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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 21 février 1834
Sommaire
1)
Commission d’enquête chargée d’examiner la législation sur les travaux publics
(Desmanet de Biesme)
2)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1834. Discussion des articles. (A : Encouragements au commerce
maritime (entre autres, création d’un ministère propre et d’une société
d’exportation pour le coton) ; B : pêche nationale ; C :
exposition industrielle ; D : école de navigation ; E :
primes pour la construction navale ; F : négociations douanières avec
la France : G : statistique commerciale) (A, D, C, F, B et E (Desmet), E, D, F, A (Pollénus), A,
B, C, A (Jullien), A, B, C, G, A (Rogier),
A, B, F, D, C (Angillis), A et C (Meeus),
A (Davignon), A, E, A, C et F (Gendebien),
A (Rogier), D (Legrelle, de Brouckere), B (Smits), A (A. Rodenbach, Meeus, Gendebien), D et
A (Coghen), industrie linière (Desmet),
(Gendebien))
(Moniteur belge n°53, du 22 février 1834 et Moniteur belge n°54, du 23 février 1834)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°53, du 22 février 1834) M.
de Renesse fait l’appel nominal.
A une heure moins un
quart, la séance est ouverte.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de
la séance d’hier. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse donne communication des pièces adressées à la
chambre.
- Ces pièces sont
renvoyées à la commission des pétitions.
M.
le président. - Vous avez décidé hier qu’une commission serait
nommée pour examiner la législation sur les mines, et vous avez chargé le
bureau de nommer cette commission. Voici les choix que le bureau a faits :
MM. Corbisier, Dumont,
Fallon, Gendebien, Poschet, Seron et d’Huart.
M. Desmanet de Biesme. -
Je demanderai la permission de faire une observation sur la manière dont la
commission est composée. La province de Liége, qui a pour les mines d’anciens
usages différents de ceux du Hainaut, n’est pas représentée dans la commission,
et il serait utile qu’elle le fût. D’un autre côté M. Corbisier, qui est
malade, ne pourra de quelque temps prendre part aux travaux de la commission.
M.
le président. - Si l’assemblée n’y voit pas d’opposition, nous
nommerons M de Laminne en remplacement de M. Corbisier.
Discussion des articles
Chapitre X. - Commerce, industrie,
agriculture
Articles 1 et 2 (du projet
de la section centrale)
M.
le président. - L’ordre du jour est la suite de la discussion du
budget de l’intérieur. Hier, la chambre s’est arrêtée au chapitre X, art. 1er,
commerce et industrie.
Le gouvernement demande
300,000 fr. La section centrale propose de diviser cet article et d’en faire
deux, d’intituler le premier, commerce et industrie ; et le second, primes pour
la pêche ; d’affecter une somme de 150,000 fr. au premier et 40,000 au second.
M.
Desmet. - La section centrale, en proposant de réduire à la
moitié la somme demandée pour servir d’encouragement au commerce et à
l’industrie, n’a fait que suivre l’opinion des sections qui toutes avaient
demandé des réductions plus ou moins fortes que celles que nous vous proposons.
La section centrale avait bien senti que, pour encourager l’industrie et le
commerce, on peut utilement dépenser de fortes sommes ; mais, entrant dans les
vues de toutes les sections, elle a cru qu’on devait savoir se borner, que
c’était le seul moyen de prévenir les abus de la prodigalité et ceux d’une
mauvaise distribution.
En 1833, une somme de
108,000 francs avait été allouée pour le même encouragement, et cependant on
n’en a employé que 52,529 francs qui ont été destinés aux objets suivants :
15,000 francs à un
fabricant On ne nous a pas indiqué à quelle branche manufacturière Il
appartenait, ni pour quel motif on avait fait ce don.
4,532 francs pour les
missions commerciales à Paris.
4,000 francs à notre
ambassadeur pour la défense de nos intérêts commerciaux à Paris.
3,750 francs pour achat
et impression de tarifs.
1,177 francs pour
l’inspection des machines.
1,500 francs à la
nouvelle école d’industrie et de commerce.
Et le restant à divers
autres petits articles.
Aujourd’hui pour
justifier la majoration des 192,000 francs, le ministre a allégué pour
principaux motifs :
1° Les frais d’une école
de navigation à établir à Anvers, qui doivent monter à 5,000 fr. ; mais votre
section centrale a cru ne pouvoir obtempérer dans ce moment à cette demande,
d’abord parce qu’il n’y a pas encore de loi ni même de projet de loi préparé
pour instituer cette école, et ensuite parce qu’elle n’a pu obtenir aucun
renseignement, plus ou moins positif, qu’elle avait cependant demandé à
diverses reprises pour pouvoir asseoir son jugement sur cet objet ; et à cet
égard un membre de la section centrale faisait l’observation que quand on
aurait fait la loi sur l’institution des écoles de navigation, on ne devait pas
oublier le port d’Ostende, et qu’elle ne devait pas accorder ses faveurs à
Anvers seul.
2° Les frais
qu’entraînera l’exposition des produits de l’industrie nationale qui aurait
lieu en 1834, et qui s’élèverait à 30,000 francs. Mais la section centrale,
d’accord avec l’opinion de quelques sections, a cru le moment encore inopportun
pour les faire et a trouvé l’ajournement nécessaire ; elle a en outre observé
que pour obtenir quelque utilité de pareilles expositions, on ne pouvait trop tôt
les répéter ; qu’elle était d’opinion que, pour en avoir un parfait succès, on
ne pouvait les faire que tous les dix ans ; que celle proposée aurait
occasionné une forte dépense et aurait peut-être été sans résultat.
Le troisième motif que
la note du budget présenta pour appuyer la majoration fut la mission
commerciale à Paris qui, cette année, entraîne plus de frais qu’en 1833. La
section centrale ne repoussa nullement cette dépense, elle la trouva au
contraire bien utile, et se flatta même que la commission nommée n’aurait pas
tardé à aller remplir sa mission d’une manière officielle ou officieuse.
Le dernier motif enfin
fut les frais nécessaires pour encourager la pêche maritime, la section
centrale appuya fortement cette dépense, si elle ne fût pas d’accord avec le
gouvernement, c’est qu’elle soupçonnait que la somme de 10,000 francs proposée
par lui aurait été insuffisante pour pouvoir donner tout l’encouragement
nécessaire pour espérer un résultat favorable.
Récapitulant les
demandes faites par le ministre et en conservant celles que nous avons trouvé
possible d’être maintenues, nous avons laissé, nous a-t-il paru, une somme plus
que suffisante pour couvrir toutes les dépenses qu’elles présentaient : en
allouant pour la mission de Paris une somme de 40,000 fr., le décaduple de l’année dernière, et 40,000 francs pour les
primes de la pêche, il restera 70,000 francs pour couvrir les dépenses
ordinaires pour l’encouragement de l’industrie et du commerce, plus que le
double de la somme dépensée pour cet objet pendant l’exercice 1833. Il me
semble donc que la section centrale n’a pas agi avec légèreté en faisant la
réduction qu’elle vous propose, mais qu’elle justifie pleinement cette
réduction.
Si M. le ministre avait
eu d’autres motifs pour appuyer sa majoration, il me semble qu’il aurait dû les
faire connaître, mais a défaut d’autres renseignements, la section centrale a
dû se borner à émettre son opinion sur ceux qu’elle connaissait.
Quelque plusieurs
membres vous ont déjà fait de observations sur la pêche maritime, je crois
cependant utile d’y ajouter encore quelques-unes.
Les primes maritimes
remontent en Belgique à 1678, et ont été confirmées à différentes époques où
des privilèges, des franchises et exemptions ont été accordées en faveur de la
pêche en mer ; les divers décrets en font foi.
Cet encouragement est
fondé non seulement sur l’intérêt du commerce et de nos pêches maritimes, qui
seuls sans doute devraient être pris en grande considération, mais aussi sur le
besoin de former et d’acquérir des hommes de mer.
La prospérité de la
grande pêche réclame des mesures législatives ; les anciens règlements qui
règlent la distribution des primes, et qui préviennent qu’on en fasse des abus,
devraient être revus et remis en vigueur ; ainsi que ceux qui établissent la
police de la pêche, et notamment celui du 31 mars 1770, qui fixe des règles sur
les époque de l’année auxquelles les pêches peuvent se faire et de quelle
espèce de filets on peut se servir dans les différents parages ; qui dit aussi
comment les équipages doivent se former et à quelle police ils sont assujettis,
enfin qui réglemente tout ce qui concerne la pêche nationale et les mesures à
prendre pour l’encourager ; c’est un règlement que je recommande à l’attention
du gouvernement, non pas pour le suivre a la lettre, mais pour servir de modèle
à un projet de loi dont nous avons besoin pour la pêche.
Il est nécessaire aussi
de prendre des mesures plus efficaces pour réprimer l’introduction frauduleuse
des poissons acheté des Hollandais ; on débarque journellement sur nos côtes
des poissons frais et des harengs que les Hollandais ont pêchés et qu’ils ne
livrent jamais à la consommation intérieure de leur pays. Je ne sais pourquoi
nous devons favoriser la pêche, au détriment de la nôtre, d’une nation qui ne
cesse à chercher des moyens de nous faire du mal et à mettre des entraves à
notre commerce et à notre prospérité.
Ce
n’est pas seulement, messieurs, dans la vue de quelques intérêts locaux que
j’appelle sur nos pêches belges la sollicitude de l’administration et de la
législature ; ces intérêts sans doute doivent être appréciés en eux-mêmes, mais
ils se lient essentiellement à la prospérité publique, au développement de
notre industrie, à l’accroissement de notre marine.
L’honorable M. de Nef a
parlé de l’encouragement qu’on devait à la construction des bâtiments de mer et
a voulu, m’a-t-il paru, critiquer plus ou moins la section centrale de ce
qu’elle n’avait pas eu égard à cet encouragement, mais je dois faire observer à
l’honorable membre qu’elle n’a pas, je pense, mérité ce reproche, vu qu’elle ne
devait traiter un objet qui ne l’avait pas été, ni par le ministre, ni par les
sections.
Si des primes de
construction sont utiles comme je le pense aussi, je crois cependant qu’on doit
en régler la distribution par une loi, afin de prévenir les abus de cette
distribution et les partialités de ceux qui les accordent, et qui paralysent
très souvent l’utilité de la dépense.
M.
Pollénus. - Messieurs, j’avais demandé la parole hier pour
répondre aux observations de quelques membres. Les réflexions que vient de
faire l’honorable préopinant ont considérablement diminué la tâche que je
m’étais imposée.
Un honorable député
d’Anvers, en appuyant l’allocation pétitionnée par le ministre, a critiqué
celle proposée par la section centrale en alléguant la nécessité d’accorder des
fonds pour des constructions de frégates. Si j’ai bien compris, ce raisonnement
m’a paru venir à l’appui des conclusions de la section centrale. En effet, s’il
est bien vrai que les constructions de cette espèce motivaient une augmentation
de dépenses, il est étonnant que le
gouvernement, dans les développements du budget, n’ait pas fait la moindre
observation à cet égard. Un objet aussi important, qui devait influer sur la
fixation du chiffre du budget, méritait une mention expresse. Je fais un appel
aux développements du budget, et je n’y trouve pas un mot sur les constructions
dont a parlé le député d’Anvers.
Je dis donc que
l’honorable membre, en appuyant par des motifs semblables les chiffre posé par
le gouvernement, en alléguant la nécessité de constructions maritimes dont le
ministre n’a pas dit un seul mot, vient appuyer les conclusions de la section
centrale ; car il reconnaît qu’il faut autre chose que les motifs donnés par le
ministre, pour justifier ses demandes.
On a insisté sur le
maintien de la somme demandée pour une école de navigation, et pour cela on a
dit qu’il était important de faire des marins pour la défense du littoral. J’ai
peine à comprendre la nécessité de ce moyen de défense pour le littoral. On
voudrait donc faire de l’énergie sur les bords de la mer, quand dans notre pays
nous voyons de tous côtés, malgré les insultes faites à l’indépendance du pays,
nos troupes rester l’arme au bras.
Ce n’est pas au nom de
la section centrale que j’ai parlé quand j’ai dit que la somme demandée pour la
députation à envoyer à Pais ne serait pas employée.
Pas plus que le député
de Thielt, je n’aime les prophéties ; mais je pense que nous nous trouvons en
présence d’événements qui préludent aux mystifications de plus d’un prophète.
Je suis de l’avis de ce député, qu’il est permis de baser des prévisions sur
des faits, et quand j’ai dit qu’il était probable que cette commission ne
serait pas dans le cas de remplir sa mission, je n’ai pas voulu prophétiser ;
j’ai invoqué des faits. Je me suis appuyé sur ce qu’on nous avait annoncé son
départ, et qu’elle n’est pas partie ; je me suis appuyé encore sur les
dispositions peu bienveillantes du cabinet français. Ces dispositions ont été
mises au grand jour par un acte dont j’ai parlé hier. Je suis donc loin de
contester l’utilité que pourrait avoir l’envoi d’une semblable commission, mais
en présence des faits que j’ai articulés, et à cette époque de l’année, il
n’est pas probable que cette commission soit dans le cas de prolonger son
séjour à Paris et absorbe les sommes qu’on demande au chapitre X et que la
section centrale a cru devoir proposer de retrancher.
On a dit qu’il fallait
avoir confiance dans le gouvernement pour l’emploi qu’il ferait de la somme
globale demandée pour venir au secours de l’industrie et du commerce. Je ne le
conteste pas ; je pense aussi qu’il faut avoir confiance dans le gouvernement ;
mais cette confiance doit avoir des bornes ; et la section centrale en
déterminant son chiffre, a agi sous l’influence de la pensée qui a flétri le
million Merlin. Lorsque nous trouvons que sur le crédit accordé l’an dernier,
une seule personne a obtenu 15 mille francs à la fois, il est bien permis de
mettre des bornes à l’arbitraire du ministre, afin d’empêcher une tendance vers
un système justement flétri. Je le répète, nous ne refusons pas notre confiance
au gouvernement, mais, dispensateurs des deniers de la nation, nous devons
mettre des bornes à cette confiance.
L’honorable député
d’Anvers a eu raison de dire que le gouvernement avait songé aux primes à
accorder à la pêche nationale. Si j’ai dit que la section centrale avait pris
l’initiative, je me suis trompé ; je reconnais que cette initiative appartient
au gouvernement ; mais il n’est pas moins vrai que la section centrale porte à
cette branche d’industrie autant d’intérêt que le gouvernement ; car au lieu
d’une part indéterminée dans une somme globale, elle propose une allocation
qu’elle fixe à 40,000 fr. Le gouvernement a dit qu’il n’avait pas déterminé de
chiffre, parce qu’il se trouvait sans boussole.
La section centrale l’a
reconnu, et c’est précisément pour cela qu’elle a cru devoir fixer un chiffre
en attendant qu’une loi soit votée, qui fixe les primes à accorder. Nous sommes
d’accord avec l’honorable député d’Anvers, sur les
inconvénient de l’état de choses actuel.
La
section centrale, en présence des indications fournies par le gouvernement,
pense que la somme de 190,000 fr. qu’elle propose pour un objet qui, l’an
dernier, n’avait obtenu que 108,000 fr., la justifie suffisamment du reproche
de n’avoir pas fait tout ce que l’intérêt du commerce et de l’industrie
réclame. Je ne suis pas de l’avis de l’honorable membre qui a dit que quand une
branche d’industrie est plus ou moins souffrante, le gouvernement doit
intervenir. C’est une grave question que celle de savoir si le gouvernement
doit toujours intervenir dès qu’une branche d’industrie souffre. Si j’entends
un membre soutenir l’affirmative de cette question, je me rappelle qu’à
l’occasion d’une pétition des ouvriers de Gand, un homme, dont on ne récusera
pas les connaissances en fait de commerce et d’industrie, a dit que toutes les
industries avaient des moments de souffrance nécessaires. Si les industries ont
des moments de souffrance nécessaires, le gouvernement ne doit pas intervenir
dans ces circonstances, car cet état n’est alors que temporaire.
M.
Jullien. - Messieurs, le gouvernement vous demande 300 mille francs
pour encouragement à l’industrie et au commerce, et la section centrale vous
propose de n’allouer que 150 mille francs, plus 40,000 pour la pêche.
Si la section centrale
propose une aussi forte réduction, si dans cette chambre, vous remarquez tant d’hésitation
sur le vote de ce chiffre, je ne crains pas de dire que la faute en est au
gouvernement.
En effet, messieurs,
l’année dernière, au budget de 1833, budget qui fut voté dans le troisième
trimestre de l’année, il a été accordé pour ce même objet, pour encouragement à
l’industrie et au commerce, une somme de 108 mille francs. Eh bien, on est venu
vous dire à la section centrale vous en a fait la remarque très judicieuse et
que cette somme n’avait été dépensée qu’en très petite partie et encore tant bien
que mal, d’après les observations qui viennent de vous être faites par
l’orateur qui a parlé avant moi.
Quel est donc ce
dispensateur des fonds de l’industrie qui, au milieu des embarras et de la
détresse du commerce, n’a pas su trouver l’emploi de 108,000 francs ?
De deux choses l’une ;
ou bien on lui a donné trop, ou il ne sait pas dépenser ; ce n’est donc pas
dans de pareilles mains que nous irions remettre 300,000 fr. quand on n’a pas
pu trouver le moyen d’en dépenser l’année dernière la dixième partie. Il nous
faut d’autres garanties.
Messieurs, quand une
nation accorde des fonds sur des objets de cette nature, c’est dans l’intention
qu’ils soient dépensés en entier. Il ne s’agit pas là de faire des économies
comme sur des fournitures de bureau, il faut disposer de tout ce qui est alloué
et encore en exprimant le regret qu’il n’ait pas été accordé davantage. Un
honorable député d’Anvers vous a signalé hier l’énorme différence des
allocations faites en France et en Hollande pour le même objet, comparativement
avec la somme en question. En France, il s’agit de plusieurs millions, en
Hollande on a porté au budget de l’année dernière 800,000 florins. Cela est
bien loin, comme vous voyez, de vos 300,000 francs, et cependant, messieurs,
pouvons-nous avec confiance mettre ces 300,000 francs à la disposition d’hommes
qui n’ont pas su en employer 108,000 dans un moment où les besoins du commerce
et de l’industrie réclamaient des sommes beaucoup plus fortes ?
Si cependant, messieurs,
le ministre m’expliquait d’une manière claire et précise l’emploi réel qu’il
entend faire de ces fonds, je déclare que je suis prêt à allouer les 300,000
francs demandés et même davantage si nous ressources pouvaient nous le
permettre.
Passant maintenant aux
différents articles qui ont motivé la réduction proposée par la section
centrale, je parlerai de la pêche nationale. La section centrale a agi
prudemment en fixant un crédit spécial pour les primes d’encouragement à la
pêche. Quand elle verra qu’il y a une somme déterminée, elle saura que ces
primes lui sont dues ; elle viendra réclamer avec confiance et on ne pourra pas
les lui refuser. Il ne faudra pas valeter dans les bureaux du ministère pour
obtenir ce à quoi on aura un droit positif ; on pourra dire : La nation a
alloué une somme de 40,000 fr. pour les primes a donner à la pêche ; nous y
avons des droits, nous venons les réclamer ; et force sera de les accorder. Si,
au contraire, on laissait l’allocation globale à la disposition du
dispensateur, il pourrait arriver qu’on ne donnât rien à la pêche et qu’on
portât les fonds ailleurs.
On a parlé d’une école
de navigation ; je pense que c’est une institution qu’on doit encourager. On
demande que cette école soit établie à Anvers ; je ne vois pas pourquoi ce
serait à Anvers plutôt qu’à Ostende, où il y a déjà un commencement d’école de
navigation. Le gouvernement français a si bien senti l’importance du port
d’Ostende pour l’établissement d’une école de navigation, qu’il y en avait
fondé une. C’est qu’Ostende est un véritable port de mer, tandis qu’Anvers
n’est qu’une port oblique. Dans cette école, on
pourrait de suite joindre la théorie à la pratique. D’ailleurs il y a déjà à
Ostende un professeur dont le traitement figure tous les ans au budget. Il
figurait du moins aux budgets de 1832 et de 1833. Là où on a déjà fait les
fonds pour un professeur, et il est tout naturel d’instituer l’école elle-même.
Je ne m’oppose pas à ce qu’il y en ait deux, à ce qu’on établisse aussi une
école à Anvers si on le croit utile ; mais qu’on n’enlève pas à Ostende la
sienne, pour la transporter à Anvers, je ne sais sous quel prétexte, et lorsque
l’école y serait plus mal.
On a parlé du système
romantique, de liberté illimitée de commerce. C’est l’honorable député de
Thielt ; il a fait sentir au ministre qu’il montrait une tendance vers ce
système.
Je ne suis pas plus
partisan de la liberté illimitée du commerce que le député de Thielt. En
théorie, je sens tous les avantages de cette liberté ; mais en pratique je
crois que c’est une duperie de l’admettre quand il n’y a pas de réciprocité. En
Angleterre, on a prêché la liberté illimitée du commerce, comme ailleurs on a
prêché la liberté illimitée de l’enseignement ; mais il y a des gens qui disent
que c’est dans l’intention de s’emparer du monopole, parce que tous ces
prédicateurs se sentaient en position de pouvoir écraser toute espèce de
concurrence. En fait d’économie sociale, je me défie des principes absolus, et
je ne sais trop à quelle intention l’honorable orateur nous a parlé de ce
système romantique ; car, si ce n’est pas au ministère, ce n’est pas au moins à
la chambre que ces reproches ont pu s’adresser, car aucun de nous ne s’est
prononcé pour la liberté absolue du commerce.
Il a
dit qu’un des meilleurs moyens de favoriser notre commerce, c’était d’établir
un tarif hostile contre
En résumé, il s’agit de
savoir si nous voterons le chiffre demandé ou bien 150 mille francs pour
encouragements au commerce et à l’industrie, et 40 mille francs pour
encouragements à la pêche nationale. Quant à moi, je voterai la somme de 300
mille francs sous la condition expresse que le ministre expliquera d’une
manière claire et positive l’emploi qu’il se propose de faire de cette somme.
Sans cette explication, je voterai pour le chiffre de la section centrale.
(Moniteur belge n°54, du 23 février 1834) M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’honorable préopinant
a cru remarquer beaucoup d’hésitation dans la chambre sur le vote à émettre
relativement à l’allocation pour le commerce et l’industrie. Je vous avoue que
je n’ai pas remarqué cette hésitation ; au contraire, hier il y avait presque
unanimité pour soutenir le chiffre ministériel, à tel point qu’un membre de la
section centrale a déclaré qu’il hésitait à se lever pour défendre les
conclusions de la section centrale, parce qu’il voyait les chiffres de la
section centrale repoussés et ceux du gouvernement adoptés.
Un membre. -
Ce n’est pas une raison.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Quant aux explications
que réclame l’honorable préopinant, elles ont été données d’une manière nette,
et précise, et je suis étonné que l’honorable M. Jullien n’ait pas pris note
des énumérations faites par M. Smits dans la séance d’hier. Je reviendrai
toutefois sur les différentes destinations que doit recevoir la somme demandée.
Je pense que mes paroles sont inutiles pour le plus grand nombre de mes
collègues ; mais si c’est pour l’honorable M. Jullien que je parle en ce
moment, c’est que je tiens à l’honneur de son vote approbatif.
Quarante mille francs
sont affectés par la section centrale aux primes à accorder à la pêche. Le
gouvernement, dans un projet de loi qu’il présentera incessamment, fera
connaître ses intentions sur le mode de répartition. Quant aux encouragements à
donner au commerce maritime, les développements du budget n’en parlent pas, il
est vrai ; mais il a été fourni au rapporteur de la section centrale, de la
part du ministre, des renseignements à ce sujet ; il a été dit qu’une partie de
la somme demandé était destinée à encourager la navigation maritime ; il n’a
pas été question de constructions de frégates, mais d’accorder des primes aux
bâtiments qui navigueraient sous certaines conditions.
M.
Jullien. - C’est bien vague.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Un projet de loi
déterminera ce qu’il peut y avoir de vague dans ces indications. Je destinerais
à cette objet 100,000 fr. Une somme serait aussi
destinée pour une exposition des produits de l’industrie à Bruxelles. La
section centrale a cru devoir porter la dépense de cette exposition à 50 mille
francs qu’elle a retranchés des 300 mille. Je ne pense pas cependant que la
dépense de l’exposition s’élève à 50 mille francs, je l’évalue à 30 mille. Je
ne crois pas nécessaire d’insister sur l’utilité d’une telle exposition, par
les motifs mêmes que quelques orateurs ont fait valoir pour la combattre.
Messieurs, l’industrie a
souffert dans certaines branches depuis la révolution, ou elle n’a pas souffert
; elle a été ou rétrograde, ou progressive, ou stationnaire. On n’est pas
d’accord à ce égard ; c’est un motif tout particulier
pour reconnaître la véritable situation de l’industrie.
Il importe au
gouvernement de savoir si on a été en rétrogradant, si certaines branches se
sont perfectionnées ou si elles sont restées stationnaires. Nous ne voulons pas
par cette exposition établir une espèce de bazar où viendront se rassembler
pêle-mêle des objets de curiosité, travaillés seulement pour la circonstance ;
nous voulons que l’industrie s’y présente dans toute sa force et sa vérité.
Nous voulons appeler à cette exposition les produits étrangers, faire pour les
arts industriels ce que nous avons fait pour les beaux-arts, bien convaincus
que
On vous a déjà parlé de
la statistique préparée au ministère de l’intérieur pour l’agriculture, l’industrie,
le commerce et la marine. Il faut, pour établir ces statistiques, des frais,
des recherches, des impressions surtout, parce que nous voulons donner la plus
grande publicité à nos travaux industriels. On s’occupe également dans les
bureaux de mon ministère d’une nouvelle collection de tarifs comparés. La
chambre a dû savoir gré au gouvernement de l’avoir mise à même de connaître et
de comparer les tarifs de douane de France, de Prusse et de Belgique. Nous
comptons appliquer le même travail à tous les tarifs des puissances
continentales et des divers gouvernements d’Amérique. Ces travaux sont très
opportuns, à la veille que nous sommes d’introduire des modifications dans nos
tarifs et d’entamer des négociations avec d’autres pays.
Je n’insisterai pas sur
la somme que je demande pour l’établissement d’une ou deux écoles de navigation
; cette somme n’est que de 6 mille francs, on ne la trouvera pas exorbitante.
Par tous ces différents
calculs, j’arrive à la somme de 250,000 francs. De sorte qu’il reste pour les
besoins éventuels de l’industrie une somme de 50,000 francs.
Je demanderai si la
modicité de cette somme n’est pas exagérée, en supposant que le gouvernement
fût dans l’obligation de donner des encouragements à toutes les branches
d’industrie qui en réclameraient.
C’est parce que le
gouvernement procède avec circonspection et économie qu’il tâchera de faire
face aux besoins éventuels. avec cette modique somme.
Si on me demandait sur
quels objets cette somme sera répartie, à quelles industries je compte la
distribuer, je pourrais répondre que le gouvernement ne le sait pas. Je ne puis
parler que de projets. Supposez qu’on veuille introduire des métiers à filer le
lin ; voilà une occasion d’accorder un encouragement, c’est là une industrie
qui n’existe pas dans le pays ou du moins qui est bien peu développée. Je
pourrais citer d’autres exemples, et la somme de 50,000 francs serait bientôt
absorbée.
Mais, a-t-on dit, voyez
comme le gouvernement marche sur les traces de son prédécesseur, voyez reparaître
les abus du million Merlin. Il a été jusqu’à donner une somme de 15,000 fr. à
un seul industriel !
Je ne sais si le membre
de la section centrale qui a fait cette exclamation était réellement effrayé.
Je ne le crois pas. Je ne comprends pas qu’on puisse trouver là de
l’exagération. C’est le moins qu’on puisse donner à une industrie de quelque
importance qui mérite des encouragements. D’ailleurs ces sommes ne sont pas
données à l’aventure et sans garantie.
Je pense que la chambre
verra, dans la manière dont les fonds ont été distribués en 1833, un gage de la
circonspection que le gouvernement apportera toujours dans l’emploi de la somme
qu’il demande.
Mais si, d’un côté, on
nous reproche des prodigalités, de l’autre on nous reproche nos économies. Pour
qu’un ministre ne dépense pas 108,000 fr pour venir au secours de l’industrie,
il faut, dit-on, qu’il ait bien peu d’entrailles pour elle. Je ferai, à cet
égard, une seule observation. La chambre se rappellera que le gouvernement n’a
pu disposer des sommes qu’on lui a allouées qu’à la fin de l’année, au mois
d’octobre. Connaissant la manière dont la chambre a fait voté des sommes pour
le commerce et l’industrie, dans le budget précédent, le gouvernement n’a pas
voulu s’engager dans des encouragements dont il n’avait pas la certitude que la
chambre voterait la ratification. Voilà ce qui a motivé en partie l’inaction du
gouvernement.
Il
y a encore d’autres motifs : c’est que dans le courant de 1833, malgré la
détresse où on s’est plu à présenter plusieurs branches d’industrie, le
gouvernement n’a pas reçu de sollicitations telles qu’il ait dû faire emploi de
la somme allouée. Mais de ce que rien n’a été réclamé en 1833, il ne résulte
pas que rien ne sera réclamé en 1834. Cela est si vrai, qu’à la fin de 1833,
des réclamations faites en 1832 se sont renouvelées. Je fais ici allusion à
l’industrie cotonnière de la ville de Gand.
J’espère que ces
explications suffiront pour justifier aux yeux de la chambre l’allocation de
300 mille fr. que je demande.
L’honorable M. de Foere
a parle du système romantique du gouvernement relativement à la liberté
illimitée du commerce : je ne sais à propos de quoi.
Je ne pense pas que le
gouvernement ait exprimé une opinion qui pût provoquer une observation de cette
nature. L’honorable M. Jullien a dit qu’il n’avait entendu personne soutenir ce
système ; je ne crois pas qu’il fasse une exception pour moi. On ne m’a pas
entendu prôner de système romantique, non plus pour le commerce et l’industrie
que pour d’autres branches d’administration.
M.
Angillis. - L’article 1e du chap. X s’élève à la somme globale
de 300,000 fr. Cet article renferme plusieurs articles spéciaux, tous de la
plus haute importance, qui méritaient une désignation spéciale. On aurait mieux
fait de consacrer un numéro à chaque objet ; la discussion eût été plus
régulière et plus substantielle, on aurait pu appliquer à ce qu’on avait à dire
sur chaque objet particulier. Si cette manière de composer le budget peut
convenir à celui qui est chargé de la besogne, elle ne convient pas aux députés
de la nation qui veulent examiner les dépenses de l’Etat, et l’application
qu’on fait des allocations demandées.
Je sais que je puis
demander la division de l’article, qu’elle ne peut pas être refusée ; mais
comme la délibération sur le budget a déjà été très longue, je ne veux pas la
prolonger davantage, car je désire, autant que qui que ce soit, voir terminer
la discussion du budget pour nous occuper d’autres objets non moins importants.
La première dépense que
je rencontre dans l’article en discussion, c’est la somme destinée à accorder
des primes sur la pêche du hareng et du cabillaud. Cette branche d’industrie se
lie intimement à la prospérité nationale ; il est indispensable de
l’encourager, mais par de sages lois, et ces lois manquent. La loi rendue sous
l’ancien gouvernement était toute favorable à la pêche hollandaise. Le
changement de position réclame un changement dans la manière d’encourager cette
branche d’industrie. Je suis d’accord sur ce point avec le gouvernement. Il ne
demande qu’une somme de 30 à 40 mille fr. cette année sur cet objet. La section
centrale propose d’allouer une somme de 40 mille fr. Je me rallie à cette
proposition, de sorte que je suis d’accord avec le gouvernement et avec la
section centrale.
La section centrale pose
une condition à cette allocation, c’est que le gouvernement propose une loi qui
fixe le taux des primes. C’est encore une loi qu’il faut. Il nous en manque
beaucoup, et tant qu’on ne créera pas l’institution dont j’ai déjà parlé quatre
fois, jamais
Les 300,000 fr. portés à
l’article 1er. du chapitre X sont encore destinés à
payer les frais de voyage et de séjour de nos commissaires commerciaux. Je
partage à cet égard l’opinion émise par M. de Foere. Je pense comme lui que nos
commissaires, malgré les talents que je ne conteste pas, et leur bonne volonté
que je conteste encore moins, n’obtiendront rien du gouvernement français ou du
ministère qui, partageant l’opinion de cet amateur du système restrictif, M. de
St.-Cricq, paraît vouloir conserver tous les
monopoles, et montre une indifférence complète pour tout perfectionnement. On
semble ignorer que les villes manufacturières de France, intéressées à produire
et à vendre au meilleur prix possible, sont dans une stagnation complète,
écrasées qu’elles sont par les lois restrictives.
Comment espérer qu’un
pays où de tels principes dominent fasse quelque chose de raisonnable dans
l’intérêt du commerce ?
M. de Foere pense qu’il
faut hausser notre tarif, pour nous placer dans une position plus favorable
avec
Au reste, le temps nous
apprendra le résultat des conférences de nos commissaires commerciaux. Quant à
moi, connaissant les principes qui dominent dans le gouvernement français, je
le dis avec une conviction profonde, je n’espère rien de favorable des travaux
de cette commission.
La section centrale
propose de supprimer l’allocation demandée pour l’école de navigation. Je ne
puis pas partager cette opinion. Je pense que cette institution sera de la plus
haute utilité, mais je demande qu’on l’établisse à Ostende, où déjà existe un
commencement d’école ou du moins un professeur qui reçoit 700 fl. par an. C’est
à Ostende plutôt que partout ailleurs qu’on doit établir cette école, car on y
aura l’avantage de joindre la pratique à la théorie.
Quant à la somme
demandée pour frais d’exposition des produits de l’industrie nationale, je
dirai que, selon moi, il faut laisser de plus grands intervalles entre ces
expositions ; si on les répétait trop souvent, elles perdraient de leur mérite,
surtout dans des petits Etats comme
Alors
elles seront plus complètes, plus riches, et la foule des visiteurs plus
considérable. On pourrait aussi y consacrer de plus fortes sommes et distribuer
des primes dignes de la nation et proportionnées à l’importance des produits.
On a parlé de la
création d’une administration particulière pour diriger le commerce et
l’industrie ; je pense qu’il faudrait un ministère. On pourrait y joindre les
douanes, les affaires étrangères et la marine, et supprimer un autre ministère.
En me résumant,
j’adopterai donc la proposition de la section centrale, qui tend à n’allouer
sur les 300,000 fr. que 190,000 fr. ; mais j’ajouterai 5,000 Le. pour l’école de navigation. Ma proposition serait donc
d’accorder 195,000 fr.
M. Meeus. - Nous sommes tous persuadés que
Si depuis quelque temps
nous n’avons pas vu s’accroître les plaies de l’industrie comme cela était
arrivé au commencement de la révolution, il est à craindre qu’elle ne dépérisse
si on ne lui donne de l’émulation et des encouragements. Nous avons des voisins
attentifs à profiter de toutes nos fautes, qui cherchent à nous ravir les
industries qui font la prospérité du pays. Les offres du roi de Hollande, dont
les efforts ne se ralentissent pas, ont entraîné des industriels des plus
renommés du pays. Il est à ma connaissance que des contrats ont été passés avec
des industriels pour qu’ils transportent leur industrie en Hollande. Les
conditions sont telles que ces industriels se voient une fortune énorme assurée
en très peu d’années. C’est dans de semblables circonstances, c’est alors qu’on
cherche à nous enlever notre industrie, que notre commerce maritime se trouve
paralysé, c’est alors qu’on voudra réduire les allocations destinées à venir au
secours du commerce et de l’industrie. Si vous aviez un homme qui s’en occupât,
un ministre du commerce, ce n’est pas 300 mille francs mais un million qu’il
vous demanderait ; et vous le voteriez, car il vous ferait voir d’une manière
claire qu’il est impossible que sans efforts
Il n’est pas vrai de
dire qu’il faut laisser les industriels à eux-mêmes, que le commerce n’a pas
besoin d’encouragements. Il lui faut des encouragements et de plus de l’émulation.
L’émulation est un moyen que le gouvernement ne doit jamais négliger, car on
l’emploie toujours avec efficacité.
Si donc le ministre de
l’intérieur n’a pas employé (le reproche s’adresse non seulement aux ministres
présents, mais aux ministres passés) les sommes allouées par la nation, et sur
lesquelles l’industrie et le commerce avaient dû compter, c’est parce qu’il n’y
a pas eu de direction, c’est parce qu’on ne s’est pas occupé de ces éléments si
importants de notre prospérité. On a été parcimonieux là où il fallait être
généreux.
Je vous citerai un
exemple qui vous prouvera combien peu le gouvernement s’est occupé de
l’industrie et du commerce. Si ma mémoire est fidèle, une somme de 400,000
florins avait été accordée pour les industriels dont l’industrie était en
souffrance. Une commission fut nommée pour faire la répartition de cette somme
entre les diverses industries du pays. Je crois que 200,000 florins furent
accordés à l’industrie cotonnière de Gand, qui à juste titre réclamait,
puisqu’elle avait le plus souffert de notre révolution. Les industriels de Gand
ont dû compter sur cotte somme de 200.000 florins. On leur donna 80,000
florins, et bien qu’on leur eût promis de leur donner le reste de la somme qui
leur avait été destinée, ils n’en reçurent pas davantage. Il s’en est suivi du
découragement ; on n’a pas cru qu’il fût possible d’espérer des secours d’un
gouvernement qui ne remplissait pas même les promesses qu’il avait faites.
Plusieurs industriels à
cette époque n’ont travaillé que dans l’espoir d’obtenir la répartition de la
somme promise.
Vous voyez par cet
exemple, et je pourrais vous en citer bien d’autres, que le commerce et n’ont
réellement pas été sous la direction d’hommes qui aient attaché toute leur pensée
à les faire fleurir. Il est temps que cela cesse. J’adjure le gouvernement de
réfléchir sur cette pensée émise par le député de Bruges sur le commerce et
l’industrie, de réunir tous les moyens d’encouragement et d’émulation que les
gouvernements voisins nous présentent chaque jour, de veiller sur tous les
moyens que
Si vous aviez eu un
ministre du commerce, il n’aurait pas proposé un tarif de douane hostile à
Je terminerai ces
réflexions par une seule considération, pour prouver combien l’émulation est
nécessaire au commerce et à l’industrie, et combien il est important que ces
éléments de notre prospérité soient l’objet des méditations continuelles du
gouvernement. Rappelons-nous ce qu’étaient le commerce et l’industrie sous
l’ancien gouvernement, reportons-nous à 1814. Que disaient alors tous les
négociants et industriels de
Plusieurs membres. - Elle n’a rien fait ! elle n’a rien fait !
M. Meeus. - Je vais vous le dire ce qu’elle a fait :
Lorsque cette société fut connue, elle rencontra une grande aversion ; beaucoup
de négociants et d’industriels se récrièrent ; elle fut critiquée par le commerce
et l’industrie. Cependant les capitalistes se rappelant ce qu’avait été
l’ancienne société de commerce d’Amsterdam sous la république, où les actions
avaient triplé de valeur, apportèrent leurs fonds dans cette société. Mais il
arriva le contraire de ce qui était arrivé à Amsterdam : les capitalistes
virent leurs actions tomber, et les négociants trouvèrent dans cette société
des moyens efficaces de prospérité. Il ne s’agit pas de dire ici : c’est une
théorie, car ces résultats peuvent être prouvés des chiffres à la main. C’est à
cette société qu’on doit le débouché de Java. Jusque-là, on pouvait peut-être
exporter nos produits vers Java ; mais il est certain qu’on en expédiait si peu
qu’on ne pouvait pas en parler. Quelques années après la formation de la
société de commerce, les exportations vers cette colonie prirent une extension
considérable, et nos fabriques, dont on déplore l’état aujourd’hui, arrivèrent
en quelques années à un état très prospère.
C’est encore à la
société de commerce qu’on doit l’extension de notre commerce maritime ; ce fut
alors que beaucoup de négociants d’Anvers firent construire des bâtiments dont
quelques-uns sont encore dans les bassins d’Anvers, attestant qu’ils ne peuvent
plus remplir l’objet de leur destination. Il faut avouer que le commerce
maritime prit une extension telle que la société était sur le point de se
trouver effacée par les particuliers qui allaient profiter directement des
bénéfices que cette société tirait en s’interposant entre l’armateur et le
fabricant. Cela prouve qu’en fait de commerce et d’industrie une seule personne
ne voit jamais toutes les ressources, que les routes qui existent ne sont pas
aperçues et qu’il faut encourager l’esprit d’association. L’association est
nécessaire pour entreprendre des expéditions lointaines, et le seul moyen
d’ouvrir des débouchés. Il arrivera souvent qu’on aura fait des dépenses et
qu’on se sera donné des peines pour rien ; mais souvent aussi elles auront eu
un résultat utile en découvrant dans d’autres régions des débouchés où les
produits du pays pourront s’écouler plus facilement.
C’est sur ce point que
le gouvernement doit porter ses vues ; encourager les expéditions lointaines.
Quand ces expéditions veulent se faire, le gouvernement doit intervenir,
envoyer des agents dans les pays qu’on veut explorer, pour s’informer des
produits de ces pays et des objets de consommation qui peuvent s’y écouler.
Pour cela il faut un département tout entier consacré au commerce et à
l’industrie.
J’arrête ici mes
considérations ; je ne ferai plus que trois observations sur les chiffres qu’on
a critiqués.
Par
ce que je viens de dire, vous comprendrez que, loin de trouver exagéré le
chiffre de 300,000 fr., j’aurais voulu que le ministre fut venu demander une
somme beaucoup plus forte. Je l’adjure de ne pas laisser oisive la somme qui
sera votée comme on l’a fait l’année dernière, et comme l’ont fait d’autre
ministres à d’autres époques. Cette somme doit être employée tout entière à des
objets de la plus grande utilité. La pêche nationale mérite des encouragements
tout particuliers ; car cette industrie profite à un grand nombre de personnes.
L’établissement d’une école de navigation est à mon avis une chose éminemment
utile, non pas, comme l’a dit l’honorable M. Pollénus, pour la défense du
littoral, mais dans l’intérêt du commerce, pour former de jeunes marins.
Quant aux expositions
qu’on a tant critiquées, je dirai que je regrette que le gouvernement n’en ait
pas déjà fait depuis une année. Il est essentiel que l’on sache les progrès que
l’industrie peut avoir faits depuis la dernière exposition ; il est essentiel
que les industriels se rendent compte, dans ces sortes de concours où le point
d’honneur est pour quelque chose, de l’état de leur industrie. Il ne faut pas
oublier que les industriels, bien qu’ils travaillent par intérêt, ont aussi
leur point d’honneur. A la dernière exposition française, des fabricants ont
fait des dépenses extraordinaires ; ils ont fabriqué sans bénéfice, dans
l’intérêt de l’industrie ; eh bien, ces sacrifices sont devenus pour eux des
moyens de lucre énorme.
Je ne crains pas que
l’esprit de parti vienne se mêler dans de semblables affaires. D’ailleurs, cet
esprit de parti s’affaiblit singulièrement tous les jours. Ce qu’il y aurait de
mieux à faire, ce serait de ne plus s’en occuper. C’est lui qui donner plus
d’importance qu’il n’en mérite.
D’après tous ces motifs,
non seulement je voterai pour le chiffre proposé par le gouvernement, mais je
serais charmé qu’il l’augmentât.
M. Davignon. - Messieurs, le premier devoir des
représentants de la nation est sans doute de solliciter des économies ; mais
c’en est un souvent de respecter les dépenses nécessaires.
Malheureusement,
messieurs, chaque fois qu’il est question d’une allocation pour le commerce et
l’industrie, on ne l’envisage qu’avec une fâcheuse préoccupation, produite par
des faits dont le souvenir est trop récent encore pour qu’ils n’exercent pas
une secrète et dangereuse influence.
S’il pouvait exister la
moindre crainte de voir renouveler les abus que vous connaissez tous, je serais
le premier à m’y opposer ; mais ils ont été assez stigmatisés pour ôter à qui
que ce soit l’envie de leur rendre l’existence. Gardons-nous cependant, en
cherchant à les éviter, de donner dans l’excès contraire : ce serait vouloir
corriger un abus par un autre non moins pernicieux.
C’est par une juste
application de ces principes que je n’admettrai pas la réduction proposée par
la section centrale sur un chiffre aussi peu élevé, eu égard à ses diverses
destinations. J’ai presque peine à la croire suffisante pour un pays qui attend
son bien-être, son existence en quelque sorte, des mesures que l’on prendra
pour former ce que je me permettrai de nommer son établissement commercial.
Bientôt, messieurs, nous
aurons mis le complément à nos institutions fondamentales ; il nous restera une
tâche non moins grande à remplir, celle de perfectionner l’administration
intérieure, celle de développer nos ressources matérielles, de manière à
prouver à l’Europe, par le fait, que notre existence nationale porte en elle
des garanties de durée.
Cette tâche, messieurs,
n’est pas aussi facile qu’on pourrait se l’imaginer.
Entre les nombreux
objets qui réclameront nos soins, je vois en effet figurer la pêche, la navigation,
les constructions maritimes, si la nécessité en est reconnue, des débouchés à
chercher, à créer même pour les produits de nos industries, auxquels, déjà à
l’heure qu’il est, il est urgent d’assurer la consommation intérieure par des
mesures conseillées par la prudence et le sentiment de sa propre conservation ;
à une organisation complète enfin pour laquelle, comme vous l’a fait
judicieusement observer un honorable député d’Ostende, un personnel de deux ou
trois employés n’est rien moins que suffisant.
Il est une chose dont le
besoin se fait généralement sentir, et que j’entends réclamer de plusieurs
côtés ; c’est une création capable de donner un véhicule, une grande impulsion
non seulement pour l’intérieur, mais aussi pour nos relations à l’étranger. Ce
n’est pas le moment d’entrer dans de plus longs détails à cet égard. Je crois
devoir cependant appeler l’attention du gouvernement sur cet objet. J’aime à le
croire, il en appréciera toute l’importance.
Messieurs, on ne doit
pas se faire illusion, le commerce n’a encore reçu aucun développement ; il a
profité de l’activité momentanée qu’une interruption de près de deux années
avait occasionnée : nous ne devons pas le perdre de vue. Beaucoup d’intérêts
ont été déplacés, non pas seulement par ce qui passé chez nous, mais par ce qui
s’est fait, par ce qui se médite encore chez nos voisins.
Il faudra
vraisemblablement recourir à d’autres mesures. Pour le moment, il est difficile
de les prévoir, de les indiquer : de là, sans doute, l’absence des détails
circonstanciés que vient de signaler un membre de la section centrale, et qui,
en tout autre cas, sont indispensables pour établir une conviction.
J’appuierai l’idée que
vient de mettre en avant M. le ministre, relativement à l’achat et à
l’importation de machines qui manquent au perfectionnement de l’une ou l’autre
branche de notre industrie. C’est ainsi que, dans plus d’une circonstance, l’on
a procédé en Prusse, où nous pouvons puiser d’utiles leçons en fait de commerce
; et les industriels s’en montrent satisfaits.
Messieurs,
si, comme il est dans nos droits, dans nos obligations, nous exigeons du
gouvernement des résultats, pouvons-nous raisonnablement lui contester les
moyens de les obtenir ?
Le crédit que l’on
alloue n’est d’ailleurs qu’éventuel, le ministre doit justifier de son emploi ;
et, dans une circonstance récente, j’ai eu l’occasion de reconnaître que sous
ce rapport il n’était pas trop facile, et moins encore trop prodigue.
Je voterai donc pour le
maintien du chiffre proposé au budget de l’intérieur.
M.
Gendebien. - Il y aurait témérité à moi d’entrer dans les
théories de commerce et d’industrie. La discussion est d’ailleurs trop avancée
pour que j’entre dans des développements. Cependant, je ne crois pas pouvoir me
dispenser d’émettre mon opinion sur des théories qui, si elle
n’étaient pas restreintes dans de justes bornes, pourraient fourvoyer la
chambre.
Nous sommes depuis trois
ans et demi dans un cercle vicieux et les propositions, soit du ministre, soit des
divers membres qui ont parlé avant moi, ne tendent nullement à nous faire
sortir de ce cercle. On veut encourager, dit-on, l’industrie. Nous voulons tous
encourager l’industrie. Mais vous voulez l’encourager à augmenter ses produits,
et nous sommes noyés dans l’abondance de nos produits ; je pourrais dire qu’il
y a excès de produits, si ce n’était pas un blasphème, parce qu’il ne peut pas
y avoir excès de produits dans un gouvernement bien administré.
Que faut-il donc faire ?
donner des fonds aux fabricants pour produire
davantage ? Non, messieurs, mais leur donner de la sécurité à l’intérieur, et
des débouchés qui leur manquent. Comment voulez-vous que les industriels
donnent de l’extension à leur industrie, et créent des industries nouvelles,
quand ils ont tous les jours sous les yeux des preuves de la faiblesse et de la
pusillanimité d’un gouvernement qui ne sait se faire respecter au-dehors, et ne
parle d’énergie que pour recueillir des hontes à l’intérieur comme à
l’extérieur ? Un pareil gouvernement ne présente aucune sécurité à aucune
classe de la société. Comment voulez-vous en accordant au commerce cent mille
fr. pour stimuler par des primes la construction de frégates, encourager le
commerce maritime ? Comment voulez-vous que ces cent mille francs puissent
recevoir leur application, alors qu’un employé du gouvernement a dit que, sur
34 frégates que nous avions avant la révolution, il ne nous en reste que huit ;
que vingt-une sont passées en Hollande ; alors qu’un membre a dit que ces huit
frégates qui nous restent prendraient probablement bientôt le même chemin que
les autres ? On a conclu de là qu’il fallait allouer 100 mille francs pour
encourager les constructions de marine commerciale. C’est, j’ose le dire, une
absurdité. Les cent mille francs que vous donnerez encourageront la
construction de bâtiments qui iront rejoindre les bâtiments déjà partis : le
chemin tracé par la faiblesse de notre gouvernement sera suivi par ces
constructions nouvelles aussi longtemps que le gouvernement ne changera pas de
système.
M. Smits, M. Coghen et M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) demandent
en même temps la parole.
M.
Gendebien. - Messieurs, cela ne m’empêchera pas de développer
mon opinion. Vous allez donc donner 100,000 francs pour construire des
frégates. Mais avez-vous oublié que les Hollandais peuvent venir les brûler
dans vos ports ? Vous avez rejeté les 300,000 fr. demandés au budget de la marine,
parce que vous craigniez que les Hollandais ne vinssent brûler vos bâtiments de
guerre dans le port et dans le Ruppel ou sur
l’Escaut. Le ministère et les hommes du gouvernement n’ont pas trouvé mot de
sécurité à répondre à cette objection honteuse, et vous croyez qu’avec 100,000
francs, vous déterminerez les spéculateurs à entreprendre des constructions de
frégates marchandes, lorsque vous n’avez pas osé faire de fonds pour votre
marine militaire ? Ces constructeurs devront craindre à plus forte raison de
voir leurs bâtiments brûlés, et ces craintes seront légitimes aussi longtemps
que le gouvernement ne les aura pas désavouées par des actes de vigueur. Ce
qu’il faut pour encourager la navigation belge, c’est d’abord la garantie que
l’Escaut sera libre. Or l’Escaut ne sera pas libre. Depuis trois ans on
l’annonce sans cesse, et les négociations diplomatiques sont de nature à
compromettre à jamais la navigation de l’Escaut. Déjà le gouvernement a accordé
une partie de la perception demandée par le roi Guillaume, et vous avez mis par
cette concession honteuse
Je vous demande si,
quand l’appui des puissances ne vous a pas manqué, vous avez fléchi dans une
circonstance où la sécurité du commerce et de l’industrie belge était engagée
sur
L’Angleterre a intérêt à
arrêter les progrès de notre industrie pour favoriser la sienne, et peut-être
bien aussi pour nous forcer à accepter la restauration comme un bienfait le
jour où elle se brouillera avec
Mais, messieurs, ce
n’est pas individuellement qu’il faut encourager l’industrie ; ce n’est pas en
accordant à tel ou tel fabricant de petites ou de fortes sommes ; c’est en
établissant un système à principes larges dont on n’aurait plus à faire que
l’application.
Un ministre du commerce
est, dit-on, nécessaire ; sans ce ministère, notre commerce et notre industrie
sont perdus. Mais que fera pour
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est au Roi à nommer
les ministres.
M.
Gendebien. - Je n’ai pas la moindre envie d’empiéter sur les
prérogatives royales ; il est vrai, et on s’en aperçoit, c’est le Roi qui
nomme... M. Smits, avec toute la capacité, tout le zèle qu’on lui reconnaît,
pourra-t-il revivifier le commerce ? Pourra t-il lui donner la sérénité qui lui
manque ? La situation où le gouvernement nous a placés vis-à-vis de l’étranger,
est la cause unique de la situation où se trouve le commerce.
On vous demande un
million, ou plutôt ou regrette que le ministre n’ait pas demandé un million
pour l’industrie. Quand vous en donneriez deux, qu’en résulterait-il ? C’est
que quelques intrigants puiseront de plus fortes sommes au budget ; c’est que
ces intrigants ou des privilégiés, en recevant de l’argent, pourront vendre à 5
ou 10 p. c. au-dessous du prix courant et ruineront ainsi les fabricants
honnêtes qui, dédaignant l’intrigue et marchant par leurs propres ressources,
ont créé des établissements en rapport avec les besoins du pays et les moyens
d’échange à l’étranger. Le roi Guillaume a dépensé des sommes énormes : qu’en
est-il résulté pour le pays. Je veux bien qu’on donne des encouragements ; mais
avec discernement, mais en appelant tout le monde à en profiter. Et lorsque les
encouragements sont individuels, je désire qu’on nomme ceux qui les reçoivent :
telle est la condition de mon vote. C’est un crime dans le commerce que de
s’attribuer plus de crédit qu’on n’en a réellement : voulez-vous que le
gouvernement se rende complice de ce crime ? Voulez-vous qu’à prétexte
d’encourager l’industrie il y jette la défiance et la perturbation ?
La création d’une
société de commerce pourrait sans doute être très utile si le gouvernement
fournissait en même temps la sécurité qui manque au commerce et à l’industrie :
sans cette condition on resterait toujours dans le même cercle vicieux. On a
beaucoup vanté la société de commerce formée sous Guillaume ; est-il vrai
qu’elle ait rendu tant de services ? Elle en a rendu à l’industrie cotonnière,
mais sa protection avait cessé avant la révolution ; au premier janvier 1830 la
société de commerce avait cessé le système de protection et d’utilité à
l’industrie qu’elle avait d’abord adopté.
Le roi Guillaume avait
garanti un intérêt à 4 1/2 p. c. à chacun des actionnaires ; la société de
commerce devait prendre les marchandises dans ce pays et les envoyer dans les
grandes Indes. Mais Guillaume s’est lassé de payer l’intérêt. Il a fait un
nouveau traité par lequel il s’est dégagé de son obligation, et par contre la
société de commerce n’a plus été obligée de prendre nos marchandises. Elle a
cherché une mauvaise querelle aux fabricants de Gand ; elle leur a dit que
leurs toiles de coton étaient trop larges, qu’on ne pouvait s’en défaire aux
grandes Indes : et les Gantois ont été obligés de garder leurs produits. De là,
stagnation, faillites. J’en sais quelque chose, j’ai eu l’occasion de le
vérifier au tribunal de commerce où, dès le mois de mars 1830, il y avait au
rôle six fois plus de causes qu’en temps ordinaire.
A Verviers il y a eu
aussi crise dans le commerce : est-ce la société de commerce qui a fait
disparaître cette crise ? non, messieurs. Je ne nie
cependant pas qu’une société de commerce puisse rendre des services ; mais
avant tout il faut donner au pays la sécurité qui lui manque ; sans cela, vous
ne ferez rien que du replâtrage qui pourra tromper pendant quelque temps les
yeux inexpérimentés, sans apporter un remède au mal.
Je pense que les 100,000
fr. demandés pour encourager par des primes les constructions de frégates,
doivent être refusés. Si l’on construit dans nos chantiers, ce ne pourra être
que pour procurer des navires à l’étranger. On vous a éclairé sur ce point ;
nos constructions nouvelles suivront le même chemin que nos 26 frégates passées
en Hollande, et nos huit qui s’y rendront bientôt, comme on vous l’a dit.
Pour l’exposition on
avait demandé 50,000 fr. ; on réduit la somme à 30.000 fr...
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le ministre n’a rien
demandé ; c’est la section centrale qui a évalué l’exposition à 50,000 fr. ;
moi je l’évalue à 30,000 fr.
M.
Gendebien. - Il n’y a de différence que dans les mots : c’est
vous même qui avez dit tout à l’heure que vous aviez non pas demandé à la
vérité, mais évalué la dépense à 50,000 fr., et que vous réduisiez la somme à
30,000 fr. En définitive, vous demandez 30,000 fr. ; je ne peux les accorder.
Je crois d’abord qu’il est un peu tard pour faire une exposition cette année.
Les fabricants doivent être prévenus longtemps à l’avance. Il y a une bonne
raison pour que l’exposition ne soit pas utile ; il y a des motifs de
dissidence tels que beaucoup de fabricants ne se donneront pas la peine
d’envoyer leurs produits ; ainsi, il sera bien difficile de faire une
comparaison. L’exposition pourrait tout au plus prouver que la broderie a fait
de grands progrès ; car il n’y a jamais en autant d’habits brodés en Belgique
que depuis la révolution toute populaire qui semblait devoir rapprocher les distances,
établir l’égalité. Quant aux autres industries, il n’y a pas eu progrès, et il
n’y aura pas de progrès tant qu’on n’aura pas de sécurité au dehors et de
stabilité à l’intérieur.
Je suis prêt à accorder
les 20,000 fr. pour la commission de Paris. Je suis pourtant convaincu que
cette commission n’amènera aucun résultat. Le ministre de l’intérieur a dit
hier qu’on n’improvisait pas un tarif de douanes, d’où je conclus que la
mission sera inutile. C’est avant que le ministère de Louis-Philippe proposa son
système de douanes aux chambres de France qu’il fallait agir. Au reste, en
agissant avant la présentation du système, on n’aurait encore produit que peu
d’effet : en France comme ailleurs le ministère flatte la majorité et se laisse
traîner mollement à sa remorque ; l’industrie domine aux chambres, elle-même
est dominée par des préjugés ou par l’égoïsme. Le système proposé par le
ministre sera adopté. Si j’ai bonne mémoire, lorsque la commission est revenue
il y a un an ou quinze mois, quelques-uns de ses membres ont annoncé que la
commission se réunirait de nouveau lorsque le ministère de France aurait
recueilli tous les documents nécessaires pour la discussion des intérêts des
deux pays ; cette réunion devait précéder la rédaction et la présentation de la
loi de douanes : eh bien, a-t-on invité le gouvernement à envoyer en France des
commissaires pour discuter les tarifs ?
Je puis répondre qu’il
n’en a pas été ainsi ; vous voyez que le gouvernement français a mis de la
mauvaise volonté et peut-être de la mauvaise foi dans ses relations avec nous.
Dans un tel état de chose, que voulez-vous que la commission aille faire à
Paris ? Y jouer de nouveau le rôle de dupe. C’est bien assez que notre
diplomatie y remplisse cet emploi.
Je ne veux pas repousser
le crédit ; mais j’invite le ministre à ne pas compter le moins du monde sur un
résultat. Je l’engage, ce qui vaut mieux, à rechercher quelles sont les
productions de
Si les ministres des
finances et de l’intérieur voulaient s’entendre ; si les administrateurs des
finances qui chaque année ont tant de peine à obtenir leurs traitement, se
donnaient la peine de se réunir une fois par semaine, ils auraient pu nous
proposer un système financier, un tarif utile au commerce et à l’industrie. On
trouve plus commode de proclamer tous les ans que le système est vicieux, qu’il
est même monstrueux : mais depuis trois ans les mêmes monstruosités financières
et administratives se perpétuent : réformez-les ; employez à cette réforme des
hommes capables et n’allez pas absorber leur temps à rechercher des raisons
pour répondre aux ministres de Louis-Philippe. Il est inutile de se creuser
l’esprit pour trouver ces raisons ; les meilleures sont de frapper, par nos
tarifs sur les produits français, dans les points les plus vulnérables, de
constituer un bon système de douanes et une surveillance sévère.
Les douaniers font leur
devoir ; mais ils ne sont pas assez nombreux : retranchez quelques parasites
inutiles dans toutes les administrations, et augmentez le nombre des employés
qui rendent véritablement des services ; vous aurez bénéfice pour le trésor, et
vous serez utiles à l’industrie. En agissant autrement, on vous donnerait un
million que ce million serait en pure perte.
Telles
sont les considérations qui m’ont déterminé à appuyer les propositions de la
section centrale. Ce pas une économie d’argent que je demande, mais un
changement de système. Je suis disposé à voter l’amendement de M. Angillis,
quoique je sois persuadé que si on accorde 200,000 fr., c’est comme si on
n’accordait rien en procédant comme on veut faire. Avec ces 200,000 fr., le
ministre aurait le moyen de préparer un système de douanes, de navigation
intérieure et extérieure. Tout emploi d’argent avant l’établissement d’un
système serait en pure perte. On s’occupe du quantum de la somme ; mais on ne
s’occupe pas du tarif, du système général concernant le commerce et l’industrie.
Il y aurait crime envers le pays, si d’ici à l’année prochaine nous ne sortons
pas du système vicieux dans lequel nous sommes.(La clôture ! la clôture !)
M. Meeus. - Je demande à prouver que toutes les
prémisses du discours de l’orateur sont fausses ; on ne peut clore une
discussion aussi importante.
- La chambre continue la
discussion.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne suivrai pas
l’honorable préopinant dans les développements très étendus qu’il a donnés à
son opinion, après avoir toutefois annoncé une sorte d’incompétence pour les
matières qu’il venait traiter ; mais je ne dois pas laisser sans réponse cette
partie de son discours où il a voulu donner à entendre que si le commerce et
l’industrie avaient des souffrances à supporter, c’était encore une fois la
faute du gouvernement. Cette conséquence est à peu près, il est vrai, le résumé
de tous les discours de l’honorable orateur. Dans plusieurs circonstances nous
ne réfutons pas de telles opinions. Mais aujourd’hui, nous devons à notre vive
sollicitude pour l’industrie et le commerce de repousser ce reproche.
Ce qu’il faut à
l’industrie, dit-on, c’est la sécurité ; sans sécurité tous les moyens mis à la
disposition du gouvernement seront inutiles : d’accord ; mais lorsque je
recherche en quoi l’industrie manque de sécurité, j’avoue que mes recherches
sont vaines.
L’orateur a fait
allusion à la convention de Zonhoven ; eh bien, messieurs, nous acceptons avec
grand plaisir ce terrain pour la discussion. Nous soutenons que cette
convention est l’un des actes du gouvernement qui ont donné le plus de sécurité
à l’industrie ; nous en donnons pour preuve les plaintes qui éclataient de la
part d’une province tout industrielle avant la convention, et qui ont cessé
depuis. Cette convention a été jugée par le commerce et par l’industrie comme
elle devait l’être, et le gouvernement ne craint pas d’en appeler à ces juges
très compétents.
On a dit, messieurs et
je ne sais quel esprit de dénigrement a pu dicter ces prévisions ; on a dit que
l’exposition était inutile, qu’il ne fallait qu’une très faible dose de bon
sens pour savoir que l’industrie n’avait pas fait de progrès depuis la
révolution. Je ne sais comment l’industrie recevra le compliment de l’honorable
orateur ; quant à moi, je n’ai pas cette mauvaise opinion de l’industrie, je
demanderai si nos armes, nos draps, notre quincaillerie, ne se sont pas
perfectionnés ; si nos fers, nos machines, nos toiles, nos cotons, nos
soieries, nos dentelles, ont fait un pas rétrograde ? Je pourrais continuer
l’énumération ; mais j’attends ces industries à l’exposition que nous leur
préparons ; elles répondront elles-mêmes.
Ce n’est pas la première
fois que l’on vient ici s’apitoyer sur l’industrie que l’on représente
mourante. Dès le congrès l’industrie excitait des plaintes fréquentes ; on la
représentait dans un état de marasme ; c’était le mot à la mode ; on ne lui
donnait plus que quelques jours d’existence : j’ai combattu ces assertions ;
j’ai soutenu qu’elle saurait triompher des difficultés où la révolution l’avait
jetée. En effet, l’industrie en triompha ; et pourvu, dirai-je à mon tour,
qu’on soit doué d’une simple dose de bon sens, on reconnaîtra que notre
industrie est actuellement aussi florissante qu’en toute autre pays ou à toute
autre époque. Une industrie s’est présentée comme ne pouvant surmonter ses
souffrances, c’est l’industrie cotonnière ; noua nous sommes mis en mesure de
la soulager.
Les houilles ont été en
souffrance dans la province de Liége ; grâce à la convention de Zonhoven, grâce
aussi à de nouveaux débouchés ouverts vers
M.
Gendebien. - On pétitionne aujourd’hui à Liège pour demander des
débouchés.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les houillères en
général n’ont pas à se plaindre.
M.
Gendebien. - Vous vous trompez.
M. de Robaulx. - Et les
tanneries sont-elles en souffrance ?
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il ne faut pas
attribuer les souffrances des tanneries à la révolution ; elles remontent plus
loin. Il en est de même des forges au bois ; leurs souffrances datent d’une
époque antérieure à la révolution. néanmoins le
gouvernement s’occupe des moyens de les faire cesser.
Au reste, messieurs il
me semble que ceux qui veulent donner de la protection à l’industrie, en lui
assurant de la sécurité, s’y prennent fort mal en exagérant les difficultés de
sa position. On devrait, au contraire, au lieu de se complaire à imaginer des
plaies au pays, y jeter un voile ; au lieu de décourager l’industrie par de
funestes prévisions, la stimuler et l’enhardir.
L’honorable M. Meeus a
paru regretter qu’il n’existât pas de ministre du commerce et de l’industrie ;
je rappellerai à la chambre que, lors de la discussion de l’allocation relative
aux employés de mon ministère, j’ai moi-même fait allusion à l’utilité d’une
administration spéciale consacrée à l’industrie et au commerce ; j’ai dit qu’il
ne suffisait pas d’avoir distrait d’une division l’industrie et le commerce
pour en former une direction séparée, alors surtout que cette direction n’avait
à sa disposition que le personnel insuffisant de trois employés.
Le ministère de
l’intérieur, tel qu’il est aujourd’hui constitué, sera souvent exposé, malgré
le zèle des employés, à négliger quelques parties d’administration, ou ne
pourra donner à toutes des soins égaux. Le ministère de l’intérieur comprend
trois ministères français. Je doute cependant que si le gouvernement venait
vous présenter actuellement une organisation qui est dans ses vues, dans ses
prévisions, sa proposition fût accueillie par la chambre.
On dit que des sommes
ont vainement été mises à la disposition du gouvernement depuis la révolution,
pour secourir l’industrie. Sans être responsable de tout ce qui a été fait à
cet égard, je dirai que ces sommes, remises à un comité spécial à Bruxelles,
ont été réparties entre des comités provinciaux ; elles sont restées la
disposition de l’industrie et du commerce, et l’industrie et le commerce n’ont
pas voulu partout en profiter.
Ils
ont su se passer de ce subside, quoiqu’on les représentât dans un état de
marasme. Dans plusieurs provinces il n’a pas été dépensé un sou des sommes
mises à la disposition du commerce et de l’industrie. Si la somme allouée au
gouvernement en 1833 n’a pas été absorbée, j’en ai dit la raison : c’est
qu’elle a été mise à ma disposition à une époque où je ne pouvais plus en faire
usage ; c’est aussi que nul besoin assez puissant ne s’était jusque-là présenté
pour motiver un projet de loi spécial.
Cette
année, messieurs, nous espérons pouvoir disposer utilement de la somme que vous
voterez. Nous ne prenons pas l’engagement de faire usage de la somme entière ;
ce sont des crédits éventuels que vous nous ouvrez, et dont nous n’userons
qu’avec circonspection : nous ne forçons nullement l’industrie et le commerce à
accepter de nous des présents funestes ; nous ne leur donnons des secours qu’à
certaines conditions, avec certaines garanties, et des secours dans l’intérêt
général.
M. Legrelle. - On demande
que l’école de navigation soit à Ostende ; mais dans une autre localité une
école de navigation existe depuis la révolution ; tout le matériel y est
encore, pas un seul instrument n’est à acheter : on peut donc établir une
école.
M. de Brouckere. - On peut
établir deux écoles de navigation, une à Ostende, l’autre à Anvers.
M. Smits. - Messieurs, je tâcherai de
comprimer des sentiments pénibles et je n’abuserai pas de l’attention que la chambre
voudra bien m’accorder. J’ai demandé hier qu’on encourageât le commerce
maritime, afin que les huit frégates qui nous restent de trente-quatre ne nous
quittassent pas. J’ai reconnu la nécessité de la pêche sans pouvoir préciser le
taux des primes. J’ai fait sentir que le gouvernement français ne se bornait
pas à quelques centaines de mille francs, mais qu’il donnait des millions.
En 1830 il a accordé
soixante millions au commerce de Bordeaux.
Par un arrêté récent il
a ouvert au ministre du commerce et des travaux publics un crédit
supplémentaire de 650,000 fr. pour la pêche nationale. Ce qu’a dit M. Meeus est
parfaitement vrai : le roi Guillaume cherche à attirer dans son pays, non
seulement notre commerce maritime, mais encore notre industrie : un de nos
industriels a reçu 300,000 florins pour aller s’établir en Hollande.
M.
A. Rodenbach. - Je ne redoute pas la concurrence hollandaise, la
population n’y est pas assez nombreuse, la main d’œuvre et la vie animale y
sont de 25 p. c. plus chères qu’en Belgique, l’industrie manufacturière ne peut
donc y fleurir. Si le roi Guillaume donne 300,000 florins a
un industriel, c’est une espèce de charlatanisme politique dont il voudra faire
grand bruit en Europe.
Je désire qu’il y ait
une administration qui s’occupe spécialement du commerce : cette administration
serait très utile ; mais un ministère du commerce coûterait trop cher à la
nation, je préfère un directeur spécial et des commis qui travaillent.
Si l’industrie
cotonnière souffre, je reconnais avec le ministre que plusieurs autres
industries sont dans un état plus prospère. Au reste, la détresse des
fabricants de tissus de coton est antérieure à la révolution. Je me souviens
que, quelques mois avant la révolution, des fabricants de Gand se sont adressés
au roi Guillaume pour avoir des subsides.
Tout récemment, un
arrêté royal a autorisé la formation d’une société de commerce ; jusqu’à
présent peu de fabricants en font partie. J’espère que le gouvernement ne
distribuera pas à une douzaine d’industriels des fonds que nous ne voterons que
dans l’intérêt général : au surplus, le ministre ne nous a encore rien présenté
relativement aux subsides à accorder à l’industrie cotonnière, et c’est aux
chambres seules à allouer ou à refuser des primes d’encouragement, lorsqu’un
projet leur sera soumis.
Sous Guillaume, une société anonyme dite
M. Meeus. - La discussion importe au pays tout entier.
Je ferai observer à la chambre que nous employons beaucoup de temps à discuter
quand il s’agit des appointements de quelque mince commis, et l’on ne peut
vouloir scinder une discussion sur l’objet qui intéresse le plus matériellement
le pays.
M.
Gendebien. - Il ne s’agit pas ici d’une question de chiffres, il
s’agit de déterminer lequel des deux systèmes est le plus utile au commerce et
à l’industrie ; c’est une question capitale à résoudre.
- La chambre consultée ne
ferme pas la discussion.
M. Meeus. - Je ne crois pas avoir été compris. J’ai dit
qu’il fallait secourir l’industrie par des règlements sages et non en faisant
des largesses à tel ou tel industriel ; qu’il fallait protéger le commerce en
développant l’esprit d’association et en encourageant les expéditions
lointaines. Par exemple, je suppose que des commerçants se réunissent pour
tenter une expédition dans l’archipel d’Asie ; je dis que le gouvernement
devrait avoir les moyens d’encourager
cette entreprise qui pourrait être heureuse pour le pays.
Je ne dis pas qu’il
faille créer des sociétés de commerce, car je ne puis soutenir ce que je crois
impossible, puisque celle qui s’est organisée sous l’ancien gouvernement a
toujours perdu ; mais je dis qu’il faut rendre faciles les entreprises des
associations de fabricants qui veulent écouler leurs marchandises. Il n’y a pas
de charlatanisme dans la tentative de
Si
la société de commerce a perdu des capitaux sous l’ancien gouvernement, il n’en
est pas moins vrai qu’elle a rendu des services au pays ; sans elle Gand et
d’autres villes n’auraient pas écoué leurs produits. Elle a d’ailleurs excité
l’esprit d’association entre les fabricants eux-mêmes.
Une société nouvelle
s’est formée à Gand ; on prétend que les fabricants ne veulent pas en faire
partie : ce n’est pas ainsi qu’on critique une société ; c’est en examinant ses
statuts. Mais soyez tranquilles ; si son but est d’être réellement utile à
l’industrie, les fabricants ne tarderont pas à y prendre des actions. Le
gouvernement a rempli son devoir en intervenant dans cette société pour
l’indemniser des pertes qui peuvent résulter d’expéditions lointaines.
Sans société, on ne peut
faire de grandes choses ; on ne peut soutenir la concurrence avec
M.
Coghen. - J’ai demandé la parole, messieurs, d’abord pour
répondre à l’honorable M. Gendebien qui, dans la chaleur de l’improvisation, s’est
laissé aller à blâmer le dire de l’honorable M. Meeus et le mien.
Dans la séance d’hier,
j’ai demandé que le gouvernement accorde une prime d’encouragement pour la
construction des navires ? Qu’oppose M. Gendebien ? Il dit qu’il serait absurde
d’accorder des primes pour la construction des bâtiments de mer, attendu que
ceux construits s’expatrient et naviguent sous le pavillon hollandais. S’il est
vrai que, des 34 frégates de commerce que nous possédions lorsque
C’est encore une erreur que
de supposer que
Messieurs, si le
gouvernement accorde des primes pour la construction des navires, on construira
des bricks propres au commerce de l’Amérique du Nord,
Ces encouragements
auront pour résultat d’activer les bras oisifs de nos charpentiers, de donner
de l’activité à nos chantiers actuellement déserts, l’emploi de nos bois et
fers, et de créer enfin une marine marchande belge, qui fera disparaître cette
fâcheuse disproportion qui existe aujourd’hui encore dans le nombre des navires
étrangers et belges qui arrivent dans nos ports.
En 1832, environ 1,200
navires sont entrés à Anvers, et en 1831, 900 à Ostende. Eh bien ! messieurs ; il faut l’avouer, à peine 300 de ces bâtiments
portaient le pavillon belge. Encouragez donc la création d’une marine
marchande, et les bénéfices d’armement et de construction que d’autres peuples
retirent de votre commerce, resteront au pays. Voila ce que j’ai dit et ce que
je répète, c’est là ce que le véritable intérêt du pays réclame.
Aussi je permets au
député de Mons de qualifier ce langage comme il le veut. Je m’en inquiète peu ;
il me reste toujours la conviction d’avoir émis une opinion consciencieuse, et
dans tous les cas tout à fait conforme à l’opinion de tout ce que le commerce a
de plus distingué.
Mes honorables collègues
et ami MM. Angillis et Meeus ont témoigné le désir de voir créer un ministère
de commerce et d’industrie : c’est là mon opinion, qu’en toute position et en
toute circonstance j’ai mise en avant.
Il est plus que pénible
de voir dans un pays tout industriel, tout manufacturier, riche par ses
nombreuses mines et ses grandes exploitations, et où un commerce considérable se
fait, n’avoir, pour en suivre les intérêts, qu’un bureau composé de trois
employés aux traitements réunis de 3,500 fr., comme l’a fort bien fait
ressortir l’honorable M. Donny.
Je considère, moi, comme
indispensable qu’on soulage les ministères de l’intérieur et des finances, trop
surchargés d’attributions auxquelles les ministres ne sauraient suffire malgré
l’activité la plus soutenue.
A mon avis, il faut
créer un ministère de commerce et d’industrie dans les attributions duquel on
mettrait l’agriculture, les fabriques, les manufactures, les mines, les
houillères, la douane pour ce qui concerne les tarifs et les règlements, les
postes, les messageries et la navigation intérieure et extérieure.
Qu’on fasse un appel au
dévouement d’un homme capable d’embrasser la direction de ces différentes
branches de la richesse publique, et avant peu d’années vous verrez des
résultats.
Il est essentiel aussi,
messieurs, qu’on se pénètre bien de cette vérité, qu’il ne suffit plus
aujourd’hui à un peuple d’être exclusivement adonné à l’agriculture, pour
accumuler des richesses et tenir un rang dans la société civilisée.
On a
parlé aussi du tarif des douanes et de la nécessité de la refonte de celui qui
existe : sans doute on doit s’en occuper, on doit donner à
On a parlé de la société
de commerce. M. Meeus y a répondu d’une manière satisfaisante, il ne me reste
qu’à y ajouter un mot concernant l’association créée à Gand pour l’exportation
cotonnière. J’applaudis à ce que le ministre de l’intérieur a fait, et
messieurs les industriels qui encore n’ont pas accédé aux statuts finiront par
comprendre que tout a été fait dans leur intérêt.
Je finis, messieurs, en
demandant le maintien du chiffre de 100,000 fr. demandé par le ministre, somme
que je crois mêmes insuffisante.
M. Desmet. - Si j’ai bien
compris M le ministre, il destine déjà une partie des fonds que nous allons voter
à l’encouragement du filage du lin à la mécanique. Je ne discuterai pas dans ce
moment l’utilité qu’il y aurait à favoriser plutôt le filage à la mécanique que
le filage à la main, ni le danger qu’il y aurait à chercher un moyen pour jeter
dans l’indigence complète plus d’un demi-million de Flamands et à les placer
entre la mendicité et le maraudage ; mais je l’engagerai, avant de mettre à
exécution son projet, de daigner consulter les parties intéressées, je veux
dire les chambres de commerce des Flandres et les administrations provinciales
de cette partie du pays.
J’ai cru utile
d’adresser cette prière au ministre, afin qu’on sache en Flandre qu’on ne
portera pas la mort dans les classes ouvrières sans avoir consulté auparavant
ses chefs administrateurs.
M. Gendebien prend la parole pour répliquer à MM. Meeus,
Coghen et Smits. Il entre dans des développements que nous regrettons de ne
pouvoir reproduire : le sténographe chargé de les recueillir, s’étant trouvé indisposé,
n’a pu terminer son travail.
- On demande la clôture.
M.
Donny. - J’avais quelques mots à dire ; je n’ai pas l’habitude
d’abuser de vos moments.
M.
Dumortier. - Je me proposais d’appuyer le chiffre de la section
centrale ou celui de M. Angillis.
- La chambre consultée
ferme la discussion.
Le chiffre ministériel
260,000 fr. est mis aux voix et adopté.
Le chiffre 40,000 fr.
pour primes aux pêches est mis aux voix et adopté.
Ainsi, les 300,000 fr.
demandés par le gouvernement sont accordés.
La séance est levée à 4
heures 1/2.