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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 décembre 1833
1) Projet de loi portant le contingent de l’armée pour l’année 1834
2) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834. Discussion générale. (Société générale (Lardinois, Dumortier, Lebeau, Legrelle, de Robaulx, de Brouckere, Dumortier, Pirson, Dubus, Legrelle, Dumont, Duvivier, de Robaulx, Dumortier, Duvivier, de Robaulx, de Brouckere, Verdussen, A. Rodenbach, de Brouckere, Dumortier, de Robaulx, de Brouckere, Verdussen, Legrelle, Dumortier, Coghen), administration et fabrication de la monnaie (Dumortier, Duvivier, Legrelle, Duvivier, A. Rodenbach, Duvivier, Dumortier, Meeus))
(Moniteur belge n°342, du 8 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à
midi et demi.
M. de Renesse fait l’appel nominal.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la
rédaction en est adoptée.
Les pièces adressées à
la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions, et quelques-unes à la
commission de l’industrie.
PROJET
DE LOI PORTANT LE CONTINGENT DE L’ARMEE POUR L’ANNE 1834
M. le ministre de la guerre (M. Evain) prend la parole pour présenter un
projet de loi relatif au contingent de l’armée.
- Le projet est renvoyé
à la commission chargée du budget de la guerre.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Discussion
générale
M.
le président. - M. Dumortier a déposé une proposition sur le bureau. Il
demande la nomination d’une commission de 7 membres pour examiner la situation de
la banque dans ses rapports avec le trésor public.
M. Lardinois. - Je demanderai que la
délibération sur la proposition de M Dumortier soit renvoyée à demain. Nous
examinerons les pièces déposées par le ministre des finances, et nous verrons
celles qu’il faut encore demander. Il paraît que la chambre a fait divers
paiements qui ont été déduits du solde. Le gouvernement réclamait sept millions
; la banque prétend n’en devoir que six.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Les pièces que désire le
préopinant sont à la trésorerie, et elles pourront
être imprimées et distribuées.
M.
Dumortier. - Il me semble que la demande de M. Lardinois peut très bien
marcher avec la proposition que j’ai l’honneur de faire. Je demande que l’on
nomme une commission pour examiner la situation de la banque relativement au
trésor ; l’orateur demande communication de documents, mais les documents qu’il
désigne ne sont pas les seuls importants à connaître. Nous ne les connaîtrons
tous que lorsqu’une commission aura examiné la question. Indépendamment du
compte général de la banque vis-à-vis du royaume des Pays-Bas, je demanderai un
autre compte.
Après la révolution on
disait que la banque avait un encaisse de 10 millions de florins ; remarquez
qu’il ne s’agit plus de 6 millions ; 4 millions de différence. La banque
alléguait des dépenses imputées sur ce capital ; cependant nous savons qu’elle
a refusé de payer des imputations de dépenses. Il n’y a qu’une émanation de la
chambre qui puisse examiner tout cet arriéré ; si nous discutions actuellement
sur toutes ces questions, nous serions arrêtés à chaque instant. La commission
appuiera son travail sur tous les documents qu’elle se procurera et qui seront
imprimés.
Les rapports de la
banque avec l’ancien gouvernement ne se bornent pas à ceux de caissier de
l’Etat : elle avait encore des rapports du chef du syndicat, du chef de la
liste civile ; elle a maintenant des rapports avec le gouvernement du chef du
séquestre.
Il
est possible que la banque, comme je l’ai déjà dit, ait une bourse dont les
écus sont à Bruxelles, mais dont les cordons sont à La Haye. Il s’agit de 20 à
30 millions, et il faut qu’une commission éclaircisse la question afin que la
discussion marche rapidement. J’appuie la demande que fait M. Lardinois
d’imprimer et de distribuer tous les documents, et je demande en outre une
commission d’enquête
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le ministère n’a certes aucun
intérêt à ce que la proposition de l’honorable préopinant soit accueillie. Plus
la chambre se saisira de toutes les questions relatives à la banque, et plus la
position du ministère deviendra commode. Mais je ne peux me dispenser de rappeler
à la chambre un de ses antécédents. Je lui ferai remarquer que lorsque les
administrateurs de la banque, provoqués à cette démarche par des accusations
sorties de cette enceinte contre l’institution qu’ils dirigent, se sont
adressés à la chambre pour obtenir ce que demande le préopinant, la nomination
d’une commission, la pétition qui avait cet objet en vue a été écartée par
l’ordre du jour, sur la proposition unanime de la commission des pétitions.
Le motif des conclusions
de la commission des pétitions était que les démarches à faire pour arriver à
la liquidation de toutes les sommes que le gouvernement est en droit de
réclamer, étaient un objet gouvernemental qu’il fallait laisser tout entier à
la responsabilité ministérielle.
Qu’est-il arrivé ? Tout
en passant à l’ordre du jour sur le motif principal de la demande, on a en même
temps, sur la proposition d’un membre, renvoyé la pétition au ministre des
finances pour qu’il eût à faire son devoir.
Le ministre,
interprétant la démarche de la chambre dans son sens naturel, a nommé une
commission ; où a-t-il choisi cette commission ? Dans le sein de la chambre
elle-même.
Il a mis dans le choix
des membres de la commission une telle circonspection, une telle impartialité,
que deux honorables députés qui combattent habituellement le ministère ont été
appelés à en faire partie ; je crois que l’on ne peut qualifier de ministériel,
épithète qui fait aujourd’hui trembler tant de gens de cœur, l’honorable membre
auquel j’ai répondu hier à la fin de la séance.
N’y a-t-il pas quelque
inconvenance à nommer une nouvelle commission ? Cette nouvelle nomination ne
pourrait-elle pas apparaître comme un acte de défiance qui n’est, j’en suis
sûr, ni dans l’intention de l’honorable député de Mons, ni dans celle de
l’honorable député de Tournay ? La première commission n’a pas épuisé son
mandat.
Mettez-vous
à la place de cette commission ; demandez-vous s’il n’y a pas quelque chose de
tant soit peu blessant pour elle dans le choix d’une commission nouvelle ? Je
ne cherche pas à imposer mon opinion à la chambre ; mais je dis ce que
j’éprouve. Le but que se propose l’honorable préopinant peut être atteint : la
commission déjà nommée a eu soin de se faire remettre tous les documents
nécessaires, et quand elle fera son rapport, elle l’accompagnera de toutes les
pièces à l’appui. Je crois que mon opinion s’appuie sur des considérations
assez importantes pour mériter d’arrêter un moment l’attention de la chambre.
M.
Legrelle. - Je pense que la nomination d’une commission est
indispensable pour nous guider dans la discussion et pour empêcher qu’elle ne
traîne en longueur. Les travaux de cette commission n’interrompront pas notre
examen du budget des voies et moyens. Ce n’est pas au bout de quelques jours,
ce n’est peut-être pas au bout de quelques semaines qu’elle pourra vous faire
un rapport. J’opine d’autant plus à ce que l’on continue la discussion des
voies et moyens, qu’en portant à l’article 600 mille francs pour recette, nous
ne préjugeons rien. Je n’approuve aucunement la conduite du ministère, mais je
regarde comme un acompte cette somme de 600 mille francs, et c’est pour ce
motif que je voterai l’amendement du ministre des finances.
Dans les pièces
distribuées aujourd’hui rien ne détermine le solde de la banque ; nous voyons
la correspondance singulière de la banque avec le ministère, mais nous ne
voyons pas le solde de caisse. Je demande une note détaillée de ce que la
banque a reçu, même depuis la révolution, et des dépenses qu’elle a été
autorisée à faire.
Elle a reçu 280 mille
francs pour le monnayage ; cette somme est-elle comprise dans les comptes qu’on
nous présente ?... M. le ministre des finances fait un signe affirmatif.
Quant à l’inconvénient
de nommer une nouvelle commission, elle me paraît plus spécieuse que réelle :
les honorables membres qui composent l’ancienne commission ne sauraient
s’offenser d’une nouvelle nomination.
Il
y aura pour la chambre une grande différence entre la commission nommée pas le
ministère, et celle qu’elle nommerait elle-même : hier les commissaires
désignés par le ministre ont dit : « Nous sommes en dehors de la chambre,
vous n’avez pas d’action sur nous. » Nous devons avoir une commission
prise dans notre sein et à laquelle nous puissions demander tous les renseignements
nécessaires. La discussion relative à la banque commence à jeter des lueurs
dans les esprits ; en portant nos recherches plus loin, nous éclaircirons tout.
M. de Robaulx. - Messieurs, je ne crois pas avec M. Legrelle
que la discussion ait jeté aucune lumière sur la
question, c’est pour cela que j’appuierai la nomination d’une commission. Je
crois que toutes les fois qu’il s’agit des fonds de l’Etat, la chambre des
représentants a le droit de s’emparer spécialement de cet objet : comment
pourrait-elle délibérer sur tout acte concernant la banque si une commission ne
l’éclaire par une enquête ? Qu’on ne vienne pas nous dire que nous n’avons pas
le droit de nommer une commission, parce que les ministres ont paru vouloir faire
une enquête eux-mêmes. Sans doute ils ont nommé une commission, mais elle n’a
jamais été appelée en corps de commission à prononcer sur la question
financière ; on a consulté individuellement ses membres ; mais quand on nomme
des commissions, c’est pour les faire délibérer, c’est pour avoir l’expression
de la majorité de cette commission.
Une commission nommée en
dehors de la chambre, vous a fait observer M. Legrelle, n’a rien à dire à la
chambre : aujourd’hui nous voulons nous éclairer en nous occupant du budget de
l’Etat, et nous voulons qu’une commission soit nommée.
Si j’appuie la
nomination d’une nouvelle commission, ce n’est ni pour, ni contre la banque.
Des questions plus ou moins
oiseuses ont été soulevées ; on s’est grandement récrié contre la banque :
a-t-elle été utile à l’Etat ? lui a-t-elle été funeste
? Nous ne pouvons rien décider sur ces questions sans avoir le rapport d’une
commission. Dès le commencement de la révolution, plusieurs membres, ainsi que
M. Dumortier, ont cru voir dans la banque un établissement soue la direction
réelle de Guillaume. Voici ce qui me fait croire le contraire : Guillaume nous
avait envoyé beaucoup d’espions ; beaucoup de ses vils agents de Guillaume se
sont adressés aux membres du congrès ; ils se sont adressés à moi, et m’ont
donné contre la banque des renseignements exacts ; ils m’engageaient à
poursuivre l’anéantissement de cet établissement. Les renseignements étaient si
exacts, qu’ils prouvaient leur origine hollandaise.
J’ai, en effet, agité au
congrès la question relative à la banque ; mais plus tard, reconnaissant le
caractère des personnes qui m’étaient envoyées, je ne voulus pas être dupe plus
longtemps et n’ai pas voulu provoquer la ruine d’un établissement qui pouvait
être utile à l’Etat ; j’ai craint qu’en voulant faire tomber le colosse, nous
ne tombassions avec lui. Je sais bien que le danger n’est pas le même
aujourd’hui : si la banque a fait des gains illicites, toujours est-il qu’il
faut reconnaître qu’elle a été utile pour soutenir notre crédit public et pour
permettre de nous organiser. A-t-elle retenu les sommes énormes dont parle M.
Dumortier ? Une commission nous le dira. Avant toute discussion, je crois qu’il
est de l’intérêt de l’Etat, de l’intérêt du ministère, de l’intérêt de la
chambre et de la banque elle-même, qu’une commission soit nommée. Si la demande
de M. Dumortier était repoussée, sous le prétexte que la question de la banque
est gouvernementale, je crois qu’on tomberait dans une erreur préjudiciable.
Je
me réunis de toutes mes forces à la proposition de M. Dumortier, et je désire
qu’on ne donne pas plus longtemps, sans des motifs puissants, à l’étranger, le
spectacle scandaleux d’un pays qui attaque les institutions les plus utiles. Si
la banque nous est nuisible. rompons avec elle et
forçons-la à payer. Je demande que la commission soit nombreuse afin que toutes
les opinions soient représentées et se réchauffent ou se refroidissent les unes
par les autres.
M. de Brouckere. - Il me semble au premier
abord qu’il faudrait faire subir à la proposition de M. Dumortier quelque
modification.
Cette proposition est
faite dans les termes les plus généraux : elle tend à la nomination d’une
commission qui examinerait toutes les relations de la banque avec le
gouvernement. On vous l’a déjà fait observer : une commission a été nommée par
le gouvernement, qui a reçu précisément la même mission qu’on veut donner à une
nouvelle commission ; cette première commission a été nommée par le
gouvernement, sur le refus qu’a fait la chambre de la nommer elle-même. Si
maintenant nous adoptons la proposition faite, ne sera-ce pas montrer une
espèce de défiance envers la première commission nommée par l’administration ?
Quoi qu’il en soit, je ne m’opposerai pas à la proposition.
L’objet spécial que nous
discutons, c’est l’arrangement conclu le 8 novembre entre la banque et le
gouvernement : si on se bornait à proposer la nomination d’une commission
chargée de l’examen de cette convention, et de tout ce qui s’y rapporte,
j’approuverais cette proposition sans objection, parce qu’elle me semblerait
très logique.
Le ministre annonce
qu’il aura un amendement à proposer au budget des voies et moyens ; qu’il aura
à proposer l’insertion d’un article de 700,000 fr. de recettes, et sur lequel
la section centrale n’a pu s’expliquer. Dans son rapport, il est dit :
« La section centrale est forcée de garder le silence sur cet arrangement,
par la raison que la chambre n’a pas encore été appelée à prononcer. Son devoir
est de recueillir votre pensée sur les points sur lesquels vous avez délibéré
mais il ne lui est pas permis de donner son avis par anticipation sur des
objets qui ne vous ont pas encore été soumis. »
Ainsi, nous aurons à
voter sur un amendement sans que les sections aient donné leur avis. M.
Dumortier a donc bien fait de demander une commission d’examen, une commission
chargée de nous faire un rapport sur l’amendement, sur le contrat fait entre la
banque et le gouvernement, pour examiner en un mot tout ce qui est relatif à
l’amendement, En réduisant la proposition à ces termes, elle ne pourrait
trouver d’adversaires. Mais si la commission doit avoir une mission semblable à
celle de la commission nommée par le gouvernement, je ne vois pas ce qu’elle
pourrait nous dire de plus.
L’honorable M. de
Robaulx a semblé croire que la commission nommée par le gouvernement n’avait
pas été réunie ; c’est une erreur que j’attribue à ce fait que la commission
n’a pas été appelée à donner son avis comme commission. Elle continue néanmoins
ses travaux, et je ne vois pas pourquoi on les interromprait.
M. de Robaulx. - La commission n’a pas été consultée sur
l’arrangement ; voilà ce que je crois.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Elle n’a pas été consultée.
M. de Brouckere. - En effet, elle n’a pas
donné son avis sur ce point. Quoi qu’il en soit, je verrais de graves
inconvénients en laissant la proposition de M. Dumortier telle qu’elle est.
Il ne faut pas
décourager ceux de nos collègues qui ont déjà travaillé, et fait faire tant de
pas à la question.
M.
Dumortier. - Le but principal de la question est, comme on l’a fort
bien dit, d’avoir un rapport sur la transaction passée entre le gouvernement et
la banque ; mais ce but n’est pas le seul qu’on se propose. La question dont il
s’agit est une question d’argent ; on ne saurait la résoudre sans examiner tout
ce qui y est relatif, c’est-à-dire sans examiner les rapports de la banque avec
le trésor, avec le syndicat, avec la liste civile et le séquestre, car tout se
touche. J’estime, j’affectionne même tous les membres de la commission choisis
par le gouvernement ; mais je ne vois, dans les égards que nous leur devons,
rien qui puisse nous arrêter.
Il ne suffit pas que le
gouvernement ait nommé une commission, pour nous empêcher d’en nommer une
autre. Cette commission, nommée par le gouvernement, se rassemble ; elle
délibère, et pas un membre ne parle dans le sens du ministère. Alors le
ministère prend ces membres, non collectivement, mais individuellement, dans
l’embrasure d’une fenêtre, et leur arrache un oui, un c’est bien, et il dit
ensuite qu’il a pris l’avis de la commission. On demande l’opportunité,
l’utilité de la nomination d’une commission. La chambre a besoin d’être
éclairée par un rapport : or, la commission du gouvernement ne nous en
présentera pas ; elle ne peut faire de rapport qu’au gouvernement.
il faut une commission nombreuse,
comme le dit M. de Robaulx ; cette commission hâtera son travail et nous
permettra de terminer promptement la discussion du budget des recettes. Nous
pourrons continuer nos délibérations pendant qu’elle apprêtera son rapport.
M.
le président. - Voici la proposition que fait M. de Brouckere :
« Je demande la nomination d’une commission qui serait chargée d’examiner
l’amendement présenté par M. le ministre des finances par suite de
l’arrangement conclu entre ce ministre et la banque, et tout ce qui est relatif
à cet arrangement. »
M.
Dumortier. - Excluez vous, M. de Brouckere,
tout ce qui est relatif au syndicat, à la liste civile, au séquestre ?
M. de Brouckere. - Je n’exclus rien. Il faut
que nous ayons tous les renseignements désirables sur l’amendement qu’on veut
introduire dans le budget. Si la commission veut examiner les points dont parle
M. Dumortier, elle en a la latitude.
M. de
Robaulx. - Ces
points-là ne se rapportent pas à la convention.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je suis disposé à effectuer le
dépôt officiel de mon amendement. Je crois ne devoir le déposer qu’à l’occasion
de la discussion de l’article auquel il se rapporte.
M.
Pirson. - M. le ministre de la justice disait : Il faut être juste,
même avec la banque. Eh bien, moi, je veux être juste, même avec le ministère.
Je dois dire, avant de
justifier le ministère, que, du moment où la banque de Bruxelles fut instituée,
celle d’Amsterdam a mis tout en œuvre pour la détruire. Un inspecteur des
forêts s’est exposé à perdre sa place pour attaquer cet établissement naissant
; il l’a perdue en effet, mais il a été amplement indemnisé, non par le
gouvernement, mais par ceux qu’il servait : ceci vient à l’appui de ce qu’a dit
M. de Robaulx.
Pour être juste envers
le ministère, je dirai que c’est le ministère actuel qui, le premier, s’est mis
en devoir de rechercher ce que la banque doit à l’Etat. On nous disait
auparavant que des jurisconsultes examinaient l’affaire ; mais aucune
conclusion n’était prise.
Quand la banque a
demandé la nomination d’une commission pour examiner sa situation, vous étiez
dans des circonstances différentes. Aujourd’hui le ministère présente un
amendement, et sur un seul des points par lesquels la banque est en contact
avec le gouvernement, vous êtes obligés de discuter cet amendement.
L’examen
de la situation de la caisse a été renvoyé au gouvernement, mais le
gouvernement a-t-il fait son devoir ? Vous reconnaissez qu’il n’a pas tout
soumis aux investigations de sa commission ; cependant il n’y a qu’un débiteur,
comme il n’y a qu’un créancier : il n’y a donc qu’un seul rapport à faire, et
ce rapport doit être complet.
M.
Dubus. - On agite une question de convenance pour s’opposer à la
nomination d’une nouvelle commission. Je crois que la chambre ne doit pas s’arrêter
devant de semblables considérations ; elle doit passer outre : la
susceptibilité des membres de la commission du gouvernement n’en sera nullement
blessée.
Je feras deux
observations qui prouveront que c’est une commission de la chambre qui doit être
chargée de l’examen de toutes les questions et qu’une commission du
gouvernement ne peut mener à aucun résultat.
Une commission du
gouvernement ne peut rien, puisque les choses ne sont plus entières d’après la
convention du 8 novembre. Selon l’art. 13, paragraphe 5 du traité, il faut
renvoyer l’exécution des autres obligations de la banque au temps où la
liquidation sera terminée.
Dès lors la banque ne
voudra entrer dans aucune discussion relativement au syndicat, à la liste
civile et au séquestre ; elle dira que la liquidation n’est pas faite, La
convention du 8 novembre deviendra un obstacle insurmontable aux travaux de la
commission du gouvernement.
La
banque, protestant de son indépendance du gouvernement, a refusé d’avoir aucun
rapport officiel avec la commission du gouvernement ; et cette commission a
pensé qu’elle ne devait pas se borner à des rapports purement officieux avec la
banque : il résulte de là que la commission, n’a pu avoir de relations utiles
avec la société générale. Elle signalait aux ministres quelles pièces il
fallait obtenir, et les demandait ; c’est ce qu’elle a fait à la fin de
septembre dernier ; mais les pièces ne lui sont pas parvenues, elle les attend
encore.
Si la chambre s’était
attendue à une pareille conduite de la part de la banque, elle n’aurait pas
passé à l’ordre du jour sur la pétition que lui adressaient les
administrateurs.
M. Legrelle. - Toutes les questions qui
concernent la banque se touchent, se lient ; vous ne pouvez faire un pas dans
ce vaste champ sans remuer en même temps tous les objets qu’il renferme. Il est
impossible de concevoir une commission qui ne serait chargée que de l’examen
d’un point.
Le champ des
investigations étant vaste, la commission ne présentera de rapport que d’ici à
quelque temps, et alors il faudrait ajourner l’amendement du ministre jusqu’au
rapport ; mais si on considère les 600,000 fr. comme un à-compte de ce que doit
la banque, on peut insérer ce chiffre dans le budget sans inconvénient. Ce
chiffre étant une avance, il faut l’admettre sans examiner et sans préjuger
s’il est suffisant pour acquitter la banque envers l’Etat.
M. Dumont. - Je veux dire quelques mots pour
empêcher que la chambre ne soit induite en erreur. Vous pourriez croire,
d’après ce que vient de dire un honorable membre, que la commission n’a point
délibéré, n’a point discuté ; et vous vous tromperiez. On a discuté pour et
contre, on a discuté pendant deux séances. Mais il faut distinguer : on n’a
discuté que sur les los-renten ; on a bientôt reconnu que la proposition
concernant ces valeurs ne pouvait s’exécuter ; alors on est revenu à l’idée de
donner pour garantie des bons du trésor.
Vous concevez alors
pourquoi la commission n’a plus discuté : c’était aux représentants de la
banque à soutenir leurs propositions.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - Il est convenu que je proposerai mon
amendement pour être inséré dans les voies et moyens. Voici comment cet
amendement est conçu :
« Le ministre des
finances ad interim propose d’insérer au budget
général des voies et moyens, à l’article des recettes diverses du trésor
général, une somme de 649,521 fr, d’intérêt, à 5 p. c. l’an, d’un capital de 12
millions 990 mille 437 francs 23 centimes, mis par la société générale à la
disposition du gouvernement, par suite de l’arrangement conclu le 8 novembre
dernier. »
M. de Robaulx. - Cet amendement renferme une pétition de
principes : l’amendement approuve l’arrangement ; mais c’est ce qui est en
question. C’est à la commission à décider si l’arrangement peut être approuvé
ou non.
Si on ne s’occupait
actuellement que du traité du 8 novembre, la même acrimonie que nous avons vue
s’exhaler se reproduirait dans l’examen du syndicat, de la liste civile et du
séquestre. Nous voulons tout savoir, et connaître si le gouvernement peut
continuer ses rapports avec la banque. La banque a dit : « Je ne peux pas
me dessaisir de tel ou tel fonds, sans y être condamnée par jugement. » Il
faut savoir ce qu’il y a à faire pour mettre sa responsabilité à couvert, et
c’est à la commission à examiner cela.
S’il
y a des points qu’on ne puisse traiter actuellement, la commission nous le
dira. Nous jetons ici des paroles en l’air et nous n’en recueillons rien. Je ne
veux pas que la mission de la commission soit restreinte. L’amendement de M. de
Brouckere le limite trop. Si une discussion nouvelle s’agitait sur le syndicat,
sur la liste civile et le séquestre, nous entendrions encore M. de Foere et
nous n’avancerions à rien. (Aux voix !
aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - L’honorable membre a démontré
jusqu’à l’évidence qu’il fallait une commission, et une commission pour
examiner tous les points. Le gouvernement ne s’y oppose pas et la chambre le
demande.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - Si vous ajournez l’adoption de mon
amendement, cela vous mènera plus loin que le temps nécessaire pour adopter les
voies et moyens. Le travail de la commission prendra un temps considérable.
Elle pourrait s’occuper d’abord de la convention ; elle examinerait ensuite les
autres points.
M. de
Robaulx. -
Laissez-là votre amendement jusqu’au moment où on discutera l’article qui doit
le comprendre ; on interpellera alors la commission, et sur son avis il sera
mis en délibération. (Aux voix ! aux voix
!)
M. de Brouckere. - Je voudrais avoir ici la
demande que la banque avait faite d’une commission
pour examiner sa situation. Si nous nommons une commission en lui donnant une
mission plus étendue que ce que proposait la banque, je craindrais de l’exposer
à un refus. La banque a refusé d’entrer dans des explications officielles avec
la commission du gouvernement. Je ne sais pas comment la chambre contraindrait
la banque à donner les explications qu’elle refuserait. Je ne voudrais pas
qu’une commission nommée dans le sein de la chambre fût exposée à des refus.
M.
Verdussen. - Je vais donner à l’orateur les renseignements qu’il désire
:
« Les gouverneurs et directeurs de la
société pour favoriser l’industrie nationale demandent que la chambre nomme
dans son sein une commission d’enquête chargée d’examiner la situation actuelle
de la société vis-à-vis de l’ancien royaume des Pays-Bas. »
La commission des
pétitions conclut à l’ordre du jour, par le motif que la commission n’a pas cru
que c’était d’après la pétition que l’on devait décider une enquête ; mass la
chambre décide le renvoi au ministre des finances, avec demande d’explications.
M.
A. Rodenbach. - Le directeur de la banque a dit cinq ou six fois dans
cette enceinte : Nommez une commission pour examiner la situation de la banque.
M. de Brouckere. - Voici l’original de la
lettre écrite par la banque. M. Dubus a bien voulu me le remettre. La lettre
est conçue dans les termes suivants :
« A la chambre des
représentants.
« La chambre des
représentants, dans le cours de la discussion des voies et moyens pour
l’exercice
« Cette société a
été représentée comme redevable envers l’Etat de sommes considérables.
« La société
générale, établissement libre et indépendant, ayant constamment concouru de tous
ses moyens au bien général du pays, ne peut pas être indûment considérée comme
détentrice de fonds appartenant à l’Etat ; les gouverneurs ct directeurs de
cette société générale croient donc devoir prier la chambre de vouloir bien
nommer dans son sein une commission spéciale d’enquête, chargée d’examiner la
situation actuelle de la société générale vis-à-vis de l’ancien royaume des
Pays-Bas ; ils s’engagent, dès à présent, à donner à cette commission tous les
renseignements propres à faire connaître exactement cette situation, et à jeter
le plus grand jour sur toutes les questions qui s’y rattachent.
« Bruxelles le 15
janvier 1833.
« Les gouverneurs
et directeurs, etc.
« Signé : Meeus,
Delvaux, de Saive, Rittweger,
Caroly, J. Engler, Opdenbergh, F. Basse et Gréban. »
Il me semble qu’après un engagement semblable,
la banque n’a rien à opposer aux demandes de renseignements que la commission
nommée par la chambre ferait. Je demanderai si M. Dumortier ne voudrait pas
formuler sa proposition dans les termes de la lettre.
M.
Dumortier. - Ma proposition est conçue dans les mêmes termes ;
seulement je demande que la commission examine les questions qui se rattachent
à la convention et à la situation de la banque vis-à-vis de l’Etat.
M. de Robaulx. - La commission n’aura avec la banque d’autre
relations que celles indiquées dans la lettre ; mais la commission aura encore
à examiner si le gouvernement a bien ou mal agi dans la convention du 8
novembre : il faut qu’elle donne ses conclusions. Nous nommons une commission
d’enquête, donc c’est la proposition de M. Dumortier qu’il faut adopter.
M. le président. - Voici cette proposition :
« Je demande que la
chambre nomme une commission de 7 membres pour examiner les diverses questions
relatives à la banque dans ses rapports avec le trésor public, et faire son
rapport dans le plus bref délai. »
M. de Brouckere. - Je retire ma proposition.
M. de Robaulx. - Je désire qu’il y ait 11 membres.
M. Verdussen. - La franchise de mon caractère
me force à vous dire qu’il y a divergence entre la proposition formulée entre
la banque et celle qui est formulée par M. Dumortier ; je crains donc que la
banque ne fasse des refus. M. Dumortier dit : « dans les rapports de la
banque avec le trésor public ; » la lettre dit : « dans les rapports
de la banque avec le royaume des Pays-Bas. »
M. Legrelle. - Il y a moyen de sauver
l’inconvénient : laissons les termes de la lettre, et ajoutons que la
commission est chargée de faire un rapport sur la convention du 8 novembre.
C’est une clause qui est de la compétence de la chambre que d’examiner ce qu’a
dit le gouvernement.
M. de Robaulx. - Il n’y a pas de dignité à cela, ce n’est
pas à la banque à tracer ce que nous avons à dire.
M.
Dumortier. - Il faut que la volonté nationale soit exécutée et que les
bons citoyens s’y soumettent ; au reste la banque est allée au-devant. Je
consens que la commission soit composée de 11 membres.
- La proposition de M.
Dumortier, portant demande d’une commission de onze membres, est mise aux voix
et adoptée à une grande majorité.
M.
le président. - On va procéder à la nomination de la commission par la
voie du scrutin. Aux termes du règlement, cette commission peut être nommée à
la majorité absolue ou à la majorité relative. Je vais consulter la chambre
pour savoir comment elle entend procéder.
Plusieurs voix. - A la majorité relative.
- La chambre consultée
décide que la commission sera nommée à la majorité relative.
Voici le résultat du
scrutin :
M. Dubus obtient 62 voix ; M. Brabant, 55 ; M. Legrelle, 55 ; M.
Angillis, 49 ; M. Dumont, 47 ; M. Verdussen, 43 ; M. Dumortier, 42 ; M. de
Foere, 31 ; M. Davignon, 31 ;
M. Coghen,
M. le président. - Les dix premiers dénommés sont
membres de la commission. MM. Lardinois et M. Fallon ont obtenu le même nombre
de voix ; le plus âgé de ces deux messieurs sera le onzième membre.
Quelques voix. - C’est M. Fallon.
M.
Coghen. - Je remercie beaucoup mes honorables collègues qui ont bien
voulu me donner leurs voix ; mais je dois déclarer qu’en dehors de cette
enceinte, je suis commissaire de la société générale, et m délicatesse m’oblige
de ne pas accepter ce mandat. (Si ! si !)
Si cependant ceux qui m’ont désigné l’ont fait quoiqu’ils sussent que j’étais
commissaire de la banque, je l’accepterai avec plaisir. (Oui ! oui !)
M. le président. - M. Coghen accepte. En
conséquence, la commission sera composée de MM. Dubus, Brabant, Legrelle,
Angillis, Dumont, Verdussen, Dumortier, de Foere, Davignon, Coghen et Fallon.
Nous allons maintenant
reprendre la discussion générale du budget des voies et moyens. Quelqu’un
demande-t-il la parole ?
M.
Dumortier. - Je la demande très volontiers pour attaquer la convention
de Zonhoven ; mais il me semble que l’heure est très avancée. (A demain ! à demain !) Je puis cependant
utiliser la fin de la séance par quelques interpellations que j’ai à faire au
ministre des finances, sur d’autres points dont j’ai déjà parlé précédemment.
Je
désirerais d’abord savoir dans quel article de la constitution, dans quel
article de loi, M. le ministre a trouvé l’autorisation d’augmenter la remise
que l’on fait pour le battage des monnaies. Quant à moi, je ne suis pas
jurisconsulte ; mais j’ai examiné la constitution et la loi sur les monnaies,
et je n’ai trouvé nulle part une disposition qui lui donnât le droit d’agir
ainsi.
Je demanderai aussi
pourquoi on s’est abstenu, contrairement à l’art. 115 de la constitution de
porter dans le budget des voies et moyens le bénéfice du monnayage du cuivre
qui est assez considérable.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’on a attaqué l’arrêté du 11
novembre dernier qui alloue une prime de 3 par mille pour chaque million en
monnaie d’argent présenté par le directeur au jugement de la commission.
Les uns l’ont trouvé
inconstitutionnel, d’autres inutile.
Une loi a établi un
système monétaire nouveau. Le devoir du gouvernement est de l’introduire en
raison des besoins ; or, le prix des métaux étant fort élevé, i1 était devenu
impossible aux particuliers de faire fabriquer ; le directeur seul, comme
particulier (car sa qualité de directeur ne lui impose pas l’obligation de
battre pour son compte), avait fait frapper jusqu’ici, en pièces de 5 fr. une
somme de 3,600,00 fr. Il en était résulté une perte
pour lui de 421 fr. 91 c., outre celle des intérêts de
ses capitaux et la détérioration de ses ustensiles. Il m’a communiqué le bilan
de ses opérations par une lettre en date du 1er octobre, et me fit connaître
qu’il pouvait d’autant moins continuer la fabrication, que la prime de 6 pour
mille, à laquelle était coté l’argent au marché de Paris, venait d’être portée
à 8, et qu’à ce taux le kilogramme d’argent, au titre de 900/1000, revenait à
fr. 198 60 ; les frais de transport, à 60c. ; l’intérêt pendant la fabrication,
20 c. ; ensemble, fr. 199 40.
Comme le kilogramme
d’argent monnayé vaut 200 fr., il s’ensuit qu’il ne restait au directeur, pour
couvrir les frais de son établissement, ceux de la fabrication, y compris le
salaire des ouvriers, que 60 centimes par kilogramme, ou 3,000 francs par
million ; ce qui lui aurait fait éprouver une perte à peu près égale à cette
somme.
Cependant le ministre
crut qu’il était nécessaire de mettre notre monnaie en circulation ; il crut
qu’alors que la législature avait décrété que l’ancienne monnaie de cuivre
devait être retirée de la circulation et échangée contre la nouvelle, elle
avait aussi voulu que le système fût complété.
Le ministre n’a pu
croire que la législature avait été, plus que le gouvernement, mue par l’idée
des bénéfices que le monnayage du cuivre procure au trésor, mais bien par la
nécessité de mettre en circulation notre système complet des monnaies et d’être
ainsi, en réalité, en harmonie avec la loi. Pouvait-on d’ailleurs rester privé
du type de l’argent qui devait servir de mesure dans les actes publics et dans
le paiement des impôts ?
Il fallait aussi bien
remplacer les pièces de 10, 25 et 50 cents que le cuivre, par des monnaies
nouvelles ; et l’urgence était grande, car journellement les monnaies
subdivisionnaires du florin deviennent plus rares et ne sont pas remplacées. Il
y a en effet très peu de petite monnaie française dans la circulation ; la
difficulté de réunir en grande quantité ce qui est éparpillé dans toutes les
mains et dans toutes les provinces, l’embarras du comptage empêchent le
transport de ces espèces d’un pays à l’autre.
Le ministre, en un mot,
étayé de l’opinion de la commission des monnaies qui a signalé l’urgence et la
nécessité de faire fabriquer, a pensé qu’alors que le monnayage du cuivre
laissait un bénéfice de deux cent mille francs par millions, il pouvait bien en
employer la dixième partie à mettre en circulation la monnaie d’argent.
Le gouvernement a été
plus sobre qu’aucun autre, car en France, chaque année il figure au budget des
dépenses des sommes pour le remonnayage ; dans les
Pays-Bas l’introduction du système monétaire a coûté 8,000,000
de florins.
L’indispensable
nécessité de faire fabriquer a donc été démontrée, et la commission des
monnaies, consultée sur les meilleurs moyens à employer pour arriver à cette
fabrication sans qu’il en coûtât an trésor, a conclu à l’allocation d’une prime
pour chaque million présenté par le directeur de la fabrication, imputable sur
les bénéfices du cuivre.
Quant à la légalité de
l’arrêté qui alloue cette prime, je ne pense pas qu’on puisse la mettre en
doute.
Le directeur n’est pas
tenu à frapper pour son compte, ou bien à ses risques et périls. Loin de là :
lorsqu’il achète lui-même les matières, il agit comme particulier, spécule
comme particulier et a son compte individuel ouvert chez le directeur.
D’après la loi et les
règlements il est à la disposition du public ; il convertit en argent monnayé
les lingots que l’on porte à son bureau ; il ne peut exiger de ceux qui
apportent des matières, plus de 3 fr par kilogramme, ou payer moins de 197 fr.
la quantité d’argent nécessaire pour en fabriquer 200.
Telle est la condition.
Au lieu de fournir au
directeur de l’argent qui lui coûterait au-delà de 199 fr. 40 c. et que le
directeur ne devrait prendre qu’au prix de 197 fr., c’est-à-dire, avec 2 fr. 40
c. de perte pour l’Etat, le gouvernement, devant et voulant faire battre
monnaie, contracte avec le directeur et lui paie par arrangement à l’amiable 60
centimes par kilogramme ou trois pour mille, au lieu de 2 fr. 40 c. qu’il lui
en coûterait s’il faisait lui-même les achats.
En quoi donc ce marché,
ou l’arrêté du 11 novembre, est-il contraire à la loi ? En quoi est-il plus
illégal que celui du 16 octobre 1832, par lequel le prix du monnayage de cuivre
fut déterminé ? Ce premier ne fut attaqué par personne ; celui-ci est tout à
fait analogue.
En résumé, le monnayage
d’argent ne pouvait plus s’effectuer ; il fallait, ou que le gouvernement
laissât le pays manquer de numéraire, aussi qu’à deux reprises, la chose avait
failli avoir lieu (et j’invoque ici le témoignage de l’honorable M. Meeus, qui
est en position de connaître le fait, et qui, dans son discours d’hier, vous a communiquer de si lumineuses observations sur la matière),
ou bien que le gouvernement fît fabriquer pour son propre compte. C’est ce
dernier parti qu’il a pris, mais en limitant sa perte par un forfait de 3 p. c., ou 3,000 fr. par millions, perte qui n’est pas une
dépense réelle, puisqu’elle est prélevée sur une plus-value d’une autre partie
du même système monétaire.
Rien que de légal et
d’utile n’a donc motivé l’arrêté du 11 novembre dernier, qui, loin d’être
contraire à la loi du 5 juin 1832, n’est que la conséquence nécessaire de
l’exécution de cette loi.
Quant
à ce qui a empêché de porter au budget des voies et moyens une somme pour le
bénéfice du monnayage sur le cuivre, cela vient, ainsi que je l’ai déjà dit, de
ce que mon prédécesseur avait réservé de rendre compte des recettes et dépenses
relatives à cet objet, lorsque le monnayage de cuivre serait terminé. Tels sont
les motifs qui ont dirigé ma conduite. Cependant, si la chambre en ordonnait
autrement, il me serait très facile d’accéder à son désir et de présenter un
amendement pour porter ce bénéfice dans le budget ; mais il faudrait aussi y
porter la dépense.
M.
Legrelle. - Je n’examinerai pas si, au taux où la monnaie est battue,
il y a gain ou perte pour le directeur. Ce n’est pas sur ce terrain que la
question doit être placée. Je veux bien admettre qu’il y ait perte, quoiqu’en
France on ait réduit le taux qui était le même qu’ici, et en se fondant
précisément sur la loi qu’invoque M. le ministre des finances pour procéder en
sens inverse ; je veux bien admettre l’hypothèse que le directeur de la monnaie
a droit à un supplément de 3 par mille. Mais ce supplément pouvait-il être
accordé par une autre voie que la voie législative ? Non certainement. Je
regarde donc la mesure qu’a prise le ministre comme inconstitutionnelle. La loi
sur les monnaies a dit qu’une prime serait allouée pour le monnayage de cuivre,
et non pour les monnaies d’or et d’argent.
Si le législateur avait
entendu qu’il en fût de même pour ces dernières, il aurait étendu jusque-là la
disposition ; mais il n’en a rien fait parce qu’il ne l’entendait pas ainsi. Le
ministre pourrait peut-être avoir une excuse dans le cas où la loi aurait été
muette par rapport à toute espèce de monnayage ; mais du moment où elle
autorisait une prime pour le cuivre, il est bien certain que c’était à
l’exclusion des deux autres monnaies. J’invite M. le ministre à nous présenter
le plus tôt possible un projet de loi à cet égard, car il serait sans aucun
doute obligé de solliciter plus tard de nous un bill d’indemnité ou de payer le
supplément dont il s’agit de ses propres deniers. Pour se justifier, il a
prononcé les mots d’urgence et de nécessité. Quant à moi, je n’admets pas un
tel système de défense.
S’il
pouvait prévaloir, on violerait à chaque instant la constitution et les lois du
pays sous de semblables prétextes. Je ne connais qu’une seule urgence, qu’une
seule nécessité, c’est de ne pas violer le pacte fondamental du royaume que
nous avons juré de maintenir. J’élève la voix dans cette circonstance, pour que
l’acte dont il est question ne puisse pas servir d’antécédent. Il importe à
notre dignité et à l’intérêt du pays de blâmer des abus aussi graves ; il est
de l’intérêt du ministre lui-même que nous lui dessillions les yeux afin qu’il
répare l’erreur dans laquelle il est tombé. J’espère qu’il ne sera pas sourd à
ces paroles.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, il s’élevait des réclamations de
toutes parts sur le défaut de petites monnaies, et il y avait impossibilité de
commencer à en battre sans l’arrêté que j’ai pris. Jusqu’alors aucune pièce de
2 francs, de 1 franc, de demi et quart de franc, n’avait été confectionnée.
L’urgence et la nécessité étaient donc évidente.
L’honorable préopinant a prétendu que la loi défendait de faire ce que j’ai
fait, mais je le prie de m’indiquer où il trouve cette défense ; quant à moi,
je ne la vois pas. Remarquez que le monnayage de cuivre avait été réglé par un
arrêté de mon prédécesseur, arrêté qui n’a jamais été attaqué. C’est cet
antécédent qui m’a induit en erreur, si toutefois il y a erreur dans la mesure
que j’ai prise. L’arrêté de mon prédécesseur serait entaché du même vice
d’inconstitutionnalité que le mien.
M.
A. Rodenbach. Parce que son prédécesseur aurait commis une
inconstitutionnalité, M. le ministre actuel voudrait s’appuyer de cet
antécédent pour en commettre aussi. Vous avouerez, messieurs, que c’est là un
étrange argument. Quant à moi, je partage l’avis de l’honorable député
d’Anvers, nous devons avant tout faire respecter notre constitution et nos
lois. Il existe une loi sur les monnaies, et il n’appartenait pas à un ministre
de la modifier par un arrêté. D’ailleurs, s’il y avait tant d’urgence, pourquoi
cet arrêté a-t-il paru précisément la veille de la convocation de la chambre ? n’aurait-on pas pu attendre quelques jours encore pour faire
consacrer la mesure par la voie légale ?
En
admettant que la remise pour le battage des monnaies d’or et d’argent ne
suffisait pas, et que la loi devait être modifiée, était-ce une raison pour que
le ministre des finances accordât une prime ? Ainsi donc, si le directeur de la
monnaie disait : Je n’ai pas assez de trois par mille, il me faut 6, 10 par
mille ; on les lui aurait donc alloués ? J’ajouterai que l’arrêté dont il
s’agit n’a pas été publié que onze jours après qu’il a été pris. Y aurait-il
là-dessous quelque manœuvre ? C’est un point à éclaircir.
Quant au bénéfice sur le
monnayage de cuivre, il s’élève peut-être de 2 à 300,000 fr. ; il faut que la somme,
quelle qu’elle soit, paraisse au budget des voies et moyens, et j’en fais la
demande formelle.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) - On a déjà insisté par rapport à la date de
la publication de l’arrêté ; mais je ferai observer que l’arrêté de mon
prédécesseur n’a jamais été publié. C’est parce que j’agis avec franchise et
que je ne cache aucun de mes actes que j’ai livré le mien à la connaissance du
public, dans la conviction qu’il n’était pas inconstitutionnel ; car autrement,
on peut bien pensé que je m’en serais abstenu. Quant
au retard de son insertion au Moniteur,
il ne provient pas de mon fait. Je signe tous mes arrêtés, et on en envoie une
certaine quantité au ministère de la justice, d’où ils passent au journal
officiel. J’ignore pourquoi celui-là a éprouvé un tel retard, mais je puis dire
que ce n’est pas de mon fait et qu’il n’y a eu de ma part aucune
arrière-pensée.
Je bornerai là mes
observations, et j’attendrai les autres reproches qui pourraient m’être
adressés.
M.
Dumortier. - Vous vous attendez donc à des reproches ? (On rit.)
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Un ministre aurait bien tort, en
venant ici, de ne pas s’attendre à des reproches. Il peut y compter plutôt que
sur des éloges. (Nouveaux rires.)
M.
Dumortier. - Un ministre qui respecte les lois et la constitution, qui
ne viole pas le serment qu’il a fait de les maintenir, qui soutient l’honneur
et la dignité du pays, est toujours sûr d’avoir des éloges dans cette enceinte
; mais lorsqu’il y vient avec des actes qui atteignent le pacte fondamental et
les lois, il a raison de s’attendre à des reproches, et je serai le premier à
lui en adresser.
L’argumentation de M. le
ministre des finances est fort singulier. Il vient
objecter qu’il y avait urgence. Moi je soutiens d’abord qu’il n’y avait pas
urgence, et je le démontrerai. Comment pouvez-vous dire en effet qu’il y avait
urgence quand vous avez présenté votre arrêté le jour même de l’ouverture de la
session ? Pourquoi donc ne demandiez-vous pas une loi, si vous en aviez le
besoin ? Si vous pouvez substituer aux lois le régime des arrêtés, nous ne
sommes plus d’aucune utilité ici.
Vous vous rejetez en
second lieu sur une autre violation de la constitution, sur un arrêté de votre
prédécesseur, qui, dites-vous, n’a jamais été attaqué ; et en même temps vous
avouez que cet arrêté n’a jamais reçu de publication. Mais si vous laissez vos
actes dans l’ombre, comment voulez-vous qu’on puisse les attaquer ? Ce n’est
que parce que votre arrêté a été publié que nous connaissons son existence et
que nous pouvons le critiquer. Il en sera de même du premier. maintenant que vous nous en avez parlé. Cependant, je
conçois jusqu’à un certain point qu’il ait pu être pris quand le monnayage
n’était pas encore réglé législativement. Mais, en présence de l’art. 27 de la
loi portée sur la matière, il vous était défendu de donner une prime pour les
matières d’or et d’argent. (L’orateur
donne ici lecture de cet art. 27.)
La loi détermine les
frais de la fabrication ; c’est 3 francs par kilogramme pour l’or et pour
l’argent, vous ne pouviez aller au-delà. Vous avez donc violé la loi. Si vous
pensiez que la mesure était nécessaire, il fallait nous la demander. Quant à
moi, cette nécessité ne m’est nullement prouvée ; car, si je suis bien informé,
les frais de monnayage que la loi a déterminés sont exactement les mêmes que
ceux établis en France, et comme notre monnaie est identiquement la même, il me
semble qu’on peut battre en Belgique aussi bien qu’en France. Le directeur de
la monnaie de Lille fait de très gros bénéfices. Si donc la remise procure de
tels avantages, il n’y avait pas nécessité de l’augmenter.
L’honorable député de
Roulers s’est plaint avec raison de ce que l’arrêté du 11 novembre n’avait été
publié que 11 jours plus tard dans le Moniteur.
J’ai reçu moi-même des plaintes du commerce à cet égard. Le ministre des
finances dit qu’il envoie ses arrêtés au ministre de la justice qui les fait
publier. Eh bien, je viens d’examiner le Bulletin
officiel, et j’y vois que ce n’est que le 23 novembre que celui dont il
s’agit a été promulgué. Du reste, cette question est très importante auprès de
l’inconstitutionnalité de la mesure. Cette mesure n’a aucune espèce d’effet,
parce qu’un ministre ne peut pas prendre un arrêté qui suspende l’action des
lois ; et c’est ce qu’a fait celui-ci, car il établit un véritable impôt.
Puisque j’ai la parole,
je demanderai à M. le ministre ce qu’il entend faire de la vieille monnaie.
J’ai entendu dire qu’on retirait de la circulation toutes les monnaies
anciennes sur lesquelles il y avait un bénéfice, tandis que toutes celles qui
subissent une perte affluent dans le pays ; et si nous devons plus tard les
mettre au billon, nous éprouverions un déficit considérable. Le caissier
général met de côté toutes les pièces sur lesquelles il y a bénéfice, parce que
notre pays doit faire lui-même ce bénéfice. Si on met ces monnaies en réserve,
il y aura encore une somme assez considérable à porter au budget.
Si j’ai bonne mémoire,
les petites monnaies françaises, qui offrent une très grande perte, doivent
être billonnées le 1er janvier prochain.
Une voix. - Le 1er avril.
M.
Dumortier. - Au commencement de l’année prochaine enfin. Je désirerais
savoir quelles sont les mesures que M. le ministre des finances entend prendre
pour que toutes ces petites monnaies ne refluent pas dans notre pays. Nous
avons déjà pu en remarquer une grande quantité. On dira peut-être que le trésor
public ne les recevra pas. Mais nous n’avons pas seulement à soigner les
intérêts du trésor public, il faut aussi soigner ceux des Belges. C’est un
objet que je signale à la sollicitude de la chambre et du ministre.
Maintenant je prie M. le
ministre de nous déclarer ce qu’il a l’intention de faire par rapport à un
autre arrêté inconstitutionnel, car il en prend comme cela chaque jour, témoin
celui qui a pour but de régler les traitements de ses employés, lorsque ces
traitements doivent être réglés par la loi. Nous devons l’arrêter sur cette
pente qui le conduirait à l’abîme. Je demande, dis-je, ce qu’il fera
relativement à l’arrêté institutif de la commission
des monnaies, à qui il confère des attributions judiciaires qui ne peuvent être
exercées qu’en vertu d’une loi.
On a objecté dans le
temps qu’on ne s’était pas aperçu de l’inconstitutionnalité de cette mesure, et
la chambre a bien voulu la légaliser pour une année, jusqu’au 1er janvier 1834.
Mais ce délai va arriver, et nous voici à la fin de l’année sans qu’on nous ait
proposé une disposition législative. Je demande si M. le ministre y pense.
Il faut également un
projet de loi pour légaliser l’arrêté plus récent qui nous occupe, arrêté tout
à fait inconstitutionnel, à moins que M. le ministre ne veuille qu’on retienne
la prime sur ses appointements ; et même ses appointements n’y suffiraient pas,
cap si j’ai bien compris, il s’agit de 20,000 fr, par million.
Une voix. - Non pas, c’est trois mille
francs par million.
M.
Dumortier. - J’ai mal entendu ; dans ce cas, ses appointements
suffiraient probablement. (Hilarité.)
Je
crois en définitive qu’il est démontré que M. le ministre a enfreint ses
pouvoirs, que son arrêté viole la loi, et je pense que la cour des comptes ne
le sanctionnera pas ; enfin, que nous devons porter au budget des dépenses et
des recettes tout ce qui est relatif aux frais de monnayage. J’invite M. le
ministre à présenter dans le plus bref délai un projet de loi, s’il est
réellement nécessaire d’augmenter la remise pour le monnayage. Mais je
répèterai que cette nécessité ne m’est nullement démontrée, puisqu’en France,
où l’état des choses est le même, au lieu d’une augmentation, on a fait au
contraire une diminution. (A demain ! à
demain !)
M. Meeus. - Je ne désire présenter qu’une seule
observation. Je ne viens pas défendre la légalité de l’arrêté, mais répondre un
mot à l’honorable préopinant. Pour montrer qu’il n’y avait pas nécessité
d’augmenter la remise, il s’est appuyé sur ce qui se passe à Lille et à Paris.
Mais je lui ferai remarquer que nous n’avons pas ici de places cambistes. c’est-à-dire, où l’on traite des matières d’or et d’argent ;
d’où il suit que nous nous trouvons dans une condition moins favorable.
Quant à ce qui concerne
Lille, la différence sur le change permet au directeur de la monnaie de faire
de gros bénéfices ; car là le papier sur Paris est à 3/8 1/2 par p. c. de
perte, tandis qu’ici, au contraire, il est toujours en avance.
- La discussion est
continuée à demain.