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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 9 décembre 1833
1) Proposition de loi visant à fixer le commencement de l’année budgétaire au 1er juillet (Pirson, Verdussen, Pirson)
2) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834. Discussion générale. Convention militaire de Zonhoven, navigation de la Meuse et question politique générale ((« la chambre est une volière ») F. de Mérode, (+logements militaires) Pollénus, Lebeau, (+question de la république dans le sein du gouvernement provisoire) Gendebien, Pollénus, Dumortier, Lebeau, F. de Mérode)
(Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
une heure moins un quart.
Après l’appel nominal,
l’un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en
est adoptée.
PROPOSITION
DE LOI VISANT A FIXER LE COMMENCEMENT DE L’ANNEE BUDGETAIRE AU 1ER JUILLET
M.
Pirson. - Ma proposition est ainsi conçue :
« Léopold, etc.,
« Considérant
qu’aux termes de l’article 70 de la constitution, les chambres se réunissent de
droit en session ordinaire le second mardi de novembre ;
« Considérant que
l’intervalle depuis ce jour jusqu’au 1er janvier suivant est insuffisant pour
l’examen et la discussion des budgets, tant par la chambre des représentants
que par le sénat ;
« Nous avons de
commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art 1er. L’année
financière commencera dorénavant au 1er juillet.
« Art. 2. Ce
changement s’opèrera à partir du 1er juillet 1834 jusqu’au 30 juin 1835
inclusivement, et ainsi de suite d’année en année.
« Art. 3. Un budget
transitoire sera voté pour six mois ; à partir du 1er janvier 1834 jusqu’au 30
juin inclus de la même année. »
M.
le président. - Quel jour la chambre veut-elle entendre les
développements de M. Pirson ?
M.
Pirson. - Si la chambre me le permet, deux mots suffiront pour
développer ma proposition. Les considérants en disent assez pour faire sentir
la position où se trouvent la chambre des représentants et le sénat, par
rapport à la discussion des budgets. Il est impossible que, dans l’état actuel
des choses, le sénat soit à même de se livrer à un examen mûr et approfondi, et
cependant il importe que le contrôle de ce corps ne soit pas une dérision. Je
crois donc que mon projet de loi ne rencontrera pas d’opposition.
Maintenant, il y a une
dissidence entre la commission centrale qui nous a fait son rapport et moi,
mais uniquement en égard à la forme. Cette commission voudrait que le
changement que je propose pour le 1er juillet 1834 ne s’opérât qu’à partir du
1er juillet 1835. Le motif qui m’a déterminé, c’est que le ministère, ainsi que
vous l’avez tous entendu, messieurs, a annoncé qu’il était prêt à proposer de
nouvelles lois financières, et que d’ici au 1er juillet prochain nous pourrons
peut-être en examiner quelques-unes. Si vous ajourniez cette mesure jusqu’en
1834, il en résulterait qu’il vous faudrait voter un budget de dix-mois, tandis
que d’après mon mode à moi il n’y aurait qu’un budget de six mois. Voilà toute
la différence.
M. le président. - Je vais consulter la chambre
pour savoir si elle est d’avis de la prise en considération.
M.
Pirson. - Je ne crois pas qu’on puisse délibérer dès à présent parce
que la question de savoir si l’on doit admettre la date du 1er juillet 1834 ou
du 1er juillet 1835 est très importante et a besoin d’être attentivement
méditée.
M. Verdussen. - Conformément à ce que j’ai
annoncé à la suite du rapport que j’ai eu l’honneur de faire devant la chambre
au nom de la section centrale, je viens de déposer sur le bureau une
proposition tendante à fixer au 1er juillet 1835 le principe posé par M. Pirson. Je désire qu’on ne discute
sur la prise en considération de celle de M. Pirson qu’au moment où la lecture
de la mienne aura été autorisée.
M.
Pirson. - Je crois que M. Verdussen a déjà reconnu la nécessité de ce
changement Il n’y a de difficulté que relativement à l’époque où il sera
introduit. Mais il me semble qu’il n’est pas indispensable de faire passer la
proposition de M. Verdussen par la filière du règlement.
L’honorable membre peut
en faire un amendement à la mienne, ou bien je demande qu’on réunisse les deux
propositions ensemble.
Plusieurs voix. - Il faut suivre le règlement.
M.
le président. - Le jour sera fixé ultérieurement pour la prise en
considération, et demain les sections seront convoquées pour savoir si elles
autorisent la lecture de la proposition du M. Verdussen.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Discussion
générale
(Note du webmaster : Le discours qui suit est repris dans un
supplément d’un Moniteur dont la date n’a pas pu être déterminée) M. F. de Mérode.
- Messieurs, avant de venir au budget des voies et moyens, je crois que nous
devons en terminer avec la convention de Zonhoven, et j’ai demandé la parole
pour cette discussion.
Messieurs, à entendre
les censures impitoyables sans cesse à l’ordre du jour dans cette enceinte, on
pourrait faussement se la figurer sous l’apparence d’une volière (on rit) qui contiendrait des aigles et
des oies. (Nouveaux rires.) Les oies,
bien entendu, représenteraient les individus qui ont appartenu ou appartiennent
encore au gouvernement (hilarité) ; les
aigles, certains membres qui constituent la fulminante opposition.
Cependant la volière (explosion d’hilarité), qui me sert ici
d’image, n’est certainement point occupée par ces deux catégories d’oiseaux si
divers. (Rire général.)
M.
A. Rodenbach. - La chambre n’est pas une ménagerie.
M. F. de Mérode. - Tous plus ou moins imparfaits,
ils diffèrent entre eux particulièrement sous ce rapport que les uns reçoivent
force gros et lourds coups de bec (nouvelle
hilarité), que les autres distribuent avec un bizarre acharnement.
D’ailleurs, on n’aperçoit parmi les second ni un plumage plus beau, ni des
ailes plus vigoureuses, ni des yeux plus capables de fixer en plein midi le
disque du soleil, leur supériorité, si toutefois la chose mérite ce nom,
consiste dans un gosier dans les modulations sont très intenses et pénètrent
les oreilles, quelle que soit leur défectuosité.
Pardonnez-moi,
messieurs, la comparaison véritablement symbolique que je viens de vous
soumettre ; elle me paraît parfaitement appropriée à ce qui se passe dans notre
intérieur, et c’est d’ailleurs la seule réponse que j’adresserai à tous ces
éclats de voix tonnantes, aux bravos qui les accompagnent, aux expressions
injurieuses, superfétations parasites et nauséabondes qui encombrent si mal à
propos le champ clos de nos débats.
Ce préambule établi
contre de ridicules prétentions, j’entre en matière et j’aborde le discours
d’un membre de cette chambre, qui ne partage pas mon opinion, quant à l’objet
en litige aujourd’hui. J’aborde le discours de mon honorable ami M. Pollénus,
qui a traité la question en elle-même sans y mêler les accessoires d’une
rhétorique fougueuse et dépourvue d’urbanité.
Le ministre de la
guerre, a dit M. Pollénus, a présenté la question comme une question de bonne
foi, et c’est sur ce terrain que je vais le suivre. Voyons, messieurs, si c’est
en effet sur ce terrain que l’honorable député du Limbourg a suivi M. le
général Evain, dont voici les paroles essentielles, paroles qui résument les
motifs de sa conduite : « Je crois, messieurs, avoir rendu un véritable
service au pays en consolidant, par cette convention militaire, l’état
d’armistice jusqu’à la conclusion définitive des arrangements à terminer entre
les deux puissances. C’est pour en justifier toutes les dispositions, tant sous
le rapport militaire que sous celui des intérêts bien entendus du pays, que
j’ai l’honneur d’appeler votre attention sur les considérations que je vais
exposer. » Ces considérations exposées par le ministre sont : 1° que la
convention du 21 mai stipulant d’une part l’ouverture de la navigation de
Voilà donc la question
primitive présentée de bonne foi par le général Evain du côté pratique,
c’est-à-dire du seul côté véritablement intéressant pour le pays. Est-ce à ce
côté pratique que s’est d’abord attaqué M. Pollénus ? Non, messieurs, il s’est
plus à analyser des notes de M. Van de Weyer, remises à la conférence. Il a très
judicieusement sans doute saisi certaines contradictions qui se rencontrent
entre ces notes et le système de transaction plus facile adopté par le
ministère ; mais je lui demanderai avec la même bonne foi que l’honorable
ministre de la guerre : Que sont des notes ? Les notes ont-elles un autre but
que d’arriver à un résultat possible et prompt, lorsqu’on dépense des sommes
considérables ? Ces notes maintennes les explications successives dans la plus
parfaite conséquence mutuelle remplacent-elles les billets d’emprunt et les
écus que les chicanes prolongées entre les nations arrachent aux contribuables
? les notes les plus régulièrement conformes et les plus satisfaisantes pour
l’amour-propre des diplomates qui les ont rédigées, offrent-elles au commerce et
à l’industrie les débouchés que leur procure une trêve illimitée, et plus
explicite depuis la convention de Zonhoven ? Enfin l’accord infaillible et
inattaquable des explications fournies par M. le général Goblet, avec d’autres
pièces soumises à notre investigation, serait-il enfin le nec plus ultra de
l’honneur et de la félicité publique ? Quant à moi, messieurs, j’ignore l’art
de soumettre des écritures à un minutieux contrôle. Dans les affaires
particulières plaidées devant les tribunaux, cet art peut être infiniment
utile, mais dans les procès entre peuples divisés, les faits sont les meilleurs
documents, et la raison la plus valide des traités. L’essentiel dans l’affaire
qui nous occupe est donc de savoir s’il était avantageux au pays de conclure
sans retard indéfini la convention de Zonhoven, ou s’il était préférable de
l’ajourner ; en troisième lieu, et c’est selon moi la plus digne de recherche,
s’il était possible sans retarder ladite convention de la conclure à de
meilleures conditions.
En effet, messieurs, si
par négligence et maladresse le conseil des ministre, et M. le ministre de la
guerre en ce qui le concerne, ont pu obtenir des stipulations plus propres à
vous donner une complète sécurité, ils sont dignes de blâme assurément. On a
discuté avant-hier pendant toute une longue séance, et cependant, sauf les mots
honneur et dignité que chacun entend à sa manière, je n’ai pas entendu établir
la compensation de notre dépense journalière de 30 mille francs nécessaires
pour l’entretien du corps d’observation destiné à empêcher la communication
militaire de Maestricht avec le Brabant néerlandais ; je n’ai pas ouï expliquer
non plus quelles devraient être les mesures à prendre, afin de maintenir la
libre navigation de
Mais j’entends des hommes
de cœur me dire : N’est-il pas honteux qu’un pays de quatre millions d’hommes
ne puisse imposer la loi au voisin qui n’en a que deux millions ? je répondrai
à ce calcul plus arithmétique que raisonné.
Des milliers de cœurs,
fussent-ils aussi grands que ceux de César ou d’Alexandre ou de M. Dumortier,
ne suffisent pas pour passer un marais. Le général Sébastiani, avec tous les
cœurs français qui étaient à sa suite, n’a pu se saisir de quelques centaines
de Hollandais fumant leur pipe dans Liefkenshoek et Lillo. Il a, pour me servir
du langage usité, subi la profonde humiliation de ne pouvoir approcher de ces
forts et de rentrer en France sans avoir déblayé nettement le territoire belge
comme il en avait la mission.
La révolution de
septembre n’a donc pas changé la nature du sol de
J’en reviens à la
convention de Zonhoven, et je demande quelle preuve on apporte de la
supposition que des clauses plus satisfaisantes pouvaient être obtenues par nos
commissaires. L’honorable ministre de la guerre nous a dit que depuis longtemps
la garnison de Maestricht en retour d’une certaine liberté de navigation
qu’elle accordait à travers la forteresse, pouvait faire passer chaque jour et
vice versa trente hommes aux frontières du Brabant néerlandais, et que
cependant elle n’avait profité pendant quatre mois de cette faculté que pour
une centaine de soldats et très peu d’officiers. En opposition à ce
renseignement assez positif, le champ des conjectures est ouvert ; mais, en
outre, ceux qui connaissent la répugnance du roi Guillaume à traiter de la
manière même la plus indirecte avec le pays qu’il regarde encore comme rebelle,
ceux-là, dis-je, croiront volontiers que les instructions données à ses
commissaires hollandais n’étaient ni larges ni flexibles en beaucoup de points.
Faut-il que nous mettions dans la solution de nos différents avec
La mission du ministère
présent, comme la mission de ceux qui l’ont précédé, a été moins avantageuse.
Il a su la remplir avec persévérance, et l’histoire, plus équitable que les
partis, reconnaîtra les services qu’il a rendus depuis le jour où MM. Goblet,
Rogier et Lebeau conclurent courageusement l’acte de leur association
gouvernementale. Quel était alors l’état du pays ? la citadelle d’Anvers,
Ici, je puis citer,
entre mille autres exemples, à l’appui de mes paroles, la discussion que vous
avez entendues à la fin de la séance de vendredi dernier. Quel était le nouveau
crime pour lequel le ministre des finances se trouvait poursuivi devant nous ?
Ce forfait inconstitutionnel consistait dans une minime indemnité consentie
pour la fabrication de la monnaie d’argent, et prise sur le bénéfice qu’avait procuré
le monnayage de cuivre. Cette indemnité légère et motivée de 3,000 fr. pour une
fabrication de la valeur d’un million, le ministre a cru posséder le droit de
l’accorder au directeur de la monnaie : il vous a dit, messieurs que s’il
s’était trompé, il avait agi de bonne foi, qu’il était prêt désormais à
soumettre à la sanction législative la continuation de la mesure prise d’abord
par lui seul, dans l’intérêt public. Cette réponse sincère ne devait-elle pas
arrêter tout blâme ultérieur d’une faute de si peu d’importance ? loin de là ;
elle a ranimé l’accusateur, au point qu’il n’a pas craint de formuler une sorte
de propositions tendantes à prélever sur les appointements du ministre les
faibles sommes dont il avait disposées utilement, mais hors des strictes règles
légales qu’aucun précédent n’avait encore signalées à son attention.
Que penser, messieurs,
de la dignité de notre gouvernement, si les ministres, premiers fonctionnaires
de l’Etat, étaient exposés à de telles amendes ? mais, pour justifier à leur
égard cette rigueur pharisaïque, quel est donc le sophisme sans cesse mis en
avant ? Le voici, et je désire le combattre une fois pour toutes. On connaît
notre attachement à la constitution, et l’on dit : Toute atteinte portée à la
constitution est d’une haute gravité ; et, avec ce principe, toutes les notions
de la justice universelle sont renversées.
Non, messieurs, toute
atteinte portée à la constitution n’est point d’une haute gravité. La loi
fondamentale est, comme toutes les lois, susceptibles d’éprouver des violations
flagrantes et majeures, des atteintes plus ou moins graves et de légères
infractions, suite d’erreur involontaire ou d’imprévoyance excusable. La loi
fondamentale est des plus importantes assurément, mais elle n’est pas plus indispensable
à la société que le respect dû aux propriétés et aux personnes.
Eh bien sous prétexte
qu’il est indispensable de respecter les propriétés et les personnes, qui s’est
imaginé de confondre un coup donné par mégarde avec un assassinat ? la
soustraction d’un centime avec le vol du banqueroutier frauduleux qui ruine un
honnête père de famille ? Si je me suis permis cette digression, messieurs,
c’est qu’avec des mots ronflants, débités en interminables mercuriales
adressées aux ministres, nous sommes occupés des semaines entières de vaines
récriminations. Quelque bon qu’il puisse être de gourmander du matin au soir et
du soir au matin les hommes constamment répréhensibles, dont le Roi, selon
l’assurance qui nous en a été donnée naguère par M. Doignon, a été forcé de
composer son conseil, ne serait-il pas préférer de doter sans retard le pays
des institutions qui lui manquent, du chemin de fer et d’autres projets de la
plus grande urgence ?
Chaque jour, je l’avoue,
je subis dans cette enceinte une véritable torture morale, par suite du
gaspillage épouvantable que l’on y fait d’un temps précieux, et dont la valeur
semble complètement méconnue. Je n’entends parler que de lois ; tout doit être
réglé par des lois, les plus simples affaires sont soustraites à l’action
directe du pouvoir exécutif et renvoyés au règlement de la loi. Portez donc ces
lois que vous réclamez sur toute matière, et, pour les décréter, le temps doit
être utilisé et non perdu comme il l’est depuis trois ans.
Il m’en coûte,
messieurs, d’abuser de vos moments, mais je vous demande encore la permission
de vous dire quelques mots de la convention de Zonhoven. Ne craignez pas que
j’examine la difficulté singulière qu’on a opposée au gouvernement, en lui
contestant, surtout après la convention du 21 mai, le droit de laisser passer
les Hollandais sur le territoire belge ; je m’en occuperai soigneusement
lorsque la navigation à travers les airs, au moyen des ballons, aura suivi les
progrès de la navigation par la vapeur sur les eaux.
Une objection plus
sérieuse et seule digne d’attention, selon moi, a été soulevée, et elle
s’attache à l’absence de limitation du nombre de troupes que les Hollandais
peuvent introduire dans Maestricht. Je comprends les inquiétudes que peut faire
naître telle faculté si large ; toutefois elle résulte assez positivement des
expressions de l’article 4 : « Les communications entre Maestricht et le
Brabant néerlandais sont libres et sans entraves. »
Je
ne me flatte point de posséder les connaissances stratégiques suffisantes pour
apaiser sur ce point les craintes de mes collègues. C’est un objet qui concerne
spécialement M. le ministre de la guerre. Je dirai seulement que je considère
notre existence nationale trop affermie maintenant pour croire que quinze ou
même vingt mille hommes isolés dans Maestricht puissent la compromettre ; et
j’en reviens toujours à cette idée principale qu’un budget mis en rapport
paraît avec nos voies et moyens, et suffisant pour l’entretien d’une force
effective de 40 mille hommes, est le meilleur boulevard contre
(Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1833) M.
Pollénus. - Messieurs, l’honorable préopinant m’a rappelé sur le
terrain où j’avais déclaré avant-hier vouloir suivre le ministre de la guerre.
Je m’attacherai seulement à démontrer, autant qu’il sera en moi, que je n’ai
pas dévié du plan que je m’étais tracé ; et, sans m’occuper du préambule du
discours de M. de Mérode, que les remarques d’approbation de l’assemblée m’ont empêché
de saisir (on rit), j’arriverai
immédiatement à ce qui concerne les moyens que j’avais fait valoir, à l’effet
de prouver que la convention de Zonhoven est contraire au traité du 21 mai, et
qu’en conséquence le ministère ne pouvait s’étayer de ce traité.
Le premier reproche
qu’on m’adresse consiste à dire que j’ai invoqué à tort les notes diplomatiques
pour appuyer mes raisonnements. Cependant, messieurs, ces notes émanaient de
notre ministre des affaires étrangères, de notre ambassadeur à Londres et d’autres
diplomates, de MM. Talleyrand et Palmerston. Admettre que le reproche d’avoir
puisé dans ces pièces est fondé, serait, ce me semble, faire la plus sanglante
critique des actes diplomatiques qu’on vient à chaque instant nous opposer dans
cette enceinte. Comment ! lorsqu’il s’agit d’expliquer des actes diplomatiques
en rapport avec l’objet en discussion, on m’imputera comme un grief d’avoir
puisé à une source dont on ne peut contester l’authenticité ? Cela ne se
conçoit pas.
Entre autres torts, s’il
faut en croire le préopinant, j’ai eu celui de ne pas envisager la question
sous ses rapports pratiques. Je vais aborder les questions que contient le
discours du ministre de la guerre. Fallait-il, dit le ministre, et le
préopinant le répète après lui, fallait-il par un nouveau refus ne plus laisser
les choses dans l’état où elles étaient ? Eh bien je réponds oui, il le fallait
plutôt que de sacrifier un droit qui était stipulé dans la convention du 21
mai, et qui devait recevoir son exécution, en même temps que le règlement pour
les routes militaires. Il fallait profiter de cette circonstance pour régler
l’application du tarif de Mayence à la navigation de
Fallait-il,
continue-t-on, laisser nos troupes cantonnées sur la frontière et continuer des
dépenses sans résultat ?
A Dieu ne plaise que
j’appelle sur la province du Limbourg le fléau des cantonnements militaires, et
cette interpellation ne peut s’appliquer à moi. Non, je ne demande pas la
continuation des cantonnements ; je ne demande pas la concentration des
troupes, non seulement parce que j’ai toujours à cœur de maintenir l’intérêt de
ceux dont je tiens mon mandat, mais parce que je n’en vois nullement l’utilité.
Depuis la convention du 21 mai qui a stipulé le passage des Hollandais sur
notre territoire pour aller à Maestricht, il s’est écoulé assez de temps pour
que
Fallait-il, dit
l’honorable comte de Mérode après M. le ministre de la guerre, se refuser à
consentir les communications avec Maestricht, quand nous étions en possession
de la libre navigation de la Meuse ? Mais cette possession, de quelle manière
nous était-elle garantie ? Nous n’avions aucune garantie. Pourquoi donc n’en
pas stipuler dans la convention de Zonhoven sur cet objet, en même temps qu’on
en stipulait en faveur de
«
Je crois donc n’avoir
pas encore mérité cette fois le reproche de m’être étayé sur des subtilités
auxquelles l’honorable préopinant a fait allusion.
On dit : On fait un
grief au gouvernement d’avoir consenti sur notre territoire le libre passage
des troupes ennemies sans l’autorisation de la législature : mais la convention
du 21 mai était là, qui la permettait, qui contenait implicitement tout ce que
contient la convention de Zonhoven. Or, qui veut la fin veut les moyens.
Messieurs, il a déjà été
prouvé par moi et par plusieurs orateurs que la convention du 21 mai
établissait deux points, dont l’un ne pouvait être réglé sans l’autre ; que la
question des communications avec Maestricht ne pouvait être traitée à
l’exclusion de celle concernant la libre navigation de
J’ai cité un fait, j’ai
rappelé le mois d’août 1831, et j’ai dit : Supposez que la garnison de Maestricht
eût été alors plus nombreuse. N’est-il pas vrai que tout le matériel de l’armée
de
Dans l’examen de la
convention de Zonhoven je n’avais fait d’autres observations que celles qui me
paraissent en rapport avec les intérêts généraux, et je ne m’étais pas occupé
des intérêts secondaires ; mais puisqu’on m’y force, je présenterai encore
quelques considérations.
On astreint différentes
communes aux logements militaires des troupes ennemies. Mon honorable collègue
M. de Longrée a cru pouvoir se dispenser de prendre la défense des communes à
cet égard, par la raison qu’une fraction des conseils communaux avait consenti
à ces logements moyennant une indemnité qu’ils ont acceptée. Eh bien ! c’est
précisément parce que je vois une partie de l’autorité communale faire
abnégation des droits des habitants en faveur de l’ennemi que je crois devoir
appeler toute la sollicitude de la législature. De quoi droit un échevin, un
assesseur, stipulent-ils que les habitants d’une commune seront obligés de
loger et de nourrir les troupes ennemies moyennant une indemnité de 35 cents ?
A-t-on bien réfléchi à cette charge énorme ? Je crois que la pièce dont on a
donné lecture pour établir que la commune dont il s’agit s’était obligée, ne
porte pas d’autre signature que celle de quelque bourgmestre ou échevin. Or,
les bourgmestres, ni même les conseils municipaux ne peuvent obliger leurs
administrés vis-à-vis de l’étranger, de l’ennemi. Je ne sais de quelle part le
tort est le plus grand, ou de la part des administrateurs communaux qui ont
signé de pareilles pièces, ou de la part de ceux qui les ont accueillies.
Mais, dit-on, pouvait-on
faire passer les troupes en ballon ? Non, j’en tombe d’accord. Mais n’y
avait-il pas un moyen de rendre ce passage moins onéreux, moins dangereux pour
le pays ? ne pouvait-on consentir le passage des troupes que par la rive droite
de la Meuse ?
Il était donc facile, et
la sûreté du pays l’exigeait, d’accorder le transit d’un côté moins dangereux
pour nous. Ensuite on pouvait aussi, ce me semble, ne pas charger les habitants
des communes de l’obligation de nourrir et de loger les troupes ennemies. Qui
empêchait les Hollandais d’avoir leurs entrepreneurs pour leur logement et leur
nourriture ? Quel motif y avait-il pour les traiter sur le même pied que les
troupes nationales ? l’indemnité de 35 cents est insuffisante pour les habitants
des communes, tandis que les entrepreneurs qui, comme on le sait, ont une
grande habilité, y auraient trouvé leur compte.
Quel
motif, je le répète, y avait-il pour faire en faveur de l’ennemi ce que l’on
fait pour les troupes nationales ? Si le ministère avait pris des informations
auprès des autorités provinciales, les tuteurs nés des communes, elles auraient
pu établi qu’au moyen de l’indemnité de 35 cents, les habitants n’étaient pas
suffisamment payées. Mais aucune pièce n’existe à cet égard : c’est que ces
autorités n’ont pas été consultées.
Je crois avoir répondu à
ce qui m’était personnel dans les observations du préopinant. Quant à celles
qui s’adressent plus particulièrement à d’autres membres, je leur laisse le
soin de les réfuter ; ils le feront beaucoup mieux que je ne pourrais le faire.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, ce n’est pas la
première fois que, dans les discussions de la nature de celle qui nous occupe,
l’honneur national se trouve le thème obligé de la plupart des discours de
l’opposition. Vous l’avez vu, messieurs, non seulement dans ce qui concerne la
convention de Zonhoven, mais dans ce qui regarde même la convention relative à
la banque, l’honneur national a encore été le texte favori de nos adversaires
politiques. A entendre l’un d’eux, la dignité non moins que l’intérêt du pays
avaient été encore lâchement sacrifiés dans les transactions intervenues avec
la banque. Je me suis demandé par quel privilège l’appréciation de l’honneur national,
à la différence d’une foule de questions moins délicates, était l’objet de
controverses si vives ; comment, alors que l’honneur privé est senti de la même
manière par chacun de nous, l’honneur national, échappant à cette unanimité
d’opinion, se trouve toujours l’objet de contradictions les plus étranges ;
comment, par exemple, à côté de cette déclaration faite par l’honorable député
de Tournay, que l’arrangement relatif à la banque blessait la dignité nationale
de trois membres de cette chambre appelés à juger cet arrangement avant sa
consommation, et qui ont dit n’y voir ni lésion pour l’intérêt public ni
dommage pour l’intérêt national ?
A l’opinion de ces trois
membres, je puis ajouter celle d’un quatrième qui, se trouvant indisposé, est
venu, sans aucune sollicitation, nous porter spontanément le secours de son
témoignage. Voici une lettre que nous sommes autorisé à publier dans le Moniteur. (Ici l’orateur donne lecture de la lettre de M. Davignon qui se trouve
en tête de la séance).
Je le disais tout à
l’heure, messieurs, on se réfugie volontiers sous l’égide de l’honneur
national, parce que ce mot a du retentissement dans tous les cœurs quand il
s’agit de couvrir de ce manteau brillant la nudité des attaques contre le
ministère. Et qu’il me soit permis à cet égard de jeter un coup d’œil
rétrospectif sur l’étrange abus qu’on a constamment fait de ce mot, qui
perdrait chez nous de sa valeur si l’on continuait à en abuser aussi
étrangement dans nos discussions.
Dès le 1er janvier 1831,
dès le début de notre révolution, lorsque sur l’injonction de la conférence, le
gouvernement provisoire, dans l’espérance d’obtenir la liberté de l’Escaut,
prescrivait que Maestricht, cerné par nos troupes et près de succomber, fût
immédiatement débloqué, du banc qu’occupe un honorable député de Soignies
s’élevèrent au nom de l’honneur national, les plus vives attaques contre le
gouvernement provisoire.
Les membres du
gouvernement provisoire, agissant alors, non en hommes qui ont peur de quelques
phrases sonores, mais en hommes d’Etat chargés d’une immense responsabilité,
firent débloquer Maestricht, et l’Escaut fut libre ; mais il le fut seulement
quelques jours après. Le commerce et l’industrie rendirent hommage au
gouvernement provisoire, qui n’avait pas été intimidé par de brillantes
déclamations.
Plus tard, messieurs (je
vous demande pardon d’entrer dans ces détails, je n’ai pas l’habitude de vous
faire des cours d’histoire), quand il s’est agi de la candidature du duc de
Leuchtenberg, nous reçûmes du gouvernement français l’invitation, je dirai
l’injonction, de ne pas procéder à cette élection, sous peine de rompre toutes
relations avec la France ; on alla même
jusqu’à notifier par écrit qu’on la regarderait comme un acte d’hostilité. Au
nom de l’honneur national, beaucoup de députés, et moi-même, qui apportais
alors ici plus de zèle que d’expérience des affaires, je me récriai contre cette espèce d’ordre,
que je trouvais humiliant. Le gouvernement provisoire trouva précisément dans
cette injonction les motifs les plus impérieux d’appuyer la candidature du duc
de Nemours, et la majorité du congrès, dirigée sans doute par les
considérations politiques qu’avait fait valoir le gouvernement, vota en faveur
du duc de Nemours, dans la crainte d’une crise entre
Arrivèrent les 18
articles. Les rôles alors étaient intervertis. C’est au nom de l’honneur
national que les plus vives attaques furent lancées contre l’adoption de 18
articles. Eh bien ! j’en appelle à vous tous, messieurs, sans l’adoption de ce
traité, y aurait-il une royauté belge, et sans royauté belge, y aurait-il une
Belgique ?...
Les 24 articles furent
le prix douloureux de revers dus à l’inexpérience, au relâchement des liens
sociaux, des règles de la discipline. Quand des hommes d’Etat, dont je loue le
courage dans cette circonstance, vinrent proposer l’adoption des 24 articles à
la suite de l’appréciation réfléchie des nécessités qui pesaient sur le pays,
c’est encore l’honneur national qui fut invoqué, et, je dois le dire, avec
éloquence et habileté.
Eh bien, sans de grands
efforts de dialectique, le gouvernement fit comprendre à la majorité des
chambres, qui fut bientôt celle du pays tout entier, que hors de l’adoption du
traité, il n’y avait pas de salut pour le pays ; que cette adoption était le
lien qui devait unir à l’Europe
Les mêmes attaques se
sont renouvelées dans différentes circonstances. L’expédition d’Anvers, qui
n’était que le commencement de l’exécution des 24 articles, qui devait amener
l’expulsion de l’ennemi d’une partie si importante de notre territoire alors
que cet ennemi menaçait de ses foudres la métropole du commerce belge ;
l’expédition d’Anvers fut qualifiée de crime dans cette enceinte avant même que
le gouvernement eût exposé le cours des opérations qui devaient conduire à ce
résultat. On disait que c’était une violation du pacte national, le déshonneur
de l’armée et de la nation ; et cette note du 2 novembre, qu’on nous reproche
encore aujourd’hui parce qu’on n’en comprend pas la portée, parce qu’on ne voit
pas que son exécution était l’adhésion du roi Guillaume aux 24 articles,
adhésion qui, si elle était possible, était le vœu du pays ; cette note devint
le texte d’une accusation contre le ministère, et tout cela au nom de l’honneur
national, Trois mois après la consommation du fait, lorsqu’à l’étourdissement
dans lequel une presse aveugle et passionnée avait jeté les esprits, eut
succédé le calme de la réflexion, on vota des remerciements à l’armée
libératrice. Etait-ce pour la remercier d’avoir déshonoré l’armée nationale et
le pays ?
La convention du 21 mai
rencontra sur quelques bancs la réprobation dont avaient été frappés les
différents actes que j’ai cités, et qui tous ont concouru à la consolidation de
l’indépendance belge. La convention du 21 mai, contre laquelle ni l’opposition
parlementaire, ni l’opposition extraparlementaire n’articulent plus mot, voici
comment elle était qualifiée, voici quelques-unes des accusations qu’elle
soulevait de la part d’un membre de l’opposition. :
« Le jour viendra
où je vous montrerai combien on nous a leurrés avec cette convention du 21 mai,
qu’on nous préconise d’une manière si étrange, etc.
« Lorsque par
l’incurie du ministère, je suis forcé de rougir d’appartenir à ce peuple de
braves qui sut en quatre jours conquérir son indépendance et renverser le
tyran, n’est-il pas permis à ceux de nous qui sentent encore leur cœur brûler
pour
Voilà, messieurs, ce
qu’on disait à propos de la convention du 21 mai, qui a reçu la sanction
solennelle de la représentation nationale dans tous les rapports officiels
qu’elle a eus avec la couronne.
Messieurs, on peut bien,
avec de pareilles phrases, fournir matière à un poème épique ; mais c’est en
prose qu’on traite les affaires d’un pays : la politique du 19ème siècle, qui
s’occupe des fonds publics, de l’industrie et des chemins de fer, est toute
prosaïque. J’ai regret de le dire : avec une telle politique, la poésie épique,
les tirades chevaleresques, n’ont rien de commun. Elles peuvent occuper
quelques esprits ardents pendant quarante-huit heures ; huit jours après on a
cessé d’en parler ; elles passent aux oubliettes avec d’autres épopées modernes
; et les noms de leurs auteurs ne figurent même plus nulle part, si ce n’est
dans le catalogue de quelques bouquinistes.
Je demande pardon à la
chambre d’un aussi long préambule, et j’arrive à la convention de Zonhoven.
Il est à remarquer que,
chaque fois qu’on a fait un pas dans l’exécution du traité du 5 novembre, les
mêmes accusations, les mêmes reproches, les mêmes épithètes n’ont pas manqué de
se faire entendre de certains bancs de cette chambre. Qu’est-ce à dire ? Que
l’exécution du traité du 15 novembre a éveillé des souvenirs douloureux ?
Personne assurément ne s’aurait s’élever contre de pareils sentiments ; mais
dépend-il de nous que l’exécution de ce traité ait lieu ou n’ait pas lieu ?
L’exécution de ce traité se lie-t-elle à la consolidation de l’indépendance
belge ? Voilà la question, La solution n’est pas douteuse pour des hommes
d’Etat. Eh bien, la conférence de Zonhoven n’est pas autre chose qu’une partie
de l’exécution de ce traité, que le complément de la convention du 21 mai, que
la mise en pratique de l’armistice indéfini qui lie
Les résultats matériels
de cet armistice, qui doit durer jusqu’au traité définitif, qui peut se
prolonger, par conséquent, au-delà toute prévision, sont déjà connus de vous et
du pays. Onze millions de dégrèvement en 1833, vingt-six millions pour 1834,
c’est-à-dire, jusqu’à ce jour ; six mois après la convention du 21 mai, un dégrèvement
de près de quarante millions au profit les contribuables, n’est pas de nature à
être considéré avec indifférence par ceux qui se sont constitués les défenseurs
presque exclusifs des intérêts du pays et de ce qu’ils appellent les sueurs du
peuple.
Demandez aux exploitants
des houillères de Liège dont les intérêts avaient tant souffert depuis trois
ans, demandez-leur quel fut le résultat de l’arrangement de Zonhoven ; ils
diront que c’est surtout depuis cette convention qu’ils ont pu écouler leurs
immenses magasins, que le combustible a même augmenté de plus de deux florins
par charretée en huit jours. Je pourrais aussi montrer des lettres en
opposition à celles qu’on a lues dans cette enceinte.
Mais, dira-t-on,
fallait-il acheter, de tels résultats par une lâcheté ? Non, messieurs, il
n’est pas plus permis à une nation qu’à un individu de se montrer lâche, même
pour de gros bénéfices. Mais il ne faut pas prendre pour véritable courage, je
ne sais quelle espèce de don-quichottisme qu’on voudrait parfois prescrire à un
gouvernement, et qui ne tient pas contre un examen sérieux et réfléchi.
Le gouvernement est
successivement et immédiatement exposé aux reproches les plus bizarres et les
plus contradictoires. Agit-il dans le sens de la conférence de Londres, de
Aujourd’hui que nous
nous avisons de n’être pas de l’avis de la conférence, on nous adresse un autre
reproche ; on nous dit : « Vous méprisez les avis de vos protecteurs, et
vous n’êtes cependant rien que par eux ; vous êtes bien audacieux d’agi d’après
votre libre arbitre, d’oser faire le contraire de ce que
Mais supposons,
messieurs, qu’immédiatement après la
convention du 21 mai, le paragraphe 1er de l’art. 4 eût été complètement
exécuté par la Hollande ; que la navigation de
Je vous le demande,
qu’aurions-nous pu répondre ? Il importe peu que les formes d’une réclamation
soient plus ou moins brutales, plus ou moins polies ; ce n’est pas là ce qu’il
faut examiner. Le droit existe-t-il, oui ou non ? telle est toute la question.
Si
Mais il n’en était pas
ainsi au commencement de juin ; l’idée d’une convention n’est venue au gouvernement
que parce qu’il y avait retard, dans l’exécution du paragraphe 1er de l’art. 4,
de la part de
Messieurs puisqu’on
accuse toujours le gouvernement belge de trembler devant
Ainsi, pendant six mois,
Mais, nous a dit un
honorable député à la séance d’avant-hier, vous avez dévié de votre système :
c’est là-dessus que je vous accuse. Je répondrai à l’honorable orateur que le
mérite de cette découverte ne lui appartient pas ; le ministre des affaires
étrangères lui-même, dans un discours imprimé, avait avoué qu’il y avait eu
déviation de son système, et cette déviation il l’a expliquée. Je demanderai à
la chambre la permission de lui rappeler brièvement en quels termes il le
faisait.
« Ainsi, le litige
ne portait plus que sur deux points, à savoir :
« 1° L’application
à
« 2° Les articles
de la convention de Mayence, dont les stipulations doivent être considérées
comme tendant à rétablir les relations habituelles de l’état de paix,
sont-elles applicables à
« La première
question relative à une convention spéciale pour le règlement de la navigation,
n’avait d’importance qu’autant que la seconde serait affirmativement résolue.
Or,
« Dans tous les
cas, les soussignés sont prêts à reconnaître qu’il n’y a rien, dans la
convention du 21 mai, qui oblige le gouvernement néerlandais à permettre aux
sujets belges d’entrer sur son territoire ou d’y introduire des marchandises
belges.
« Les Belges ont,
par cette convention, le droit de naviguer en remontant et en descendant tout
le cours de
« Cette décision
basée sur le droit des gens venant se joindre à la déclaration des
plénipotentiaires néerlandais, à Londres, que leur gouvernement maintenait les
mesures de prohibition que les puissances médiatrices lui reconnaissaient le
droit de prendre, la question d’une convention spéciale relative à la Meuse, la
seule encore en litige entre les signataires de l’acte du 21 mai, devait être
envisagée par le cabinet de Bruxelles sous un nouveau point de vue.
« Certes, avec
l’appui que
« Mais cette observation,
qui eût été rationnelle avant la décision émanée des deux puissances
médiatrices, était-elle opportune lorsque cette décision, jointe à la
déclaration faite postérieurement de la part du cabinet de La Haye devait nous
faire abandonner l’espoir de voir admettre dans la convention spéciale (en
supposant que
« Telle est la
première question que le gouvernement a dû examiner ; elle a donné lieu aux
considérations suivantes :
« Conclure une
convention de laquelle il fallait exclure les clauses renfermées dans les art.
5, 6, 7 et 10 de la convention de Mayence, c’était, de la part de
« Ne valait-il pas
mieux laisser, de notre côté, cette question sans solution ? Il n’y avait pas
de doute à cet égard. Et en effet, dans la situation actuelle de
« L’espoir qui
vient d’être exprimé n’est pas sans fondement ; il se base sur l’expérience
même des bateliers belges naviguant sur
« Ces
considérations devaient engager le gouvernement à ne point insister sur la
forme qu’il avait d’abord proposé d’adopter puisque la convention spéciale, à
laquelle on vient de faire allusion, n’était pas seulement devenue inopportune,
elle était encore complètement inutile. »
Voilà messieurs, sous
l’influence de quelles considérations nous avons agi, et je vous demande s’il y
a là rien qu’on puisse taxer de faiblesse ou d’abandon des intérêts du pays ?
Il peut y avoir erreur dans la manière d’envisager les faits, mais erreur que
tout homme d’honneur peut avouer sans crainte. Quant à moi, si j’avais
aujourd’hui à résoudre cette question, je la résoudrais encore comme elle a été
résolue alors par le gouvernement.
D’ailleurs, messieurs,
en soutenant l’opinion primitivement exprimée par nous, sous l’empire de faits
qui ont cessé d’exister, et qui, s’ils eussent existé, auraient prévenu ces
réclamations ; en persistant dans cette première résolution à nos risques et
périls, nous aurions bien pu trouver un appui moral dans
J’ai peine à concilier
les arguments de deux honorables membres de l’opposition. A entendre
l’honorable député de Mons, nous avons perdu sans retour l’occasion de stipuler
la liberté de la navigation de
L’un des deux honorables
représentants auxquels je fait allusion nous reproche d’avoir accepté
bénévolement la déclaration des commissaires hollandais à Zonhoven, portant que
s’il s’agissait d’introduire une clause (remarquez l’expression) relative à la
navigation de
Quoi, messieurs, quand
dans une convention on pose comme base l’existence de ce fait, et que les
commissaires néerlandais ont apposé leur signature à la reconnaissance d’une
condition stipulée comme prémisse des conséquences formulées en articles,
peut-on venir dire qu’on a négligé l’occasion d’assurer la libre navigation de
la Meuse ? J’en appelle à tous les jurisconsultes de cette chambre : le jour où
la navigation de
Cela ainsi posé, pour
qui était l’intérêt de conclure une convention militaire ? Pour les deux
parties.
Toutes ces précautions
ont été prises ; les communes ont été consultées et tout a été fait de commun
accord, de manière à accorder la route la plus courte, celle qui froissait le
moins les populations, avec les mesures les plus propres à prévenir des
vexations ; et je le répète tout cela a été fait avec le libre contour des
communes. Je relèverai ici l’inexactitude d’un orateur qui a prétendu que les
contrats avec les communes n’étaient signés que par un bourgmestre ou un
échevin ; ces contrats sont signés par 1e bourgmestre, les échevins ou les
assesseurs, et même par des conseils de régence. J’ajouterai qu’une commune,
celle de Werth, ayant refusé de consentir aux propositions de l’administration
de la guerre, on a renoncé à la prétention de la comprendre dans le parcours.
Je demande s’il est possible de respecter l’indépendance municipale plus que nous
ne l’avons fait dans cette circonstance.
Quant à la violation de
la constitution qu’on a prétendu trouver dans le passage de troupes étrangères
sur notre territoire, je dirai d’abord qu’il faut distinguer entre la
responsabilité légale et la responsabilité morale. La responsabilité légale est
à couvert, sans contredit, par le seul fait de la loi de 1831, loi générale,
absolue dans ses termes ; mais je me hâte d’ajouter que nous ne voulons pas
nous réfugier dans une interprétation judaïque qui nous mettrait à l’abri de
toute responsabilité légale, mais non de l’animadversion de la chambre et du
pays, si nous avions substitué ici le texte à l’esprit.
La convention du 21 mai
a reçu à différentes reprises la sanction de la chambre ; en l’approuvant, on a
dû supposer les moyens d’exécution : voilà sous quel rapport nous avons cru
pouvoir invoquer la loi de 1831, et en faire une application sanctionnée à
l’avance dans la convention du 21 mai.
Quant aux autre
accusations d’avoir violé la constitution, j’avoue qu’elles sont si profondes
que je ne puis que m’incliner et me taire, car je n’y comprends rien.
L’exemption des droits
de douane est la conséquence du libre passage ; c’est absolument de cette
manière que cela se pratique pour la garnison de Luxembourg quand
On nous fait encore un
reproche bien singulier : On nous demande pourquoi nous n’avons pas préfère de
concéder l’usage de la rive droite plutôt que celui de la rive gauche ; et
là-dessus l’honorable député du Limbourg, prétendant en savoir plus que le
ministre de la guerre lui-même, entre dans une espèce de discussion
stratégique. Moi, sans aborder cette partie de la discussion pour laquelle je
reconnais mon incompétence, je dirai que si, dans cette circonstance, des
populations méritaient d’être plus particulièrement ménagées, ce sont celles de
la rive droite ; ces populations, incertaines sur le sort qui leur est réservé,
n’auraient peut-être pas éprouvé le même sentiment de confiance, auraient
craint de ne pas rencontrer un appui aussi efficace dans les autorités belges.
Si nous avions concédé
la rive droite, on n’aurait pas manqué de nous adresser une accusation d’une
autre nature ; on nous aurait dit : C’est comme à l’époque du 2 novembre 1832,
vous êtes pressés de livrer ces populations ; c’est par anticipation de
l’exécution du traité du 15 novembre que vous procédez. Ne pouvant les livrer
au roi Guillaume, vous les livrez au moins à sa soldatesque. Voila l’accusation
que nous n’aurions pas évitée. C’est moins, du reste, pour y échapper que parce
que l’intérêt de ces pays le commandait, que nous avons donné la préférence à
la rive gauche.
Un honorable député du
Limbourg, auquel j’ai déjà répondu, a encore adressé d’autres graves reproches
au ministre de la guerre ; il a prétendu que le ministre avait compromis la
sûreté du pays en donnant aux troupes hollandaises un facile accès sur notre
territoire.
Le ministre a eu beau
lui dire : « Nous connaissons les forces de l’armée hollandaise, aucun de
ses mouvements ne nous échappe ; » ces assurances ne lui ont pas suffi :
il ne conçoit pas qu’on peut se passer même d’espions pour connaître les forces
qui entrent dans Maestricht ; qu’il est facile de savoir jour par jour, heure
par heure, combien d’hommes y entrent et sortent de cette place. Le devoir du
gouvernement est d’avoir toujours, sur un point menacé, des forces
proportionnées à celles de l’ennemi ; d’observer tous ses mouvements. La
concentration de nos forces sur ce point est d’autant plus facile que les autre
points sont à l’abri de toute attaque, tant que l’armistice sera observé.
Le gouvernement a donc
pris toutes les précautions que la prudence commandait. En même temps que le
préopinant exprimait ces crainte pour la sûreté militaire de la province, il
déclarait qu’il ne craignait pas la rupture de l’armistice par
Ce qu’on a dit du
maréchal Gérard est tout à fait dénué d’analogie ; car, lors de l’attaque
contre la citadelle d’Anvers, le maréchal Gérard n’était pas lié par une
convention du 21 mai ; il dictait ses ordres avec la pointe de son épée ; et il
ne faut tenir aucun compte des positions respective d’alors et d’aujourd’hui,
pour tirer quelque argument du parallèle qu’on a voulu faire. Du reste, j’avoue
que je ne vois pas comment une convention simultanée pour
En admettant qu’une
convention pour la liberté de la navigation de
Je ne terminerai pas
sans témoigner combien j’ai été péniblement surpris d’entendre, dans la
dernière séance, des paroles qui semblent porter plus haut que le ministère. On
a accusé le gouvernement d’agir dans des intérêts de caste et de dynastie,
c’est-à-dire de sacrifier les intérêts du pays à ceux du trône. Ces
insinuations sont injustes et peu parlementaires. Je regrette de devoir les
relever. Quoi donc ! A-t-on déjà perdu de vue la situation désespérée où se
trouvait
(Note du webmaster : Le discours qui suit est repris dans un
supplément d’un Moniteur dont la date n’a pas pu être déterminée. En outre
quelques errata ont été insérés dans le Moniteur belge n°347, du 13 décembre
1833) M. Gendebien. - Messieurs, je
pourrais, pour toute réponse au discours que vous venez d’entendre, renvoyer à
celui que j’ai eu l’honneur de prononcer à la fin de la séance de samedi
dernier. Le public a pu juger déjà de l’opinion que j’ai émise ; il jugera le
discours du préopinant. Je n’ai pas besoin d’invoquer nos antécédents
respectifs à l’effet d’attirer la faveur sur mes paroles ; je demande seulement
que l’on juge d’après les faits et les observations produites de part et
d’autre. Cependant, je ne puis me décider à passer sous silence tout ce qu’a
dit le préopinant, et la fin de son discours surtout me force à prendre la
parole.
J’ai dirigé, dit-on, mes
attaques plus haut que sur les ministres, et l’on a tiré texte de cette
supposition pour faire intervenir bien malencontreusement le nom du Roi. Quelle
est ici ma position ? C’est d’admettre pour vrais des faits faux ou de
contester ce que l’on a allégué relativement au Roi : c’est ce dont je me
garderai bien. Je n’imiterai pas le ministre imprudent, quoique chacun ait le
droit de contester ses assertions quand elles ne sont par conformes à la
vérité, et il est plusieurs faits que je ne puis admettre pour vrais.
Je ne répondrai donc que
par mon silence, et l’on jugera lequel de nous deux a manqué de respect pour
les usages parlementaires, lequel a compromis le nom du Roi.
Messieurs, on a commencé
par nous faire un long historique des diverses phases de notre révolution et
des actes importants des divers ministres qui se sont succédé depuis notre
révolution.
Je ne conçois pas
comment on a pu pousser la maladresse jusqu’à rappeler certaines époques,
certains faits qui, pour l’honneur du préopinant, devraient être dans l’oubli.
On a dit que l’on abusait étrangement du mot magique de l’honneur ; on a dit
que l’opposition couvrait du manteau brillant de l’honneur la nudité de ses
attaques contre les ministres. Eh ! messieurs, nos attaques ont-elles besoin de
tout ce brillant qu’on remarque dans les improvisations ministérielles,
méditées deux fois 24 heures à l’avance. Non, sans doute, nous parlons ici
comme nous sentons ; et nous ne disons même pas tout ce que nous sentons, parce
que nous ne voulons pas compromettre ce que ce que le ministère vient de
compromettre si inhabilement.
Nous abusons du mot
honneur, dites-vous ? Mais qui a le premier fait sonner bien haut ce mot, et au
congrès et aux chambres, qui a étrangement abusé de ce mot ? c’est vous, M.
Lebeau.
Je suis fâché de devoir
rappeler ici les circonstances où vous avez flétri d’avance l’homme dont vous
vous dites l’ami, et que vous vous vanté sans cesse d’avoir fait roi.
Rappelez-vous,
messieurs, que c’est en invoquant la parole du prince que M. Lebeau a dit,
relativement au Luxembourg : « Le prince en fait une affaire d’honneur… Je
défie à quelque prince que ce soit de réussir six mois en Belgique, s’il consent
à céder le Luxembourg. » Voilà comment on a abusé du nom du Roi ; voilà
comment on l’a déjà fait intervenir malheureusement dans nos débats. Voilà
comment on a abusé du mot honneur.
Lorsque le gouvernement
provisoire, vous a-t-on dit, a ordonné le déblocus de Maestricht, on a crié au
déshonneur. Le gouvernement provisoire, aurait-on dû dire, eut l’énergie, avec
cinq ou 6,000 volontaires, de faire ce que vous n’avez pas fait avec 110,000
hommes
Une convention avait
assuré la libre navigation de l’Escaut ; le roi de Hollande hésitait à
l’exécuter : eh bien, le gouvernement provisoire fait mettre le blocus devant
Maestricht ; et, avec une armée de cent dix mille hommes, vous vous laissez
imposer les conditions les plus humiliantes. Le brave général Mellinet se porta
sur Maestricht avec 1,5,000 volontaires ; et vous, au 18 novembre, vous ne vous
êtes pas cru assez fort avec cent dix mille hommes pour appuyer vos justes
prétentions, alors même qu’elles étaient soutenues par la conférence !
Ce n’est pas le gouvernement
provisoire qui a fait lever le blocus, c’est le régent. Le gouvernement
provisoire en donna l’ordre, mais il ne fut exécuté que longtemps après que
l’Escaut fut libre, et longtemps après que le congres l’avait décrété. On doit
se rappeler que, dans une séance du soir, les députés du Limbourg et M. Charles
de Brouckere ont prouvé par plusieurs lettres que le blocus ne remplissait pas
son but, et n’empêchait pas qu’on ne fît à Maestricht d’excellents repas de
famille. Comment, en effet, aurait-on pu faire un blocus réel avec 1,500
hommes. J’aime à croire que, s’ils en avaient reçu l’ordre, nos volontaires
seraient entrés dans Maestricht en passant par-dessus les murs, même sans
échelles ; mais quelques braves qu’ils fussent, ils ne pouvaient se multiplier
de manière à interrompre toutes les communications. D’ailleurs, verser du sang
n’est pas un jeu, n’est pas une chose que l’on confie au hasard. Nous avons
librement consenti le déblocus, et nous avons eu le courage que vous n’avez
jamais eu ; nous avons dépassé les lignes derrière lesquelles nos volontaires
devaient rester. Nous n’avons commencer à respecter les conventions, que
lorsque
On vous a dit, messieurs,
et je ne sais quel remords a rappelé au préopinant le souvenir de cette époque,
on vous a dit que, lors de l’élection du duc de Leuchtenberg, le gouvernement
français intima avec menace au gouvernement provisoire de ne pas procéder à
cette élection ; on cria au déshonneur, mais le gouvernement provisoire n’en
proposa pas moins l’élection du duc de Nemours. Eh bien, rien de cela n’eut
lieu. Voulez-vous savoir ce qui a été fait ? M. Sébastiani, alors ministre des
affaires étrangères, écrivit que
Voilà ce que dit le
ministre français. S’il avait tenu un autre langage, nous eussions repoussé sa
lettre. Nous n’aurions jamais imité la conduite de M. Lebeau, qui reçut la
lettre infâme de Ponsonby, et vint nous la lire à la tribune. Cette lettre nous
menaçait de la perte du nom belge. Elle était plus insultante que celle qu’un
maître peut adresser à ses esclaves. J’adjure l’assemblée de relire la lettre
adressée à M. Lebeau ; c’est un curieux document historique.
M. Lebeau a la mémoire
courte ; il devrait se rappeler que ce n’est pas le gouvernement provisoire,
mais un grand nombre de membres du congrès qui ont proposé l’élection du duc de
Nemours.
Il devrait se rappeler
que, de retour de Paris, je suis venu rendre ici les propres paroles que
j’avais reçues en réponse à la mission dont j’étais chargé. Je devais demander
si le roi des Français donnerait son fils le duc de Nemours à
Je me rappelle tous les
détails de cette mission et d’ailleurs toutes les démarches ont été rendues
publiques et prouvent que je n’ai pas imité la honteuse duplicité du ministre
Lebeau au sujet de l’élection de Leuchtenberg. Le congrès, pas plus que le
gouvernement provisoire, n’a cédé à la peur en élisant le duc de Nemours, car
84 membres de cette assemblée en avaient fait la proposition avant l’arrivé de
la lettre de M. Sebastiani, qu’on a si mal à propos rappelé pour en dénaturer
le sens et les expressions.
On a dit que l’on avait
encore invoqué le talisman de l’honneur pour repousser les 18 articles. Eh
bien, oui ; et l’on avait raison, tous les faits qui se sont passés depuis
prouvent combien on avait raison. Pourquoi repoussions-nous les 18 articles ?
Nous disions, avant l’élection du Roi, qu’il fallait profiter de notre position
vis-à-vis des puissances qui avaient le plus grand intérêt à nous constituer
afin d’éviter les effets de la propagande, et surtout pour nous empêcher de
nous donner à la France ; cette occasion perdue pour nous, les puissances
revinrent à leurs protocoles des 20 et 27 janvier 1831.
Les 18 articles arrivent
: M. Lebeau affirme qu’il y était tout à fait étranger, bien qu’il les eût
négociés et sollicités ; il n’osa pas même les présenter sous sa responsabilité
; ce sont dix membres du congrès qui en furent les parrains. Il a donc, sous ce
rapport, raison de vanter le courage de ceux qui ont présenté les 24 articles,
car lui n’a pas eu le courage de présenter les 18 articles qui étaient son
ouvrage.
Nous repoussions ces 18
articles, parce qu’ils n’étaient que la traduction des protocoles contre
lesquels le congrès avait protesté énergiquement et que la nation repoussait
avec indignation ; ils étaient un moyen de nous faire adopter ces protocoles ;
il y avait déshonneur à les admettre, puisque c’était revenir sur une décision
du congrès, c’était une atteinte à la constitution, qui avait déclaré
l’intégrité du territoire. Depuis, de nombreux aveux de ceux mêmes qui les ont
négociés et sollicités prouvent que nous avions raison de dire que l’honneur
national les repoussait.
Les 24 articles, dit M.
Lebeau, ont été accueillis comme les 18 articles ; je laisse à chacun
d’apprécier de quel côté fut la raison. Depuis deux ans que le traité du 15
novembre est accepté, je demande si nous en sommes plus avancés.
Mais depuis longtemps ce
traité des 24 articles n’existe plus que comme base d’un nouveau traité
définitif et irrévocables ; et c’est parce que la convention du 21 mai
remettait en question le traité définitif et irrévocable, c’est parce qu’il
ordonnait la levée du blocus et faisait cesser toutes les mesures coercitives
qu’il a été repoussé. Aussi, dans les conférences qui ont eu lieu à Londres,
vous avez offert à Hollande, et vous n’oseriez le nier, la moitié des droits
qu’elle demandait sur l’Escaut et les eaux intérieures, et relativement au
transit, c’es parce que le roi Guillaume ne se contentait pas de vos
concessions qu’il n’y a pas eu un nouveau traité définitif. Et vous aurez
encore la honte de vous donner un démenti à vous-même si vous avez la faiblesse
d’accepter le traité définitif qu’on vous proposera, car vous passerez par
toutes les conditions qu’on vous imposera.
L’expédition d’Anvers a
été déclarée déshonorante, et 3 mois après on en a reconnu l’utilité, dit le
ministre. Personne n’a jamais contesté l’utilité de la possession de la
citadelle d’Anvers, mais tout le monde vous a dit que la note du 2 novembre
était déshonorante pour
Nous nous sommes plaints
aussi de ce que l’on avait exclu l’armée belge de l’honneur de combattre, et à
cet égard je pourrais invoquer le témoignage d’un haut personnage : ce n’est
pas celui du Roi, c’est celui d’un brave maréchal auquel on peut s’en rapporter
pour la question d’honneur. Il voulait, si je suis bien informé, retourner en
France, parce que l’on ne voulait pas permettre que l’armée belge prît part aux
dangers d’Anvers. M. Lebeau et moi, nous avons sans doute une définition
différente de l’honneur. Quant à moi, je m’en tiens à la mienne. Il me
permettra, j’espère, de la préférer à la sienne.
Enfin, messieurs, on
vous a vanté les avantages du traité du 21 mai. Il doit produire, pendant
l’année 1834, 40 millions d’économies, nous en attendrons la réalisation. Mais
nous avons le droit de douter des résultats, car veuillez-vous rappeler que les
18 articles devaient diminuer notre budget de 50 p. c., devaient réduire de 25
millions les dépenses de l’armée. M. Lebeau nous reprochait d’arrêter la main
prête à recevoir la quittance de la dette, et depuis lors vous savez ce qui est
arrivé. Non seulement nous paierons la dette hollandaise, mais elle sera
doublée par la nôtre, si nous restons dans un système qui n’est ni la paix ni
la guerre.
Mais, dit-on, demandez
aux exploitants de Liége les avantages qu’ils retirent du traité de Zonhoven ;
qui donc a contesté les avantages de l’ouverture de la Meuse ?
C’est, au contraire,
parce que ces avantages sont immenses, vous disais-je samedi dernier, que vous
deviez saisir l’occasion qui se présentait d’en faire l’objet d’une stipulation
; vous avez si bien compris vous-même cette nécessité que deux fois vous avez
rompu les négociations parce que
Comment, poursuit le
ministre, concilier l’opinion de deux membres de l’opposition ? l’un prétend
que
En fait d’opposition, je
ne comprends pas le langage du ministère. Je ne sais si l’honorable député du
Limbourg est ou n’est pas de l’opposition : pour moi, je prétends n’être
d’aucun parti, d’aucune coterie, n’importe le nom qu’on lui donne ; je ne
connais que mes devoirs ; je saurai toujours les remplir sans m’informer avec
qui je marche ; je n’ai aucune relation avec l’honorable députe du Limbourg, je
n’ai pris conseil que ma conscience. A part l’état réel ou fictif de
Maestricht, vous aviez pour vous un traité, celui du 21 mai ; et c’était en
conséquence de ce traité qu’il fallait saisir l’occasion d’agir vigoureusement
: la conférence non seulement vous en donnait le conseil, mais elle vous
assurait que vous en aviez le droit ; elle vous donnait gain de cause sur
toutes vos prétentions.
A ce sujet que dit M.
Lebeau ? Chose étrange ! s’écrie-t-il, on nous accuse de nous laisser depuis
deux ans traîner à la remorque de
S’il y a là progrès,
c’est progrès de peur. Autrefois, on n’osait pas, parce qu’on craignait de
blesser la conférence ; mais aujourd’hui on n’ose plus, alors même qu’on y est
encouragé par la conférence, alors même qu’il s’agit d’exécuter ses arrêts qui
nous donnent gain de cause. Mais vous faites injure à
Comment qualifier une
telle conduite ? si ce n’est point là de la honte, je dois convenir que sous ce
rapport comme sur celui de l’honneur, ma définition ne ressemble en rien à
celle de M. Lebeau. De deux choses l’une : ou il y avait incurie quand vous
avez insisté, pendant 5 mois dans les conférences de Zonhoven, pour obtenir ces
clauses, ou il y avait incurie aujourd’hui à ne pas persister quand on vous
accordait gain de cause. Choisissez de tous les côtés il n’y a qu’incurie et
honte.
M. Lebeau a parlé de
don-quichottisme, M. Lebeau a fait à l’opposition un reproche de
don-quichottisme ; mais le reproche est trop plaisant dans la bouche de M.
Lebeau. Quoi, c’est M. Lebeau qui ose ainsi accuser l’opposition ! Le
don-quichottisme, si j’en connais la définition, est la provocation
malencontreuse et incessante d’un homme qui recule toujours. Eh bien,
rappelez-vous les provocations de M. Lebeau.
Ne vous a-t-il pas dit :
La moindre menace de la part de
Eh bien, messieurs, il
est venu, et le ministère Lebeau et son don-quichottisme ont été flétris dans
les champs de Louvain et d’Hasselt : son système et sa nullité ont été mis dans
toute leur honteuse nudité. Si la nation et si la chambre avaient à me reproche
un fait de cette nature, non seulement
je donnerais ma démission, me considérant comme indigne de représenter un
peuple libre et brave, mais je m’enfoncerais cent pieds sous terre pour cacher
ma honte à tous les regards ; et c’est M. Lebeau qui ose accuser l’opposition
de don-quichottisme !
On a lu des passages du
rapport de M. Goblet pour justifier la malencontreuse convention de Zonhoven,
on a lu des passages d’une note de la conférence où elle donne le conseil de
s’entendre : mais on n’a pas lu le passage de cette même note que j’ai lu à la
séance de samedi, et qui condamne, en toutes lettres, les propositions de
On est revenu sur le
considérant de la convention de Zonhoven, et le ministre de la justice a osé
faire un appel à tous les jurisconsultes : moi, qui n’ai pas, comme M. le
ministre de la justice, la prétention d’être jurisconsulte, et qui ne dois pas
l’être comme lui par mes fonctions, mais qui suis simple avocat depuis 23 ans,
je n’ai jamais entendu dire que les considérants d’un arrêt ou d’une convention
puissent avoir le même effet que le dispositif, encore moins qu’ils puissent le
remplacer.
C’est dans le dispositif
d’une convention que vous trouvez les points consacrés et non dans les
considérants. C’est là un des premiers éléments de la jurisprudence ; vous
n’avez donc rien dans votre considérant, puisqu’il ne se trouve reproduit dans
aucun des articles.
Admettons un instant
qu’à l’aide du bouleversement de toutes les doctrines, on puisse chercher une
stipulation dans les considérants ; voyons en fait ce qu’on peut trouver dans
ceux de Zonhoven. Voilà le passage que le ministère appelle à son aide :
« Considérant que
la déclaration de messieurs les plénipotentiaires des Pays-Bas dans la note
remise par eux le 14 septembre passé, a établi que la navigation de
Que signifie cette
déclaration si ce n’est que la navigation est libre. Mais pour constater ce
fait vous n’avez pas besoin d’un considérant ; M. Lebeau vous a dit lui-même
que la déclaration d’un bureau constatait le même fait. Remarquez que le
considérant ne fait que constater un fait actuel ; mais constate-t-il un fait
pour l’avenir ? Non, messieurs, il ne contient donc et à plus forte raison
aucune stipulation ni pour le présent ni pour l’avenir. Les plénipotentiaires
hollandais n’ont pas fait autre chose que ce qu’aurait fait un homme qui aurait
été voir passer les bateaux et qui aurait ensuite dit :
Il est une observation
sur laquelle on a gardé le silence, qu’on n’a pas même essayé de réfuter.
J’ai dit samedi dernier
que la note mentionnée dans le premier considérant de la convention de Zonhoven
est du 14 septembre ; or, veuillez ne pas oublier que c’est quinze jours plus
tard, c’est-à-dire le 29 septembre, que la conférence, répondant à cette note,
la regardait comme insuffisante, condamnait les prétentions de
Vraiment, messieurs, il
y a découragement bien légitime quand on est obligé de revenir sur des choses
aussi claires et démontrées, jusqu’à l’évidence et jusqu’à satiété.
Messieurs, j’avais
l’intention de terminer là ma réponse. Cependant je ne puis, malgré moi,
m’arrêter. Il faut que je m’explique une bonne fois au sujet du reproche que le
ministre de la justice m’adresse en terminant son discours. J’ai l’habitude
d’être franc ; j’ai l’habitude de dire toute ma pensée et je ne crains pas de
mettre toutes mes actions au grand jour ; ce sera d’ailleurs le moyen de faire
taire certains propos colportés en secret.
Eh bien, je déclare
nettement, lorsqu’il s’est agi, au congrès de la question de savoir si on
établirait la royauté ou une autre forme de gouvernement en Belgique, j’étais,
en principe, comme plusieurs de mes collègues, tout à fait disposer à repousser
la royauté et même à admettre la république, quoique ce mot effraie à tort bien
des gens. Il est un membre du gouvernement provisoire, ici présent, qui doit se
souvenir pour quelles raisons le gouvernement provisoire ne se décida pas à
proclamer la république. Il n’a pas oublié qu’il a eu plus de peine que moi à
renoncer à l’établissement de la république ; et s’il y a renoncé, c’est parce
qu’il n’a pas voulu même une apparence de dissidence au gouvernement
provisoire.
Nous partagions tous à
peu près les mêmes principes politiques, mais nous étions dans la position d’un
peuple dont la révolution avait singulièrement remué l’Europe et effrayé les
souverains absolus qui nous environnaient. Notre amie
Au congrès les mêmes
idées ont été partagées par beaucoup de membres. Il a été reconnu tout d’abord
que la forme monarchique aurait une majorité notable. Que devait faire le
gouvernement provisoire ? Il ne pouvait proclamer la république quand la
majorité était contre elle. Voilà ce qui a déterminé le gouvernement provisoire
à agir comme il l’a fait. Nous considérâmes tous que la royauté pouvait être
établie de la même manière qu’en France, qu’on pouvait en faire une monarchie
républicaine ou une république monarchique. Nous avons voulu faire un nouvel et
dernier essai de la royauté.
On nous la dépeignait
sous des formes si séduisantes, sous le costume d’un bon bourgeois, se
promenant à pied le parapluie sous le bras ; nous nous étions fait, d’après ces
peintures, une idée telle de la royauté que nous étions persuadés qu’elle ne
sortirait pas de cette modeste allure ; mais d’un autre côté nous avions
confiance ; s’il ne s’agit pas ici du Roi régnant, on ne savait pas alors
qui sera élu ; plusieurs candidats se présentaient, et M. Lebeau était
constamment en quête tantôt c’était le prince Othon, le duc d’Arenberg, le
prince de Ligne ; M. Lebeau n’avait d’exclusion que pour le prince de
saxe-Cobourg, qui fut son dernier candidat ; nous avions, dis-je, confiance
dans un roi qui devrait tout à notre choix, et accepterait les conditions que
nous lui imposerions.
Nous voulions donc une
monarchie dans l’intérêt du peuple ; et nous pensions qu’en définitive, une
constitution telle que nous voulions la faire, étant bien exécutée, n’étant
interprétée par aucun ministère, car aux chambres seules appartient le droit
d’interprétation, nous n’avions rien à craindre pour nos droits, et nous
consentîmes la royauté. Mais aujourd’hui, messieurs, réfléchissez-y bien, nous
sommes loin de tous ces éléments qui ont déterminé nos résolutions. Quand, en
décembre 1830, je me suis chargé avec mon collègue Van de Weyer de combiner un
mariage entre un prince français et une princesse anglaise, ou entre un prince
anglais et une princesse française, c’était, bien entendu, à la condition que
le prince ferait respecter l’intégrité du territoire ; à la condition que, ne
désertant aucune des droits de
Pour l’armée, messieurs,
les actes du premier ministère ne sont-ils pas subversifs de votre révolution ?
n’a-t-on pas sacrifié tous les hommes de cette révolution ? ne les a-t-il pas
calomniés, même dans cette enceinte ? Et, croyez-vous qu’un homme qui s’est
livré tout entier à la révolution, dans l’espoir de faire quelque bien à son
pays, puisse douter que c’est la révolution qu’on attaquée dans les hommes, et
au profit d’une dynastie qui a cru ne pouvoir se maintenir qu’en offrant en
holocauste les éléments révolutionnaires aux despotes dont on mendiait la
reconnaissance ? oui, messieurs, j’ai cru pour un instant que le peuple pouvait
être heureux avec une dynastie ; mes illusions sur la royauté sont passés, je
n’ai plus la même confiance en cette institution.
Je le déclare
ouvertement, plus j’ai médité sur cette question élevée relative à la forme des
gouvernements, et plus je suis convaincu que les royautés à dynasties sont
pernicieuses pour les peuples. En voici la raison : il s’établit aussitôt deux
intérêts ; l’intérêt du pays et l’intérêt de la gloriole de la dynastie ; or,
l’intérêt du pays n’est bientôt plus que secondaire ; il est toujours négligé
et sacrifié au profit de l’autre intérêt, qui est bientôt considéré comme la
base et le principe de tous les autres ; c’est ce qu’on ne cesse de vous
répéter chaque jour.
Je ne dis pas que la
royauté soit absolument inconciliable avec le bonheur du pays : si, au lieu de
payer certains journaux pour insulter les hommes qu’on désespère d’effrayer ou
de corrompre ; si on s’occupait des intérêts de tous, sans distinction de
castes ; si on savait se dépouiller de tout préjugé ; si on prenait pour règle
unique la constitution et rien que la constitution, on pourrait bien gouverner,
et avec beaucoup moins de peine qu’on ne s’en donne pour mal faire. Par la
constitution on écarterait la légion de ces parasites qui tendent sans cesse la
main ; on soulagerait l’administration des trois quarts de sa besogne, car on
perd plus de temps à écouter les solliciteurs ou à exciter l’appétit d’hommes
qu’on veut s’attacher, que l’on n’en emploie pour l’administration du pays.
Chacun connaissant ses
droits et ses devoirs, administrants et administrés, au lieu de perdre leur
temps en intrigues et sollicitations, travailleraient tous à la prospérité et à
la gloire de la commune patrie.
Je n’aurai foi dans une
dynastie que lorsque j’aurai vu la constitution considérée comme sacrée aux
yeux de tous ; lorsque j’aurai vu le chef de l’Etat briser comme verre le
ministère qui y porterait la plus légère atteinte.
Il est temps encore, on
peut rentrer dans la constitution : que des hommes nouveaux la mettent à
exécution ; qu’ils ne s’occupent point des partis : les partis ne se sont
formés, en Belgique comme en France, que parce qu’ils ont vu le gouvernement
dévier de son origine, et méconnaître le principe de son existence ; faites
exécuter la constitution envers et contre tous ; rendez justice à chacun ;
appuyez-vous sur l’honneur et les susceptibilités nationales, ne vous laissez
pas insulter par des négociateurs hollandais. Dans une lettre adressée par un
général hollandais à un major belge, on ne daigne pas même parler du
gouvernement belge ; un simple général vous trouve indigne, vous membre du
gouvernement et qui représentez quatre millions d’habitants, d’une
correspondance directe, et cependant vous regardez sa lettre comme un bienfait,
comme un titre remplaçant des stipulations que vous aviez le droit d’exiger.
Hommes
du gouvernement, faites votre devoir en gens d’honneur ; avec dignité à
l’extérieur, avec zèle et justice à l’intérieur ; ne connaissez aucune coterie
ni dans cette enceinte, ni hors de cette enceinte ; dégagez-vous de toute
prévention comme de toutes suggestions. Et nous, qui n’agissons et ne parlons
que par conviction, nous sommes tous disposés à céder à une conviction
contraire à celles qui nous anime aujourd’hui, quand on prouvera qu’on veut
soutenir les intérêts matériels et moraux de la nation. Alors on trouvera de
l’appui dans
(Moniteur belge n°345, du 11 décembre 1833)
M. Pollénus. - Le ministre de la justice m’a
adressé le reproche d’être en contradiction avec moi-même ; la lecture de
l’opinion que j’ai émise lui eût prouvé le contraire. J’ai manifesté des
craintes ; en voici les motifs : Les dispositions de la convention du 21 mai ne
me paraissent pas rassurantes ; de plus, le projet de loi présenté par le
ministre de la guerre sur le contingent de l’armée est loin de me rassurer. On
nous demande de conserver l’armée sur le même pied qu’en 1833, parce que,
dit-on, il est impossible de prévoir les événements. Je suis sans doute de
l’avis du ministre ; mais, en partageant son avis, je n’ai pas plus de
sécurité.
M. Dumortier. - J’ai fait des interpellations
graves au ministère sur la manière dont il interprète des lois importantes.
J’ai demandé si par l’une il se croyait autorisé à introduire nos ennemis
mortels sur notre territoire ; si par d’autres il était prêt à violer de
nouveau la constitution, et à faire de nouvelles concessions : le ministre de
la justice a gardé le silence sur ces points. S’il ne fait aucune réponse, je
serai forcé de renouveler mes interpellations. Il faut que l’on sache si nous
sommes vendus, si nous sommes liés par les actes ministériels. Si le ministère
arrivait avec un traité tout fait, faudrait-il sacrifier le pays, ou sacrifier
la parole royale ? J’attendrai une réponse avant de faire de nouvelles
interpellations.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je déclare que si c’est en
qualité de président du conseil qu’on m’interpelle, je n’ai rien à répondre. Si
je m’attachais à la forme sous laquelle l’interpellation est faite, je me
renfermerais dans le silence, parce qu’elle n’est pas parlementaire : mais je
dirai à la chambre, et non à l’orateur, que, selon moi, le traité du 15
novembre a épuisé les effets de loi toute spéciale qui a autorisé ce traité.
M. Dumortier. - Je demande acte des paroles du
ministre, parce qu’elles sont de la plus haute importance ; elles doivent être
insérées dans le procès-verbal.
Je désirerais que M. le
ministre des affaires étrangères fût présent ;
j’ai plusieurs observations à présenter sur la convention de Zonhoven.
M. F. de Mérode. - Faites toujours vos observations
; le ministre les lira dans le Moniteur.
M.
Dumortier. - Si l’on ne clôt pas la discussion, je pourrai parler
demain ; l’heure est avancée.
M. F. de Mérode. - Parlez ! parlez ! On ne peut pas
continuer la discussion pendant 10 jours.
M.
Dumortier. - Puisque le ministère a jeté le gant à la nation, puisqu’il
a méconnu ses devoirs les plus sacrés, puisqu’il a méconnu la dignité royale
dont il est le représentant, je parlerai, et dût la discussion continuer 10
jours, le temps sera bien employé en combattant un acte aussi désastreux que la
convention de Zonhoven.
- L’honorable membre
commence en effet à développer quelques considérations sur cette convention ;
mais à peine est-il entré dans quelques détails qu’un grand nombre de membres
se lèvent et quittent la salle.
MM. les représentants
n’étant plus assez nombreux pour délibérer, la discussion est continuée à
demain.
La séance est levée à
quatre heures et demie.