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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 13 décembre 1833
1)
Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre (élection contestée d’Ypres
(C. Vuylsteke)) (d’Hoffschmidt, de Robaulx, de Brouckere)
2) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834. Discussion
des articles. Droits d’enregistrement sur les ventes de bois (Angillis, de Brouckere, de Robaulx, Legrelle, Jadot, de Theux, de Robaulx, A. Rodenbach, d’Huart, de Brouckere, de Robaulx, Jadot, Gendebien, de Robaulx, Desmanet de Biesme, Dumont, Jadot), autres droits d’enregistrement (Faider),
séquestre sur les biens de la maison d’Orange-Nassau (Legrelle,
Jadot, Dumortier, Jadot, (+cour des comptes) Dumortier,
Pirson, Verdussen, Duvivier, Dumortier, A. Rodenbach, Duvivier, F. de Mérode, de Robaulx, Legrelle), fabrication de la monnaie (Vandenhove, de Robaulx, Legrelle, Angillis, Kerkhoven, de Brouckere, A. Rodenbach, Verdussen, Kerkhoven, Dumortier, Duvivier, Lardinois, Duvivier, Dumont, de Robaulx, Duvivier),
nécessité de réviser le système général des impôts (de
Robaulx, Duvivier), second vote des articles (Verdussen, de Brouckere)
3) Rapport
sur une pétition d’ouvriers de l’industrie cotonnière à Gand (d’Huart,
(+mesures en faveur de l’industrie cotonnière) Desmaisières,
(+mesures d’intimidation sur les pétitionnaires) A.
Rodenbach et Lebeau, (+mesures du roi Guillaume en faveur de l’industrie
cotonnière) Van Hoobrouck, (+mesures d’intimidation sur les
pétitionnaires par les orangistes) Lardinois,
(+droits d’entrée et de sortie sur les céréales) Eloy de
Burdinne, de Muelenaere, de Brouckere, Gendebien, Pirson, Rogier, Gendebien,
Dumortier, Pollénus, de Brouckere, d’Huart, Gendebien, A. Rodenbach)
(Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1833) (Erratum : dans notre
numéro d’hier, nous avons omis la réponse faite par M. Dumortier à M. Jadot :
« Je n’ai rien à vous répondre ici ; ailleurs, c’est quand vous
voudrez. »)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
une heure et un quart.
Après l’appel nominal,
l’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est
adoptée.
__________________
M. le président fait connaître à la chambre une lettre de M.
le ministre de l’intérieur qui annonce à la chambre que S. M.
VERIFICATION
DES POUVOIRS D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - Messieurs, la commission chargée
de la vérification des pouvoirs du représentant élu à Ypres, en remplacement de
M. de Robiano n’a pu vous faire plus tôt son rapport, parce qu’elle a dû se
faire produire des pièces qui ne lui sont parvenues que tout récemment.
Il résulte du
procès-verbal d’élection, qui est fort en règle, que 372 électeurs, distribués
en 4 sections, ont pris part au vote. La majorité absolue est donc de 187.
M. Constant
Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, a
obtenu 283 voix.
M. Beck-Beck, négociant
à Ypres, 98.
M. de Langhe, d’Ypres,
23.
M. Constant Vuylsteke a
donc été élu à une forte majorité.
Mais deux réclamations
ont été faite, le jour même de l’élection, et sont consignées au procès-verbal.
La première a été faite
par le président et un scrutateur de la troisième section qui ont déclaré au
bureau principal que l’un de leurs scrutateurs s’était absenté pendant que
l’appel nominal des électeurs a eu lieu dans leur section.
Le bureau principal, ne croyant
pas que ce fait puisse contenir un motif de nullité, a décidé qu’il
poursuivrait ses opérations.
Votre commission a aussi
trouvé, messieurs, que cette réclamation n’était pas de nature à vicier
l’élection, et elle a passé outre.
La seconde réclamation
est celle qui a occasionné la demande de pièces et renseignements par la
commission.
La voici telle qu’elle
est consignée au procès-verbal :
« Après la proclamation
du nom de M. Constant Vuylsteke comme représentant, MM. Eugène Cumerlynck, électeur
de la ville de Warneton ; Pierre Forrest, secrétaire à Wervicq, et Vanelvlande,
échevin, électeurs de ladite ville de Wervicq, ont protesté contre cette élection, attendu qu’ils sont fondés à croire qu’il
n’existe pas un nommé Constant Vuylsteke qui ait domicile à Wervicq ; par
conséquent ils réservent tous leurs droits pour réclamer où et quand de
besoin. »
Une protestation
couverte de 15 signatures est en effet parvenue à la chambre en même temps que
le procès-verbal d’élection ; mais au lieu de s’appuyer sur ce qu’il
n’existerait aucun Constant Vuylsteke à Wervicq, elle proteste contre
l’existence d’un Constantin Vuylsteke, de sorte que cette protestation n’en pas
du tout en harmonie avec celle qui a été consignée au procès-verbal.
Cependant votre
commission a voulu faire constater l’identité de la personne proclamée
représentant sous le nom de Constant Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, et il
lui a été produit plusieurs pièces desquelles il résulte que M. Vuylsteke a été
porté sur les registres de naissance de l’état-civil sous les prénoms de
Ferdinand-Constantin, mais qu’il n’est connu dans le public que sous le nom de
Constant Vuylsteke, et que c’est identiquement le même qui a été élu membre de
la chambre des représentants.
Je vais, messieurs, vous
donner lecture de la déclaration de la régence de Wervicq à cet égard.
« Nous,
bourgmestre, échevins et membres du conseil de la régence de la ville de
Wervicq, province de
« Wervicq, 5
décembre 1833. »
(Suivent les
signatures.)
Votre
commission a donc eu à examiner, messieurs, si l’élection de M. Constantin Vuylsteke, élu sous le nom
de Constant, ne présentait, sous ce rapport, aucun motif de nullité, et après
avoir pesé les dispositions de l’article 34 de la loi électorale, le seul
applicable à ce cas, et qui est ainsi conçu (l’orateur lit cet article), elle a
trouvé que la désignation de Constant Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, était
suffisante, l’identité de la personne étant d’ailleurs parfaitement constatée ;
et elle a l’honneur de vous proposer à l’unanimité, par mon organe, l’admission
de M. Constant Vuylsteke, comme membre de la chambre des représentants.
M. le président se dispose à mettre aux voix les conclusions
de la commission.
M. de Robaulx. - Je demanderai cependant si le procès-verbal
d’élection constate que ceux qui ont formé le bureau reconnaissent eux-mêmes
l’identité de l’individu nommé, car nous ne pouvons nous en rapporter à des
déclarations de bourgmestre et d’échevins postérieures à l’élection.
M.
d’Hoffschmidt.
- Le procès-verbal ne parle que de Constant Vuylsteke, mais la déclaration de
la régence de Wervicq, et d’autres pièces, dont je donnerai lecture su la
chambre le désire, attestent qu’il n’y a pas d’autre Constantin Vuylsteke en
cette ville ; et par conséquent c’est à M Constantin Vuylsteke que les voix ont
été données.
M. de Brouckere. - Je demanderai à
l’honorable rapporteur s’il n’existe pas d’autre Vuylsteke à Wervicq et dans
l’arrondissement, portant le prénom Constant.
M. d’Hoffschmidt. - Non, l’attestation dont j’ai
donné lecture le prouve.
Quelques voix. - Qu’on mette aux voix l’admission
de M. Constant Vuylsteke.
M. de Robaulx. - Je ne conçois pas la régularité d’une pareille
délibération. Vous allez mettre aux voix l’admission de Constant Vuylsteke et
tout à l’heure ce sera Ferdinand-Constantin qui sera introduit.
Une voix. - C’est le nom flamand et le nom
français.
M. de Robaulx. - Je n’examinerai pas si saint Constant et
saint Constantin se trouvent au calendrier, mais tout ce que je vois c’est que
ce sont des noms différents ; et quant à moi je déclare que la déclaration du
conseil de régence ne peut me faire admettre, sous le nom de Constant, un
député qui s’appelle Constantin.
M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai pas fait une étude
particulière du calendrier des saints, mais partout on dit Constant au lieu de
Constantin par abréviation. Du reste, l’identité est parfaitement constatée. (Aux voix !)
M. le président met aux voix la question de savoir si M.
Constant Vuylsteke sera admis comme député.
- Cette question est
résolue affirmativement.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Discussion
des articles
Enregistrement
Enregistrement (sur les ventes de bois)
M. Angillis, rapporteur, a la parole, et s’exprime ainsi. -
Messieurs, l’amendement de M. le ministre des finances, que vous avez renvoyé à
l’examen de votre section centrale, a fait l’objet de ses délibérations ; elle
s’empresse de vous en soumettre le résultat.
La première question
qu’elle a examinée est celle de savoir si le changement réclamé pouvait être
fait au moyen d’un amendement introduit dans une loi du budget, ou bien s’il ne
conviendrait pas d’en faire l’objet d’un projet de loi spécial.
L’amendement a un double
but, d’abroger et de rétablir : il abroge une disposition législative en même
temps qu’il fait revivre une autre disposition qui fait partie d’une loi qui
occupe le premier rang parmi nos lois fiscales ; un changement de cette nature
à une législation existante ne doit pas se faire à l’aide d’un simple
amendement intercalé dans une loi annale, dans une loi qui n’a d’autre
destination que de régler, de fixer les recettes de l’Etat, mais qui ne
s’occupe nullement ni de leur assiette ni de leurs recouvrements.
Ceux qui par état
s’occupent spécialement de l’étude des lois n’iront pas chercher dans une loi
du budget des dispositions sur les droits proportionnels d’enregistrement ; un
amendement de cette importance, ainsi placé au milieu d’une loi des voies et
moyens, resterait comme inaperçu aux yeux du plus grand nombre, et le moindre
inconvénient serait de trouver dans une loi qui n’a qu’une existence limitée
une disposition qui a le droit pour principe. La section a été unanimement
d’avis qu’il fallait une loi spéciale pour toutes les dispositions qui ont un
caractère de perpétuité.
Examinant ensuite le
projet présenté par M. le ministre, la section centrale a reconnu que ce projet
allait beaucoup plus loin que le vœu émis par l’assemblée ; et sans entrer dans
un examen approfondi tel qu’un projet de cette nature réclame, la section a
pensé qu’elle devait se borner pour le moment à formuler en projet de loi le
désir exprimé par la chambre ; elle pense avoir rempli cette tâche, en vous
proposant le projet dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture :
« Art. 1er. Les
ventes publiques et aux enchères, de bois sur pied, de récoltes pendantes par
racines et de fruits non encore recueillis, sont soumises aux dispositions de
la loi du 22 frimaire an VII sur l’enregistrement. Les dispositions contraires
de la loi du 31 mai 1824 sont abrogées. »
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1834.é
M.
le président. - La chambre entend-elle se considérer comme saisie de
cet objet ?
M. de Brouckere. - Cela est évident, M. le
président ; car il y a assez longtemps qu’elle s’en est occupée.
M. le président. - A quand veut-on en remettre la
discussion ?
Quelques voix. - Après le budget.
M. de
Robaulx. - Je
demande que cette discussion ait lieu immédiatement. Ce n’est pas d’hier que la
question est agitée ; on la traite depuis deux ans dans cette enceinte, et je pense
que la proposition de la section centrale ne rencontrera aucune opposition.
M. Legrelle. - Je crois aussi qu’il est
rationnel de discuter le projet immédiatement, parce que le chiffre que vous porterez
au budget des voies et moyens sera la conséquence de cette disposition, et
qu’elle doit être adoptée avant le vote du budget.
M.
Jadot. - Il me semble qu’il conviendrait que chaque membre prît copie
de l’article de la section centrale car je crois qu’il n’y est point parlé des
marchandises, et je ne vois aucune raison pour les excepter de la mesure.
- Il est donné une
deuxième lecture du projet.
M.
Jadot. - Je propose d’ajouter aux objets compris dans l’art. 1er les
marchandises.
-
L’honorable député dépose un amendement ainsi conçu « Les ventes publiques de
marchandises sont également soumises, aux dispositions de la loi du 22 frimaire
an VII. »
M. de Robaulx. - Qu’on vote d’abord le 1er art. relatif aux
ventes des bois, et sur lequel il ne saurait y avoir aucune difficulté. La
proposition de M. Jadot fera un article à part.
M. Jadot. - Pardon, ma proposition doit se trouver
comprise dans l’article. Je ne fais que rétablie l’ancienne disposition.
M. de Robaulx. - Dans tous les cas, je demande la division,
et que M. le président mette d’abord aux voix le 1er article de la section
centrale.
M. de Theux. - D’après les termes du
règlement, c’est l’amendement de M. Jadot qui doit être voté d’abord, et la
proposition de la section centrale ensuite.
M. de
Robaulx. - Je
m’étonne qu’on cite ici le règlement pour l’interpréter d’une manière judaïque,
pour en altérer l’esprit. En effet, qu’est-ce qu’un amendement ? C’est une
modification à une proposition présentée. Or, la disposition de M. Jadot ne
change en aucune manière l’article de la section centrale. Ce n’est qu’une
addition et si n y a pas de motif pour lui accorder la priorité.
M. A. Rodenbach. - Il me semble que c’est une
véritable proposition qui doit être renvoyée aux sections ou à une commission,
car son admission ferait du tort au commerce.
M. d’Huart. - L’amendement de M. Jadot n’est pas une
proposition nouvelle ; il se trouvait compris dans le projet de loi présenté
hier par M. le ministre des finances et qu’a modifié la section centrale. Le
motif qui a dirigé l’honorable membre, c’est que l’article 13 de la loi du 31
mai 1824 parlait aussi des marchandises. (Ici
l’orateur donne lecture de cet article.)
Cependant, comme on peut
bien n’être pas aussi unanime pour une disposition que pour une autre, il y
aurait lieu d’examiner d’abord celle que propose M. Jadot.
M. de Brouckere. - Je dois déclarer que je
ne ferai aucune difficulté d’admettre la proposition de la section centrale, mais
je ne puis voter en ce moment sur celle de M. Jadot dont je ne puis saisir la
portée au premier abord. Je demande donc la remise à demain pour que nous ayons
le temps de l’examiner
S la chambre est unanime
aujourd’hui sur l’article de la section centrale, elle le sera encore demain.
Quant à l’observation de M. Legrelle qui consiste à dire que l’adoption de la
loi doit avoir lieu avant le vote du budget des voies et moyens, elle n’est pas
fondée ; car quand bien même nous aurions admis la disposition elle ne serait
pas encore loi ; il lui faudrait encore l’assentiment de l’autre chambre et la
sanction du Roi.
M. de Robaulx. - J’insiste pour que l’on vote la loi telle
quelle est présentée par la section centrale. La proposition de M. Jadot avait
déjà été faite par M. le ministre des finances et elle a été repoussée par la
section centrale, parce qu’elle avait une portée plus large que celle relative
aux bois et aux fruits pendants par racines. Il serait peut-être impolitique de
notre part de l’adopter, alors que le commerce se plaint amèrement. Nous
pouvons bien augmenter le droit sur les bois que le roi Guillaume avait diminué
parce qu’une partie des bois du domaine lui appartenait, mais il n’en est pas
de même de ce qui touche au commerce. Je crois que l’honorable M. Jadot prendra
cette observation en considération, et je le conjure de retirer son amendement,
sauf à en faire une proposition spéciale, s’il le juge convenable.
M.
Jadot. - Je défère à l’invitation de mon honorable collègue.
M. Gendebien. - Je viens d’aller chercher les
volumes à la bibliothèque pour voir les dispositions qu’il s’agit de faire
revivre et je n’ai pas encore eu le temps de les examiner. Mon intention n’est
pas de m’opposer à la mesure que nous propose la section centrale. Il y a
longtemps que je l’ai réclamée moi-même comme une justice ; mais prenez garde,
messieurs, d’être accusés de précipitation, et songez que la loi ne sera
peut-être pas accueillie avec tant d’empressement à l’autre chambre. Je
désirerais qu’on fît imprimer le projet de loi et l’amendement de M. Jadot. Il ne résulterait de ce
léger retard aucun préjudice pour le trésor, et la dignité de la chambre ne
pourrait qu’y gagner. Le budget des voies et moyens n’en souffrira pas non plus
car, en supposant qu’on adopte aujourd’hui tous les articles, nous ne pourrions
voter sur l’ensemble que lundi.
M. de
Robaulx. - Il
n’y aura aucune précipitation. La question a été longuement élaborée au
ministère par suite des réclamations faites dans cette enceinte. Ce n’est pas
depuis hier, mais depuis deux ans et plus, qu’on se plaint du privilège dont
jouissent les propriétaires de bois. Nous pouvons donc continuer la discussion
qui a été commencée, et voter ensuite sur la proposition de la section
centrale.
M. Desmanet de Biesme. - Je suis aussi
d’avis que la discussion doit être remise à demain. Ce n’est pas que je
m’oppose à la mesure, car je l’ai appuyée dans les sections. Mais il n’est pas
exact de dire que le roi Guillaume n’a favorisé que les grands propriétaires,
car la même faveur a été accordée au commerce. Il faut donc examiner si, au
moment où les bois n’ont presque plus de valeur, il faut rétablir la
disposition qui les soumet à un droit plus élevé, tandis qu’on excepterait de
la mesure les marchandises.
M. Dumont. - J’appuie aussi le renvoi à
demain, car jusqu’alors on n’a traité qu’une partie de la question, et elle a
besoin d’être examinée en entier (A
demain, à demain !)
M.
Jadot. - Alors je maintiens mon amendement.
- La chambre décide que
le projet de loi de la section centrale et l’amendement de M. Jadot seront
imprimés et distribués, et elle en remet la discussion à demain.
Enregistrement
M.
le président. - Nous allons nous occuper de l’article relatif à
l’enregistrement, qui à été ajourné hier. il est ainsi conçu :
« Enregistrement :
fr. 7,600,000. »
M. Faider, commissaire du Roi. - La décision que vient de prendre
la chambre me paraît devoir la déterminer à ne plus retarder le vote du chiffre
qui concerne l’enregistrement, car comme on la fait observer avec raison, quand
vous aurez adopté le projet de la section centrale, il ne sera pas encore loi,
et devra obtenir la sanction de l’autre chambre et du Roi.
- La chiffre de
7,600,000 fr. est adopté.
Domaines
Séquestre
M.
le président. - On passe à l’article relatif au séquestre, qui avait
été également ajourné.
La parole est à M.
Legrelle pour présenter un rapport au nom de la section centrale à qui les
pièces concernant cet objet avaient été renvoyées.
M.
Legrelle. - Messieurs, vous avez chargé hier la section centrale des
voies et moyens de mettre en rapport le chiffre présenté par M le ministre des
finances relativement au séquestre, et celui qu’un honorable membre de cette
assemblée avait cru pouvoir établir sur un document qui lui a été fourni dans
le temps en sa qualité de rapporteur de la section centrale pour le budget des
finances de l’exercice actuel. Nous avons examiné avec une profonde attention
la question que vous nous avez soumise ; et votre section centrale, messieurs,
a cru devoir désigner deux de ses membres pour compulser le registre tenu par
le directeur de l’enregistrement, et un autre état tenu jour par jour à
l’administration centrale des finances.
Après les investigations
les plus scrupuleuses, il a été reconnu que, sauf une très légère différence,
le chiffre présenté en dernier lieu par le ministre des finances est
parfaitement exact.
Les recettes montent à
fr. 108,438 36 c.
et les dépenses à fr.
338,544 29 c.
Ce qui porte le total des
avances faites par le trésor à fr. 230,105 93 c. La différence que nous avons
reconnue est seulement de quelques francs.
Ayant acquis la
certitude que le chiffre ministériel ne laissait plus aucun doute, nous avons
voulu savoir d’où venait la différence dans les renseignements d’après lesquels
un de nos honorables collègues avait porté cette avance à 574,211 fr 29 c. La
personne qui les avait fournis, non pas à l’honorable membre lui-même, mais à
un employé supérieur de la trésorerie qui les avait réclamés, a été appelée
dans le sein de la section centrale. Elle est convenue que son travail avait
été fait trop à la hâte, et qu’il manquait d’exactitude ; que, selon toute
probabilité, l’augmentation provenait de ce que les florins, déjà réduits en
francs, ont été réduits une seconde fois comme si c’étaient des florins.
Cependant, après avoir
recherché si le redressement d’un pareil calcul nous conduirait au chiffre posé
par le ministère, nous avons encore trouvé une différence. De l’examen sérieux
des registres mentionnés est résultée toutefois la preuve que le chiffre
ministériel, tel qu’il a été rectifié hier, est exact. La section centrale a
donc la satisfaction de vous annoncer, messieurs, que les craintes manifestées
hier ne sont pas fondées, et que le ministère des finances n’a rien à se
reprocher.
M. de
Robaulx. - Si
ce n’est de ne pas savoir l’arithmétique.
M. Legrelle. - Quant aux faits moraux, il est
irréprochable, et quant à des erreurs de calcul, tout le monde peut en faire.
M.
Jadot. - Maintenant que l’erreur dont s’est prévalu M. Dumortier pour
jeter des soupçons injurieux sur les employés des finances est avérée, j’espère
qu’il voudra bien la reconnaître s’il ne veut pas passer pour calomniateur. (Violentes marques d’improbation.)
Plusieurs voix. - Ne répondez pas, M. Dumortier !
D’autres voix. - A l’ordre ! à l’ordre !
M. le président. - Je n’ai pas rappelé l’orateur à
l’ordre parce que je n’ai pas entendu ses paroles.
M.
Dumortier. - Je n’ai pas de réponse à faire ici au préopinant, car la
manière dont il s’est exprimé la rend impossible. Mais je lui répéterai ce que
j’ai déjà dit hier : Je suis prêt à lui répondre ailleurs.
M. Jadot. - J’ai regardé ce qu’a dit hier M.
Dumortier comme s’appliquant à tous les employés du ministère des finances, et
j’ai dû prendre ma part des soupçons injustes qu’il faisait planer sur eux.
Cependant, messieurs, si vous pensez qu’en me servant de la dernière expression
que vous avez entendue, je suis allé au-delà des bornes, je veux bien le
reconnaître ; mais si j’ai parlé ainsi, c’est parce que j’ai ressenti vivement
l’insulte que j’avais crue adressée aux employés du ministère des finances.
M.
Dumortier. - Cela change bien les choses. Après cette rétractation
publique je croirais manquer à mon devoir si je ne faisais remarquer que dans cette
circonstance je n’ai parlé que de l’administration du séquestre à laquelle le
préopinant n’appartient pas. Je trouve donc fort étrange qu’il se soit appliqué
des reproches qui s’appliquaient à une tout autre administration.
J’arrive maintenant aux
faits :
La section centrale a
annoncé, par l’organe de son rapporteur, qu’elle avait examiné avec soin les
documents fournis récemment à la chambre et qu’elle y avait trouvé la
rectification d’une erreur consignée dans d’autres documents procurés à
l’ancienne section centrale.
Cependant, messieurs, on
n’a pas encore prouvé que ces renseignements étaient erronés ; on n’a pas
surtout encore déclaré comment il se fait que l’administration du séquestre,
qui autrefois manquait de fonds pour payer le courant de ses besoins, en a
maintenant non seulement pour ses besoins courants, mais même pour les
arriérés.
J’ajouterai
que, d’après les informations que j’ai prises dans les lieux où nous avons le
droit de les obtenir, je sais que l’administration du séquestre fait ses
demandes d’argent de la manière la plus irrégulière ; qu’au lieu de les
adresser, comme toutes les autres administrations, à la trésorerie générale et
ensuite à la cour des comptes pour obtenir son visa préalable, elle dispose sur
les recouvrements de l’enregistrement, de manière qu’elle échappe à tout
contrôle. La cour des comptes a déjà plusieurs fois élevé des plaintes à cet
égard. Quant à moi je blâme formellement un pareil système parce qu’il tendrait
à rendre toute investigation impossible en matière de finances. J’espère que M.
le ministre des finances veillera à ce qu’un pareil abus ne se renouvelle plus.
M. Pirson. - Je demande une explication. Si le
séquestre présenté un actif, il faudra en rendre compte à la liquidation qui
aura lieu si la paix se fut avec le roi Guillaume. Or, que va devenir l’actif
de ce séquestre ? Je crois qu’il doit être versé au trésor public, car ce sera
la nation qui en définitive devra payer s’il y a eu erreur où détournement de
fonds. Il est donc juste qu’elle profite aujourd’hui de l’actif. Quant au
passif, il ne devrait pas y en avoir, car l’administration aurait dû suffire à
ses besoins avec ses revenus.
M. Verdussen. - Les réflexions de l’honorable
M. Pirson sont extrêmement justes. Il est certain que si l’on a bien trouvé des
fonds pour mettre au courant le service du séquestre et même combler lés
déficits, ses recettes dépassent ses besoins. Où doit donc être mis cet
excédant ? Restera-t-il oisif dans une caisse particulière ? Je ne pense pas
qu’on puisse agir ainsi. Si la nation a fait les dépense pas, elle peut bien
profiter des recettes en attendant la paix. Les fonds du séquestre sont dans la
même catégorie que ceux des cautionnements ; c’est un dépôt dont nous rendrons
compte lors de la liquidation.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai provoqué moi-même
l’investigation de la chambre sur ce qui est relatif au séquestre, pour qu’elle
fût enfin fixée sur la différence de chiffre qui existait entre une note qu’un
honorable député certifiait de toute exactitude, et l’état que j’ai présenté à
la section centrale et que je certifiais moi aussi très exact. C’est maintenant
une affaire consommée, et je n’y reviendrai pas ; néanmoins, je dirai qu’il
était impossible d’ajouter foi à une note fugitive émanée d’un employé en
sous-ordre, comme on ajoute foi aux documents authentiques émanés du chef du
ministère lui-même.
Maintenant j’ai encore
une chose à relever, et je le ferai avec le plus grand ménagement. J’ai été mis
hors de ce débat ainsi que M. Jadot, mais on a laissé planer des soupçons sur
les employés du séquestre. Messieurs, il est de mon devoir de le déclarer, ces
employés ont tout autant de probité qu’aucun de nous, et les soupçons ne
peuvent pas les atteindre plus qu’aucun de nous.
Un
honorable membre a parlé de la destination qui devait être donnée aux fonds du
séquestre, s’il restait un excédant après le paiement des dépenses. Je ferai
d’abord observer qu’on ne vendra qu’au fur et à mesure que les besoins se
feront sentir, de sorte que l’excédant se bornera à fort peu de choses. Dans le
cas où les recettes excéderaient les dépenses, il est certain que les fonds
entreraient au trésor, qui en rendrait compte lors de la liquidation
M.
Dumortier. - Je trouve fort étonnant encore une fois que le ministre
des finances fasse intervenir ici les employés du séquestre. Chaque député messieurs,
a le droit d’exercer sa censure sur telle partie de l’administration et sur
tels fonctionnaires qu’il croit convenable, sans qu’il soit tenu de rendre
compte de ses paroles à personne. C’est cette liberté et cette indépendance du
député que mon honorable collègue et ami M. Gendebien a maintenues hors de
cette assemblée, et que je suis décidé à maintenir aussi en toute circonstance.
Messieurs, si le chiffre
que j’oppose à celui qu’on nous présente aujourd’hui n’était pas exact,
pourquoi donc le ministre ne l’a-t-il pas contesté lorsque que je l’ai posé
pour la première fois dans la séance du 4 octobre dernier ?
J’ai dit alors que le
trésor était en avance d’un demi-million, et le silence qu’on a gardé nous
donnait certainement le droit, à nous représentants du pays, d’avoir des
soupçons quand on est venu produire ici le chiffre de deux cent et quelques
mille francs ; surtout quand l’administration du séquestre échappe au contrôle
de la cour des comptes. Ce qu’il a de plus étrange en cette circonstance, c’est
que le ministre des finances n’est venu nous présenter les comptes du séquestre
qu’après la demande faite par plusieurs orateurs de procéder à la vente de ses
domaines. Puisque l’on manquait de fonds, et qu’on
demandait chaque année à l’Etat 50 à 60,000 fl., comment se fait-il que
maintenant on trouve, sans le secours du trésor, de quoi payer non seulement le
courant, mais les arriérés ? Il y aura toujours du louche sur ce point dans mon
esprit, jusqu’à ce que vous m’en donniez une explication satisfaisante.
Quant à la personne qui
m’a communiqué la note sur laquelle je me suis appuyé, je répéterai encore à M.
le ministre que je n’ai pas de compte à lui rendre à cet égard ; mais je dois
déclarer qu’elle ne vient pas d’un employé en sous-ordre : elle émane d’un
homme qui mérite toute confiance.
M. A. Rodenbach. - Mon honorable ami M.
Dumortier m’a communiqué la lettre d’après laquelle il a établi le chiffre de
574,000 fr., et je déclare que si l’on m’en avait écrit une pareille, j’aurais
agi comme lui. S’il a mis quelque vivacité dans ce débat, chacun sait que c’est
par amour du pays et dans l’intérêt public. Vous vous rappellerez, messieurs,
que quand on est venu nous demander 80,000 fr. pour le séquestre, on a demandé,
moi tout le premier, la vente des biens du séquestre.
Qu’a dit alors M.
Dumortier ? Vous venez demander 80,000 fr. et vous en avez 574,000. Le ministre
n’a rien répondu. Il n’est donc pas étonnant que mon honorable collègue ait
fait valoir ce dernier chiffre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable M. Rodenbach se
trompe ; ces 574,000 fr. ne formaient pas un actif, mais un passif.
M. A. Rodenbach. - Peu importe, le fait de
votre assentiment tacite n’en existe pas moins.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Quant à la note remise à M.
Dumortier, la section centrale sait à quoi s’en tenir, car l’auteur a été
appelé dans son sein.
M. F. de Mérode. - Je n’admets pas le principe que
l’on peut inculper ici des citoyens étrangers à la chambre, sans être obligé de
justifier les accusations dirigées contre eux. C’est précisément parce qu’ils
ne sont pas ici pour se défendre que l’on doit être d’autant plus circonspect à
leur égard.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 230,105 fr. 93 c.
M.
A. Rodenbach. - Mais ce chiffre est-il bien exact, et ne s’augmentera-t-il
pas encore demain ou après-demain ?
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - Cela ne pourrait que profiter au trésor.
C’est pour cela que j’ai signalé l’erreur de 21,000 fr. avec beaucoup de
plaisir. (La clôture ! la clôture !)
M.
A. Rodenbach. - Je demande l’impression des tableaux.
- La chambre ferme la
discussion et se dispose une seconde fois à mettre le chiffre aux voix.
M. de
Robaulx. - D’après
le rapport de M. Legrelle, non seulement il y avait une omission dans le budget
des finances, mais encore il y avait une erreur à rectifier dans le dernier
chiffre qu’on nous a présenté. Je demande si cette rectification a eu lieu.
M.
Legrelle. - La différence est insignifiante. Du reste je ferai
remarquer qu’il est très peu important qu’on porte au budget une somme de
230,000 fr. ou une autre, parce que tout ce qui est dû par le séquestre devra
nous être remboursé.
Maintenant il n’est pas
difficile d’expliquer comment le ministre a pu faire les dépenses. Vous avez
voté d’abord, pour le séquestre, une somme de 100,000 fr. Plus tard, le
ministre avait demandé 80,000 fr. et on les lui a refusés ; mais dans
l’intervalle, s’appuyant sur le vote précédent de la chambre, il avait ordonné
une dépense provisoire de 18,000 fr.
Trésorerie générale
Recettes diverses. Produit de la fabrication des monnaies
M.
Vandenhove. - Messieurs, hier, pendant les délibérations sur les
monnaies, plusieurs honorables membres m’ont fait beaucoup de questions de
détail qui ne m’ont point permis de prêter attention à la discussion et d’y
prendre une part active ; ce matin j’ai le compte-rendu de la séance. j’y ai
rencontré une grande divergence d’opinions et remarqué plusieurs questions que
je ne crois pas nécessaire de traiter en public pour cause de politique
extérieure.
Dans
cet état de choses, j’ai l’honneur de proposer à la chambre de renvoyer la
question à la section centrale, qui pourra inviter M. le ministre des finances
de se rendre dans son sein pour donner tous les renseignements propres à
éclairer la matière, Ainsi vous éviteriez, messieurs,, de longs débats, à la
suite desquels je crois qu’il faudra toujours avoir recours au travail de la
section centrale, avant d’aller aux voix sur l’amendement de M. le commissaire
du Roi.
M.
le président. - La proposition de M. Vandenhove est-elle appuyée ?
M. de Robaulx. - Si j’ai bien compris, la proposition de M.
Vandenhove a pour but d’empêcher que les débats publics ne fassent connaître à
M.
Vandenhove. - La discussion pourra s’établir ici sur le travail de la
section centrale.
M. de Robaulx. - Demandez le comité secret.
M. Vandenhove. - Je le veux bien.
M. de Robaulx. - Ce n’est pas une proposition que je fais,
c’est de ma part une simple indication.
M. Legrelle. - Messieurs, la section centrale
a déjà été saisie de cette question ; elle a cru que, pour ce qui regarde le
monnayage de cuivre, ce qui avait été dépensé et reçu ne devait pas être au
budget de 1834, que sa place était dans la loi de comptes : en effet, dans le
budget il s’agit de prévoir des éventualités et non de régler le passé. Comme
on s’est plaint de ce que les dépenses et les produits de la fabrication des
monnaies ne figuraient nulle part, un article pour mémoire a été inséré au
budget ; mais le chiffre n’a pas été déterminé, parce qu’on ne peut pas savoir
à combien s’élèveront les sommes qui seront reçues ou dépensées de ce chef. Ce
n’est donc pas, je le répète, dans le budget de 1834 mais dans la loi des
comptes de 1833, qu’on doit s’occuper de cette question.
M. Angillis, rapporteur. - Je crois, comme l’honorable
préopinant, que le renvoi proposé par M. Vandenhove est inutile. Si on croit,
par ce moyen, cacher quelque chose au public, on n’y parviendra pas, parce que
la section centrale viendra toujours dire à la tribune ce qui viendra à sa
connaissance sur les intérêts du pays. Si des secrets lui étaient révélés, elle
viendrait les exposer à la chambre. Sous ce point de vue, le renvoi est donc
inutile.
Quant
aux opérations de la monnaie, la section, n’ayant pas pu parvenir à en rendre
compte, a proposé de les indiquer pour mémoire dans le budget : Si maintenant
on était à même de donner des renseignements précis, je proposerais de porter
en recette ce qui est reçu et ce qui est à recevoir, et en dépense ce qui est à
dépenser. Par ce moyen, les opérations du monnayage figureraient dans le budget
des recettes et dans celui des dépenses. Si on ne peut pas donner de compte
assez détaillé pour déterminer un chiffre, je persiste dans la proposition de
la section centrale de porter un article pour mémoire et l’année prochaine,
quand les comptes seront rendus, on portera en recette le résultat.
M. Kerkhoven, commissaire
du Roi. - Il
est impossible de dire quelle sera la dépense faite par la monnaie pour la
fabrication d’un million. En comptant environ 5,000 fr. pour le déchet, on
aurait une somme de 995,000 fr. à porter en recette, et on porterait en dépense
le prix de la matière première et les frais de fabrication évalués à 744,000
fr.
J’avais proposé hier de
porter en recette pour ordre le produit de l’opération de 995,000 fr., et de
porter en recette le résultat ou bénéfice de l’opération qui est de 251,000 fr.
; c’est à la chambre à décider ce qu’elle jugera à propos de faire.
M. de Brouckere. - M. le commissaire du Roi vient
de nous dire : C’est à la chambre à décider comment elle veut qu’on fasse. Il
est impossible qu’on en finisse de cette manière, il faut qu’on nous fasse une
proposition sur laquelle la chambre puisse délibérer. Je le prie donc de
formuler en amendement ce qu’il vient de nous dire.
M. Kerkhoven, commissaire
du Roi. - La
somme de 251,000 fr. étant le bénéfice présumable sur la fabrication des monnaies, on pourrait la
porter à l’article recettes diverses de la trésorerie ; si ce chiffre n’était
pas exact, comme ce n’est qu’une évaluation, on le rectifierait lors de la loi
des comptes.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, dans la séance
d’hier, j’ai demandé une explication sur l’arrêté du 11 novembre relatif à la
monnaie. Mon honorable collègue M. Lardinois a dit que cet arrêté serait fatal
à la prospérité publique, car la prime qui en résulterait pour le directeur de
la monnaie pourrait s’élever à 150,000 fr. C’est une dépense assez considérable
pour mériter de fixer l’attention de la chambre. Je le prie de vouloir bien
répondre au député de Verviers, ainsi qu’à moi.
M. Verdussen. - M. le commissaire du Roi nous
parle d’une opération terminée en 1833 et vous propose d’en faire l’objet d’un
article du budget de 1834. En effet, il ne s’agit pas d’une opération de monnayage
à faire en 1834, mais d’une opération accomplie dont le résultat a été déposé à
la banque. Ce n’est donc pas dans le budget, mais dans la loi des comptes de
1833, que cette opération doit figurer. M. le commissaire du Roi ne me paraît
pas pénétré de cette vérité qu’un budget porte toujours pour le futur et pas
pour le passé.
M. Kerkhoven, commissaire
du Roi. -
Messieurs, l’opération dont il s’agit n’est pas terminée, elle ne pourra l’être
que pour les premiers mois de 1834 ; on pourra la reporter toute sur l’exercice
de 1834 en rédigeant ainsi l’article : « Pour compte sur la fabrication de
la monnaie de cuivre en 1833 et 1834 : fr. 251,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, si nous ne portions
pas cette somme en recette pour 1834, ce serait une ressource dont nous ne
pourrions disposer qu’après l’examen des comptes de 1833, c’est-à-dire en 1835
et peut-être en 1836. J’appuie donc la proposition de M. le commissaire du Roi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La chambre a été prévenue que ce
ne serait réellement qu’en 1834 qu’on pourrait porter en compte les recettes et
les dépenses du monnayage ; car il y avait dans le budget de 1833 une note
formelle relative à cet objet, que j’ai dû considérer comme admise puisqu’elle
n’a été réclamée par personne.
D’après cette note il ne
devait être présenté de compte de cette opération que quand elle serait
terminée. Aujourd’hui, comme on sent que cette opération figure au budget de
1834, j’ai proposé un amendement qui est entre les mains de M. le président.
M. le président donne lecture de cet amendement. qui consiste
à mettre à l’article : « Recettes diverses de la trésorerie
générale, » au lieu de : « Produits de la fabrication des monnaies
(mémoire), » cette disposition : « Produit résultant de la fabrication des
monnaies en 1833 et 1834, 250,000 fr. »
Et à ajouter aux
recettes pour ordre cette autre disposition :
« Résultat des
opérations faites et à faire en nouvelles espèces de cuivre, 995 mille
francs. »
- La première partie de
cet amendement est adoptée sans discussion.
M.
le président. - Je continue.
« Recettes et
restitutions diverses : fr. 250,000 fr. »
- Adopté.
Recettes pour ordre
« Expertise de la
contribution personnelle : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Frais d’ouverture
des entrepôts : fr. 14,000. »
- Adopté.
La recette pour ordre de
995 mille fr. proposée par M. le ministre est également adoptée.
Fonds de dépôts
« Cautionnements :
fr. 30,000. »
- Adopté.
« Consignations :
fr. 50,000. »
- Adopté.
Votes
des articles du projet de loi
M. le président. - Maintenant nous passons aux
articles. La parole est à M. Lardinois.
M.
Lardinois. - Je n’ai demandé la parole que pour rappeler à M. le
ministre des finances qu’il nous a promis de nous donner des éclaircissements
sur l’arrêté du 11 novembre relatif à l’émission des monnaies.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La loi monétaire en Belgique est
la reproduction, en quelque sorte littérale, de la loi française sur le même
objet. L’art. 27 s’exprime ainsi :
« Art. 27. Il ne
pourra être exigé de ceux qui porteront des matières d’or ou d’argent à la
monnaie que les frais de fabrication. Ces frais sont fixés à 9 fr. par kil.
pour l’or, et à 3 fr. par kil. pour l’argent. »
On voit donc par la
teneur de cet article, qu’on ne peut exiger des particuliers qui apportent des
matières à la fabrication, que 3 fr. par kil. pour l’argent, mais qu’il
n’interdit pas au gouvernement la faculté de pouvoir prendre avec le directeur
certains arrangements pour le monnayage, que des circonstances extraordinaires
pourraient exiger. A la vérité il peut résulter de ces arrangements une
dépense, et c’est ce qui a eu lieu dans le cas qui nous occupe. On m’objectera
sans doute que cette dépense ne pouvait être faite sans l’intervention des
chambres, mais je répondrai que si je me suis écarté de ce principe, c’est en
m’appuyant sur la marche adoptée avant moi, concernant les frais de monnayage,
circonstance que la chambre n’a point ignorée, et qu’elle a même approuvée
implicitement, ainsi que je l’ai dit à la séance précédente, en ne faisant aucune
objection contre l’observation consignée au budget de 1833, et de laquelle il
résulte que le gouvernement se proposait de soumettre à la législature un
compte général de recettes et dépenses, lorsque la fabrication aurai reçu son
complément. J’étais d’autant plus autorisé à penser que de tels arrangements
étaient dans les attributions du pouvoir exécutif, qu’ayant consulté la
commission des monnaies à cet égard, elle m’a tracé la marche que j’ai suivie.
Puisque dans votre séance d’hier, vous avez décidé que les bénéfices
figureraient aux voies et moyens, vous avez admis par là que l’on déduirait des
recettes brutes le montant des dépenses.
Telles sont les raisons
qui ont déterminé l’arrêté que, sous ma responsabilité, j’ai fait prendre au
Roi le 11 novembre, et dont deux honorables députés viennent de parler. On a
cru, du moins je l’ai ouï dire, que je n’aurais pas consulté la commission des
monnaies sur cet objet ; cependant on devait savoir que j’étais incapable
d’agir autrement. Aussitôt que le directeur de la monnaie m’a fait part de ses
embarras, de l’impossibilité où il se trouvait de fabriquer, vu le taux
considérable de l’argent, j’ai soumis à la commission des monnaies les
propositions qu’il me faisait pour continuer la fabrication. La commission n’a
pas précisément adopté le mode d’arrangement qu’il proposait ; mais elle a
reconnu que, sur les pièces de cinq francs fabriquées jusqu’à ce jour, le
directeur de la monnaie n’avait certainement pas gagné, qu’il les avait faites
gratuitement. Elle a reconnu aussi qu’il en serait autrement s’il fabriquait
des pièces subdivisionnaires, telles que des pièces de deux francs, d’un franc,
d’un demi-franc et vingt-cinq centimes, moyennant une prime qui devait
nécessairement tomber à la charge du trésor si on voulait que la fabrication
continuât ; il y avait nécessité de faire un arrangement, ou il fallait
renoncer à la mise à exécution de notre système monétaire.
Le directeur de la
monnaie renonçait à faire des pièces de 5 fr. parce qu’il n’y trouvait aucun bénéfice,
et la fabrication des pièces subdivisionnaires ne lui en présentant que très
peu à cause de l’augmentation de main-d’œuvre, il était également impossible
qu’il s’y livrât sans de nouveaux arrangements qui missent à la charge du
trésor ces augmentations de frais. Tel a été le but de l’arrêté dont viennent
de parler deux honorables membres de cette chambre.
Je pourrais donner à la
chambre lecture de la lettre de la commission de la fabrication des monnaies,
qui confirme ce que je viens de dire.
Quant
à la légalité, j’invoquerai un précédent ; mon prédécesseur a rendu un arrêté
semblable sur la même matière. C’est ce précédent et l’opinion de la commission
des monnaies qui m’ont déterminé à faire prendre aussi sous ma responsabilité
l’arrangement consigné dans l’arrêté du 11 novembre. Quant à l’arrêté qui
précède le mien, il est du 5 juin 1832. Le chef de l’Etat arrête tous les frais
relatifs au monnayage de cuivre.
M.
Dumont. - Je ne sais pas quelle pourrait être l’utilité de la
discussion actuelle ; elle ne peut avoir pour résultat que de nous faire perdre
un temps précieux. La question dont il s’agit a été agitée lors de la
discussion générale ; là je le concevais parce que l’on peut examiner tout ce
qui a été fait dans le gouvernement. Mais, maintenant que nous sommes à la
discussion des articles du budget des voies et moyens, l’examen de cette
question est sans objet ; il trouvera sa place lors de la discussion des
dépenses.
L’arrêté
dont il s’agit portant une dépense, il faudra demander une allocation pour y
faire face ; c’est alors qu’il y aura lieu de s’en occuper. Une autre
considération non moins importante, c’est que la moitié du mois de décembre est
déjà écoulée, et il ne reste pas trop de temps au sénat pour s’occuper des
voies et moyens avant le 1er janvier. Si ma proposition de clore la discussion
était adoptée nous pourrions terminer cette loi aujourd’hui et elle pourrait
être soumise de suite au sénat.
M. de
Robaulx. -
D’après ce qu’a dit M. le commissaire de Roi, on doit terminer l’opération du
monnayage dans les premiers mois de 1834. Comme, d’après les discussions
précédentes, le budget des dépenses pourra donnes lieu à d’assez longs débats
et qu’on ne sait pas quand ils seront terminés, je ne sais pas jusqu’à quel
point il serait prudent de continuer de payer une prime au directeur de la
monnaie, sans savoir quelle sera la résolution des chambres.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mon intention est de faire stater
la fabrication jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette question par le budget
des finances.
M.
le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la
commission centrale ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Oui, M. le président.
Article premier
« Art. 1er. - Les
impôts directs ou indirects existant au 31 décembre 1833, en principal et centimes
ordinaires et extraordinaires, tant pour les fonds de non-valeurs qu’au profit
de l’Etat, des provinces et des communes, continueront à être recouvrés,
pendant l’année 1834, d’après les lois qui en règlent l’assiette et la
perception.
« Toutefois les
centimes additionnels extraordinaires par franc, imposés par la loi du 30
décembre 1832, sont réduits comme suit : sur la contribution foncière à 20 c.,
sur la contribution personnelle et sur les patentes à 10 c. »
M. de
Robaulx. - Je
demande la parole. Puisqu’il s’agit de voter la loi de principe sur les voies
et moyens, je demanderai à M. le ministre s’il persiste dans l’intention qu’il
a manifestée de présenter un projet de loi qui modifie nos lois de finances ;
c’est une promesse qu’il nous a faite, je la lui rappelle. S’il n’y persistait
pas, je déposerais à l’instant un amendement ayant pour but de borner à trois
ou six mois la loi des voies et moyens.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je présenterai très incessamment
ce projet de loi. La question des sels a nécessité un travail très long ; il me
manque encore plusieurs pièces importantes que je m’occupe de réunir. Je donne
ces détails pour prouver que je m’en occupe activement.
- L’art. 1er est mis aux
voix et adopté.
Articles 2 à 5
« Art. 2. Toutes
les dispositions de la loi du 30 décembre dernier, auxquelles il n’est pas
dérogé par la présente, et les dispositions de la loi du 29 décembre 1831,
auxquelles ladite loi du 30 décembre se réfère, sont maintenues. »
- Adopté.
« Art 3 Le budget
des recettes pour l’exercice de 1834 est évalué à la somme de
quatre-vingt-trois million, cinq cent trente-quatre mille cinq cent
soixante-dix-huit francs, conformément à l’état ci-annexé (83,534,578). »
- Adopté.
« Art. 4. Pour
faciliter le service du trésor pendant l’exercice de 1834, le gouvernement
pourra, à mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation
les 15 millions de bons du trésor, dont l’émission a été autorisée par la loi
du 16 février dernier. »
- Adopté.
« Art. 5. La
présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1834. »
M.
le président. - Comme il y a des amendements au tableau, on croira sans
doute qu’il y a lieu de renvoyer le vote définitif de la loi à lundi.
M. Verdussen. - On a déclaré l’urgence dans des
circonstances moins pressantes que celles où nous nous trouvons. On pourrait
fixer le vote à demain, et la loi pourrait être soumise au sénat lundi. Le
sénat n’aura pas trop de temps pour examiner cette loi s’il veut le faire avec
autant de soin que nous.
Plusieurs voix.
- Il n’y a pas de sénat.
M. de Brouckere. - il faudrait savoir avant
si le sénat est convoqué. Je ne sache pas qu’il le soit pour lundi, ni même
mardi. Je crois que la convocation est faite pour le 23.
Plusieurs voix. - Il faut fixer ce vote à mardi.
D’autres voix. - Non ! non ! à lundi !
- La chambre consultée
renvoie à lundi le vote définitif de la loi des voies et moyens.
RAPPORT SUR UNE PETITION D’OUVRIERS DE L’INDUSTRIE COTONNIERE À GAND
M. d’Huart, rapporteur. - Messieurs, la commission à laquelle
la chambre a renvoyé la pétition des ouvriers de Gand m’a chargé d’en faire le
rapport. Je suis prêt : si la chambre veut m’entendre, je le lui soumettrai.
- La chambre décide que
le rapport sera entendu.
M. d’Huart, rapporteur. - Messieurs, la commission des
pétitions m’a chargé de vous présenter son rapport sur la pétition que vous lui
avez renvoyée spécialement dans la séance du 11 de ce mois, et dont je vais
avoir l’honneur de vous donner lecture.
La pétition est écrite
en flamand ; en voici la traduction littérale :
« A la chambre des
représentants du peuple belge.
« Représentants du
peuple belge,
« Les ouvriers,
formant une partie non méprisable de peuple belge, prennent leur recours vers
vous.
« Nous nous sommes
tus longtemps, longtemps nous avons espéré et pris patience ; mais les choses
aujourd’hui en sont venues trop loin.
« Pendant les trois
dernières années qui viennent de s’écouler, nous nous sommes trouvés durant des
mois entiers sans travail, on bien nous n’avons eu de l’ouvrage qu’une partie
de la journée ; de plus, le salaire d’un grand nombre d’entre nous est
considérablement diminué.
« Il en est résulté
que nous avons dû vendre ou engager au mont-de-piété, d’abord nos habits de
dimanche et nos petits meubles ; ensuite le poêle, le pot, enfin la couverture
de laine qui servait à nos femmes et à nos enfants.
« Et maintenant que
nous n’avons plus rien à vendre ni à engager, nous sommes sans travail ; oui,
représentants, sans ouvrage et par conséquent sans pain, car notre mince
salaire journalier est la seule ressource qui nous reste au monde.
« Nous savons bien
que quelques grands messieurs qui habitent de belles maisons, qui tiennent
table ouverte, et jouissent de tous les plaisirs de la vie, chercheront peut-être
à faire repousser le pauvre ouvrier et iront jusqu’à se moquer de sa misère.
Mais vous ne les écouterez point, car vous êtes de vrais patriotes et nous
avons foi dans votre amour de la justice.
« La source de nos
malheurs, nous l’ignorons ; les moyens de nous soulager, nous les ignorons
également. Mais ce que nous savons fort bien, c’est que nous ne voyons plus
comme auparavant ces chariots pesamment chargés, et ces bâtiments de mer qui
transportaient nos produits en pays étrangers et dans les contrées lointaines
d’outre-mer.
« Ce que nous
savons bien aussi, pour l’avoir souvent entendu raconter par nos compatriotes
qui ont été en pays étranger, c’est que ni en France, ni en Angleterre, ni en
Prusse, on ne trouve une aune de coton des Flandres, ou autres produits de
« Et alors nous
nous demandons pourquoi on n’agit pas ici comme en France, en Angleterre et en
Prusse, où les fabriques et le commerce prospèrent.
« Pardonnez,
représentants du peuple, que nous qui sommes des ouvriers sans instruction,
nous vous communiquions nos pensées avec tant de franchise ; et lors même que
nous ne serions dans l’erreur sur les moyens de secours que nous indiquons,
songez que nous sommes malheureux et écoutez nos plaintes.
« Nous ne demandons
que du travail ; vous pouvez nous en procurer, et vous nous en procurerez. Nous
devons vivre, il nous faut donc du travail, car nous ne pouvons ni ne voulons
mendier : nos sentiments sont trop honnêtes et nos bras laborieux sont trop
vigoureux pour cela.
« Aidez-nous donc
dans la détresse, et nous, nos femmes et nos enfants prieront. Dieu qu’il
daigne vous aider, à votre tour, dans la détresse.
« Gand, le 9
décembre 1833. »
Messieurs, la commission
a pensé qu’elle ne devait s’arrêter en aucune manière sur la forme
extraordinaire de la pétition ; elle a pensé aussi qu’il importait peu
d’examiner jusqu’à quel point les marques, en forme de signatures, apposées sur
la pétition, marques qui représentent plus des 9/10 des pétitionnaires et qui
ne sont légalisées par personne, peuvent mériter considération.
Elle a cru qu’elle
devait rechercher simplement dans la pièce les faits qui y étaient indiqués et
des lors elle n’a considéré la requête que comme celle de citoyens qui
annoncent se trouver dans le besoin et implorent la sollicitude du gouvernement
pour les aider à sortir de cette pénible position.
La commission s’est
convaincue que sa mission n’allait pas jusqu’à soumettre à la chambre des
conclusions tendant à prendre, dès maintenant, une résolution définitive sur la
pétition : le peu de temps que vous lui avez assigné pour faire son examen
justifie cette opinion ; et d’ailleurs, comme l’objet se rapporte au commerce
et à l’industrie, et que, pour traiter en connaissance de cause les questions
difficiles que soulève une semblable matière, il faut nécessairement des
notions spéciales que les membres de la commission des pétitions ne se flattent
pas de posséder ; il leur a paru sage de proposer, avant tout, à la chambre,
les moyens propres à l’éclairer sur ce point.
Du reste, comme il
pourrait y avoir des erreurs ou de l’exagération dans l’exposé des
pétitionnaires et qu’à cet égard il est indispensable aussi que la chambre ait
préalablement une parfaite connaissance des choses, la commission a été d’avis
qu’il conviendrait d’inviter le pouvoir exécutif à produire des renseignements
positifs qui fussent le résultat d’une enquête de sa part, ou de toute autre
investigation qu’il jugera la plus convenable.
Par ces divers motifs,
j’ai l’honneur de vous proposer au nom de la commission, le double renvoi de la
pétition :
1° A la commission de
commerce et d’industrie, pour provoquer son rapport ;
2° A. M. le ministre de
l’intérieur, avec demande de renseignements.
M. le président. - Les conclusions de
Quelqu’un demande-t-il
la parole ?
M. Desmaisières. - Je la demande. Messieurs,
si je viens appuyer ici les plaintes d’une industrie qui, par ses
développements et par le pain qu’elle procure à des milliers d ouvriers mérite
à tous égards une sérieuse attention et une bienveillance toute particulière de
votre part, on ne poussa pas du moins m’appliquer certain proverbe trop
généralement connu pour que j’ai le besoin de le citer ; car je ne suis ni
industriel, ni négociant en produits de manufactures soit indigènes, sort
étrangères.
C’est donc sans crainte
aucune de reproches personnels que j’aborde la discussion sur la pétition des
ouvriers de Gand.
Quatre moyens de
secourir l’industrie cotonnière dans la fâcheuse détresse qui la menace ont été
indiqués, savoir :
1° Des primes
d’exportation à accorder ;
2° Des droits à imposer
à l’importation ;
3° De nouveaux débouchés
à ouvrir à l’extérieur ;
4° Un meilleur système
de répression à employer contre la fraude.
Tout à l’heure je me
hasarderai à en indiquer un cinquième, mais je ne m’occuperai d’abord que de
ceux que je viens d’énumérer et par lesquels il ne s’agit, au fond, que
d’apporter des modifications aux lois et tarifs des douanes. Des discussions
approfondies ayant eu lieu à cet égard dans cette enceinte, il y a quelques
jours, je n’aurai que peu de mots à y ajouter pour appuyer les réclamations des
industries de Gand.
L’un des plus graves
reproches que l’on puisse faire au ministère, en ce qui concerne les finances,
est sans contredit celui de persister à vouloir rester stationnaire, tandis que
tout a marché et que tout marche encore rapidement autour de lui. C’est là
cependant un reproche que je crois mérité. En effet, messieurs lorsque
d’honorables membres de l’une ou de l’autre des deux chambres législatives
vient apporter dans les discussions des lois financières les nombreuses réclamations
de leurs commettants qui se plaignent de ce que l’on a ajouté tant de centimes
additionnels aux contributions foncière, personnelle et des patentes, si
inégalement réparties entre l’habitant de telle province et celui de telle
autre province et, ce qu’il y a de bien pire encore, entre le riche et le
pauvre ; quand ces membres demandent qu’au lieu et place de ces centimes
additionnels, il soit établi des impôts sur les bois venus de l’étranger et sur
les denrées coloniales ; que leur répond le ministère ?
Tout se lie en industrie
et en commerce ; un équilibre doit s’établir entre le prix de chaque denrée, et
conséquemment entre chaque droit, et c’est risquer de rompre cet équilibre que
de traiter isolément quelques points de ce vaste ensemble.
Nous avons donc dû
remettre jusqu’au moment où l’on s’occupera exclusivement du système des
douanes, la question de savoir à quel taux devaient être tarifées certaines
productions étrangères.
Quand il s’agit dans
cette chambre des diverses parties de l’impôt connu sous la dénomination de
personnel, quand il s’agit des patentes ; lorsqu’on ne cesse de répéter depuis
trois ans qu’il y a urgence de modifier ces impôts dont la répartition est on
ne peut pas plus injuste, que répond encore le ministère ?
« Jusqu’à ce que
les lois nouvelles sur la contribution personnelle et sur les patentes, qui
doivent vous être présentées dans le courant de cette session, puissent
recevoir leur application, il faudra conserver l’impôt tel qu’il est établi par
les lois qui régissent ces matières. »
Et bientôt après, le
même ministre qui s’est chargé de faire cette réponse vient avancer dans la
séance du 3 de ce mois, que ce sont là des promesses sur lesquelles il ne faut
pas trop compter. Car, comme notre génie des finances doit, à ce qu’il paraît,
recevoir ses inspirations de celui de
Vous voyez donc,
messieurs, que pour obtenir les améliorations que tous nous demandons à cet
égard, que pour voir faire droit aux griefs des contribuables belges, il faudra
attendre qu’il plaise au ministère de Louis-Philippe de travailler à améliorer
le sort des contribuables français.
J’en ai dit assez, je
crois, pour prouver qu’en fait de finances notre ministère semble avoir pris
pour système celui de l’expectative et de l’imitation. J’espère cependant que
la pétition des ouvriers de Gand aura servi à le tirer du sommeil vraiment
léthargique où il paraît être plongé, et que par conséquent il va, sans plus
attendre, s’occuper d’amélioration à introduire dans notre système de douanes.
Ici, c’est encore
Quant à ce qui est des
principes émis par M le ministre des finances, qu’un équilibre doit s’établir
entre les prix des diverses denrées, et qu’il faut se garder de rompre cet
équilibre, je suis loin d’en contester toute la justesse. Mais pour qu’il y ait
risque de rompre l’équilibre, il fait d’abord qu’il y ait équilibre, et c’est
là un fait que je conteste. Il me suffira, pour prouver que ce fait n’existe
pas, de vous rappeler que le système de douanes qui nous régit est encore celui
qui nous régissait lors de notre union avec la Hollande ; et en effet,
messieurs, l’équilibre établi alors a dû être fortement rompu par le fait seul
de la séparation des deux pays, dont on n’a jamais mis en doute la divergence
des intérêts commerciaux.
L’équilibre qui doit s’établir
n’existant pas, il devient urgent de chercher à l’établir, et on ne peut y
parvenir que par des améliorations successives, que demandera l’intérêt bien
entendu du pays. Aujourd’hui, par exemple, l’industrie cotonnière sollicite des
primes d’exportation sur les cotons fabriqués et un droit élevé à l’importation
des fabricats étrangers. Eh bien, messieurs, si cette demande est reconnue
fondée, si elle est conçue dans l’intérêt bien entendu du pays, si enfin vous
pouvez donner par là du pain aux milliers d’ouvriers qui vous en demandent, n’y
a-t-il pas nécessité absolue de satisfaire à ces sollicitations, dès à présent
et sans attendre plus longtemps, après une révision générale de nos lois sur
les douanes, révision que l’on recule sans cesse, et tellement qu’on semble
vouloir la renvoyer aux calendes grecques ?
La réponse affirmative
ne peut certainement faire le moindre doute.
C’est avant tout,
messieurs, pour protéger le commerce et l’industrie que l’on a créé des
douanes. Toutes les fois donc que par des modifications aux lois existantes sur
les douanes on peut protéger efficacement l’industrie et le commerce, il ne
faut pas balancer à opérer de suite ces modifications. Mais je l’avoue, pour
qu’elles soient faites de manière à porter fruit, il faut que le commerce et
l’industrie aient été préalablement et consciencieusement consultés. Plusieurs
écrivains qui s’occupent d’économie politique et commerciale ont à cet égard
émis récemment un vœu que je partage entièrement ; j’entends parler de la
création d’un conseil général électif de commerce, d’industrie et
d’agriculture, qui tiendrait des sessions dans l’intervalle de la législature,
et qui élirait dans son sein un comité consultatif et permanent auprès du
ministère de l’intérieur. Ce serait alors, messieurs, que les commissions
permanentes dont l’art. 56 de notre règlement ordonne sagement la formation à
chaque session des chambres, pourraient être mises à même d’atteindre le but
que par leur création la législature s’est proposée.
Les nombreux abus auxquels
a donné lieu, dans le temps, la distribution d’un fonds de secours destiné à
l’industrie et généralement connu sous le nom de million-merlin, ont tellement
discrédité ce mode de secours que, j’en suis persuadé, les pétitionnaires n’ont
pas osé en parler ; mais il est, ce me semble, un autre mode qui, malgré qu’il
se rapproche beaucoup, est loin d’être identique avec lui. Il est de toute
notoriété publique aujourd’hui, messieurs, que ce qui paralyse souvent tous les
efforts et le progrès des industriels, c’est la manie d’agiotage qui s’est
emparée des spéculateurs en marchandises, comme des spéculateurs en fonds
publics. C’est même là peut-être une des principales causes de la grande gêne
qu’éprouve en ce montent l’industrie cotonnière. Or, messieurs, je ne connais,
moi, qu’un seul moyen d’obvier à ce grave obstacle apporté à la prospérité de
l’industrie. Ce serait de mettre par le budget des fonds à la disposition du
ministre de l’intérieur, qui pourrait alors, le comité permanent dont je viens
de parler préalablement entendu, opérer des achats et ventes, soit de matières
premières, soit d’objets fabriqués, lorsque, par des baisses ou des hausses
factices et subites, telle ou telle industrie viendrait à être menacée d’un
grand état de souffrance. Je dois le dire, c’est là peut-être un moyen
difficile à mettre en pratique ; aussi n’est-ce qu’une idée que je livre à vos
méditations et à celles de messieurs les ministres, et qui, je le reconnais,
devra être bien pesée et bien examinée sous toutes les faces avant que de
pouvoir penser à la convertir en loi.
Jusqu’ici,
messieurs, j’ai raisonné dans l’hypothèse où les plaintes des industriels et
des ouvriers de Gand seraient réellement fondées, et je vous avoue que dans ma
conviction elle le sont. Comment penser, en effet, que des plaintes portées
jusques à nous par 12,000 ouvriers ne soient nullement fondées ? Mais, je le
sais, un corps législatif ne doit pas agir, ne doit pas faire droit à des
plaintes, quelque nombreux que soient les plaignants, avant de s’être bien
assuré s’il y a réellement sujet d’élever ces plaintes. Aussi je pense que les
conclusions de la commission des pétitions doivent être adoptées.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai réclamé la parole que
pour demander à M. le ministre de la justice s’il est vrai que des colporteurs
de pétitions, des contremaîtres aient battu des ouvriers pour les forcer à
signer la requête. Je demanderai aussi si la justice poursuit ces contremaîtres
assommeurs.
Quoi qu’il en soit,
j’appuie les conclusions de la commission des pétitions.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Il y a quelque chose d’exact dans les renseignements qui ont suggéré
à l’honorable préopinant l’interpellation qu’il m’a fait l’honneur de
m’adresser ; cependant les faits parvenus à ma connaissance n’ont pas toute la
gravité qu’il semble leur assigner. Il est arrivé au ministère de la justice un
rapport officiel, annonçant qu’un contremaître était traduit en police correctionnel
pour avoir exercer des mauvais traitements sur deux ouvriers qui auraient
refusé d’apposer leur signature sur une pétition de la nature de celle qui vous
est soumise.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, douze mille ouvriers
fileurs, de Gand, s’adressent à vous pour réclamer de votre sollicitude des
mesures propres à détourner la misère dont ils se croient menacés. Je ne
rechercherai pas, messieurs, si cette manifestation de la classe ouvrière a un
but ou une origine politique, ou si elle a cédé à une influence quelconque.
J’examinerai des faits que nous avons tous pu apprécier ; il me répugne
d’ailleurs de croire que des chefs d’ateliers dont les talents et la
prodigieuse industrie ont tant contribué à la prospérité de cette ville, qui
s’enorgueillissait, à juste titre, d’être appelée le Manchester de
Ce n’est pas la peur,
messieurs, qui me dicte mes paroles ; je saurai résister à toutes les exigences
populaires, sous quelques formes qu’elles paraissent, chaque fois qu’elles ne
seront pas suffisamment justifiées. Mais si je partage l’opinion du ministre de
l’intérieur sur les bonnes dispositions des populations manufacturières en
faveur du gouvernement sorti de la révolution, je ne saurais croire que ce
serait là un motif pour jeter du discrédit sur leurs réclamations. Il y aurait
de l’imprudence à compter sur un enthousiasme, encore si passager de sa nature
et qui d’ailleurs se réduit à des proportions si minces alors qu’il se trouve
placé en présence de la faim et de la misère.
L’état de gêne que les
manufactures éprouvent dans ce moment, n’est malheureusement que trop réel ;
mais ce serait étrangement s’abuser sur les causes qui ont amené cette crise,
que de les rechercher dans notre séparation d’avec
Des maisons de Londres
avaient fait une forte opération sur le coton brut, et déterminé ainsi une
forte hausse sur la matière première nécessaire à nos fabriques. La perturbation
industrielle, qui est toujours la suite de toute commotion politique, avait
apporté quelques difficulté dans l’écoulement des fabricats. La prévision que
cette hausse, n’étant due qu’à des causes accidentelles, devait nécessairement
subir une réaction dans un temps déterminé, avait ralenti la fabrication. D’un
autre côté, l’imprudente publicité donnée à cet état de choses, par les
fabricants eux- mêmes, a éveillé l’attention du commerce qui a cessé à
l’instant ses commandes, et a ajouté ainsi une clause nouvelle à l’état fâcheux
de nos manufactures. Cette crise devait néanmoins réagir davantage sur
l’industrie belge, parce que si les chefs de nos ateliers possèdent autant de
connaissances, s’ils ont autant de zèle et d’industrie que leurs rivaux d’outre-mer,
ils ont sur eux un désavantage réel par le manque de capitaux suffisants pour
braver ces fluctuations auxquelles leur industrie est sujette.
Toutefois, vous le
voyez, messieurs, cette crise est purement commerciale ; elle n’est d’ailleurs
pas nouvelle dans les annales de l’industrie gantoise. Elle s’était déjà fait
sentir sous des formes peut-être plus inquiétantes dans les hivers de 1824 et
1825. Et mes honorables compatriotes se rappelleront encore la douloureuse
inquiétude qu’exerçait dans cette grande et belle ville de Gand l’attitude de
la population manufacturière lancée dans la société sans moyens d’existence.
Alors, comme aujourd’hui, on cherchait les causes de cette gêne là où elles ne
pouvaient se rencontrer. C’était la dissolution de l’empire français qui, en
privant
C’était la réunion de
Le cabinet de La Haye
comprit à merveille que, si les causes de cette gêne échappaient à son action,
il était de la dernière imprudence de ne pas accorder à l’industrie toutes les
satisfactions qu’elle réclamait, quelque incomplètes qu’elles fussent, persuadé
qu’il était de la nécessité d’appliquer un remède moral à un mal qui avait ses
principales racines dans des préjugés.
Une société de commerce
fut créée pour l’exportation des fabricats indigènes, et une prime de 25 p. c.
fut accordée dans les îles aux produits de la mère-patrie. Mais ces mesures
n’auraient été que des palliatifs d’un jour si les fabricants n’avaient compris
que c’était en eux-mêmes qu’ils devaient chercher le remède au mal qui se
faisait sentir.
Encouragés par
l’apparente protection du gouvernement, ils doublèrent de soins et d’industrie,
mirent plus d’économie dans leurs procédés et cherchèrent à approprier
davantage leurs produits au goût et au caprice des consommateurs ; et
l’industrie cotonnière prit un tel développement, et sa prospérité prit un
essor tellement disproportionné, qu’elle devint un objet de sérieuses
inquiétudes pour le gouvernement. Je tiens, messieurs, de la bouche même du
magistrat distingué qui, à cette époque, gouvernait
Et cependant, à cette
époque,
Que notre diplomatie,
qui comme toutes les diplomaties, se trouve en arrêt devant le caprice des
événements qui semblent se jouer depuis quelque temps de toutes les prévisions
humaines, profite de cette vacature pour procurer aux peuples, par des
relations de commerce, des avantages plus positifs que les plus savantes
combinaisons équilibriennes.
J’appuie
les conclusions de l’honorable rapporteur ; je l’appuie avec d’autant plus de
confiance, que je puis rendre ce témoignage à M. le ministre de l'intérieur,
que jamais une industrie souffrante ne s’est adressée à lui sans éprouver
aussitôt l’effet de sa protection toute spéciale. Je saisis avec empressement
cette occasion de pouvoir lui exprimer la vive reconnaissance de cette
malheureuse contrée, sur laquelle tant de calamités sont venues fondre, et qui
a trouvé dans sa sollicitude quelques adoucissements à des infortunes pour
lesquelles
M.
Lardinois. - Messieurs, si le droit de pétition n’existait pas dans
notre pacte fondamental, il faudrait le créer par une loi, car il est la
conséquence nécessaire de toute gouvernement représentatif. C’est par ce moyen
que les citoyens peuvent communiquer avec les chambres et que celles-ci peuvent
être informées des abus du pouvoir, des attentats aux droits civiques, des
besoins sociaux, enfin de tout ce qui embrasse les intérêts privés et les
intérêts généraux.
Mais pour que l’exercice
de ce droit sacré soit respectable, il est indispensable qu’une pétition
renferme l’expression libre et spontanée des vœux de celui ou de ceux qui
s’adressent aux chambres ; autrement c’est un acte qui ne mérite pas de fixer
l’attention de la législature.
Je me demande,
messieurs, si la pétition des ouvriers de Gand a le caractère de liberté, de
bonne foi, d’authenticité qu’une pièce de cette nature doit présenter ?
Si je m’arrête au sens de cette pétition, je me dis
qu’elle n’est pas l’œuvre de nos ouvriers ; ce n’est pas là leur langage, c’est
celui d’un parti qui depuis trois ans a été en conspiration flagrante avec
notre révolution.
Rappelez vos souvenirs, messieurs ; n’est-ce pas à
Gand que notre émancipation politique a rencontré la plus forte résistance ?
N’est-ce pas à Gand que le traître Grégoire comptait opérer une
contre-révolution ? N’est-ce pas de Gand que sont partis pour Londres ces
hommes criminels qui, dans leur délire, croyaient, au moyen de l’étranger, nous
ramener sous le joug des Nassau et river de nouveau les fers que nous avons
brisés ? N’est-ce pas enfin à Gand qu’est le foyer des libellistes qui
répandent quotidiennement le mensonge et la calomnie contre les patriotes et
l’ordre de chose actuel ?
Nous ennemis, furieux d’avoir échoué dans toutes les
combinaisons liberticides, ont changé de plan ; ils veulent exciter les masses.
Ne pouvant rien par l’étranger, ils agissent dans l’ombre, et je crains qu’ils
ne cherchent à livrer le pays, s’il était possible à une multitude égarée.
C’est contre de pareilles tentatives que je m’élève et
que j’appelle l’attention du gouvernement. L’exemple d’ouvriers excités à
pétitionner peut devenir funeste et compromettre l’industrie et la tranquillité
des villes manufacturières.
On ne m’accusera jamais
de chercher à étouffer les plaintes des malheureux ouvriers ; j’ai toujours
vécu au milieu d’eux ; je connais leurs besoins, leur souffrance, leur noble
résignation, et j’appuie de tous mes vœux les lois et les mesures qui peuvent
améliorer leur sort ; mais qu’ils sachent que cette amélioration ne peut
arriver que progressivement, et qu’ils repoussent les excitations aux désordres
dont ils sont toujours les premières victimes.
Puisque je suis à parler
de Gand, je toucherai un mot de l’industrie cotonnière ; mais auparavant qu’il
me soit permis de rappeler que dans maintes circonstances j’ai fait entendre ma
voix, à cette tribune, en faveur des intérêts matériels alors qu’on s’occupait
trop exclusivement des intérêts moraux. Loin de moi donc l’idée de décliner
jamais les besoins réels des manufactures : industriel par position et par
goût, j’ai encore la conviction que les travaux de l’industrie et du commerce
méritent la supériorité sur ceux de l’agriculture, et que c’est par le commerce
et l’industrie, qui fécondent la richesse publique, qu’un Etat établit le plus solidement
sa puissance.
Les fabricants de Gand
et des villes voisine sont fait gémir la presse de leurs doléances et de leurs
réclamations. Chaque jour les journaux annoncent la cessation du travail dans
telles ou telles fabriques ; on dirait enfin que l’industrie cotonnière va
périr.
Il y a en vérité quelque
chose de pénible et de honteux dans toutes ces clameurs. On les faisait aussi
entendre dans le commencement de notre réunion à la Hollande ; et ce moyen
réussit assez bien. Mais si on pensait atteindre encore aujourd’hui le même
but, on se tromperait étrangement. La raison publique a fait trop de progrès
pour créer un nouveau million Merlin, sur lequel certains privilégiés se
jetaient comme des vautours sur leur proie. Ah ! je conçois les regrets qu’ils donnent au
gouvernement déchu !
Ces privilégiés vivaient d’abus, ils puisaient leurs capitaux dans les coffres
de l’Etat, ils obtenaient des droits très élevés à l’entrée des cotons
fabriqués à l’étranger ; et, bien plus encore, ils n’avaient pas l’inquiétude
de chercher la vente de leurs produits, car ils avaient pour facteur
L’industrie cotonnière a perdu par la révolution une
partie de ces avantages
; mais est-ce à dire qu’elle se trouve sans ressources ? Il lui reste les gros
droits protecteurs, et le gouvernement n’est pas trop sévère pour le
remboursement des capitaux avancés. Les fabricants seront, à la vérité, forcés
de sortir de leurs maisons pour trouver le placement de leurs marchandises ;
mais croyez-le bien, messieurs, la nécessité est un fameux correctif de
l’apathie : c’est aussi un grand maître en industrie ; elle stimule et
développe l’intelligence du producteur, l’oblige aux progrès, à l’ordre, à
l’économie, et l’industriel finit par voir ses travaux triompher des obstacles et
couronnés de nombreux succès.
L’avenir ne se présente
pas aussi sombre pour le commerce qu’on se plaît à le proclamer. Les affaires
et le travail n’ont pas manqué en 1832 et 1833, et les manufactures de tous
genres ont été en pleine activité pendant ces deux années. A Gand surtout, la
disette de bras s’est fait sentir, et je connais tels fabricants qui ont
préféré payer de fortes indemnités, tant les demandes étaient abondantes que de
livrer les quantités de marchandises pour lesquelles ils avaient contracté…
Aujourd’hui il y a
stagnation dans l’industrie cotonnière : la même chose se fait remarquer pour
la draperie ; c’est un malheur commun à
différentes industries, et déplorable sans doute. Il ne faut pas cependant vouloir
dissimuler les causes de cette stagnation, elles sont apparentes pour tout le
monde. La principale est la hausse qui a frappé subitement les matières
premières. Le fabricant s’est ainsi trouvé tout à coup paralysé dans ses
moyens, parce qu’il lui fallait plus de capitaux pour faire les mêmes affaires,
et que, d’un autre côté, les produits manufacturés ne pouvant se vendre avec
une augmentation de prix proportionnelle, force a été aux industriels de
ralentir leur production jusqu’à ce que l’équilibre fût rétabli, et qu’ils
pussent travailler sans être menaces d’une perte certaine à la vente des
produits de leur fabrication. Je pourrais vous faire une longue énumération des
autres causes du malaise momentané des manufactures ; mais ce serait fatiguer
votre attention, et vouloir vous apprendre ce que vous n’ignorez pas.
Il y a beaucoup
d’analogie entre les industries de Gand et de Verviers ; chacune d’elles fait
venir de l’étranger les matières premières et après les avoir converties en
étoffes, on est encore obligé de chercher des consommateurs à l’étranger. Il
est cependant à remarquer que les fabricants de Verviers et de Gand agissent et
voient les choses différemment : Ceux-ci réclament des droits élevés, des
prohibitions, et notamment une prime de 20 p. c. à l’exportation. Ceux-là, au contraire,
demandent une liberté de commerce bien entendue, des traités de commerce qui
ouvrent des débouchés à toutes les industries, qui facilitent, en un mot, tous
les moyens d’échange. Quant aux primes, c’est un moyen de spoliation et de
fraude, que réprouvent l’expérience et la saine économie politique.
Je pense, messieurs, que
toutes les messires factices, artificielles, de protection commerciale doivent
être abandonnées parce qu’en définitive leur résultat est destructif de la richesse
nationale. Poussons, à chaque occasion, le gouvernement à lier de nouveaux
rapports de commerce avec les pays étrangers. Aujourd’hui nos démarches tendent
vers la France : si cette nation continue à repousser nos produits, parce
qu’elle est sous l’influence des privilégiés qui empêchent de faire droit aux
réclamations des consommateurs français ; si, dis-je,
D’après
toutes ces considérations, je ne puis désespérer de l’industrie cotonnière ; je
me flatte au contraire, que les fabricants de Garni sauront l’élever au premier
rang ; mais, pour cela, il faut des efforts et même des sacrifices. Je désire
aussi que tous les Belges se réunissent dans un même esprit ; et il serait bien
imprudent et bien coupable, aux chefs d’ateliers, de détourner les ouvriers de
leurs occupations paisibles, pour les lancer dans les tumultes politiques et
enfanter l’anarchie. Si un projet aussi criminel se réalisait, je proposerais
de rapporter immédiatement la loi de vendémiaire an IV, afin qu’on n’en fît pas
une spéculation. Nous savons malheureusement qu’il existe des individus assez
déhontés pour faire un abus scandaleux de cette loi et qui, après avoir été
pillés, cherchent, à lent tour, à piller les villes et communes où ces excès se
sont commis, en exerçant contre elles des réclamations et des prétentions
exagérées.
J’adopte les conclusions
de la commission des pétitions, et j’appuie principalement sur la nécessité
d’une enquête.
M. Eloy de Burdinne. - Et moi aussi,
messieurs, j’appuie la pétition des ouvriers de Gand, tendante à provoquer des
mesures de la part du gouvernement, à l’effet de venir à leur secours. Dans le
cas où leur position soit telle qu’on nous la dépeint, je prie M. le ministre
de vouloir aviser le plus tôt possible aux moyens qu’il croira convenables, à
l’effet de faire cesser l’état de détresse où paraît se trouver l’industrie
cotonnière de Gand, sans cependant rétablir le million d’industrie.
Conséquent dans mes principes,
comme j’ai eu l’honneur de vous le dire il y a deux jours, les diverses
branches d’industrie d’un Etat méritent la protection des gouvernements.
Dans la position où se
trouve l’industrie cotonnière, des mesures doivent être prises promptement ; en
tardant, presque toujours on manque le but qu’on doit atteindre. S’il en est
ainsi pour l’industrie manufacturière, il en doit être de même pour les autres
branches, et entre autres, de l’industrie agricole, en faveur de laquelle j’ai
déjà réclamé des mesures.
M. le ministre de
l'intérieur étant ici présent, je le prie de bien vouloir me dire s’il a
l’intention de proposer une loi sur les céréales, en rapport avec les lois
française et anglaise, relativement au tarif des droits à imposer les céréales
étrangères, en rapport au prix courant de ce denrées sur nos marchés.
Si
toutefois M. le ministre est d’intention de nous proposer une loi de l’espèce,
et le plus tôt possible, pour lors j’attendra ; sinon j’aurai l’honneur de
soumettre une proposition à la chambre, pour qu’elle veuille prendre
l’initiative, aux termes de la constitution.
La réponse de M. le
ministre réglera ma conduite sur cet objet.
M. de Muelenaere. - Je demande la parole
pour une motion d’ordre.
La commission à laquelle
vous avez renvoyé la pétition, vient de vous déclarer qu’elle ne pouvait vous
proposer aucun moyen de porter remède au mal dont se plaignent les ouvriers de
Gand ; en conséquence, elle a conclu au double renvoi de la pétition à la
commission du commerce et de l’industrie pour qu’elle fasse un rapport motivé,
et au ministre de l’intérieur avec demande de renseignements sur les véritables
causes du malaise des ouvriers. Ces conclusions me paraissent si sages, si
raisonnables, que je ne pense pas qu’on veuille s’y opposer. Aussi tous les
orateurs ont appuyés les conclusions qui vous sont soumises.
Ce
n’est que lorsque vous aurez un rapport motivé, et en même temps les
renseignements du ministre de l’intérieur, que vous pourrez exprimer une
opinion raisonnée sur la pétition qui vous est présentée ; jusque-là, il est
prudent pour la chambre de s’abstenir ; il faut simplement adopter les
conclusions de la commission des pétitions, sauf à discuter ensuite les
conclusions de la commission d’industrie. (Appuyé
! appuyé !)
M. de Brouckere. - J’allais faire la même
motion. Je demanderai seulement que la commission d’industrie soit invitée à
s’occuper promptement de la pétition que nous lui renvoyons. Si on voulait
prolonger trop longtemps l’enquête, on laisserait épuiser le mal ; si, comme
des députés nous l’assurent, il y a stagnation dans les fabriques, les ouvriers
doivent souffrir.
C’est a la veille de
l’hiver que les ouvriers déposent leurs plaintes dans votre sein ; je crois que
leurs réclamations doivent être accueillies avec bienveillance par la chambre.
M. Gendebien. - Ce que dit l’orateur me
dispense de longs développements. Je demanderai que la commission d’industrie
et que le gouvernement fassent la plus grande diligence. Il ne serait peut-être
pas déplacé de fixer un terme pour que la commission d’industrie fît son
rapport. Je sais bien que nous n’avons pas de loi à imposer au gouvernement,
que c’est à lui à savoir quand il doit expédier les affaires ; mais je voudrais
que dans 8 jours la commission d’industrie fît son rapport : si elle n’était
pas prête à ce terme, elle prouverait du moins qu’elle a fait des efforts pour
préparer son travail.
M. Pirson. - Je n’ai pas à parler contre les
conclusions de notre commission des pétitions, je les appuie autant que
possible ; mais il me semble que, pour éviter qu’il nous arrive désormais des
pétitions de la même espèce d’autres côtés, il faudrait un peu généraliser l’enquête
que la commission d’industrie sera chargée de faire sur la situation des
ouvriers dans le royaume. Il y a des ouvriers autre part qu’à Gand. Que les
ouvriers de toutes nos provinces sachent que le gouvernement s’occupe de cette
classe utile qui procure des jouissances aux riches. Il est inutile de faire
une proposition à cet égard. Le gouvernement en comprend l’importance.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, sans aucun doute le
gouvernement s’empressera de réunir tous les renseignements propres à
l’éclairer lui-même et à éclairer la chambre. J’ai déjà eu l’honneur de vous le
dire dans une séance précédente : avant que les réclamations des fabricants de
Gand fussent parvenues au ministère, j’avais cru devoir consulter et les
autorités administratives et les chambres de commerce sur les causes du malaise
dont on se plaignait ; je demandais en même temps les moyens d’y porter remède.
La lettre par laquelle les fabricants de la ville de Gand firent connaître au
public leur état de détresse, parut dans un journal de Gand le 3 novembre ; dès
le 6 du même mois je me mis en mesure de recueillir des renseignements exacts
sur la réalité du malaise, sur ses causes et sur les remèdes possibles. Je
consultai également la commission supérieure d’industrie et de commerce ; et ce
ne fut que le 28 novembre que le gouvernement fut régulièrement saisi des
plaintes des fabricants. Je ne fais ces observations que pour montrer que s’il
y avait malaise, le gouvernement n’en était pas prévenu. Cette nouvelle a
éclaté tout d’un coup ; elle a, je le dirai, surpris le gouvernement. Au moins
n’est-il pas à ma connaissance que les industriels de Gand, fabricants des
tissus de coton, qui dans le principe avaient fait entendre des plaintes,
m’aient signalé, depuis mon entrée au ministère, le malaise profond dont ils se
plaignent aujourd’hui.
Il résulte de plusieurs
rapports, et notamment de celui de la chambre de commerce de Courtray, que
pendant tout l’été les affaires allaient fort bien ; la crise ne s’est donc
fait sentir qu’au commencement de l’hiver.
Les causes de ce malaise
résident, d’après les réclamations des industriels de Gand :
1° Dans la séparation de
2° Dans la perte des
colonies de Java ;
3° Dans l’introduction
ruineuse des produits étrangers en Belgique.
Les remèdes proposés par
les mêmes industriels consistent dans un système de douanes très sévère contre
les fraudeurs, et en second lieu, en des primes pour la sortie.
Les fabricants ne
reconnaissent pour le moment que ces seuls moyens capables de faire cesser le
malaise qui, selon eux, les tourmente.
La commission supérieure
d’industrie avait pense que l’érection d’une société de commerce pourrait aider
aux débouchés des produits de coton, et cela au moyen d’un capital dont le
gouvernement garantirait l’intérêt. Mais les fabricants de Gand prétendent
qu’il leur faut un remède immédiat ; que si on ne leur fournit pas les moyens
de lutter, au-dehors comme au-dedans, contre la concurrence étrangère, force
leur sera, disent-ils, « de déplacer leurs capitaux, et de chercher
ailleurs un ciel plus heureux et une fortune meilleure. »
La chambre de commerce
de la même ville, en assignant des causes semblables au malaise, propose aussi
les mêmes remèdes, auxquels cependant elle en ajoute un troisième : ce serait
que le gouvernement fît des achats et parvint, de cette manière, à procurer
l’intérieur un débouché qui manque aux produits accumulés dans les magasins des
fabricants. Ce moyen a été employé à diverses époques, preuve que le malaise
dont on se plaint n’est pas particulier à l’époque actuelle. Il a été employé
en 1810, c’est-à-dire quand
On se rappellera que
dans cette même année 1830 et antérieurement à la révolution, les industriels
de Gand se trouvaient aussi encombrés de marchandises fabriquées, et qu’ils
s’adressèrent au gouvernement des Pays-Bas pour qu’il les tirât d’embarras.
Outre ces causes
générales, une cause particulière a été signalée par la ville de Courtray.
Je crois utile de
communiquer à la chambre ces premiers renseignements sur lesquels j’attire
l’attention et la méditation de tous ses membres, demandant en retour le tribut
de leurs lumières.
A Courtray, les
fabricants se plaignent d’un impôt qui les empêche de lutter avec avantage
contre les fabricants de Gand.
Il paraît que la houille
est imposée par la commune à un taux tel que les frais de fabrication sont plus
considérables à Courtray qu’à Gand. Cet inconvénient, le gouvernement tâchera
de le faire promptement disparaître ; aussi souvent que les remèdes seront
praticables, le gouvernement s’empressera d’y avoir recours.
J’ai fait connaître les
seules causes assignées au malaise par les fabricants de Gand ; la commission
supérieure d’industrie et de commerce en a désigné d’autres : elle a trouvé les
causes du mal dans le renchérissement du prix de la main-d’œuvre dès 1832. Il
paraît que grand nombre d’ouvriers ont, dans différentes branches d’industrie,
gagné plus d’argent à cette époque qu’à d’autres, et que la main-d’œuvre en est
augmentée.
Elle a trouvé une autre
cause dans la hausse très considérable de la valeur de la matière première ;
enfin, messieurs, dans le défaut de capitaux chez les fabricants, défaut qui ne
leur permet pas d’attendre pendant un assez long temps les rentrées des
produits qu’ils expédient à l’extérieur. Mais la commission pense que le
malaise résultant de la valeur très élevée des matières premières n’est pas de
nature à continuer ; et l’une des raisons qu’elle apporte à l’appui de cette
assertion est tirée de la récolte de coton qui a été très abondante cette
année.
J’ai dit qu’elle
proposait comme remède l’établissement d’une société de commerce, et que ce
moyen était repoussé par les industriels de Gand, comme n’étant pas de nature à
apporter un remède assez prompt.
A toutes ces causes, je
crois qu’on pourrait en ajouter une autre. Il est certain que, par le cri de
détresse jeté tout à coup dans le pays, les fabricants ont nui gravement à
leurs propres intérêts. Il m’est revenu de plusieurs endroits que beaucoup de
marchands, comptant forcer les fabricants à céder leurs marchandises à très bas
prix, avaient prescrit à leurs correspondants de ne rien acheter actuellement.
Ces marchands fondent leur espoir d’un meilleur marché sur la crise même qu’ont
révélée les fabricants de Gand.
J’ai désigné
impartialement les causes générales du malaise dont on se plaint. Je ne dois
pas laisser ignorer à l’assemblée que d’autres réclamations, en sens contraire,
sont parvenues au gouvernement ; qu’un assez grand nombre de négociants de la
ville de Bruxelles nient les faits avancés par les industriels de Gand ; sous
le rapport de la fraude, par exemple, ils prétendent qu’il s’en faut de
beaucoup que les cotons étrangers introduits en Belgique le soient tous
frauduleusement ; et ils offrent de prouver que les cotons vendus par eux ont
acquitté les droits.
Quant à la pétition qui
nous occupe, le gouvernement en fera l’objet d’un sérieux examen : les classes
ouvrières seront toujours certaines de trouver auprès de lui, autant qu’il le
pourra, appui et protection ; mais on voudra bien surtout ne pas lui attribuer
un état de détresse dont il n’en est aucune manière l’auteur. Ce qu’il aura à
faire, ce sera de rechercher sagement, mûrement, aidé surtout par les lumières
et le concours de la chambre, des moyens efficaces, s’il en existe, pour porter
remède au mal dont on se plaint.
Je dois encore faire
observer que les termes de la pétition me paraissent empreints d’exagération.
Je ne suis point du nombre de ceux qui sont insensibles aux souffrances du
peuple, ou que l’état de leur fortune empêcherait de sympathiser avec lui :
l’allusion peut-être inconvenante de la pétition ne pourra donc m’atteindre ;
mais j’ai la certitude que ni la misère, ni la faim ne dévorent, à l’heure
actuelle, la classe ouvrière de Gand. Des renseignements pris sur les lieux
appuient à cet égard mes paroles.
Il existe à Gand une
institution que je ne saurais trop recommander à l’attention des villes
ouvrières ; une institution semblable existe aussi à Anvers ; c’est un atelier
de charité où tout habitant peut aller chaque jour chercher de l’ouvrage, et
est sûr de trouver de la nourriture et même un modique salaire. Après avoir
pris connaissance de la pétition, j’aurais pu croire que la population de cet
atelier était grandement accrue depuis deux mois : les renseignements que j’ai
obtenus m’ont fait voir que cette année la population y est inférieure à celle
de la même époque de l’année dernière.
Chaque année, vous le
savez tous, à l’approche de l’hiver, ces sortes d’établissements sont toujours
plus peuplés que dans les mois d’été et d’automne. En 1830 la population de cet
atelier était à Gand, dans l’hiver, de 1,400 ; aujourd’hui elle n’est que de
570. En 1829 elle était à la même époque supérieure à ce qu’elle est
actuellement ; en 1829, cependant, l’industrie de Gand était prospère.
Je cite cette
circonstance non pas pour affirmer que les ouvriers sont aujourd’hui dans la
position où ils étaient dans les mois d’été : alors ils gagnaient 22 fr. par
semaine ; peut-être maintenant n’en gagnent-ils que 16.
Mais je cite cette
circonstance pour prémunir la chambre contre les effets de tableaux trop rembrunis.
Il faut se garder d’habituer les ouvriers à cet esprit d’imprévoyance auquel
ils s’abandonnent trop volontiers ; il ne faut pas qu’ils pensent qu’au moindre
symptôme du mal, le gouvernement et les chambres sont là pour venir
immédiatement à leur secours. Ni le gouvernement ni la chambre n’ont toujours
la puissance de faire face à toutes les crises qui peuvent se présenter dans le
commerce et dans l’industrie..
Je le répète, la
pétition sera l’objet d’un examen sérieux de la part du gouvernement. D’ici à
huit jours je serai à même si on le désire, de fournir, soit à votre commission
d’industrie, soit à la chambre, les explications qui seraient jugées
nécessaires.
- La chambre ferme la discussion,
Les conclusions de la
commission des pétitions sont adoptées.
M.
Gendebien. - J’ai proposé un amendement.
M.
Dumortier. - Il serait difficile que la commission d’industrie fît son
rapport dans la huitaine, puisque la moitié des membres sont absents.
M. Pollénus. - Plusieurs documents sont déjà
parvenus au ministre de l’intérieur, ce qui permettra à la commission de hâter
son travail.
Membre de la commission
des pétitions, j’ai vu que les ouvriers avaient déposé au mont-de-piété les
effets de première nécessité ; les renseignements donnés au ministre doivent
confirmer ou infirmer ce fait...
M. de Brouckere. - La discussion est close :
la commission d’industrie demandera les renseignements dont elle aura besoin.
M.
le président. - On demande que la commission fasse son rapport dans
huit jours.
M.
d’Huart, rapporteur. - On ne peut pas assigner un délai à cette commission : ses membres
font partie de cette assemblée, et ont le même patriotisme.
M.
Gendebien. - Je ne demande pas un rapport définitif dans huit jours,
mais que la commission nous dise ce qu’elle a fait, ce qui lui reste à faire…
Au reste, dans cette affaire chacun y peut prendre telle part de responsabilité
qu’il lui plaît ; je prends la mienne.
M.
A. Rodenbach. - On n’a jamais exigé des commissions qu’elles fissent
leurs rapports à une époque déterminée. La commission d’’industrie fera son
enquête avec diligence ; elle est animée du même patriotisme que nous tous.
M. d’Huart, rapporteur. - On peut demander que la commission
fasse son rapport le plus tôt possible. (Oui
! oui !)
- La séance est levée à
4 heures.