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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 22 mars 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif au chemin de fer. (A : utilité du chemin de fer (notamment pour le commerce de transit avec l’Allemagne) ; B : tracé du chemin de fer ; B+ (idem (au détriment de la province du Hainaut et/ou de ses mines de charbon) ; C : mode d’exécution du projet (initiative privée ou publique) ; D : coût et rentabilité ; E : liaison avec le chemin de fer prussien) (construction de routes ordinaires, B+ et péages sur les canaux, C (de Puydt), D, A (+orangisme) (A. Rodenbach), A, C (Angillis), nécessité d’une enquête préalable, A, D (Doignon), B, B+ et péages sur les canaux (notamment de Charleroy) (de Robaulx), B+ et péages sur les canaux (notamment de Charleroy) (Rogier, de Robaulx, Rogier), A, C (de Brouckere), A, traité du 15 novembre 1831, D, B+ (Coghen), B+, D (Dumortier, Rogier), B (Dumortier), B+, orangisme, péages sur les trois canaux du Hainaut, B+ (Gendebien), C (de Robaulx, d’Huart, de Brouckere, Jullien, Verdussen, Gendebien)
3) Interpellation relative aux mouvements de l’armée hollandaise (Gendebien)
(Moniteur belge n°83, du 24 mars 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait
l’appel nominal à midi et demi.
M.
Dellafaille lit le
procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait
l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Neuf
propriétaires de la province de Namur réclament contre la valeur exagérée
donnée par les employés du cadastre au revenu des bois dans cette
province. »
- Renvoyé à la
commission chargée de l’examen des opérations cadastrales.
___________________
« Les notaires de
la ville de Liège réclament contre une disposition du projet de loi relatif à
la circonscription des justices de paix, et qui introduit des changements à la
loi de ventôse an XI. »
- Renvoyé à la
commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des
justices de paix.
__________________
« Le sieur Canoy
transmet des observations sur le projet de loi concernant l’organisation
communale. »
__________________
« Le conseil de fabrique
et le bureau de bienfaisance de la commune de Rouguières (Hainaut) demandent
que la chambre prolonge le terme de renouvellement des titres de rentes. »
__________________
« Trois habitants
de Fleurus demandent que la chambre prenne une disposition qui proroge l’époque
fixée pour le renouvellement des titres de rentes. »
___________________
« Le sieur
Lollement, agent d’affaires à Namur, demande que la prescription trentenaire de
l’article 2262 du code civil soit prorogée sans retard. »
___________________
- Ces dernières
pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. -
La discussion générale est close ; nous allons passer à la discussion des
articles.
L’article premier est
ainsi conçu :
« Il sera établi
immédiatement dans le royaume un système de chemin en fer, ayant pour point
central Malines, et se dirigeant à l’est
vers la frontière de Prusse, par Louvain, Liége et Verviers, au nord, par
Anvers ; à l’ouest, par Ostende, Termonde, Gand et Bruges ; et au midi, par
Bruxelles et vers les frontières de France. »
Un amendement vient
d’être déposé sur le bureau par M.
de Puydt. Le voici.
« Art. 1er. Le
gouvernement est autorisé à faire, par le perfectionnement du système de
communications intérieures, les travaux neufs et les modifications ci-après aux
voies existantes, savoir :
« A. Des routes en
fer, partant d’Ostende et se rendant à la frontière de Prusse par Bruges, Gand,
Malines, Louvain, Liége et Verviers, avec embranchement de Malines sur Anvers
et sur Bruxelles.
« B. Des routes
ordinaires, dans chaque province, ayant le développement suivant :
« Dans
« Dans
« Dans le Hainaut,
20 lieues ;
« Dans le Brabant,
20 lieues ;
« Dans la province
d’Anvers, 30 lieues ;
« Dans la province
de Liége, 25 lieues ;
« Dans la province
de Namur, 25 lieues ;
« Dans le Limbourg,
30 lieues ;
« Dans le Luxembourg,
30 lieues ;
« Total, 250
lieues.
« Les péages des
canaux du Hainaut seront réduits au même taux que ceux de la route en fer de
Liége vers les Flandres. »
« Art. 2. Les
travaux des chemins de fer seront mis en concession à perpétuité par
adjudication publique.
« Le rabais de
l’adjudication aura lieu sur le tarif de péage.
« Ce tarif sera
divisé en trois catégories :
« 1° Transport et
transit pour l’Allemagne et
« 2° Produits de
l’industrie indigène destinés à l’exportation,
« 3° Produits étrangers
et indigènes destinés à la consommation intérieure. »
« Art. 3. Le
gouvernement pourra réduire le maximum du tarif de la concession, quand les
besoin du commerce extérieur l’exigeront.
« Il sera pris, le
cas échéant, tels arrangements que de droit avec les concessionnaires, pour
opérer ces réductions. »
M. de Puydt. -
L’amendement que je présente est divisé en trois articles qui embrassent des
dispositions comprises dans les 1° et 3° du projet de la section centrale.
Je n’ai pas cru devoir
séparer ces dispositions au moins dans les développements à l’appui de ma
proposition ; on pourra le faire pour la discussion.
Le but de tous les
membres de cette chambre, partisans ou adversaires du projet du gouvernement,
c’est de donner aux communications qu’on voudrait établir la plus grande
utilité possible ; c’est ce but que j’ai eu en vue, et je crois avoir rencontré toutes les
objections qui ont été successivement jetées dans la discussion générale.
Les partisans d’une
route de transit trouvent la réalisation de leurs vœux.
L’intérêt local le plus
froissé par le projet, celui de la province de Hainaut sera satisfait par la
baisse de péage des canaux qui lui donnent accès sur le marché qui doit devenir
commun aux produits de Liége.
Enfin, considérant
moi-même l’établissement de communications nouvelles, plutôt dans leur rapport
avec l’industrie indigène que sous celui du commerce de transit, ce qui
nécessite l’obligation de compléter ce système de voies intérieures, je crois
ce but atteint par le développement que je propose, parce que chaque province
devra une plus grande activité de travail à ce système ; les produits se
perfectionneront sur la diminution des frais de transport, et nous serons plus
en mesure d’entrer promptement en concurrence avec tous nos rivaux.
En abaissant le tarif
des canaux du Hainaut, on met les transports de cette province au niveau de
ceux de Liège sans avoir besoin d’y construire des chemins de fer ; car les
indemnités à payer aux concessionnaires et le capital représentant la
diminution des produits sur les canaux que possède le gouvernement ne s’élèvent
pas en somme à la dépense exigée pour la branche de chemin de fer que le pays
destine au Hainaut. Or, si l’on juge qu’il y a équité à comprendre le Hainaut
dans le système de communications nouvelles il doit être rationnel de chercher
à atteindre le but par les voies existantes en leur donnant un plus grand degré
d’utilité.
Voila les motifs qui
fondent la proposition comprise dans l’article 1er de mon amendement. Il me
reste à m’expliquer sur le mode d’exécution.
Parmi les raisons
alléguées par le gouvernement pour repousser l’exécution par les compagnies, la
plus saillante est celle qui porte sur la nécessité de rester maître des tarifs
dans l’intérêt du commerce extérieur.
Je crois avoir satisfait
à ce besoin par une concession dont le tarif est divisé en catégories.
En effet, les transports
en transit sont les seuls qui peuvent être influencés par la concurrence
étrangère. Il suffit dès lors de mettre cette catégorie du tarif à la merci du
gouvernement, et si les événements exigent une réduction, les sacrifices qui en
résulteraient de la part du gouvernement seraient très minimes, comparés à ce
qu’ils devraient être si ces catégories n’étaient pas adoptées. Une réduction
sur une seule espèce de transports bien distincts modifierait peu l’ensemble
d’une concession ; d’où il suit qu’un article de la loi accordant une telle
faculté au gouvernement ne sera pas un obstacle à la participation des
compagnies.
L’exécution des routes
ordinaires accordée aux provinces stimulera dans les provinces l’activité des
administrations.
Ces routes sont
indispensables. Il n’y a pas un député dans cette chambre qui puisse et qui
veuille en contester l’utilité ; il n’y a personne qui ne comprenne que
l’établissement du chemin de fer ouvrant la route de l’Allemagne à nos
produits, cette utilité est devenue urgente.
Je n’ai point spécifié
les routes à faire, et me suis borné à indiquer une longueur totale, afin d’avoir
une règle pour la répartition des fonds : cette longueur est en rapport avec
les différentes propositions connues, avec les projets déjà mentionnés dans les
budgets.
On fixera un délai dans
lequel des projets successifs devront être présentés, et l’emprunt ne devra
être réalisable qu’à mesure des adjudications, mais de manière à ne pas
dépasser un terme de cinq ans.
Ainsi, par exemple, dans
chaque province, il y a déjà aujourd’hui des projets de routes arrêtés et dont
l’exécution pourra être commencée dans l’année. En réalisant un tiers de
l’emprunt après la promulgation de la loi, on pourvoira immédiatement à la
confection de cette première partie des routes. Pendant l’année suivante, on
aura tout le temps de se mettre en mesure pour les parties qui devront
successivement compléter le système entier.
La concession paraît
n’avoir pas été comprise jusqu’à présent par beaucoup de membres de l’assemblée
; il est donc nécessaire de s’expliquer sur ce point.
Nous avons demandé que
les constructions nouvelles fussent confiées à l’industrie privée, non par
concessions temporaires et avec un péage élevé, mais par concessions à long
terme, perpétuelles même, et au moyen d’un péage modéré.
L’intention du
gouvernement n’a jamais pu être de renoncer à faire produire à la route
l’intérêt de sa dépense première et les frais d’entretien et d’administration.
Il est donc bien entendu que le gouvernement lui-même percevra un péage sur
cette route. Or, ce péage destiné à couvrir les dépenses et intérêts dont il
s’agit, c’est précisément le péage d’une concession perpétuelle.
La concession
perpétuelle a cela d’avantageux qu’elle offre aux capitalistes un placement
assuré par la durée de possession, et qu’elle ne nécessite pas d’amortissement
; son produit se réduit donc au simple intérêt.
Employer un semblable
mode ce n’est donc pas surcharger le commerce, puisque le concessionnaire ne
percera pas plus que le gouvernement lui-même ; tandis que cela assure une
exécution prompte et soignée sous la surveillance et la garantie de l’intérêt
privé, en débarrassant l’Etat d’une responsabilité dont il faut éviter de le
charger.
Supposons ce mode admis,
supposons le péage établi d’après la base indiquée ; supposons en outre, et
quelque temps après l’ouverture du chemin de fer, une baisse dans le fret du
transit par
Voilà, messieurs, la
concession comme nous l’entendons ; la voilà comme elle aurait été comprise
depuis plusieurs jours, si les organes du gouvernement ne s’étaient pas attachés
par des généralités subtiles à détourner l’attention, à dénaturer nos
propositions, à nous prêter des intentions que nous ne pouvons avoir, et
surtout à vous effrayer par des fantômes.
Je ne dirai rien en
faveur des concessions comme exécution, parce que les faits parlent plus haut
que les discours.
Un
concessionnaire exécute par lui lui-même et pour lui-même. Il doit entretenir
sou ouvrage ; il est donc intéressé à le faire bon et solide. Il n’y a personne
ici qui ne sache faire la distinction entre ce qui est exécuté par entreprise
et ce qui est exécuté sous la surveillance intéressée du propriétaire. Si vous
avez une maison à acheter, votre premier soin est de vous enquérir comment elle
a été faite ; et certes, toutes choses égales, vous préférerez acheter la
maison que le propriétaire a construite pour son usage et avec la sollicitude
du père de famille plutôt que celle faite en entreprise, dût cette dernière
coûter moins.
La route faite en
concession, c’est la maison du père de famille.
La route faite par le
gouvernement, c’est la maison à l’entreprise.
Messieurs, si l’on
essayait de contredire cette assertion par des exemples bien ou mal appliqués,
alors je répondrais.
M. A. Rodenbach. -
Messieurs, je ne combattrai point l’amendement que vient de déposer sur le
bureau mon honorable collègue M. de Puydt, parce que son projet est trop
colossal pour pouvoir être réfuté sans une étude préalable. Quand il s’agit de
construire dans le royaume 150 lieues de route en fer, qui doivent au moins
coûter de 60 à 70 millions de francs, il faut un temps moral pour examiner
l’utilité d’une proposition aussi gigantesque. Je me bornerai à discuter l’art.
1er de la section centrale, auquel s’est rallié le ministère.
En thèse générale, messieurs,
personne n’a victorieusement réfuté l’utilité des chemins de fer. En
Angleterre, en France, en Allemagne et même en Hollande, les ingénieurs sont
occupés à faire des plans ou d’exécuter des railways ;
Si l’on pouvait me
persuader, messieurs, que le mouvement commercial et le grand nombre des
voyageurs ne couvriraient pas l’intérêt de l’emprunt et les dépenses de
construction et d’entretien de la route en fer, je me prononcerais de toutes
mes forces contre le projet, parce que je ne voudrais pas voir augmenter d’un
centime les charges du peuple pour un chemin dont le commerce devrait supporter
toutes les dépenses puisqu’il en aura tout le profit. Mais je dois appuyer le
système d’une route nationale, parce que les calculs de MM. Simons et de Ridder
me prouvent que la route d’Anvers rapportera annuellement 1,400,000 francs,
évaluation qu’on n’a pas su combattre. L’ornière en fer de Malines à Ostende donnera
un produit d’au moins 500,000 francs ; les frais d’entretien et l’intérêt
coûteront 600,000 francs ; mais, en y ajoutant le produit du transit, le
transport des lettres, et en mieux évaluant le nombre des voyageurs et le
mouvement commercial du poisson, la route rapportera 700,000 francs, ce qui
fait un excédant de cent mille francs. Le revenu de la communication d’Ostende
à la frontière de Prusse sera de plus de deux millions.
On demande 8 millions et
demi d’Ostende à Malines et 16 millions et demi d’Anvers à Verviers, ensemble
25 millions ; mais pour me rapprocher du chiffre de l’ingénieur en chef, M.
Vifquain, je majorerai encore la dépense d’un million, et je porterai le coût
d’Ostende à Verviers à 26 millions, eu égard aux mécomptes que pourraient avoir
faits MM. Simons et de Ridder. Quant au fait qu’a signalé M. Dumortier,
relativement à l’indemnité d’un million à accorder aux concessionnaires de la
route de Verviers à la frontière de Prusse, le million de diminution offert par
les maîtres de forges sur le prix du fer couvrira cette dépense. Donc 26
millions destinés à la construction de la route, à un intérêt de 5 p. c.,
donneraient 1,300,000 fr. ; par conséquent il resterait encore par an un
excédant de 6 à 700,000 fr., non compris le droit de transit d’Anvers à
On a beaucoup exagéré,
messieurs, le coût des ornières de fer. D’après les citations de M. Dumortier,
il faudrait de 60 à 80 millions pour 82 lieues ; d’après M. de Puydt, 145,000
francs par kilomètre, ce qui fait 725,000 francs par lieue. Dans une brochure
qui a paru naguère, on lit que les railways à une voie coûtent terme moyen en
Angleterre 80,000 fr. par kil., 5 kil. par lieue., fait 400,000 fr. par lieue.
En France, ils coûtent 114,000 fr. par kil., ou par lieue 570,000 francs. Des
calculs portent le coût en Belgique, les terrains acquis et les déblais
exécutés, à environ 100,000 fr. par kilomètre, soit par lieue un demi-million.
Mais il y a aussi dans
La société rhénane
trouve encore ce prix exagéré. Ne soyons donc point effrayés quand on nous
avance inconsidérément que c’est une dépense de 60 à 80 millions.
Il y va, messieurs,
d’une révolution commerciale au profit de
On vous l’a déjà dit,
messieurs,
La vérité est que par
beurtman le fret par tonneau coûte de 6 à 9 fr. d’Ostende à Louvain ou
Bruxelles, et que le trajet dure bien souvent plus d’une semaine, tandis que
par le chemin de fer le fret du tonneau coûtera dix francs ; mais le trajet se
fera en 7 heures au lieu de 7 jours. Quant aux bâtiments de mer, ils ne peuvent
point naviguer de Bruges à Gand, attendu que le canal n’a que
D’après ces considérations, j’acquiescerai au principe
des chemins en fer. Ce sera un moyen d’arriver à la fusion des partis et
d’amener à vous les orangistes ; car, en leur ouvrant des débouchés, vous les
aurez mis à même de gagner de l’argent, et c’est tout ce qu’ils désirent.
M. Angillis. -
Messieurs, il m’est impossible d’apprécier en de moment l’amendement proposé
par M. de Puydt ; une lecture rapide ne m’a pas permis de saisir tout ce qu’il
peut renfermer d’utile ; il faut donc qu’il soit examiné avec toute avec la
même maturité que le projet. En attendant, je m’expliquerai sur l’article
premier en discussion. Après une discussion tour à tour théorique, éloquente,
abstraite et excessivement longue, il ne m’appartient pas d’occuper longtemps
l’assemblée de mes observations. Je ne dirai donc que quelques mots pour
motiver mon vote et satisfaire à mes devoirs comme député de la nation.
L’utilité, voire même la
nécessité d’un chemin de fer sur le sol de
Toutes ces vérités,
messieurs, ont été combattues avec talent, mais l’éloquence est une grande
magicienne ; elle change la couleur des choses, cependant elle n’en saurait
changer le fond, l’essence, le principe. C’est le principe qu’il importe aux
esprits bien faits de consulter ; de cette manière on découvrira la vérité, et
l’utilité du chemin en fer est démontrée.
L’établissement d’un
chemin en fer rencontre des adversaires redoutable, des hommes honorables, avec
la plupart desquels je suis dans l’habitude de voter, et auxquels j’ai voué
toute mon estime. Je suis le premier à rendre justice à leurs intentions, mais
je dois déclarer que les motifs qu’on a fait valoir avec tant de force et de
savoir n’ont point porté la conviction dans mon âme, et si nous devions rejeter
toutes les lois qui contrarient nos idées ou nos systèmes personnels, notre législation
constitutionnelle ne serait qu’une vaine théorie inutile et impossible dans la
pratique. II me semble, au contraire, que la raison veut que nous donnions
notre assentiment à une loi qui, reconnue utile et nécessaire, ne présente
aucun inconvénient tellement grave, qu’il couvre l’utilité générale qu’elle
doit produire.
Une objection
extrêmement importante a été faite contre le projet, c’est qu’il tendrait à
faire souffrir une perte notable à toute une province ; il m’est impossible,
messieurs, de partager cette opinion, et si je la croyais fondée, je me
hâterais de rejeter la loi tout entière ; car une loi qui ferait souffrir non
pas toute une province, mais la plus chétive commune du royaume, serait une loi
de mensonge, une loi tyrannique qui ne pourrait jamais faire partie de la
législation d’un peuple libre. Mais je le déclare, malgré toutes les raisons
qu’on a fait valoir en faveur de cette opinion, malgré l’éloquent discours d’un
de mes honorables amis, le point important ne m’est nullement démontré ; au
contraire,, en prolongeant cette route jusque dans le Hainaut, cette province
profiterait pour une large part du bien que cette route doit produire au pays.
On a dit aussi que
l’agriculture ne pourra rien gagner à l’établissement de la nouvelle route,
parce que nos cultivateurs ne peuvent pas vendre le produit des récoltes en
Allemagne. Ceci est vrai ; mais il n’est pas exact de dire que l’agriculture ne
profiterait pas du chemin, car les cultivateurs qui n’en demeurent qu’à deux ou
trois lieues, et leur nombre sera considérable, pourront, à peu de frais,
vendre leurs denrées sur les marchés éloignés que la route traversera, et où le
prix de ces denrées sera plus élevé. D’un autre côté, on ne doit pas oublier
que
Je
n’ai donc pris la parole que pour qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions
lors du vote définitif. Je le déclare dés à présent, mon vote sur le projet
dépendra du mode qu’on adoptera pour l’exécution de cette entreprise ; et si on
ne change pas totalement les dispositions de l’article 3 du projet, mon vote
sera négatif. Je m’expliquerai lors de la délibération sur cet article, me
réservant de présenter, s’il le faut, un amendement pour changer le mode
d’exécution que le projet propose.
M. Doignon. - Je me
bornerai à vous indiquer un seul motif qui me détermine à rejeter l’article
premier du projet de loi en discussion ; c’est qu’il n’existe aucune enquête
sur le système général des chemins de fer, ce qui est contraire à tons les
usages parlementaires en pareil cas. En Angleterre, notamment, l’enquête ne
fait aucun doute ; dans toutes les circonstances semblables, il est procédé à
une enquête ; et même, d’après votre loi de 1832, l’enquête est ouverte
lorsqu’il s’agit d’une communication de commune à commune simplement.
Nous n’avons pour
éléments que les mémoires et les documents fournis par MM. de Ridder et Simons
: il est inouï et contraire à toutes les règles de voir une législature fonder
son opinion sur les seules déclarations et affirmations de deux individus.
L’enquête préalable était donc évidemment indispensable. Les débats qui ont eu
lieu pendant la discussion générale ont dû prouver que l’instruction faite est
incomplète, qu’elle est insuffisante, et que l’on n’a pas procédé comme on
aurait dû le faire.
Ainsi que l’a dit M. de
Theux, il est réellement incertain si cette vaste entreprise sera avantageuse
ou onéreuse au pays : nous manquons d’expérience, et il y aurait imprudence à
nous de nous engager sans enquête dans un tel système, lorsque le pays n’a
aucun antécédent qui puisse servir de base pour l’évaluation de la dépense et
des produits. Le gouvernement devait consulter les intéressés, les industriels,
seuls compétents pour juger cette matière ; il devait consulter l’agriculture
qui occupe les quatre cinquièmes de notre population, toutes les professions en
général et toutes les provinces, et notamment les provinces qui possèdent des
mines et dont le sort est entièrement lié au projet en discussion. En économie
commerciale, il est un principe tout spécial, c’est que la minorité ne doit pas
être sacrifiée à la majorité, et qu’au contraire la majorité doit souffrir pour
conserver la minorité.
La question des chemins
de fer est une question immense qui embrasse tous les intérêts matériels, et
domine tout notre avenir ; elle est destinée à amener une révolution dans
toutes les branches de l’industrie et du commerce ; une question aussi
extraordinaire exigeait une instruction également extraordinaire.
Le gouvernement devait
donc faire une enquête, et même provoquer une enquête parlementaire.
On nous a dit que le
système de chemin en fer devait constituer le pays sous le rapport matériel :
eh bien, quand il s’est agi de notre constitution politique, la nation a créé
un congrès avec des pouvoirs spéciaux ; et aujourd’hui qu’on propose aux
chambres une constitution aussi importante, pourquoi le gouvernement n’a-t-il
pris aucune précaution ? pourquoi veut-il nous faire prononcer sur la parole de
deux ingénieurs ?
La presse, dira-t-on, a
suffisamment éclairci la question ; mais les journaux ont présenté des systèmes
plus ou moins opposés les uns aux autres ; ils nous ont offert des chiffres,
des faits contradictoires ; au milieu de tout cela, la législature ne peut
asseoir une opinion ; c’est donc à la chambre à faire elle-même son
instruction, c’est à elle à remonter à la source de tous les renseignements. Ce
n’est point sur des gazettes, sur des brochures d’anonymes que nous pouvons
nous former une opinion. Quelles sont les pièces que l’on produit pour juger ce
grand procès ? Ce sont toutes pièces émanées de la partie intéressée du
gouvernement, de ses ingénieurs.
Pouvons-nous prononcer
sur une question aussi grave d’après de simples assertions ?
Vous devez avoir
remarqué le désaccord qui existe entre les agents même du pouvoir. M. Vifquain
s’est fortement prononcé contre le système adopté par les sieurs Simons et de
Ridder, ses élèves et ses subordonnés. Il a réfuté victorieusement leur système
dans un mémoire, et ils sont encore à répondre à leur maître, ou bien ils
répondent à la question par la question. Par exemple. M. Vifquain dit dans son
mémoire que dans les actes de concession le gouvernement peut insérer des
stipulations pour la garantie des intérêts généraux, pour poser des bornes au
gain des compagnies ; MM. Simons et de Ridder répondent que des clauses
semblables sont possibles, mais ils prétendent qu’elles seraient éludées devant
les tribunaux. Mais, messieurs, si les clauses sont rédigées d’une manière
claire et précise, comme elles doivent l’être, elles ne seront pas éludées. Le
gouvernement trouvera justice devant les tribunaux aussi bien que les
particuliers. Vous voyez donc que cette réponse est puérile ; il en est de même
d’une infinité d’autres.
Vous avez encore
remarqué que dans cette assemblée nous possédons un très petit nombre de
membres possédant des connaissances spéciales sur la matière : cependant nous
ne pouvons pas nous fixer sur la seule opinion de l’un ou de l’autre de nos
collègues ; le législateur ne peut pas plus baser son jugement sur l’opinion de
M. de Puydt que sur celle de M. Teichmann ; il faut donc, je le répète, que la
chambre fasse son instruction elle-même.
MM. Simons et de Ridder
procèdent d’une manière singulière. Voilà nos calculs ; vous devez les prendre
pour vrais jusqu’à preuve contraire, disent-ils. Mais c’est à ces messieurs,
d’abord, qu’il importe de justifier leurs chiffres ; jusqu’à ce qu’ils les
aient justifiés, ils doivent être considérés comme incertains, sinon comme
suspects.
Ils croient que c’est à
nous à vérifier leurs chiffres, en faisant des recherches dans les documents
administratifs : ils sont, à cet égard, dans une grande erreur ; c’est à eux à
démontrer les éléments et les bases de leurs chiffres, sans quoi ils ne sont
rien pour la législature. Ils viennent ici poser en fait que les droits de
péage, d’octroi, de transit, s’élèvent à telle somme, et il faudrait les croire
sur leur simple allégation. Ils ont dit, par exemple, que la quantité de
poisson arrivant à Bruxelles donnait telle somme ; et c’est en séance publique
qu’ils viennent déclarer qu’ils ont puisé ces chiffres au bureau de l’octroi.
Mais depuis longtemps n’auraient-ils pas dû donner les documents sur lesquels
ils appuient leurs données ?
M. Vifquain a très bien
démontré dans son mémoire qu’il fallait une enquête pour évaluer la dépense et
fixer les péages. MM. Simons et de Ridder ont encore donné des explications sur
les terrassements et sur la quantité et la valeur des terres à exproprier ;
mais tout cela se présente en séance publique. C’était aux sections que tous
les documents devaient être fournis. Ils ont déclaré sur ce point qu’ils
n’avaient que des feuilles volantes, et qu’ils les déposeraient sur le bureau ;
mais ce n’est pas ainsi qu’on éclaire une assemblée législative. Je suis étonné
que M. le ministre de l’intérieur n’ait pas compris que cette manière de
procéder était tout à fait vicieuse et irrégulière.
Au total il est constant
que nous n’avons pas d’enquête ; il n’est existe aucune.
M.
de Robaulx. - Cela est vrai.
M. Doignon. -
Lorsque le ministre de l’intérieur a pris des renseignements près des chambres
de commerce, il n’était question alors que de sa proposition de juin 1833 ;
mais actuellement il s’agit d’une toute autre proposition. D’ailleurs, les
chambres de commerce ne peuvent pas faire une enquête ; elles sont nommées par
le gouvernement, et l’enquête doit être faite par des personnes indépendantes
du pouvoir.
Nous avons de justes
motifs de nous défier du ministère : son impatience d’avoir le projet nous le
prouve. Il y a quelque temps, ne voulait-il pas nous le faire discuter dans les
24 heures, sans nous donner le temps d’examiner le volumineux dossier qui
l’accompagnait. Et l’un de nos collègues, vous vous le rappelez, a traité cette
manière de procéder de surprise.
Aujourd’hui
vous entendez les promesses que l’on fait à toutes les provinces de leur donner
des embranchements : je n’ai pas foi en ces promesses : si j’en dois croire
certaines personnes bien informées, on n’exécuterait que le chemin d’Anvers à
Verviers, et le surplus serait négligé. Ce qui rend cette opinion
vraisemblable, c’est le dire de M. Teichmann, inspecteur-général des ponts et
chaussées : il a déclaré dans cette enceinte qu’il était impossible de couvrir
la dépense des sections de Gand à Ostende, et de Bruxelles au Hainaut, avec les
produits de ces routes : or, je vous le demande, s’il s’agit de grever le
trésor, d’augmenter nos impôts, il est hors de doute que la législature et le
gouvernement lui-même reculeront devant de ces embranchements.
Quand on considère d’autre
part les efforts et les démarches que l’on fait pour faire accueillir la
proposition du gouvernement, je pense qu’il y a lieu d’être circonspect dans la
circonstance actuelle. A défaut d’enquête préalable, je voterai donc contre le
projet.
M.
de Robaulx. - Il vient de surgir un amendement qui paraît être
un système tout entier ; comme il ne m’a été communiqué, il m’est difficile de
l’apprécier. Si je parle, c’est principalement pour adresser une interpellation
au ministre et connaître enfin ce qu’il veut relativement au chemin en fer et
relativement aux canaux.
Dans tout le cours de la
discussion on a longuement disserté pour savoir là où le chemin en fer devait
être établi : chaque localité a réclamé en sa faveur ; et presque toutes
reconnaissent cependant que si l’on le fait aussi étendu que la section
centrale le propose, la route en fer sera une charge insupportable pour l’Etat.
Il faut donc que le ministre nous dise quelles seront les provinces qui auront
des embranchements, car en promettre à toutes ce ne peut être qu’une
tactique...
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - C’est la section centrale qui a établi la direction
des sections et leur nombre.
M.
de Robaulx. - Le ministre n’avait donc pas l’intention de faire
une route d’Ostende à Malines, ni de Bruxelles au Hainaut ; c’est la section
centrale qui a propose de contenter tout le monde : le ministre a admis la
proposition de la section centrale afin d’obtenir la majorité ; c’est un piège.
Une chose que l’on a peut-être trop oubliée est une assertion sortie de la
bouche d’un des commissaires du Roi, de M. Simons ; il a reconnu avec les
adversaires du chemin en fer qu’en Angleterre les canaux obtiennent la
préférence sur les chemins en fer et sont plus profitables au commerce, parce
que les canaux sont amortis dans cette contrée : eh bien, je ferai d’abord une
réflexion, c’est que sur une partie des points que doit parcourir la route
projetée, les canaux sont amortis. Ensuite je demanderai s’il ne conviendrait
pas de savoir jusqu’à quel point il faudrait amortir les canaux avant de
procéder à l’érection du chemin en fer.
Par exemple, si, comme
le ministre et les partisans du chemin de fer nous l’ont dit, on se propose de
diminuer les péages sur les canaux du Hainaut, de manière que cette province
puisse concourir avec Liége sur la place d’Anvers, je demande à M. le ministre
s’il a dans son portefeuille les renseignements nécessaires pour fixer ce que coûtera
à l’Etat le rachat des péages sur les canaux. Sait-il si les concessionnaires,
ceux de Charleroy par exemple, sont disposés à consentir volontairement,
moyennant une indemnité, la diminution des péages qui leur sont dus en vertu de
leurs concessions ?
Dès lors, j’interpelle
le ministre. Je demande s’il a pris les renseignements nécessaires, afin de
connaître le montant de l’indemnité qu’il y aurait à voter pour réduire les
droits exorbitants qu’on perçoit sur les différents canaux du Hainaut, alors même
qu’on n’y passe pas. Si vous avez pris ces renseignements, et que vous vouliez
qu’on ait foi dans vos paroles, il faut que le projet de loi renferme le vote
des millions ou centaines de mille francs qu’il faudra affecter à l’abaissement
des péages. Car si on vote la somme destinée à donner au commerce de Liège une
communication qui lui permette d’entrer en concurrence avec les produits du
Hainaut, il faut en même temps voter par contrepartie les fonds nécessaires
pour que cette concurrence ne soit pas la destruction du commerce du Hainaut.
Voilà comme les députés du Hainaut sont justes, et comme le gouvernement ne
paraît pas vouloir l’être. Si on reconnaît que le chemin de fer doit
transporter à Anvers, à raison de deux ou trois francs, une certaine qualité de
charbon provenant d’une localité qui, jusqu’à présent, n’en fournissait pas sur
ce marché, et que la même quantité de charbon venons du Hainaut, qui
fournissait presque exclusivement Anvers, coûte 7 fr. de transport, vous sentez
qu’on a mauvaise grâce à crier haro sur le Hainaut et ses députés, quand ils
veulent éviter une ruine certaine. Ils sont en cela plus raisonnables que leurs
adversaires, car ils disent : Nous faciliterons le développement du commerce
des autres localités ; nos extractions sont suffisantes pour nous permettre de
ne pas craindre la concurrence, mais ne nous forcez pas à concourir à notre
destruction en nous faisant payer par contribution les sommes nécessaires pour
la consommer. Voilà, je le répète avec mon honorable collègue et ami M.
Gendebien. ce que nous ne souffrirons pas. Chaque fois qu’on nous
placera entre la légalité et notre ruine, nous ne nous résignerons pas à notre
destruction, nous ne nous soumettrons pas à une loi qui nous ferait payer
l’anéantissement de notre commerce et de nos capitaux. Voilà en quel sens
j’adopte les considérations de l’honorable M. Gendebien, qu’on a regardées
comme des menaces.
Je ne pense pas que le
gouvernement puisse jamais ruiner une province au profit d’une autre. Il ne
s’agit pas ici d’hostilité de province à province ; si un brandon de discorde a
été jeté dans la discussion, c’est par le gouvernement ; c’est lui qui l’a
lancé. Nous sommes prêts, je le répète, à faciliter le développement du
commerce de Liège, mais à la condition qu’il ne détruise pas le nôtre. Exiger
notre ruine, c’est nous constituer en état de légitime défense et autoriser la
résistance.
Je vous le demande donc,
êtes-vous fixés sur la somme que coûtera la réduction des péages sur les canaux
du Hainaut ? Si vous votez cette somme dans la loi.
Dès lors il deviendra
inutile de faire un chemin de fer le long du canal de Louvain à Anvers, là où
le canal est amorti ; il sera inutile de le faire, à moins qu’on ne veuille
rendre vains les travaux faits depuis 50 ans : il sera inutile de faire un
chemin en fer là où il y a un canal dont on peut diminuer les péages ; mais les
localités où il n’y a pas de canaux, pourront réclamer le chemin en fer, je le
reconnais.
Puisque cette loi doit
être, comme on le dit, une mesure réparatrice, je demande si l’inconcevable
disposition contenue dans le cahier des charges du canal de Charleroy, clause
d’après laquelle le bassin houiller de Houdeng, qui est à une distance plus
rapprochée de Bruxelles que Charleroy, est obligé de payer tous les péages
depuis Charleroy comme si les charbons en venaient, de payer pour toute la
distance non parcourue ; je demande si, dans l’intérêt de ces houillères, on a
l’intention de réparer cette injustice.
L’honorable M. Doignon
vient de parler d’une enquête parlementaire. Et à cette occasion il a dit
erronément que c’était la majorité qui devait se cotiser pour souffrir en
faveur de la minorité. Vous le savez, messieurs, ce n’est pas là l’habitude ;
car moi, membre de la minorité, j’ai souvent souffert tout le poids de la
majorité. Je crois que l’honorable M. Doignon s’est trompé ; car, dans la
question du chemin de fer qu’il combat, c’est au contraire la majorité du pays
qui est sacrifice à la minorité. Je prétends que le chemin de fer a été conçu
d’abord dans un intérêt anglais : c’est tout naturel, je n’en parle pas ; mais
ensuite c’est dans l’intérêt d’Anvers et des localités qu’il va traverser. Je
ne considère pas cependant que le chemin en fer soit un aussi immense bienfait
qu’on le prétend pour la ville de Liége, ville que, soit dit en passant, le
gouvernement n’avait pas paru disposé à favoriser jusqu’aujourd’hui.
Ce n’est pas quand le
gouvernement a attaqué cette ville dans son honneur qu’on peut croire à du
favoritisme de sa part. D’après ce que j’ai entendu dire par des négociants les
plus intéressés à l’établissement du chemin de fer, il ne réalisera pas toutes
les prévisions favorables au commerce de Liége ; mais je pense qu’il est
favorable à Anvers principalement, et, pour peu d’autres localités, vous froisseriez
les intérêts du Hainaut, de la province de Namur et de
Mais depuis le
changement de direction donné à la route, le Limbourg qui était intéressé à la
confection du chemin en fer se trouve désintéressé. Que dis-je ! le Limbourg
lui-même en est maintenant lésé ; ainsi ce n’est pas la minorité qui se
sacrifie au bien de la majorité, ce sont les deux tiers du pays qui vont
supporter les charges dans l’intérêt de l’autre tiers.
Je laisse à des hommes
plus exercés que moi dans la matière à décider si c’est là de la saine économie
politique.
Avant de m’expliquer sur
la proposition d’enquête que je ne rejetterai pas, je prie le ministre de son
côté de s’expliquer sur la question de savoir s’il a des données certaines sur
les sacrifices à faire pour diminuer les péages des canaux et les mettre en
rapport avec les chemins de fer. S’il a les renseignements nécessaires, il faut
qu’une disposition soit insérée dans la loi, afin que toutes ces promesses
d’abaissement ne soient pas un leurre. Si le ministre ne s’est pas procuré les
renseignements nécessaires à cet effet, c’est un motif de plus pour appuyer
l’enquête proposée.
On
sent l’importance de cette interpellation. Si on vote une somme pour
l’abaissement du péage sur les canaux, il est évident que partout où il y a des
canaux, il ne faudra pas construire de routes nouvelles, de routes en fer,
puisqu’elles seront devenues inutiles ; et le ministre qui n’avait pas
l’intention de faire de routes en fer dans le Hainaut, ne sera pas obligé d’en
construire. Mais là où il n’y a pas de canaux, le gouvernement devra établir
des chemins en fer qui permettent à la province de Hainaut de rivaliser avec
Liége.
Je demande donc au
ministre de répondre aux questions que je lui ai adressées ; s’il ne peut pas
le faire, il n’y a aucune objection à faire contre la proposition de M.
Doignon.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Je rattache l’interpellation de M. de Robaulx à
l’article 1er. Je présume que, si j’établis que le gouvernement pourrait sans
grand sacrifice amener les transports des charbons du Hainaut sur les marchés
de Bruxelles et en concurrence avec les charbons de Liége, qui n’y viennent
pas, je présume que l’honorable M. de Robaulx voterait contre l’embranchement
dirigé vers
M.
de Robaulx. - Avant de m’interpeller, répondez.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - L’interpellation qu’on m’a adressée ne peut avoir
d’objet que dans le cas où l’embranchement vers le Hainaut, que suppose l’art.
1er, serait repoussé ou devrait être combattu par le préopinant. Dans le cas où
on repousserait l’embranchement, quels seraient les sacrifices, s’il est des
sacrifices à faire, que l’Etat aurait à supporter sur les canaux de Charleroy
et de Pommeroeul, afin de soutenir la concurrence de tous les charbonnages du
pays sur les marchés d’Anvers, de Bruxelles et de
Sur les deux millions de
tonneaux de houille que produit le Hainaut, 200 mille tonneaux seulement sont
expédiés vers le bas-Escaut. S’il fallait faire porter une réduction sur les
droits de canaux, de manière à ce que ces 200 mille tonneaux pussent arriver au
même prix que 200 mille tonneaux de houille de Liége, ce serait une somme de
300 mille francs au plus, dont il faudrait grever le trésor.
Mais, messieurs, nous ne
voyons pas que la concurrence sera détruite par l’établissement du chemin de
fer. Toute l’exploitation actuelle de Liège n’est que de 370 mille tonneaux ;
si elle livrait les 200 mille tonneaux que le Hainaut fournit au bas-Escaut, il
en résulterait pour elle un surcroît d’exploitation, ses prix augmenteraient
nécessairement, et la concurrence deviendrait plus difficile sur les marchés
exploités par le Hainaut ; il est reconnu d’ailleurs que les houilles du
Hainaut jouissent d’une propriété particulière.
Voici comment s’exprime,
sur les houilles du Hainaut, un écrivain qui a pris chaudement leur défense :
« Les houilles de
Mons possèdent seules avec les houilles anglaises la propriété inappréciable de
jeter de la flamme comme le bois, d’enduire les parois extérieures des métaux
d’une couche bitumineuse qui les protège contre l’action du feu ; et enfin, de
satisfaire un besoin impérieusement senti dans un grand nombre d’établissements
industriels (houilles flamboyantes du bassin de
On a déjà dit que le
Hainaut avait été favorisé au détriment de la province de Liège, par les
communications qu’on lui a ouvertes avec les autres parties du royaume et avec
Depuis la révolution la
concurrence de Liége est devenue plus difficile encore contre le Hainaut. En effet,
depuis la révolution, Liége n’a plus été fournir
Par suite de l’ouverture
du canal de Charleroy, et des réductions successives des tarifs, il est certain
que le charbon du Hainaut arrivera à beaucoup moindres frais sur les marches
hollandais, tandis que le charbon de Liége, au lieu d’obtenir une réduction sur
les moyens de transport, les a vu aggraver d’un droit nouveau par le tarif sur
Je citerai les
hauts-fourneaux qui trouveront dans la route même un débouché important et en
procureront en même temps un aux houilles du Hainaut. Je tiens de plusieurs
exploitants de Liége que le Hainaut parviendra même peut-être à fournir de la
houille à Liége et à Verviers. Il est reconnu que le Hainaut possède
d’excellents charbons pour l’éclairage au gaz. Mais toutes ces discussions me
paraissent inutiles. La section centrale a proposé un embranchement vers le
Hainaut, le gouvernement s’est rallié à cette proposition, et vous a fait voir
les remèdes possibles dans le cas où cet embranchement n’aurait pas lieu.
J’ai démontré qu’il
serait facile à l’Etat d’offrir au Hainaut des compensations suffisantes sans
imposer des charges nouvelles ; car le gouvernement étant propriétaire de
sommes considérables dans le canal de Charleroy et de la totalité du canal de
Pommerœul, il pourrait faire des réductions sur l’un et l’autre de ces canaux,
sans imposer de nouvelles charges. Un autre moyen serait, quand vous viendrez à
régler le tarif, d’augmenter le droit sur le transport des houilles de Liége ;
ce sera à la chambre à établir les compensations que l’intérêt général
réclamera.
Je ne sais si j’ai
répondu à l’interpellation de M. de Robaulx.
M.
de Robaulx. - Je vous répondrai.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Quant à de la fixation du péage du canal de Charleroy,
elle n’est pas notre fait. Il a été concédé avec cette injustice, et le
gouvernement n’étant pas maître du canal, elle durera tant qu’il plaira au bon
plaisir du concessionnaire de la maintenir.
Il
ne nous sera donc pas possible, pour le moment, de faire cesser cette
illégalité par suite de laquelle les charbons venant de Charleroy ne paient pas
plus que les charbons venant des bassins situés à moitié chemin de Charleroy.
Cela vient de ce que Charleroy se trouve, vis-à-vis de certaines parties de
l’arrondissement, dans la même position que le Hainaut vis-à-vis de la province
de Liége. Il prétendait qu’on voulait aussi tuer ses charbonnages ; il a fait
entendre des plaintes très nombreuses et très vives contre l’éventualité d’une
concurrence à établir entre ses bassins et ceux de Marimont. Il a fallu que le
gouvernement déployât quelque énergie, afin de triompher de ces intérêts
locaux. Charleroy criait très fort, non pas contre des localités éloignées
comme la province de Liége, mais contre des exploitants du même arrondissement.
En effet, il était plus doux pour Charleroy de venir sans concurrence sur le
marché de Bruxelles, que d’avoir à y soutenir la concurrence de Houdeng, comme
il serait plus doux pour le Hainaut de venir sans concurrence sur les marchés
de Bruxelles, d’Anvers et de Hollande, que de voir arriver en même temps les
charbons de Liége. C’est la même question. Le gouvernement a résolu la première
question dans l’intérêt des consommateurs, comme il espère que la chambre
résoudra l’autre dans l’intérêt général du pays.
M.
de Robaulx. - Le ministre, en débutant dans sa réponse, a
commencé par dire : Je présume que M. de Robaulx votera contre l’embranchement,
dès l’instant qu’on accorde la diminution des péages.
Remarquez-le bien, dit
le ministre, la diminution ne sera nécessaire que pour autant qu’on rejette
l’embranchement vers le Hainaut. Messieurs, il y a erreur. Il semblerait, selon
M. Rogier, que le Hainaut est un cul-de-sac où on n’arrive que par une seule
voie. Mais le Hainaut possède trois grands bassins houillers, et si vous faites
un embranchement vers cette province, une seule des trois localités l’aura ;
car cet embranchement que vous jetez au Hainaut comme fiche de consolation, ne
peut pas passer à la fois par Mons, Houdeng et Charleroy. En supposant que la
route passe par l’une de ces localités, vous n’avez pas satisfait les autres.
Cependant il me paraît que les houillères de Houdeng valent bien les houillères
de Mons et que celles-ci valent bien celles de Charleroy. Quand vous accordez
justice, il faut la donner pleine et entière à tout le monde.
Il m’est impossible
d’admettre ce que vous venez de dire sur l’abaissement du prix de péage.
Houdeng ne profitera pas
de cette diminution ; car si vous faites passer la route, comme vous semblez
l’avoir promis, du côté de Tournay…
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Je n’ai rien promis.
M.
de Robaulx. - Mais vous avez, je crois, remis à l’honorable M.
Dumortier une espèce de carte ; je l’interpellerai à cet égard.
Plusieurs voix. - Ce sont les commissaires !
M.
de Robaulx. - C’est possible ! mais les commissaires ou le
ministre de l’intérieur, c’est toujours la même chose.
En admettant, dis-je,
que vous puissiez satisfaire à l’espèce d’engagement que vous avez pris à
l’égard de Tournay, il en résultera que Houdeng et Charleroy seront privés de
tout embranchement ; mais n’importe ! vous serez toujours obligés, pour
favoriser le Hainaut, de baisser les droits de péage sur le canal de Charleroy.
Si vous devez baisser
ces droits, quels renseignements avez-vous pris auprès des propriétaires de ces
canaux ? êtes-vous certains qu’ils consentiront à une diminution ?
Mais, nous dit-on, si
vos houillères ne gagnent pas, vos hauts fourneaux gagneront par l’exportation
des fers. En vérité c’est par trop fort.
Comment ! nous qui
recevons de l’Angleterre une plus grande quantité de fers qu’une saine
politique ne le comporte, qui faisons venir d’Allemagne les aciers et les fers
de première qualité, nous irions fournir des fers à l’Angleterre et à
l’Allemagne. Je vous le demande, messieurs, une pareille idée peut-elle entrer
dans une tête sainement organisée ?
En
me résumant, je déclare ne pouvoir voter sur l’article premier, si vous ne
pouvez me dire d’après des documents certains de combien il faudra baisser le
prix de péage des canaux, et quel sera le sacrifice qu’il vous faudra faire.
Un projet pour lequel on
demande d’abord 35 millions, et qui peut-être exigera 50 ou 60 millions, vaut
bien la peine qu’on réfléchisse ; et je vous le répète encore, nous ne voulons
pas arriver exclusivement sur les marchés : nous voulons bien la concurrence,
mais nous nous opposerons à la ruine du Hainaut.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Il est bien entendu que c’est toujours sur l’article
premier que la discussion continue.
Je croyais tout à
l’heure qu’il ne s’agissait que de réclamer un embranchement vers le Hainaut,
mais il paraît que je me suis trompé sur la demande du préopinant. C’est non
seulement un embranchement, mais encore une indemnité pour le charbonnage de
cette province.
C’est une nouvelle
prétention.
L’honorable préopinant
vous a dit que je n’avais pas fourni les renseignements d’après lesquels
j’avais évalué à 300,000 fr. l’indemnité éventuelle qu’il y aurait à accorder
sur les prix de transport.
En prenant pour taux
moyen de la totalité du transport de la province du Hainaut 200 mille tonneaux
de houille, au moyen de 300 mille francs on indemniserait.
M.
de Robaulx. - Mais il y autre chose à transporter.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Je sais que le Hainaut transporte aussi de la chaux,
des fers ; mais la majeure partie du transport par le canal consiste en
charbons,
(M. le ministre de l’intérieur, s’interrompant ) Mais M. de Robaulx
ne m’écoute pas.
M.
de Robaulx. - Je m’entretiens avec un de vos amis qui vote pour
le projet ; mais c’est toujours avec plaisir que je vous écoute.
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Je tenais à vous faire connaître les bases sur
lesquelles pourra se fixer l’indemnité à accorder aux propriétaires de canaux,
pour me servir de votre expression qui du reste n’est pas exacte ; car il est
bon de faire remarquer que l’on n’aura affaire qu’à un seul propriétaire pour
le canal de Pommerœul qui est la propriété de l’Etat. Le gouvernement se
paierait lui-même.
Pour le canal de
Pommeroeul, qui est la propriété de l’Etat, le gouvernement se payerait à lui-même.
Quant au concessionnaire
du canal de Charleroy, on paraît craindre qu’il ne se refuse à toute diminution
; mais déjà ce concessionnaire n’a-t-il pas fait une réduction de 7 p. c. sur
les droits de péage ? Il est vrai de dire que le gouvernement leur paie une
indemnité équivalant à cette réduction.
Messieurs,
il est possible qu’il y ait lieu à une indemnité éventuelle pour les canaux de
Charleroy et de Mons. Mais je persiste à dire qu’il n’est pas nécessaire
d’agiter cette question quant à présent ; qu’elle ne devra être soulevée
qu’alors qu’il s’agira de la fixation du tarif du péage sur le chemin de fer,
et peut-être ne sera-t-il même pas nécessaire de la discuter, s’il y a un
embranchement qui se dirige vers le Hainaut : s’il est possible de le faire,
nous ne demanderons pas mieux, faudra-t-il qu’il soit combiné dans l’intérêt de
la province ?
Il n’y a aucun travail
de préparé, ce sont plutôt des indications qu’un projet qui ont été fournies.
M.
de Brouckere. - N’ayant pris aucune part à la discussion
générale, je désire expliquer les motifs du vote que j’émettrai. Je le ferai,
messieurs, en très peu de mots : d’abord, après les nombreux discours que vous
avez entendus depuis douze jours, il me serait fort difficile de dire quelque
chose de neuf ; en second lieu, bien que ma conviction soit raisonnée,
profonde, je n’ai nul désir de la faire partager à ceux qui auraient une autre
manière de voir, parce que, dans une matière où l’on n’a pour s’étayer que des
éventualités, des suppositions plus du moins fondées, des calculs dont rien ne
garantit l’exactitude, des assertions combattues par des assertions contraires
; dans une matière où les économistes et les hommes de l’art sont si divisés,
j’ai bien assez de m’occuper de moi-même, sans chercher à exercer quelque
influence sur l’opinion des autres.
J’estime, messieurs, que
parmi les défenseurs, comme parmi les adversaires du projet de loi, ce qui a
surtout dominé, c’est l’exagération ; et lorsque plus tard on demandera aux premiers
compte des belles promesses qu’ils nous ont faites, ils seront aussi
embarrassés que le sont les défenseurs des dix-huit articles. A les entendre,
il semblerait que jusqu’ici il n’y avait pas de routes en Belgique, qu’aucune
communication n’existait entre nous et nos voisins ; que la construction d’une
route en fer va lever toutes les difficultés dont nous nous plaignons, faire
cesser toutes les entraves qui nous gênent, va, comme d’un coup de baguette,
engloutir les douanes et les douaniers. Je ne me laisse pas séduire par de
semblables exagérations, bonnes tout au plus pour figurer dans une
amplification de rhétorique, ou dans un discours prononcé à l’occasion de la
pose d’une première pierre. M. le ministre de l’intérieur pourra en faire usage
plus tard.
Voici, messieurs, le
raisonnement tout simple que je me suis fait.
L’invention des routes
en fer est un progrès évident, et cette belle conquête de l’intelligence est
destinée à exercer bientôt une immense influence. J’ai la conviction que dans
quelques années on en construira dans tous les Etats de l’Europe ; les nations
qui resteraient en demeure de le faire méconnaîtraient leurs intérêts, tout
comme méconnaîtrait les siens le fabricant qui négligerait de substituera à
d’anciennes machines des machines perfectionnées et travaillant d’une manière
plus prompte et plus économique.
S’il en est ainsi,
messieurs, plus nous apporterons de hâte à nous mettre à l’œuvre, plus il y
aura d’avantages à recueillir pour nous. Il n’est d’ailleurs, à mon avis, aucun
pays qui soit plus en mesure d’ouvrir la marche, de prendre l’avance ; il est
en quelque sorte poussé et par sa situation, et par son étendue, et par ses
relations, et par ses produits, et par les fleuves qui le parcourent, et par
les ressources financières qu’il présente. Mais quel est le mode d’exécution
qu’il faut choisir ? celui qui coûte le moins, celui qui donne lieu au plus
petit nombre d’abus, celui qui nous offre le plus de garanties sous le rapport
de la promptitude et sous celui de la bonté des travaux ; en un mot, le mode de
concession. J’ai défendu ce système dans cette assemblée, il y a bientôt deux
ans ; loin d’avoir changé d’avis, ce qu’a dit mon honorable ami M. de Puydt m’a
encore confirmé dans mon opinion : je m’en réfère à ses arguments.
Il ne se présentera pas
de concessionnaires, dit-on : qu’on essaie ; qu’on fasse même pour les attirer
quelques sacrifices pécuniaires, j’y consens.
Mais, si mon opinion ne
triomphe pas, refuserai-je d’adopter le projet de la section centrale, auquel
le gouvernement s’est rallié ? Non, messieurs. Il n’est pas à mes yeux d’argent
mieux employé que celui que l’on dépense à augmenter ou à améliorer les moyens
de communication : c’est servir à la fois les intérêts de tout genre ; c’est
accélérer la marche de la civilisation, en favorisant les intérêts matériels.
Vous
voulez donc, s’écrie-t-on, enrichir une localité aux dépens d’une autre ? A
Dieu ne plaise ! telle n’est pas mon intention, et loin de blâmer, comme
quelques-uns, ceux qui ont défendu les intérêts de leurs commettants, je loue
leurs efforts ; j’ai écouté avec attention tout ce qu’ils ont dit. Mais, sans
vouloir sacrifier personne, je cède à la nécessité qui m’oblige, en voulant
répandre le bien partout, de commencer quelque part. Or, il y aura une route en
fer dans le Hainaut, il y en aura une dans les Flandres ; mais quelle est celle
qui intéresse le plus la généralité du pays ? quelle est celle qu’il est le
plus urgent de construire ? c’est celle d’Anvers à la frontière de l’Allemagne.
Qu’on commence donc par celle-là.
Je voterai donc pour
tout amendement tendant à faire adopter le système de concession, et par
conséquent pour celui de M. de Puydt, en tant qu’il consacre ce système.
Subsidiairement, et dans le cas où la majorité de la chambre ne partagerait pas
mon avis, je voterai pour le projet en discussion.
M. Coghen. - Après
dix jours de débats, lorsqu’on succède à des orateurs aussi éloquents que ceux
qui ont parlé dans la discussion générale, après avoir entendu nos honorables
collègues MM. Devaux, Nothomb, Smits, Davignon et Teichmann, il y a peut-être
de ma part de la témérité à vouloir me faire écouter, à réclamer un instant
l’attention d’une assemblée déjà si fatiguée par de si longs débats. Mais je
dois à mes mandataires, dans une question d’une si haute importance, d’exprimer
mon opinion et de motiver mon vote.
S’il était vrai que la
construction d’une route en fer fût une dépense sans but, sans utilité, sans
résultats, sans produits, je voterais contre.
S’il était vrai qu’il
dût en résulter la ruine de nos canaux, de nos messageries, de nos postes, la
destruction de toute navigation intérieure, et avoir pour résultat de
compromettre beaucoup d’existences, de ruiner une province entière ou même une
partie, mon vote serait contre.
S’il était vrai que le
mode de concession fût le seul moyen d’exécuter ce grand travail dans l’intérêt
bien entendu du pays, mon choix ne serait pas douteux.
Mais il n’en est pas
ainsi : le contraire, messieurs, a déjà été démontré d’une manière évidente, et
lors de la discussion de l’article 3 du projet de la section centrale,
j’expliquerai les motifs pour lesquels je voterai pour que l’exécution se fasse
par le gouvernement et me bornerai maintenant à vous présenter quelques idées à
l’appui de mon vote favorable à l’ensemble du projet.
La révolution inattendue
qui nous a séparés violemment de
Le traité du 15 novembre
1831 qui nous a été imposé, nous garantit, il est vrai, la navigation,
moyennant le péage des eaux intérieures de
On nous a dit que
S’il était resté du
doute à quelqu’un de mes honorables collègues. ce fait seul devrait changer
leurs opinions.
Pour vous donner,
messieurs, une idée de l’importance du commerce que la place d’Anvers seule
faisait, permettez-moi de vous donner quelques chiffres : je ne suivrai point la
longue nomenclature des articles et ne citerai que les principaux.
1828 :
-
importé 23,650,000 kil. de café, et exporté 6,400,000 kil.
- importé 19,000,000
kil. de sucre, et exporté 2,000,000 kil.
1833
- importé 9,350,000 kil.
de café, et exporté 836,000 kil.
- importé 14,000,000
kil. de sucre et exporté 160,000 kil.
Cuir fin en poil, en
1829, 475,000 pièces ; en 1833, 148,000 pièces.
Coton ou laine en 1829,
34,000 balles ; en 1833, 17,000 balles.
Je ne veux point
fatiguer votre attention ; mais, de ce peu de chiffres qui sont exacts, vous
aurez une idée des opérations commerciales depuis 1830. Le tableau d’où je les
extrais est imprimé et renferme des faits bien curieux.
Quelques orateurs ont
parlé d’une enquête préalable, de la nécessité de la faire avant de procéder au
vote de la loi qui vous occupe. Ils n’ont donc pas lu les avis donnés par
toutes les localités, par les chambres de commerce, par le corps d’ingénieurs ?
Y a-t-il jamais existé une information plus complète, une unanimité plus
rassurante, dans un objet soumis à la législature ?
Quant aux dépenses à
occasionner pour la construction de la route en fer, c’est un fonds spécial qui
agira sur lui-même, et pour les intérêts et pour l’amortissement, et qui ne
doit d’aucune manière charger le budget, ni accabler les contribuables.
Toutefois, je demanderai à MM. les ingénieurs, Simons et de Ridder, si les prix
des objets nécessaires sont calculés d’après les mêmes bases que ceux qui ont
servi pour l’estimation du chemin à ornières en fer, qu’on a adjugé au mois
d’août 1833, à Mons ; chemin qui doit parcourir les charbonnages du haut et bas
Flénu, et les réunir au canal de Mons. Si leur réponse est affirmative, alors
je serai tranquille sur leur devis et ne craindrai pas d’être obligé de voter
plus tard des majorations.
Quant aux produits de la
route, on ne peut même admettre qu’ils soient inférieurs à l’évaluation faite.
La révolution commerciale qui sera la suite de ce nouveau mode de transport
prouvera qu’il n’y a aucune exagération, et que s’il y avait erreur, elle
serait toute en faveur des produits futurs, parce qu’à mon avis le mouvement
qui en résultera sera tout autre que celui qui existe aujourd’hui. Les faits
cités par MM. Smits, Davignon et Devaux viennent corroborer mon opinion, et
doivent tranquilliser tous ceux qui seraient alarmés et craindraient de voir
leur industrie et leurs moyens d’existence compromis.
Des orateurs éloquents,
que je suis assez heureux de compter au nombre de mes amis, ont pris la défense
d’une province que l’on croit ruinée par l’établissement de la route en fer. A
mon tour j’élèverai la voix en faveur du Hainaut. Elu par la capitale et son
district, je ne me crois pas moins obligé de la défendre comme je défendrai
toutes les localités quand je croirai qu’elles soient lésées au profit d’autres
localités, je demanderai donc que les intérêts de la province du Hainaut soient
ménagés, et que des stipulations lui garantissent qu’elle ne sera pas
sacrifiée.
Toutefois, messieurs, je
crois les craintes exagérées : d’abord, MM. les députés de l’arrondissement de
Tournay n’ont élevé aucune réclamation locale ; c’est Mons et Charleroy qui
auraient le plus à souffrir de la nouvelle concurrence.
Quant au commerce de
Mons, M. le ministre vous a dit tout à l’heure que les houillères de cet
arrondissement expédiaient par le bas Escaut environ 200,000 tonneaux de
houille ; il vous a dit qu’on diminuerait le péage sur le canal d’Antoing,
qu’on pourrait hausser le péage sur ce combustible venant de Liége, enfin
rétablir l’équilibre qui serait rompu. Messieurs, c’est ce que l’équité veut ;
la province du Hainaut a droit de le demander, et la législature, qui ne veut
sacrifier personne, s’empressera d’aller au-devant de ces garanties demandées :
s’il en était autrement, si l’on consacrait une injustice envers cette partie
si riche en produits et si importante pour la consommation, je voterais contre
le projet.
L’arrondissement de
Charleroy sera un des plus avantagés : d’abord, le creusement du canal vers
Bruxelles, la canalisation, de
Les houillères qui
semblent devoir être le plus froissées sont celles d’Houdeng, Marimont,
Sarelongchamps, qui, plus éloignées de
M. Dumortier. -
Messieurs, il est une chose que nous avons tous remarquée, c’est que tandis
qu’aucun des membres qui combattent le projet n’élève de doutes sur l’utilité
des chemins en fer en général, les partisans du projet emploient leur temps à
l’établir ; c’est, ce me semble peine perdue ; car personne, je le répète,
ne méconnaît l’utilité des routes en fer en elles-mêmes, on n’en conteste que
l’utilité relative.
C’est ici une question
de budget, d’ordre intérieur, de balancement des produits du pays. Nous
admettons l’utilité d’une route en fer, mais nous ne voulons pas que l’Etat
soit grevé lors qu’il y a possibilité de l’empêcher.
Le ministre prétend que
le système du gouvernement ne doit pas enrichir une localité aux dépens d’une
autre. Il a ajouté que si un seul village était grevé par le projet, il serait
le premier à voter contre. Un autre honorable membre a dit également qu’il
repousserait le projet si la ruine d’une province ou d’une partie de province devait
en être le résultat. Permettez-moi alors de vous démontrer que la ruine d’une
province en doit être la suite ; il me suffira pour cela de mettre sous vos
yeux un tableau annexé au rapport sur le premier projet, qui s’applique aussi
au projet actuel ; car on nous a fait rétrograder. On nous a fait revenir au
premier projet. C’est à la page 83 ; ce tableau indique les quantités livrées à
la consommation par les houillères du Hainaut et de Liége.
Les exportations en
Hollande s’élèvent à 260,000 tonneaux : le Hainaut en expédie 210,000, et la
province de Liége 50.000. Après la construction du chemin de fer, le Hainaut,
d’après ce tableau, expédiera 200,000 tonneaux, et la province de Liége 60,000
tonneaux, C’est donc un avantage pour la province de Liége.
Pour la consommation
intérieure de la ville d’Anvers, elle est évaluée à 40,000 tonneaux ; et dans
l’état actuel, le Hainaut en fournit 35,000, et la province de Liége 5,000.
D’après le document que j’ai sous les yeux, la construction de la route élèvera
à 24,000 tonneaux les fournitures de la province de Liége, et réduira celles de
Liège à 16,000. Ainsi les calculs sont basés sur la perspective de la ruine du
Hainaut au profit de la province de Liége.
Si on vient déclarer que
ces calculs sont inexacts, je dirai que nous sommes sans base aucune pour
calculer les évaluations des revenus ; que le projet est incomplet, qu’il
manque par la base, puisque nous n’avons pas le moyen d’en calculer les
produits.
L’article suivant du
tableau porte que la province d’Anvers consomme 120,000 tonneaux de houille, et
que le Hainaut fournit le tout. Avec le chemin de fer, le Hainaut ne fournira
plus que 20,000 tonneaux, et la ville de Liège en fournira 100,000. Il faut le
dire, cette chère ville de Liége est à la fin trop favorisée par ce ministère
un peu trop liégeois. (On rit.)
Je
demande au ministre qui a déclaré qu’il ne voterait pas pour la loi, dans le
cas où elle devrait grever un seul village, si ce document ne prouve pas
qu’elle doit ruiner le Hainaut ? Je ne poursuis pas mes recherches à cet égard
; c’est, je crois, suffisamment démontré.
M. le ministre de
l’intérieur a dit que la nature n’avait rien donne au Hainaut ; je m’étonne
qu’un ministre de l’intérieur ne connaisse pas mieux la carte géographique, Il
devrait savoir que l’Escaut et
M. le ministre de l'intérieur (M.
Rogier) - Je n’ai pas dit un mot de cela ; je n’ai pas dit que
la nature avait refuse des fleuves au Hainaut, j’ai dit…
M. Dumortier. -
Vous ne devez pas m’interrompre.
M. le président. -
M. le ministre, vous ne devez pas interrompre l’orateur ; la parole est à M.
Dumortier.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - D’accord, M. le président ; mais il
faudrait que M. Dumortier ne vînt pas faire de la science à mes dépens en me
prêtant des paroles que je n’ai pas dites : je n’ai nullement dit que la nature
n’avait rien fait pour le Hainaut ; mais j’ai dit que l’art avait fait beaucoup
pour cette province, qu’il y avait construit 3 canaux.
M. Dumortier. - Si
vous parlez de l’art, je vous dirai que c’est une très belle chose. (On rit.) Les chemins de fer dont vous
voudriez sillonner
Mais quand vous avez
voulu mettre de l’art dans la province du Hainaut, l’avez-vous fait aux frais
de l’Etat ? Non, vous l’avez fait avec l’argent que vous avez pris dans la
poche des contribuables du Hainaut. Nous, habitants du Hainaut, nous nous
sommes cotisés, nous avons été imposés pour payer la construction du canal de
Mons à Condé. Le canal d’Antoing n’a pas été construit par le gouvernement,
mais par les particuliers. Le gouvernement n’a donc rien fait pour la province
du Hainaut. Si on a fait l’acquisition du canal de Pommeroeul ça été uniquement
pour faire faire une bonne affaire au syndicat et lui créer une bonne branche de
revenu. Voilà la vérité tout entière sur le Hainaut. Et maintenant le
gouvernement veut attirer à Liège tout le commerce de Mons et de Charleroy.
On a voulu faire
beaucoup de bruit de ce que les hauts-fourneaux fourniraient du fer pour la
route ; c’est vraiment une belle chose. C’est un argument à toutes choses ; car
il est évident que dans le cas de la concession l’avantage est le même pour les
hauts-fourneaux.
Messieurs, relativement
à ce qu’a dit l’honorable préopinant qu’il y avait eu une enquête commerciale,
il faut reconnaître que jamais enquête n’a été plus superficielle ; on a fait
du chemin en fer une question d’utilité, mais on n’a interrogé personne sur la
question d’économie sociale.
Après la révolution une
demande de concession fut faite pour établir un chemin en fer d’Anvers à
Bruxelles ; une enquête fut ouverte ; tout le projet fut soumis à l’inspection,
à l’investigation publique : qu’en est-il résulté ? Personne n’a élevé la voix
contre le projet : je me trompe, il y a une ville en Belgique qui s’est opposée
à ce que les voyageurs et les marchandises fussent transportées d’Anvers à
Bruxelles par un chemin en fer, et cette ville est la ville de Verviers qui
réclame maintenant si haut une route en fer pour elle-même.
Les députés de la ville
de Verviers nous parlent actuellement de désintéressement en présence d’un fait
semblable ! Le désintéressement consiste dans l’obtention d’un chemin en fer à
quelque prix que ce soit.
On a parlé de la dépense
du chemin en fer : il est hors de doute que dans cette dépense il y en aura une
partie dont on n’a pas tenu compte dans le projet ; on a d’abord oublié de
porter en compte le rachat de la route de Verviers à Liége qui n’a pas enrichi
les concessionnaires qui l’ont entrepris (Bruit.)
On a ensuite oublié, comme l’a fait observer M. de Robaulx, les indemnités pour
les canaux : on fait bien d’autres omissions.
Quant à la route vers
Pour répondre à cette
question, il suffit de jeter les yeux sur le tableau de la direction des
embranchements de la route ; on y voit tracé l’embranchement par Tournay.
On a en tort de dire que
nous ne voulions pas de route en fer ; nous ne serons pas assez dupes pour
refuser une route en fer, quand on en sillonnera
Notre manière de
discuter les sections de la route article par article me paraît insolite. De
quoi s’agit-il ? D’établir immédiatement, dit-on dans la loi, un système de
chemins en fer, ayant pour point central Malines ; mais c’est là une question
infiniment complexe ; et je crois que nous ne pouvons voter cet article, sans
examiner auparavant si les routes en fer seront faites par concessions ou
autrement. Si les routes sont faites par concessions, j’admets des routes en
fer dans toutes les localités, dans toutes les directions. Il ne faut pas que
par un premier vote nous liions le pays ; il ne faut pas que la minorité soit
liée par la majorité. Si on vote l’art. 1er, et si je coopérais à ce vote,
j’aurais peut-être coopéré à faire dépenser 60 à 80 millions au trésor,
lorsqu’au contraire je m’oppose à toute dépense par l’Etat. Il s’agit donc,
avant tout, de savoir si les routes seront faites, oui ou non, par concessions,
et il y aura ensuite à décider quels embranchements seront exécutés.
On devra mettre aux voix
les différentes sections ; car il y en aura qui trouveront peut-être superflue
la section d’Ostende. Selon moi, il y aurait une grave imprudence à faire cette
route d’Ostende et à le formuler dans la loi. Ainsi vous voyez que je ne
partage pas les opinions de M. le commissaire du Roi pour les affaires
étrangères. Il vous a dit que voter la route en fer d’Ostende à Malines c’était
un moyen de terminer nos affaires politiques. S’il a voulu dire que c’était le
moyen de faire perdre la liberté à l’Escaut, je suis de son avis ; mais s’il a
prétendu que ce serait le moyen d’assurer la liberté de l’Escaut, il a soutenu
le sophisme le plus prononcé qu’on ait jamais avancé dans cette chambre. Qui
est-ce qui a sauvé la liberté de l’Escaut ? Ce n’est pas
Du
moment où vous voudrez vous passer de l’Escaut, vous effacerez la liberté de ce
fleuve ; voilà ce qu’il importe de reconnaître. Il ne s’agit pas de faire de la
section d’Ostende une question d’intérêt local ; la liberté de l’Escaut est une
question infiniment supérieure à toutes celles qui ont été traitées dans cette
discussion. Nous ne pouvons pas, en ce moment, voter la route de Malines à
Ostende, car ce serait effacer des traités la libre navigation de l’Escaut ;
avant tout, il faut assurer cette libre navigation.
J’insiste pour que la
motion d’ordre que je fais soit adoptée ; c’est-à-dire, pour que l’on commence
la délibération par la question relative aux concessions.
M. Gendebien. - Il
est indispensable de répondre aux propositions qu’on a remises en avant
aujourd’hui, quoiqu’à deux reprises différentes je les aie combattues. Mais
avant de répondre à cette partie de la discussion, je dois examiner ce qu’a dit
un honorable membre, que la révolution avait détruit le haut et le petit commerce
et le transit tout entier ; en quelque façon solidaire des événements de la
révolution, je dois une réponse à cette assertion.
Non, ce n’est pas la
révolution qui a détruit le haut et le petit commerce, ni le transit ; ce n’est
pas la révolution qui est coupable de ce fait : les coupables sont ceux qui ont
étouffé la révolution croyant la clore ; ce sont ceux qui se sont jetés dans un
système de statu quo dont vous ressentez les effets.
Veuillez remarquer que,
depuis trois ans et plus, mes amis et moi n’avons cessé de signaler aux
partisans du système actuel ses conséquences nécessaires ; maintenant qu’elles
se sont toutes réalisées à peu près, au lieu de les attribuer aux hommes qui
les ont amenées par la voie diplomatique que depuis trois ans je repousse de
tous mes efforts, on les a attribuées aux amis de la révolution. Fidèle aux
principes de la révolution, j’ai dû combattre les imputations dont elle est
l’objet ; j’ai dû faire retomber les reproches sur ceux qui l’ont trahie ; ce
n’est pas moi qui ai tourné le dos à la révolution.
Je ne suivrai pas
l’orateur dans les généralités où il est entré, mais je lui dois une réponse
sur un fait spécial. Il vous a dit, pour prouver que le chemin en fer ne
nuisait à personne, que lui-même avait fait des offres considérables pour des
actions charbonnières, qui par leur situation sont plus en danger de perdre ;
il a ajouté que ses offres étaient de 3,000 francs de plus que les actions
n’étaient cotées dans les registres de la société, et que ses offres avaient été
rejetées. Je dirai d’abord que j’ai été l’avocat des trois cinquièmes des
sociétés charbonnières, et que jamais je n’ai vu que les actions fussent cotées
dans les registres.
Mais cela fût-il ainsi,
il n’y aurait aucune conséquence à tirer de ce fait reconnu vrai ; car un
événement, une nouvelle veine reconnue récemment, une difficulté vaincue,
suffit pour que des actions augmentent d’un jour à l’autre, je ne dirai pas de
3,000 fr., mais pour qu’une concession, qui était au-dessous de zéro, dont on
se serait volontiers débarrassé en donnant de l’argent, vaut le lendemain
500,000 fr. ou un million. Je connais un des charbonnages les plus florissants
aujourd’hui, dont, à une certaine époque, on n’aurait pas donné 10,000 fr. ; le
propriétaire aurait même donné de l’argent pour s’en débarrasser, et
aujourd’hui on ne l’aurait pas pour 10 millions ; il en a refusé 6 millions,
tandis qu’il y a vingt-cinq ans il aurait été heureux de trouver quelqu’un qui
eût voulu le prendre en se chargeant de payer les dettes.
Puisqu’au lieu de
répondre à mes chiffres, on se jette dans des divagations, je vais les
reproduire, surtout pour convaincre mon honorable ami M. Angillis, qui a dit
que si une seule localité, la plus chétive commune, se trouvait lésée par le
chemin de fer, il voterait contre le projet. Je vais essayer de démontrer que
le fait existe.
Mais, avant, je dois une réponse à M. Rodenbach. Déjà
M. le ministre de la justice s’était attendri sur les orangistes ; il nous
avait dit que pour les rallier à nous, il fallait faire un chemin de fer. M.
Rodenbach ne reconnaît pas la chose aussi facile ; mais, selon lui, le chemin
de fer doit les rapprocher de nous, parce qu’il leur fournira l’occasion de
gagner beaucoup d’argent, immensément d’argent.
Les habitants du Hainaut que, j’espère, on ne mettra
pas sur la même ligne que les orangistes (que je n’ai cependant jamais
méprisés, car j’ai toujours, au contraire, respecté les opinions quand elles
sont honorables) ; les habitants du Hainaut, dis-je, ne demandent pas de gagner
immensément d’argent aux dépens du trésor public ; ils ne demandent qu’une
chose, c’est que vous les laissiez dans leur position actuelle relative ; ils
ne réclament de vous ni secours ni faveurs, mais que vous n’en accordiez pas à
d’autres localités à leur détriment.
J’en viens à la question
de chiffre.
J’ai dit hier qu’il
résultait du mémoire de MM. Simons et de Ridder que les charbons de Mons,
Charleroy et Liége, fournissaient le marché d’Anvers. J’admets ces allégations,
quoique Liége n’ait jamais pu faire arriver de charbons sur ce marché en
concurrence avec ceux du Hainaut. Eh bien ! MM. Simons et de Ridder disent que
les frais de transports de Verviers et de Liége, sur les marchandises, seront diminués
de plus de 60 p. c. ; comme les houilles paient la moitié, la diminution sera
de plus de 60 p. c. Je demande, la main sur la conscience, s’il y a un simple
scribe de négociant qui puisse hésiter à répondre qu’il est impossible que le
Hainaut soutienne la concurrence avec Liège, alors qu’il y a une différence de
80 p. c. sur les frais de transports en faveur de cette province.
Ou les auteurs du projet
en ont imposé, ou il faut admettre la conséquence que je tire de leurs propres
chiffres. Si les auteurs du projet en ont imposé, quelle confiance pouvez-vous
leur accorder ? Il faut donc ou qu’ils se rétractent, ou admettre la
conséquence que je viens d’établir.
Dans le projet primitif
de ces messieurs, dans celui de M. de Theux, le droit au lieu de 2 centimes,
était de 4 cents ou 8 1/2 centimes. Veuillez-vous rappeler que, sans notre
opposition à la chambre, on allait mettre en adjudication ce chemin de fer ;
rappelez-vous que de cris et de reproches se sont élevés contre ceux qui se
sont opposés à la mise en adjudication. Parmi les orateurs qui appuient le
nouveau projet, beaucoup appuyaient le projet d’alors. Si M. de Theux a pensé
que les houilles de Liége pourraient circuler avec un droit de 8 1/2 centimes,
je demande si ce n’est pas une faveur de 80 p. c. qu’on leur accorde d’après la
proportion indiquée par M. de Ridder, en fixant ce droit à 2 centimes.
Qu’on réponde à ces
chiffres.
La généralité, dit-on,
trouvera dans la construction du chemin en fer d’immenses avantages. D’abord
nous contestons les immenses avantages, tout en reconnaissant son utilité. Ne
venez pas insister sur des faits controuvés. Que le gouvernement réponde à mes
chiffres et aux conséquences que j’ai tirées des siens. Je lui ai porté le défi
il y a huit jours, et hier encore, d’y répondre ; je le lui porte encore
aujourd’hui. Il sera impossible à qui que ce soit de prouver que le Hainaut ne
sera pas sacrifié à la province de Liége, alors que cette province a un
avantage de 80 p. c. sur les frais de transport.
Personne n’a répondu et
ne répondra au défi formel que j’ai porté à tous les partisans du chemin en
fer.
Que répond-on ? Pour la
vingtième fois aujourd’hui on dit que la province du Hainaut a toujours été
favorisée, et qu’elle n’envoie pourtant que 200,000 tonneaux de charbon dans
les Flandres et à Anvers, et que la perte qu’elle pourra éprouver ne sera pas
bien grande, qu’elle sera de la dixième partie de ses exploitations, d’un
million tout au plus, disait M. Lardinois.
Aujourd’hui on tient un autre langage ; on indemnisera le Hainaut, le
ministre la promis. Mais si j’ai foi dans la loyauté du ministre de
l’intérieur, il faudrait qu’il nous garantît qu’il sera encore ministre demain,
dans six mois, dans quatre ans surtout, et j’en doute.
Que fera son successeur
?
Il rira de notre
bonhomie quand nous lui dirons que son prédécesseur avait pris un engagement,
même un engagement d’honneur. Il faut que la garantie soit dans la loi, sinon
c’est un leurre. Le ministre est dupe de la bonne foi qu’il suppose à ses
successeurs ; il serait dupe de lui-même s’il était encore au pouvoir, et ce
serait merveilleux qu’il y fût : non pas que je tienne à ce qu’il y reste ou
non ; car, à la tournure que prennent les affaires, peu m’importe qui en dirige
le timon.
On vous parle de 200
mille tonneaux que le Hainaut fournit dans le bas Escaut ; mais où sont les éléments de ces calculs ? Je
pourrais dire qu’elle fournit plus du double. On vous a dit que la province de
Liège mettait au jour seulement 370 mille tonneaux, et que si elle devait
augmenter son exploitation de la totalité des 200 mille tonneaux que le Hainaut
ne fournirait plus dans les Flandres, ses prix s’élèveraient nécessairement et
que les houilles de Liége ne pourraient plus soutenir la concurrence. Il faut
connaître bien peu l’exploitation des houilles pour dire que le prix augmente
en raison d’une plus grande production, les frais étant les mêmes pour 50 mille
que pour 100 mille tonneaux, à l’exception de la main-d’œuvre pour trouver et
détacher la mine ; car il faut toujours les mêmes moyens d’assèchement par des
pompes à feu, des magasins, des états-majors, des administrations : les
dépenses sont à peu près les mêmes.
Il faut tirer une
certaine quantité de charbon pour faire des bénéfices, une fois les frais
couverts ; quand on perd sur les cinquante mille premiers tonneaux, on gagne
sur les cinquante mille autres. Si je prenais au sérieux l’allégation du
ministre, que Liège augmentera ses prix en raison des demandes qu’on lui
adressera, que deviendrait alors toute sa tendresse pour les consommateurs ? Ce
sera en définitive comme si le gouvernement prenait dans la poche des
exploitants du Rainant pour mettre dans celle, non des consommateurs, mais des
exploitants de Liége.
Voilà les réponses qu’on
a faites à mes chiffres.
Mais, vous a dit le
ministre de l’intérieur, le Hainaut possède des charbons d’une qualité spéciale
qu’on ne trouve pas ailleurs. Mais vous avez entendu M. de Laminne qui vous a
dit que la province de Liége avait les mêmes qualités de charbon que partout
ailleurs, et que ses houillères réunissaient tous les genres d’assortiments de
charbon. M. de Laminne, je pense, doit s’y connaître.
Je ne reviendrais pas
sur les prétendues faveurs dont le Hainaut a joui, si, au lieu de répondre à la
réfutation que j’ai faite de cet argument, on ne s’obstinait à le reproduire
sans cesse ; je serai obligé de me répéter moi-même, mais ce n’est pas ma
faute.
On a dit : Le Hainaut,
qui se plaint, a été favorisé par l’art : le gouvernement lui a donné trois
canaux, qui lui ouvrent de grandes communications. Messieurs, si le Hainaut a
des canaux, des chaussées en bon état, c’est qu’il les a construits lui-même ;
et voyez jusqu’où s’étend la faveur dont jouit le Hainaut. Il fournit à
l’entretien de ses communications qui procurent des routes à toutes les autres
provinces et à ceux-là même qui, tout en se refusant aux dégrèvements demandés
par le Hainaut, demandent pour leur commerce un transit exempt de droits, et ne
rougissent pas de venir prendre la plus grosse part dans les dépouilles du Hainaut,
et trouvent tout simple qu’il contribue même aux frais nécessaires pour
consommer sa ruine.
Si nous examinons
maintenant la question des canaux, le canal de Mons à Condé a été construit aux
frais du département de Jemmapes ; il a contribué dans les 5 millions prélevés
par les centimes additionnels destinés à ce canal, et la dépense ne s’est
élevée qu’à trois millions.
Cependant les sociétés
charbonnières du Hainaut sont obligées de dépenser encore trois autres millions
pour conduire leurs charbons à ce canal, et cela parce qu’il a plu à MM. les
ingénieurs français de faire le canal en ligne droite du clocher de Mons et de
le conduire en ligne directe jusqu’au clocher de Condé. Voilà pourquoi le
Hainaut, après une dépense double, est encore obligé d’établir des chemins en
fer qui conduisent du canal aux fosses d’extraction.
Une compagnie
concessionnaire n’eût pas fait une pareille faute, elle aurait eu le soin de
faire longer au canal les fosses d’exploitation et aurait évité à la province
des dépenses considérables. J’y trouve encore, en passant, un argument en
faveur du système des concessions.
Faut-il revenir aussi
sur ce que j’ai déjà dit du canal d’Antoing fait aussi aux dépens du commerce
et au moyen d’un péage de 18 ans ?
Je vous ai parlé d’une
clause insérée après coup au cahier des charges : c’est pour moi une chose
certaine qu’elle a été ajoutée à la main, et personne n’oserait le contester.
Cette clause faisait payer aux charbons du Hainaut des droits comme s’il se
servait du canal de Pommeroeul à Antoing, alors même que les transports
s’effectuaient par le canal de Condé, et la différence pour le Hainaut, entre
ces deux canaux, n’est pas moins de fr. 127-90 par bateau, ou 64 centimes
environ par tonneau.
Le monopole avait donc
été établi par le gouvernement. Mais, répond-on, il y a une diminution de
droits de 50 p. c. ; malgré cela, le canal d’Antoing, loin d’être un avantage
pour le Hainaut, n’est qu’un prétexte de monopole qui lui coûte 127 fr. 90 c.
de plus que la navigation par Condé dont le gouvernement la prive
arbitrairement.
Voilà les grandes
faveurs dont jouit le Hainaut, ce sont des chiffres ; qu’on me réponde par des
chiffres et qu’on ne vienne plus dire que la province du Hainaut est la plus
favorisée.
On a dit : Mais faites
donc attention que la province de Liége a perdu son commerce avec
Le Hainaut fournissait
aussi à
En évaluant seulement
1500 bateaux à 200 tonneaux chacun, cela fait 300,000 tonneaux. Eh bien ! le
Hainaut ne fournit plus rien ; il ne se plaint pas ou au moins il ne demande
pas à se dédommager au détriment de Liége, il trouve tout simple que les
événements politiques lui aient fait perdre la fourniture de
On a poussé, messieurs,
l’absurdité jusqu’à dire que le Hainaut pourrait même fournir des charbons à la
ville de Liége ; je n’ai vraiment pas le courage de répondre à une pareille
assertion.
Quoi ! vous voudriez que
le Hainaut pût fournir la ville de Liège, alors qu’arrivé à Anvers seulement il
est déjà surchargé de frais de plus de 4/5 sur Liége, sans compter ceux que
nécessiterait le transport d’Anvers à Liége.
Cette proposition est
trop ridicule pour mériter une réponse. Le Hainaut aura un embranchement ; mais
ce n’est pas un seul, mais 3 ou 4 qu’il faudrait pour être juste envers tout le
monde,
A cet égard, savez-vous,
messieurs, comment on agira ? on mettra en opposition les villes de Tournay,
Mons, Nivelles et Charleroy ; après avoir excité adroitement des jalousies, on
leur dira : Maintenant mettez-vous d’accord, comme s’il était possible de mettre
d’accord 4 personnes dont 3 sont destinées à périr, comme s’il n’était pas à
plus forte raison impossible de mettre d’accord trois arrondissements sur une
question de vie ou de mort pour leur industrie.
Le gouvernement,
profitant habilement de ces divisions, déclarera qu’il n’y aura pas
d’embranchement, et les chambres, fatiguées d’accorder sans cesse des
suppléments de crédits pour les chemins de fer, diront : Le trésor est assez
épuisé, il ne faut pas l’obérer davantage ; voilà ce qui arrivera et la
province du Hainaut n’aura pas d’embranchement. Si vous êtes sincère, et je
veux croire que vous l’êtes, je n’ai pas la même foi dans vos successeurs ; si
donc vous voulez que nous ajoutions foi à vos promesses, faites insérer dans la
loi un article qui consacre les mêmes avantages pour le Hainaut que pour les
autres provinces : nous croirons aux promesses, alors qu’elles seront votées
par les chambres.
Vous voulez, dites-vous,
qu’elles se prononcent sur le tarif ; et de quel droit, je vous prie, voulez-vous
les faire se prononcer sur les chances de vie ou de mort de l’industrie du
Hainaut ? C’est absolument comme si vous faisiez une loi à laquelle vous
donneriez de la rétroactivité ; car la rétroactivité répugne à toute
législation, parce qu’elle dispose des droits de la fortune des citoyens. Ne
ferez-vous pas la même chose en réglant les tarifs, dont la hauteur ou
l’abaissement doit porter la perturbation dans l’industrie et le commerce de
certaines provinces au profit de telle autre ? Vous agissez comme des gens qui
n’ont aucune idée en législation.
Le ministre de
l’intérieur a confirmé la justice de ce qu’a dit mon honorable ami M. de
Robaulx sur le tarif établi pour les péages du canal de Charleroy à Bruxelles.
Mais je veux rectifier un fait, une allégation de M. le ministre. Il a dit que
le commerce de Charleroy avait jeté les hauts cris, qu’il avait fallu toute
l’énergie du gouvernement pour contraindre Charleroy à modérer ses prétentions
et le ramener à la raison. La réalité des faits, la voici :
Lorsqu’il s’est agi,
dans tous les temps, de construire le canal de Charleroy à Bruxelles, il
devait, d’après les projets, passer par Nivelles ; pour le rapprocher des
houilles de Marimont, on a fait faire en dernier lieu, au canal, un détour de 3
lieues. Le commerce de Charleroy s’est récrié et a demandé s’il était juste
qu’on l’obligeât à faire un détour de trois lieues, à payer les péages de trois
lieues de plus pour que les houilles de Marimont eussent deux lieues de moins à
faire ; alors surtout qu’il était si facile de construire un embranchement du
Fayt au canal de Nivelles.
Il s’en faut donc que
cette circonstance soit en faveur du commerce de Charleroy, car Marimont a
cédé, reconnu que Charleroy avait raison, et qu’il était injuste de lui faire
payer 3 lieues de péage de plus pour le transport de ses houilles ; qu’il était
d’ailleurs injuste de soumettre le commerce de Charleroy et tous les bords de
Messieurs, l’honorable
M. de Brouckere a dit qu’il voterait pour le système des concessions ; il a dit
qu’il voterait pour le projet, alors même que le principe des concessions ne
serait pas adopté. Pour moi, je voterai pour les concessions, et je voterai
contre le projet du gouvernement.
M. de Brouckere a ajouté
qu’il ne consentirait pas à ruiner une localité pour en enrichir d’autres. Je
ne crois pas qu’on puisse contester que le projet ruine le Hainaut au profit de
la province de Liège. Je ne sais si d’après cela il pourra voter pour le
projet.
M. de Brouckere a ajouté
que lorsque le gouvernement voulait faire du bien, il fallait bien qu’il commençât
par quelque partie du territoire ; mais il n’a pas réfléchi aux conséquences
qu’aurait pour la province du Hainaut l’établissement du chemin de fer de Liége
à Anvers, qui donnerait au commerce de Liége un avantage de 80 p. c. dans les
frais de transport. Sait-il quelle en serait la conséquence ? Croit-il que ce
sera simplement de diminuer les bénéfices des localités charbonnières du
Hainaut ? Non, ce sera leur ruine ; car telle société qui gagne, peut-être, 15
p.c. lorsqu’elle extrait 75 ou 100 mille tonneaux de houille, non seulement
perdra ses bénéfices, mais sera ruinée, lorsque les extractions seront réduites
à 40 ou 50 mille tonneaux.
Lorsque les houillères
resteront cinq mois ou six mois sans être exploitées, il y en a qui peuvent ne
pas souffrir,mais il y en a qui seront ruinées ; celles par exemple, qui
exploitent en vallée ; car, alors que les eaux montent dans les vallées, on ne
peut plus y retourner : il faudra alors ou qu’elles continuent à entretenir
leurs travaux à grands frais sans produits, ou qu’elles continuent à tirer du
charbon en pure perte.
M. de Brouckere a dit
qu’il voulait le bien pour tous ; j’ajouterai qu’il ne me paraît pas alors
qu’il puisse voter pour le projet.
Je déclare pour moi que
je voterai contre le projet ; il ne me parait pas offrir les garanties
nécessaires, il ne m’inspire pas de confiance, non pas par rapport au ministère
(je ne m’en occupe pas ; ils sont tellement transitoires (on rit) qu’on ne sait pas si les ministres d’aujourd’hui le seront
demain).
Ce n’est pas non plus
par système d’opposition que je repousse le projet. Je n’ai jamais adopté
d’opposition systématique comme certains ministres lorsqu’ils viennent de
quitter le portefeuille.
Mais
je vote contre le projet à cause du peu de confiance que j’ai dans notre état
financier et dans notre situation politique, et parce que je craindrais que
cette dépense ne fut faite en pure perte.
Si les bruits arrivés
d’hier sont exacts,
M. Jullien. - De
35,000 hommes.
M.
Gendebien. - Les uns disent de 30, les autres de 35 mille
hommes. C’est, au reste, un motif de plus pour que le gouvernement s’en occupe.
Je demanderai, dans le cas où nous serions menacés d’une invasion, si le
gouvernement est en mesure de la repousser. Je désirerais que MM. les ministres
de la guerre et des affaires étrangères vinssent, dans une prochaine séance
nous dire ce qu’ils savent à cet égard.
M.
de Robaulx. Je m’aperçois que nous entrons dans une discussion
qui sera sans résultat. L’article 1er dit : « Il y aura une
route en fer sur tel ou tel point, dans telle ou telle direction. » Cet
art. 1er n’est pas celui qui fait réellement division dans la
chambre. En général, on est à peu près d’accord sur ce point, que les chemins
de fer peuvent être utiles dans des circonstances données. Le grand point de
désunion dans la chambre, c’est la question des concessions. Nous, qui
demandons les concessions, nous sommes prêts, si ce système est adopté, à voter
l’article 1er avec autant d’augmentations que le voudront les amateurs. Si on
vote d’abord sur cet article, les concessionnistes voteront-ils contre ? Mais
ainsi ils voteraient contre les concessions. La question qui doit d’abord être
décidée avant tout est donc celle de savoir s’il y aura ou non concession. Je
demande, ainsi que l’honorable M. Dumortier, que cette question soit d’abord
mise en délibération.
M. d’Huart. - Avant d’aborder la question proposée par M. de Robaulx, il y en a
une autre à poser. Il faut savoir s’il y aura oui ou non des routes en fer ;
voilà le principe fondamental ; s’il n’y a pas de route en fer, il sera inutile
d’examiner les concessions.
M.
de Brouckere. - Je pense que le mode de procéder proposé par MM.
Dumortier et de Robaulx est extrêmement rationnel : nous sommes d’accord sur un
point, c’est qu’il est bon que l’on fasse des routes en fer. Beaucoup de
membres voteront pour les routes en fer si elles sont faites par concessions,
et voteront contre si le gouvernement les exécute…
M. le ministre de la justice (M.
Lebeau) - Et vice versa.
M.
de Brouckere. - Il est donc indispensable de savoir quel est le
mode d’exécution des routes que l’on adoptera. La décision de cette question
est dans l’intérêt de toutes les opinions. J’appuie donc la motion d’ordre.
M. d’Huart. - Je ne m’oppose pas à la motion d’ordre ; cependant je persiste à
croire qu’avant la question des concessions se présente la question de
l’existence des chemins de fer. On dit que nous sommes tous d’accord sur leur
utilité mais comment peut-on connaître cet accord, si ce n’est par un vote ?
M.
Jullien. - Il est certain qu’en procédant comme le propose M.
d’Huart, on suivrait un ordre logique ; mais il est certain également qu’il est
important de savoir si les routes seront faites par concession ou autrement ;
ce point est le seul qui paraisse diviser la chambre, car la route en fer
paraît utile à tout le monde. J’ai voulu, par ces observations, rendre hommage
à la proposition de M. d’Huart, tout en appuyant celle de M.
de Robaulx.
M.
Verdussen. - Mais il me semble qu’on peut toujours décider
quelles sections de la route seront faites ; à l’article 3 on décidera la
question relative aux concessions ; et si toutes ces combinaisons n’avaient pas
l’approbation de certains membres, ils voteraient le rejet de la loi.
M. Gendebien. -
J’appuie la motion d’ordre de MM. de Robaulx et Dumortier. Quel est le mode à
suivre dans toute délibération ? C’est celui qui fait arriver le plus vite au
but. Si vous décidez que le chemin en fer sera fait par concession, vous
éviterez sur les articles premier et deux des discussions qui pourront être
irritantes. Si vous dites que le principe des concessions est admis, vous admettrez
les chemins en fer sur tous les points où vous trouverez des concessionnaires,
et les articles premier et deux deviendront inutiles : vous gagnerez donc du
temps. Je pense qu’il est plus rationnel de commencer par l’article 3 du
projet.
M. le président. -
La proposition de M. Dumortier est ainsi conçue : « Je demande que l’on
commence la délibération par cette question : Les routes en fer seront-elles
faites par le gouvernement ou par le moyen des concessions ? »
- Cette question mise
aux voix est adoptée à une très grande majorité.
De toutes parts. - A demain ! à demain ! Il faut
qu’il y ait séance demain !
M.
de Robaulx. - Si nous voulons en finir, il faut qu’il y ait
séance demain.
M. le président. -
Demain séance publique à midi.
- La séance est levée à
4 heures et demie.