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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 26 février 1834
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget du département de
l’intérieur pour l’exercice 1834. Discussion des articles. Travaux publics.
Service de
2) Projets de loi portant transferts de crédits au budget du département de la guerre (en rapport notamment avec l’incident Hanno). Rapport de la section centrale (Gendebien, d’Huart, Evain, Jullien, Lebeau)
3) Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1834. Discussion des articles.
a) Travaux publics. Bâtiments publics (hôtel Torrington) (Rogier, de Puydt)
b) Instruction publique. Enseignement universitaire (Desmet, Jullien, Ernst, Rogier, Ernst, Rogier, Ernst, de Theux, Rogier, Desmet, Ernst, de Theux, Rogier), traitement des professeurs d’université étrangers mis en non-activité (Rogier, Ernst, Rogier, A. Rodenbach, Rogier, Gendebien, Jullien, de Theux, Verdussen, Rogier)
(Moniteur belge n°58, du 27 février 1834 et Moniteur belge n°59, du 28
février 1834)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°58, du 27 février 1834) M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Liedts lit le procès-verbal de la dernière
séance ; la rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à
la chambre sont renvoyées à la commission des finances.
Par un message le sénat
annonce avoir adopté le budget du ministère des finances.
Discussion des articles
Chapitre
VIII. - Travaux publics
Article 5
« Art. 5. Entretien
et réparations aux endiguements des polders : fr. 500,000 fr. »
M.
le président. - Nous en sommes à l’art. 5 du chap. VIII, relatif aux
travaux publics. A l’art 5, polders, il est demandé 500,000 fr. par le
gouvernement. La section centrale propose une autre rédaction de cet article :
elle demande qu’il ait pour titre : « Entretien et réparations des
endiguements des polders, sauf le recours du gouvernement contre les
propriétaires. »
Le ministre demande une
augmentation de 157,000 fr. Cet article, par conséquent, se monterait à 657,000
fr.
Un amendement a été
proposé par M. Olislagers ; il demande un crédit de 50,000 fr. pour travaux aux
rives de
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - A la
fin de la séance d’hier, j’ai demandé que l’on votât sur l’article 5 relatif
aux polders et que l’on mît ensuite en discussion les réparations relatives aux
rives de
M.
Jullien. - Cet article
M.
le président. - Art. 5. Entretien des endiguements de polders, sauf le
recours du gouvernement contre les propriétaires : fr. 657,000. »
- Cet article mis aux
voix est adopté.
M.
le président. - M. Olislagers demande une somme de 50,000 fr. pour
réparation aux rives de
La section centrale n’a
pas pensé que la dépense fût opportune, et ne conclut pas à l’allocation du
crédit demandé.
M.
Simons. - Messieurs, l’année dernière, à l’occasion de l’examen du
chapitre du budget qui est maintenant en discussion, je me suis élevé avec
force contre l’apathie que montre en général le gouvernement, quand il s’agit
d’ouvrages de première nécessité à exécuter dans la province du Limbourg. Je
regrette vivement que mes justes doléances n’aient fait aucune impression.
C’est réellement comme si la partie de cette province, qui n’a pas été sacrifiée
par le traité de novembre 1831, ne méritait plus l’attention du gouvernement.
Des allocations
importantes sont pétitionnées tous les ans pour des ouvrages d’utilité publique
à exécuter dans les autres provinces ; mais on reste sourd aux réclamations les
plus vives qui partent de cette partie non moins intéressante de ce royaume.
Loin de moi de vouloir
contester les demandes de fonds pour dépenses urgentes de cette nature dans les
autres localités ; chaque fois que la nécessité m’en a été démontrée je les ai
appuyées de mon vote. Par contre j’ose espérer que la chambre et le
gouvernement montreront la même bienveillance à l’égard d’une province qui,
morcelée et déchirée par la diplomatie, entravée dans ses relations
commerciales, et condamnée à un isolement désastreux par l’établissement d’une
ligne de douanes, reste seule victime de la révolution.
Je n’abuserai pas des
moments précieux de la chambre pour dérouler le tableau sombre de la situation
dans laquelle se trouvent les riverains de
L’on me répondra sans
doute (au moins c’était le moyen principal qui fut mis en avant l’année
dernière pour combattre l’amendement de l’honorable M. de Theux) : « Les
dépenses de cette nature sont une charge de la province ; c’est à elle à y
pourvoir, et nullement à l’Etat. »
Je pourrais soutenir
avec quelque plausibilité, je pense, que ces charges ne peuvent être
régulièrement rangées dans la classe des charges provinciales ; que les
dispositions qui existent sur cette matière, imposées par la force brutale du
pouvoir de l’ancien gouvernement, au moins pour ce qui concerne le Limbourg qui
s’y est constamment opposé, sont subversives des principes d’équité.
En effet, à qui
appartiennent les fleuves et rivières navigables ? Incontestablement, d’après
le droit commun, elles forment une dépendance du domaine public. Eh bien, au
propriétaire incombe la charge d’entretien ; c’est donc à tort qu’on la fait
peser sur les provinces : l’Etat doit veiller à l’entretien de tout ce qui
forme le domaine public. Mais, messieurs la province dont je plaide les
intérêts n’est pas réduite à ce moyen. Je respecterai les dispositions qui
régissent la matière, quelque absurdes, quelque
injustes, j’ose le dire, qu’elles soient. Je n’ignore pas que tant que l’arrêté
de décembre 1819 ne sera pas rapporté en thèse générale les frais que
nécessiteront ces sortes d’ouvrages restent à la charge des provinces.
Mais je vous prie,
messieurs, de vouloir remarquer, et cette considération mérite, toute votre
attention, que la province du Limbourg se trouve dans une position toute
particulière qui, en présence même de l’arrêté précité, la dégage de
l’obligation que cet arrêté lui imposait. En effet, le chef du précédent
gouvernement, en chargeant les provinces de ce fardeau, leur a concédé en même
temps la jouissance de tous les revenus quelconques des rivières dont
l’entretien leur était imposé. Les revenus devaient leur servir de
compensation, et indemniser les provinces des frais qu’elles étaient obligées
de faire. Eh bien, la province du Limbourg, depuis la révolution, est privée de
ce revenu.
L’interruption de la
navigation sur
Permettez-moi,
messieurs, qu’à l’appui du système que j’ai eu l’honneur de développer, je cite
un passage remarquable du discours prononcé dans cette enceinte par l’honorable
M Nothomb lors de la discussion au sujet de la convention de Zonhoven :
« Un arrête du 17 décembre 1819, disait cet honorable membre, a placé
certaines rivières et notamment
Je m’arrête ici. D’après
ce qui précède il demeure constant que l’entretien des ouvrages de
Le point de droit
établi, reste à examiner s’il y a réellement urgence à faire faire des
réparations aux rives de
Vous vous rappellerez,
sans doute, messieurs que l’année dernière j’ai agite la même question ; que,
par suite de la discussion à laquelle cet objet avait donné lieu, l’honorable
M. de Theux fit une proposition d’allouer au budget une somme de 73,000 francs
pour faire face aux réparations les plus urgentes, et qu’avant de prendre une
décision à ce sujet la proposition de l’honorable membre fut renvoyée à votre
section centrale. Eh bien, messieurs, c’est le rapport qui vous fut fait dans
la séance du 23 septembre dernier par son honorable rapporteur, M. Dubus, qui
démontre ce point important de la manière la plus évidente. Comme la section
centrale, chargée de l’examen préliminaire de la proposition de l’honorable M.
Olislagers, semble révoquer en doute l’urgence, voire même l’opportunité de ces
travaux, et conclut à un plus ample informé, moyen dilatoire qui ne tend à rien
moins qu’à renvoyer cette proposition aux calendes grecques, il importe que je
donne lecture à la chambre de ce rapport.
Voici, quant aux faits,
comment s’est exprimé cet honorable rapporteur :
« Messieurs, votre
section centrale pour le budget de l’intérieur vient de terminer son travail
sur l’amendement proposé par M. de Theux dans la séance du 16 septembre
courant. Elle m’a chargé de vous présenter son rapport. Cet amendement est un
article additionnel au chap. VIII, et voici comment il est conçu :
« 73,000 fr. pour la réparation aux rives de
« La section centrale a
cru devoir s’assurer du fait. Il résulte des pièces qui lui ont été
communiquées que les rives de
« 1° A Maasbamp (hameau de Stein), rive droite de
« 2° A Grevenbick où la digue a été rompue l’hiver dernier : ce
point, dit le rapport, est le plus exposé de toute
« 3° A Maesyck, au pied du rempart même, qui forme digue, se
trouve un éboulement qui a produit une excavation profonde et qui met en danger
ce rempart : l’alluvion se trouve dévorée sur presque toute la longueur, et la
digue est dégradée en beaucoup d’endroits. Les ravages se prolongent jusqu’à Aldeneyck ;
« 4° A Uyckhoven, la digue qui couvre le village et une grande
étendue de terrain se trouve fortement corrodée par le pied ; l’alluvion, qui
gagne du côté opposé, resserre fortement le lit en cet endroit ; il y a
plusieurs parties fort dangereuses.
« Ces quatre points,
selon M. l’inspecteur divisionnaire sont ceux qui méritent le plus l’attention,
parce que la grande digue, celle qui retient
« Il signale encore
plusieurs autres points où des travaux sont nécessaires, et entre autres celui
d’Aldeneyck, au-dessous de Maesyck,
où l’action du courant dévore la rive et menace de creuser au fleuve un nouveau
lit, et de transporter ainsi de la rive gauche à la rive droite une portion de
notre territoire en la dévastant.
« Il est hors de
doute, porte textuellement le même rapport, qu’à Maasbamp,
à Aldeneyck et à Grevenbick,
les eaux se déverseront derrière les digues endommagées ou rompues, et
porteront la désolation, et la ruine dans les lieux où elles
s’étendront. »
« Dans le même
rapport, l’ingénieur a fait la supputation des dépenses nécessaires, en
distinguant celles qui sont urgentes de celles qui peuvent être différées à la
campagne prochaine. Le total de ces dépenses s’élève à 480,000 fr., celles qui
sont urgentes à 73,000 fr., et celles qu’on peut ajourner jusqu’à l’an prochain
à 107,000 fr. Il estime qu’on ne saurait différer les travaux urgents sans
s’exposer aux plus grands malheurs. »
Les détails dans
lesquels cet honorable rapporteur est entré au sujet alarmant dans lequel se
trouvent les rives de
Il reste donc constant
qu’abstraction des 73,000 fr. qui ont été alloués au budget précédent pour cet
objet, une somme de 107,000 fr. au moins est indispensable pour subvenir aux
frais ultérieurs, que nécessiteront les autres ouvrages signales dans ce
rapport, et dont la confection, vu l’époque avancée de l’année, a dû être
ajournée à l’exercice courant.
En résumé donc : 1°
obligation de la part du gouvernement de se charger à l’avenir des ouvrages de
défense et autres à faire à
D’après ces considérations,
je n’appuierai pas seulement l’amendement proposé par mon honorable collègue et
ami M. Olislagers, mais j’adjure M. le ministre d’ajouter aux demandes
d’allocations faites par le gouvernement une autre de 107,000 fr., afin de
pouvoir faire face aux dépenses dont il s’agit.
Une responsabilité
immense pèse sur sa personne. Il y a danger imminent pour des propriétés
importantes. Des communes entières riveraines sont menacées de destruction,
pour peu que l’on néglige de réparer les ouvrages dont il s’agit, qui se
trouvent en grande partie soit minés, soit dans un état de dégradation notable,
soit même complètement emportés. Le moindre délai peut avoir les conséquences
les plus funestes pour toute une localité.
J’ose
donc me flatter que la chambre et le gouvernement n’abandonneront pas une
province qui déjà n’a été que trop maltraitée par un acte de la diplomatie que
le respect pour la chose jugée me défend de qualifier dans cette enceinte. Si
des considérations majeures ont fait sacrifier en 1831, au bien-être général,
la moitié de cette province, la législature de 1833 ne permettra jamais que,
pour un intérêt minime, la partie que la politique a respectée ne soit de
nouveau compromise. Car notez-le bien, messieurs, l’action du courant de
M. Vanderheyden. - Messieurs, j’entends
dire par les honorables préopinants que c’est à la province qu’incombent
l’entretien et la réparation des digues et des rives de
J’aurai l’honneur de
faire remarquer à la chambre et aux honorables préopinants que nous ne sommes
pas appelés, dans ce moment-ci, à décider si l’entretien des rives de
La question qu’il s’agit
de décider maintenant est celle qui résulterait de l’exemple suivant :
Les digues et autres
ouvrages élevés sur le bord d’un fleuve dans le but de défendre les habitants
et les terres en culture contre les inondations, ont été emportés ou détruits par
la violence des eaux ; un village ou hameau, situé malheureusement à une petite
distance du fleuve dégarni de ses digues, mais dans un endroit par où tout
l’eau du fleuve qui déborde prend son cours pour regagner un peu plus loin le
lit qu’elle a abandonné ; ce village, dis-je, se trouve exposé non seulement à
être inondé à chaque débordement et à rester plus ou moins longtemps submergé,
mais encore à être emporté et détruit par la violence des eaux et le choc
impétueux des glaçons, lorsque le débordement est causé par une débâcle. Les
habitants de ce village, justement effrayés du danger de leur position, après
avoir réclamé longtemps mais inutilement, la reconstruction de la digue auprès
des états et du gouverneur de la province, ont enfin recours au Roi ou au
gouvernement, demandant sa protection pour être mis à l’abri des affreux
malheurs qui les menacent. Le gouvernement peut-il la leur refuser ? il ne le peut sans se rendre responsable des suites.
Eh bien ! messieurs, le cas que je viens d’exposer, c’est celui du
hameau d’Aldeneyck dépendant de Maesyck,
et situé dans un coude que décrit
Ne croyez pas,
messieurs, que j’exagère ; loin de là. Pour vous en convaincre, j’en appelle à
la supplique que les habitants d’Aldeneyck et la
régence de Maesyck ont présentée au Roi dans le mois
de mai de l’année dernière ; j’en appelle au rapport fait au ministre de
l’intérieur par les ingénieurs qu’il avait chargés de visiter les rives de
J’aurai l’honneur de
rappeler à la chambre que, vers la fin de la dernière session, elle a alloué,
sauf recours contre qui de droit, la somme de 73,000 fr., à laquelle étaient
évalués par la commission des deux ingénieurs les travaux de conservation à
exécuter sur les rives de
Le tiers restant paraît
avoir été destiné aux réparations à faire aux deux points de la rive droite, à Uyckhoven et à Maesyck : pour ce
qui regarde ce dernier point, le 12 novembre
Dans le devis de cette
réparation, l’ingénieur en excuse l’exiguïté en disant que pour le moment il
n’avait pas d’argent pour en faire davantage. Mais vous demanderez, messieurs,
si cette réparation a été exécutée. Je vous répondrai que non. Eh, messieurs,
comment pourrait-il en être autrement : l’entrepreneur avait, je pense, 30
jours pour se procurer les matériaux et les préparer au travail ; ses ouvriers
n’auraient donc pu mettre la main à l’œuvre que vers le milieu de décembre,
c’est-à-dire, au milieu de la saison des grandes eaux. Vous avez là un
échantillon, messieurs, du savoir-faire du corps du génie et du waterstaat.
De tels travaux doivent
être achevés avant le mois d’octobre, dans la saison des basses eaux, si l’on
veut qu’ils soient bien faits et durables.
Je vous ai exposé,
messieurs, fidèlement et sans exagération, l’état exact des choses ; je demande
que la chambre veuille allouer au gouvernement la somme nécessaire aux travaux
à faire sur les bords de
Je
demande que la chambre alloue, sauf recours contre qui de droit, toute la somme
à laquelle la commission des ingénieurs qui a visite l’an dernier les bords de
M. d’Huart. - Lorsque j’ai annoncé
dernièrement l’opposition que je me proposais de faire contre l’adoption de
l’amendement en discussion, un de nos honorables collègues a cru trouver dans
les paroles que j’ai prononcées une espèce d’attaque personnelle.
Je me suis empresse
d’expliquer ma pensée à l’assemblée, j’ai déclaré que j’avais la conviction
qu’en demandant à la législature une somme de 73,000 francs pour réparation des
rives de
Si je m’oppose à
l’amendement dont il s’agit, c’est que je le regarde exclusivement comme
contraire aux principes qui doivent nous diriger.
Aux termes des lois
existantes et notamment selon le code civil, les travaux quelconques nécessités
pour l’entretien des rives des fleuves et rivières navigables ou flottables
incombent aux riverains, et cela est fort juste puisque, d’après les mêmes
lois, les alluvions qui se forment vers les rives deviennent la propriété des
riverains.
Comme, d’après les mêmes
lois, les atterrissements qui se forment dans le milieu du lit de ces cours
d’eau appartiennent à l’Etat, celui-ci est chargé d’en maintenir la
navigabilité.
La part de chacun dans
les avantages et dans les préjudices est donc réglée d’une manière équitable ;
et dans le cas présent les dégradations des rives de
Pour ce soustraire à ces
règles légales, il faudrait nécessairement le cas de force majeure et une
urgence bien constatée ; or, c’est ce qui n’existe pas ici. Le gouvernement
auquel est imposé le devoir de veiller au cours des fleuves et rivières, est-il
venu réclamer des fonds pour
L’année dernière il a
été accordé sur la demande de M. de Theux, une somme de 73,000 fr. pour le même
objet ; alors on était arrivé vers la fin de l’année, on nous disait que les
réparations devaient avoir lieu avant l’hiver, à moins d’exposer la ville de Maesyck aux plus grands dangers, on nous disait : Que
risquez-vous en votant à titre d’avance une somme dont l’emploi ne saurait
subir le moindre retard, et qui d’ailleurs sera récupérée par le gouvernement ?
Cette fois que le budget est voté au commencement de l’année, les mêmes raisons
ne sont plus admissibles. C’est à tort que l’on invoque ici le rapport fait
l’an dernier par la section centrale en ce qu’il parle de l’urgence. Le
gouvernement a le temps de prendre des mesures et d’obliger la province à
procéder dans la bonne saison aux travaux qui lui incombent de toute manière.
Si, ce que je ne crois
pas, il était nécessaire de faire un nouveau prêt à la province du Limbourg,
dont par parenthèse les finances sont dans un état prospère, il serait prudent
de connaître au préalable quel a été l’emploi de la somme déjà prêtée et
quelles sont les mesures du gouvernement pour faire rembourser cette somme au
trésor.
Par ce qui s’est passé
l’année dernière dans cette chambre, le gouvernement a été suffisamment averti
des envahissements de
L’honorable M.
Olislagers a présenté un amendement ; il demande 50,000 fr. ; sur quoi
appuie-t-il sa demande ? Sait-il à quoi s’élèveront les réparations à faire ?
Les ingénieurs se sont-ils prononcés ? Comment le gouvernement ne vient-il pas
justifier cette demande ?
Il
se pourrait que 25,000 fr. fussent suffisants, il se pourrait que 50,000 fr. ne
seraient rien et ne seraient employés qu’en pure perte. On prétend que la
province du Limbourg, depuis 1830, ne percevant plus les droits de navigation
sur
M. Ch. Vilain XIIII. - L’opposition de M. d’Huart
repose sur trois motifs, à ce qu’il me paraît : 1° les riverains sont obligés
de garantir leurs propriétés ; 2° les dangers ne sont pas réels ; 3° à la
province à faire les réparations si les riverains ne peuvent pas les exécuter.
Messieurs, il est
impossible à tous les riverains de
Il est quelquefois des dégâts
qui ont trois ou quatre cents mètres d’étendue et qui comprennent plusieurs
petites propriétés : dans ce cas les propriétaires préfèrent perdre leurs
bonniers que de consacrer à des travaux hydrauliques des sommes supérieures à
la valeur de leur terrain. C’est dans une situation à peu près semblable que se
trouvent les habitants des communes de Cothem, de Borshem, de Mechelen, de Maesyck,
etc., et il leur est impossible de réparer les rives adjacentes à leurs
territoires.
Les dangers ne sont pas
réels, a dit un honorable membre. Messieurs, les dangers sont très réels. Je
puis l’affirmer parce que je l’ai vu. Les dangers que le hameau de Maasbamp a courus sont très réels ; si les travaux
n’avaient pas été faits avant l’hiver, le hameau eût été emporté peut-être tout
entier.
Quant
à Maesyck, les hautes eaux de cet hiver ont très
fortement endommagé la digue, et il est possible que
C’est, assure-t-on, à la
province à faire des réparations : mais la province percevait autrefois des
droits sur
M.
Jullien. - L’année dernière M. de Theux fit à la chambre la proposition
incidente d’ajouter au budget une somme de 73,000 fr. pour réparations aux
rives de
Je me rappelle que c’est
à cause de l’urgence déclaré réelle par l’honorable M. Teichmann que la chambre
accorda 73,000 fr., mais sauf recours contre la province ou les riverains. On
devait s’attendre que l’avance faite l’année dernière amènerait le gouvernement
à régler définitivement la question entre les riverains et la province, afin que
de pareilles prétentions ne se renouvelassent pas devant la chambre, et que le
gouvernement rentrât dans les fonds qu’il avançait. Maintenant que vous avez
ouvert la porte à ces sortes de réclamations, voilà M. Olislagers qui demande
50,000 fr., que M. Simons en demande plus de 100,000 et que M. Vanderheyden en
demande encore davantage. Cependant, au milieu des embarras de la contestation
entre les riverains et la province, s’il y avait urgence des travaux, on
pourrait peut-être, par les autres motifs qui ont déterminé la chambre l’année
dernière, accueillir la proposition de M. Olislagers avec la même
bienveillance.
Mais
personne dans cette enceinte ne venant, ni de la part du gouvernement, ni de la
part des ingénieurs, nous attester l’urgence des travaux, il me semble que
votre section centrale a agi très prudemment en disant qu’elle n’apercevait pas
de motifs suffisants pour accorder l’allocation, et que c’était une affaire à
ajourner. C’est, messieurs, le parti qu’il faut prendre. Dans tous les cas, nous
attendrons les explications que nous donnera le gouvernement, car il serait
fort étrange que si les dangers signalés étaient aussi réels qu’on le dit, le
gouvernement n’y ait pas pensé quand il a demandé six à sept cent mille francs
pour les travaux publics : si le gouvernement n’a rien demandé pour les
réparations de
J’appuierai les
conclusions de la section centrale.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement n’a pas
demandé de crédit pour réparation aux rives de
Le gouvernement a agi
avec autant de promptitude qu’il pouvait le faire. A la vérité, pour Maseyck, les travaux n’ont pu être exécutés ; une
inondation est survenue, qui a empêché de les commencer ; mais des travaux ont
été exécutes sur trois points, et ils ont été très utiles ; c’est par suite de
force majeure qu’il n’en a pas été exécuté sur d’autres points : les
adjudications étaient faites.
L’année dernière,
indépendamment de la somme de 73,000 fr. qui a été accordée, une somme de
107,000 fr. avait été jugée nécessaire ; mais on a cru qu’on pouvait en
ajourner l’allocation à l’exercice suivant. Depuis la dernière session, de
nouveaux dégâts sont survenus aux rives de
Je n’ai pas encore reçu
le devis des dépenses à faire pour les nouveaux dégâts : un travail a été
demandé à l’ingénieur provincial, et le gouvernement l’attend. D’après les
évaluations de l’inspecteur-général, une somme de 60,000 fr. mettrait pour le
moment le gouvernement à même de faire des travaux urgents ; c’est-à-dire d’en
commencer ou d’en terminer sur les points où ils le sont plus nécessaires.
On a soulevé la question
de savoir qui doit, aujourd’hui, être chargé des réparations faire aux rives de
Le
gouvernement, en appuyant la demande de crédit qui est faite, n’entend pas
cependant renoncer a tonte prétention vis-à-vis de la province, ou vis-à-vis
des particuliers. Il trouve sa justification dans la loi ou dans l’arrêté que
je viens de citer. Toutefois il n’entend pas faire à une province des avantages
qu’il refuserait à d’autres, et c’est, au reste, fort gratuitement qu’on accuse
le gouvernement de négliger plus la province du Limbourg que toute autre partie
du royaume. A l’heure qu’il est, on travaille dans la province du Limbourg à
une route autour de Maestricht, qui est toute dans l’intérêt de cette province.
On s’occupe en outre d’un projet de route de Diest à Hasselt.
J’appuierai la demande
d’allocation faite par M. Olislagers, et je modifie même sa proposition en
demandant 60,000 fr.
M. d’Huart. - Messieurs, il n’est pas étonnant
que le gouvernement accepte avec empressement les 50,000 francs qui lui sont
offerts, il n’est pas étonnant qu’il vienne demander à la chambre d’augmenter
encore cette somme ; il est en effet plus commode de recevoir des fonds que
d’établir (ce qui ne peut être fait que par une enquête) à qui doit incomber la
dépense, soit à l’Etat, soit aux propriétaires riverains soit à la province. Il
est plus simple pour le ministre d’obtenir des fonds que d’entreprendre cette
opération longue et difficile, mais je ne sais si, en agissant ainsi, il
remplit bien son devoir.
Lorsque j’ai dit que les
dégâts n’étaient pas réels, j’ai prétendu dire et je maintiens que légalement
ils ne le sont pas, puisque l’existence de ces dégâts n’a pas été constatée
pour la chambre, puisque la chambre n’a pu les constater elle-même.
Il est probable que si
l’honorable M. Olislagers n’avait pas proposé une allocation l’an dernier, le
ministre n’aurait pas pensé à la demander. On s’autorise de ce que vous avez
accordé l’année dernière 73,000 fr., pour vous demander cette année encore de
nouveaux fonds. Puis voici M. Fleussu qui s’appuie sur ces précédents et vous
propose d’allouer 80,000 francs pour arrêter les empiétements de la rivière de
l’Ourthe non loin de Liége. Là, en effet, les dégâts sont menaçants, et si vous
votez des fonds pour réparer les rives de
L’honorable M. Ch.
Vilain XIIII a fait valoir les inconvénients qu’il y aurait à ce que les
réparations fussent faites par les riverains, par ceux-là seuls qui touchent le
fleuve ; mais ce pas ce que je demande ; j’entends que les propriétaires placés
derrière ces riverains contribuent aussi aux dépenses. Il en est ainsi dans les
provinces du Brabant et d’Anvers, que plusieurs rivières traversent ; là les
propriétaires sont légalement associés, et font faire aux rives toutes les
réparations nécessaires à tant par bonnier. Je ne vois pas pourquoi lorsqu’il
en est ainsi dans des provinces traversées par des rivières où la marée se fait
sentir, et qui par conséquent donnent lieu à de plus graves accidents, on
ferait une exception pour la province du Limbourg qui, sous ce rapport, se
trouve dans des conditions plus favorables.
L’an dernier, on
alléguait l’urgence des travaux, on nous représentait Maezyck
comme englouti ; cependant on ne fait que commencer ces travaux qu’on disait si
urgents. Cependant cette année les eaux ont été bien hautes, nous avons eu deux
mois de pluie, un grand nombre de rivières ont débordé, de grands dégâts
étaient plus vraisemblables que s’il y avait eu des glaces, d’autant plus que
le terrain qui borne
On a
fait remarquer que l’allocation n’est qu’une simple avance ; mais on fait une
avance à un corps constitué quand il est dans l’impossibilité de faire face à
une dépense. Or les finances de la province de Limbourg sont dans l’état le
plus prospère. Cette situation s’est à peu près maintenue, il serait donc
facile de prélever sur cette somme de 150,000 fl. celle de 60,000 fr. dont on
dit avoir besoin aujourd’hui.
Je répéterai ce que j’ai
déjà dit, c’est que si, par des amendements successifs, vous mettez chaque
année à la disposition du ministre les fonds nécessaires pour pourvoir à la
dépense, le gouvernement, fort de ces précédents, comptera sur la même
allocation pour les années ultérieures et laissera là l’enquête nécessaire pour
faire payer ces frais par chaque province. Par ces motifs, je voterai pour le
rejet de l’allocation.
M. Ch. Vilain XIIII. - Messieurs, je n’avais pas voulu
la première fois relever l’argument que l’honorable M. d’Huart avait présenté
contre l’urgence des travaux alléguée l’an dernier, et qu’il avait basé sur ce
que le gouvernement n’en a fait faire aucun ; mais puisqu’il l’a reproduit, je
crois devoir y répondre. Savez-vous, messieurs, pourquoi le gouvernement n’a
fait faire aucuns travaux ? C’est parce qu’il se trouve dans l’administration
deux ingénieurs qui jadis ont été rivaux à l’école polytechnique ; celui-ci
présente des plans qui sont toujours rejetés, celui-là envoie des plans que
l’autre ne veut jamais exécuter. Voilà, messieurs, pourquoi les travaux ne sont
pas commencés.
La position est
cependant des plus dangereuses, et les plus grands dégâts sont imminents. Si
cette année les eaux de
L’honorable
M. d’Huart a parlé de faire supporter les frais des travaux, non seulement aux
riverains, mais encore aux propriétaires placés derrière eux. Mais il faudrait
pour cela un règlement fait par les états provinciaux ; car assurément ce n’est
pas un règlement de la députation des états, telle qu’elle est constituée
maintenant, qui pourrait obliger les propriétaires à contribuer à ces frais. Il
faut donc attendre pour cela l’organisation de la province ; en attendant, Maesyck courrait les plus grands dangers.
Messieurs, parce que ce
sont des députés du Limbourg qui parlent seuls sur cette question, vous ne
penserez pas que l’intérêt en est la cause ; s’ils parlent seuls, c’est que
seuls ils connaissent les localités. Quant à moi, mon intérêt serait qu’on ne
fît pas de travaux ; car alors je jouis des riverains qui ne sont pas employés
aux travaux.
M. de Theux. - Il y a une erreur de
fait dans ce qu’a avancé l’honorable M. d’Huart : il a dit que les finances de
la province de Limbourg étaient dans l’état le plus prospère et qu’elle avait
en caisse 150,000 fl. ; je ferai remarquer que cette somme est affectée à un
usage spécial, c’est ce qui résulte du rapport présenté dans une occasion
semblable par l’honorable M. Dubus au nom de la section centrale.
Les finances de cette
province sont si peu prospères qu’elle a été obligée d’ajouter aux 6 centimes
additionnels établis par la loi de 1822 5 autres centimes additionnels. La
contribution foncière est donc grevée dans cette province de 11 centimes
additionnels. Tel était le budget de cette province en 1830 ; je pense que
c’est encore à peu près son état actuel.
Je
n’ajouterai qu’un mot sur la question de savoir à la charge de qui sont les
travaux à faire. La loi du 3 septembre
M.
Gendebien. - Messieurs je pense que si nous voulons voter avec
connaissance de cause, il est nécessaire d’ajourner la question ; car nous
n’avons pas les éléments nécessaires pour y donner une solution pertinente. Le
péril n’est pas imminent, ou les mœurs et les habitudes de
Je
demande sans rien préjuger. L’urgence n’est pas telle que nous ne puissions
bien tarder de 5 à 6 jours. On a parlé d’urgence et on n’a rien fait que
quelques travaux qui intéressent des particuliers.
L’ajournement nous
permettra d’avoir sur la dépense nécessaire tous les renseignements désirables.
Aujourd’hui, je ne pourrais pas voter pour une dépense dont l’utilité ne m’est
pas démontrée ; ne voulant pas m’abstenir, je serais obligé de voter contre ;
dans 5 ou 6 jours au contraire il sera possible que je vote pour.
M. Ch. Vilain XIIII. - L’honorable préopinant a dit que
des travaux avaient été faits dans l’intérêt des particuliers ; rien de
semblable n’a eu lieu ; tous les travaux faits intéressent des hameaux, des
villages.
M. Gendebien. - On dit qu’il avait été fait
aussi des travaux pour des prairies appartenant à des particuliers.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je ne m’oppose pas à
l’ajournement ; mais je n’y vois aucun avantage : en effet la question de
droit, très longue, très difficile ne pourra être résolue dans le délai
demandé. Quant à la question de fait, M. le ministre sait parfaitement qu’il y
a urgence pour les travaux à faire. Un ingénieur a été envoyé sur les lieux
pour en constater l’état ; il a fait à ce sujet un rapport au ministre ; je
demande que M. le ministre veuille bien le communiquer à la chambre ; elle ne
peut pas avoir de meilleurs renseignements.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si
l’ajournement ne doit reporter la discussion qu’à 5 ou 6 jours, je n’ai pas de
motif à m’y opposer. Cependant je dois dire que la question de fait et la
question de droit sont aussi bien éclaircis maintenant qu’elles pourront l’être
dans huit jours. En fait, il est constant que des travaux sont nécessaires,
c’est ce qui résulte du rapport même de la section centrale de l’année dernière
; quant à la question de droit, nous ne la préjugeons pas, c’est une avance que
nous faisons dans l’intérêt public ; nous vous demandons de faire, par
exception pour les travaux à exécuter sur les bords de
M. d’Huart. - J’appuie la proposition de
l’honorable M. Gendebien, car il faut que la chambre connaisse les faits ; il
ne faut pas qu’elle vote en aveugle. Mais il ne faut pas s’y méprendre, il ne
s’agit que du fait. La question de fait est facile à décider, mais la question
de droit est difficile ; pour cela une enquête serait nécessaire et elle
demanderait plusieurs mois.
L’ajournement étant seul
en discussion, je ne rentrerai pas dans le fond de la question ; mais je tiens
à vous prouver que je n’ai pas avancé légèrement que les finances de la
province du Limbourg sont dans un état prospère, c’est ce que je ferai en temps
opportun en vous soumettant le rapport de la section centrale.
-
L’ajournement est mis aux voix et adopté.
M. d’Huart. - Il est bien entendu que c’est un ajournement indéfini et jusqu’à ce
que M. le ministre fasse à ce sujet une proposition de loi.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je
demande le renvoi à la section centrale.
M.
Gendebien. - Oui, le renvoi à la section centrale, ou bien à une
commission spéciale, dans laquelle on ferait entrer les députés qui connaissent
les localités et qui sont plus à même d’éclairer la question.
M. d’Huart. - Le renvoi à la section centrale est impossible ; la section centrale
n’a pas mission pour cela ; elle ne peut pas faire une enquête sur les lieux.
C’est dans les attributions du pouvoir exécutif ; je ne vois pas pourquoi il
rejetterait ses obligations sur la chambre. La section centrale a rempli sa
mission, elle vous a présenté son rapport ; vous ne pouvez pas lui renvoyer
encore cette question. C’est au gouvernement à vous soumettre les documents
qu’il aura recueillis sur les lieux, et à vous présenter un projet de loi.
M. Fleussu. - On a oublié trop tôt les motifs
qu’on a présentés pour faire adopter l’ajournement. L’ajournement a été
demandé, non pas parce que la dépense n’était pas urgente, mais parce qu’elle n’était
pas suffisamment justifiée. Maintenant que reste-t-il à faire ? ou renvoyer la proposition à la section centrale qui priera
M. le ministre de lui donner les éclaircissements nécessaires, ou engager M. le
ministre à faire sur cet objet un rapport à la chambre. Ces renseignements sont
la seule chose qui manque ; il est indifférent que M. le ministre les donne à
la section centrale ou à la chambre. Dès qu’ils auront été donnés, dès qu’ils
auront justifié la nécessité de la dépense, la difficulté sera levée.
M. le
ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’appuie le renvoi à la section
centrale ; les renseignements qu’elle me demandera lui seront communiqués
immédiatement pour ceux qui sont à ma disposition, et aussitôt que je les aurai
reçus, pour ceux qui me manquent.
M.
le président. - Je vais donner lecture de la proposition de M. Fleussu et de celles qui viennent de
m’être remises par MM. Desmet et
Lardinois : »
« Nous avons
l’honneur de proposer à la chambre d’allouer au budget une somme de 80,000 fr.,
dont M. le ministre de l’intérieur sera autorisé à disposer pour les travaux
indispensables à faire à l’effet d’arrêter les empiétements de la rivière de
l’Ourthe au lieu-dit Forchu-Fossé, et, ce, sauf recours
du gouvernement, s’il y a lieu, contre ceux à qui cette dépense pourrait
incomber.
« Fleussu, de Behr,
Ernst, L. de Laminne. »
« J’ai l’honneur
de proposer d’allouer au budget de l’intérieur une somme de 20,000 francs pour
réparer les dégâts causés par
« F.-J.
Lardinois. »
« J’ai l’honneur de
faire la proposition à la chambre qu’elle veuille allouer dans le budget de
l’exercice courant une somme de 200,000 francs pour exécuter les réparations
nécessaires aux bords de l’Escaut. -
« Eug.
Desmet. »
- Le renvoi de ces trois
propositions de la section centrale est mis aux voix et adopté.
M.
le président. - La chambre a terminé ce qui concerne les travaux
publics, à l’exception de ce qu’elle vient de renvoyer à la section centrale.
Rapport
de la section centrale
M. Gendebien, rapporteur de la commission chargée de
l’examen des projets présentés par M. le ministre de la guerre à la séance du
22 courant monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, votre commission
a examiné le projet de transfert de la somme de 2,850,000
fr. du budget de la guerre pour l’exercice de 1833, au budget de 1834. Elle m’a
chargé d’avoir l’honneur de vous présenter son rapport.
Les motifs qui
accompagnent le projet de loi paraissant peu clairs, la commission a invité M.
le ministre de la guerre à assister à ses délibérations. Obtempérant à cette
demande, M. le ministre de la guerre nous a déclaré qu’ayant appris que le roi
de Hollande augmente son armée de ligne et réorganise sa schuttery
; que, d’un autre côté, les événements récents exigeant l’envoi de troupes dans
le Luxembourg, le gouvernement avait pris la résolution d’augmenter l’armée de
20 hommes par compagnie, c’est-à-dire de 7,000 hommes, lesquels, devant coûter
approximativement 7,000 fr. par jour, exigent une dépense, pour 300 jours, de
2,100,000 fr. Le surplus du transfert servira à faire face aux dépenses de
déplacement et de cantonnement des troupes qui seront envoyées dans le
Luxembourg.
Le ministre-directeur de
la guerre a fait observer à la commission que la somme de 2,850,000 francs,
objet du transfert proposé, ne se compose pas en totalité d’économies
proprement dites ; mais qu’une partie de cette somme, celle de 1,946,739 francs
71 cent., provient du remboursement, fait par plusieurs corps, des avances
qu’ils avaient reçues pour la masse d’habillement
Votre commission a pensé
qu’il eût été convenable de porter cette somme au budget des voies et moyens,
parce qu’elle est plutôt une recette extraordinaire qu’une économie ; elle
estime que, pour l’avenir, il conviendrait, pour le bon ordre de la
comptabilité, d’en agir ainsi ; mais le budget des voies et moyens ayant été
voté pour cette année, elle vous propose de considérer la somme tout entière de
2,850,000 francs comme un excédant de crédit sur l’exercice de 1833, dont il
pourra être disposé par crédit spécial, sans qu’il soit nécessaire de recourir
à la voie de transfert d’un exercice à l’autre.
Délibérant sur le fond
même de la proposition du gouvernement, la commission a pensé qu’elle n’était
qu’une de ces demi-mesures toujours onéreuses et sans résultat pour le pays ;
elle a été unanime pour exprimer à M. le ministre de la guerre ses doutes sur
l’efficacité de sa proposition. En effet, le gouvernement a pris la résolution
de rappeler sous les armes vingt hommes par compagnie, pour mettre notre armée
au niveau de l’armée hollandaise, et en même temps pour envoyer des troupes
dans le Luxembourg ; et notre armée étant aujourd’hui a peu près égale à
l’armée hollandaise, il est évident qu’il ne suffit pas de rappeler sous les
armes un nombre d’hommes égal à celui qui est rappelé en Hollande ; mais qu’il
faut encore combler le vide résultant de l’envoi, dans le Luxembourg, d’un
corps d’armée destiné à laver que nous y ayons reçu, et pour faire respecter à
l’avenir l’honneur belge et l’intégrité du territoire.
La commission a donc été
unanimement d’avis que la proposition du gouvernement était peu satisfaisante.
Elle l’a considérée comme insuffisante si le gouvernement est décidé à prendre
l’attitude digne d’un peuple libre et indépendant ; elle l’a trouvée superflue
et inutilement onéreuse, si le gouvernement ne veut faire qu’une vaine
démonstration et s’en rapporter aveuglément aux décisions des cabinets
étrangers.
La commission a pensé
que les événements du Luxembourg, combinés avec les armements clandestins de
En
conséquence, messieurs, votre commission vous propose de passer à l’ordre du
jour sur la proposition du gouvernement, ou, tout au moins, d’en ajourner l’adoption
jusqu’à ce que les ministres se soient expliqués catégoriquement sur notre
situation politique à l’égard de
Plusieurs membres. - A demain la discussion du
rapport.
M. d’Huart. - L’époque de la discussion doit dépendre de ce que dira M. le
ministre de la guerre ; s’il a besoin à l’instant même des fonds qu’il demande,
nous entamerons de suite la discussion du rapport ; sinon, nous la renverrons
après le budget de l’intérieur.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Un retard
de 24 ou de 48 heures ne peut rien faire. Si on veut ajourner la discussion du
rapport de l’honorable M. Gendebien après le vote du budget de l’intérieur,
cela n’offre aucun inconvénient ; nous serons alors parfaitement à temps.
M. Jullien. - J’aurai l’honneur de rappeler à la
chambre qu’elle a séparé la discussion de l’adresse de celle du rapport
présente par M. le ministre des affaires étrangères, et qu’elle a décidé que la
discussion de ce rapport aurait lieu à part. Une occasion se présente de
joindre le rapport sur les événements du Luxembourg aux projets de loi
présentés par M. le ministre de la guerre. Je demande que la discussion de ces
deux objets réunis soit mise à l’ordre du jour, pour avoir lieu après le vote
du budget de l’intérieur.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - Appuyé ! Ces deux objets sont
indivis de leur nature.
Plusieurs membres. - Appuyé !
- La chambre décide que
les projets de loi présentés par M. le ministre de la guerre et le rapport fait
à la chambre par M. le ministre des affaires étrangères dans la séance du 19 de
ce mois seront discutés ensemble après le vote du budget de l’intérieur.
La chambre reprend la
discussion du budget de l’intérieur.
Discussion des articles
Chapitre
VIII. - Travaux publics
(Moniteur belge n°59, du 28 février 1834) M.
le président. - Nous allons reprendre le chapitre IV, qui est relatif à
l’instruction publique.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il y a encore à voter sur une
augmentation que j’ai demandée au chapitre des travaux publics, pour
acquisition et reconstruction de l’hôtel Torrington, et d’un autre hôtel
contigu qui y a été en partie incorporé. Cette augmentation est de 220,000 fr.
M.
de Puydt. - Depuis que la section centrale a pris des conclusions sur
l’objet dont il s’agit, une nouvelle communication a été faite par le
gouvernement. La section centrale ne s’étant pas réunie pour examiner cette
proposition, je demanderai l’ajournement de la discussion à demain, afin
qu’elle puisse en prendre connaissance et donner ses conclusions.
- La discussion de la
proposition de M. le ministre, relative à l’hôtel Torrington, est renvoyée à
demain.
Chapitre IV. - Instruction publique
Article premier
« Art. 1er. Frais
des trois universités. »
Le gouvernement demande
384,900 fr.
La section centrale
propose d’allouer 353,300.
M.
Desmet. - L’année dernière nous avons assez longuement discuté le
chiffre nécessaire à couvrir les frais des trois universités, et la chambre
s’est arrêtée à la réduction proposée par la section centrale.
Depuis longtemps, le vœu
général appelle la réduction du nombre des universités, et cette année la
plupart des sections ont renouvelé ce vœu.
On est généralement
d’avis de n’admettre, dans la situation provisoire où nous nous trouvons, et en
attendant la loi sur l’instruction publique donnée aux frais de l’Etat, que les
dépenses véritablement nécessaires pour conserver jusque-là les établissements
existants, sur le sort desquels la loi prononcera. Cette année votre section
centrale a jugé de même à l’unanimité. Elle n’a trouvé aucune nécessité dans
l’état provisoire de l’enseignement supérieur, de majorer le chiffre voté l’an
dernier.
Elle a émis ce vote sans
de longues discussions, parce qu’elle a trouvé qu’il n’était nullement utile de
s’appesantir longuement sur un objet qui allait être discuté très en détail
lors de la prochaine présentation du projet de loi sur l’enseignement, surtout
que, depuis 1830, le chiffre des frais des universités a toujours été en
croissant. En 1832, il a été alloué fr. 27,152-37 c. de plus qu’au budget de
1831. Pour 1833, le gouvernement demandait encore fr. 40,997-18 c. de plus
qu’en 1832, ce qui faisait fr. 68,129-85 c. au-delà de ce que le gouvernement
avait trouvé nécessaire en 1831 pour les trois universités ; la chambre alloua
celui de fr. 365,000 donc fr. 48,229-85 c. plus qu’en 1831. Cependant il est à
observer qu’en décembre 1830 ont été supprimées la faculté des sciences physiques
et mathématiques à Louvain, cette même faculté et celle de philosophie et
lettres à Gand, et cette dernière aussi à Liége ; le détail des frais matériels
des universités reste toujours aussi comme si ces facultés supprimées
existaient encore à charge de l’Etat.
D’ailleurs, messieurs,
veuillez aussi remarquer que la différence qui existe entre le chiffre proposé
par M. le ministre et celui que la section centrale trouve suffisant pour
couvrir les dépenses nécessaires aux universités, ne touche ni le traitement
des professeurs et autres employés, ni le service du sénat académique, ni ne
diminue la somme allouée pour les bourses, enfin ne porte qu’une diminution de
19,900 fr. sur la somme de 57,400 fr. destinée au subside matériel accordé aux
trois universités pour l’entretien des bâtiments et du mobilier.
Il restera encore pour
ce matériel, après la réduction qui vous est proposée, un subside de 37,500
fr., somme qui est certainement suffisance pour l’entretien et la bonne
conservation de ce matériel, dans l’état provisoire où se trouvent les
universités, dont le nombre va probablement diminuer ; on agirait donc, sinon
imprudemment, du moins sans aucune vue d’économie, si on allait faire des
dépenses pour augmenter ce matériel par de nouveaux achats, dans un moment où,
comme je viens de le dire, il est très incertain que vous conserviez trois
universités.
Et
quand le ministre dit, pour justifier la majoration de 19,900 francs, que des
réparations indispensables auraient été forcément ajournées par suite de
l’insuffisance du crédit alloué en 1833, c’est en désaccord avec les détails
consignés en la note du budget à l’appui du chapitre où il n’est porté, pour
l’entretien des bâtiments et du mobilier des trois universités, que 8,500 fr.
Et au-dessus des 8,500 fr., il lui reste encore à sa disposition, sur ce
crédit, une somme de 29,000 fr., somme qui doit indubitablement suffire pour
faire les autres dépenses urgentes, s’il peut s’en trouver, ce que je ne crois
pas ; car les autres indications de la note à l’appui sont des objets dont
l’achat peut être ajourné jusqu’à la loi sur l’enseignement ; comme, par
exemple, ne pourrait-on pas ajourner, sans beaucoup risquer, la dépense de 20
mille francs pour achat de livres dans les bibliothèques ?
Je crois donc que nous
ne pouvons hésiter à suivre le vœu de toutes les sections de cette année et de
celles de l’année dernière, qui tend, dans l’état provisoire de la législation
sur l’enseignement, état provisoire qui est sur le point de finir, à nous tenir
au chiffre allouée pour l’exercice passé et à n’accorder aucune majoration.
Nous sommes assurés que le chiffre du crédit sera suffisant pour faire
amplement ce service et empêcher que d’inutiles dépenses ne soient faites.
M. Jullien. - Je demande la parole pour savoir si
nous voterons sur les articles du chapitre IV par littera, comme nous l’avons
fait pour les autres articles du budget, ou si nous voterons l’article in globo, comme cela paraîtrait d’après la manière dont M. le
président a énoncé la mise en délibération de l’article. Il y a cinq lettres
dans l’article ; je me propose de parler sur la lettre E, d’autres se proposent
de parler sur la lettre A, d’autres sur la lettre B. Pour ne pas mettre de
confusion dans une discussion qui est aussi importante, nous devons voter par
lettres ; c’est le seul moyen de nous reconnaître.
M.
le président. - D’après le règlement, je dois mettre aux voix les
articles, et je ne dois entrer dans les subdivisions qu’autant que la division
est demandée. M. Jullien la demandant, elle aura lieu.
M. Ernst. - Dans
la première séance qui fut consacrée à examiner l’article premier, concernant
les frais des trois universités, déjà la division avait été indirectement
demandée par l’honorable rapporteur dont nous regrettons l’absence, causée par
une indisposition ; les 19,900 fr. dont la section centrale propose la
réduction ne concernent que le matériel. Il n’y a aucune raison de diviser les
lettres A, B et C, sur lesquelles la section centrale est d’accord avec le
gouvernement. On pourrait faire un article séparé de ces trois lettres, en y
joignant la lettre D, sur laquelle roule la contestation. La lettre E,
concernant les traitements des professeurs en non-activité, formera un autre
article ; M. le ministre n’a aucun raison de s’opposer à cette division. Je
demande donc qu’on s’occupe d’abord de la question de savoir s’il y a lieu de
réduire de 19,900 fr. la somme demandée pour le matériel ; nous nous occuperons
ensuite de la réduction de 7,000 fr. environ, proposée sur la lettre E.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je
consens à la division proposée. Les lettres A, B, C et D formeraient l’article
1er, le D seul donnera lieu à discussion, et la lettre E formerait l’article 2.
L’article 1er serait de 361,600 fr., et l’article 2 de 23,300.
- Cette division est
adoptée.
M.
le président. - Sur l’article 1er, la section centrale propose une
réduction de 19,900 fr. qui s’applique à la lettre D.
M. Ernst. - Ce sont les 19,900 fr. qui sont
maintenant en discussion. La section centrale les rejette pour réduire
l’allocation au chiffre de l’année dernière. M. le ministre avait parfaitement
justifié cette augmentation dans la séance à laquelle j’ai déjà fait allusion.
L’honorable M. Desmet n’a fait que reproduire les idées énoncées dans le
rapport de la section centrale, et n’a rien répondu aux arguments péremptoires
de M. le ministre de l'intérieur. La section centrale faisait un reproche au
ministre de réclamer 19,900 fr. pour entretien des bâtiments et du mobilier,
tandis que d’après ses propres calculs il n’emploierait que 4,200 fr. M. le
ministre de l'intérieur a démontré que la somme de 19,900 fr. ne s’applique pas
seulement aux réparations à faire aux bâtiments, mais à d’autres dépenses, à
compléter les collections, les bibliothèques, etc. ; qu’il avait bien pu
consentir à la réduction l’année dernière, à raison du temps avancé où le budget
a été voté, mais qu’il ne pouvait plus l’admettre cette année. Quoi qu’il en
soit, je dirai avec l’honorable ministre : Si on veut que dans les universités
on renonce aux journaux scientifiques qui tiennent les professeurs au courant
des progrès de la science, si on veut leur refuser les moyens de profiter des
ventes de bibliothèque pour acheter des livres, si telle est l’opinion de la
chambre, elle n’a qu’à voter, et je me tais.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne pourrais que répéter ce
que j’avais dit à la séance où la discussion a dû être interrompue par suite de
l’indisposition de l’honorable rapporteur que nous regrettons de ne pas voir
dans cette enceinte. Toute la différence de 19,900 fr. ne sera pas seulement
consacrée à des réparations, mais à compléter le matériel qui est rester en
souffrance par suite des réductions imposées chaque année au gouvernement.
L’année dernière, je n’ai pas consenti à la réduction, comme le pense
l’honorable M. Ernst ; elle a eu lieu malgré moi. J’ai dû reproduire cette
année le chiffre proposé en 1833. Il est suffisamment justifié par les
développements joints à ce budget. En liant ces développements, on pourra se
convaincre qu’il n’y a rien d’exagéré dans l’allocation demandée pour le
matériel.
Il y
a eu beaucoup de collections de journaux, d’ouvrages scientifiques précieux qui
ont dû être interrompues. C’est un capital perdu, tant que le gouvernement ne
sera pas à même de compléter ces collections. Des plaintes très vives nous ont
été adressées par MM. les bibliothécaires ; plusieurs ventes importantes de
livres ont eu lieu et nous n’avons pu en profiter. Il ne faudrait pas sans
doute, à la veille de la réorganisation de l’enseignement, faire de trop
grandes dépenses pour achat de livres ; mais encore faut-il compléter les
ouvrages dont la collection est commencée. Dans le cas où des universités
seraient supprimées, ces livres ne seraient pas perdus ; les bibliothèques
pourraient très bien rester en partie dans les villes universitaires, alors que
les universités n’y seraient plus. Il s’agit, en définitive, d’une dépense qui
doit donner une valeur à des collections auxquelles on a déjà consacré beaucoup
d’argent, et qui n’en auraient aucune si on ne les complétait pas.
M. Ernst. - Je désire ajouter une observation. Il
est probable qu’on ne conservera pas trois universités dans
La réponse à cette
objection est très simple ; le gouvernement veillera à ce qu’on n’achète pas
les mêmes ouvrages à Gand, à Liége et à Louvain ; et l’inconvénient qu’on
craint ne se présentera pas. On ne reproche pas au gouvernement d’avoir mal
employé les sommes qui ont été mises à sa disposition. Ce dont on se plaint,
c’est qu’il demande des augmentations de subsides pour le haut enseignement. Si
on n’avait rien fait de bon avec ces subsides, ou aurait raison ; mais si ce
qu’on a fait est bien fait, il ne faut pas se plaindre des allocations
accordées.
M. de Theux. - Pour fixer mon opinion
sur la proposition de la section centrale, j’ai dû recourir à la discussion du
mois de septembre dernier. Le gouvernement demandait une augmentation de 40,000
francs. Divers motifs avaient été allégués ; certaines dépenses n’avaient pu
être faire pour les jardins botaniques, des abonnements à des ouvrages
scientifiques avaient été suspendus, on n’avait pas pu acquérir de livres
nouveaux.
La chambre prenant en
considération ces trois motifs a voté une augmentation de 21 mille francs. Elle
avait pensé que cette majoration était suffisante pour satisfaire aux besoins
indiqués.
Je
voudrais savoir à quoi ces 21 mille francs ont été employés ; si, nonobstant
cette augmentation, on n’a pas complété les collections suspendues, fait les
dépenses convenables pour le jardin botanique, et s’il n’est pas resté
disponible une somme pour acheter les livres nécessaires.
Ce
que viennent de dire les honorables préopinant prouve qu’ils partagent
l’opinion de la section centrale sur la nécessité de restreindre les achats de
livres, pour ne pas avoir des ouvrages en double ou en triple, qu’on serait
obligé de mettre de côté, lors de la réorganisation du haut enseignement.
J’attendrai les
explications que j’ai demandées à M. le ministre avant de fixer mon opinion.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre remarquera que
l’année dernière elle n’a pas vote une augmentation de 21,000 fr., mais imposé
une réduction de 19,900 fr.
M. de Theux. - C’était une
augmentation sur le budget précédent.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je regrette
que la section centrale ait cru devoir proposer une réduction de 19,900 fr.,
sans demander au gouvernement les renseignements qui semblent aujourd’hui
nécessaires à l’honorable préopinant ; j’aurais été à même de me les procurer
et de les fournir à la chambre. La section centrale a proposé la réduction sans
demander l’emploi qu’on avait fait des 21,000 fr. accordés l’année dernière. Il
me serait impossible de donner aujourd’hui des détails, à cet égard, je ne les
ai pas sous la main.
M. Desmet. - Le double emploi ne peut pas avoir
lieu seulement pour les livres, mais aussi pour les collections et une foule
d’autres objets mobiliers. C’est pour éviter les achats inutiles, que la
section centrale n’a pas adopté l’augmentation demandée par M. le ministre.
M.
Ernst. - L’observation que j’ai faite pour les bibliothèques,
s’applique aux autres collections. Il est évident que dès que le gouvernement est consulté sur
l’emploi de l’allocation, cet emploi sera fait avec discernement. L’honorable
M. de Theux a demandé ce qu’on avait fait des sommes votées. On a fait une
foule de dépenses arriérées, c’est-à-dire qu’on en a fait une partie. Je
demande au gouvernement s’il peut faire seulement le quart de ce qu’on lui
demande. Il me suffit de vous citer un fait pour vous prouver que les
allocations sont insuffisantes. Avant la révolution, on avait construit à Liége
un bâtiment pour lequel on avait dépensé plus de 50,000
fr. ; on a attendu trois ans avant de pouvoir mettre des carreaux aux fenêtres.
Je vous en citerai un autre. La ville de Liége a fait cadeau d’un beau terrain
attenant à l’université, pour agrandir le jardin botanique ; on n’a pas encore
pu faire la dépense du grillage qui doit l’entourer.
Je ne sais s’il y a eu
abus dans les autres universités, je ne le crois pas : mais je puis attester
qu’à Liége on n’a jamais pu avoir les fonds nécessaires, parce que le
gouvernement n’en avait pas à sa disposition.
M. de Theux. - Je regrette que M. le
ministre ne soit pas à même de répondre catégoriquement. Car cela empêchera la
chambre d’apprécier la demande d’augmentation. Il reproduit, pour appuyer sa
nouvelle demande les motifs qui nous ont déterminés, l’année dernière, à
accorder les 21 mille francs. Il aurait dû prouver que ces 21 mille francs
n’avaient pas suffi pour faire face aux besoins qu’il avait indiqués.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement croit avoir justifié
la dépense par les développements du budget. Qu’on parcoure ces développements,
et on verra s’il y a là exagération.
Université de Louvain :
Clinique, 1,700 francs.
Clinique des
accouchements, 1,250 francs.
Amphithéâtre et
collections de préparations anatomiques, 850 francs.
Collections d’objets
d’histoire naturelle, de physique, de minéralogie et laboratoire de chimie
pharmaceutique, 850 francs.
Chauffage des salles de
leçons et réunions, 1,500 francs.
Matériel du jardin
botanique, 850 francs.
Entretien des bâtiments
et du mobilier, 2,150 francs.
Total, 15,500 francs.
Université de Liége,
même nature de dépenses s’élevant à 19,500 francs.
Université de Gand, même
nature de dépenses s’élevant à 22,400 francs.
Il faudrait qu’on
établît que ces sommes sont trop élevées pour chacune des universités et pour
chacun des détails renseignés. Je ne puis pas justifier autrement l’allocation
que je demande. Si c’est un compte de dépense de l’année dernière qu’on veut,
je ne suis pas à même de le fournir maintenant ; mais je puis assurer que le
service des bibliothèques est resté en souffrance.
M.
le président. - la chambre a décidé que les littera A, B, C et D
formeraient l’article 1er.
Pour cet article le
chiffre du gouvernement est de 361,600 fr.
Celui proposé par la
section centrale est de 341,700 fr.
- Le chiffre du
gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Littera E (devenu
article 2). Traitement des professeurs mis en non-activité par l’arrêté du 16
décembre 1830. »
Le gouvernement demande
23,300 fr.
La section centrale
propose d’allouer 11,600 fr
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je puis réduire la somme à
18,450 fr. par suite de l’absence de deux professeurs.
M.
Ernst. - Le vote que la chambre vient d’émettre m’encourage à soutenir
une autre cause que je serais désespéré de perdre. Je me félicite que mon
absence forcée de la chambre n’ait pas duré assez longtemps pour me mettre dans
l’impossibilité de défendre des collègues malheureux. Lors de l’organisation
des universités, le gouvernement a été obligé d’appeler des étrangers qui ont
abandonné des positions avantageuses pour venir donner la haute instruction en
Belgique.
En 1830 des facultés ont
été supprimées ; mais le gouvernement provisoire, en prononçant cette
suppression, il faut lui rendre cette justice, sut faire ce qu’il convenait
pour le malheur : il déclara que les professeurs des facultés supprimées
auraient non seulement droit à une pension, mais à une indemnité ou à une
chaire, lors de l’organisation définitive de l’enseignement supérieur. En
privant de leurs fonctions ces fonctionnaires auxquels on ne pouvait adresser
aucun reproche, on leur a fait entendre que cette perte n’était que temporaire,
qu’on les emploierait à la première occasion, et qu’en attendant on les mettait
à même de vivre honorablement. Plusieurs de ces professeurs ont joui d’un
traitement que Guillaume a continué de leur faire tenir. La plupart ont quitté
Pendant deux ans, ils
ont vécu dans la gène, dans l’attente d’une pension et d’une indemnité promises
; aujourd’hui on les menace d’un nouveau malheur, de réduire une pension
accordée tardivement et dont ils ont joui jusqu’à présent sous la sanction de
la législature. Pour proposer cette réduction, on invoque les dispositions du
règlement du 25 septembre 1816 et on dit qu’on ne peut compter pour la pension
que les services rendus en Belgique et non les services rendus antérieurement
en Allemagne, en France. Au premier abord, rien de plus fort que cet argument.
Certainement, il est absurde de payer les services rendus à l’étranger. Mais je
vous prie de remarquer, messieurs, qu’on n’a pas tenu compte des services
rendus à l’étranger, pour fixer le taux de la pension ; on a pensé qu’il ne
fallait pas s’arrêter exclusivement à un règlement qui n’est pas littéralement
applicable au cas, comme la section centrale elle-même en convient. On a pensé
qu’il fallait tenir compte de la position particulière que ces fonctionnaires
ont quitté, et, à titre d’indemnité, augmenter la pension de ce chef. Je dois
déclarer que ce n’est pas à leur sollicitation qu’on a donné ces chaires aux
savants étrangers.
C’est par
l’intermédiaire des ambassadeurs qu’on est parvenu à les déterminer à venir
dans les Pays-Bas, en leur faisant de belles promesses. Ces professeurs n’ont
pas démérité de
On dit que nos délibérations,
nos paroles, ont du retentissement à l’étranger Ne craignez-vous pas que votre
décision ne produise un effet fâcheux, quand on verra que vous voulez encore réduire le traitement, si minime déjà,
accordé à des hommes qui ont tout abandonné pour venir en Belgique, sur la foi
des promesses qu’elle leur avait faites ?
Je
ferai une dernière remarque, c’est qu’on est à la veille de l’organisation de
l’enseignement supérieur et que c’est probablement la dernière année qu’on aura
à payer ces traitements d’attente.
Voulez-vous que ces
professeurs soient obligés pour vivre de vendre une partie de leur
bibliothèque, de leurs collections, ou renoncent à faire élever leurs enfants
en Belgique, quand nous sommes sur le point de les replacer. Je ne crois pas
que vous preniez une délibération aussi contraire à l’honneur et à la dignité
du pays.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je
viens de réduire la somme que j’avais demandée à 18,130 fr. ; mais comme il y
aura à payer à payer à la veuve d’un professeur qui vient de mourir une pension
de 1,742 fr, la somme devra être de 19,872 fr.
M. A. Rodenbach. - Je ne demande la parole
que pour faire une question. Le ministre a dit qu’il réduisait la somme demandée
à 18,130 fr, Je lui demanderai si les professeurs auxquels sont destinés ces
18,000 fr. à titre de gratifications, car ils n’ont pas droit à une pension et
ce droit ne pouvait pas leur être conféré par un arrêté, ils n’avaient pas les
années de service voulues par la loi ; je demanderai, dis-je, si parmi ces
professeurs il n’est aucun qui maintenant occupe un autre emploi, soit dans
l’administration, soit dans l’enseignement. Il ne faut pas de cumulards.
Je prie M. le ministre
de me répondre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Aucun
des professeurs qui reçoivent une indemnité sur l’allocation dont il s’agit
n’exerce d’emploi salarié par l’Etat. Je ne sais si quelques-uns trouvent des ressources
en dehors de l’administration ; mais, quant à moi je ne voudrais pas prêter la
main à des cumuls onéreux pour le trésor.
M.
Gendebien. - La section centrale a vu avec étonnement qu’on avait
pendant les années précédentes porté au nombre des pensionnés deux professeurs
qui ont quitté
On a dit que la section
centrale avait reconnu que l’arrêté de 1816 n’était pas littéralement
applicable. Cela est vrai, mais il n’en résulte point, comme on a paru le
croire, un argument favorable pour les professeurs, car la non-applicabilité ne
tombe pas sur la hauteur de la pension, mais sur la pension même ; ce n’est
qu’en procédant par analogie que la section centrale a pu en faire
l’application. Nous avons assimilé la circonstance qui les a privés de leur
emploi, à un accident, comme perte de santé, qui aux termes de l’arrêté de 1816
donnait droit à une pension. Ainsi vous voyez que nous ne les avons pas traités
avec rigueur, quant à l’application de l’arrêté. Je ne pense pas qu’il nous fût
permis, comme membres de la section centrale, d’aller plus loin. Nous devions
examiner la question de droit d’interprétation, nous l’avons exposée ; la
chambre verra ce qu’elle aura à faire sous le rapport de l’équité.
On nous présente ces
fonctionnaires comme victimes de la révolution ; je ne puis m’empêcher de faire
observer que nous devrions nous rappeler qu’il y a d’autres victimes de la
révolution, et tandis que nous accordons des pensions à des professeurs
capables de subvenir à leurs besoins, en faisant usage de leur instruction, en
donnant des leçons ou formant des institutions particulières, nous ne songeons
pas à indemniser des pertes plus sensibles, des citoyens qui ont perdu toute
leur fortune et auxquels le projet de loi qui vous a été présenté est loin
d’offrir une indemnité équitable. Il est des citoyens qui sont sans ressources
par suite des événements de la révolution, et le gouvernement ne leur donne
rien. Il en est d’autres qui par suite d’honorables blessures ont été condamnés
à l’impuissance de faire usage de leurs membres. Je connais un brave militaire
qui a reçu à Anvers 27 blessures, dont trois coups de feu à la tête, deux à
travers le corps, et qui n’a pu obtenir un traitement de 800 florins qu’après
18 mois des réclamations les plus vives que j’ai appuyées de tous mes efforts.
Encore n’est-ce là qu’un secours momentané ; rien ne lui est garanti pour
l’avenir, car on n’a pas voulu lui confirmer le grade qu’il avait obtenu sur le
champ de bataille.
Je voudrais qu’on
réparât toutes les pertes causées par la révolution, je me montrerais très
disposé à réparer toutes celles pour lesquelles réclamerait le gouvernement.
Je disais que les
professeurs pouvant écrire et faire usage de leur talent, je vois figurer parmi
ces professeurs un homme qui a écrit contre la révolution, qui a insulté
Je répète que la section
centrale, pour arriver aux conclusions qu’elle vous a présentées, n’a pas usé
de rigueur, mais au contraire elle a dû user de bienveillance ; ce n’est qu’en
interprétant l’arrêté de la manière la plus favorable qu’elle a pu reconnaître
un droit aux professeurs. Elle s’est acquittée de son devoir en disant quel
était le droit ; en ma qualité de membre de la section centrale, je ne
m’opposerai pas à ce que vous alliez plus loin pour remplir un devoir d’équité.
J’ai une observation à
ajouter sur l’augmentation de 1,742 fr. que demande M. le ministre pour une
pension à accorder à la veuve d’un professeur récemment décédé. Loin de moi la
pensée de refuser la pension demandée pour cette veuve ; mais je ne pense pas
que ce soit ici la place de cette allocation, car je crois qu’il y a un
chapitre spécial pour les pensions. Au reste, le ministre pourrait payer la
pension sans qu’il fût nécessaire de voter le crédit ; il trouverait les fonds
nécessaires dans le traitement du professeur décédé. Je ne pense pas qu’à la
veille de réorganiser le haut enseignement, le ministre aille pourvoir à son
remplacement. Il doit y avoir des professeurs suppléants...
M. Ernst. - Il n’y en a pas.
M.
Gendebien. - Dans ce cas c’est une organisation très vicieuse. Il faut
que le ministre dise qu’il va remplacer le professeur décédé, sans cela il est
inutile de majorer la somme.
M.
Jullien. - Le gouvernement a demandé 23,300 fr. pour le traitement de
huit professeurs mis en non-activité depuis 1830, par arrêté du mois de
décembre. Il est à remarquer que deux de ces professeurs ont quitté le pays, et
n’ont pas fait de réclamations ; par conséquent la section centrale a très bien
fait de proposer la réduction du montant du traitement présumé de ces deux
professeurs. Ils peuvent avoir des droits à une indemnité ou à une pension ;
ils ont quitté le pays sans faire de réclamations ; si plus tard ils
réclamaient, on verrait ce qu’il y aurait à faire. Cela réduisait le chiffre à
18,130. C’est cette somme qui est demandée aujourd’hui par le ministre plus
1,742 fr. pour pension d’une veuve.
Mais la section centrale
propose de réduire la somme de 18,130 à 11,525 fr. il en résulterait que le
plus haut traitement des professeurs dont il s’agit, qui est de 3,257 francs,
serait réduit à 2,275, et que celui de 2,116 serait réduit à 1,500 fr.
Pour bien former votre
opinion, il faut porter vos regards en arrière. En 1830, quand on a supprimé
les charges des professeurs pour lesquels on vous demande cette allocation,
voici ce que le gouvernement provisoire leur écrivait. C’est une lettre
adressée à un des professeurs portés sur le tableau joint au budget.
« Monsieur,
« Par son arrêté
du 16 décembre, le comité central du gouvernement provisoire a supprimé la
faculté des sciences à l’université de Gand.
« Exprimant cette
mesure nécessitée par des circonstances imprévues, le gouvernement s’est
réservé la faculté de récompenser convenablement les services rendus par ceux
des fonctionnaires qu’elle laisse sans emploi depuis l’époque où ils ont été
attachés à l’enseignement supérieur dans le ci-devant royaume des Pays-Bas.
D’après l’article 3 dudit arrêté, ils sont admis à faire valoir leurs droits à
l’éméritat, à la pension, à une indemnité, ou à une de ces chaires qui seront
instituées lors de l’organisation définitive du système.
« Je vous invite en
conséquence à me faire parvenir le plus tôt possible les titres susceptibles
d’appuyer la réclamation que vous croirez pouvoir adresser au gouvernement,
pour être rangé dans l’une des catégories susmentionnées, d’après la nature et
la durée de vos services.
« Agréez, etc.
« Le chef du comité
de l’intérieur,
« Thielemans. »
En vertu de cette
lettre, ce professeur et ceux qui étaient dans le même cas, ont envoyé leurs
titres à la pension. Elle a été liquidée d’après ces titres au taux fixé par le
gouvernement, et c’est sur ce taux qu’il propose de continuer de les payer.
Mais la section centrale demande une réduction de plus du tiers, et voici les
motifs qui l’ont dirigée ; voici sur quoi se base principalement la réduction.
Elle dit aux professeurs
d’après l’arrêté de 1816 : on pouvait acquérir l’éméritat à l’âge de 60 ans ;
quand on avait 35 ans de service académiques dans le pays ; or, vous avez été appelés en Belgique en 1817, et
vous avez été démissionnés en 1830 ; par conséquent vous n’avez pas rendu 35
ans de services académiques dans le pays. Et la section centrale calcule la
pension en raison du temps que ces professeurs ont servi dans
Vous allez juger si cela
est juste. Lorsque ces professeurs ont été appelés de France ou d’Allemagne
pour remplir les chaires vacantes pour lesquelles on ne trouvait pas d’hommes
capables dans le pays, on s’est adressé à l’étranger, à des notabilités, à des
hommes connues dans la carrière des sciences et des lettres ; ces hommes, qui
ont actuellement 64 et 66 ans, avaient alors de 40 à 50 ans. Il était donc bien
impossible qu’ils obtinssent jamais l’éméritat dans
« Monsieur,
« J’ai reçu votre
lettre du 3 courant, et je m’empresse de répondre aux questions qu’elle
contient.
« Suivant les
règlements de nos universités, un professeur est émérite de droit à l’âge de 70
ans ; il conserve alors ses appointements et les émoluments de son poste. A 60
ans, on peut demander l’éméritat ou une pension de retraite, si l’on a consacré
35 ans à l’enseignement académique dans le royaume. Cette disposition, à la
rigueur, n’est donc pas applicable aux années de service dans l’enseignement
ailleurs ; mais il n’est pas douteux
qu’on n’ait égard au mérite des professeurs appelés de l’étranger,
etc. »
Cette lettre est du 8
juillet 1817.
Voilà ce qu’écrivait à
cet honorable professeur M. le baron de Geer, administrateur-général de l’enseignement public, lorsqu’il
lui faisait l’observation qu’il ne voulait pas sacrifier une position certaine
dans son pays à une position incertaine à l’étranger, puisqu’il lui était
impossible, ayant 48 ans, d’atteindre l’éméritat à 60, s’il lui fallait 35 ans
de services dans le pays. Il a dû prendre ses arrangements en conséquence. On
lui a répondu qu’on aurait égard au mérite des professeurs appelés de
l’étranger ; c’est sur la foi de cette promesse que ces professeurs sont venus
aussi. Le gouvernement provisoire a bien senti, quand il s’est agi de liquider
leurs pensions, qu’il fallait leur compter le temps de service à l’étranger.
Si, au moment de la révolution, ils eussent atteint l’âge de 70 ans, ils
auraient eu le traitement complet.
On n’a pas examiné s’ils
avaient rendu des services à l’étranger, mais on leur a compté les services
rendus aux sciences et aux lettres, aussi bien à l’étranger que dans le pays ;
c’est donc un acte de justice qu’a fait le gouvernement provisoire, et en cela,
s’il ne s’est pas conformé au texte, il a suivi l’esprit de l’arrêté de 1816 et
n’a fait qu’exécuter les engagements de l’ancien gouvernement, engagements que
le gouvernement qui lui succédait était tenu de remplir.
Il y avait une autre
disposition de l’arrêté de 1816, portant que si le professeur demandait
l’éméritat avant d’avoir atteint l’âge de 60 ans, si sa demande était fondée
sur une incommodité, l’éméritat pourrait lui être accordé. Peut-être le
gouvernement provisoire a pensé que la révolution, qui avait supprimé leurs
chaires, pouvait être considérée comme un accident, une incommodité qui les
empêchait de continuer leurs services. Mais, soit qu’on ait appliqué la
première ou la seconde disposition de l’arrêté, on n’a fait que leur rendre
exactement justice.
D’après ce qui a été dit
par l’honorable M. Ernst, qui entend cette matière beaucoup mieux que moi, je
ne crois pas devoir prolonger inutilement la discussion.
Messieurs, ne soyons pas
ingrats envers les hommes qui ont créé dans nos provinces le haut enseignement,
à qui notre plus brillante jeunesse doit la haute instruction qu’elle a reçue.
Ne donnons pas raison à je ne sais quel philosophe morose qui disait qu’après
les rois il n’y avait rien de plus ingrat que les peuples, et ne revenons pas
sur une mesure aussi juste que celle qui a été prise par le gouvernement
provisoire.
L’honorable M. Gendebien
a parlé d’un professeur qui aurait écrit contre la révolution. Cela est
possible. Les documents doit je me sers ne viennent pas de ce professeur, mais
de M. Garnier, connu par des travaux scientifiques de nature à mériter votre
intérêt, s’il n’avait pas des droits à votre justice.
D’après ces
considérations, je pense que vous serez disposés à maintenir le chiffre de
1830. Il suffira pour payer tous les professeurs.
Je n’avais pas fini
d’exprimer ma pensée sur l’observation de M. Gendebien sur le professeur qui
aurait écrit contre la révolution. Ce n’a peut-être été que la conséquence de
l’injustice commise envers lui, en ne lui payant pas sa pension.
M.
Gendebien. - Il ne l’a pas demandée.
M. Jullien. - Ce sont là des faits que j’ignore,
mais je présume que s’il n’a pas réclamé sa pension, c’est qu’il a pensé qu’on
ne la lui donnerait pas. Car il serait étonnant qu’on ne réclamât pas une
pension à laquelle on croit avoir droit et qu’on espère obtenir. Ce sont là
d’ailleurs des considérations toutes personnelles à un seul professeur, et je
ne pense pas qu’elles influent sur notre décision à l’égard des autres,
Je voterai pour le
chiffre du ministre.
M. de Theux. - Un des honorables
préopinants vous a dit que les professeurs dont il s’agit n’avaient vu leur
pension liquidée qu’après deux années d’attente. Je ferai observer que c’est en
vertu d’un arrêté de décembre 1831 qu’ils ont été admis pour la première fois à
toucher une indemnité. Vous remarquerez que ce n’est pas à titre de pension,
mais d’indemnité, que le gouvernement leur a accordé une partie de leur
traitement. Le gouvernement ne pouvait pas liquider de pension dans l’état des
choses ; il aurait fallu qu’il fût autorisé par une loi.
Lors de la première
liquidation de décembre 1831, le gouvernement a cru pouvoir apprécier largement
les titres des professeurs pour lesquelles une allocation est demandée, d’autant
plus que la révolution les avait surpris inopinément, et qu’ils avaient attendu
plus longtemps avant de recevoir d’indemnité.
Maintenant la question
est de savoir si le règlement de 1816 permet de compter à ces professeurs les
services rendus à l’étranger, et surtout de compter d’autres services que ceux
rendus dans l’enseignement académique.
L’honorable M. Jullien
vient de donner lecture d’une lettre adressée à un professeur, à qui on faisait
espérer que les services rendus à l’étranger seraient pris en considération
quand il s’agirait de liquider sa pension. Ce professeur a réellement professé
dans l’enseignement académique en France ; mais il est le seul de tous ceux
compris dans la liste qui soit dans ce cas, qui ait été dans l’enseignement académique
ailleurs qu’en Belgique. Vous remarquerez que le règlement de 1816 ne
permettait pas de prendre en considération les services autres que ceux rendus
dans l’enseignement supérieur, même pour les indigènes.
Je suppose qu’un
professeur dans un collège parvienne à s’élever à une chaire académique, les
services qu’il aurait rendus dans ce collège ne lui seraient pas comptés pour
l’éméritat ; l’enseignement des collèges, quoique sous la surveillance de
l’Etat n’étant qu’un enseignement communal.
Vous remarquerez encore
que tous les professeurs dont il s’agit n’ont pas le même rang d’ancienneté. Il
y a tel professeur qui n’a enseigné que deux ans et dont le traitement
d’attente a été liquidé à 2,528 francs.
Il est difficile que
l’équité oblige à accorder une somme aussi élevée. Le chiffre de 1,541 fr.,
auquel la section centrale propose de fixer cette pension, me paraît suffisant.
Il y a une autre
considération, c’est que le règlement de 1816 qui détermine les bases d’après
lesquelles les pensions sont accordées aux professeurs, est beaucoup plus large
que l’arrêté de 1814 ne l’est en faveur d’aucun autre fonctionnaire.
Parmi
les personnes désignées dans le tableau joint au rapport de la section
centrale, il en est qui ont été nommes membres de la commission, qui sont
actuellement attachés en cette qualité à l’université ; j’ignore si ces
professeurs ne tiennent pas encore des cours privés. Toujours est-il qu’ils
reçoivent des rétributions provenant des droits d’examen. L’un des six est
avantageusement placé dans un établissement particulier.
Je le répète, il n’y a
qu’un seul de ces six professeurs qui puisse invoquer des antécédents
d’enseignement académique à l’étranger, c’est un homme qui mérite tous les
éloges que lui a donnés M Jullien, c’est un ancien professeur de l’école
polytechnique. Ce n’est qu’en vertu de la lettre qui lui a été écrite qu’il
pourrait réclamer une exception au règlement de 1816. Ce règlement est formel
et ne fait aucune distinction entre les étrangers et les indigènes, et même il
paraîtrait, d’après l’article 86, que son intention a été d’exclure les
étrangers.
M. Verdussen. - Le ministre, en réduisant sa
demande à 18 mille francs, a rendu justice aux observations de la section
centrale, relativement aux professeurs qui ont quitté le pays. Il demande
maintenant en outre 1,742 fr., pour accorder une pension à la veuve d’un
professeur décédé. Je voudrais savoir s’il n’y aura pas double emploi ; car il
est possible qu’on trouve dans la liste des six professeurs un homme pour
remplacer le professeur décédé. Serait-il prudent de faire une nouvelle
nomination à la veille de la réorganisation du haut enseignement, au risque de
devoir déplacer dans peu de mois le nouveau professeur qu’on nommerait. Je ne
sais si on ne pourrait pas le remplacer par un intérimaire, ou charger des
collègues de faire ses leçons en attendant la réorganisation, comme cela se
pratique en cas d’indisposition d’un professeur.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Répondant à la demande de M.
Verdussen, je dirai que, parmi les six professeurs indemnisés, il n’en est
aucun qui par la nature de ses anciennes fonctions, puisse remplacer le
fonctionnaire décédé. Ils appartenaient aux chaires des sciences mathématiques
et de littérature ; aucun ne pourrait professer les sciences naturelles.
Les diverses
attributions du professeur décédé ont été réparties entre quatre personnes
attachées à l’université de Liége, et le traitement sera réparti de même entre
ces quatre suppléants. On ne pourra donc pas imputer sur ce traitement la
pension de la veuve. D’ailleurs, l’imputation ne serait pas légale ; les
traitements des professeurs ne peuvent pas servir à payer des pensions.
L’arrêté du gouvernement
provisoire du 16 décembre constitue le droit des professeurs ; cet arrêté les
engage à faire valoir leurs droits à l’éméritat, à la pension ou à l’indemnité.
Tant qu’une loi n’existe pas, il est impossible qu’ils fissent valoir leurs
droits à une pension ; ils se sont bornés à faire valoir leurs droits à une
indemnité. Du moment qu’il ne s’agit plus que d’indemnité, la question devient
toute d’équité et de convenance. Depuis trois ans que ces professeurs ont été
payés sur un pied très modéré, relativement aux avantages pécuniaires dont ils
jouissaient auparavant, je demande si c’est pour la dernière année peut-être où
cette indemnité leur sera payée qu’on doit revenir sur ce qui a été fait.
J’ai trouvé dans le
rapport de la section centrale une observation fort juste relativement aux
athénées et collèges.
« Jusqu’au moment
très rapproché, dit le rapport, où la loi sur l’enseignement nous sera
présentée, il convient de laisser les questions entières, de continuer les
subside actuels. »
Pourquoi cette
observation ne s’appliquerait-elle pas aux professeur
indemnisés ?
M. de Theux a paru
croire que le professeur en faveur duquel M. Jullien a invoqué des engagements
était le seul qui eût des services dans l’enseignement antérieurs à son entrée
à l’université. Il résulte du tableau que j’ai sous les yeux que d’autres
professeurs sont dans le même cas. L’un était professeur à Meaux avant la
révolution française, un autre était professeur à Marbourg, un autre avait
professé au gymnase de Cologne.
Aux termes du règlement
de 1816, les veuves avaient droit à la pension. Nous ne pouvons pas appliquer
cet arrêté qui n’a pas, comme celui de 1814, force de loi. Mais nous avons
pensé que la mention au budget équivaudrait à une loi spéciale. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 19,870
fr. demandé par le ministre est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4
heures et demie.