Accueil
Séances
plénières
Tables
des matières
Biographies
Livres numérisés
Bibliographie
et liens
Note
d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 4 septembre 1833
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget
de la dette publique pour l’exercice 1833. Pensions du personnel de l’Etat (et
notamment des finances) à charge de la caisse de retraite (Dumortier,
Verdussen, Duvivier, Dumortier, Legrelle, Schaetzen, Dumortier, Duvivier, de Robaulx, Schaetzen, Dumortier)
2) Projet de loi portant le budget
du département de la justice pour 1833. Auditorat militaire (Lebeau,
Dubus, de Brouckere, Lebeau, Dubus, Lebeau),
Bulletin officiel (Dubus, Lebeau),
Moniteur belge et compte-rendu des séances parlementaires (Lebeau,
Fleussu, Lebeau, Dumortier, Lebeau, Legrelle, Dumortier, Rogier, Lebeau, Dumortier,
F. de Mérode, Fleussu, de Brouckere, Lebeau, Verdussen, Jullien, Lebeau), régime des prisons (et, notamment, choléra) (Soudan de Niederwerth, Fleussu, Soudan de Niederwerth, de Theux, Legrelle, Jullien, Lebeau, Dubus, Soudan
de Niederwerth, Legrelle, Soudan
de Niederwerth, Fleussu, Meeus,
Soudan de Niederwerth, Verdussen,
Dubus, Soudan de Niederwerth, Lebeau, de Theux, Lebeau, Dumortier, Dubus, Lebeau, Dubus,
Jullien, Lebeau), réparations
des prisons (notamment celle de Saint-Bernard) (Soudan de
Niederwerth, d’Hoffschmidt, Dewitte,
d’Hoffschmidt, Soudan de
Niederwerth, Fleussu, Lebeau,
Legrelle, F. de Mérode, de Theux, Soudan de Niederwerth, Dubus)
(Moniteur belge n°249, du 6 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi et demi.
Après l'appel nominal,
l'un de messieurs les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance
d'hier. La rédaction en est adoptée.
Quelques pétitions sont
renvoyées, après analyse, à la commission des pétitions
Il est fait hommage à la
chambre, par M. de Pontécoulant, d’un numéro de la Revue militaire.
M. Cols demande un congé pour cause
d'indisposition.
- Accordé.
Rapport de la section centrale
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, votre section centrale, à qui vous avez confié l’examen de
la dette publique, m'a chargé de vous faire son rapport sur l’amendement de M.
Verdussen relatif à la caisse de retraite. Elle a reconnu qu’au budget de 1832,
présenté par l'honorable M. Coghen, alors ministre des finances, dans la séance
du 30 novembre 1831, le nombre des pensions de la caisse de retraite s'élevait
à 1,051 qui formaient ensemble un total de 553.768 fr. ; et aujourd’hui, en
1833, d’après les documents qui nous sont parvenus, le nombre des pensions
monte à 1,231, formant un total de 668,000 fr.
Il en résulte donc que,
dans le courant d'une année, il a été accordé par la commission 180 pensions de
retraite montant à 114,242 francs, et cela indépendamment de toutes les
mortalités qui ont pu survenir et qui on dû apporter une grande diminution au
chiffre fixé par M. Coghen. En évaluant le résultat de cette moralité à 25,000
fr., nous sommes portés à conclure que dans le cours de l'année, la commission
de la caisse de retraite s'est crue en droit et pouvoir accorder pour 140,000
fr. de pensions. Voilà ce qui avait frappé votre section centrale ; elle avait
pensé qu'en suivant incessamment un crescendo semblable, le trésor public
serait considérablement grevé.
J'aurai l'honneur de
vous faire une autre observation. Lorsque M. Coghen présenta le budget de 1832,
il avait demandé à la chambre des représentants pour faire face aux besoins de
la caisse de retraite une somme de 93.636 fl. Il établissait qu’à cette époque
la retenue avait été portée à 5 p. c. sur les appointements supérieurs à 600
fl., et à 3 p. c. sur les appointements inférieurs à ce chiffre. Vous voyez que
le ministre des finances parlait alors de l’élévation de la retenue comme un
fait consommé, mais nous avons su depuis que l’administration de la caisse de
retraite s’était refusée à ce que l’arrêté royal réglant cet objet reçût son
exécution, et c’est ce qui donna lieu au crédit demandé au mois de juin
dernier.
Ainsi c’est de la
non-exécution des promesses du ministre et du nombre des pensions accordées
depuis un an, qu’est venue pour la caisse de retraite l’impossibilité de faire
face à ses besoins, et c’est ce qu’avait senti votre section centrale lors de
la proposition qu’elle vous avait faite.
En effet, en établissant
la retenue sur une somme totale de 8.700,000 fr. pour l’ensemble des
traitements des employés des finances, déduction faite de 300,000 fr. pour le
caissier de l’Etat, en établissant, dis-je, la retenue sur tous les traitements
à raison de 5 p. c., nous arrivons à une somme de 435,000 fr. En y ajoutant
celle de 200,000 fr. que vous avez accordée, nous avons 635,000 fr., et comme
les amendes forment un produit considérable, nous parvenons à élever les
recettes au niveau des besoins de la caisse.
Remarquez, messieurs,
que, dans le compte remis en juin dernier par M. le ministre des finances, il
n’est fait mention, pour les recettes extraordinaires de la caisse de retraite,
que d’une somme de 2,880 fl., et déjà nous avons fait observer que cette somme
n’est pas exacte. En effet, nous avions en main un document duquel il constait que la caisse de retraite obtenait, du chef des
amendes et contraventions, une somme de beaucoup supérieure. Nous avons voulu
voir à combien s’élevait sa part dans ces amendes, et d’après les bordereaux
fournis à la section centrale, nous avons reconnu que, dans le premier semestre
de cette année, cette part s’élevait à la somme de 20,000 fr. En adoptant donc,
pour le deuxième semestre de cette année, une somme semblable, c’est une
ressource de 40,000 fr. dont il faut tenir compte parmi les recettes de la
caisse de retraite.
Maintenant, d’après
l’intention manifestée par la chambre, voulant empêcher que la condition des
employés inférieurs ne fût empirée par l’augmentation de la retenue, en
considérant en outre que la majeure partie des petits employés ne parviennent
jamais aux grosses pensions de retraite qu’obtiennent si facilement les
employés supérieurs, nous avons pensé qu’il ne fallait pas élever d’avantage
cette retenue sur les appointements inférieurs à 1,200 ; calculée à raison de 3
p. c. sur environ 40 millions de traitements, elle fournirait une ressource de
120,000 fr.
D’un autre côté nous
n’avons vu aucune difficulté à ce que les appointements supérieurs à 1,200 fr.
fussent frappés d’une retenue de 5 p. c., car ce sont
les employés de cette catégorie qui obtiennent des pensions très élevées. Or,
calculant cette retenue sur une somme de 5 millions, nous avons trouvé que la
caisse de retraite obtiendrait encore de ce chef 250,000 fr. ; en tout 370.000
fr.
En outre les amendes lui
rapportent 40,000 fr., et nous avons alloué déjà 200,000 fr., de sorte que les
ressources de la caisse de retraite peuvent être évaluées à 610,000 fr. Comme
il y avait encore une différence entre ce chiffre et celui demandé pour la
caisse de retraite, votre section centrale, à la majorité des voix, propose
d’allouer un crédit supplémentaire de 50,000 fr. Mais, en faisant cette proposition,
elle n’entend en aucune manière établir un droit en faveur de la caisse de
retraite : elle n’entend pas que cela puisse servir de règle pour l’avenir, ni
que le ministre puisse s’en prévaloir pour majorer au budget de l’an prochain
les chiffre déjà voté ; mais elle vous propose cette allocation comme
supplément, et pour cette année seulement.
Quant à la différence
qui restera encore entre notre allocation et celle demandée, elle sera plus que
compensée par les mortalités.
La
section centrale pense que de nouveaux règlements sont indispensables, si l’on
ne veut pas que chaque année on accorde pour 150,000 fr. de pensions. Celles
conférées depuis la révolution doivent être révisées et liquidées d’après les
bases nouvelles, car elles ont été données d’une manière illégale et
inconstitutionnelle. Cette révision apportera une grande diminution dans le
chiffre total.
Je dois ajouter que c’est parce que
M le ministre des finances s’est rallié à la proposition de la section centrale
qu’elle a consenti à ce supplément pour en finir, et je pense qu’elle aura
l’approbation de la chambre.
M. Verdussen. - Si M. le ministre des finances se rallie au chiffre proposé par la
section centrale, je n’ai rien à dire ; dans le cas contraire, je voudrais que
le rapport fût imprimé pour que nous pussions l’examiner.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je ne puis pas me rallier à la proposition de la section centrale. (Mouvements divers.)
M. Dumortier, rapporteur. - Vous vous y étiez rallié cependant. Alors il sera nécessaire de faire
un autre rapport.
M. Legrelle. - Je confirme ce qu’a dit mon honorable collègue M. Dumortier. C’est
sur le consentement de M. le ministre que nous avons proposé le chiffre de
50,000 fr., et j’en appelle à cet égard au témoignage de M. Schaetzen qui se
trouvait à la section centrale.
M. Schaetzen. - C’est la vérité. (Marques d’étonnement.)
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Cela est si peu probable qu’à l’instant même, ici, M. Legrelle me
conseillait de me rallier à la section centrale. (Rires et exclamations.)
M. Legrelle. - M. le ministre ne m’a pas compris. Je l’ai engagé à déclarer à la
chambre, avant qu’aucun orateur n’eût parlé, et pour éviter d’allonger la
discussion, de déclarer, dis-je, qu’il s’était rallié à notre proposition dans
la section centrale.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je persiste à dire qu’à l’instant même l’honorable M. Legrelle
m’engageait à me rallier à la section centrale.
Plusieurs voix. - A déclarer que vous vous étiez
rallié.
D’autres voix. - Ce n’est pas la même chose.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - On voit donc, puisqu’on me faisait cette invitation, que je ne
m’étais pas rallié. (Si ! si !)
M. Schaetzen. - Si l’assemblée ne croit pas devoir s’en rapporter à la déclaration
qui lui est faite au nom de la section centrale, il y avait des témoins. (Il ne s’agit pas de cela !)
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je déclare que mon intention n’a jamais été de me rallier à un
chiffre bien inférieur à la somme dont nous avons besoin pour compléter le
paiement des pensions, et je ne conçois pas pourquoi en veut induite de mes
paroles que j’y aurais accédé. (Bruit.)
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, toutes les fois qu’il s’agit de la caisse de retraite,
vous voyez toujours des choses fort singulières.
L’année dernière c’était un ministre qui prenait, vis-à-vis de la législature,
un engagement formel, et cependant ou est venu nous dire plus tard qu’une
commission, illégalement établie, empêchait l’exécution de la promesse de ce
ministre. Aujourd’hui qu’arrive-t-il ? La section centrale propose un subside,
d’accord avec le ministre des finances, et celui-ci déclare qu’il n’entend pas
se rallier à cette proposition. D’après tout cela il est évident que, quand il
s’agit de la caisse de retraite, il existe un pouvoir occulte que la
représentation nationale ne peut tolérer. Ce n’est pas sans raison, messieurs
que je vous disais, dans une précédente séance, qu’on pourrait rompre encore
des engagements. Si nous n’avons pas de garantie que le rapport que nous venons
de faire sera exécuté, alors il doit être regardé comme non avenu, et je serai
le premier à écarter la proposition que nous avons faite.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier) - Je fais observer que M. Dumortier n’était pas même à la section
centrale quand je m’y suis présenté.
M. Dumortier, rapporteur. - J’étais sorti un instant, mais j’avais assisté à la délibération.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce que je dis est si vrai que, le
travail de cette section terminé, je l’ai vu remettre à M. Dumortier en dehors
du local où la délibération avait eu lieu. (Assez
! assez !)
M. Dumortier, rapporteur. - Je demande la parole.
M. de Robaulx. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, c’est un
véritable scandale que ces démentis que se donnent mutuellement le ministre et
les membres de la section centrale. S’ils ne sont pas d’accord sur le fait, que
la section centrale se retire de nouveau, et qu’après avoir entendu le ministre
des finances, elle présente un second rapport. Je demande donc qu’on passe à
l’ordre du jour (Appuyé ! appuyé !)
M. Schaetzen. - Je crois que cet incident ne
doit rien changer au rapport qui a été fait. Il est tel qu’il devait être, et
le ministre avait consenti à s’y rallier. ? Dans tous les cas, la chambre est
là pour faire droit sur les conclusions de ce rapport. Mais elle peut remettre
la discussion à demain.
Plusieurs voix. - Oui ! oui
! à demain !
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, il est fort singulier que M. le ministre des finances soit
venu dire que je n’étais pas à la section centrale… (Interruption.) Je dois me justifier.
M.
Fleussu. - M. Dumortier a raison.
Plusieurs voix. - Parlez ! parlez
!
M. Dumortier, rapporteur. - Je déclare que j’ai été présent à tout le travail de la section centrale
; je suis sorti un moment quand ce travail était achevé. Quant à l’engagement
de se rallier au chiffre que nous avons proposé, il a été pris en présence de
MM. Coghen et Desmaisières, que je regrette beaucoup de ne pas voir ici dans ce
moment.
Pour ce qui me concerne,
je ne puis admettre qu’après que, sur le consentement du ministre, la section
centrale a fixé un chiffre dans l’intérêt de la bonne harmonie, celui-ci se
dédise. S’il le fait, c’est parce qu’il est sous l’empire d’une force occulte que
nous ne pouvons tolérer, parce qu’elle est contraire à la loi, à la
constitution.
Je répète encore que si
je ne reçois pas du ministre l’engagement formel que les conclusions du rapport
seront exécutées, et que la retenue de 5 p c. ne sera faite que sur les hauts
fonctionnaires et non pas sur les petites, je n’allouerai pas un sou. Ainsi
nous forcerons l’administration de la caisse de retraite à ne plus commettre
des abus aussi scandaleux que ceux que nous avons vus depuis quelque temps. Il
a été conféré 180 pensions dans le cours d’une année. Or c’est la une
illégalité, une inconstitutionnalité
flagrante. Je demande qu’ont fasse cesser un pareil abus. (L’ordre du jour
! l’ordre du jour !)
- La discussion de cet
objet est remise à demain, et la chambre passe à l’ordre du jour qui est la
continuation de la délibération des budgets.
Discussion des articles
Chapitre
III. - Justice militaire
Article 2
M. le président. - Nous en étions restés hier à
l’article 2 de la justice militaire, intitulé « auditeurs et
prévôts. » Le ministre avait demandé pour cet objet 74,310 fr. La section
centrale propose d’allouer 61,810 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, d’après les règlements
en vigueur pour l’administration de la justice militaire, il devait y avoir 9
auditeurs provinciaux et 6 auditeurs en campagne, nombre égal à celui des
divisions. Or, en tout il n’y a que 10 auditeurs et 2 adjoints, total 12. C’est
donc trois de moins que le gouvernement n’est autorisé à en nommer. Cette
différence vient de ce que le service des provinces de Liège et du Limbourg est
confié en ce moment à un seul auditeur, de ce que la même mesure a été adoptée
pour les provinces de Namur et de Luxembourg, et de ce qu’enfin l’auditeur de
Gand cumule les fonctions d’auditeur provincial et d’auditeur en campagne près
la 7ème division.
Une voix. - Il n’y en a que six.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est vrai mais ici il y a une
explication à donner. Il a été créé 7 divisions, mais seulement sur le papier,
il n’y en a en réalité que 6, mais c’est la 5ème et non la 7ème qui n’est pas
organisée.
J’avais d’abord cru, sur
l’observation qui m’avait été adressée hier, que c’était par erreur qu’on avait
porte au budget Bruxelles et Hasselt ; mais bien qu’en effet il n’y ait pas d
auditeur spécial pour la province du Limbourg, attendu que les fonctions en sont
réunies à celle de l’auditeur de Liége, ce n’est pas sans raison qu’on a accolé
Hasselt à Bruxelles. Il faut savoir que l’auditeur de la province de Limbourg
est un sieur Coppé, qui n’a pas été dépouillé de ce
titre, mais qui n’en fait pas les fonctions parce qu’il est attaché à la
première division, et que momentanément l’auditorat du Limbourg est réuni à
celui de Liége, qui jouit, à ce titre, d’une légère augmentation de traitement.
Mais on prévoyait que cet état de choses pouvait d’autant plus aisément cesser,
qu’il y a un nombre considérable de forces militaires concentrées dans le
Limbourg, et que déjà même on avait réclamé pour que l’auditorat du Limbourg
fût détaché de celui de Liége ; on a donc maintenu le traitement pour Hasselt,
bien qu’on n’ait pas fait droit à ces réclamations, et que ce traitement
resterait libre au budget.
Quant à l’auditeur de
Gand qui remplit à la fois les fonctions d’auditeur provincial et d’auditeur en
campagne près d’une division, il avait exprimé le vœu de ne plus cumuler des
fonctions qui paraissent au-dessus des forces d’un seul fonctionnaire, et c’est
par motif d’économie qu’on ne lui a pas accordé ce soulagement. Mais le
gouvernement a dû prévoir telle circonstance qui devait faire cesser ce cumul.
Vous le voyez donc, messieurs, si le budget ne s’accorde pas avec ce qui a été
fait, c’est qu’il s’agit toujours dans le budget d’allocations éventuelles ;
car si c’étaient des sommes dépensées qui y figurassent, ce ne serait plus
alors un budget, mais un compte.
Les recherches
auxquelles je me suis livré depuis hier m’ont fait reconnaître qu’on avait omis
au budget un auditeur adjoint pour la 1ère division et qui jouit d’un
traitement de 1,800 fl.
Vous
remarquerez, messieurs, que les fonctions de l’auditorat d’Anvers sont remplies
par un adjoint qui ne touche que 1,200 fl. Vous voyez donc que j’ai fait sous
ce rapport toute l’économie possible et que même j’ai résisté à des
réclamations qui se présentaient avec une grande apparence de fondement et
d’équité. Mais comme nous sommes parvenus à une époque assez avancée pour ne
porter que les traitements réellement payés, nous consentons à une réduction
plus forte même que celle que j’avais admise hier. D’après les états
collectifs, les auditeurs provinciaux touchent une somme globale de 32,000 fr.,
et les auditeurs en campagne 25,000 fr. ; total 57,000 fr. Si nous ajoutons
2,980 fr. pour les prévôts, nous avons un total de 59,980 fr. pour l’objet
actuellement en discussion, et c’est ce chiffre que nous proposons ; d’où il
résulte une réduction de 14,330 fr.
M.
Dubus. - La section centrale avait proposé une réduction de 12,500 fr., et le
ministre en propose une de 14,000 fr. Il me semble, à moi, qu’il eût été
possible d’arriver à un chiffre moins élevé que celui de 59,000 fr. Il s’agit ici d’une dépense dans laquelle nous avions tout lieu de
croire que des économies seraient apportées et qui va s’augmentant
chaque année.
Au budget de 1831, il ne
figurait pour les auditeurs militaires qu’un personnel de 9 individus, au
budget de 1832 il y en avait 10, et maintenant nous en voyons 13, c’est-à-dire
deux de plus que l’année précédente. Il me semble qu’il y aurait moyen d’éviter
cette augmentation de fonctionnaires ; car, comme il s’agit d’une justice d’exception
qui s’applique à une certaine classe, je crois que les fonctionnaires dont il
s’agit doivent suivre cette classe pour laquelle ils sont constitués. Lorsque
l’armée demeure en garnison, je conçois la nécessite des auditeurs provinciaux
; mais s’il n’y a que de simples dépôts laisses dans les villes de garnison, je
ne vois pas pourquoi ce ne sont pas les auditeurs qui sont détachés pour faire
le service. II y a là véritablement double emploi ; car qu’arrive-t-il alors ?
Que les auditeurs provinciaux n’ont presque rien à faire. Ce sont des abus et
il appartient au gouvernement de modifier les arrêtés qui consacrent ces abus
et d’apporter toutes les réformes désirables dans cette partie des dépenses
publiques.
On m’objectera peut-être
que les auditeurs provinciaux exercent d’autres fonctions que celles attachées
à ce titre ; que tel d’entre eux est avocat, et un avocat très suivi, et ne
pourrait se déplacer pour suivre un corps d’armée en campagne. Mais dans ce cas
je ferai remarquer un autre abus ; c’est celui de l’exagération des
traitements. Comment ! on donne 5,500 fr. de
traitement à un auditeur militaire qui est jurisconsulte, et qui a le loisir de
s’occuper d’une foule d’affaires, et un conseiller de cour d’appel qui doit
tout son temps à l’exercice de ses fonctions n’a que 5,000 fr. ! Y a-t-il là de
la proportion, je vous le demande ?
L’auditeur militaire est
sur la même ligne que les procureurs du Roi près les tribunaux de première
instance et je vous prie de remarquer que ce dernier se doit tout à ses
fonctions, tandis que l’auditeur peut se livrer à d’autres fonctions
lucratives.
Il y a plus, et je dois
signaler ici l’inexécution d’un article de la constitution, qui veut que les
traitements de l’ordre judiciaire soient fixés par la loi. Or, messieurs, on ne
vous a pas présenté de projet de loi à cet égard et si on vous l’avait
présenté, vous n’auriez pas adopté un tel taux.
Un
décret du congrès national a fixé les traitements de l’auditeur-général et de
son substitut, et ce décret est motivé sur le même article de la loi
fondamentale. Mais il suit de cet article qu’il ne faut pas s’arrêter à
l’auditeur-général et à son substitut, mais qu’il faut étendre la mesure à tous
les auditeurs militaires. J’insiste pour que d’ici au budget prochain on nous
présente un projet de loi, afin que nous établissions un taux modéré, et qu’on
modifie les règlements maintenant les auditeurs provinciaux, qui n’ont rien à
faire quand l’armée est en campagne.
Toutefois, je ne
proposerai pas d’autre chiffre que celui demandé par le ministre.
M. de Brouckere. - Il y a, en
effet, des abus dans cette partie du service. Cependant je ne me récrierai pas
contre les appointements des auditeurs militaires parce que je crois qu’à cet
égard le gouvernement a suivi les errements du gouvernement précédent : ce
n’est pas précisément une excuse, mais cela explique sa conduite. Mais je ne
sais pas comment on pourrait justifier l’allocation de 1,800 fl.
d’appointements pour les substituts des auditeurs.
On a
dit que les auditeurs étaient placés sur la même ligne que les procureurs du
Roi. Eh bien ! il faut aussi que leurs adjoints soient
mis sur la même ligne que les substituts des procureurs du Roi. Or, non
seulement par leur traitement ces adjoints n’occupent pas le même rang que les
substituts, mais ils sont placés au-dessus des procureurs du Roi eux-mêmes ;
car beaucoup de ces derniers n’ont que 1,200 fl., et les adjoints des auditeurs
militaires en ont 1,800. Ce qui prouvera encore l’exagération de ces traitements,
c’est que le substitut d’un simple auditeur est plus payé que le substitut de
l’auditeur-général. N’y a-t-il pas là une véritable dilapidation des deniers
publics ? C est un abus criant, et je suppose qu’il suffira de l’avoir signalé
pour que nous ne le voyions plus subsister dans le prochain budget.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ferai observer d’abord que la
réduction n’est pas seulement de 4,330 fr., parce que j’ai annoncé qu’une
omission avait été reconnue dans le budget ; c’est à l’occasion d’un adjoint à
la première division et dont le traitement est de 1,800 fl., somme qu’il faut
ajouter à celle de 4,330. Ainsi réduction d’environ 8,000 fr. outre celle des
10,000 déjà consentie hier.
Messieurs, je dirai,
comme l’a reconnu l’honorable préopinant, que la source de l’abus ne provient
pas de mon ministère. J’ai trouvé les choses dans l’état où elles sont, mais
j’ai évité de surcharger le budget d’augmentations nouvelles. C’est ainsi que
j’ai résisté aux réclamations qui m’étaient adressées, et que j’ai maintenu la
disposition économique résultant de l’adjonction des fonctions de l’auditeur du
Limbourg à celles de l’auditeur de Liége. J’ai résisté à la demande de
nomination de deux auditeurs à Gand. Les nominations que j’ai faites se bornent
à un auditeur à Bruxelles et un adjoint à Anvers dont j’ai fixé le traitement à
1,200 fl., tandis que les autres en reçoivent 1,800.
Quoi
qu’il en soit, je crois qu’il y a exagération dans quelques traitements : mais
ce n’est guère à la fin de l’année qu’il est possible de faire subir au budget
de pareilles réductions. Il en sera tenu notre lors de la rédaction du budget
de 1834.
Il y
a aussi quelque chose de très vrai dans ce qu’a dit l’honorable M. Dubus, c’est
qu’il y a nécessité de régler ces traitements par la loi.
Je ferai observer que
pour les auditeurs en campagne on devra prendre en considération l’excédant de
dépenses résultant de l’obligation de se déplacer plus ou moins pour suivre les
divisions auxquelles ils sont attachés.
M.
Dubus. - Je demanderai une explication au sujet des 18,000 fr. portés pour
quatre auditeurs en campagne ; calculés à raison de 1,800 fl. leurs traitements
ne devraient faire que 15,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Cela vient de ce que l’auditeur
d’Anvers a été détaché de sa division ; mais cela ne pouvait rien changer à son
traitement, il a même réclamé pour continuer ses fonctions. Si l’on avait nommé
un nouvel auditeur, on aurait été obligé de lui donner 1,800 fl., tandis que
l’adjoint qui a remplacé l’auditeur d’Anvers n’a que 1,200 fl. ; d’où il
résulte une économie de 600 fl. (Aux voix
!)
- Le chiffre de 59,980
fr., proposé par le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
Chapitre IV. - Bulletin officiel et Moniteur
Article premier
« Art. 1er.
Bulletin officiel : fr. 30,240 fr. »
La section centrale ne
propose pas de réduction.
M.
Dubus. - Je voudrais savoir s’il n’y aurait pas d’inconvénient à mettre cet
objet en adjudication. Cela se fait dans les provinces pour les mémoriaux
administratifs.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’y voix aucune difficulté, et
même cela entre dans mes intentions. Si je n’étais pas arrivé trop tard au
ministère, j’aurais fait procéder à cette adjudication, car c’eût été dégagé
d’autant la responsabilité du ministre. Du reste, la somme est la même que
l’année dernière.
- Le chiffre de 30,240
fr. est adopté.
« Art. 2. Moniteur.
Litt. A. Personnel : fr. 26,670. »
La section centrale
propose de n’allouer que 11,670 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je dois d’abord faire remarquer
ici qu’une partie de cette allocation devra être portée au budget du ministre
de l’intérieur qui a fait les frais du premier trimestre.
Messieurs, l’année
dernière on avait demandé pour frais du
Moniteur une somme de 17,000 florins. L’honorable M. Destouvelles ayant
prévu qu’il était impossible d’avoir un journal qui rendît un compte exact des
séances pour une telle allocation, proposa 25,000 florins qui furent votés sans
difficulté. Eh bien ! M. Destouvelles était encore en défaut, et vous avez vu
M. le ministre de l'intérieur obligé de vous demander un crédit supplémentaire
de 3,000 florins, ce qui a porté la dépense à 59,300 fr. J’avais pensé que je
pouvais borné ma demande d’allocation à ce chiffre, d’autant plus que mon
premier soin fut d’établir les réductions suivantes dans le personnel, savoir :
1,000 florins d’appointements touchés par un rédacteur en second qui a été
congédié à partir du 1er avril ; 720 fr. que coûtait la correspondance de Paris
et à laquelle j’ai renoncé ; 10 francs par jour pour le transport des journaux
français à Bruxelles par estafette, dépense que le Moniteur supportait en commun avec d’autres journaux de la
capitale, et enfin les dépenses pour abonnements aux journaux étrangers, aux
journaux anglais notamment, qui montaient environ à 500 francs : en tout,
environ 7,000 fr.
Malgré toutes ces
suppressions, je n’ai pu réduire le chiffre de l’année dernière ; au contraire,
je suis forcé de demander une majoration.
Je dois dire qu’au
moment où le Moniteur a été mis dans
les attributions de mon département, je me suis trouvé en face d’une convention
faite avec un imprimeur, convention dont les conditions sont assez élevées et
qui ne pourrait être résiliée que pour 1834. Je n’aurais pu y renoncer sans
m’exposer à payer un dédit, et nous avons fait en ce genre, messieurs, une
triste expérience.
Toutefois, pour éviter
des abus, j’ai divisé la dépense et je consentirais même à ce qu’on fît du
matériel un article spécial, pour détruire toute crainte que le personnel ne
pût se grossir à ses dépens. Vous avez eu, messieurs, le détail de ce
personnel. Les traitements ont été fixés par des conventions faites avec le
ministre de l’intérieur, conventions que je ne pouvais méconnaître et qui
stipulaient du reste des appointements fort modérés.
Il faut bien remarquer
que le Moniteur, tel qu’il est
imprimé en
C’est d’après un aperçu
que m’a remis l’imprimeur, qui, du reste, ne peut toucher une obole au-delà des
chiffres basés sur son contrat, et par suite de la comparaison de nos séances
de cette année avec celles de l’année dernière, que je me suis convaincu que
cette dépense ne pouvait guère rester au-dessous de 50,000 fr. ; je parle du
matériel. D’ailleurs elle ne peut être faite que sur pièces justificatives.
Nos sessions, messieurs,
sont extrêmement longues. En France, les sessions n’atteignent guère que 6 ou 7
mois, tandis que les nôtres vont jusqu’à 10 mois. En France, pourtant, le Moniteur coûte à l’Etat au-delà de
160,000 fr. ; et veuillez observer qu’en outre l’éditeur du Moniteur français, s’adressant à 32 millions d’habitants, parmi
lesquels il y a un grand nombre de fonctionnaires publics qui ont besoin de
recevoir le journal, trouve dans ces abonnements, en quelque sorte forcés, un
avantage dont ne jouit pas le Moniteur
belge. J’avoue même qu’on a lieu de s’étonner de la demande d’une somme
moindre des deux tiers chez nous que celle qu’on alloue en France.
J’ajouterai qu’une erreur
matérielle est échappée à la section centrale. Se prévalant de ce qu’on portait
15,000 fr. pour la sténographie, elle a retranché cette somme, parce que les
sténographes sont passés dans les attributions de la chambre ; mais elle a
perdu de vue que le ministère a fait les frais des premiers trimestres.
J’avais demandé 15,000
fr. dans la prévision que nous aurions besoin de quatre sténographes.
Jusqu’ici
je me suis borné à prendre des engagements avec trois seulement ; mais je ne
dois pas vous laisser ignorer que si le sénat siégeait en même temps que la
chambre des représentants, il serait très difficile, quand il y a des
discussions importantes, d’en rendre compte à moins de mettre deux sténographes
à la disposition de l’autre chambre. Nous en avons trois et ils ne restent pas
oisifs.
Quant au matériel, ce
n’est qu’un crédit qui ne sera pas dépensé par cela seul qu’il sera voté, car
il ne peut être employé que sur le vu des pièces et dans la proportion des
impressions consommées. D’ailleurs ce n’est pas ma faute, à moi ni au Moniteur, si nous parlons beaucoup dans
nos séances ; je veux croire que c’est pour le plus grand bien du pays. (On rit.) L’éditeur n’en est pas moins
obligé, lui, de tout reproduire.
M. Fleussu, rapporteur. - Nous sommes presque d’accord
avec M. le ministre, et cependant nous ne nous entendons pas. Il a divisé ce
qui concerne le Moniteur en deux
articles. Pour le payement du personnel il avait demandé 26,670 fr. Nous avons
accordé cette allocation sans rien diminuer : seulement nous en avons distrait
les frais de sténographie, qui sont maintenant à la charge des chambres et qui
s’élèvent à 15,000 fr. cette distraction faite, il reste 11,670 fr. Mais, dit
M. le ministre, nous avons soldé les trimestres échus ; c’est pour les
trimestres à échoir que la chambre paiera les sténographes. Messieurs, quand on
fait un budget, ce n’est pas pour trois mois, c’est pour l’année entière. Nous
ne pouvons entrer dans tous ces détails.
Quant au matériel, M, le
ministre demande 50,000 fr. Eh bien ! nous les
accordons encore ; seulement nous faisons distraction du produit des
abonnements qui s’élève, d’après la déclaration qui nous a été faite de la part
du Moniteur lui-même, de 14,000 à
20,000 fr. Ainsi donc, nous sommes d’accord.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est très vrai que je n’ai pas
compris ici le produit des abonnements et annonces, et c’est une irrégularité.
Mais je ne pouvais pas au 1er avril changer le budget des voies et moyens votés
en décembre. Je crois que dans l’intérêt d’une bonne comptabilité le produit
des abonnements et des annonces doit faire partie du budget des recettes. Le
gouvernement s’en occupera pour le budget de 1834, bien entendu qu’il ne
s’agira là que d’une évaluation approximative.
Je
prierai cependant M. Fleussu de ne pas se tromper sur le produit des
abonnements et annonces. Pour 1833 il ne s’agissait pas du siège d’Anvers, et
le nombre des abonnés s’est considérablement réduit, à ce point que, d’après le
tableau qui m’a été remis par le directeur du Moniteur, le 1er semestre n’a rapporté que fort peu de chose.
Du reste, je prends
l’engagement de rendre un compte exact des produits de 1831 et de 1832 à la
section centrale, quand il s’agira du budget de 1834. J’ai déjà tous les
éléments dans mes mains. Il est à remarquer que sur l’allocation il y a à faire
une déduction d’environ 10,000 fr. ; car l’administration paie l’avance du timbre
; mais ce n’est qu’un transfert ; car cette somme rentre dans la caisse de la
trésorerie. Peu m’importe le taux de l’allocation ; qu’on m’accorde le crédit
qu’on voudra ; mais si ce crédit était de nature à rendre le Moniteur inutile, mutilé, j’en voterai
moi-même la suppression.
M. Dumortier. - Je pense qu’il faut maintenir
dans l’allocation une partie des frais de sténographie, parce que, d’après ce
que nous avons décidé antérieurement, nous ne devons faire face qu’au dernier
semestre.
Quant aux abonnements,
j’avais précisément demandé la parole pour me plaindre de ce que jusqu’ici je
n’en voyais pas figurer le produit au budget des recettes. J’espère que le
ministre exécutera pour l’an prochain la promesse qu’il vient de nous faire. On
fait observer que ce produit était très peu de chose et je le conçois. Un
honorable membre a déjà dit que le
Moniteur était le journal le plus insipide de la Belgique. Le motif, c’est
que le ministère se fait marchand de journaux. Ce que le gouvernement aurait dû
faire, c’était de laisser à une administration particulière le soin de vendre
le Moniteur, et de se réserver une
action négative pour empêcher d’y insérer rien qui lui fût contraire, et pour y
faire insérer tout ce que bon lui semblerait. De cette manière, l’éditeur étant
libre d’y mettre des nouvelles et de placer les numéros, le Moniteur aurait beaucoup d’abonnés.
Maintenant est-il
nécessaire de conserver le Moniteur ?
Il y a deux ans, quand la question a été agitée pour la première fois, je me
suis prononcé pour un organe officiel. Mais, indépendamment de celui-là, le
gouvernement en a un autre, un journal semi-officiel si l’on veut, qui publie
les arrêtés royaux avant le Moniteur
qui se borne à nous apprendre que des places de notaires ou d’avoués ont été
conférée à tels ou tels, qu’on a autorisé telle fabrique à accepter un legs,
qu’on a accordé la grand-croix de l’ordre de Léopold à M. de Montesquiou (on rit)
et des médailles pour le choléra. Or, cela n’intéresse guère le pays et ne lui
procurera pas beaucoup d’abonnés.
Il
me semble, messieurs, que tout cela n’est pas de nature à faire prendre le Moniteur, ni à lui donner des abonnés.
Vous avez considéré comme un devoir de faire connaître au pays vos opinions et
la manière dont vous défendez ses intérêts ; mais le Moniteur peut-il seul atteindre ce but ? Les séances des chambres
ne pourraient-elles pas être publiées pas fascicules, par un Miroir du parlement, comme pour les
séances du parlement anglais ? Nos discussions pourraient être rendues avec
beaucoup plus d’exactitude, car elles ne seraient publiées que trois jours
après. Ce serait, messieurs, un mode de publication infiniment préférable, car
il présenterait exactitude et économie.
Mais, en admettant même
la nécessité d’un Moniteur, ne
conviendrait-il pas d’en confier la publication à une entreprise particulière ?
Le ministre n’aurait plus, il est vrai, qu’une action négative sur cette
feuille ; mais, messieurs, il pourrait toujours se réserver d’y faire insérer
tout ce qu’il lui plaît. Rien de ce qui contrarie la marche du gouvernement ne
devrait s’y rencontrer.
M. le ministre n’y
perdrait rien, et le pays y gagnerait une économie de 30 mille francs par an.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - M. Dumortier doit savoir que la
décision prise par la chambre ne peut avoir d’effet obligatoire que lorsque le
budget aura été voté et promulgué ; à moins de donner au budget un effet
rétroactif, la dépense pour les trois premiers trimestres de sténographie ne
peut être déduite du crédit accordé au ministre de la justice.
On a dit, messieurs, que
le Moniteur est un journal insipide.
Si c’est comme papier-nouvelles, je suis d’accord avec vous là-dessus. Mais il
est impossible qu’il en soit autrement. Je le demande à ceux qui ont la
patience de lire le Moniteur français
: est-il un journal quotidien plus insipide en fait de nouvelles ? Le Moniteur est le répertoire officiel des
actes de l’administration et des séances de la chambre. Je me hâte de déclarer
que ce qui rend le Moniteur insipide,
ce n’est pas la partie parlementaire. (Hilarité
prolongée.)
Comme papier-nouvelles,
ce journal est condamné à rester à peu près nul, et cela par une foule de
raisons : la première, c’est que les séances absorbent d’ordinaire toute la
feuille et souvent encore un supplément de 12 colonnes. Comment exigeriez-vous
après cela qu’il se tînt au courant des nouvelles comme les autres journaux qui
se bornent à un compte succinct et souvent tronqué de vos séances ? Car,
messieurs, vous le savez, tel journal reproduit certaine partie de la
discussion, tel journal en reproduit une autre, chacun dans le sens de ses
opinions et de ses sympathies ; mais voilà tout ; car, eux, il
ne doivent rien aux chambres.
Le Moniteur, lui, doit publier le compte-rendu des séances dans toute
leur étendue, dans toute leur intégralité. Aussi, tant que durera la discussion
du budget, par exemple, il est bien certain qu’il n’y aura pas de place pour
les nouvelles.
Une autre considération,
messieurs, c’est que tous les articles imprimés dans un pareil journal ont une
bien autre portée, engagent bien autrement la responsabilité de l’écrivain. Une
simple nouvelle, une simple correspondance, ne doit être insérée qu’avec une
extrême réserve. Telle correspondance, inoffensive dans un autre journal,
insérée dans le Moniteur, devient une
censure amère ou une personnalité grave contre des gouvernements ou de hauts
personnages étrangers, et peut troubler la bonne harmonie du gouvernement belge
avec ces gouvernements.
Et, messieurs, vous le
sentez comme nous, l’opinion exprimée par le journal officiel a des conséquences plus directes et plus graves, peut
blesser, aigrir bien plus que l’opinion particulière de quelques individus qui
rédigent un journal. L’opinion du
Moniteur, c’est l’opinion du gouvernement ; vous ne lui ferez pas un crime
de ne point recourir à cette voie pour réfuter toutes les imputations absurdes
qui peuvent éclore chaque matin dans la tête de tel ou tel écrivain politique.
La polémique, dont
vivent les autres journaux, doit ainsi être rayée des ressources du Moniteur.
M. Dumortier, répudiant
l’expérience de tout ce qui s’est fait en France depuis la révolution de 1789,
veut que le gouvernement ne conserve sur le
Moniteur qu’une action négative, et en abandonne la publication à un
particulier. Pourquoi plus d’action positive ? Est-ce que le ministère doit
être exclu du droit qui appartient à tout individu de défendre ses opinions, de
disculper ses actes, de justifier ses intentions ? Quand il aura été calomnié,
lui restera-t-il pour se défendre, une action purement négative sur son journal
?
Quel est, messieurs, le
rédacteur indépendant qui voudrait se soumettre à une pareille censure ?
Messieurs, toutes les
objections qu’on nous a faites sont depuis longtemps réfutées. Le Moniteur doit rendre un compte aussi
exact que possible des séances ; mais ce n’est pas là tout son objet : si le
gouvernement n’y insérait pas les actes de l’administration, s’il se bornait à
les enfouir dans le Bulletin des lois,
on dirait bientôt que cette publicité est dérisoire ; et en effet leur
publicité n’est complète que par le
Moniteur. C’est dans le Moniteur
que le gouvernement subit une responsabilité véritable de ses actes quotidiens.
Les nominations à des
places vacantes, les arrêtés qui ne touchent qu’à des intérêts privés, le
gouvernement les publie dans le Moniteur.
C’est par ce journal qu’ils passent dans les autres feuilles et qu’ils sont portés
à la connaissance du public. Cependant, messieurs, rien n’oblige le ministère à
cette formalité ; il se l’impose volontairement, et s’il y manquait, on
crierait bientôt à l’obscurité, à la clandestinité des actes administratifs.
M. Dumortier nous a parlé
du Miroir du parlement. Mais il a eu
soin de vous prévenir que ce répertoire ne paraissait que trois jours après les
séances. De quelle utilité vous serait-il de connaître, trois jours après une
discussion, l’opinion de tel ou tel orateur ? Il faudrait donc suspendre une
délibération, la renvoyer à un autre jour, lorsqu’on voudrait consulter le
discours d’un ministre, ou qu’il serait important d’étudier celui d’un membre ?
Il
ne serait pas conséquent, messieurs, de vouloir conserver le Moniteur, et de refuser l’allocation
qui vous est demandée, allocation qui n’est, après tout, qu’un crédit. Maintenant, qu’il soit possible
d’obtenir de meilleures conditions de l’éditeur, je le crois, et je n’aurais
pas manqué de le faire, si je n’avais pas été lié par un contrat qui ne doit
cesser qu’à la fin de 1833.
Des propositions m’ont
été faites, et si l’auteur de ces propositions m’offre les mêmes garanties de
capacité pour assurer la régularité de la publication ; si, d’autre part,
l’éditeur actuel ne m’offre mieux ou aussi bien, je saisirai l’occasion
d’opérer une économie que nous désirons tous.
M. Legrelle. - M. le ministre a agité deux questions : d’abord la question de la
nécessité du Moniteur, puis celle de
savoir s’il ne serait pas possible de diminuer les frais de ce journal. Quant à
la nécessité du Moniteur, plusieurs
sections ne l’ont pas reconnue ; j’avoue que si le chiffre des dépenses devait
rester continuellement le même, je demanderais avec M. Dumortier un autre moyen
de publication du journal. Je ne sais pas si M. le ministre connaît au juste ce
qu’il coûte, c’est une somme de 77 mille francs. Comme on se récriait dans la
section centrale sur l’énormité de la dépense, et que l’on demandait le montant
des produits, il nous a été produit un tableau d’où il résultat que les
abonnement donnent une somme de 15 mille francs ; nous avons exprimé notre
surprise de ce que ce chiffre ne figurait pas au chapitre des voies et moyens ;
un des employés de l’administration du
Moniteur nous a répondu que cette somme servait au paiement des
sténographes. Nous avons fait sentir à M. le secrétaire du ministère de la
justice, qui accompagnait cet employé, que ce mode était vicieux ; et alors il
fut question de porter le produit des abonnements au chapitre des voies et
moyens.
C’est une chose
singulière, messieurs, que le chiffre produit à la section centrale diffère
encore une fois du chiffre indiqué aujourd’hui ; c’est une chose analogue à ce
qui vient d’avoir lieu dans cette séance, où l’on a affirmé tout le contraire
de ce qu’on avait avancé dans la section centrale.
On
vous dit maintenant que les abonnements s’élèvent, pour un semestre, à 3,000 et
quelques cents francs. Quel que soit le calcul, toujours est-il que chaque
publication coûte 257 fr., et que chaque exemplaire revient à 70 c. au
gouvernement. Je demande, messieurs, si cette dépense n’est pas énorme, si elle
n’excède pas le crédit que nous pouvons allouer. Les économies, messieurs, je
ne les chercherai pas dans les petits détails du budget, dans la suppression
d’un boutefeu, par exemple, quoiqu’il serait mieux, selon moi, de ne pas créer
inutilement une place, fût-elle minime. Mais je trouve une gratification
inutile dans celle du feuilleton qu’on nous accorde. Supprimez cette distribution
gratuite du Moniteur qui se fait à
chacun de nous, et dont nous ne refuserons pas de payer l’abonnement.
Je vous ai signalé des
économies ; je termine en appuyant les paroles de M. le ministre, relativement
au marché plus avantageux qu’il espère obtenir.
M. Dumortier. - Je répondrai d’abord à ce qu’a
dit M. le ministre relativement au paiement des sténographes, en lui apprenant
que la chambre a déjà fait une partie de ces dépenses pour le troisième
trimestre.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est différent ; je l’ignorais.
M. Dumortier. - Le ministre lui-même a reconnu
que le Moniteur était nul, insipide ;
mais il a prétendu que cela devait être ainsi.
Je suis d’accord avec
lui sur la nécessité d’un journal officiel qui rende un compte exact des
séances. Voici une preuve de cette nécessité dans la séance d’hier. M. le
ministre de la justice avait cru devoir faire une sorte d’excuse à un de mes
honorables amis, dont il avait dénature les paroles. Cette excuse, le journal
semi-officiel s’est bien gardé de la reproduire. Il fallait donc qu’un journal
officiel des séances fît savoir que le ministre avait mal interprété l’opinion
de notre honorable collègue.
Le Moniteur ne doit pas contenir de nouvelles douteuses, j’en
conviens ; mais le plus souvent il n’en contient pas du tout, et dès lors il
n’y a pas à en soupçonner l’exactitude. (On
rit.) Remarquez, messieurs, que le
Moniteur ne garantit rien que la partie officielle : pour les actes de
l’administration il y a le Bulletin.
Pour les destitutions, messieurs, le journal semi-officiel suffit ; il est même
souvent en avance sur le Moniteur. (On rit.) En Angleterre, messieurs, il
n’y a pas de journal officiel, et certes le gouvernement représentatif n’en va
pas moins bien. On pourrait désirer que notre gouvernement marchât de même :
puisqu’un organe semi-officiel peut suffire aux ministres, ayons pour nous un
miroir des chambres, et nous opérerons ainsi une économie de 100,000 fr.
On vous a parlé de
l’inconvénient qu’il y aurait à ne pouvoir lire un discours que trois jours
après ; mais, messieurs, ne recevons-nous pas souvent le Moniteur au moment même de la séance, et nous est-il possible
alors de nous mettre au courant de la discussion de la veille avant de commencer
celle du jour ?
On
vous a parlé aussi de contrat : je ne sais pas, messieurs, si un contrat existe
en ce moment, je sais seulement qu’il en a existé un dont le terme était au 1er
janvier 1833 ; depuis cette époque il n’a pas été fait d’adjudication nouvelle.
Le ministre a pu laisser l’entreprise à celui qui l’avait antérieurement ; mais
ce contrat, dont nous avons eu connaissance, finissait, je le répète, au 1er
janvier 1833.
M. le ministre de la
justice a dénaturé ma pensée, lorsqu’il a dit que je ne voulais laisser au
gouvernement qu’une action négative sur le journal officiel. J’ai parlé
d’action négative, il est vrai, dans la supposition de la conservation du Moniteur ; mais j’ai ajouté que le
ministre devrait pouvoir faire insérer dans ce journal tout ce qu’il lui
plairait, et en faire retrancher tout ce qui contrarierait la marche du
gouvernement. Le ministre peut-il davantage aujourd’hui qu’il s’en est fait le
marchand’ ? Non, messieurs. Adoptez donc une marche qui serait tout à la fois
aussi avantageuse pour le gouvernement et plus économique pour le pays.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier) - L’année est déjà si avancée, qu’il me semble
que la question viendrait plus à propos lors de la discussion du budget de 1834.
Quel que soit le sort que vous réserverez à ce journal, je tiens à prouver que
le Moniteur actuel n’a pas ce degré
d’inutilité dont on a cherché à lui imprimer le caractère.
Pour prouver que les
autres journaux étaient mieux informés que lui, on est venu faire allusion à
une destitution qui est destinée, à ce qu’il paraît, à être éternellement
rappelée dans cette enceinte, et qui, à la vérité, a été annoncée d’abord par
un journal que l’on qualifie de semi-officiel. Maintenant, je dois déclarer,
pour ce qui me concerne, que dans mon administration on se fait une loi
d’envoyer directement les documents au
Moniteur, qui les publie avant toutes les autres feuilles. Le Bulletin officiel ne peut suppléer que
très insuffisamment le Moniteur. Il
est des actes purement ministériels, des avis d’adjudication et autres qui ne
peuvent trouver place dans le Bulletin.
Je ne conçois pas, quant
à moi, comment on pourrait faire un reproche au gouvernement d’user du meilleur
moyen qu’il ait de faire connaître tous ses actes. Du reste, le Moniteur n’est pas seulement le journal
du gouvernement : c’est aussi le journal des chambres, et à cet égard les
chambres mêmes sont mieux servies que le gouvernement ; il est tel acte de
l’administration qui doit souvent céder le pas aux discussions parlementaires.
L’honorable M.
Dumortier, moins ami de la publicité en ceci que le ministère, se réserve de
réfléchir au public, à la manière anglaise, l’opinion de la chambre, dans un
Miroir du parlement ; mais alors, en bonne justice, il faudrait aussi au
gouvernement un Miroir où se réfléchissent ses actes officiels. Au lieu d’un Moniteur, nous aurions donc deux
Miroirs. Je doute, messieurs, que le pays y vît plus clair. (On rit.) Je doute surtout qu’il y
trouvât économie.
Je ne parlerai pas du
côté plus ou moins amusant ou curieux que pourrait présenter la feuille
officielle. Le Moniteur fait
honnêtement son métier de rapporteur ; c’est le rôle qui lui est assigné, et il
me semble que ce genre de publications offre souvent un intérêt plus sérieux et
plus réel que des dissertations en l’air, dénuées de faits et de vues ; et je
vous ferai remarquer que le Moniteur
français, qui n’est pas réputé pour un journal léger ni d’agrément, n’en
est pas moins le recueil le plus utile qui puisse se rencontrer pour l’histoire
parlementaire et politique de
Les
défauts reprochés au Moniteur belge
tiennent à sa qualité de journal officiel. Il est généralement complet quant
aux séances de la chambre ; il est généralement complet aussi quant aux actes
de l’administration. C’est là tout ce qu’il a à faire. Quand à certaines
nouvelles plus fraîches pour lesquelles il est devancé, et qui souvent sont
démenties le lendemain de leur publication, c’est un privilège qu’il peut
abandonner aux autres journaux.
J’observe
en finissant que, comme trois mois de dépenses ont été imputés sur le budget du
ministère de l’intérieur, il y aura de ce chef une déduction à faire au budget
du ministère de la justice. Comme, d’un autre côté, il paraît que la chambre a
imputé sur son budget des dépenses pour les sténographes, il y a lieu, je
crois, de différer le vote de cet article pour que la section centrale et les
ministres puissent procéder à une répartition.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - M. Dumortier vous a fait entendre
qu’un discours de l’honorable M. Dubus avait été tronqué. Je renvoie ce fait à
qui de droit. Depuis le jour où la chambre, d’accord avec le gouvernement, a
pris sur elle la surveillance de la rédaction des séances, j’y suis resté
complètement étranger. J’ai saisi volontiers cette occasion de me mettre
désormais à l’abri de suppositions toujours gratuites et plus ou moins
officieuses. C’est donc à la questure qu’il faut se plainte s’il y a eu une
inexactitude.
M. Dumortier. - M. le ministre ne m’a pas compris
; ce n’est pas le Moniteur qui a été
inexact, c’est le journal semi-officiel qui n’a pas reproduit fidèlement un
incident relatif à mon honorable ami M. Dubus.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - J’ai mal compris, messieurs ; car
si j’avais bien compris, je n’aurais pas répondu à l’honorable membre. J’ai
déjà déclaré plus de dix fois que j’étais complètement étranger à la rédaction
du journal dont on a parlé.
M.
F. de Mérode. - Il est un
journal que M. Dumortier ne cite que pour l’attaquer ; cependant l’honorable
membre est partisan de la liberté de la presse. Qu’il imite donc le
gouvernement, qui laisse agir les feuilles comme elles l’entendent.
Un journal déplaît à
l’honorable membre, j’en suis bien fâché ; mais il me plaît assez, à moi. Qu’il
ne signale pas plus ce journal ici que nous ne signalons les journaux que
l’honorable membre approuve, bien qu’il ne soit pas disposé à prendre la
responsabilité d’un journal qui reproduise fidèlement nos séances.
M. Dumortier. - Je vous assure, messieurs, que le
journal semi-officiel ne me plaît ni ne me déplaît ; il m’est parfaitement
indifférent. J’ai seulement voulu prouver par une citation la nécessité d’un
journal qui reproduise fidèlement nos séances.
M.
F. de Mérode. - Je déclare
qu’il n’y a pas de journal semi-officiel. Il y a un journal qui n’est pas de
l’opinion de M. Dumortier, mais je ne crois pas qu’il ait quelque chose à
démêler avec nos discussions.
M. Fleussu, rapporteur. - Si je prends une seconde fois la
parole, ce n’est pas que j’attache une grande importance au journal officiel,
le Moniteur m’est parfaitement
indifférent ; c’est pour vous prouver que la section centrale n’a pas agi
légèrement, et qu’elle a pris pour base les documents fournis par le
gouvernement lui-même.
Les
sections avaient manifesté leur étonnement sur l’énormité du chiffre du
matériel. La section centrale demande des renseignements ; un des employés du
ministère est venu nous communiquer le produit des abonnements. J’ai témoigné
ma surprise de ce que ce produit ne figurait nulle part au budget. L’employé
est convenu du fait ; il a déclaré qu’on n’avait pas tenu compte de ce produit
pour fixer le chiffre des dépenses. Aujourd’hui, M. le ministre de la justice
soutient qu’on en a tenu compte ; mais il est en contradiction avec son
employé.
Qu’a
fait la section centrale ? Elle a dit : « défalquons le produit des
abonnements du chiffre des dépenses, et, avec une allocation de 30,000 fr., il
y aura de quoi faire face à toutes les dépenses du Moniteur. » Voilà de quelle manière logique et rationnelle la
section centrale a procédé. Vous remarquerez, messieurs, que nous sommes
presque d’accord avec M. le ministre, et cependant voilà plus d’une heure que
nous discutons.
M. de Brouckere. - Je ne veux pas
prolonger une discussion déjà trop longue en effet. Mais je vois figurer une
somme de 76,000 fr., sur laquelle 7,000 fr. ont dû rentrer dans les caisses de
l’Etat. Il y a là une dépense qu’on ne justifie en aucune manière.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - On a présenté à la section centrale un tableau sur lequel figurent
les abonnements pour le dernier semestre de 1832. Ce tableau porte un chiffre
de 8,400 fr. ; il est naturel de penser que la section centrale l’a pris pour
base de ses calculs lorsqu’elle a porté le produit des abonnements à 15,000 fr.
Mais, messieurs, il faut
se rappeler que le second semestre de
Je
dois déclarer que c’est une somme d’environ 83,000 fr. que nous demandons pour
le Moniteur puisqu’il faut y
comprendre le produit des annonces et abonnements pour 1833 ; l’allocation est
forte, j’en conviens ; mais elle est indispensable si vous voulez la
continuation du journal officiel. Du reste, il y a environ 10,000 fr. à déduire
pour le timbre que le ministère de la justice paie au ministère des finances.
M. Verdussen. - Chaque feuille nous coûte un
demi-franc ; je m’y connais un peu, et je crois que c’est le double de ce
qu’une feuille devrait coûter.
M. Jullien. - Messieurs, le discours de M. le ministre de la justice m’a rappelé
que c’est moi qui ai dit, à la session dernière, que le compte exact de nos
séances était une dette qu’il payer au pays, parce que le pays a le droit de
savoir si nous faisions ici nos affaires ou les siennes ; et pour cela il faut
qu’il puisse connaître et nos opinions et nos votes. La presse périodique ne
peut satisfaire à ce besoin, parce que dans son intérêt elle ne peut sacrifier
à nos discussions que très peu d’espace dans ses colonnes : il faut donc un
journal spécial pour les reproduire. Jusqu’à présent c’est le Moniteur qui a été chargé de ce soin,
et vous vous souvenez, sans doute, comment dans le principe, et lorsqu’il était
sous l’influence du ministère, il remplissait sa mission. J’en ai cité un
exemple dans le temps, pour prouver combien l’opposition était maltraitée.
Le Moniteur, en rendant compte de nos débats, disait : « M. un
tel a prononcé un discours pour combattre la proposition de M. le
ministre… » Et pas un mot de ce que l’orateur avait dit. Et puis il
ajoutait : « M. le ministre l’a réfuté victorieusement ; il a dit, il a
dit, etc. » Enfin tout ce que M. le ministre avait dit ou même n’avait pas
dit. (On rit.) Vous avez fait cesser
ce scandale en ordonnant que les sténographes seraient
désormais placés sous la surveillance de vos questeurs, et il est vrai de dire
que depuis ce temps le compte de nos séances a été rendu plus exactement.
Cependant il n’est pas encore tout à fait satisfaisant, et on a pu remarquer
dans certaines circonstances des inexactitudes et des négligences qui
semblaient calculées et qui faisaient croire à l’existence d’un grand ou d’un
petit censeur attaché à la rédaction du
Moniteur. Il faut que cela ne se renouvelle plus, messieurs, et vous y parviendrez,
je crois, en plaçant les sténographes dans la dépendance de la chambre.
Lorsqu’elle les paiera, lorsqu’ils ne seront plus à la dévotion de personne, il
est à espérer que le compte de nos séances sera fidèlement rendu. Dans tous les
cas, MM. les membres pourront faire redresser les inexactitudes en s’adressant
aux questeurs.
Maintenant, messieurs,
la nécessité d’un journal officiel ne doit pas faire le moindre doute. J’ai
entendu l’honorable M. Dumortier vous parler du Miroir du parlement ; je ne suis pas de l’avis de son miroir. (On rit.) Le Miroir est publié trois jours après les séances. En Angleterre, cet
inconvénient est moins sensible, parce que les journaux quotidiens reproduisent
assez fidèlement les séances et peuvent en donner une idée assez complète. Mais
il est loin d’en être de même ici ; les journaux ne reproduisent pas toujours
notre opinion, et lorsqu’ils le font, c’est d’une manière incomplète et
tronquée ; heureux encore lorsqu’ils ne la défigurent pas en lui donnant la
couleur du journal où elle est reproduite. La nécessité d’un organe spécial est
donc incontestable.
Ce Miroir, qui rendrait compte des séances 3 jours après, ne suffirait
pas pour nous mettre à même de bien suivre une discussion. Il est très inutile
pour nous de voir dans le journal du lendemain les discours de la veille. Vous
savez, messieurs, que beaucoup de membres n’ont pas l’habitude de parler
d’abondance. Ils prononcent des discours écrits, et souvent la lecture se fait
au milieu du bruit. Eh bien, il est nécessaire de pouvoir les retrouver le
lendemain, car souvent il s’y trouve de bonnes choses.
Quelle sera maintenant
la voie la plus économique ? car il ne s’agit que
d’économies. Si j’ai bien compris les honorables préopinants, la section
centrale est presque d’accord avec le ministre ; s’ils sont presque d’accord et
s’il ne s’agit que d’une légère différence, je ne vois pas pourquoi nous ne
terminerions pas une discussion déjà si longue.
Maintenant, messieurs,
la nécessité du journal officiel pour le gouvernement est démontrée. Il faut
bien que le gouvernement ait son organe pour faire connaître ses actes ; les
mesures administratives, les nominations, les destitutions : c’est là que l’on
trouve les éléments de l’opinion que l’on porte sur un ministre. Après cela,
que le journal officiel soit une sorte de cassolette où fument parfois quelques
grains d’encens pour le ministère, cela m’est parfaitement égal, pourvu que
nous y trouvions les actes du gouvernement fidèlement reproduits.
On
pourrait, je le sais bien donner plus d’intérêts au Moniteur. L’année dernière on nous a demandé 17,000 fr. pour
estafettes, et cependant c’est un fait que toutes les nouvelles ont toujours
deux ou trois jours de date. Il est bien certain que si l’on mettait
l’entreprise en adjudication, l’entrepreneur aurait plus d’intérêt à avoir des
abonnés, et les dépenses diminueraient. Ce qu’il importe surtout, c’est que les
séances soient fidèlement reproduites, et que les questeurs en aient la
surveillance. Il importe aussi que tous les actes du gouvernement y soient
exactement publiés.
Si M. le ministre
pouvait opérer les économies dont il nous a parlé, ce serait un bon résultat.
Mais si aucune amélioration sous ce rapport n’était possible, je voterai les
fonds pour que le Moniteur continuât
d’exister tout au moins jusqu’à la discussion du budget de l’année prochaine,
parce que, dans mon opinion, ce journal est indispensable pour la chambre comme
pour le gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois, d’après l’observation
qui vous a été faite, qu’il y a lieu à ajourner le vote de cet article à
demain, afin que la répartition puisse être faite entre le ministre de
l’intérieur, la questure et le ministre de la justice.
Chapitre VII. - Pensions
Article unique
« Art. unique. Pensions : fr. 45,000 »
- Adopté.
Article premier
« Art. 1er. Frais
d’entretien, nourriture des prisonniers : fr. 775,000. »
La section centrale
propose 765,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - La section centrale veut savoir pourquoi le gouvernement demande une
augmentation relativement au budget de l’année dernière : cette augmentation
provient de l’augmentation de la population militaire dans les prisons et de
l’augmentation dans le prix des denrées.
L’adjudication pour le
premier semestre a eu lieu en novembre et décembre, quand les Français étaient
en Belgique et quand des bruits de guerre se répandaient partout, ce qui a occasionné
le renchérissement des denrées de première nécessité. Les circonstances ayant
changé, les adjudications peuvent se faire maintenant à plus bas prix.
Cependant, diminuer le
chiffre que nous demandons ce serait compromettre le service. La section centrale
ne m’a pas demandé de renseignements ; Je dirai à la chambre qu’il y a environ
5,000 à 6,000 individus dans les prisons dont la nourriture coûte par jour 32
centimes et demi ; le vivre du soldat coûte par jour 45 centimes. Il ne dépend
pas de l’administration d’augmenter ces dépenses ; elle n’est que la
régulatrice des cahiers des charges, et la surveillance de leur exécution. La
dépense est éventuelle et dépend de l’entrée et de la sortie des prisonniers
par année.
Il
est plusieurs circonstances qui empêchent les prévisions de l’administration.
Il arrive que le nombre des détenus aliénés augmente, et alors on doit les
placer dans des maisons de santé où ils coûtent plus cher.
Le choléra, depuis huit
ou dix jours, fait des ravages effrayants dans deux de nos prisons ; nous avons
fait d’inutiles efforts pour l’anéantir. Ce fléau ne nous permet pas de
consentir à des diminutions ; il occasionnera peut-être des demandes de crédits
supplémentaires.
M. de Robaulx.
- Le choléra est en prison !
M. Fleussu, rapporteur. - C’est sur les renseignements
donnés l’année dernière, et recueillis par un des membres de cette assemblée,
que la section centrale s’est déterminée. Il y a une différence de 44,861 fr.
entre l’allocation de l’année dernière et celle que l’on demande cette année.
On dit qu’il faut attribuer cette augmentation à l’augmentation du prix des
denrées et à l’augmentation de la population militaire.
J’ai examiné si ces
causes étaient fondées ; je dois dire que j’ai trouvé que non. Nous avons
reconnu que le prix des denrées est diminué cette année, et il paraît que le
nombre des détenus ne s’est pas accru. En 1832, il y avait dans les grandes
prisons 4,100 à 4,500 détenus, qui coûtaient chacun 13 cents, et 900 à 1,200
détenus, dans les petites prisons, qui coûtaient chacun 25 cents 75 centièmes ;
moyenne, 5,700 prisonniers.
En
1833 il y a 5,150 individus en prison ; ainsi le nombre des prisonniers est
diminué de 600.
On demande cette année
pour la nourriture 39 centimes, 41 centimes, 62 centimes, 64 centimes. D’après
le budget de l’année dernière on demande 13 cents 29 centièmes, ou 27 cents 62
centièmes.
On le voir, c’est en
grossissant chacun des détails qu’on parvient à élever le chiffre du budget.
Qu’on nous explique la
cause de ces différences.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Les adjudications se font à la fin d’une année pour le service de
l’année suivante ; or, à la fin de l’année dernière, les denrées, et j’en ai
dit les raisons, étaient augmentées de prix.
Quant au chiffre de la
population, il fallait bien qu’il fût moindre l’année dernière. Au reste, nous
en voulons pas gagner en enflant les détails ; il y va de la gloire de
l’administration, si gloire il y a à administrer à meilleur marché. Nous
mettons notre amour-propre à faire le service au plus bas prix possible et à
plus bas prix que chez nos voisins.
M. de Theux. - L’entretien des insensés est-il à la charge de l’Etat ?
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Les insensés condamnés sont seuls à la charge de l’Etat.
M. de Theux. - L’année dernière, il y avait deux motifs pour que le chiffre du
budget fût élevé, une population plus considérable dans les prisons et le
choléra ; aussi ai-je partagé l’avis de la diminution du chiffre ministériel.
Au reste, j’attache peu d’importance à cette diminution, parce que la position
du chiffre n’engage pas à faire plus de dépenses qu’on ne doit.
M. Legrelle. - Quand la section centrale a proposé une réduction de 10,000 fr., le
choléra ne sévissait pas dans nos prisons.
M. Jullien. - Faudra-t-il voter une augmentation de 34,000 fr. ? Car c’est là
la question. L’année dernière on a demandé 730,000 fr. ; maintenant on demande
774,000 fr. L’augmentation est de 44,000 fr. En en défalquant la réduction de
10,000 fr. proposée par la section centrale, reste une augmentation de 34,000
fr.
Mais pourquoi augmenter
? Les denrées n’ont pas haussé de prix ; le nombre des prisonniers ne s’est pas
accru.
On
nous a parlé de la gloire de l’administration des prisons ; mais je suis bien
plus touché des intérêts des contribuables que de cette gloire. En définitive,
l’administration a-t-elle de bonnes raisons à donner pour expliquer
l’augmentation du chiffre ?
On parle du choléra ;
mais cette maladie fait moins de ravage cette année que l’année dernière. Il ne
faut pas effrayer les populations de ce fléau.
Je voterai avec
tranquillité de conscience la réduction.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il n’y a pas augmentation
relativement au budget de l’année dernière ; il y a au contraire diminution. Il
ne faut pas s’en rapporter au chiffre porté dans le budget de l’exercice
précédent ; vous ne devez pas perdre de vue que, dans une loi supplémentaire,
on a majoré le crédit de 65,000 fr. Et ici je ferai remarquer en passant que l’axiome
si souvent invoqué, qu’un crédit voté est un crédit dépensé, n’est pas toujours
vrai ; car on a employé pour cet objet des parties de crédit non dépensées. La
majoration de 65,000 fr. n’a pas changé le budget de 1832, puisque c’est par un
transfert qu’elle a été opérée.
Nous sommes cette année
en dessous des allocations de 1832 ; et loin d’essuyer la critique de
l’orateur, c’est à ses éloges que nous aurions droit.
Remarquez
que les détenus qui tombent en démence doivent être placés dans des maisons appropriées
à leur situation ; que c’est un devoir de l’humanité.
Les denrées ont sans
doute baissé de prix ; mais on n’a pas pu en profiter pour le premier semestre,
dont les adjudications ont eu lieu en novembre et décembre de l’année dernière.
Quant au choléra, je
suis obligé de réfuter les assertions de l’honorable préopinant ; je voudrais
que le choléra ne fût en effet qu’un épouvantail ; malheureusement il n’en est
pas ainsi. Chaque jour il s’est manifesté depuis peu 15 ou 16 cas dans les
prisons d’Alost et de St.-Bernard.
M. Dubus. - Je croirais suffisante la somme proposée par
la section centrale, si ce n’était la réapparition du choléra qui exigera cette
année des frais extraordinaires. Cette dépense du choléra s’est élevée l’année
dernière à 41,000 fr. ; elle ne s’élèvera pas si haut en 1833, puisque le fléau
ne menace pas tous les établissements à la fois.
Je voterai les 775,000
fr. demandés par le ministre.
Il y a une prison dans
laquelle il y a beaucoup de Hollandais ; nous ne devons pas garder ces
prisonniers : a-t-on pris des mesures pour que nous en soyons débarrassés ?
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Il y a 127 condamnés hollandais : 15 à St.-Bernard, 96 à Gand ; le
reste est à Vilvorde.
Les mettre en liberté en
les jetant sur le territoire hollandais, ne serait pas très moral ;
l’administration a préféré les retenir dans les prisons où ils travaillent.
M. Legrelle. - Nous ne pouvons pas, sans blesser la morale, renvoyer ces gens en
Hollande ; mais nous devons tenir note des dépenses qu’ils occasionnent pour
les porter au compte de
- Le chiffre de 775,000
fr., mis aux voix, est adopté.
« Art. 2.
Traitement des employés : fr. 226,310 »
La section centrale
propose 223,280 fr,
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Je regrette de devoir m’opposer encore à la réduction proposée par
la section centrale, qui a fixé son chiffre d’après la liste des employés.
Cette manière de procéder s’opposerait à ce qu’on pût occuper des employés
supplémentaires pour les circonstances extraordinaires,,
comme pour le choléra.
Si l’année dernière on
s’en fût tenu à la liste des employés, lors du choléra on n’aurait pas pu
prendre des infirmiers en plus grand nombre. C’est pour obvier à ces
inconvénients que nous demandons quelque chose de plus. Il y a des médecins que
nous désirons indemniser, etc.
M. Fleussu, rapporteur. - Déjà l’année dernière les
sections avaient réclamé contre le nombre des employés dans les prisons : l y
avait alors 284 employés touchant ensemble 100,000 fl. ou 223,283 fr.
Maintenant le nombre se calculant d’après les chiffres du budget est de 185,
diminution 99 ; et cependant on demande une augmentation de traitement Vous
auriez peut-être crû qu’on proposerait une diminution ; eh bien, vous auriez
été dans l’erreur.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Les traitements des employés sont fort modiques ; il n’y en a que
deux qui reçoivent 4,000 fr. Il y en a plus de 200 qui ne touchent que 500 ou
600 fr. Le nombre des employés des prisons est ordinairement de 275. Nous avons
fait des suppressions, par suite des démissions, et nous avons profité de ces
démissions pour faire des remplacements utiles qui pussent contribuer à
améliorer le moral des détenus, Nous avons attaché des aumôniers et des
instituteurs à presque toutes les prisons ; et cependant nous n’augmentons la
dépense que de 300 fr. On a supprimé quelques pharmaciens, quelques chirurgiens
pour les remplacer par d’autres qui coûtent moins.
M. Meeus. - Il résulte des paroles de M. le rapporteur
que, d’après le chiffre du budget, le nombre des employés est de 187 ; si
l’année dernière on a donné 223,000 fr. pour 284 employés, on ne peut pas
donner davantage cette année pour 187 employés seulement.
M. Fleussu.
- Il y a sans doute erreur de chiffre au budget.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Je ne sais comment l’erreur s’est glissée au budget. J’ai prêté le
tableau des employés à un membre de l’assemblée ; tout à l’heure je vais vous
dire le véritable chiffre.
M. Verdussen. - Il y a évidemment erreur, car à
ma connaissance dans deux prisons seulement il y a plus de 100 employés.
M.
Dubus. - Dans deux établissements, Gand et Vilvorde, il y a plus de 100
employés et au budget on ne porte que 69 employés.
M. le président. - Laissons un moment cet article,
et passons au suivant.
« Art. 3. Indemnité
aux employés hors d’âge ou infirmes : fr. 5,500. »
La section centrale
propose la suppression du chiffre.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Ce chiffre est pour donner une indemnité aux gardiens
démissionnaires ou infirmes, en attendant qu’ils soient pensionnés et pour
donner des gratifications aux gardiens qui se distinguent dans leur service,
qui font des actes de dévouement, ou qui se conduisent d’une manière exemplaire
dans les circonstances difficiles.
Le nombre des employés
pensionnés cette année est de 11 ; 2,510 fr. sont nécessaires pour les payer.
On ne pourra pas prélever cette somme sur les traitements. Il reste 2,500 fr.
pour les gratifications de plus de 200 gardiens. Ces gardiens sont peu
rétribués et ont beaucoup de peine. Ils mènent une vie à peu près semblable à
celle des détenus ; leur existence est souvent en danger. A Louvain un gardien
a été assassiné, et nous sommes dans l’impossibilité d’accorder la moindre
gratification à sa famille.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Je ne crois pas qu’on puisse accorder des gratifications sur les dépenses
imprévues ; la cour des comptes refuserait à bon droit son visa pour une
pareille dépense. L’allocation est en effet mal libellée ; il faudrait :
« Pensions et gratifications. » Ces pensions sont de même nature que
celles pour lesquelles vous m’avez accorde 45,000 fr., chiffre qui disparaîtra
du budget l’année prochaine et prendra place au budget des finances. Si vous ne
voulez pas que les gardiens se renferment strictement dans les devoirs de leur
état, si vous voulez que, dans les cas d’épidémie, d’émeute, etc., ils
s’exposent, il faut leur promettre des gratifications.
M. de Theux. - L’article doit être diminué. Les pensions doivent être portées au
chiffre des pensions que nous avons précédemment voté. Quant aux
gratifications, je suis d’avis d’accorder la somme au gouvernement. Il y a ici
une spécialité.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Si l’on veut majorer le chiffre 45,000 fr. et mettre 47,500 fr. pour
les pensions, il n’y a pas d’inconvénient. On mettra 27,000 fr. aux
gratifications.
M. Dumortier. - On s’est plaint sous le roi
Guillaume des gratifications, des traitements d’attente, etc. Je repousse en
effet tous ces traitements sous quelque nom qu’ils se présentent.
Vous voulez récompensez
les gardiens pour leurs travaux pendant le choléra ; mais n’avez-vous pas les
médailles ? Le Moniteur en est plein…
(On rit.)
On demande 2,000 fr.
pour les gratifications cette année ; l’année prochaine, si vous admettrez le
malencontreux article, on vous demandera 4,000 fr. ; et d’année en année vous
verrez le chiffre grossir au grand préjudice des contribuables. Les gratifications
sont une source d’abus.
On a
parlé des pensions. Souvenez-vous que le ministre des finances en a accordé
l’année dernière pour 150,000 fr. Si tous les ministres accordent des pensions
dans la même proportion, le grand-livre prendra rapidement une très grande
ampleur, mais le budget des voies et moyens ne suffira plus ; il faudra
augmenter l’impôt foncier, les portes et fenêtres, etc. ; la bourse des
contribuables n’ira pas en augmentant d’ampleur.
Je ne veux pas qu’on
renouvelle les traitements d’attente sous aucun nom ; qu’on donne des pensions
à ceux qui doivent en avoir, mais point d’indemnités, et surtout point de
chiffre à part pour une certaine classe de pensionnés ; il ne doit y avoir
qu’un seul chiffre pour tous les pensionnaires, et par conséquent qu’un seul
article.
M. Dubus. - Je ne crois pas qu’on puisse adopter
l’article concernant les gratifications, car il manquerait au ministre les
moyens d’en faire usage ; de même, je crois qu’il est inutile de porter des
sommes pour les pensions, s’il n’y a pas de loi qui détermine dans quels cas et
sous quelles conditions elles doivent être accordées. L’art. 114 de la
commission met sur la même ligne les gratifications et les pensions ; les unes
et les autres ne peuvent être accordées sans loi. Je m’oppose donc au crédit
pour les pensions.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si l’ancien gouvernement n’avait
fait connaître le mot gratification
que relativement à de malheureux guichetiers, ce mot n’apparaîtrait pas aux
yeux de l’honorable M. Dumortier escorté de tant de fâcheuses pensées. Les
gratifications ne sont pas une mauvaise chose en elles-mêmes. L’abus seul est
nuisible ; mais comment en abuser dans le cas spécial ? On a porté le chiffre
des pensions dans un article spécial, et les gratifications deviennent
elles-mêmes une spécialité.
On élève un doute de
constitutionnalité. Les arguments employés ne me paraissent que spécieux. La
pension n’est pas une chose que le gouvernement puisse arbitrairement fixer, il
faut une règle pour la liquider ; mais la gratification est une clause tout à
fait arbitraire : les actes de dévouement ne s’apprécient pas comme des années
de service.
Un gardien mérité 25 fr.
50 c. de gratification, selon les cas ; on ne peut pas tarifer les bonnes
actions. La cour des comptes, en vertu du budget qui est une loi et qui répond
par conséquent aux exigences de l’art. 114 de la constitution, ne refusera
jamais son visa à de telles allocations.
M.
Dubus. - La loi du budget n’est qu’une loi d’exécution ; ce sont d’autres lois
qui doivent déterminer les cas où les gratifications et les pensions peuvent
être accordées.
-
Le chiffre de 2,500 fr. pour pensions, mis aux voix, est adopté.
Ainsi, le chiffre de
45,000 fr., précédemment voté pour les pensions, est porté à 47,500 fr.
M. le président. - Nous allons reprendre l’art. 3
qui sera ainsi conçu :
« Pour bonne
conduite et actes de dévouement : fr. 2,500. »
M.
Jullien. - Pourquoi admettre une somme pour
les actes de dévouement ?
Si vous admettez les
récompenses pour les actes de dévouement dans un ministère, il faudra en
accorder pour les autres ministères, puis je craindrai que les dévouements ne
s’étendent trop loin et qu’ils n’aillent jusqu’à la personne du ministre, cette
espèce de dévouement pouvant être la mieux récompensée.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Pour que les ministres reçussent personnellement
des actes de dévouement des gardiens des prisons, il faudrait qu’au préalable
ils se fissent mettre en prison. Je ne crois pas qu’ils soient bien soucieux
d’en arriver là. (On rit.) Au reste,
le dévouement des gardiens ne peut s’étendre trop loin, puisque pour l’exciter
on n’a que 2,500 fr. à offrir à 250 employés environ.
M. le président.
On propose de mettre pour l’art. 3 :
« Pour récompenser
les employés des prisons de leur bonne conduite et actes de dévouement : fr.
2,500 fr. »
- Cet article, mis aux
voix, est adopté.
Article 2
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - J’ai trouvé le nombre des employés ; il est de 280 au lieu de 184.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - La réduction proposée par la section centrale
n’étant que le résultat d’une erreur, il n’y a pas lieu à l’adopter.
M. le président. - Les traitements et salaires sont
portés à 226,810 fr.
- Cet article est mis
aux voix et adopté.
Article 4
« Art. 4 Frais de
bureau et d’impression : fr. 10,000. »
La section centrale
propose 8,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Nous pouvons nous rallier à la
proposition de la section centrale.
« Art. 5.
Constructions et réparations : fr. 150,000. »
La section centrale
propose 100,000 fr.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - On nous a reproché l’année dernière de ne pas donner assez de
détails dans le budget sur les réparations des prisons ; cette année nous en
avons donné le plus qu’il nous a été possible, et nous avons pensé que d’après
les renseignements que nous fournissons on ne refuserait pas l’allocation
demandée. Cette allocation est déjà dépensée en partie, afin d’assurer les moyens
de sûreté dans les prisons.
Si les journaux vous ont
entretenu de plusieurs évasions de prisonniers, cela tient au mauvais état des
bâtiments. Les prisons de St.-Bernard emportent un tiers de la somme. Le
gouvernement précédent a mal choisi cet ancien couvent pour en faire une maison
de détention. Les réparations sont un moyen de sécurité publique et un moyen
d’économie pour l’administration, qui a besoin alors de moins d’employés.
Dans
un écrit publié récemment on vous a fait remarquer que, par la manière dont les
prisons sont construites en Amérique, un seul gardien placé au centre des
cellules peut surveiller un grand nombre de condamnés. En Belgique, ce sont des
casernes ou des couvents que l’on a transformés en prisons. Si on ne répare pas
cette année ces bâtiments, l’an prochain les réparations coûteront bien
davantage. Il y en a qu’il faudra reconstruire entièrement. Il faudrait une
prison pour les femmes ; il faudrait changer la prison de St.-Bernard.
M. d’Hoffschmidt. Que l’on répare les bâtiments, à la
bonne heure ; mais qu’on fasse des constructions nouvelles, il me semble que le
moment est mal choisi.
Je voudrais savoir à
quoi s’élèvent les réparations, que l’on a amalgamées avec les constructions ;
je voterai pour les réparations seules.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - S’il ne s’agissait que de constructions, nous ne demanderions
presque rien, parce que les provinces sont tenues d’en faire les frais. Nous
entendons par constructions pour les prisons, des constructions de salles
nouvelles, des constructions de murs de clôture, etc. Les notes du budget sont
claires à cet égard.
M. Dewitte. - J’appuie la demande du gouvernement ; il ne s’agit pas de
constructions pour bâtir une prison, mais pour faire des cours, pour faire des
réparations, etc. Il s’agit de la sûreté publique ; les réparations sont de
toute nécessité, c’est par défaut de réparations à des bâtiments qui tombent de
vétusté, que des prisonniers se sont échappés.
M. d’Hoffschmidt. - Ce qu’a dit M. le commissaire du Roi ne m’a
pas convaincu ; jusqu’à présent on s’est bien passé de salles nouvelles. Il
faut encore s’en passer pendant deux ou trois ans ; quand nous serons dans un
état plus prospère, nous ferons des constructions.
Ces
constructions nouvelles peuvent s’élever à 35,000 fr. Il faut diminuer le
budget de cette somme.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - A St.-Bernard les murs d’enceinte sont en ruines, et c’est
véritablement la force morale qui retient les prisonniers. Il faut dans
plusieurs prisons construire des chauffoirs, des cuisines.
M. Fleussu, rapporteur. - L’augmentation de ce chiffre sur
celui de l’année dernière est de 86,000 fr. Je pense, comme M. d’Hoffschmidt,
qu’on peut ajourner les grosses dépenses. Il faut savoir quel sort l’avenir
réserve à notre état financier, avant de se livrer à des dépenses aussi
considérables. Avec 100,000 fr., mis à la disposition du gouvernement, ce doit
être une somme suffisante pour atteindre la fin de l’année.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il est vrai que l’année dernière
vous n’avez accordé que 63,000 fr. ; mais je crois qu’on a demandé beaucoup
plus. Cette année on vous demande 150.000 fr. ; si vous réduisez ce chiffre,
peut-être sera-t-on obligé l’année prochaine de demander 300,000 fr. Il y a
certaines constructions dont la nécessité s’est révélée par suite d’événements
dont il importe d’empêcher le renouvellement dans l’intérêt de la morale et de
la sûreté publique ; les évasions, par exemple. Je ne parcourrai pas les
détails qui accompagnent cette partie du budget de la justice ; on convient
d’ailleurs qu’à St.-Bernard des dépenses sont indispensables : une partie en a
été faite sous ma responsabilité, parce qu’il y avait nécessité constatée. A
Alost, il faut des murs de clôture ; à Gand il faut paver la cour...
Dans les prisons de cette ville il y s cinq
cours non pavées qui sont de vastes bourbiers en hiver et des lieux infects
dans les saisons humides. Parce que les détenus ont piétiné dans la fange
pendant plusieurs années, faut-il qu’ils y piétinent encore ? Parce qu’ils ont
été exposés à une atmosphère insalubre, faut-il qu’ils y soient toujours
plongés ? Solidité, salubrité, humanité Voilà ce qui doit d’abord être suivi
pour le régime des prisons. L’économie est sans doute quelque chose ; mais les
mots que j’ai prononcés doivent avoir aussi de l’empire dans cette enceinte.
M. Legrelle. - Prenez-y garde, messieurs, nous aurons de la peine à la fin de
l’année de niveler nos recettes au niveau des dépenses. Je demande si quelque
dépense ne peut être ajournée ; je voudrais qu’on pût en remettre à des temps plus
heureux, ou au moins à l’année prochaine.
M. F. de Mérode. - Pour 50,000 fr., il me semble qu’il serait inconvenant de remettre la
dépense à l’année prochaine. Cette dépense est d’humanité et d’ordre public en même
temps.
Pour ajourner des
réparations, il faudrait démontrer qu’elles ne sont pas nécessaires ; or, il
est autrement. 50,000 fr. de plus ou de moins dans le budget ne sont pas une
chose considérable ; quand surtout on considère qu’il y a 5,000 à 6,000 prisonniers.
M. de Theux. - Je désirerais savoir quel est le montant des réparations déjà faites.
Je désirerais savoir si la saison n’est pas trop avancée pour entreprendre
d’autres réparations.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Il y a 50,000 fr. de dépensés. On demande des réparations pour
30,000 fr à St-Bernard ; on en demande pour Arlon. Dans cette ville, il faut
approprier une caserne de gendarmerie pour en faire une prison. On demande des
réparations en beaucoup d’endroits. Il y a des devis produits pour Ypres,
Courtray, Gand. A Gand, le travail est commencé ; on construit aussi des
ateliers pour faire travailler les prisonniers.
M. de Theux. - Il y a au
budget des indications de réparations moins considérables que celles dont M. le
commissaire du Roi vient de donner le détail.
M. Soudan de Niederwerth,
commissaire du Roi. - Le budget est préparé il y a une année ; des besoins se sont fait
sentir depuis. Les notes du budget ne sont que de simples notions et non des
indications complètes.
M.
Dubus. - L’année dernière, pour l’entretien de la réparation des prisons on a
alloué une somme beaucoup plus forte que celte qui avait été demandée. On ne
demandait que 15,000 fl. pour les réparations. La chambre a ajourné les
constructions nouvelles, soit à Anvers, soit ailleurs, et elle a accordé 30,000
fr. pour les réparations. somme amplement suffisante.
A entendre M. l’administrateur
des prisons, tout est indispensable ; mais c’est toujours la manière de
s’exprimer de ceux qui demandent des crédits ; cependant il y a des travaux qui
peuvent être remis à un autre temps. Ce n’est pas avec une situation financière
comme la nôtre qu’on peut entreprendre des changements dans les bâtiments.
Je crois que 100,000 fr.
suffiront s’il n’y a que 51,000 fr. de dépensés. L’année est trop avancée pour
qu’on fasse de grands travaux.
De toutes parts. - La clôture ! la
clôture !
- La chambre ferme la
discussion.
Le chiffre 150,000 du
ministre est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à
cinq heures.