien malgré la volonté du
congrès ?
Le ministère actuel
n’est pas moins mauvais que celui d’alors ; c’est un très mauvais ministère ;
mais lorsque l’ennemi est aux portes, ce n’est pas le moment de faire naître la
division dans l’assemblée.
En de telles
circonstances, quoique je considère le ministère comme le plus mauvais que nous
puissions avoir, je le déclare, il aura mon appui, pourvu qu’il soit disposé à
prendre des mesures énergiques.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier) - Nous n’avons pas besoin de votre appui.
M. Dumortier. -
Quoi qu’on en puisse dire, le ministère a besoin de l’appui des patriotes, il
doit le rechercher ; s’il ne s’en soucie pas, il est bien coupable. Vous n’avez
que trop cherché à semer la division dans le pays au lieu de chercher à rallier
toutes les opinions, comme c’était votre devoir. Mais aujourd’hui, lorsqu’il
s’agit de défendre le pays contre ses ennemis, l’union est nécessaire.
Pour moi, ce n’est pas
par affection pour le ministère que je viens me rallier à lui dans ce moment,
c’est uniquement par amour pour mon pays ; qu’il montre de l’énergie, de la
vigueur ; voilà tout ce que nous demandons aujourd’hui.
Je pense que, dans les
circonstances actuelles, la chambre doit être unanime. Point de division
maintenant ! mais lorsque le danger sera passé, nous reprendrons nos attaques
contre le ministère, et nous pourrons nous prévaloir des événements présents et
passés pour faire de lui bonne et entière justice.
En raison des
circonstances où nous nous trouvons, je crois devoir me taire maintenant ; mais
j’ai dû demander la parole pour dire que le ministre de la guerre n’est pas
coupable, mais que le coupable c’est le cabinet tout entier ; ce cabinet, qui
est présidé par le même homme qui le présidait lors des événements du mois
d’août, dont
M. le ministre de l’intérieur (M.
Rogier) - Qui donc préside le cabinet ?
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Il n’y a pas de président du conseil des ministres.
M.
Dumortier. - Je me sers des expressions employées par l’avocat
de M. Lebeau lorsqu’il a été mis en accusation ; c’est lui qui nous a appris
que vous présidiez le conseil.
Je n’irai pas plus loin
; je me réserve de faire ultérieurement des interpellations aux ministres. On
ne nous reprochera pas d’avoir refusé notre appui au ministère, nous qui,
lorsqu’il venait nous demander 2 millions et quelques cent mille francs,
voulions lui accorder 10 millions ; on les a repoussés, on doit le regretter
maintenant. Je me borde à signaler ces faits, je me réserve de parler lorsque
les circonstances seront changées.
M. les
ministres des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - M. Dumortier a prétendu que
j’avais déclaré que
M.
Jullien. - Puisqu’on en est sur de explications demandées à MM.
les ministres, je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères où en est
la demande en réparation de l’outrage fait au pays. (Murmures dans une partie de l’assemblée.)
Il me semble, messieurs,
que c’est une demande que je puis faire ; si la chambre ne l’approuve pas, elle
le décidera par son vote et la demande ne sera pas faite. Je prie donc M. le
ministre de vouloir bien nous dire où en est la réparation que l’on avait
promise pour l’outrage que le pays a reçu ?
M. les ministres des affaires étrangères (M.
F. de Mérode) -
Messieurs...
Plusieurs membres. - Ne répondez pas, ce n’est pas le
moment.
M. les ministres des affaires étrangères (M.
F. de Mérode) -
Si la chambre décide que je dois répondre, je répondrai.
M. Jullien. - Je
demande si M. le ministre refuse de répondre. On avait promis que la réparation
serait donnée incessamment. Je demande où elle en est ; cette affaire vaut
bien, ce me semble, la peine qu’on s’en occupe.
M. les
ministres des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Quand des renseignements seront
parvenus au ministère, il rendra compte à la chambre ; mais il n’y a rien de
résolu. Au reste je ne comprends ni l’urgence des explications demandées ni le
rapport qu’elles peuvent avoir avec l’objet en discussion.
M. Gendebien. - Je
me garderai bien de poser des questions au ministère ou d’insister pour obtenir
des réponses pertinentes et précises.
Je sais trop bien les
réponses qui me seraient données ; il ne vaut plus la peine de s’en occuper.
Depuis longtemps on nous trompe, on trompe le pays ; le pays est habitué à être
trompé. J’attendrai les événements que nous réserve l’avenir, et un avenir qui
n’est pas lointain.
Je ne dirai qu’un mot à
l’honorable M. F. de Mérode. Il ne veut pas donner les explications demandées
par l’honorable M. Jullien, explications que nous sommes en droit d’exiger et
qui me semblent très opportunes ; car il me semble que lorsqu’on nous parte des
sympathies de
Si la demande que nous
avons faite depuis deux mois est encore sans résultat, quelle confiance
pouvons-nous avoir dans le ministère, lorsqu’il nous parle de la sympathie de
(Erratum au Moniteur belge n°85, du 26 mars 1834 :) M.
de Robaulx. - C’est trop comique.
M.
Gendebien. - On répond à l’honorable M. Jullien comme on a
répondu à M. Frison, et comme on a toujours répondu : en éludant les questions.
Pour moi, je suis habitué à ces leurres, à ces déceptions. Le pays s’y est
habitué aussi, mais il n’y est pas résigné ; sa patience se lassera, le peuple
parlera alors et parlera très haut. Pour moi, ma voix est trop faible pour
dominer dans cette chambre : j’attendrai que le peuple parle.
M. d’Huart. - Je ne pense pas, messieurs, que
ce soit le moment de s’occuper de la réparation qui nous est due pour l’outrage
que nous avons reçu dans le Luxembourg. Une question plus grave, celle de
l’existence du pays, réclame notre attention. Nul doute que nous ne soyons
menacés d’une invasion, il ne faut pas se le dissimuler. C’est la pensée du
gouvernement lui-même. Si j’en crois un journal organe habituel du
gouvernement, il est persuadé comme nous que
« Les nouvelles qui
nous parviennent de la frontière du Brabant septentrional ne nous permettent
pas de douter que
Voilà, messieurs, quelle
est la pensée du gouvernement ; voulez-vous connaître une seconde pensée qui se
rattache à celle-là, c’est celle qu’a le ministère de déverser sur le ministre
de la guerre seul la responsabilité des événements. J’appelle sur ce point l’attention
de M. le ministre de la guerre ; car cela le concerne personnellement. Voici le
passage du journal.
« Dans
cette position, nous avons l’espoir que le ministre de la guerre ne s’endormira
pas, que le chef de l’état-major sera à son poste, et que des forces
suffisantes seront prêtes à agir au premier signal. Nous ne pouvons cependant
non empêcher de faire remarquer, à l’exemple du Courrier belge, que des sept divisions dont se compose notre armée
active, deux ou trois seulement ont conservé leur chef. A la première division,
M. le général Huret n’a pas été remplacé ; M. Duvivier a quitté le commandement
de la 2ème division, pour les fonctions d’inspecteur-général de la cavalerie ;
M. le général Magnan vient de partir de Gand pour Paris ; M. le général Buzen
n’a pas encore repris son commandement à Anvers. Espérons qu’au moment où nous
écrivons, toutes les mesures sont prises pour le rappel de ces officiers. Que
M. le ministre de la guerre y prenne garde, sa responsabilité est immense, et
il aurait d’éternels reproches à se faire s’il la compromettait en cette
occasion. »
M.
de Robaulx. - L’honorable M. A. Rodenbach avait vraiment bien
tort de demander le comité secret : car, pour toutes les confidences qu’on nous
fait ; on peut bien nous les faire en public. (On rit.)
C’est une chose
étonnante et singulière, que tout le bruit qu’on fait pour des interpellations
adressées aux ministres, et la facilité avec laquelle on se contente de
réponses évasives. Pour moi je n’ai rien vu répondre. Vous adressez des
interpellations. vous posez des faits, ou ne les dénie pas, on ne conteste pas
qu’une invasion est imminente : lorsque vous demandez quelles mesures on prend
pour la repousser, on vous prie d’être persuadés qu’on a pris ou qu’on prendra
les mesures nécessaires. Il n’y avait pas besoin d’interpellation pour avoir
une réponse aussi satisfaisante.... Je n’ai pas entendu l’observation de M. le
ministre de la justice.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier)
- C’est à moi que parle M. le ministre de la justice.
M.
de Robaulx. - On répond sous cape : puis, quand je demande ce
qu’on dit, on ne dit plus rien ; ce n’est pas de la bonne foi. Si vous ne
voulez pas formuler vos observations de telle sorte que je puisse y répondre de
suite, ne m’interrompez pas.
Je demande comment on
peut être satisfait de la réponse du ministre de la guerre, lorsqu’il ne
précise rien, lorsqu’il ne donne aucun détail. Vous demandez, dit-il, de combien
de mille hommes vient d’être augmentés l’armée hollandaise ; si les troupes
hollandaises sont prêtes à entrer en campagne ; si les ambulances sont
préparées ? J’admire votre longanimité, et la tranquillité que vous donne la
réponse du ministre.
Je demanderai, moi, ce
que vous avez fait pour empêcher l’invasion ; car elle est possible de la part
d’un ennemi déloyal qui a précédemment donné des preuves de son manque de
loyauté et dont nous avons été victimes. Quoique cependant je n’admette pas
qu’on soit resté seul sur le champ de bataille, je crois ce fait controuvé.
Avant les événements du
mois d’août nous avons aussi élevé la voix pour chercher à éveiller le cabinet
endormi ou qui peut-être nous trahissait ; car jamais cela n’a été éclairci ;
la chambre trop facile à convaincre n’a pas voulu d’enquête ; le ministère
contre son honneur s’y est aussi opposé.
Avant les événements du
mois le ministre de la guerre du Failly nous disait aussi que nous avions sous
les drapeaux une armée considérable ; il parlait de 68,000 hommes. L’honorable
M. Pirson me dit que nous n’avions pas 28,000 hommes.
Je
renouvelle ma demande au ministre de la guerre pour savoir quelles mesures il a
prises pour repousser l’invasion. Lorsqu’il aura répondu, peut-être
pourrons-nous être tranquilles.
Si vous voulez être
tranquilles comme au mois d’août, cela vous regarde ; mais j’ai fait mon
devoir, et je ne suis pas tranquille sur l’avenir de mon pays. Je ne dirai pas
que je suis indifférent aux événements qui menaceraient
M. Pollénus. - Je me bornerai à une seule réflexion que me suggère la réponse de M. le ministre de la guerre à l’interpellation faite par notre honorable collègue M. de Renesse.
Le ministre de la guerre
paraît disposé à envoyer des troupes autour de Maestricht ; si l’intention du
gouvernement est d’envoyer des troupes pour leur faire jouer le même rôle que
celui qui a été imposé au corps d’armée qui a été envoyé dans le Luxembourg,
sans autre mission que d’y faire une vaine démonstration, oh ! dans ce cas,
ménagez aux habitants des charges inutiles, qui n’auraient pas plus de résultat
à l’égard du général Dibbets que la promenade du Luxembourg n’en a eu à l’égard
du général Dumoulin.
Mais si l’intention du
gouvernement est de défendre avec dignité le pays menacé, et de maintenir les
traités, alors la province de Limbourg s’associera avec empressement au vœu du
pays, et aucun sacrifice ne lui coûtera.
M. Dumortier. - Je
ne puis m’associer à la manière de voir de l’honorable préopinant ; je pense
que c’est ici le moment de mettre des troupes à la frontière, et de marcher en
avant, Il ne s’agit pas de savoir si les habitants du Limbourg auront à
souffrir ; ils ont du patriotisme, et personne ne se plaindra d’avoir chez soi
des enfants de la patrie, lorsqu’il s’agit d’y voir arriver les Hollandais.
Les
réponses faites sont insignifiantes ; le cabinet est coupable et non le seul
ministre de la guerre. C’est au chef du cabinet que nous devons cette
imprévoyance, mais ce n’est pas le moment de montrer de la division dans la
chambre ; en présence des événements qui nous menacent, il faut que les
mandataires de la nation se réunissent pour repousser l’ennemi commun. Il
existe beaucoup de force en Belgique : il faut que l’armée tout entière sache
que la représentation nationale veille sur le pays ; que nous avons confiance
en elle, parce qu’elle est composée des mêmes hommes qui surent repousser les
soldats hollandais. Nous pouvons faire nous-mêmes nos affaires, nous pouvons
nous-mêmes soutenir notre cause ; que le ministre marche donc en avant, et nous
n’avons rien à craindre, mais pour marcher à l’ennemi, il ne faut pas de
divisions à l’intérieur ; ainsi, union patriotisme, telle doit être aujourd’hui
notre devise, comme aux grands jours de la révolution.
M. Devaux. - C’est
pour montrer que l’union règne dans la chambre que je prends la parole… Je
crois que la pensée que le gouvernement doit voir dans les interpellations qui
lui sont faites et dans les discours qui ont été prononcés, c’est que s’il y
agression de la part de
M.
de Robaulx. - Il n’y a pas de doute.
M. Devaux. - Les
rapports qu’on vient de lire ont trait à un fait qui existe ou qui n’existe
pas. Des bruits sont répandus dans le public sur l’état de l’armée hollandaise
; des ambulances peuvent être prêtes ou ne pas l’être dans cette armée ; les
troupes hollandaises peuvent avoir reçu l’ordre de marcher en avant, ou ne pas
l’avoir reçu ; il ne s’agit donc pas de savoir si les circonstances du fait
signalé sont réelles ; mais le fait lui-même est possible ; or, dès que des
troupes sont rassemblées, le fait est possible, et le devoir du gouvernement
est de se conduire comme si le fait existait. On a parlé de la confiance qu’on
devait avoir dans la diplomatie ; mais je partage l’avis que ce n’est pas sur
de pareilles bases qu’il faut s’appuyer quand il s’agit d’une invasion. Je
comprends bien que l’existence de
L’utilité
de cette séance consiste en ceci : que le gouvernement doit bien sentir que la
volonté de la chambre ; comme celle du pays, c’est que
M.
Jullien. - Je ne pense pas qu’il s’agisse de division en cette
chambre, mais il s’agit de calmer les inquiétudes du pays : c’est dans ce but
qu’on a demandé à faire des interpellations au ministre de la guerre. Or, je
demande si les inquiétudes seront calmées par les réponses du ministre de la
guerre, surtout quand M. d’Huart nous a donné la pensée du ministère, pensée
publiée par son organe habituel. Si l’on en croit les bruits publics, des
rassemblements militaires ont lieu sur la frontière et ils sont menaçants ; si
l’on en croit le ministre de la guerre ces rassemblements se font tous les ans
à la même époque : l’organe du ministère dit que le danger est imminent ; il
semble qu’il y a quelque chose dans le gouvernement qu’on veut dissimuler,
surtout après avoir entendu l’orateur précédent : dans une telle position il
est nécessaire que le ministère dise ce qu’il pense du rassemblement hollandais
: je demande que le ministre de la guerre déclare s’il s’en tient aux
explications qu’il nous a données.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - C’est après avoir mûrement
réfléchi sur l’état des choses, que j’ai la conviction intime que l’armée
hollandaise est dans les mêmes cantonnements qu’elle occupait antérieurement.
Elle est sur pied de guerre ; c’est ainsi qu’elle était en 1831, 1832 et même
en 1833 depuis la convention du 21 mai. Le nombre des miliciens qui ont rejoint
les corps hollandais peut être évalué à dix mille hommes, en comparant la
situation où étaient ces corps en février, à la situation où ils sont au 15
mars. Ainsi c’est à dix mille hommes que se monte l’augmentation de l’armée
hollandaise dans le Brabant septentrional.
M.
de Brouckere. - Tout ce que nous avons appris sur ce qui se
passe en Hollande me semble rendre assez vraisemblable les bruits qui ont été
répandus sur les dispositions hostiles du gouvernement hollandais ; et s’il est
quelque chose qui puisse contribuer à me faire croire que ces dispositions sont
réelles, c’est la nouvelle parvenue jusqu’à nous des nombreuses promotions
faites dans l’armée hollandaise.
Les officiers belges, restés dans les rangs ennemis, ont eu une large part à la
prodigalité des grades ; on a voulu par là leur donner un nouveau motif de
rester au service des ennemis de leur pays ; on a voulu empêcher leur retour
aux sentiments qui doivent animer tout honnête homme, à l’amour du pays
surtout. Mes soupçons se sont accrus depuis, et c’est avec plaisir que
j’ai entendu hier annoncer par un de mes honorables amis qu’il ferait des
interpellations au ministre de la guerre. Mais je n’ai pas compris que ces
interpellations auraient uniquement pour but de faire déclarer que dans le cas
où une agression aurait lieu, elle serait repoussée par l’armée belge ; car je
n’imagine pas qu’on puisse penser encore à appeler le secours de l’étranger :
C’est bien assez d’un affront, et il n’y a pas de gouvernement qui serait assez
osé pour appeler nos voisins pour repousser les attaques ennemies ; nous sommes
en mesure de les repousser nous-mêmes.
Le but de l’honorable M.
Frison doit avoir été de faire cesser les inquiétudes fondées ou non fondées
qui se sont répandues depuis quelque temps dans certaines localités, et
particulièrement à Bruxelles, depuis un article publié dans le journal l’Indépendant. Cet article a d’autant plus
jeté d’inquiétude, que le journal rend ordinairement la pensée du ministère.
L’honorable M. Frison désire que ces inquiétudes soient calmées, il a voulu
autre chose encore ; il a voulu que le gouvernement soit averti d’une manière
officielle des bruits qui circulent et que les journaux ont déjà portés à sa
connaissance. On a demandé si les réponses du ministre de la guerre doivent
nous satisfaire : Messieurs, je ne me suis jamais attendu à une autre réponse
que celle qu’il a faite, parce qu’il y aurait imprudence à lui à dévoiler les
mesures qu’il peut avoir prises pour assurer la tranquillité du pays. Il a
affirmé que toutes les mesures étaient prises ou allaient être prises pour
garantir le territoire contre toute espèce d’agression : cette réponse est plus
ou moins rassurante selon le plus ou moins de confiance que l’on a dans le
cabinet actuel. Je ne sais, d’après cette considération, si nous serons
pleinement rassurés ; mais il faut que les ministres ne l’ignorent pas : une
grave responsabilité pèse sur eux, et cette responsabilité, à partir
d’aujourd’hui, est plus immense encore qu’elle ne l’était antérieurement. Qu’il
ne s’imagine pas qu’il s’agisse seulement d’empêcher l’invasion de notre
territoire, il s’agit, avec l’armée que nous avons, d’empêcher l’ennemi de
passer la frontière : voilà ce que veulent et la nation et l’armée nationale.
Il
faut que si, en dépit de l’armistice qui existe,
M. les ministres des affaires étrangères (M.
F. de Mérode) -
Messieurs, il serait inutile de donner au pays des inquiétudes outrées, qu’il
ne partage pas puisque les fonds publics restent au pair (bruit) ; aucun organe du gouvernement n’a déclaré une invasion
imminente. Car, messieurs, la feuille périodique qui, généralement partagé, le
système politique du ministère actuel, n’est nullement son organe ; je la
récuse comme organe du gouvernement, bien que ce journal exprime habituellement
selon moi, des idées fort raisonnables …
M. Jullien.
- C’est naïf.
M. les ministres des affaires étrangères (M.
F. de Mérode) -
Et quant aux précautions qu’il recommande, je crois bon de les adopter à tout
événement même improbable, d’une manière appropriée aux circonstances, et qu’il
ne convient pas de développer en public. C’est dans les bornes d’une réserve
conforme à la prudence que s’est renfermé le ministre de la guerre en répondant
aux interpellations qui lui ont été faites.
M.
A. Rodenbach. - Le ministre de la guerre nous a dit qu’il y
avait sur la frontière hollandaise une augmentation de troupes de dix mille
hommes ; s’il y a réellement cette augmentation il faut que le ministre de la
guerre songe à rappeler sur-le-champ la garde civique ; cette milice est
exercée ; ses cadres existent. Il faut prendre notre revanché du mois d’août,
et montrer que nous sommes encore des Belges du mois de septembre. On prétend
que l’armée hollandaise s’élève actuellement à 35 mille hommes ; qu’elle avait
de la cavalerie et de l’artillerie ; et qu’elle n’attendait que son chef pour
franchir nos frontières ; comment se fait-il alors que les chefs de notre armée
ne soient pas à leurs postes : nous comptons sept divisions dans notre armée,
et trois généraux seulement sont à la tête de leurs troupes. Je prie M. le
ministre de la guerre de donner les ordres nécessaires pour que nos troupes ne
soient pas sans chefs afin que le peuple sache qu’on veille pour son repos.
M. d’Huart. - Le but des interpellations
faites par l’honorable M. Frison était de faire cesser les inquiétudes du pays
: Ces inquiétudes seront-elles calmées parce que nous avons entende dire au
ministre : Je ne le pense pas ? Sans manquer de discrétion je crois devoir
porter au ministre une question plus positive que celle qui lui a été adressée
; et je crois que le ministre pourra y répondre sans manquer aux règles de la
prudence, Voici ma question : « Les Hollandais, dans la position où ils se
trouvent, avec la force de leur armée peuvent-ils faire une invasion en
Belgique ; cette invasion est-elle imminente ? que le ministre de la guerre
dise, sur sa responsabilité, s’il est en mesure de repousser l’agression d’une
manière victorieuse. »
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - D’une manière victorieuse ! ah !
M. d’Huart. - Je ne demande pas quels sont les
moyens stratégiques, ni quel est le nombre d’hommes qu’il faut employer.
Quoiqu’il en soit, le ministre de la guerre ne doit pas ignorer que sa
responsabilité est engagée. Dernièrement il demandait un supplément de crédit ;
la commission chargée de l’examen de la demande vous a dit que si des sommes
plus fortes étaient nécessaires, il ne fallait pas hésiter à les demander ;
elle pensait même que le crédit était insuffisant. Voici comment elle
s’exprimait : « Les événements du Luxembourg combinés avec les armements
clandestins de
Lorsque
j’ai parlé d’un journal et que j’ai dit qu’il était l’organe habituel du
gouvernement, j’ai pu me tromper, mais tout le monde dans le pays croit qu’il
en est ainsi, et ce que ce journal a avancé a autant de force que si on l’avait
inséré au Moniteur, partie
officielle. C’est même parce qu’on a cette croyance qu’il faut que le ministre
s’explique.
M.
de Brouckere. - Quand j’ai parlé du journal l’Indépendant, je n’ai pas dit qu’il était
l’organe du gouvernement, j’ai dit qu’il exprimait habituellement la pensée du
gouvernement, et aussi ce qu’a dit M. de Mérode, puisqu’il le trouve le journal
le plus raisonnable du pays : on doit avoir en effet beaucoup de raison, selon
cet honorable membre, quand on partage ses opinions ; cette manière de voir est
toute naturelle, et alors je ne comprends pas comment la modestie de M. de
Mérode a pu lui faire penser qu’on voulait le désigner dans un autre journal où
on parlait de stupides.
Quoi qu’il en soit,
l’honorable membre du conseil nous reproche d’augmenter les inquiétudes là où
il en existe, et d’en faire naître là où il n’en existe pas ; mais nous ne
faisons pas naître les inquiétudes puisque nous parlons de bruits qui circulent
; et c’est une chose qui est connue de tout le monde. Avons-nous indiqué que
nous avions peur, nullement ; nous avons demandé si les ministres avaient pris
des mesures pour repousser une agression possible, nous avons ajouté que nous
croirions les ministres coupables s’ils ne prenaient pas des mesures pour
prévenir l’invasion.
Et cette fois si l’armée
hollandaise passait la frontière, une immense responsabilité pèserait sur le
ministère.
Cette responsabilité
écrite dans la constitution, ne serait pas un vain mot, car il se trouverait
des représentants qui feraient des propositions pour la faire mettre en action.
La proposition a pour
but non pas de témoigner des craintes sur ce que fera l’armée hollandaise dont
personne n’a peur, mais on craint l’imprévoyance des ministres qui s’est déjà
révélée dans une circonstance pareille.
Je ne doute point que
J’ai encore à rectifier
une erreur échappée pour la troisième fois à M. le ministre des affaires
étrangères, il n’est pas exact de dire que nos fonds soient au pair, il s’en
faut, car ils ne se sont jamais au-delà de 97 ou 97 1/2 ce qui est loin d’être
le pair.
Un membre de la chambre a
demandé tout à l’heure que l’on mobilisât les gardes civiques et qu’il fût
ordonné aux généraux commandant les divisions de retourner à leurs postes, afin
que l’on rappelât les miliciens en congé.
Je crois, messieurs, que
nous n’avons aucune mesure à prescrire au gouvernement. C’est à lui de savoir
ce qu’il à faire. Seulement il aura été prévenu officiellement.
Nous ne lui avons jamais
refusé ni hommes ni argent, s’il ne croit pas suffisants les moyens dont il
peut disposer, qu’il vienne le déclarer.
S’il
juge qu’il a les moyens nécessaires, c’est à lui à les employer comme il le
jugera convenable.
M. d’Huart a demandé à
M. le ministre de la guerre, s’il se croyait en mesure pour repousser
victorieusement une agression hollandaise. M. le ministre répondra s’il le
veut, mais il me semble que cette question se résout d’elle-même. Oui,
M.
de Muelenaere. - Messieurs, je n’ai point connaissance des faits
qui se passent dans le Brabant septentrional ; mais une circonstance qui, à
l’appui des inquiétudes qui se sont répandues dans le public, et sur laquelle,
je veux éveiller l’attention de M. le ministre de la guerre, dans le cas où il
aurait trop de confiance par les rapports qui lui sont parvenus.
Les Hollandais ont fait
monter l’inondation du fort de l’Écluse, an point où elle était avant la
convention du 21 mai.
Cette
inondation a eu lieu, après la discussion assez vive provoquée dans cette
chambre par les événements du Luxembourg. Dès lors, il est impossible de dire,
si cela peut faire présager une attaque prochaine. C’est au gouvernement à
apprécier ces mesures, et à prendre les dispositions convenables, s’il jugeait
une attaque imminente.
Si les moyens dont il
peut disposer ne lui paraissaient pas suffisants, il faut que M. le ministre de
la guerre vienne le déclarer immédiatement. Il trouvera dans la chambre
unanimité de sentiments, s’il y a danger.
M. Gendebien. -
Messieurs, il se passe ici quelque chose, si non d’étrange, au moins bien
extraordinaire.
Un journal
habituellement d’accord avec le ministre, non seulement fait naître, par
l’insertion d’un article, de graves inquiétudes dans la nation, mais encore
laisse entrevoir les inquiétudes du ministère, avec lequel, je le répète, ce
journal est souvent, est presque toujours, d’accord.
Veuillez remarquer,
messieurs, que ce journal paraît décliner la responsabilité pour une partie du
ministère, en la faisant peser de tout son poids sur M. le ministre de la
guerre. D’un autre côté, M. Devaux, ami politique de MM. les ministres de
l’intérieur et de la justice, vivant dans la plus grande intimité avec tous
deux, appuie avec une chaleur extraordinaire la demande que la chambre adresse
au ministère, et engage ce dernier à réclamer de suite les moyens dont il peut
avoir besoin, si ceux dont il dispose déjà, ne lui suffisent pas.
On pourrait conclure de
là qu’il y a division dans le conseil ; qu’une partie du conseil, à tort ou à
raison, considère de nouvelles précautions comme inutiles. Est-ce ignorance ?
est-ce sécurité ? Je n’ai pas à me prononcer ; mais il me paraît évident que la
division existe. S’il en est ainsi, ne croyez pas, parce que vous aurez fait
insérer une espèce de protestation dans un journal qui passe pour ministériel,
que vous soyez dégagé de toute responsabilité. En pareil cas, il faut que la
minorité se retire, et que ceux qui croient le pays en danger, s’ils sont en
minorité, s’adressent au Roi, et qu’au besoin ils donnent leur démission. Je ne
connais pas d’autre manière de décliner la responsabilité qui peut peser sur
des ministres.
Faites-y
bien attention, une retraite tardive ne suffirait pas. Peut-être même, est-il
déjà trop tard ; surtout s’il est vrai que l’armée hollandaise est prête à
entrer en campagne, qu’elle a 14 batteries réunies sur un point de la
frontière, que son service de santé et ses ambulances soient prêtes ; et
qu’enfin sa part de munitions et de vivres soit prête à marcher.
Je n’affirme pas ces
faits, messieurs ; cependant je les tiens de bonne source ; ils me viennent
d’un brave milliaire, bon patriote qui l’a toujours été et qui voudrait, pour
l’honneur du pays et de ses épaulettes, éviter un affront pareil à celui que la
nation a reçu en 1831.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, la chambre se
trouve placée entre un article de journal et un rapport officiel qui lui a été
fait par notre collègue M. le ministre de la guerre. C’est dans ce rapport, et
non dans un article de journal qu’il faut chercher la pensée du gouvernement.
Il en ressortira que la prétendue division qui existerait dans le conseil
existe seulement dans l’esprit du préopinant.
M. Dumortier. - Le
ministre vous a dit, messieurs, que le journal dont on a parlé n’était pas
officiel, cela est vrai, mais tout le monde sait que c’est dans ce journal
semi-officiel que le ministère déploie sa pensée ; voilà comment l’article dont
on parle est venu répandre des vives inquiétudes dans le pays, voilà comment on
a remarqué surtout qu’il cherchait à écarter du ministère toute responsabilité,
conduite tout à fait semblable à celle qui a été tenue à l’époque de la convention
de Zonhoven. Il ne faut pas que le pays s’y trompe.
Le ministre a en mains
tous les moyens nécessaires pour repousser une agression, s’il vent user de ces
moyens.
Avec le budget que nous
avons voté, il peut, quand il le voudra, réunir immédiatement 120 mille hommes.
C’est donc à lui à prendre telles dispositions que l’intérêt et la cause
nationale lui suggéreront.
Au surplus, messieurs,
s’il faut dire ici toute sa pensée, loin de redouter une agression, je la
désire ; car j’ai foi dans notre jeune et belle armée.
En vous rappelant les
événements du mois d’août, vous vous souviendrez aussi que partout où nous en
vînmes aux mains, la victoire se prononça en notre faveur. Vous n’avez pas
oublié le brave major Boulangé qui, avec 400 hommes, a mis en déroute 1,800
Hollandais ; vous vous souviendrez de cette intrépide compagnie de
Ces faits doivent vous
donner confiance dans le courage et le patriotisme de l’armée, qui saurait
certainement envahir à son tour le territoire ennemi si cela devenait
nécessaire. J’ai donc eu raison de le dire, loin de redouter l’agression, je la
désire.
Mais je ne puis
m’empêcher de répondre à un mot qui a mal sonné à mes oreilles, lorsque l’on a
parlé d’une nouvelle intervention de l’armée française.
Non, il ne faut pas que
Il n’est pas une seule
voix dans cette enceinte qui ne se fît entendre pour flétrir un pareil système,
si le ministère avait la lâcheté de l’accueillir ; il faut que
Je
sais bien que le gouvernement français ne demanderait pas mieux que de venir de
nouveau porter ses armées sur notre territoire : déjà deux fois les
interventions militaires ont sauvé le ministère en France, il désirerait
recommencer encore. Mais nous, représentants de
Je désavoue donc une
pensée qui a dû révolter tout ce qui porte un cœur belge ; au nom de l’armée,
je proteste contre toute pensée d’intervention étrangère. (Très bien ! très bien !)
M.
Jullien. - Mais messieurs, il me semble que la discussion
s’égare. Il s’agit seulement de savoir si la chambre veut se contenter des
explications qui lui ont été données par M. le ministre de la guerre.
M. d’Huart a demandé si
M. le ministre était en mesure de repousser victorieusement l’invasion
hollandaise. La victoire vous le savez, est dans la main de Dieu ou dans les
gros bataillons. Je pense que la question doit se borner à demander si le
ministre a pris ses dispositions, et s’il peut rassurer le pays à cet égard.
M. d’Huart. - J’avais si bien senti la
justesse de l’observation de mon honorable collègue M. Jullien, que dans la
question déposée sur le bureau, j’ai supprimé cette expression.
M. le
président. - La question que M. d’Huart adresse au ministre est
celle-ci.
« M. le ministre de
la guerre a-t-il pris toutes les dispositions nécessaires pour repousser une attaque
de la part de l’armée hollandaise ? »
M. le ministre de la guerre (M.
Evain) - Le premier devoir de tout gouvernement est de veiller à
la sûreté de l’Etat et de prendre les dispositions nécessaires pour s’opposer à
tout envahissement de territoire de la part de l’ennemi. Tel est l’objet des
armées entretenues par toutes les puissances.
L’armée belge avait été
réduite, depuis le commencement de l’année, dans les limites fixées par le
budget.
J’ai demandé à la
chambre les fonds nécessaires pour augmenter son effectif, dès que l’ai été
instruit que
Le nombre d’hommes que
nous avons cru en conséquence devoir rappeler, égalera au moins celui de
l’armée hollandaise, réunie aujourd’hui dans le Brabant septentrional.
Nos troupes avaient été
envoyées dans les garnisons pour y prendre les quartiers d’hiver. Le moment est
venu de les remettre en ligne, et le gouvernement s’occupe des mouvements et de
la réorganisation de l’armée sur le pied où elle était avant ses quartiers
d’hiver.
Elle a fait preuve de
courage instruite et disciplinée comme elle l’est, il n’y a pas de doute que
l’armée ne soit en état de reprendre une revanche, et je prends l’engagement de
faire ce qui dépendra de moi pour repousser toute agression de l’armée
hollandaise.
Discussion des articles
Article
premier
M. le président. -
L’ordre du jour appelle la discussion des articles du projet de loi sur le
chemin de fer.
Sur l’article 1er, il y
a plusieurs amendements.
- Amendement de M. Quirini.
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à faire construire au compte de
l’Etat, une route à ornières de fer, à ouvrir entre Louvain et Liége, et
destinée à former le commencement d’exécution d’une route en fer de Louvain à
Cologne.
« Art. 2. Les frais
de construction de cette première section seront couverts au moyen d’un emprunt
en rentes à cinq pour cent, en capital effectif de huit millions trois cent
mille francs, somme présumée nécessaire pour exécuter les travaux énoncés à
l’article 1er. »
Suit l’article 5 du
projet de la section centrale.
- Amendement de M. Brixhe.
« Après l’article 1er, je propose d’ajouter : « Un embranchement
partira de Louvain, suivant le cours de
- Amendement de M. de Puydt à l’art. 1er. « A
dater de l’ouverture du chemin de fer entre Liège et Anvers ou les Flandres, le
péage sur les canaux du Hainaut sera réglé au taux du péage à établir sur le
chemin de fer, par tonneau et par kilomètre. »
- Amendement de M. A.-J. Frison. « § 2 de l’art.
1er. Le gouvernement est autorisé à racheter la concession du canal de
Charleroy. »
- Amendement de M. de Theux.
« Art. 2. L’exécution commencera par la section de Louvain à Liége, et par
celle de Liège à la frontière de Prusse ; néanmoins cette dernière section ne
sera entreprise qu’autant que la route soit également entreprise sur le
territoire prussien.
« Le gouvernement
ne pourra commencer l’exécution des sections autres que celles mentionnées au
présent article, qu’autant que les devis estimatifs de la section de Louvain à
Liége n’aient pas été dépassés et qu’il ait été rendu un compte détaillé aux
chambres (Erratum au Moniteur belge n°85,
du 26 mars 1834 :) des opérations relatives à cette section.
M. le président. - La
parole est à M. Quirini, pour développer son amendement.
M. Quirini. - Je ne
renouvellerai pas une discussion qui a été épuisée. Le vote d’hier a déterminé,
en principe, que le chemin de fer serait établi à la charge du trésor ; il
reste à examiner maintenant plusieurs questions.
L’utilité des chemins en
fer a été longuement démontrée, je ne pense pas que quelqu’un d’entre nous
l’ait contestée ou ait voulu la révoquer en doute. Seulement on a observé que
cette utilité est relative, qu’elle dépend de diverses circonstances, et des
divers cas où ces constructions sont effectuées : ainsi cette utilité est
surtout incontestable pour toutes les localités où il n’existerait actuellement
aucune communication.
Une route en fer établie
parallèlement à des chaussées est-elle nécessaire ? Ici l’utilité est moins
grande.
En effet, si d’une part
on établit une nouvelle communication, de l’autre, on détruit celle existante,
on anéantit les capitaux qui y ont été employés, et les produits qu’elle devait
rapporter. On ne crée pas une nouvelle communication, on facilite seulement les
moyens de transport existants, mais en même temps on en détruit une autre.
Mais que faut-il décider
à l’égard de deux foyers commerciaux qui ne communiquent pas seulement entre
eux au moyen de chaussées ordinaires, mais encore par la navigation d’un
canal ? Ces communications étant déjà (Erratum
au Moniteur belge n°85, du 26 mars 1834 :) reconnues suffisantes,
faut-il en outre, y établir une route en fer ? Je le demande, une pareille
dépense ne serait-elle pas superflue, et quel autre dessein peut-on prêter à un
gouvernement qui se déciderait à la faire, sinon celui de prodiguer inutilement
l’argent du peuple, et de nuire au commerce existant sans compensation aucune ?
Mais arrêtons-nous un moment pour éclairer cette vérité ; pour la discuter
convenablement, j’ai dû m’entourer de lumières, et recourir à MM. les
ingénieurs.
Je lis dans le mémoire
qu’a publié M. Vifquain sur le travail de MM. les commissaires du Roi, que la
voie d’eau jusqu’à Bruxelles, Malines et Anvers sera toujours plus économique
que celle par le chemin en fer ; qu’entre Bruxelles, Anvers et Louvain, le
prix des transports par le chemin de fer sera plus élevé de beaucoup qu’il ne
l’est aujourd’hui sur les canaux.
Voici maintenant qu’elle
est l’opinion de MM. les ingénieurs du gouvernement : à la page 10 de leur
réplique aux observations de M. Vifquain, je lis : « Sans doute, les
canaux de Louvain et de Bruxelles sur Anvers, seront toujours préférés pour la
masse des transports, parce qu’ils offrent une voie moins coûteuse : aussi,
ajoutent-ils, nous n’avons compté parmi les transports de la route en fer, que
les marchandises expédiées journellement et par essieu, et pendant les
interruptions de la navigation. »
Ainsi, messieurs, c’est
un point entendu, sur lequel les commissaires du Roi sont d’accord, que là où
il existe des communications par navigation, il est inutile d’en établir de
nouvelles par chemin de fer, parce qu’il est impossible que la nouvelle
communication l’emporte sur l’ancienne, parce que toute lutte est impossible
avec une ancienne voie qui doit obtenir la préférence pour la masse des
transports. Dès lors, quelle nécessité de prodiguer l’argent des contribuables
pour établir une communication qu’on reconnaît ne pouvoir réunir la totalité
des transports ?
Messieurs, de deux
choses l’une, ou bien la nouvelle voie doit concourir avec l’ancienne, lutter
avec elle et obtenir une part (Erratum au
Moniteur belge n°85, du 26 mars 1834 :) des transports, bien que les
commissaires déclarent eux-mêmes qu’elle ne peut jamais compter sur la masse
des transports qui se font par l’ancienne ; j’admettrai même, si l’on veut, que
la nouvelle voie obtienne la moitié des transports qui se font par les routes
existantes, eh bien, que peut-il résulter d’une pareille concurrence ?
Elle ne peut avoir qu’un
seul but, celui de détruire une navigation prospère, de ravir à une ville
industrieuse un commerce qui la féconde, de détruire sans espoir uniquement pour
le plaisir de détruire, et, en second lieu, d’établir une communication dont
les revenus ne pourront jamais compenser la dépense. En effet, du moment où la
nouvelle route ne peut compter sur le partage des transports que par moitié
avec les canaux existants, il est évident qu’il faudra un tarif deux fois plus
élevé que si cette nouvelle entreprise pouvait compter sur la totalité du
mouvement commercial.
Tel est le résultat que
l’on doit attendre d’une communication par chemin en fer, depuis Anvers jusqu’à
Louvain. Remarquez qu’ici je m’appuie sur l’autorité même des commissaires.
Cependant, disent-ils, nous n’avons compté dans les transports d’Anvers à
Louvain que les marchandises qui se transportent pendant les interruptions de
la navigation, ou par essieu.
J’ai rappelé que les
commissaires du Roi étaient partis de ce principe, qu’en aucun cas, la nouvelle
voie ne pouvait compter sur la masse des transports. Voyons maintenant, si dans
le mouvement commercial établit entre les deux villes de Louvain et d’Anvers,
ils ont pris en considération, ce qu’ils viennent d’avancer.
A la page 92 de leur
mémoire, se trouve le chiffre du mouvement actuel des expéditions. Entre Anvers
et Louvain, il est de 20,200 tonneaux, (Erratum
au Moniteur belge n°85, du 26 mars 1834 :) entre Bruxelles et Anvers,
de 37,100, de Malines à Anvers, de 5,700.
Voici comment ils
prétendent que sera le mouvement présumé de la nouvelle route Entre Anvers et
Louvain, 18 mille tonneaux. Entre Bruxelles et Anvers, 30 mille. Entre Malines
et Anvers, (Erratum au Moniteur belge
n°85, du 26 mars 1834 :) 3 mille tonneaux.
Il suffit de comparer
les chiffres, pour inférer cette conséquence, que les ingénieurs, tout en
convenant que la nouvelle route ne pourra pas lutter avec la navigation du
canal de Louvain ; tout en convenant de l’infériorité des chemins de fer sur
les canaux existants, ont cependant compté dans l’évaluation des produits, sur
la plus grande partie de ces transports.
Quant à ce qu’ont dit
MM, les commissaires, qu’ils ne comptaient que sur les transports qui
s’effectueraient pendant l’interruption de la navigation, je vous prie de
remarquer que depuis 1827 la navigation du canal de Louvain (Erratum au Moniteur belge n°85, du 26 mars
1834 :) n’a pas eu un seul jour d’interruption, qu’il est très rare
que cela arrive par la facilité qu’on a à curer les canaux au moyen des
machines à draguer.
Je ferai observer en
outre qu’entre Anvers et Louvain il n’existe aucune entreprise de roulage, que
tous les transports sont effectués par les bateliers. Je demanderai si après
tout cela ou peut se lier aux calculs de MM. les commissaires du roi.
Je n’ai donc pas eu tort
de dire que l’établissement de la route en fer d’Anvers à Louvain est une
communication inutile, superflue, que le commerce ne réclame pas, et que ce
serait une prodigalité des fonds du trésor ; une entreprise qui doit causer la
ruine du commerce de la ville de Louvain.
Si le système des
commissaires du roi était adopté, qu’en résulterait-il ? C’est que d’un côté,
en même temps que le gouvernement aurait détruit une grande partie des
transports par les canaux, la nouvelle route ne pouvant compter que sur la
moitié des transports qui s’effectuent par les canaux existants, il serait
obligé d’établir un tarif deux fois plus élevé que si la route pouvait compter
sur la totalité du mouvement commercial.
Messieurs, l’amendement
que j’ai eu l’honneur de présenter rentre dans les intentions de plusieurs
honorables membres (Erratum au Moniteur
belge n°85, du 26 mars 1834 :) qui ne se sont montrés hostiles à la
nouvelle entreprise que parce qu’elle nécessitait des travaux immenses,
engageait le gouvernement dans une dépense dont il est impossible de calculer
la portée, et que jusqu’ici il n’existe aucun antécédent sur lequel on puisse
se fonder pour calculer la dépense ainsi que les produits de la route.
En
proposant de commencer la route en fer par la section d’Anvers à Louvain, dont
la navigation offre une communication très faible et plus économique encore que
celle des chemins en fer, je rentre dans le but de M. de Theux qui a proposé de
commencer par des essais. Je pense que cet essai produirait un résultat très
favorable en ce qu’il nous fixera sur la question de savoir si le transport par
le chemin de fer est préférable et plus économique que par les canaux.
D’ailleurs, ma proposition rentre aussi dans le but du gouvernement, qui était
d’établir une communication directe entre l’Allemagne et
M. le président. -
La parole est à M. Brixhe pour développer son amendement.
M. Brixhe. -
Messieurs votre intention à tous est, je n’en puis douter, de ne porter de préjudice
à aucun grand foyer d’industrie au profit d’un autre. Nous avons pour garantie,
à cet égard, les assurances dictées par les sentiments d’une stricte équité à
ceux de nos honorables collègues qui se sont montrés les plus chauds défenseurs
du projet du gouvernement, et le langage même du ministre de l’intérieur qui,
loin de désavouer ses adhérents, nous a donné à plusieurs reprises les
assurances les plus solennelles de la volonté ferme de maintenir toujours les
produits de l’industrie du Hainaut en concurrence avec ceux de Liège.
Dès lors, vous
n’hésiterez pas à accueillir mon amendement qui atteindra directement le but
que vous avouez vouloir rigoureusement remplir, en acquit de toutes les
promesses qui nous ont été réitérées dans le cours de la discussion générale et
dont nous avons pris acte.
L’opinion est, je pense,
tellement formée et reçue dans l’assemblée de mettre les différents foyers
d’industrie identique dans des conditions égales et communes à tous ; la
discussion a maintenant si bien développé, mis en évidence, les besoins de
l’arrondissement de Charleroy, vis-à-vis de la route en fer projetée que je
croirais ne pouvoir vous présenter que des redites inutiles.
La représentation se
trouve assurément assez éclairée pour apprécier la haute importance de
l’arrondissement de Charleroy et la portée, la justice de mon amendement.
La direction que je
voudrais voir donner à l’embranchement que j’ai l’honneur de vous proposer,
c’est-à-dire par la vallée de
Que
si ce moyen, après étude approfondie, était reconnu le moins convenable, il est
hors de doute que le but d’une juste concurrence pourra encore être atteint
également par la fixation du taux des péages, soit en majorant ceux du chemin
de fer de Liége, soit en diminuant ceux des canaux de Charleroy et de Pommeroeul.
Un amendement dans ce sens est déposé par notre honorable collègue, M. Frison,
et je lui laisserai le soin de la développer.
M. le président. -
La parole est à M. de Puydt, pour développer l’amendement qu’il a présenté.
M. de
Puydt. - Cet amendement n’est qu’un paragraphe de celui que j’ai
présenté dans la séance d’avant-hier. J’en ai exposé alors les développements ;
je crois inutile de les reproduire. Je reviendrai sur les considérations que
j’ai présentées, lorsque la discussion s’ouvrira sur cet amendement.
M. le président. -
M. Frison a la parole pour développer sa proposition.
M. Frison. -
Messieurs, tout en venant développer l’amendement que j’ai l’honneur de vous
soumettre, je ne puis me défendre d’appuyer, en quelques mots, celui que vous a
présenté l’honorable M. Brixhe.
S’il était admis il aurait l’avantage d’une pente peu sensible le long de
Mon amendement, à moi,
n’aura pas besoin de longs développements. Et si le ministère, si la chambre ne
veulent la ruine de la province du Hainaut, ils l’appuieront. Il faut
nécessairement, à mon avis, consacrer le principe dans la loi. Les députés du
Hainaut vous ont démontré unanimement par des faits, par des calculs, que leur
province serait ruinée ; qu’y a-t-on répondu, sinon par des théories ?
Je ne reviendrai plus
sur les détails statistiques que je vous ai fournis dans la séance du 20 de ce
mois, vous ne les avez pas oubliés.
La diminution de droits
que je réclame sur le canal de Charleroy peut être justifiée. (Il est entendu
que je ne la réclame que lors de l’ouverture de la route en fer de Liége à
Anvers.) Elle peut être justifiée, dis-je, en considérant les frais énormes
qu’aurait toujours à supporter les houilles de Charleroy par l’obligation de
rompre charge, c’est-à-dire, que l’on est obligé de transporter par charroi ;
d’abord de la fosse au canal, la longueur et la durée du trajet, et
l’obligation de rompre charge une seconde fois à Bruxelles, pour les houilles
en destination d’Anvers, à cause du peu de solidité de nos petits bateaux, bons
pour le canal, mais trop frêles pour se hasarder sur l’Escaut. Ces transbordements détériorent nos houilles
au moins d’un quart ; tandis qu’à Liège, ainsi que la houille sortira du bure d’extraction
ainsi elle sera mise à bord du wagon, et entière, intacte sans éprouver aucune
dépréciation, sera amenée sans transbordement ou déchargement à Louvain,
Bruxelles, Anvers, etc., etc. Voilà encore une des causes qui empêcheront
Charleroy et le Hainaut de soutenir la concurrence avec Liége.
J’en
ai dit assez, messieurs, pour vous engager à adopter mon amendement.
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article 1er et les deux amendements qui
viennent d’être développés.
M. Davignon. - Je
demande la parole.
M. le président. -
Est-ce sur les amendements ?
M. Davignon. - Sur
les amendements et sur le reste. Je dois une réponse à diverses allégations et
notamment à ce qui a été dit relativement à la route de
Plusieurs membres. - La discussion générale est
fermée.
M. Davignon. -
J’aurai l’honneur de faire observer que je me suis inscrit trois fois pour
demander la parole, que deux fois j’y ai renoncé par les motifs que j’ai exposé
et que la troisième fois je n’ai pu la prendre par suite d’un incident soulevé
par M.
Dumortier.
M. Gendebien. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre. Je pense que puisque M. Davignon a
renoncé deux fois à la parole, quand M. Dumortier à qui il veut répondre était
présent, il convient qu’il attende sa rentrée dans la salle, pour faire les
réponses qu’il a annoncées.
M. Dumortier,
arrivant. - Je suis prêt à écouter M. Davignon et à lui répondre.
M. Davignon. - Tout
en convenant qu’il faut passer bien des choses à la féconde improvisation de l’honorable
député de Tournay, je ne puis m’empêcher de relever ce qu’il a dit dans une
séance précédente de la régence de Verviers. De la manière que l’orateur s’est
exprimé, il y a lieu de croire que les membres de cette administration
municipale, que la ville tout entière ont professé une opinion que l’on peut
qualifier de rétrograde. Mais en rappelant vos souvenirs, messieurs, vous
trouverez que, par une imitation bien peu heureuse et mal choisie, on a tenté
de faire rejaillir sur Verviers l’espèce de défaveur qu’un honorable député de
« Le conseil ayant
pris connaissance préalable du mémoire de MM. les ingénieurs Simons et de
Ridder, est d’avis que l’établissement du chemin de fer d’Anvers à Cologne
procurera des avantages considérables à l’industrie et au commerce de
« Il émet en outre
le vœu que l’exécution s’effectue par un emprunt à contracter par l’Etat ;
c’est par ce seul mode que l’on pourra obtenir des prix de transport très
modérés pour les voyageurs et les marchandises ; et en conséquence, il est
d’avis que la demande en concession de la compagnie Vilain XIIII et consorts ou
de toute autre qui se présenterait, soit rejetée par le gouvernement. »
Quel était le but de
cette démarche ? C’était de s’opposer au monopole des transports sur la route
d’Anvers à Bruxelles qu’une compagnie paraissait vouloir se réserver, c’était
d’empêcher qu’au lieu de 3 fr. par tonneau qui doivent suffire, d’après le
projet du gouvernement, on ne payât aux concessionnaires 4 à 8 fl., soit 8 fr.
50 à 16 francs 90 cent, pour transport de marchandises sur cette route.
C’est à de semblables
conditions, qui paraissent avoir l’approbation de l’honorable membre, que le
conseil de régence de la ville de Verviers conseillait au gouvernement de ne
pas adhérer.
On a dit encore que la
ville de Verviers réclamait très haut la route en fer pour elle-même (ce sont
les expressions) ; c’est encore une de ces imputations gratuites
auxquelles on est habitué ; elle repose sur un fondement tout aussi solide que
celle dont il vient d’être fait justice. On s’est du reste bien gardé de citer
et moins encore produire une seule de ces hautes réclamations.
Ce qu’on peut dire sans
crainte d’être démentis, c’est qu’il n’y a peut-être pas de ville en Belgique,
où l’on ait moins parlé du chemin de fer qu’à Verviers, parce qu’on y a autre
chose a faire, parce qu’on a cru qu’il resterait éternellement en projet. On
s’est dit :que là où il y a tant de petites passions, il est bien difficile
d’exécuter de grandes choses.
Je passe à la route de
Quelques orateurs ont
avancé que les propriétaires des actions, qui du reste devraient rester en
dehors de nos débats parlementaires, les avaient achetées à 30 et 40 p. c. de
bénéfice.
J’ose porter le défi
d’administrer la preuve d’une allégation que je m’abstiens de qualifier.
Lorsqu’on traite une
matière que l’on ne connaît pas, on peut dire bien des choses, sauf très
souvent la vérité. Dans ce cas-ci, je puis vous la faire connaître. On se
fatigue d’entendre dénaturer les faits.
Les actionnaires fondateurs de la route de
Satisfaits d’avoir
contribué à son établissement aussi utile à leurs concitoyens, dont plusieurs
d’entre eux profitent sans doute aussi, si les actionnaires s’expriment un
regret, c’est que jusqu’à présent, par des circonstances la plupart
inattendues, mais toutes indépendantes de leur volonté, le résultat pour des
étrangers bienveillants, qui y ont pris une forte part, n’ait pas été tel qu’on
pouvait l’attendre, tel qu’il aurait été sans les événements politiques.
S’il est des personnes
qui doutent de la réalité de ce que je viens d’exposer, je ne pourrais que
répondre qu’il m’est aussi arrivé de m’étonner de certaines actions qui
annonçaient dans les autres des sentiment généreux dont je me sentais peu
capable.
Du reste, messieurs,
qu’il me soit permis de le dire, je ne sais trop de quel droit vous traduisez à
votre barre des hommes qui n’ont pas eu en vue une spéculation de bourse, qui
ont fait le bien pour le bien même, dont vous n’avez entendu aucune
réclamation, qui sont incapables d’en faire une qui ne serait fondée sur la
stricte équité. Il est peu généreux de parler autrement qu’en bien des absents,
à moins que vous ne me fassiez l’honneur de me croire ici leur représentant
comme je me fais celui d’être leur défenseur.
Agir de la sorte ; ce
n’est certes pas donner beaucoup d’encouragement au système que l’on a tant
prôné, à l’esprit d’association. C’est plutôt en dégoûter.
Revenant à la route,
j’ai encore à vous dire que le syndicat d’amortissement, après une sévère
investigation, après avoir consulté et reçu l’avis favorable de ses agents et
de l’administration du waterstaat, avait tellement apprécié son importance et
si bien reconnu la convenance pour l’Etat d’en avoir la disposition, qu’il
traitait de son acquisition avec la commission administrative au moment de la
révolution. Sans cet événement, c’était un fait consommé, on était d’accord sur
les bases, il ne restait plus qu’à les faire approuver par un seul et principal
intéressé, ainsi que pourra l’attester au besoin, un homme honorable, ancien
agent du syndicat, et qui occupe un poste élevé dans une de nos
administrations.
En définitive, voici
l’état des choses :
Les actions émises sont
au nombre de 1352, (erratum au Moniteur
belge n°86, du 27 mars 1834) à 500
florins chacune.
L’entretien a été adjugé
l’an passé pour environ 20 mille francs.
Le produit des barrières
qui, avant 1830, rendait au-delà de 40 mille florins, est encore d’environ 80
mille francs, et il sera notablement augmenté, si, comme on est fondé à
l’espérer,
Cette route forme la
principale communication entre Liége et
Le chemin de fer doit
arriver à la frontière de Prusse par la route de
Les deux routes dans les
mêmes mains peuvent et doivent exister et se bonifier l’une par l’autre. La
route en fer trouvera dans beaucoup d’endroits des terrains acquis, un
nivellement tout fait, des ponts, des travaux d’art ; tous objets considérés
comme à créer, et compris dans les évaluations qui nous ont été présentées.
Maintenant, messieurs,
je traiterai l’objet à l’ordre du jour, l’article 1er du projet de loi sur la
route en fer, et je vous prierai de remarquer qu’il a été adopté à l’unanimité
par votre section centrale.
L’établissement des
chemins de fer étant reconnu utile, on a voulu qu’ils formassent, non pas la
jonction d’une localité à une autre, mais la grande communication du royaume,
chose à laquelle la configuration du sol, et un territoire resserré se
prêtaient parfaitement.
C’est pour compléter
cette grande communication, et plus encore pour satisfaire à tous les besoins
qu’une ligne au midi vers les frontières de France, et conséquemment par le
Hainaut a été comprise dans le projet de loi sur nos propositions réunies de
notre honorable collègue M. Corbisier, et de moi-même.
J’en appelle au souvenir
des autres membres de la section centrale ici présents.
Nous avons eu pour but,
comme le dit M. le rapporteur de la même section, page 7 du rapport, qui est
sous vos yeux, « d’accueillir tous les vœux du pays, de concilier tous
les intérêts. »
Vous lirez dans le même
paragraphe que « les bassins industriels de
Jugez de là messieurs,
et que la nation comprenne jusqu’à quel point est fondée l’opinion de quelques
membres de cette assemblée, qui vous ont dit qu’on n’avait rien fait pour le
Hainaut, qu’on voulait le mettre hors de la loi commune, l’offrir en holocauste
à la province de Liége (Expressions d’un député de Mons, séance du 18.)
J’appartiens à cette
dernière province, messieurs ; néanmoins je le dis hautement, s’il existait un semblable
projet, je serais des premiers à le déclarer antinational. Mais il n’en est
rien ; et il est bon, il est nécessaire de le répéter, pour détruire l’effet de
tout retentissement au dehors.
La province du Hainaut
sera traversée par la route en fer et participera à tous ses avantages. Les
péages seront réglés par la législature ; il y a donc garantie que leur taux
sera établi de manière à ne donner aucun privilège à une localité, ni à une
industrie aux dépens d’une autre, à moins d’une juste compensation. C’est là le
véritable équilibre.
Ceci est une généralité,
me dira-t-on ; mais, à mon avis, elle vaut tous les chiffres possibles.
D’ailleurs y eût-il même
avantage momentané, résultat essentiellement temporaire d’une circonstance
quelconque ; le gouvernement, ainsi que nous l’a dit, à plus d’une reprise, M.
ministre de l’intérieur, a encore en son pouvoir les moyens d’accorder, soit à
Mons, soit à Charleroy, telles compensations qui seraient reconnues équitables
par des modifications proportionnelles de péages sur les canaux, qui mettraient
ces exploitations en état d’arriver aux deux principaux points de consommation
intérieure, Bruxelles et Anvers, au même taux que les provenances de Liège.
En faisant cette
déclaration, en émettant ce vœu, je ne suis guidé que par un sentiment d’équité
; et on me croira facilement si l’on considère qu’il ne peut être ni dans
l’intérêt du district manufacturier que j’ai l’honneur de représenter, ni dans
le mien propre en ma qualité d’industriel et conséquemment de grand
consommateur, que le prix du combustible que nous devons recevoir de Liége,
augmente par l’effet d’une trop grande exportation. Ceci répond à toutes les
accusations d’intérêt personnel ou de localité.
Il reste donc
incontestable, messieurs, d’après la teneur de l’article 1er que le chemin de
fer profitera à tous, et non pas comme on l’a dit, seulement à quelques
courtiers d’Anvers, d’Ostende et de Verviers, à quelques commissionnaires, qui
feront le transit au profit de l’Angleterre et de l’Allemagne.
Messieurs, les
courtiers, les commissionnaires d’Anvers et d’Ostende, dont la position a été
longtemps et est encore compromise, ont aussi droit à votre protection, à tout
votre intérêt, et je me joindrai toujours à ceux qui le réclameront avec autant
de justice. On me fera peut-être alors la faveur de me croire un peu de
désintéressement, chose, d’après l’avis de plus d’un orateur, terriblement
hypothétique dans le cas actuel.
Pourtant, je dois encore
le dire, il n’existe à Verviers ni courtiers, ni commissionnaires. On n’y
trouve que des industriels laborieux, et ils s’en font gloire, qui prouvent
leur attachement au pays non par de vaines parades de patriotisme, mais en
procurant des moyens d’existence à leurs nombreux ouvriers, en tâchant
d’améliorer le sort de cette classe intéressante de la société qui, malgré les
temps difficiles que nous avons traversés, n’a pas fait entendre une seule
plainte.
Protection pour tous,
égalité de droits et d’avantages pour tous les membres de la famille belge,
tels sont mes principes, tels sont mes vœux ; et certes, il n’y a dans ces
sentiments, qui ont toujours été les miens, ni forfanterie, ni déception,
qualités dont j’ai encore été gratifié.
Vous me pardonnerez,
messieurs, cette digression ; ayant renoncé à la parole deux fois pour ne pas
retarder la clôture de discussions déjà trop longues, j’avais des comptes à
régler. C’est avec le plus profond regret que je fais entendre le je dans cette enceinte, dont il devrait
être toujours banni.
Le
commerce d’aujourd’hui ne peut être comparé à ce qu’il était autrefois, à ce
qu’il était il n’y a pas très longtemps encore ; le traiter comme alors, ce
serait l’exposer à de fâcheux mécomptes, à des erreurs fatales. Tout marche.
Des chemins de fer existent ou vont être établis dans tous les pays voisins. La
possibilité, l’avantage de cette nouvelle création est reconnue. Ces motifs,
joints à ceux de haute politique, qui ont été suffisamment développés dans le
cours d’une aussi longue discussion, me déterminent à voter pour l’article premier,
au-delà duquel je n’étendrai pas pour le moment mes observations.
M. Dumortier. -
Messieurs, je ne puis m’empêcher de répondre quelques mots à ce qu’a dit
préopinant. Il a parlé de petites passions ; il a trouvé étrange qu’on pût
traduire certains députés à la barre de la chambre. Je demanderai qui dans
cette discussion a parlé de petites passions, et s’est permis de traduire des
députés à la barre de l’assemblée. Ne sont-ce pas ceux qui sont venus reprocher
de petites passions aux députés d’une province, qui certes souffrira beaucoup
du vote émis dans la séance d’hier ? Nous avons certainement droit de nous
plaindre, nous à qui on enlève et notre commerce et notre industrie. Ce n’est
pas à celui qui vient sur une grande route s’emparer de la bourse d’un voyageur
à lui reprocher de la susceptibilité, et de petites passions, quand il cherche
à la défendre !
L’honorable membre
trouve très mauvais que j’aie signalé à l’assemblée que la ville de Verviers
soit venue s’interposer dans la route projetée entre Anvers et Bruxelles. Je
répète ce que j’ai dit, que c’est une chose inexplicable qu’une ville qui est à
25 ou 30 lieues de Bruxelles, se soit opposée à la construction de cette
nouvelle communication. On a dit que le péage était trop élevé. Qu’est-ce que
cela faisait à Verviers ? si Bruxelles et Anvers avaient trouvé le péage trop
élevé, j’aurais compris que ces villes vinssent réclamer ; mais quand les
villes qui seules étaient intéressées dans la question, regardaient l’établissement
de cette communication comme un bienfait, il faut reconnaître que Verviers
avait fort mauvaise grâce à venir s’y opposer. C’est cependant ce qu’elle a
fait, c’est cette ville qui s’est opposée à ce qu’une route en fer fût établie
de Bruxelles à Anvers.
Ceci vous prouve jusqu’à
l’évidence, combien j’ai eu raison de signaler la conduite non pas de toute la
ville de Verviers, comme on l’a supposé, mais des personnes intéressées dans la
question, qui préfèrent faire faire par l’Etat une dépense de 50 à 60 millions,
plutôt que n’avoir pas une route en fer par Verviers.
Le préopinant a répondu
quelques mots à ce que quelques-uns de mes honorables collègues et moi nous
nous avons dit des actions de la route sur
Il paraîtrait que nous
aurions dit que les porteurs ont acheté leurs actions à 30 p. c. de bénéfice.
Le préopinant donne à cette assertion un démenti formel. Je ferai observer que
le démenti est tout à fait gratuit, car je n’ai entendu personne dire que les
actionnaires eussent acheté leurs actions à 30 p. c. de bénéfice, mais j’ai
entendu dire que les actions avaient perdu 30 p. c. de leur valeur. Les
porteurs de ces actions les ont conservées, mais elles n’ont plus leur valeur
primitive. Ce que nous avons dit encore, et ce que je répète, c’est que les
actionnaires feront rembourser leurs actions intégralement et feront une bonne
affaire là où ils n’en avaient fait qu’une très mauvaise.
En
définitive, ses accusations, je les lui renvoie, et quant aux petites passions
avec lesquelles il dit qu’il est difficile d’exécuter de grandes choses, je
répondrai pour mon compte que là où l’intérêt personnel prédomine à ce point de
n’être occupé que de la pensée de venir manger au festin du budget, il est
impossible de faire de grandes choses.
C’est assez causé pour
aujourd’hui de la route en fer, les grands intérêts qui nous ont occupés dans
le commencement de cette séance, sont d’une bien autre importance. On devrait,
pour abréger la discussion, faire imprimer les amendements déposés sur le
bureau, afin que chacun pût en prendre connaissance, et renvoyer la discussion
à demain.
M.
Legrelle. - Il est impossible de discuter en ce moment. Je prie
M. le président de vouloir bien inviter les membres qui auraient d’autres
amendements à présenter de les déposer, afin qu’ils puissent être imprimés tous
en même temps et que chacun soit à même d’en prendre connaissance, car les
amendements qui surgissent au milieu d’une discussion ne peuvent pas être
appréciés.
M.
de Robaulx. - Si on convient que la multiplicité des amendements
ne permet pas de les discuter avec clarté, et d’examiner à quel amendement on
doit se rallier, il serait utile que la section centrale fût saisie de ces
amendements et que demain à l’ouverture de la séance elle fît un rapport. Comme
le gouvernement s’est rallié à la proposition de la section centrale, le
ministre se rendra dans le sein de la section, on entendra chaque auteur
d’amendement ; plusieurs pourront se réunir, et cela évitera une longue
discussion.
Il n’y a pas de moyen de
terminer si les amendements se succèdent à la séance, et se discutent comme
aujourd’hui, tandis que, quand ces amendements seront coordonnés, on saura sur
quoi faire porter la discussion.
M. Smits, rapporteur. - Il sera impossible de faire un rapport demain à l’ouverture de la
séance, car les développements seront dans le Moniteur qui ne sera distribué que vers 11 heures ou midi. Il faut
le temps d’examiner ces développements.
M.
de Robaulx. - Les auteurs des amendements se rendront à la
section centrale.
M.
de Theux. - Je ne pense pas que les amendements présentés
amènent une grande complication dans la discussion. Ces amendements sont de
diverses catégories. Les députes du Hainaut demandent des indemnités en
conséquence de l’adoption du principe voté hier. Ces amendements paraissent
être étrangers au système de la section centrale ; il s’agira de les apprécier
dans la discussion de demain. Quant aux autres amendements, ils sont au nombre
de trois et ont pour but de déterminer les sections par lesquels les travaux
devront être commencés. Il sera facile de les apprécier ; il est inutile de les
renvoyer à la section centrale.
M. le
ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne vois pas
d’inconvénient à ce que les amendements déposés et ceux qui pourraient l’être,
soient renvoyés à la section centrale, à la condition qu’elle présenterait son
rapport demain, à l’ouverture de la séance. Les auteurs des amendements, le
ministre et MM. les commissaires du Roi pourraient se rendre dans son sein et
préparer un bon terrain à la discussion pour la prochaine séance. J’appuie le
renvoi proposé.
M. Smits,
rapporteur. - Si la
chambre veut se contenter d’un rapport verbal, je ne m’oppose pas au renvoi.
- Le renvoi des
amendements à la section centrale, est mis aux voix et adopté.
La séance est levée a 3
heures un quart.