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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 3 octobre 1833
Sommaire
1) Motion d’ordre relative aux prêts octroyés à des industriels lors de la révolution
2) Commission d’enquête chargée d’examiner la situation du cadastre (Dumortier, de Brouckere, A. Rodenbach)
3) Proposition de loi relative à l’académie de Bruxelles (d’Huart, Dumortier, Rogier, Ernst, de Brouckere, Milcamps, Rogier, Dumortier, Rogier, de Brouckere, de Theux)
4) Proposition de loi relative aux modalités de reddition du compte de l’Etat (+cour des comptes) (Donny)
5) Proposition de loi visant à faire cesser les recherches de biens sécularisés (Brabant, de Brouckere)
6) Projet de loi accordant un supplément d’indemnité aux officiers volontaires
7) Projet de loi transitoire sur les pensions
militaires de retraite (Jullien, Evain,
Jullien, de Brouckere, Evain, d’Huart, de
Theux, d’Huart)
8)
Motion d’ordre relative à la proposition de loi relative aux droits de sortie
sur les lins (Frison,
Desmet, A. Rodenbach, Duvivier, Dumortier)
(Moniteur belge n°278, du 5 octobre 1833 et Moniteur belge n°279, du 6
octobre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge n°278, du 5 octobre 1833) M. Quirini fait l’appel nominal à une heure moins un quart. La chambre est en
nombre pour délibérer.
MEMBRES
ABSENTS SANS CONGÉ
Noms des membres absents
sans congé : MM. Angillis, Berger, Coghen, Dams, de Behr, de Foere, de
Man, de Mérode (W.), de
Muelenaere, de Renesse, de Robaulx, de Robiano, de Sécus, Devaux, Doignon,
Dubois, Dumont, Fleussu, Gendebien, Goblet, Hye-Hoys, Legrelle, Meeus,
Pirson, Seron, Teichmann,
Vandenhove, Van Hoobrouck, Vergauwen, Vuylsteke,
Watlet.
(N. B. C’est par erreur
que M. Desmanet a été porté comme absent dans la séance d’hier).
_____________________
M. Quirini donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen écrit à la chambre pour
s’excuser de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.
M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour la
nomination d’une commission pour examiner la situation du cadastre ; le
développement de trois propositions ; la délibération sur des projets de loi.
M.
Dumortier, rapporteur. - La section centrale a conclu dans son rapport à la nomination d’une
commission qui serait chargée d’examiner la situation du cadastre Il me semble
qu’il faudrait prendre un député dans chaque province ; cela s’est pratiqué au
congrès avec avantage, cela peut se pratiquer encore aujourd’hui.
M. de Brouckere. - En demandant la nomination d’une commission, j’avais en vue de
connaître les sommes que nous avons à payer, en vertu de règlements, aux
fonctionnaires chargés du cadastre quand il sera terminé, et si la somme à
laquelle ils prétendront est réellement due par l’Etat. Ayant eu une
conversation avec M. l’administrateur du cadastre, il s’est engagé à remettre à
la chambre un tableau de toutes les sommes qui seront dues lorsque les travaux
seront terminés : d’après cette promesse je n’ai plus rien à désirer et je
n’insiste plus pour demander la nomination d’une commission d’enquête.
M. A. Rodenbach. - Plusieurs membres se proposaient
de parler sur le cadastre pendant la discussion du projet ; ils se sont abstenus
parce que l’on a demandé une commission d’enquête ; mais si cette commission
n’était pas nommée, la discussion sur le cadastre se rouvrirait nécessairement
lors du vote définitif du budget des finances.
M. le président. - La section centrale fait la
proposition suivante : « Il sera nommé une commission pour constater la
situation des opérations cadastrales. »
- La proposition mise
aux voix est adoptée.
La chambre décide que
son bureau nommera cette commission qui sera composée de 9 membres.
Développements
de la proposition
M.
le président. - La parole est à M. Dumortier pour exposer les développements de la
proposition qu’il a faite concernant l’académie.
M. d’Huart. - Je crois qu’on devrait commencer
par délibérer sur les projets de loi qui sont à l’ordre du jour. Ces projets de
loi pourraient élever des débats qui prendraient toute la séance. Nous devrions
discuter la proposition sur laquelle M. Fallon a fait un rapport.
M. de Brouckere. - Je crois qu’on doit donner la
préférence à la proposition de M Dumortier.
M. d’Huart. - La proposition de M. Fallon est un projet de loi en discussion ; il
s’agit actuellement de prendre en considération la proposition de M. Dumortier.
Au reste, je n’insiste pas sur ma motion.
M. Dumortier monte à la tribune. - Messieurs, de
tout temps les nations civilisées ont mis au rang de leurs premiers devoirs les
encouragements à donner aux sciences, aux lettres et aux arts.
Il n’est rien en effet
qui contribue plus que les travaux de l’esprit à former l’esprit national
au-dedans et à donner au-dehors une grande idée d’un peuple. L’homme,
naturellement sensible à la gloire, est fier d’appartenir à une nation qui a su
s’illustrer ; il semble s’attribuer à lui-même une partie des honneurs rendus
aux grands hommes de sa famille ; il ressent un noble orgueil au souvenir des
noms qui ont illustré la patrie. Ainsi se forment cet esprit de nationalité,
cet attachement profond au pays, qui font la plus grande force des peuples,
assurent le développement de l’intelligence et produisent le plus brillants
résultat.
Condamnée par les
décrets de la conférence à une neutralité perpétuelle, privée des moyens de
s’illustrer par la voie des armes,
A l’époque de la
renaissance des lettres,
Les travaux de cette
société imprimant une activité nouvelle à l’étude des sciences et des lettres,
Lors de sa
réorganisation en 1816, on avait pris soin d’introduire dans ce corps
scientifique un nombre égal de Belges et de Hollandais. Ce système, qui pouvait
avoir ses avantages sous le royaume des Pays-Bas, entrave singulièrement aujourd’hui
la marche de ses travaux en empêchant que ces places ne soient occupées par des
Belges.
A la suite d’une
révolution toute nationale, il était donc nécessaire de reconstituer l’académie
des sciences composée d’éléments hétérogènes, afin d’en former une institution
toute nationale ; mais aussi il était indispensable de lui assurer une
existence certaine, un caractère de dignité qui ne peut résider que dans la
légalité.
D’un autre côté le
pinceau de nos artistes est l’une de nos gloires nationales, et depuis
longtemps la nécessité de la création d’une classe de beaux-arts s’était fait
sentir. Les noms des Wappers, des Paelinck,
des Verboeckhoven, des Van Brée,
des Geefs et de tant d’autres sont pour
Des changements devaient
donc être apportés dans l’académie. Craignant le résultat de mesures qui, avec
les intentions les plus pures, pouvaient être désorganisatrices, et voulant
mettre le premier corps savant à l’abri des vicissitudes ministérielles, je
n’ai pas hésité à vous présenter un projet de loi pour fixer définitivement le
sort de cette institution.
Vous le savez,
messieurs, la science est aussi un pouvoir ; il importe donc que ce pouvoir
soit convenablement constitué.
L’article 1er du projet
donne à l’académie le titre d’académie belge et ajoute une classe pour les
beaux-arts aux deux classes aujourd’hui existantes.
Il a paru qu’une société
toute nationale ne pouvait conserver une dénomination de localité ; d’un autre
côté, notre pays est trop restreint, et les hommes scientifiques trop
disséminés pour y établir, comme en France, un institut composé d’académies
distinctes : un pareil système serait chez nous la ruine de l’institution. Dans
les petits pays, en matière d’institutions académiques, la fraternité des
sciences est préférable à leur division.
L’article 2 fixe le
nombre des membres de chaque classe, ainsi que des associés.
Avant la révolution
française le nombre des membres était fixé à 26 ordinaires et 10 honoraires ;
sous le royaume des Pays-Bas, le nombre des membres ordinaires était de 48, et
celui des membres honoraires de 12 ; par le projet, celui des académiciens
ordinaires est fixé à 50 ; celui des associés, à 20. Dans l’état actuel, le
nombre des académiciens ordinaires belges ou résidant en Belgique n’est que de
20 ; celui des associés ne s’élève qu’à 3. Il y aurait donc 27 vacatures à
combler et 41 y compris la classe des beaux-arts.
La qualité de Belge est
requise pour être membre ordinaire ; c’est le seul moyen d’obtenir une
institution vraiment nationale.
Afin de mettre la
société à l’abri des vicissitudes, une dotation de 15,000 fr. est fixée par
l’art. 3 pour payer les traitements des fonctionnaires et employés de
l’académie, pour les impressions, prix, jetons de présence, médailles de concours,
etc.
Cette somme vous
paraîtra bien modique, quand vous réfléchirez que l’institut de France figure
au budget pour 492,000 fr., et que l’institut d’Amsterdam figurait au budget
décennal pour 35,000 fr.
Le gouvernement
hollandais s’était réservé le droit d’accorder des pensions aux anciens membres
; j’ai cru que l’on pouvait supprimer cette disposition dont il n’a pas été
fait usage à ma connaissance.
La question la plus
délicate est celle relative aux académiciens actuels qui, par suite des
événements, sont devenus étrangers au pays.
On sait qu’il est
impossible de les maintenir comme membres ordinaires, puisqu’ils occuperaient
infructueusement des places qui seraient plus utilement remplies par des
Belges. Mais, d’un autre côté, la générosité nationale doit empêcher qu’on ne
les écarte d’une société savante où la plupart d’entre eux ont été admis pour
leurs travaux scientifiques. Afin d’obvier à ce double inconvénient, je propose
de les considérer comme membres honoraires par excédant.
Pour compléter les
vacatures actuelles dans les classes des sciences et belles-lettres, j’ai
adopte le mode admis dernièrement en France, et qui m’a paru très libéral.
Quant à la classe des beaux-arts, comme elle est entièrement nouvelle, la
première nomination est laissée au Roi.
L’art. 5 prescrit les
bases du règlement que l’académie devra soumettre à l’approbation du Roi.
Le mode d’élection des
membres répond à celui actuel.
Les directeurs,
secrétaires, commissaires de l’académie sont nommés par élection directe.
Les correspondants qui,
sans être membres de l’académie, ont un titre qui les attache à la société,
sont également nommés par élection directe ; ils pourront être choisis
indifféremment parmi les Belges et les étrangers, et c’est parmi eux que l’on
choisira le plus souvent pour remplacer les académiciens.
J’ai maintenu comme
condition d’éligibilité l’obligation d’être auteur de quelque ouvrage ou
mémoire relatif aux travaux de la compagnie. Cette disposition est fondamentale
; elle préserve des abus qui sans cela se commettraient à chaque instant.
Ce qui contribuera
surtout à l’encouragement des sciences, des lettres et des arts, c’est la
création d’une séance publique et solennelle chaque année pour la distribution
des palmes académiques.
On sait les immenses résultats
que ces séances solennelles ont produits dans les pays voisins. Depuis
longtemps l’opinion publique en appelle de semblables dans
L’académie étant unique
pour ses séances, il importait de ne donner voix délibérative dans la proposition
et le jugement des concours qu’aux seuls membres que la chose concerne. Sans
cela on eût pu voir des personnes absolument étrangères à une science, venir y
décerner les prix.
En résumé, ce projet de
loi ne diffère du règlement actuel que par la création d’une classe des
beaux-arts, le nombre des membres, la fixation d une dotation, l’institution
d’une séance solennelle chaque année, et en réservant le droit de délibération
aux seuls membres de la classe que la chose concerne ; mais il donne à l’académie
une existence légale, et la met ainsi à l’abri des vicissitudes ministérielles.
Telles
sont, messieurs, les propositions qui composent le projet de loi dont je vais
avoir l’honneur de vous donner lecture ; je me bornerai à ajouter qu’il a été
communiqué à l’académie actuelle et qu’elle regardera son adoption comme un
véritable bienfait. (Nous l’avons fait connaître dans notre numéro 258.)
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).- Si le gouvernement avait pensé
que les améliorations à introduire dans l’académie de Bruxelles devaient faire
l’objet d’un projet de loi, il n aurait pas laissé à un membre de cette chambre
l’honneur de l’initiative. Il l’aurait prise cette initiative et depuis
longtemps. Le travail du gouvernement était préparé, et s’il n’a pas reçu de
publicité, c’est parce qu’il était subordonné à la discussion et à
l’acceptation du budget.
C’est à l’occasion de ce
budget que l’honorable M. Dumortier a cru devoir substituer son travail et ses
idées au travail et aux idées du gouvernement, et qu’il vous a présenté un
projet de loi, précisément lorsque le gouvernement se proposait d’opérer toutes
les améliorations désirables par voie administrative.
Le gouvernement ne songe
pas à poser ici une question de prérogative : que les améliorations soient
introduites par voie législative ou par vote administrative, peu nous importe,
pourvu qu’en définitive les améliorations s’opèrent. Mon but, en demandant la
préférence pour le projet du gouvernement, c’est de réserver les moyens
d’introduire avec moins de retards les améliorations depuis longtemps
réclamées.
L’académie de Bruxelles
n’a jamais existé législativement ; elle a toujours été dirigée par voie
administrative. Jusqu’à cette année, les chambres ont voté les fonds nécessaires
pour cet établissement sans protester contre son existence. Ce n’est qu’au
troisième budget que l’honorable M. Dumortier a élevé des doutes sur la
légalité des mesures de réorganisation projetées ; je crois que les scrupules
de l’honorable membre vont trop loin. S’il refuse au gouvernement le droit
d’introduire, dans les établissement d’utilité publique, des améliorations par
voie administrative, la chambre envahira bientôt le domaine du pouvoir
exécutif, et vous serez obligés d’entrer dans des détails interminables.
Cependant, messieurs,
vous n’éprouvez pas toujours tant de craintes de l’action du gouvernement ;
vous lui abandonnez le soin d’améliorer administrativement le conservatoire de
musique, les musées et beaucoup d’autres institutions, et vous agissez avec
prudence ; et d’ailleurs, messieurs, n’exercez-vous pas chaque année votre
contrôle dans le budget ? N’êtes-vous pas libres d’exercer vos critiques, de
relever les abus, et en définitive de refuser les allocations et d’anéantir
ainsi les abus, qui pourraient se rattacher à une mauvaise institution ? Quelle
autre action voudriez-vous vous réserver encore ?
En
fait il s’agit de savoir si vous laisserez au gouvernement la faculté
d’améliorer l’académie de Bruxelles, ou bien si vous retirerez à vous cette
faculté. Mais remarquez bien, messieurs, que vous êtes déjà encombrés de
projets de loi, et que les améliorations sont urgentes.
Enfin, je dois déclarer
que si la chambre est d’avis de prendre la proposition de M. Dumortier en
considération, je me hâterai de formuler le travail du gouvernement en un
projet de loi qui sera présenté à la chambre.
M. Ernst. - Je viens appuyer la prise en
considération de la proposition qui nous est faite par l’honorable M. Dumortier.
La question n’est pas de savoir s’il y a utilité, nécessité même, de
réorganiser, de compléter l’académie de Bruxelles ; la chambre, le ministère,
l’académie elle-même, tout le monde est d’accord sur ce point. La question
n’est pas non plus de savoir si le projet qui vient de nous être présenté est
susceptible de quelques améliorations : il semble bon en général. Les
modifications qui seront jugées nécessaires seront faites dans les épreuves
préparatoires auxquelles il sera soumis.
Toute la question est de
savoir si la chambre a le droit de faire une loi organique sur cette matière :
or, l’affirmative me paraît sans difficulté. Le gouvernement nous déclare qu’il
n’élève pas une question de prérogative royale ; cependant il s’oppose à la
prise en considération de la proposition de notre honorable collègue, et
prétend qu’il lui appartient de régler la chose par arrêté. Il y a là de quoi
nous surprendre.
Je vais plus loin, je
soutiens que le ministre ne peut légalement procéder à la réorganisation de l’académie
par voie administrative ; j’essaierai de vous faire partager ma conviction. Le
pouvoir du Roi est limité par la constitution. L’art. 78 porte : « Le Roi
n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution
et les lois particulières portées en vertu de la constitution même. »
Cette disposition est
précise et se trouve confirmée par tous les autres textes de notre loi
fondamentale : d’après l’art. 25 tous les pouvoirs émanent de la nation ; les
prérogatives spéciales de la royauté sont expressément déterminées dans
d’autres textes : le pouvoir exécutif est donné au Roi dans l’art. 29, non pas
d’une manière illimitée, mais seulement comme il est réglé par le pacte
constitutionnel.
Le pouvoir exécutif ne
consiste, suivant l’art. 67, que dans la prérogative de faire les règlements et
arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois. Or il ne s’agit pas ici de
régler l’exécution d’une loi, mais de sanctionner des dispositions qui ont pour
objet de fonder une institution nationale.
Puisqu’on a parlé de
mesures administratives, je dirai qu’il ne faut pas confondre le pouvoir
exécutif avec le pouvoir administratif ; ce dernier pouvoir, je le conteste à
la royauté.
Je conviens avec M. le
ministre de l’intérieur que la législature a bien assez de ses propres
attributions, et qu’elle ne doit pas s’ingérer dans les détails de
l’administration mais tel n’est pas le but de la proposition de l’honorable
député de Tournay ; elle a pour objet d’organiser d’une manière stable une
institution qui contribuera à étendre le domaine des sciences et la gloire du
pays, et de lui donner une dotation permanente qui ne peut exister qu’en vertu
d’une loi.
M. le ministre de
l’intérieur vous a dit que jusqu’aujourd’hui toutes les améliorations avaient
eu lieu par mesure administrative ; mais aucune mesure de ce genre n’a été
prise à l’égard de l’académie.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il y en a eu dans d’autres
institutions.
M. Ernst. - Nous ne nous occupons que de
l’académie de Bruxelles, à laquelle on ne peut assimiler les conservatoires de
musique et le musée des arts et métiers. La loi du budget alloue des sommes
pour l’encouragement des arts, et il est naturel d’abandonner la distribution aux
soins du gouvernement ; mais quand il s’agit de créer une académie nationale,
il importe que la législature intervienne pour lui donner des garanties de
stabilité.
Organisée par une loi,
elle n’en aura que plus d’honneur et de relief aux yeux des étrangers comme des
Belges. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement attache tant de prix à
organiser l’académie ; voudrait-il s’arroger la nomination des membres de ce
corps savant ? je ne le pense pas. Voudrait-il
d’autres dispositions que celles énoncées dans le projet qui nous est présenté
? Mais il lui sera libre de soumettre ses idées à l’assemblée lors de la
discussion, de proposer les amendements qu’il jugera convenables.
Si la chambre prend en
considération, comme j’en ai la persuasion, la proposition de l’honorable M.
Dumortier, M. le ministre ferait bien de renoncer à présenter un autre projet,
et de contribuer avec nous à améliorer cette proposition autant que possible.
Je crois avoir démontré
que l’organisation de l’académie appartient au corps législatif et non au
gouvernement. Outre les raisons de légalité, j’ai fait valoir des motifs
d’utilité puisés dans la stabilité, l’honneur de l’institution, et l’existence
d’une dotation perpétuelle.
J’ajouterai que la
moindre concession qu’on puisse nous faire, c’est qu’il y a doute sur le droit
du gouvernement ; l’ancien ministère pensait qu’il fallait une loi organique,
l’honorable député du Limbourg nous l’a déclaré ; l’hésitation du ministère
actuel prouve assez qu’il n’était pas sûr de son droit.
Or,
il résulte évidemment du texte et de l’esprit de la constitution que, lorsqu’il
y a doute sur une prérogative royale, le gouvernement ne peut la revendiquer.
Il est encore très impolitique de le faire ; car l’opinion publique s’élève dès
le principe contre une institution qui ne paraît pas légalement établie : je
citerai pour exemple en finissant l’ordre civil de Léopold qui est impopulaire,
parce qu’on a généralement pensé que la constitution n’autorisait pas la
création de cet ordre.
M. de Brouckere. - J’appuie aussi la prise en
considération de la proposition, et je partage à tous égards l’opinion
développée par M. Ernst. Je ne conçois même pas pourquoi le ministre s’oppose à
la prise en considération, alors que lui-même déclare qu’il ne fait point de la
réorganisation de l’académie une question de prérogative.
Il m’importe peu, a-t-il
dit, que l’académie soit réorganisée par une loi ou administrativement. Nous,
nous déclarons qu’il nous importe beaucoup que ce soit par une loi, parce que
nous croyons qu’une réorganisation administrative empiéterait sur nos pouvoirs,
et nous devons nous opposer à de semblables empiétements.
Il est urgent, nous
assure le ministre, d’introduire dans le sein de l’académie les améliorations dont
elle est susceptible ; et c’est pour cela, qu il désire particulièrement
qu’elles fassent l’objet d’un arrêté. Mais les plus intéressés dans ces
améliorations, ce sont les membres de l’académie ; eh bien, vous l’avez entendu
dire par un membre de l’académie, les académiciens préfèrent attendre et avoir
une organisation faite par la législature.
Il importe à l’académie
d’être organisée de manière à avoir une existence assurée, stable,
indépendante. Si un arrêté l’organisait aujourd’hui, un arrêté pourrait la
réorganiser ou même la désorganiser demain, Il faut qu’un corps savant soit à
l’abri des mutations ministérielles, et je pourrais dire à l’abri des caprices
des ministres. Le ministère actuel peut quitter l’administration ; les hommes
qui y viendraient peuvent trouver que l’on a mal organisé et tout bouleverser.
Il n’y a pas d’analogie
entre l’académie et les administrations auxquelles on a voulu la comparer :
l’exposition des tableaux, le musée des arts, peuvent être réglés
administrativement ; par de doute à cet égard. Les commissions qui les dirigent
sont chargées de la conservation d’objets d’un grand prix, de compléter autant
que possible les établissements qui leur sont confiés ; mais elles n’ont aucun
pouvoir en dehors de ces attributions ; elles n’exercent aucune influence ;
pourrait-on dire qu’il en est de même de l’académie.
Mais
si l’organisation de l’académie ne vous paraît pas convenable, a dit le
ministre, vous rejetteriez au budget l’allocation qui la concerne ; vous
pourrez même l’anéantir si bon vous semble. Eh bien ! précisément nous ne
voulons pas que son existence soit mise en question chaque année, parce qu’un
ministre déplairait à la législature ; nous voulons, nous vous l’avons déjà
déclaré, que l’académie ait une existence stable et indépendante.
Par ces motifs, nous
demandons la prise en considération.
M.
Milcamps. - Je voterai contre la prise en considération de la proposition de
l’honorable M. Dumortier, non pas parce que j’en nie l’utilité ou la nécessité,
mais parce que je trouve qu’il y a quelque gloire à attacher son nom à
l’institution d’une académie belge, et que je ne veux pas enlever cette gloire
à l’initiative royale. Vous voyez, messieurs, que je ne combats pas les raisons
données par les deux préopinants, et ici l’on me comprendra ; mais que mon vote
sera déterminé par une considération toute particulière.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - L’orateur ne comprend pas les
motifs que nous avons de nous opposer à la prise en considération ; nous
croyions cependant les avoir exposés ; nous avons dit que c’était surtout le
vif désir qu’avait le gouvernement de doter le pays d’une institution qui,
telle qu’elle est aujourd’hui, ne répond pas au but qu’elle doit atteindre ;
institution qui peut par son influence, par son éclat, relever le pays et à
l’intérieur et à l’extérieur.
Nous avons dit que le
gouvernement ne faisait pas une question de prérogative de la réorganisation de
l’académie, mais qu’agissant administrativement dans certains cas analogues, il
croyait pouvoir agir ici de même ; que, si la constitution ne donne pas au roi
le pouvoir d’intervenir administrativement pour l’école royale de musique, par
exemple, elle ne lui interdit pas non plus cette intervention ; qu’il en est de
même pour l’académie.
Le projet d’organiser
l’académie par voie administrative n’a pas été conçu par nous seuls ;
l’honorable M. Dumortier lui-même a partagé notre opinion ; cela est si vrai
que je possède un projet d’arrêté écrit de la main de ce député académicien. Ce
projet est moins libéral que celui que nous voulions soumettre à S. M. J’ignore
si mon prédécesseur avait l’intention de présenter un projet de loi sur la
matière, je n’ai pas retrouvé ce projet dans les papiers du ministère ; j’ai
trouvé seulement dans un journal que son intention paraissait avoir été
d’organiser le corps savant par voie réglementaire.
On
invite le gouvernement à ne pas présenter un projet de loi en concurrence avec
celui de l’honorable M. Dumortier : Nous répondrons que, l’initiative exercée
par un membre n’entravant pas la marche du ministère, il usera de ses droits,
surtout quand il y a honneur à le faire.
Si la chambre prend la
proposition en considération, je persisterai dans mon dessein de transformer en
projet de loi le projet d’arrêté dont j’allais, tout à l’heure, vous donner
lecture ; et je demanderai que la chambre ne retarde pas la discussion de cette
loi.
M. Dumortier. - Il est vrai que j’ai présenté un
projet d’arrêté pour réorganiser l’académie, mais j’ai présenté ce projet en
subordonnant son adoption à la condition de savoir si, par cette voie,
l’organisation serait légale. Le ministre d’alors pensait que la mesure pouvait
être prise administrativement ; je ne suis pas jurisconsulte, j’ai consulté des
hommes éclairés et j’ai appris que le moyen était irrégulier.
Le projet de loi que j’ai
déposé sur le bureau de la chambre contient les mêmes bases que le projet de
règlement que je présentais.
Toute la question que
l’on agite maintenant est une question d’amour-propre. Je crois que la chambre
n’aura aucun égard à de pareilles considérations : il y a un objet plus
important à considérer, c’est la question de convenance, c’est la question de
stabilité.
L’organisation
que le ministre se proposait de faire administrativement était dirigée par une
camarilla particulière ; il n’avait point consulté l’académie sur sa
recomposition, il avait agi enfin avec une légèreté extraordinaire.
Le roi Guillaume, qui
cependant aimait à prendre du pouvoir, a agi avec circonspection pour
réorganiser l’académie : c’est ce que l’on peut voir dans l’arrêté du 7 mai
1816. Il a conservé ce qui existait, et il n’a rien voulu faire sans consulter
l’académie elle-même.
(Moniteur belge n°279, du 6 octobre 1833) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne me suis point abstenu,
comme on le dit, de consulter l’académie sur la recomposition de son personnel
; j’ai consulté à cet égard plusieurs de ses membres capables de l’éclairer ;
j’ai eu plusieurs entretiens avec le directeur de l’académie ; j’en ai eu avec
M. Dumortier lui-même ; j’ai tellement cherché à m’entourer de lumières, qu’on
me reprochait naguère d’avoir consulté jusqu’au dernier bourgmestre ;
aujourd’hui on me reproche de n’avoir consulté personne.
Si l’honorable M.
Dumortier m’avait laissé lire le rapport que je soumettais au Roi, il aurait vu
de quelle manière je voulais avilir le premier corps savant de
Je m’opposerai, pour le
dire en passant, à l’adoption de l’article du projet présenté par M. Dumortier,
et dans lequel il dit que la nomination des membres de l’académie aura lieu
avec l’agrément du Roi. Vous ne savez pas ce que le gouvernement veut faire, et
vous lui reprochez ce qu’il a fait ; il n’a que des vues bienveillantes, des
vues tout à fait libérales à l’égard de l’académie de Bruxelles.
J’atteste qu’il n’est
point entré dans la pensée du gouvernement de ne point conserver les membres
actuels de l’académie. Mais ce corps est incomplet. Et si la classe des
sciences peut être regardée comme à demi constituée, la classe des lettres ne
compte que sept membres, et la classe des beaux-arts manque tout à fait.
On croit nous
embarrasser en disant que le gouvernement fait de ceci une question
d’amour-propre : oui, il est des cas, et nous l’avouons, où le gouvernement met
de l’amour-propre à prendre l’initiative ; oui, il va de l’honneur du
gouvernement de doter le pays d’institutions qui peuvent attirer la considération
sur la nation ; et la chambre comprendra la susceptibilité que la
gouvernement a fait naître dans cette
circonstance.
Je demanderai à mon tour
à M. Dumortier si des sentiments de pur désintéressement l’ont conduit, quand,
sachant que le gouvernement se proposait de réorganiser l’académie par un
arrêté, il est venu, en son nom, substituer à ce projet un projet de loi ?
Je sais bon gré à
l’honorable membre d’avoir voulu aujourd’hui s’expliquer avec modération ; s’il
se fût livré à la vivacité qu’il a mise d’abord dans la discussion de cette
question, j’avais une réponse toute prête à lui faire, une réponse accablante.
C’était l’autorité de M. Dumortier que j’aurais opposée à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Vous dénaturez mes intentions.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, j’avais à cœur de défendre les
intentions du gouvernement ; il n’a eu, je le répète, que des intentions
bienveillantes pour ce corps dont on affecte de déplorer le sort.
Il a voulu prendre
l’initiative dans cette mesure ; mais si la chambre ne pense pas que la
réorganisation doive avoir lieu administrativement, il se trouve encore heureux
d’exécuter la loi que vous vous empresserez sans doute de porter.
M. de Brouckere. - Je ne vois pas qu’on enlève aucune gloire au Roi en prenant dans
cette enceinte l’initiative d’un projet de loi…
De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !
M. de Theux. - Je veux que la chambre sache bien
que mon opinion était qu’une loi devenait nécessaire pour réorganiser
l’académie ; et mon intention était de présenter cette loi dans la session
actuelle.
- La prise en
considération de la proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée.
La chambre la renvoie à
une commission qui sera nommée par le bureau.
Développements
de la proposition
M. Donny est appelé à la tribune pour présenter le
développement d’une proposition que, dans une des séances précédentes, il a
déposé sur le bureau. Il s’exprime ainsi. - L’article 115 de la constitution
impose aux chambres le devoir d’arrêter annuellement les comptes de l’Etat.
D’après le sens littéral
de cet article, les chambres devaient arrêtés en 1831 le compte de 1830 ; en
1832, le compte de 1831. Cette année-ci, la loi sur le compte de 1832 devrait
être votée.
Cependant, jusqu’à ce
jour, aucun de ces comptes n’est arrêté, et la chambre ignore encore à quelle
époque elle pourra s’en occuper.
Cet état de choses n’est
pas imputable à la législature. S’il est de son devoir de voter annuellement
les lois des comptes, il n’entre pas dans ses attributions de les
projeter ; par la nature même des choses, le ministère des finances est
appelé, lui seul, à préparer ces lois, parce que lui seul a connaissance de
leurs éléments constitutifs.
Il est vrai qu’on vous a présenté un projet de
loi sur les comptes de 1830 et de 1831 ; mais vous avez pu l’adopter. Votre
section centrale, pour éviter d’en proposer le rejet, a dû conclure à
l’ajournement de la discussion.
Il est vrai encore que
la marche adoptée par le département des finances ne lui permet de rendre ses
comptes qu’après une période de plusieurs années ; mais pourquoi a-t-il adopté
cette marche, évidemment contraire au texte de l’article 115 de la constitution
?
En vain dirait-on que le
congrès, en votant l’article 115, n’a pas eu l’intention de le rendre
immédiatement applicable à la reddition des comptes. Je répondrais qu’il faut
juger l’intention par la disposition ; que celle-ci est claire, et veut un
compte à chaque année ; qu’ainsi il entrait dans les vues du congrès que le
compte de 1830 fût arrêté en 1831, celui de 1831 en 1832, et ainsi de suite. Je
demanderais, d’ailleurs, comment le congrès aurait accueilli un ministre qui
serait venu lui dire : « Pendant trois ans je vais disposer librement des fonds
de l’Etat, sans en rendre compte à qui que ce puisse être. Après ce terme, je
vous présenterai un premier compte ; mais il ne portera que sur une seule
année, parce que, d’après la marche que j’ai adoptée de votre aveu, vous ne
devez savoir ce que je reçois et ce que je dépense que trois ans après la
recette ou la dépense. »
En vain dirait-on encore
que l’application immédiate de l’article 115 était impossible. Je répondrais
que cette impossibilité n’existe pas en réalité ; qu’elle n’est que la conséquence
du système adopté par le ministère, système qu’on aurait dû abandonner, par
cela seul qu’il suspendait l’effet d’une disposition claire et formelle de la
constitution.
Si, comme je le pense,
le système suivi par le département des finances pour la reddition des comptes
est inconstitutionnel, il est de mon devoir de le combattre, et de provoquer
l’adoption d’une marche plus légale. Je viens de m’acquitter d’une partie de ce
devoir ; et c’est pour le remplir entièrement que je vous prie, messieurs, de prendre
en considération le projet de loi que je vous ai présenté. Je ne me suis, du
reste, pas dissimulé la gravité de ma tâche ; et si je me suis senti le courage
de l’entreprendre, c’est parce que j’ai osé compter sur l’indulgence
bienveillante de mes honorables collègues : ils rendront justice à mes
intentions et à mes efforts, alors même qu’ils ne pourraient en adopter les
résultats.
Avant d’arrêter la
marche de la comptabilité que j’ai eu l’honneur de vous proposer, je me suis
tracé quelques règles.
Il faut, me suis-je dit,
que le compte d’une année soit arrêté avant la fin de l’année suivante. De là,
nécessité de fixer des termes au gouvernement pour la confection du compte ; à
la cour des comptes, pour la vérification ; à la législature, pour le vote. De
là encore, nécessité d’écarter du compte tout élément qui aurait occasionné des
retards ; nécessité de laisser porter en recette et en dépense des articles non
régularisées par la cour des comptes.
Il faut que le compte de
l’Etat soit à la portée de toutes les intelligences. De là, nécessité de
supprimer toute recette ou dépense fictive, tout rappel, tout report de solde ;
en un mot, toute opération capable d’embarrasser la conception de ceux qui sont
étrangers aux finances.
Il faut de plus que le
compte puise éclairer la nation sur la situation financière de l’Etat. De là,
convenance de porter en compte les recettes et les dépenses de l’année, sans en
excepter les articles non régularisés, ; convenance d’y indiquer les recettes
et les dépenses effectuées depuis la révolution ; les produits, les
recouvrements faits, et ceux à faire ; les crédits, l’emploi qui en a été fait,
et la partie qui en reste disponible.
Il faut encore que le compte
fasse connaître de quelle manière chaque loi de voies et moyens, chaque loi de
budget reçoit son exécution ; en d’autres termes, il faut que le compte indique
séparément les recettes et les dépenses effectuées sur chaque exercice. De là,
convenance de diviser le compte en exercices distincts, successivement ouverts,
et successivement apurés.
Il faut enfin que la
législature connaisse exactement ce qui a été régularisé par la cour des
comptes, et ce qui n’a pu l’être. De là, convenance de mettre l’avis de cette
cour en regard de chacun des éléments du compte.
Tels sont, messieurs,
les principes que j’ai pris pour guides ; telles sont les conséquences que j’en
ai déduites. Vous jugerez si j’ai réussi à les faire passer dans mon projet.
Selon que vous adopterez
ou que vous rejetterez ces principes et les conséquences que j’en tire, la
partie essentielle de mon projet sera adoptée ou rejetée. J’attaque peu de prix
aux dispositions de détail et à la rédaction, et je m’abstiendrai même de vous
soumettre aujourd’hui des développements à cet égard.
Ce serait abuser de
votre attention que de rechercher dès à présent les observations qui pourront
s’élever contre mon projet. Il en est cependant qui se présente si
naturellement à vos esprits, que j’éprouve le besoin d’en détruire
l’impression.
Il se peut, me
dira-t-on, que votre projet paraisse fort bon en théorie ; mais rien ne
garantir la possibilité de sa mise en pratique.
Je répondrai d’abord que
mon projet n’est pas le résultat d’une idée entièrement nouvelle, isolée de
toute conception antérieure. Il se rapproche, sous quelques rapports, de la
comptabilité française ; sous d’autres, il se rapproche de celle que suit notre
gouvernement lui-même. Il est donc susceptible d’être mis en pratique, au moins
en grande partie.
J’ajouterai que j’ai
refait en entier les comptes ministériels de 1830 et de 1831 d’après les
dispositions de mon projet de loi, et que je l’ai fait avec succès, ainsi que
vous pourrez vous en convaincre, messieurs, en jetant un coup d’œil sur les pièces
que je dépose sur le bureau. A l’égard de ces pièces, je dois vous faire
observer que je ne puis répondre de l’exactitude des éléments de mes comptes.
J’ai puisé ces éléments dans les pièces qui nous ont été distribuées de la part
du gouvernement, et je les ai mis en ordre sans recourir à d’autres
renseignements. La forme seule est mon ouvrage.
J’ose espérer,
messieurs, que vous prendrez mon projet en considération, parce que l’objet
auquel il se rattache est de la plus haute importance, et parce que,
d’ailleurs, ce projet servira de base à des discussions qui nous conduiront à
l’adoption d’une loi sur la reddition des comptes. Vous vous souviendrez,
messieurs, que cette loi a été vivement demandée par la cour des comptes, par
la commission des finances, et, tout récemment encore, par la section centrale.
Si, à cet égard, mon
attente n’est pas déçue, je n’aurai plus qu’à émettre le vœu que la chambre,
après avoir pris le projet en considération, veuille bien le renvoyer à l’avis
de la cour des comptes.
- La proposition de
l’honorable M. Donny est prise en considération à l’unanimité. Elle sera
renvoyée dans les sections.
Développements
de la proposition
M. le président. - La parole est à M. Brabant pour
le développement de sa proposition.
M. Brabant. - Messieurs, les poursuites
vexatoires du syndicat d’amortissement, celles surtout qui avaient pour objet
de dépouiller les fabriques des églises et les établissements de charité d’une
partie des biens que leur attribuaient les lois et les arrêtés en vigueur, sont
l’un des griefs qui ont soulevé l’opinion publique contre le gouvernement des
Pays-Bas.
Dès la réunion du
congrès, l’administrateur des finances fit entendre des promesses de
redressement.
Le gouvernement
provisoire satisfit même à une partie des réclamations des fabriques, par son
arrêté du 31 décembre 1830.
Quelques mois étaient à
peine écoulés, et déjà les promesses de redressement étaient oubliées ;
l’arrêté réparateur était attaqué par le gouvernement lui-même. On continuait
les opérations des commissaires aux recherches du syndicat, opérations décriées
à si juste titre, et objet de tant et si énergiques pétitions. On continuait
également à stimuler, par des primes proportionnelles, le zèle des agents du
fisc. Les anciennes poursuites étaient reprises. On en intentait, ou on
menaçait d’en intenter de nouvelles en grand nombre. Toutes les fabriques des
églises, tous les établissements de charité étaient inquiétées à la fois.
Des pétitions
signalèrent à la représentation nationale ce retour à l’ordre de choses qui
avaient amené la révolution.
Deux propositions furent
déposées sur le bureau de la précédente chambre des représentants, le 20
janvier 1832 :
L’une ayant pour objet
les biens des fondations pour messes, anniversaires et services religieux ;
L’autre, les biens pour
lesquels les établissements de charité et les fabriques ont obtenu des arrêtés
d’envoi en possession, en exécution des arrêtés royaux du 17 avril et du 19
août 1817. (Journal officiel, n°18 et 29.)
Développées dans la
séance du 27 janvier 1832, elles furent prises en considération, à l’unanimité,
en celle du 31 du même mois, et renvoyée à l’examen des sections
Plusieurs sections
avaient terminé leur travail et nommé leur rapporteur, lorsque paru l’arrêté de
dissolution.
La proposition que nous
avons l’honneur de vous soumettre, n’étant que la reproduction littérale des
deux projets de loi dont la chambre précédente était saisie, et que nous avons
réunis cette fois en un seul projet, il serait superflu d’en exposer de nouveau
les motifs avec étendue ; il suffira d’en rappeler succinctement les principaux.
Après le rétablissement
du culte en France, le gouvernement français prit la résolution de pourvoir aux
besoins des fabriques dépouillés de tous les biens, en leur restituant le peu
qui avait échappé aux ventes de biens nationaux, et en leur attribuant les
biens des fondations pieuses, à la charge de remplir les intentions des
fondateurs.
En conséquence, un
arrêté du 7 thermidor an XI rendit à leur destination les biens des fabriques
non aliénés, ainsi que les rentes dont elles jouissaient et dont le transfert
n’avait pas été fait. Il réunit les biens des fabriques des églises supprimées
à ceux des églises conservées.
Un arrêté du 28 frimaire
an XII attribua en outre aux fabriques les différents biens, rentes et
fondations chargées de messes, anniversaires et services religieux faisant
partie des revenus des églises
Un décret du 15 ventôse
an XIII appliqua les dispositions de l’arrêté du 7 thermidor an XI aux biens
provenant des fabriques des métropoles et des cathédrales des anciens diocèses,
à ceux provenant des fabriques des ci-devant chapitres métropolitains et
cathédraux, à ceux provenant des fabriques des collégiales.
Il résulte de plusieurs
actes avoués du gouvernement lui-même, et notamment d’un décret du 28 messidor
an XIII, et des avis du conseil d’Etat, approuvés par l’empereur, des 2
frimaire an XIV et 30 avril 1807, que l’arrêté du 28 frimaire an XII n’est pas
simplement explicatif, mais qu’il est extensif de l’arrêté du 7 thermidor an XI
; qu’il a eu pour objet d’attribuer aux fabriques, non seulement les anciens
biens de fabriques non aliénés, qui leur appartenaient exclusivement, et qui
étaient administrés par elles (l’arrêté de l’an IX ne laissait pas de doute à
cet égard), mais encore les biens provenant de fondations pieuses quelconques, même
d’anciennes confréries supprimées, et qui avaient pour objet, soit l’entretien
et l’ornement des églises, soit l’exonération de messes ou services religieux
dans ces mêmes églises.
Une décision du ministre
des finances du 30 ventôse an XII, expliquait même expressément que l’arrêté du
28 frimaire an XII comprend non seulement les fondations pour services
religieux faisant partie des revenus des églises qui avaient été faites
nommément aux fabriques, mais encore celles qui l’auraient été au profit des curés,
vicaires, chapelains et tous autres ecclésiastiques de la même église, nommés
pour servir ces fondations.
Comme vous pouvez le
remarquer, messieurs, l’arrêté du 28 frimaire an XII ne distinguait pas si les
fondations de services religieux avaient été ou non érigées en titre de
bénéfice simple.
Il n’y avait pas de
raison, en effet, pour établir cette distinction, puisqu’en attribuant aux
fabriques les biens des fondations érigées en bénéfices, on ne rétablit point
le bénéfice et le privilège d’institution qui y était attaché ni le droit
exclusif du titulaire qui demeure supprimé ; mais, comme le dit l’avis du
conseil d’Etat du 2 frimaire an XIV, seulement la condition principale, celle
d’acquitter les charges, prières et services, que le fondateur a prescrits.
Dépouillées du caractère de bénéfice, elles demeurent de simples fondations
pieuses, rangées parmi celles dont parle l’arrêté, et que l’on doit mettre sur
la même ligne.
Le motif de l’arrêté,
celui d’indemniser les fabriques de ceux de leurs biens qui avaient été
aliénés, et d’assurer en même temps l’accomplissement des intentions des
fondateurs, s’applique aux uns comme aux autres.
Et il est manifeste au
surplus que l’arrêté a considéré comme faisant partie des revenus d’une église
les biens et rentes provenant d’anciennes fondations, pour cela même qu’elles
avaient pour objet l’entretien ou l’ornement de cette église, ou que les
produits de ces biens servaient à rémunérer des célébrations de messes ou des
célébrations de services religieux dans cette église.
Telle est la jurisprudence, aujourd’hui
constante, de la cour de Bruxelles ; telle était aussi celle de la cour de
Liège avant l’année 1827.
C’est cependant cette
distinction entre les biens des fondations non érigées en bénéfices et ceux des
anciens bénéfices simples, que le syndicat d’amortissement, et après lui
l’administration des domaines, s’efforcent de faire introduire dans l’arrêté du
28 frimaire an XII.
L’arrêté du gouvernement
provisoire du 31 décembre 1830 avait tranché la question en faveur des
fabriques et rejeté la distinction ; mais l’administration des domaines
elle-même en a attaqué la légalité.
Les fabriques sont donc
exposées aujourd’hui, comme avant la révolution, à un grand nombre de procès
ruineux, dont les frais absorberont une grande partie de la valeur des biens
contestés.
Ces procès devront même
être intentés tous à la fois, soit par le domaine, soit par les fabriques, pour
éviter que des prescriptions ne viennent à s’accomplir.
Nous vous proposons,
messieurs, de couper racine, par une disposition législative, à ces
contestations nombreuses et ruineuses. Tel est l’objet des deux premiers
articles de notre projet.
Nous vous proposons ce
qui avait été réclamé du gouvernement précédent par la régence de la ville de
Liége, et par l’assemblée générale des états de la province de Liége, dans leur
mémorable session de 1830 ; ce qui avait été accordé comme un acte de justice
par le gouvernement provisoire.
Nous vous prions de
remarquer qu’en décrétant la loi proposée et en se prononçant en faveur des
fabriques, le pouvoir législatif ne court aucunement le risque de dépouiller
des tiers d’un droit litigieux ; car la difficulté qu’il s’agit de résoudre ne
le sera qu’entre le domaine d’une part et les fabriques d’autre part, les fabriques
dépouillées, il y a près de quarante ans, au profit du domaine, de toutes leurs
propriétés si considérables, et auxquelles le domaine dispute encore
aujourd’hui les faibles débris qui ont échappé à un aussi grand désastre.
D’ailleurs, le
renouvellement des poursuites vexatoires de l’odieux syndicat ne peut que
déconsidérer le gouvernement sorti de la révolution, et il est d’une sage
politique de consacrer par une loi l’arrêté du gouvernement provisoire, qui
avait répondu sur ce point au vœu général.
Les art. 3 et 4 ou la
seconde partie de notre proposition sont justifiés par les arrêtés mêmes des 17
avril et 19 août 1817, qu’ils rappellent.
« Considérant,
porte le premier, qu’il importe aux intérêts des hospices et autres
établissements de bienfaisance que la propriété des biens et rentes, dont ils
sont en possession en vertu de la loi du 4 ventôse an IX, leur soit
définitivement acquise et mise à l’abri de toute contestation ;
« Qu’il importe aussi
de prévenir les poursuites que le domaine pourrait faire contre les débiteurs
de fermages ou rentes, dont la possession se trouverait avoir été acquise par
ces établissements. »
« Considérant,
est-il dit au second, qu’il importe aux fabriques des églises catholiques de se
voir confirmées dans la paisible propriété des biens et rentes dont elles se
trouvent en possession en vertu de la loi du 7 thermidor an XI, et de parvenir
à la possession de ceux de ces biens et rentes qui auraient dû leur être restitués
d’après la même loi ;
« Considérant qu’il
est dans l’intérêt, non seulement des susdites fabriques, mais aussi du domaine
de l’Etat, de faire cesser autant que possible les procédures déjà entamées à
cet égard ; et de prévenir les contestations qui pourraient s’élever par la
suite ;
« Considérant,
enfin, que le bon ordre dans l’administration exige qu’il soit mis un terme à
l’incertitude encore existante, et qu’on établisse, d’une manière définitive,
quels sont les anciens biens d’église qui, en vertu de la loi précitée, doivent
restés réunis au domaine, et quels autres doivent rester en la possession des
fabriques ou leur être restitués. »
Le but annoncé dans l’un
et l’autre arrêté était donc de faire cesser et même de prévenir toute
contestation entre le domaine d’une part, les établissements de charité et les
fabriques d’autre part, et de mettre définitivement un terme à toute
incertitude sur la propriété des biens possédés par eux.
Pour atteindre ce but,
ces arrêtés soumirent à une révision générale tous les envois en possession
accordés jusque-là aux établissements de charité pour les biens domaniaux celés
qu’ils avaient découverts, ou aux fabriques pour les biens qui leur étaient
restitués ou attribués par les arrêtés des 7 thermidor an XI, 28 frimaire an
XII, etc.
Une instruction
véritablement contradictoire fut instituée, dans laquelle les établissements de
charité, les fabriques, l’administration du domaine furent entendus, et furent
provoqués à produire leurs titres et à faire valoir leurs moyens.
Cette instruction
terminée, s’il paraissait au roi que les droits du bureau de bienfaisance, de
la fabrique, etc., étaient bien établis, aux termes des lois existantes, il
accordait la mise en possession, laquelle, dans ce cas, aux termes exprès de
chacun des deux arrêtés, devenait définitive et non susceptible de contestation
ultérieure de la part du domaine.
Si au contraire l’envoi
en possession réclamé lui semblait donner lieu à une contestation sérieuse,
alors seulement il renvoyait la contestation devant les tribunaux.
Cependant, aussitôt que
le syndicat d’amortissement eut institué des commissaires aux recherches,
ceux-ci le déterminèrent à remettre en question, sous divers prétextes, la
plupart de ces envois en possession.
Un grand nombre furent
même, en violation de la promesse royale d’irrévocabilité, révoques par de
nouveaux arrêtés, rendus sur la proposition de la commission permanente du
syndicat.
Et les hospices, bureaux
de bienfaisance, ainsi que les fabriques, se virent, par suite, exposées à un
grand nombre de procès, qui vont ruiner des établissements dont les revenus
sont généralement inférieurs de beaucoup à leurs charges et à leurs besoins.
Nous avons pensé,
messieurs, que, comme cela est reconnu dans les arrêtés même de 1817, il
importe grandement, et à l’Etat et à ces établissements, de mettre un terme à
toutes ces contestations.
Et
puisque l’irrévocabilité des envois en possession obtenus est regardée comme
vaine par les agents du domaine, parce qu’elle est écrite dans les arrêtés seulement
et non dans la loi, il nous a semblé que le meilleur moyen de trancher la
difficulté était de donner la sanction de la loi à la promesse que contiennent
les arrêtés, promesse qui, vous le sentirez tous, messieurs, ne doit pas avoir
été faite en vain. Tel est l’objet des deux derniers articles du projet.
Nous espérons en
conséquence que, comme l’avait fait la chambre précédente, vous prendrez notre
proposition en considération.
M. de Brouckere. - Les deux propositions
présentées l’année dernière par l’honorable préopinant et par M. Dubus,
propositions qui n’en forment plus qu’une aujourd’hui, ont été prises en
considération sans aucune contradiction. C’est que l’on avait senti qu’elles
soulevaient des questions extrêmement difficiles, extrêmement ardues, qui
devaient amener des discussions très longues. On a pensé qu’il fallait ajourner
toute observation jusqu’au jour où l’on aurait à discuter le fond même de la
question. La chambre pensera sans doute de même aujourd’hui, et elle se bornera
à la prise en considération. (Oui ! oui !)
Quant à moi je me contenterai de donner mon vote.
- L’assemblée prend
cette proposition en considération à l’unanimité, et elle sera renvoyée dans
les sections.
PROJET
DE LOI ACCORDANT UN SUPPLEMENT D’INDEMNITE AUX OFFICIERS VOLONTAIRES
M. le président. - L’ordre du jour appelle la
discussion du projet de loi relatif à un supplément d’indemnité au profit des
officiers volontaires. M. le ministre se rallie-t-il au projet de la commission
?
M. le ministre de la guerre (M.
Evain) - Je m’y
rallie, attendu qu’il atteint le but que je m’étais proposé en présentant le
projet examiné par la commission.
M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :
« Une somme de
33,063 francs 66 centimes est transférée du chap. VIII du budget du département
de la guerre pour 1832 au chap. VII du même budget.
« Le
ministre-directeur de la guerre est autorisé à disposer de cette somme en
supplément à celle de 60,000 florins qui a été autorisée à titre d’indemnité
aux officiers de volontaires et de tirailleurs francs, et aux simples
volontaires de Maestricht et du Luxembourg, par la loi du 25 mai 1832.
« Au moyen de ce supplément,
il sera pourvu à la liquidation définitive de cette indemnité, et aucune
réclamation nouvelle ne sera admise. »
- Il est mis aux voix et
adopté à l’unanimité des 54 membres présents.
M.
Eloy de Burdinne s’est
abstenu, comme n’ayant pas eu une connaissance suffisante du projet.
PROJET
DE LOI TRANSITOIRE SUR LES PENSIONS MILITAIRES DE RETRAITE
M. le président. - L’ordre du jour appelle la
discussion du projet de loi transitoire sur les pensions militaires de
retraite.
Voici
les conclusions de l’honorable M. Jullien, rapporteur :
« La commission
vous propose de déclarer pour les motifs consignés dans le présent rapport,
qu’il n’y a lieu à délibérer.
« Subsidiairement
et si la chambre n’adoptait pas ces conclusions, la commission vous propose
l’adoption pure et simple du projet de loi, en faisant remarquer que si l’on
n’y trouve pas la demande d’un crédit pour faire face à ces pétitions, c’est
que M. le ministre de la guerre en fera la proposition au budget de 1834, les
pensions à accorder ne devant prendre cours qu’au 1er janvier prochain. »
M. Jullien,
rapporteur. -
J’ai dit et écrit dans le rapport dont il est question qu’un projet de loi
définitif sur les pensions militaires avait été présenté par M. le ministre le
31 janvier dernier, et l’on a imprimé le 31 février, ce qui est une date
singulière.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Il me
semble plus rationnel de statuer sur le projet qui vous a été soumis, et je
prie M. le président de vouloir bien consulter la chambre, pour savoir s’il y a
lieu à délibérer sur le projet du gouvernement.
M. Jullien, rapporteur. - M. le ministre nous a présenté un
projet de loi définitif sur les pensions militaires ; mais craignant que
l’époque avancée ne permît pas à la chambre de s’occuper de ce projet pendant
cette session, il vous a présenté une loi transitoire tendant à faire déclarer
que le gouvernement était autorisé à appliquer aux pensions militaires l’arrêté
du 22 février 1814.
Pour procéder
logiquement, la commission a dû examiner s’il était réellement besoin d’une loi
transitoire ; elle s’est souvenue des abus nombreux qu’on a déjà faits des lois
transitoires, et s’est décidée à ne pas en augmenter le nombre. L’arrêté-loi du
22 février 1814 ayant été rendu par le prince d’Orange, alors qu’il était
investi de tous les pouvoirs, nous avons pensé que le gouvernement pouvait
l’appliquer actuellement, et en conséquence nous vous avons proposé de déclarer
que cet arrêté existait encore.
Cependant,
comme la chambre pouvait ne pas partager notre manière de voir, nous avons posé
des conclusions subsidiaires et nous avons demandé l’adoption du projet. La
chambre décidera maintenant sur les motifs qui lui paraîtront les meilleures.
La commission n’avait
pas vu d’abord de quelle manière le ministre ferait face aux pensions ; il
résulte des explications qui m’ont été données que, ces pensions ne devant
partir que du 1er janvier, M. le ministre proposera un crédit pour y faire face
dans le budget de 1834.
M. de Brouckere. - On ne peut mettre aux voix la question de savoir s’il y a lieu à
prendre une proposition en considération que lorsque cette proposition vient
d’un membre. Un projet venant du gouvernement, il faut l’adopter ou le rejeter,
voilà tout. Il y a ici une manière fort simple de concilier les vues du
gouvernement et celles de votre commission. Et en effet, le gouvernement a voulu
faire remettre en vigueur un arrêté de février 1814 ; la commission, elle,
estime que cet arrêté est encore en vigueur. Or, si aucune voix ne s’élève
contre cette opinion, M. le ministre peut retirer son projet. Son but est
rempli, et de cette façon, la chambre a gagné cet avantage de procéder plus
régulièrement. (Bien ! bien !)
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - D’après les explications qui viennent d’être
données, et puisqu’il ne s’élève aucune voix contre le droit du gouvernement de
continuer d’accorder des pensions en se conformant à l’arrêté-loi de 1814, je
retire mon projet, tout en prenant acte du résultat de cette délibération.
M. d’Huart. - Il serait plus prudent, ce me
semble, de voter sur le projet du gouvernement : de cette manière, nous ne
préjugerions pas une question sur laquelle le gouvernement a eu des doutes, et
sur laquelle aussi le sénat pourrait bien n’être pas d’accord avec nous.
Adoptons le projet ; il sera envoyé au sénat, et ainsi les trois branches du
pouvoir auront été appelées à donner leur avis.
Le
gouvernement a présenté un projet de loi parce qu’il avait des doutes. La
chambre lui a montré que ces doutes n’étaient pas fondés ; et le ministre,
satisfait, consent à prendre sous sa responsabilité l’exécution de l’arrêté de
1814. Si, maintenant, un membre du sénat à une autre manière que nous
d’envisager la question, il exposera, au moment ou à l’occasion qu’il lui
plaira de choisir, ses opinions ou ses doutes ; et, si les avis sont partagés,
le gouvernement n’hésitera pas à reproduire son projet. (M. le ministre de la guerre fait un signe affirmatif.)
M. de Theux. - Cela est si évident, qu’il n’y a pas matière
à discussion.
M. Coghen et M. Jullien, rapporteur, qui avaient
demandé la parole, y renoncent.
M. d’Huart. - Mon intention n’avait pas été de
soulever une discussion. Mais nous connaissons tous l’esprit conciliant de M.
le ministre ; il s’est rallié volontiers à une proposition qui lui semblait
remplir son but. J’ai voulu empêcher qu’il n’eût à regretter d’avoir adopté
trop vite une résolution qui lui était proposée par la chambre.
M. le président. - La parole est à M. Frison pour
une motion d’ordre.
M. Frison. - Messieurs, dans la séance
du 18 septembre, M. l’abbé de Foere a donné lecture d’une proposition sur les
lins ; vous vous rappelez que les motifs vous en ont été longuement développés
le lendemain. Il paraît que l’honorable membre, dont la présence m’eût dispensé
de faire ma motion d’ordre, n’a point encore fait parvenir son manuscrit au Moniteur. Cependant cette proposition
doit avoir une influence immédiate sur notre agriculture. Je demande donc que
le bureau de la chambre soit prié d’inviter notre honorable collègue à
transmettre ses développements, afin qu’ils nous soient distribués avant notre
séparation, ou nous soient envoyés à domicile, puisque notre séparation est
très prochaine. De cette manière, nous pourrions, pendant nos vacances, méditer
et examiner mûrement une mesure aussi importante que celle qui nous a été
présentée.
- Le
bureau est prié d’écrire à l’honorable M. de Foere.
M. le président. - La parole est à M. Desmet pour
une motion d’ordre.
M. Desmet. - Messieurs, la chambre m’a
autorisé développer ma proposition sur un droit à établir sur le lin à sa
sortie du pays, immédiatement après la discussion du budget des finances ; je
suis prêt à faire ce développement ; mais comme il est assez long et que j’ai
été obligé d’y joindre des tableaux de chiffres statistiques, la chambre voudra
probablement me dispenser de lui en faire la lecture et me permettra d’en
déposer le manuscrit sur le bureau pour être inséré dans le Moniteur.
Comme la prise en
considération de ma proposition ne pourra être discutée que dans la session
prochaine, dans l’intervalle les membres pourront prendre communication de mes
motifs et mieux les apprécier.
Je crois aussi qu’il
sera dans l’intérêt de cette grave question, et j’en fais la proposition, que
pendant le même intervalle M. le ministre de l'intérieur consulte et prenne
l’avis des administrations communales du royaume, afin de savoir :
1° si la récolte de lin
de cette année à réellement manqué dans tout le royaume ;
2° Si la mesure présenté
par ma proposition sera dans l’intérêt de l’industrie manufacturière des
toiles, et si elle sera un moyen propice pour améliorer l’état de cette
intéressante branche industrielle et le sort des ouvriers qui y trouvent leur
subsistance ;
3°
Si cette mesure ne portera pas un grand préjudice à l’agriculture, aux grands
cultivateurs et aux propriétaires de terres.
Messieurs, M. le
ministre pourra, à l’ouverture de la session prochaine, vous faire un rapport
sur les renseignements qu’il a reçus des autorités communales, par lequel, je
pense, la chambre sera beaucoup aidée pour prendre une décision sur cet objet
important.
M.
A. Rodenbach. - Je m’étais engagé à développer tendant à imposer les toiles étrangères
de 10 p. c. ; mais la session touche à son terme, et mes observations seront
mieux accueillies à la session prochaine.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Depuis que cette question a été soulevée,
j’ai consulté les chambres de commerce ; une grande partie des renseignements
nécessaires me sont déjà parvenus, et j’ai la satisfaction d’annoncer que je
serai à même de les communiquer à la chambre.
M. Dumortier. - Messieurs, dans une séance
précédente, j’ai eu l’honneur d’annoncer que j’adresserais, avant la fin de la
session, des interpellations à M. le ministre sur l’état de nos relations
diplomatiques ; j’ai appris que M. le ministre des affaires étrangères,
voyageant à petites journées, est enfin de retour dans notre ville. Je prie ses
honorables collègues de vouloir bien le prier d’assister demain à la séance,
pour répondre aux observations qui lui seront soumises.
- La séance est levée à
4 heures.