Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et liens Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 juin 1833
Sommaire
1) Proposition de loi
relative aux actions en expulsion des fermiers et locataires (Liedts)
2) Projet de loi autorisant un
transfert de crédit au budget du département de la justice pour l’exercice 1832
(Choléra dans les prisons)
3) Projet de loi relatif à
l’émission d’un emprunt affecté à l’établissement de la première partie de la
route en fer
4) Projet d’adresse en réponse
au discours du trône. Discussion générale (A= Position diplomatique de
(Moniteur
belge n°172, du 21 juin 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Lebeau est au banc des ministres.
- Les pièces adressées à la chambre sont
renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. - Plusieurs sections ayant autorisé la lecture de
proposition de M. Liedts, la parole est à cet honorable membre.
M. Liedts s’exprime en ces termes.
- (Le discours de l’honorable membre ne nous est pas parvenu.)
PROJET DE LOI AUTORISANT UN TRANSFERT AU CHAPITRE 2
DU BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) donne lecture
de l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi autorisant un transfert au
chap. 2 du budget du ministère de la justice pour 1832.
PROJET DE LOI RELATIF RELATIF A L’EMISSION D’UN EMPRUNT AFFECTE A L’ETABLISSEMENT DE
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) donne lecture de l’exposé des motifs accompagnant
le projet de loi autorisant un emprunt affecté à l’établissement de la première
partie de la route en fer de la mer et de l’Escaut à
- Ces projets seront imprimés et
distribués. Ils sont renvoyés devant les sections.
M. les ministres de la guerre, des affaires
étrangères et des finances entrent en séance.
Discussion générale
M. Angillis. - Messieurs, en Angleterre on se borne à retourner
immédiatement les expressions du discours du trône ; cette sorte de formule
n’engage à rien le parlement ; elle n’entraîne aucune conséquence. L’adresse en
réponse au discours de la couronne est rédigée, proposée, votée et envoyée le
jour même de l’ouverture des chambres. Qui ne voit que cette sage précipitation
a pour but de rendre nulle une approbation donnée par pur sentiment de
convenance ?
Je sais qu’il ne faut pas souvent chercher
les exemples chez l’étranger, parce que la similitude est rarement exacte ;
mais l’Angleterre fait exception pour toutes les matières constitutionnelles,
et, sous ce rapport, elle est digne de nous donner des leçons et des exemples ;
car les Anglais sont le premier et le seul peuple de l’Europe qui ait raisonné
et constamment perfectionné les principes de son gouvernement.
Nous aurions bien fait de suivre cet
exemple et de ne considérer l’adresse que comme une simple cérémonie
d’étiquette et de convenance. Nous aurions ainsi évité des discussions interminables,
et qui ont souvent pour résultat des conséquences, sinon fâcheuses, du moins
désagréables. Mais il n’en est pas ainsi, nous avons adopté la mode observée en
France et celle suivie par nos anciens états-généraux. Mais puisque nous
considérons l’adresse comme l’expression du vœu de la nation, pour être
conséquent, il faut qu’elle exprime, avec une respectueuse franchise, tout ce
que la nation exprimerait elle-même si elle pouvait se faire entendre.
Si l’on n’attachait pas une si grande
importance à l’adresse, j’adopterais volontiers celle qui est en discussion,
parce qu’elle n’est autre chose que le discours retourné et écrit dans un style
d’une admirable simplicité ; mais, puisqu’on considère l’adresse comme le vœu
de la nation, je me permettrai quelques remarques sur le point principal
qu’elle traite.
Le traité du 21 mai qui a été fabriqué sans
notre participation, sans nous, malgré nous, contre nous ou pour nous, tout
comme on voudra, ne me fait ni peine ni plaisir : il me ferait de la peine si
la diplomatie m’eût inspiré quelque confiance, ou si j’eusse espéré une bonne
solution du concours de nos patrons ; mais comme je n’ai jamais eu foi dans
l’amitié et le désintéressement des chefs de la conférence, mon attente n’a pas
été trompée par ce dernier acte. Mais s’il y a entre nous divergence d’opinions
sur l’influence que ce traité peut exercer sur nos intérêts matériels, je pense
qu’il y a unanimité parmi tous les Belges amis de leur pays pour remarquer avec
indignation le peu de cas que font les puissances de notre nationalité et de
notre indépendance ; elles nous traitent comme si nous étions des interdits, et
je demanderai à nos diplomates passés et présents s’il est bien dans les usages
de la diplomatie de régler les affaires d’une nation qu’on a reconnue comme
indépendante sans sa participation ? Mais, dit-on, le traité a été envoyé à
notre gouvernement ; il a pu ne pas l’accepter. Oui, il a été envoyé à notre
gouvernement à peu près de la même manière que le gouvernement ou ses agents
adressent aux régences des villes et communes des lois et des arrêtés pour les
faire publier. Le traité, fût-il aussi avantageux comme on veut le faire à
croire au peuple, ne serait pas moins à mes yeux un acte de patronage contraire
à nos droits, un acte qui décèle les intentions des puissances relativement à
Quant au fond du traité, il ne me plaît pas
plus que la forme. C’est une mauvaise trêve que le drame oriental a fait
naître, qu’on prolongera aussi longtemps qu’on sentira la nécessité de conserver
la tranquillité dans le nord-ouest de l’Europe, et qui, en attendant, laissera
Mais que sont devenus, et les 18 et les 24 articles,
ces actes qu’on est venu déclarer à cette tribune irrévocables, ces actes dont
la ratification n’était plus qu’un objet de forme ? Messieurs, il n’en est plus
question, le traité, qui n’est pas plus irrévocable comme tout ce qui est sorti
des ateliers de la conférence, n’en dit pas un mot ; au contraire, il parle
d’un traité à faire comme si rien n’était fait, et dans des termes si vagues,
que chacun peut interpréter à sa manière, et cette interprétation fournira aux
ennemis de notre révolution des armes nouvelles pour maintenir l’inquiétude
dans le pays.
Voilà donc anéanti le fameux traité des 24
articles, si laborieusement élaborée par la conférence, qui a fait naître tant
de protocoles, et qui comme chacun sait, était devenu un acte irrévocable le
jour de sa naissance ; cet acte qu’on proclamait notre droit public n’existe
plus, et, après trois années de négociations, nous sommes replacés dans le
provisoire et ramenés devant le tribunal de la conférence.
Tout annonce, messieurs, que ce provisoire
sera long, car il me paraît constant que toute transaction politique avec le
roi Guillaume est impossible. J’ai lu quelque part que les puissances
absolutistes ne nous feront pas la guerre, non qu’elles éprouvent quelque
affection politique pour nous, mais parce qu’elles sont prudentes, car elles
comprennent leur propre position. Cette prudence leur conseille de ne pas
commencer la lutte ; elles feront taire leurs passions et se tiendront du côté
de leur intérêt. Or, en temporisant de notre côté, les passions et les intérêts
des puissances demeureront les mêmes, et dans un an, dans deux ans, leurs
sentiments et leurs intérêts ne seront point changés ; mais il n’en sera pas de
même de notre position, qui sera beaucoup aggravée, et par la continuation de
nos grandes dépenses, parce qu’un désarmement complet serait un acte de la plus
haute imprudente, et par la stagnation de notre commerce et de notre industrie.
Moyennant le petit désarmement que le
gouvernement propose d’opérer, et qui n’est pas à dédaigner, nos dépenses
seront allégées de onze millions, mais elles seront encore dans une proportion
effrayante avec nos revenus réels ; et comme la conférence paraît de nouveau
destinée à se mêler de nos affaires, le temps qu’elle a employé pour fabriquer
deux actes irrévocables qui n’existent plus que dans l’immense recueil des
protocoles, nous donne la mesure de ce que nous pouvons attendre de sa
participation dans nos affaires.
Nous conservons provisoirement, et jusqu’à
bon plaisir ultérieur, Venloo et les autres territoires ou parties de
territoires cédés par le défunt traité des 24 articles et on fait sonner bien
haut cette possession temporaire. Cette circonstance, messieurs, prouve deux
choses : d’abord, que le roi de Hollande ne veut point reconnaître le traite
des 24 articles, et en second lieu qu’il nourrit toujours des intentions
hostiles. Il nous laisse Venloo et les territoires cédés, parce qu’en les
occupant il ferait acte de ratification et il conserve Lillo et Liefkenshoek
qui ne lui rapportent presque rien, de préférence à un territoire qui lui
rapporterait 300,000 fr. d’impôts et un bon nombre de soldais, parce qu’il veut
dominer surtout l’Escaut, parce qu’il sait que c’est sur l’Escaut que la
question belge est tout entière. Cette conduite prouve à la dernière évidence
que les intentions du roi Guillaume sont hostiles, et confirme ce que j’ai déjà
dit, qu’il faut tenir pour constant que toute transaction politique avec lui
est impossible. Il demeure également constant que le roi de Hollande n’a consenti
à la trêve que pour donner à l’empereur de Russie le loisir de jouer son rôle
dans le drame oriental ; donc, que le traité du 21 mai n’a d’autre cause
déterminante que le besoin d’un calme plus ou moins long dans la partie de
l’Europe que nous habitons ; et je ne crains pas de le dire, si
Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire sur
le traité du 21 mai, qui, à mes yeux, n’est qu’un acte qui nous embourbe dans
un provisoire ruineux pour
En me résumant, je dis que je désapprouve
l’adresse : 1° parce qu’elle considère le traité du 21 mai comme avantageux
pour
Je sais bien, messieurs, que l’opinion que
je professe ne sera pas partagée par la majorité de cette chambre, mais elle
aura peut-être de l’écho dans
M. de Nef. - Si le discours du Roi avait été conçu de
manière à faire naître la crainte que le ministère fût dispose à faire des
concessions au sujet des 24 articles, je concevrais que la chambre manifestât
dès à présent sa désapprobation ; mais il n’est est pas ainsi ; le discours
nous donne au contraire l’assurance que le traité du 15 novembre est resté
intact, et que le gouvernement veillera à ce qu’il ne soit porté aucune
atteinte aux droits qui nous sont acquis, ce qui d’ailleurs vient encore d’être
confirmé par les communications récentes qui nous ont été faites sur nos
relations extérieures.
Tant que le gouvernement restera dans cette
voie, je pense que nous lui devons notre appui ; l’harmonie entre les hauts
pouvoirs lui prêtera la force nécessaire pour nous conduire le mieux à une
solution prompte et définitive ; la désunion, au contraire, ne ferait que
l’affaiblir, tout en donnant à notre ennemi des espérances et des forces
nouvelles ; il suffit que le gouvernement sache que le traité des 24 articles
est un droit acquis, auquel est attachée notre existence politique, et au sujet
duquel toute concession est par conséquent interdite.
Un
désarmement partiel nous est annoncé ; il doit avoir pour triple résultat de
diminuer nos dépenses, de rendre une quantité de bras à l’agriculture et à
l’industrie, et enfin de soulager les habitants des frontières de la charge
accablante des logements militaires qu’ils ont supportée depuis si longtemps et
avec tant de patriotisme.
Sous ces divers rapports, j’espère bien que
le gouvernement sentira la nécessité de se hâter, et de faire jouir de suite la
nation en général, et les habitants des frontières en particulier, des
avantages de la convention du 21 mai dernier.
Dans ces circonstances, le projet d’adresse
ne devait être autre que celui qui nous est présenté par la commission, et
auquel je croirai conséquemment pouvoir donner mon assentiment.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, lorsque le ministère actuel est arrivé
au pouvoir, il a fait connaître aux puissances les principes sous l’empire desquels
il était constitué. La condition d’existence de tout ministère belge, disait la
note du 23 novembre, est l’exécution immédiate du traité du 15 novembre, soit
par l’intervention des puissances, soit par ses propres forces. Le ministère
regardait alors la position de
Par le traité du 15 novembre, ces
puissances s’étaient portées garantes de l’exécution pleine et entière de
toutes les clauses de ce traité ; il formait ainsi notre droit public. Au lieu
de ces stipulations positives, la convention du 21 mai ne nous offre plus
qu’une exécution partielle, des conditions incertaines ; elle fait dépendre
notre avenir des interminables négociations de la conférence. Dans cet état de
choses, il a fallu sans doute de puissants motifs pour déterminer l’honorable
général qui dirige avec tant de talent nos affaires étrangères, à souscrire à
un traité qui le met en opposition flagrante avec ses engagements pris dans
cette enceinte, et qui n’offre plus à
En effet, quatre points ressortent de ce
traité : la suspension du paiement de la dette, la liberté de l’Escaut et de
La liberté de
La dette. Ici, je me permettrai d’adresser
une interpellation formelle à M le ministre des affaires étrangères et de lui
demander s’il a prononcé la déchéance de tous droits qu’aurait
Vous voyez, messieurs, que le traité du 21
mai n’ajoute aucun avantage à ceux qui nous étaient antérieurement acquis. Mais
à côté de cette absence complète de résultats, se trouvent encore les plus
graves inconvénients. D’abord, il prolonge indéfiniment le statu quo qui est
beaucoup plus pernicieux à la nation qu’on aime à se l’avouer. Il laisse planer
sur notre avenir une incertitude qui nuit essentiellement au développement de
notre industrie commerciale ; il entrave ces grandes entreprises qui sont le
véhicule de la prospérité et de la richesse nationale ; il porte atteinte à
notre crédit public, et empêche le gouvernement lui-même à donner tous ses
soins aux améliorations intérieures que
Vous
vous rappellerez que cette puissance, au mépris de la foi jurée et des droits
de gens, et sans provocation aucune, a envahi votre territoire, brûlé vos
villages, détruit vos écluses de mer, et plongé toute une contrée florissante
dans la plus affreuse misère.
Ainsi messieurs, cette convention du 21 mai
ne nous offre que des résultats illusoires en échange d’une position nettement
caractérisée et où tout était à notre avantage. Après un an de pénibles efforts
et de savantes manœuvres diplomatiques le ministre des affaires étrangères
était enfin parvenu à assurer à
Messieurs, si ces puissances ont eu tant de
répugnance à traiter avec vous, alors que l’Europe entière était en fermentation,
que
M. Legrelle. - J’aperçois dans le projet d’adresse deux
lacunes qu’il me semble important de signaler.
On dit dans le second paragraphe de
l’adresse : « L’expulsion de notre ennemi de la forteresse d’Anvers lui a
enlevé un puissant point d’appui. La convention du 21 mai, en nous mettant en
possession de plusieurs avantages matériels, stipulés dans le traité du 15
novembre 1831, n’a pu porter atteinte à aucun des droits qui nous sont
irrévocablement acquis par ce traité. »
En me bornant à lire ces mots, ne
semble-t-il pas que la convention du 21 mai a reçu sa pleine et entière
exécution ? Je crois devoir vous signaler ici qu’il n’en est pas ainsi ; que la
libre navigation de l’Escaut n’est pas encore telle qu’elle doit être ; que le
pilotage éprouve encore des entraves ; qu’il n’est pas permis aux pilotes
d’Anvers de descendre la rivière jusqu’à Flessingue ; qu’enfin, cette manière
d’agir des Hollandais vous annonce assez l’intention qu’ils ont de maintenir ce
qu’ils appellent leur droit exclusif de souveraineté sur les bouches de la
rivière.
Il est important que la nation se prononce
à cet égard. L’article 3 du traité du 21 mai permet la libre navigation de
l’Escaut et un autre article interprétatif dit qu’il est entendu que la
navigation de l’Escaut aura lieu comme avant le premier novembre 1830. Or,
qu’existait-il avant le premier novembre 1830 ? Les pilotes de Flessingue
remontaient jusqu’à Anvers ; les pilotes d’Anvers descendaient jusqu’à
Flessingue, c’est-à-dire qu’il y avait partage de travaux et de bénéfices ;
maintenant les Hollandais se permettent aux pilotes d’Anvers de descendre la
rivière que l’espace de trois lieues ; ce qui fait que les Hollandais ont plus
des trois quarts des bénéfices. Il est temps que le ministre des affaires
étrangères s’occupe d’un tel état de choses qui établirait un antécédent
fâcheux pour nos intérêts.
Un honorable orateur a parlé des désordres
qui ont éclaté dans quelques cités : oui, des désordres ont été commis ; des
pillages ont eu lieu des citoyens ont été, je ne dirai pas assassinés, mais
menacés et maltraités, Je demanderai que le ministère fasse une enquête sur
tous ces faits : sous le règne des lois et de la liberté, il ne faut pas que
Plusieurs membres. - Bien ! bien !
M. Legrelle. - Le nombre des individus qui se sont livrés à
ces désordres est minime ; mais c’est parce qu’il est minime que le gouvernement
peut empêcher que ces désordres se renouvellent. Nous avons la force en mains,
nous avons le pouvoir ; il faut que justice soit faite.
Je n’accuse pas les ministres ; je crois,
au contraire, qu’ils ne savaient rien de ce qui se tramait contre l’ordre
public mais il faut que tout ce qui s’est fait soit mis au grand jour, et c’est
dans ce but que je demande une enquête.
J’ai dit.
M. de Brouckere. - Messieurs, au moment où je me dispose à prendre
part à la discussion qui nous occupe, je me fais cette question :
Qu’est-ce qu’un discours du trône, et
qu’est-ce qu’une adresse en réponse à un semblable discours ?
S’il est bien convenu qu’un discours du
trône doit être considéré comme l’œuvre exclusive du ministère (car je tiens à
ce que l’on ne puisse pas, plus tard, m’accuser à tort d’avoir fait allusion à
un personnage que la constitution déclare inviolable et dont il ne peut jamais
être question dans nos débats) ; s’il est bien convenu qu’un discours du trône
ne doit être qu’une suite de phrases banales et vides de sens, mais ayant
toujours pour but d’élever haut les succès de la diplomatie et la prospérité du
pays ; si l’on est d’accord que l’adresse en réponse à ce discours ne doit être
qu’une insignifiante paraphrase du discours lui-même ; si l’on pense en un mot
que cet échange de discours n’est rien qu’une vaine cérémonie, dès lors, nous
devons nous déclarer pleinement satisfaits et de ce que nous avons entendu le
jour de l’ouverture de la session et de ce qu’on veut nous faire dire
aujourd’hui.
Nous n’avons qu’un regret à manifester,
c’est d’avoir perdu six jouis pour préparer la réponse.
Que si l’on veut, au contraire, quelque
vérité, quelque franchise dans ces premières relations entre la chambre et le
gouvernement ; que si l’on veut qu’elles aient un but d’utilité, qu’elles
servent à fonder la confiance qui devrait exister entre la chambre et le
gouvernement, peu contents des phrases diplomatiques formulées par les
ministres, et du silence qu’ils ont gardé sur des faits graves, n’imitons pas
leur conduite, et loin de nous borner à une simple paraphrase, saisissons cette
première occasion de faire connaître notre pensée au gouvernement, car notre
pensée c’est l’expression de la pensée du pays.
L’an passé, c’est-à-dire, au mois de
novembre dernier, la chambre a fait un effort pour sortir de l’ancienne ornière
; mais vous vous le rappellerez, cet effort a été en partie comprimé par des
considérations que j’ai regretté de voir prévaloir.
Au lieu d’entraver la marche du ministère,
il était question de la blâmer ouvertement ; quarante-deux membres le voulaient
ainsi, quarante-quatre membres adoptèrent un terme moyen ; ils ne blâmèrent ni
n’approuvèrent ; et chose digne de remarque, à peine dans toute la chambre le
ministère put-il trouver un seul défenseur.
Qu’avons-nous gagné, messieurs, en
tergiversant ainsi ? Les ministres ont fait semblant de se retirer ; ils ont
boudé la chambre pendant trois semaines, après quoi ils ont repris leurs places
et leur ancienne politique.
J’ai dit qu’ils avaient fait semblant de se
retirer ; je suis obligé de prouver ce que j’ai avancé.
A la séance du 27 novembre, M. Lebeau,
ministre de la justice comme actuellement, disait : « Il serait peu
convenable de laisser la chambre dans le doute s’il y a un ministère ou non
; » et l’interpellation d’un honorable membre (M. Legrelle) me fait sentir
la nécessité de donner quelques explications à cet égard...
« Après le vote de la séance d’hier,
les ministres ont cru qu’il était de leur devoir et de leur dignité de donner
leur démission au Roi ; c’est ce qu’ils ont fait hier soir… »
Effectivement, messieurs, obéissant à ce
que leur commandaient leur devoir et leur dignité, ils ne siégèrent plus comme
ministres et nous restâmes sans gouvernement, ce qui vaut autant qu’un mauvais
gouvernement, car le pays ne fut pas troublé. Nous restâmes sans gouvernement
pendant trois semaines ; au bout de ce temps paraît dans le Moniteur cette espèce d’annonce, conçue dans les termes dans
lesquels on rédige les avis pour fournitures ou changements de domicile : «
Après une dernière et inutile tentative pour compléter une administration
nouvelle, le Roi, voulant mettre un terme à un état de choses qui ne pouvait se
prolonger sans conséquences funestes… a continué dans leurs fonctions les
ministres ? »
Et sur ce, les ministres firent le
sacrifice de leur devoir et de leur dignité, ils reprirent leurs fonctions sans
daigner en informer la représentation nationale, et le pays peut prendre acte
de la déclaration formulée par ces messieurs qu’il n’y avait qu’eux seuls
capables d’être ministres. S’il en est ainsi réellement, il faut leur savoir
gré d’avoir sacrifié leur devoir et leur dignité ; mais moi qui ne sacrifie mes
devoirs à aucune considération, je me borne à dire la vérité.
Je dis donc, messieurs, que si nous voulons
atteindre un but quelconque, il faut que nous nous expliquions franchement et
sans ambiguïté.
Or, trouvez-vous qu’en obtenant le traité
du 21 mai, les ministres aient rendu un service aussi immense qu’ils voudraient
le faire croire ? Dites-le ouvertement, et faites connaître au pays les grands
avantages qu’il en retirera.
Trouvez-vous que ce nouveau provisoire est
nuisible au pays ; êtes-vous convaincus, comme je le suis, que le traité du 21
mai adopté avec tant d’imprudence, remplace réellement le traité du 15 novembre
dont il ne sera plus question, et qu’il faut renoncer aux avantages énoncés
dans ce dernier, avantages dont le premier ne fait pas mention ? Dans ce cas,
messieurs, parlez encore sans détour, et ne vous bornés pas à dire au chef de
l’Etat :
« La convention du 21 mai, en nous
mettant en possession de plusieurs avantages matériels stipulés dans le traité
du 15 novembre 1831, n’a pu porter atteinte à aucun des droits qui nous sont
irrévocablement acquis par ce traité. Si
Cette dernière phrase ne signifie
absolument rien ; car on est toujours libre de réclamer, comme les puissances
sont toujours libres de refuser.
Quand je dis que vous n’aurez plus de
traité définitif, je parle avec tant d’assurance que si le ministre des affaires
étrangères voulait quitter son rôle de diplomate et s’exprimer avec franchise,
j’affirme que sa pensée serait conforme à la mienne, que lui-même sait très
bien que nous n’avons à attendre, ni reconnaissance de notre indépendance de la
part du roi Guillaume, ni traité direct, quel qu’il soit, avec lui.
Je n’en dirai pas davantage sur la
politique extérieure. Je m’en rapporte sur ce point à ce qu’a dit M. Angillis
et à ce que diront d’autres orateurs avant la clôture de cette discussion. Je
ferai plus ; je ne dirai rien des autres paragraphes qui se trouvent dans
l’adresse, parce que je ne les crois pas dignes d’un examen ultérieur. Je
n’examinerai donc pas ce qui se trouve dans le projet d’adresse, mais ce qui
devrait s’y trouver.
On a parlé d’événements graves qui se sont
passés depuis l’ouverture de la session précédente mais s’il s’est passé
quelque événement grave, n’est-ce pas la dissolution de la chambre ?
D’où vient donc que les ministres ne nous
en disent pas un seul mot ? c’est que cette dissolution
est un véritable coup d’Etat ; c’est que ce coup d’Etat n’est pas justifiable
et que les ministres auraient bien voulu que toute discussion à cet égard n’eût
pas lieu.
Pourquoi la chambre a-t-elle été dissoute ?
Qu’on me réponde : n’est-il pas vrai qu’elle marchait d’accord avec le sénat,
et que nulle apparence de désunion ne s’est manifestée entre ces deux branches
du pouvoir législatif ? n’est-il pas vrai que la
majorité de la chambre a voté les lois que le ministère demandait ? n’est-il
pas vrai que chaque fois que le gouvernement demandait à la nation ou des
hommes ou de l’argent, la chambre accordait tout, presque sans opposition,
souvent à l’unanimité ?
Pourquoi donc cette dissolution de la
chambre ? Eh bien ! il faut le dire : elle n’a d’autre
cause qu’un amour-propre froissé. Messieurs, ceux qui appartiennent, comme moi,
à l’ancienne chambre, se rappelleront que lors du vote du budget de la guerre,
un malencontreux amendement fut présenté par M. le ministre de l’intérieur ; et
cet amendement était si absurde, que l’immense majorité l’accueillit par la
question préalable, c’est-à-dire, que la chambre déclara qu’il n’y avait pas
lieu à délibérer. Cependant, il était imprudemment échappé aux ministres de
dire que si la chambre ne se conformait pas à leur bon plaisir et n’adoptait
pas l’amendement, ils étaient décidés à se retirer et à ne plus reparaître
devant la chambre ; qu’ils ne joueraient pas cette fois une ignoble comédie.
La chambre ne fit pas attention à cette
phrase ; elle adopta la question préalable ; et dès lors l’embarras des
ministres fut grand : paraître devant la chambre, ils ne l’osaient pas ;
dissoudre la chambre parut hardi, et ce ne fut qu’après de longs délais qu’ils
recoururent à ce coup d’Etat. Le coup d’Etat n’a donc d’autre cause que
l’amour-propre compromis des ministres.
Au lieu des motifs ambigus, insignifiants
de l’arrêté de dissolution, si l’on avait voulu être vrai, on aurait dit :
« Considérant que nos ministres tiennent à rester au pouvoir… » (Bruit.) C’est la vérité… « Considérant
que nos ministres tiennent à rester au pouvoir, et que cependant ils ne peuvent
plus paraître devant cette chambre où ils se sont imprudemment conduits et où
ils ont été un peu durement traités… » Voilà le considérant que l’on aurait
mis en tête si l’on avait voulu être franc. Toutefois, l’amour-propre
ministériel coûtera cher au pays.
Je ne parlerai pas du temps perdu, et qui
aurait pu être employé dans l’intérêt de la nation ; je ne dirai pas que, grâce
à la susceptibilité ministérielle, nous n’aurons pas de budget avant le
huitième mois de l’année ; je ne dirai pas que les pensionnés du ministère des
finances languissent dans la misère en attendant le paiement du deuxième
semestre de l’année 1832 ; je ne dirai pas que, grâce à cette susceptibilité,
la nation attendra encore longtemps les lois les plus importantes, et entre
autres celle sur les distilleries, qui déjà aurait été promulguée.
Messieurs, la dissolution de la chambre a
eu d’autres résultats plus pernicieux encore :
Je place au premier rang la désunion semée
entre les différentes classes de citoyens. Il fallait empêcher la réélection de
certains membres de l’ancienne chambre, et pour cela tous les moyens étaient
bons : destitutions de fonctionnaires, promesses, menaces, calomnies, rien n’a
été épargné.
Des voix.
- C’est ce que vous prouverez !
D’autres voix. - C’est vrai ! c’est vrai !
M. de Brouckere. - Le grand point était de diviser les citoyens,
d’après la maxime machiavélique : diviser pour régner. Des émissaires furent
envoyés dans les provinces, et les journaux du ministère furent chargés de
seconder leurs efforts.
Chaque jour ils excitaient les citoyens les
uns contre les autres ; ils excitaient les libéraux contre les catholiques et
les catholiques contre les libéraux, et surtout contre ceux que les ministres
appellent des démolisseurs. Chaque
jour ils déversaient l’injure sur des hommes honorables qui n’avaient d’autres
torts que de n’avoir pas traité les ministres avec les ménagements que ceux-ci
exigeaient : tantôt on les accusait d’être orangistes et de jouer le rôle que
joue en France un député connu par son attachement aux Bourbons de la branche
aînée ; tantôt on prétendait qu’ils voulaient la république ; tantôt enfin on
les faisait passer pour saint-simoniens. (On
rit.) Et je pourrais citer, messieurs, un homme jouissant de toute l’estime
publique, de l’estime générale, à l’exception pourtant de celle du ministère,
qu’une pareille accusation n’a pas peu contribué à écarter de la représentation
nationale.
Ces inimitiés semées entre les habitants ne
s’éteindront pas de si longtemps ; c’est un nouveau bienfait dont nous sommes
redevables aux ministres.
J’arrive, messieurs, à d’autres événements
qui se rattachent cependant plus ou moins à celui dont je viens de vous
entretenir, et à l’égard desquels le gouvernement a trouvé à propos de ne pas
faire la moindre mention dans son discours du trône ; je veux parler des scènes
déplorables qui ont eu lieu à Gand, à Bruxelles et à Anvers dans le courant du
mois de mai, la veille des élections.
C’est à Gand que se commirent les premiers
excès ; et, par une fatale coïncidence, ils suivirent immédiatement le départ
du Roi et de sa suite. Vous connaissez en quoi consistent ces excès : des
citoyens maltraités, d’autres menacés ; des lieux publics envahis, des
attroupements effrayants ; en un mot tous les signes d’effervescence, tous les
désordres qui préludent aux révolutions, et qui se commettent en l’absence de
toute autorité. Si le gouvernement avait alors agi avec sévérité, avec énergie,
il aurait réprimé ces excès ; s’il avait voulu seulement montrer qu’il les
désapprouvait, tout était fini. Au lieu de cela, il arriva que l’autorité
compétente à laquelle on s’adressa refusa d’intervenir ; il arriva que
l’autorité à laquelle on en appelait déclara les lois impuissantes ; il arriva
que l’autorité regardait certains citoyens menacés comme ennemis du pays et du
Roi ; il arriva enfin que l’autorité approuva de la manière la plus formelle
ceux qui s’étaient abandonnés à des excès.
Je n’ai pas l’habitude de parler sans
preuves ; je vais lire deux lettres qui, l’une et l’autre, sont du commandant
des deux Flandres. La première est adressée à la société de
« Gand, 16 mai 1833.
« Messieurs,
« Tout eu regrettant que la
tranquillité ait été momentanément troublée à la société de
« Ce n’est pas votre lettre qui a
provoqué les mesures que j’ai prises, c’est le sentiment de mon devoir ;
ce devoir m’eût été plus agréable à remplir si les murs et les tables de vos
salons n’étaient pas constamment couverts de billets et de caricatures contre
le Roi et son gouvernement.
« J’ai l’honneur, etc. »
Voici la seconde qui est adressée à
l’éditeur du Messager de Gand :
« Gand, 16 mai 1833.
« M. l’éditeur responsable,
« J’ai reçu votre lettre du 13 de ce
mois, par laquelle vous me demandez protection pour vous et les rédacteurs du
Messager de Gand. Je ne pourrais sans faiblesse ou sans trahison vous
l’accorder, et je n’ai jamais connu ni l’une ni l’autre. Vos rédacteurs et
vous, vous êtes mis au-dessus des lois par vos provocations continuelles à la
révolte et à la désobéissance au gouvernement établi en Belgique, et les lois
ne peuvent rien pour quiconque les brave. Par vos injures contre le Roi, chef
suprême de l’armée, vous avez blessé l’armée dans son honneur et son affection.
L’armée vous l’a fait connaître. Par vos diatribes continuelles vous avez
soulevé l’indignation des honnêtes gens ; par vos attaques contre l’autorité,
vous avez mis cette autorité dans l’impossibilité de vous protéger contre les
ressentiments que vous avez suscités.
« Quant à moi, placé entre les
Hollandais et vous qui servez leurs projets, je ne puis vous regarder que comme
l’ennemi du pays et du Roi que je sers. La position où vos rédacteurs et vous
vous trouvez aujourd’hui est la conséquence de celle qu’il vous a plu de
prendre, et je ne dois ni ne peux y rien changer. »
Ces lettres sont conçues dans des termes
tellement clairs, qu’elles dispensent de tout commentaire.
Ce n’est pas tout encore. Un journal qui est
généralement connu comme organe de la pensée ministérielle, un journal dont les
ministres et un secrétaire-général du ministère sont les rédacteurs et les
actionnaires..... (Marques de dénégation),
ce journal a trouvé ces excès fort naturels et y a en quelque sorte poussé
indirectement ; car il dit en substance : « Le Messager de Gand se lamente beaucoup des menaces faites à ses
rédacteurs par les officiers de l’armée ; mais quand les écrivains abusent
aussi étrangement de leur plume, pourquoi les officiers n’abuseraient-ils pas
de leur épée… ? »
En présence des troubles, le gouvernement
ne fit rien ; et le stupide et insignifiant
Moniteur garde le silence.
Il était, par conséquent, facile de prévoir
que ce qui se passait à Gand se passerait ailleurs.
A Bruxelles, des écrivains furent menacés.
Dans les cafés, des hommes armés arrachaient les journaux des mains de ceux qui
les lisaient. Voilà ce qui s’est passé pendant plusieurs jours sous les yeux
mêmes des ministres. Ces hommes armés étaient si bien les instruments envoyés
par d’autres individus, que dans leur aveugle fureur ils allèrent jusqu’à
déchirer l’innocent Journal de
Que fit le gouvernement ? Le gouvernement,
je vous l’ai déjà dit, ne fit rien, et il n’était pas fâché de détourner
quelque peu l’attention des écrivains indépendants des élections. Il espérait
effrayer le public par des scènes de désordre, comme il avait effrayé les
fonctionnaires par des destitutions.
Si je voulais, je pourrais indiquer un
magistrat auquel on s’adressait et qui répondit : Allez au commissaire de
police.
A Anvers on laissa piller, on laissa
assassiner, on laissa massacrer ; et cela, dans une ville qui renferme une
nombreuse garnison, dans une ville où six gendarmes suffisaient pour dissiper
la foule. Je n’entrerai pas dans les détails de ce qui s’est passé dans cette
dernière cité ; ces tristes événements ont déjà eu assez de retentissement à
l’étranger ; les feuilles françaises et anglaises ont tenté assez d’efforts
pour faire retomber ces actes sur la nation, actes dont on ne doit accuser que
quelques hommes.
Les feuilles d’Allemagne ne sont pas
restées en retard dans ces conséquences fâcheuses pour le pays qu’elles en
voulaient tirer. Voici un fragment du Journal
de Francfort....
Des voix.
- C’est un journal rédigé par Durand !
D’autres voix. - Durand, qui a rédigé un journal en Hollande.
M. de Brouckere lit en effet un long
fragment du journal qu’il désigne, et continue en ces termes. - Messieurs, en
rappelant tous ces faits je n’ai pas le même but qu’a eu tout à l’heure M.
Legrelle : je ne demande pas la poursuite des individus qu’on a vus dans les
troubles ; je déclare hautement que je suis convaincu, dans mon âme et
conscience que depuis le général, auteur des deux lettres que j’ai lues,
jusqu’aux hommes armés qui se sont introduits dans les cafés, tous ont agi par
suite d’impulsion supérieure. Tout le démontre, et j’ai pour moi des motifs de
le croire ; mais je m’abstiendrai de fournir les preuves, parce que je n’ai pas
l’habitude de nommer les personnes.
L’obéissance passive est regardée chez le
soldat comme un premier devoir ; les coupables sont donc ceux qui les ont fait
agir. Du reste, je suis fâché de devoir le dire : il est probable que ces
scènes se représenteront encore. Ce n’est pas sans quelque fondement que j’ai
cette triste prévision : je vais lire une lettre qui s’est trouvée, il y a
quelques jours, insérée dans les colonnes du journal dont j’ai parlé tout à
l’heure. Voici la lettre :
« Oui, tous nous sommes prêts à
sacrifier mille fois notre vie quand l’indépendance de la nation et l’honneur
du Roi seront attaqués ; tous (nous aimons à le proclamer hautement) nous
partageons les sentiments de nos frères d’armes qui, à Bruxelles, à Anvers et à
Gand, ont châtié l’insolence, et tout en voulant la liberté de la presse dans
toute sa latitude, nous saurons la corriger par l’épée quand elle nous
attaquera nous ou notre chef suprême…
« Songez-y donc bien, messieurs les
folliculaires, la même opinion, les mêmes principes règnent dans toute l’armée,
il n’est qu’un cri, et l’écho le répétera au loin : Vive la liberté ! Vive
Léopold ! »
Quelle liberté ! c’est
une liberté de barbare ! une liberté enfin que l’armée
peut interpréter à sa guise. Et le ministère voit avec indifférence l’armée se
charger du soin de surveiller la presse et de la liberté individuelle sous le
bon plaisir de l’armée !
Ne craignez rien, dira-t-on ; ce sont des
orangistes qu’on a maltraités ; les patriotes peuvent être tranquilles. Je ne
sais pas sur quoi l’on se base pour mettre les orangistes hors la loi ; les
opinions sont libres, leur manifestation est libre ; un orangiste n’a-t-il pas
le droit d’être protégé quand sa personne et ses biens sont
menacés ? Encore une fois cette qualification d’orangiste on la donne à tous
ceux qui déplaisent. Et moi-même, lors des élections de Bruxelles, les
ministres le savent, et s’ils l’ignorent, je les renverrai au témoignage d’un
haut personnage qui me l’a appris, moi-même on voulu me faire passer pour
orangiste. Puis, remarquez bien que lorsque les ministres parlent de patriotes,
ils entendent les patriotes de pure race, pour me servir des expressions du
ministre de l’intérieur ; quant à ceux qui ne sont pas de pure race,
c’est-à-dire, qui n’approuvent pas tout ce que font les ministres, ils ne
valent pas mieux que les orangistes ; ils sont menacés d’avoir le même sort et
d’être mis hors la loi quand ils gêneront le ministère par leur désapprobation.
Les considérations que je fais valoir vous
font pressentir, messieurs, que je ne donnerai pas mon suffrage au projet
d’adresse : je me réserve de présenter des amendements aux paragraphes si je
prévois que des amendements recevraient un accueil favorable ; si je vois que
tout amendement sera repoussé, je serai satisfait d’avoir exprimé mon opinion,
d’avoir dit ce que je devais dire pour l’acquit de mon devoir.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Messieurs,
je sens dès à présent le besoin de répondre à une spécialité du discours que
vous venez d’entendre. Je veux parler des troubles qui ont éclaté dans diverses
localités de
Messieurs, réédifier le pouvoir, telle est,
au sortir d’une révolution, la tâche de l’homme qui veut le calme après la
tempête, l’ordre après le chaos, l’empire des lois après l’irruption des
volontés individuelles.
Tâche ingrate, incomprise, impopulaire,
dans laquelle vous délaissent les sympathies de la foule, et où vous
soutiennent presque seules l’approbation de quelques penseurs silencieux, celle
de votre conscience et l’espoir parfois trompé d’une tardive justice.
Cette tâche, messieurs, qu’on ne s’y
méprenne point, est à peine ébauchée, quand on a inscrit dans les tables de la
loi nouvelle les prérogatives qu’une liberté jalouse a bien voulu laisser au
pouvoir.
Cette ombrageuse susceptibilité, qu’un long
régime d’arbitraire et de déception a soulevée, ne réagit pas seulement sur la
constitution du pouvoir nouveau ; elle en paralyse la force morale, elle en
affaiblit longtemps la marche, le prive de la confiance qu’il a besoin de
puiser en lui-même pour accomplir une mission d’autant plus difficile, que là
où naguère encore le gouvernement déchu trouvait concours et subordination, le
gouvernement nouveau ne rencontre que tiédeur, fronde, résistance.
Exiger d’un pouvoir ainsi énervé, à qui le
temps et la confiance peuvent seuls rendre une partie de son action sur les
esprits, la même énergie de répression, la même compression des passions
populaires qu’on est en droit de demander à un gouvernement ancien, incontesté,
possesseur d’une prérogative exorbitante, c’est vouloir l’effet alors que la
cause a cessé.
Ainsi s’expliquent, messieurs, les excès
qui ont signalé le cours de toutes les révolutions. Si nous n’avons pas revu en
France les horreurs de 93, en Belgique les turpitudes de la révolution
brabançonne, le mérite n’en est pas aux pouvoirs qui se sont succédé dans ces
derniers temps, mais aux progrès de la civilisation aux idées de modération, à
l’humanité qu’une instruction plus générale a semées dans le peuple.
Cependant, même en 1830, personne n’a dû
croire qu’un reste d’agitation ne survivrait point à une révolution ; que les
passions contre-révolutionnaires, par exemple, n’alimenteraient point,
n’exalteraient point les passions révolutionnaires ; que le pouvoir, né d’hier,
interviendrait toujours efficacement dans ces déplorables conflits. Presqu’en
même temps, Varsovie était témoin d’excès qui consternaient les plus purs
patriotes de
Mais il n’y avait alors, ni à Varsovie, ni
à Bruxelles, de pouvoir définitif, dira-t-on peut-être ?
Qu’est-ce donc qu’un pouvoir définitif au
sortir d’une révolution ?
Qu’est-ce qu’un pouvoir définitif dont un
parti conteste chaque jour, par de nombreux organes, la légitimité ?
Qu’est-ce qu’un pouvoir définitif pour
parler à l’imagination du peuple, pour contenir ses passions sous le frein des
lois, lorsque l’ennemi est sur la frontière et que la guerre dont il menace
serait, en cas de succès, la mort de la révolution, l’extinction de la
nationalité reconquise, la proscription de tant de citoyens compromis ?
Pour qu’une révolution soit finie, et avec
elle les agitations qu’elle a soulevées, il faut quelle n’ait plus rien à
craindre. La crainte rend les nations, comme les individus, aveugles,
violentes, cruelles.
En France il existe un pouvoir définitif
depuis juillet 1830, reconnu presqu’immédiatement par tous les gouvernements
européens, dégagé de tout embarras extérieur.
A-t-il su pendant deux ans empêcher les
émeutes contre lui-même ? N’est-ce pas par une espèce de miracle que les
ministres de Charles X ont échappé aux fureurs populaires ? M. Dupin aîné
n’a-t-il pas vu son domicile assiégé par une multitude de jeunes
ultra-révolutionnaires animés contre ce courageux adversaire de l’anarchie, des
plus sinistres desseins ? Après les derniers événements de Varsovie, MM.
Casimir-Périer et Sébastiani n’ont-ils pas failli être massacrés dans leur
voiture ? Une imprudente provocation du parti contre-révolutionnaire n’a-t-elle
point soulevé la population de Paris, causé la dévastation des temples et celle
de l’archevêché, la destruction des signes religieux et des armes mêmes de la
famille royale, sans que pendant plusieurs jours l’action du pouvoir soit
parvenue à réprimer aucun de ces excès ?
Quelle voix impartiale s’est élevée du sein
des assemblées législatives pour imputer ces saturnales au gouvernement ?
S’il était donné à un gouvernement de
savoir toujours résister au torrent des passions populaires, ii n’y aurait
jamais de révolution, car une révolution n’est autre chose que le triomphe du
peuple spontanément réuni sur le pouvoir organisé.
A l’issue d’une révolution, la tempête
populaire dont elle est le produit ne se calme pas ainsi tout à coup. Une fois
les passions de la foule soulevées, il faut du temps, de pénibles efforts pour
refouler le torrent dans son lit.
Ou sait les dangers que les députés belges
aux états-généraux ont courus pendant leur séjour à
Supposez aujourd’hui des écrivains soldés
par le Roi Léopold, publiant à La Haye et Amsterdam des journaux dans lesquels
ils provoquent au renversement de la maison d’Orange, attachant à des noms
révérés du peuple les plus infamantes épithètes, flétrissant les populations
entières, traînant dans la boue la nationalité néerlandaise, la peignant
déshonorante et ruineuse, et dites après cela si ces populations, dont tant
d’orages politiques ont nourri l’effervescence, si ce peuple qui massacra les
frères Dewit, qui mutila leurs cadavres, n’aurait
pas, brisant comme un verre l’intervention de l’autorité, fait bientôt prompte
et sanglante justice de ses ennemis ; car c’est malheureusement du nom de
justice que le peuple appelle ses déplorables vengeances.
Une opposition qui ne prend pas pour son point
de départ le gouvernement établi, n’apparaît plus comme opposition. Une
opposition qui appelle ouvertement le retour d’un régime proscrit, la
domination d’un prince avec lequel on est en guerre, se présente comme un
auxiliaire de l’ennemi lui-même. Ce n’est plus là de l’opposition ; c’est plus
même que de l’espionnage, c’est la guerre. Qu’importe qu’elle se fasse à coups
de plume ou à coups de fusil ? Ne sait-on pas que, si on l’osait, l’on aurait
bientôt pris la place de l’autre ? Ainsi raisonne la foule, ainsi raison le
peuple encore ému de la crise politique dont il sort, tremblant encore qu’on ne
lui enlève le fruit de sanglantes et glorieuses journées, de longs et cruels
sacrifices ; tremblant qu’une restauration déshonorante ne vienne avec son cortège
de haines, de proscriptions, de mépris, décimer les défenseurs de ses droits,
profaner la cendre de ses martyrs.
Qu’est-ce qu’un pouvoir naissant, ballotté
par les factions ; pour lutter contre ces soudaines réactions populaires,
d’autant plus impétueuses qu’elles se sont plus longtemps contenues en présence
de quotidiennes et incendiaires provocations ? Défendre même ses plus cruels
ennemis, c’est, je le reconnais, le devoir de tout gouvernement qui se proclame
national ; mais ne pas lui tenir compte des difficultés de sa position, exiger
de lui cette intervention rapide et toute-puissante qu’on n’obtient pas
toujours d’un gouvernement fort, ancien, incontesté ; vouloir enfin que dans
notre jeune Belgique on ne voie jamais l’action du pouvoir un moment annulée
par une émeute, comme il l’est trop souvent en France et même dans la vieille
Angleterre, c’est méconnaître les enseignements de l’histoire et l’empire des
passions populaires ; c’est demander au gouvernement, en faveur de ses
adversaires, ce qu’il ne parvient pas toujours à obtenir pour lui-même.
En règle générale, messieurs, plus les
institutions d’un peuple sont démocratiques, plus, par conséquent, l’action du
pouvoir est faible, et plus aisément les volontés individuelles font irruption
dans le domaine des lois. Parcourez l’histoire de
Aujourd’hui encore, grâce à la liberté de
la presse qui y est illimitée, l’Amérique du Nord est le pays du monde où il y
a le plus de duels. Au dire de ses propres historiens, qui certes, dans leur
patriotique partialité, n’ont pas rembruni le tableau, les duels aux Etats-Unis
sont, par comparaison aux divers Etats de l’Europe dans la proportion de cinq à
un.
Les premiers jours de la révolution belge
ont été signalés par de tristes excès. Qu’a pu faire le gouvernement du roi
Guillaume pour les prévenir, lui qui était si intéressé à comprimer ces
premières agitations populaires ? Absolument rien.
En mars 1831, une conspiration
contre-révolutionnaire dont les symptômes frappaient tous les yeux, a soulevé
une réaction violente, générale, simultanée contre laquelle les efforts des
autorités ont été impuissant. Alors aussi on accusé le
gouvernement. Le congrès, où le parti des amis de l’ordre et de la modération
fut toujours en majorité, institua une commission d’enquête chargée de
rechercher les causes de ces excès, de signaler les coupables. Cette commission
n’épargna rien pour remplir sa tâche. Qu’en est-il résulté ? Absolument rien.
C’est qu’il y a, messieurs, dans les temps
d’effervescence politique, de ces faits qui ne sont l’œuvre de personne,
précisément parce qu’ils sont l’ouvrage de tout le monde, et qu’ils sont
considérés comme une de ces fatalités attachées aux révolutions.
C’est de ce point de vue qu’il faut juger
les événements d’Anvers, non pour les justifier, mais pour les expliquer ; non
pour en faire l’apologie, mais pour disculper le pouvoir de l’absurde
imputation de les avoir provoqués.
Je dis absurde imputation, parce que le
pouvoir qui se ferait une arme de pareils excès commettrait la plus
inconcevable imprudence. Rien ne saurait lui faire plus de mal ; rien ne donne
à ses adversaires de plus grands avantages contre lui. Le parti qu’on en tire
aujourd’hui même contre le ministère prouve assez cette vérité.
Ailleurs n’a-t-on pas vu depuis près de
trois ans l’opposition accuser la police de toutes les émeutes et de toutes les
conspirations ?
Une accusation plus fondée et dont je ne
crains pas de me constituer ici l’organe, c’est que les derniers troubles sont
le produit de la presse contre-révolutionnaire.
Plusieurs d’entre vous, messieurs, savent à
quel excès d’audace et de cynisme la presse contre-révolutionnaire est
parvenue.
C’est surtout à partir des premiers jours
de mai que sa violence a franchi toutes les bornes. Les partis sont d’ordinaire
fort indulgents pour ceux qui servent leurs intérêts et leurs passions ; mais,
à l’époque dont je viens de parler, le cynisme des journaux d’une certaine
couleur fut porté si loin, que des hommes connus pour regretter le gouvernement
déchu se croyaient obligés d’exprimer hautement leur dégoût pour de pareils
auxiliaires.
Je. ne profanerai point cette enceinte en y
donnant lecture de quelques-unes de ces révoltantes diatribes, mais j’ai cru
que le droit légitime de défense et la nécessité de mettre hors de doute la
véritable origine des troubles qu’on accuse le ministère d’avoir suscités nous
autorisaient à placer sons vos yeux comme pièces du procès un échantillon de
ces turpitudes imprimées à Bruxelles et Gand, et reproduites aussitôt dans
d’autres journaux du parti.
Ceux d’entre vous, messieurs, qui auront le
courage de les parcourir, se demanderont si quiconque a du sang dans les veines
souffrirait qu’on imprimât impunément contre son père, contre son épouse,
contre sa sœur, la centième partie de ce qu’on a publié contre d’augustes
personnages que la constitution et la haute convenance placent en dehors des
débats politiques. La calomnie ne s’est pas même arrêtée devant la vie privée,
bien qu’on proclame que pour le plus obscur citoyen elle doit être murée.
Est-il étonnant qu’en présence d’attaques
aussi dégoûtantes et si prolongées, et constamment impunies, quelques officiers
n’aient pu voir sans indignation l’honneur du chef de l’armée indignement
outragé et le nom d’une jeune femme, plus intéressante encore par ses vertus
que par son rang, mêlé à ces turpitudes ?
Est-il étonnant qu’une population dévouée à
la révolution, à une dynastie qui à ses yeux en est la sauvegarde, ait un
moment cédé aux provocations imprudentes dont elle fut longtemps le témoin
passif ?
Contre un peuple ainsi égaré et dont la
colère est contagieuse est-il toujours facile aux magistrats de diriger la
force armée, à une époque où l’on proclame que les baïonnettes sont
intelligentes ? Encore une fois, messieurs, j’expose des faits, je ne justifie
rien.
Mais, dira-t-on, pourquoi avoir toléré ces
provocations de la presse contre-révolutionnaire ? Pourquoi avoir laissé
l’indignation populaire s’allumer à l’aspect d’une impunité calculée ?
Moins que personne, messieurs, il
m’appartient de critiquer les décisions judiciaires ; mais l’issue récente d’un
procès de presse commencé par l’ancien ministère n’est pas trop de nature à
pousser l’administration dans cette voie.
Naguère encore les journaux de l’opposition
louaient le gouvernement de cette même tolérance dont on voudrait aujourd’hui
lui faire un crime. Si nous avions ordonné des procès de presse, l’opposition
n’aurait vraisemblablement pas assez de reproches pour les flétrir.
J’ai déjà fait observer d’ailleurs qu’à
l’époque où la presse contre-révolutionnaire a déployé le plus de violence, la
loi du 19 juillet 1831 que des circonstances imprévues avaient empêche de
proroger, venait de cesser son effet, et cette circonstance nous donne peut-être
le secret de ce dédoublement d’injures et de diffamations auquel l’impunité
légale semblait convier
Le gouvernement se voyait ainsi réduit,
s’il voulait poursuivre, à recourir au code pénal dont l’application aux
injures et aux calomnies dirigées contre la personne du prince et contre les
autorités civiles et militaires est fortement contestée.
Ce fut vers le milieu de mai que les excès
populaires dont on a entretenu la chambre commencèrent.
Des scènes affligeantes troublèrent la
tranquillité des villes de Gand et d’Anvers.
Les troubles de Gand, suscités par quelques
rassemblements de militaires, par quelques rencontres individuelles, furent
promptement réprimés ; la tranquillité ne tarda pas à y être rétablie.
Des scènes plus déplorables ont eu lieu à
Anvers ; l’action de la police n’a pu les prévenir ; ils ont été réprimés
cependant avec assez de promptitude.
Voyons quel fut dans cette circonstance le
rôle de la police judiciaire, placée sous la surveillance du ministère de la
justice, et celui de l’administration.
Une lettre écrite par un officier général,
qui n’avait de réquisition à recevoir que de l’autorité civile, à laquelle on
devait avant tout s’adresser, et qui écrivait dès lors plus en homme privé
qu’en homme public, a servi de texte à des accusations d’autant moins fondées,
que le même général, au premier symptôme d’excès nouveaux, s’est associé avec
empressement au langage et à l’action des magistrats.
Dés le dix-huit du mois dernier, le
procureur du Roi a Anvers fut prévenu qu’on se proposait de donner un
charivari, la semaine suivante, aux membres de la société dite
Voici la lettre du procureur du Roi
d’Anvers qui rend compte de ces mesures :
« Anvers, le 21 mai 1833.
« Monsieur le procureur-général,
« Informé par la police que ce soir
doit avoir lieu l’installation de la société date
« Il paraît que l’on a l’intention de
donner ce soir, ou tout autre jour, un charivari aux sociétaires. J’ai fait
veiller par la police et invité le commandant de la place à tenir des troupes
casernées pour agir à la première réquisition. M. le commissaire de police de
la troisième section (Hague) m’a informé à cinq heures qu’un ordre du jour
avait été lu aux soldats de la marine royale, portant qu’ils pourraient se
rendre à la place de Meir de 6 à 9 heures du soir, pour siffler tons les
orangistes qui entreraient dans le local de cette société.
« 8 heures du soir. On me prévient à
l’instant que déjà plusieurs marins et autres personnes sont assemblés devant
le local, et que le propriétaire voulant sortir a reçu un coup de baguette. Je
veillerai moi-même pour diriger la police. Le commandant de la place est
informé par moi de tout ce qui précède. »
Cette lettre me fut communiquée le 22 par
le procureur-général.
Toutes les précautions avaient donc été
prises d’avance pour ce jour-là et le suivant, dès le 20 mai.
Dans le courant de ce même jour, le
capitaine commandant la gendarmerie vint promettre au procureur du Roi que,
pour les six heures du soir du lendemain 21, il consignerait à la caserne 1e
nombre de cavaliers demandé, et que pour 9 heures il pourrait au besoin réunir
toute la lieutenance, composée de 30 hommes.
Le mardi 21, à 4 1/2 heures du soir, le
procureur du Roi apprit par l’intermédiaire d’un commissaire de police que ce
jour, d’après des ouï-dire, un sergent-major de la marine avait lu un ordre du
jour, portant que les soldats devaient se rendre sans armes sur la place de
Meir, de 6 à 9 heures du soir.
La lecture de cet ordre du jour paraît être
un fait controuvé mais il prouve que la police judiciaire veillait, et était
attentive à prévenir les excès.
Le procureur du Roi en écrivit aussitôt au
commandant de la place qui en fit part au général Buzen. Le capitaine Claes,
commandant la compagnie des mariniers, fut mandé chez le général et nia
formellement que semblable ordre eût été donné.
A huit heures du soir, lors du commencement
des rassemblements, le procureur du Roi se transporta aux abords de la place de
Meir et de là se rendit chez le commandant de la place, en le requérant de
nouveau par écrit de mettre à sa disposition la force armée.
Les commissaires de police de la 2ème et de
la 3ème section se rendaient en même temps à différents postes de la ville,
notamment à celui des Minimes qui touche au local où devait se réunir la
société de
Le commissaire de la 2ème section (Deduwe), qui s’était rendu à la caserne de la gendarmerie,
n’y trouva pas le piquet de six gendarmes qui devait y être consigné ; la
compagnie tout entière rentrait à la caserne au moment où il se disposait à la
quitter ; malgré sa réquisition, un délai s’écoula avant que les gendarmes se
fussent rendus sur le théâtre des troubles.
Pendant cet intervalle de temps, plusieurs
milliers d’individus s’étaient rassemblés sur la place de Meir ; selon le
rapport du commissaire de police Deduwe, les deux
messieurs Geelhandt avaient été maltraités ; le
substitut du procureur du Roi, M. Van Cutsem, en voulant les protéger, fut
maltraité lui-même, et ne dut son salut qu’aux employés de la poste aux
lettres. M. l’échevin Janssens vit aussi son autorité méconnue ; il fut
insulté, frappé, et ne parvint à se soustraire aux poursuites de la foule que
par l’entremise du commissaire de police de la 3ème section, qui le protégea en
le prenant sous le bras, et en requérant force
à la loi.
Par un hasard qu’on doit sans doute
déplorer. M. le bourgmestre Legrelle et M. Van Camp, échevin, chargé de la police
municipale, étaient absents.
Cependant, à l’arrivée de la gendarmerie,
le commissaire de police Deduwe se mit à leur tête et
fit les sommations ordinaires.
La foule se retira ; elle obéissait aux
injonctions régulièrement faites et appuyées par la force armée,
Par quel concours de circonstances
recevait-elle en même temps, au dire du commissaire Deduwe,
l’ordre d’un officier supérieur de ne point agir et de se retirer ? C’est ce
qui dans ce moment fait l’objet d’une enquête par devant une commission de la
haute cour militaire ; nous devons nous abstenir de rien préjuger, jusqu’à ce
que la justice qui est saisie ait prononcé.
Le commissaire de police Deduwe fut en même temps assailli, insulté, frappé ; ses
vêtements furent déchirés.
Le procureur du Roi s’était transporté à
l’hôtel-de-ville où il ne cessa de donner des ordres avec MM. Ogez, faisant les fonctions de bourgmestre, et de Backer,
échevin. A 10 heures du soir, un intendant militaire, suivi bientôt d’un
lieutenant et du major de l’Eau, se présenta pour demander de la part du
général Buzen un réquisitoire par écrit, à l’effet d’agir.
L’autorité militaire se mit enfin en mesure
d’agir ; les rassemblements furent dissipés, et la tranquillité paraissait
entièrement rétablie.
A minuit et demi, les rapports des
commissaires de police firent savoir que tout était tranquille.
Cependant, à une heure du matin, un
rassemblement peu considérable se porta chez le sieur Delrue,
imprimeur du Journal du Commerce, et
y brisa les vitres et les meubles d’une petite pièce où l’on pénétra ; quand la
force armée arriva, l’attroupement était dissipé ; on ne trouva plus personne.
Voici la lettre par laquelle le procureur
du Roi rend compte de ce fait :
« Anvers, le 22 mai 1833.
« M. le procureur-général,
« J’ai l’honneur de vous faire un
rapport de ce qui s’est passé en cette ville, hier, jusqu’à huit heures soir. A
cette heure je suis sorti de chez moi, pour vérifier si la police était à son
poste : arrivé aux environs du local que devait occuper la société de
« M. le commandant crut ne pouvoir obéir
qu’à un réquisitoire de la régence qu’il n’avait pas encore obtenu ; mais, sur
l’observation que je lui fis que les lois m’autorisaient à requérir la force
armée il me fournit du papier et j’écrivis un réquisitoire, quoique dès le
lundi 20 mai j’eusse déjà informé cet officier de ce qui paraissait devoir
arriver hier, de même que le commandant de la gendarmerie, et invité l’un et
l’autre de tenir à la disposition des commissaires de police un certain nombre
de troupes. M. l’échevin Janssens et les commissaires de police se sont placés
à la tête de la force armée, et moi je me suis rendu à la salle des séances à
l’hôtel-de-ville, où je suis resté en permanence avec M. Ogez,
faisant fonctions de bourgmestre, et M. de Backer, également échevin, jusque
vers minuit et demi, quand les rapports de la police nous ont annoncé que tout
était dans l’ordre. Les rapports par copie de M. le commissaire de police de la
deuxième section, et celui en original du commissaire de police de la troisième
section, que je joins à la présente, vous feront connaître ce qui s’est passé
dans la soirée d’hier et la nuit dernière.
« Vers une heure de ce matin, on a
brisé les carreaux de vitre de la maison de l’éditeur du Journal du Commerce et quelques meubles : n’ayant pas reçu l’avertissement
que le commissaire de police de service m’avait envoyé, je n’ai pu me concerter
avec la régence et l’autorité militaire. M. l’échevin Ogez
s’est rendu seul sur les lieux avec une patrouille ; mais, à son arrivée, tout
était terminé. Hier, dans la soirée, on est également entré, en brisant la
porte, dans la maison de M. Roelandts, occupée par
cette société ; mais ou est parvenu à les faire sortir, appuyé alors par la
force armée, commandée par le général Buzen. Mon substitut, M. Van Cutsem, avec
qui je m’étais rendis hier à 8 heures du soir sur les lieux, lorsqu’il vint
m’annoncer que son oncle, M. Roelandts, propriétaire
dudit local, avait reçu des coups de canne en voulant sortir de sa maison,
désirant faire relâcher, à ce qu’il m’a dit, deux messieurs que les mariniers
avaient arrêtés et maltraitaient, a également été assailli par ces hommes et
maltraité par eux, au point que les employés de la poste aux lettres ont dû le
sauver. Tout cela se passait à mon insu, et pendant que j’indiquais aux commissaires
de police les mesures à prendre et à exécuter : il a malheureusement cru, par
sa qualité et la persuasion, sauver les deux MM. Gheelhandt
dont il est question plus haut, il a heureusement échappé.
« La régence a ordonné la fermeture de
cette société par un arrêté de ce jour, et M. Roelandts
a déclaré avoir résilié le contrat qu’il avait fait avec les sociétaires.
« J’oubliais de vous informer, M. le
procureur-général, que, prévenu par une lettre de la régence de ce jour qu’on
signalait la maison de M. Roelandts, local de la
société, comme devant renfermer des poudres et munitions de guerre, j’ai
conjointement avec M. le juge d’instruction, un échevin, le commissaire de
police de la 4ème section, le major de place et le major commandant les troupes
qui gardaient les issues du local, fait une visite domiciliaire, qui nous a
convaincus que ni poudres, ni munitions ne se trouvaient dans cette maison, et
on n’a découvert aucune trace qu’il y aurait eu quelque chose de recelé.
« Sept heures de soir. Je viens de
prendre, de concert avec MM. le général Buzen, le bourgmestre et le commandant
de place, les mesures nécessaires pour prévenir des troubles ultérieurs.
« P. S. Le commandant de place m’a
assuré aujourd’hui que l’ordre du jour n’a pas été lu hier aux mariniers, comme
on l’a dit ; cependant l’échevin Janssens et les commissaires de police m’ont
assuré que les mariniers ont dit
qu’ils avaient ordre de rester sur la place de Meir et qu’ils ne quitteraient
pas pour la police. »
Cette lettre, arrivée le 23 à Bruxelles me
fut communiquée le même jour par le procureur-général. « Je témoigne, me
disait ce magistrat, ma satisfaction à M. le procureur du Roi sur la conduite
qu’il a tenue. Je l’engage à persévérer et à renouveler ses efforts auprès des
autorités militaires et locales pour parvenir par un commun accord, à empêcher
la reproduction de pareils troubles et assurer le respect dû aux personnes et
aux propriétés sans distinction de catégories : c’est dans cette partie surtout
qu’un gouvernement constitutionnel ne saurait trop maintenir l’égalité de tous
devant la loi. »
Le même jour 23 mai, j’adressai la réponse
suivante à M. le procureur-général :
« Bruxelles, le 23 mai 1833.
« Monsieur le procureur-général,
« Je vous remercie des communications
contenues dans vos rapports des 22 et 23 courant, n°1182 et 1194 ; j’applaudis
comme vous à la conduite ferme et prudente de M. le procureur du Roi d’Anvers ;
j’approuve la réponse que vous lui avez faite, et j’espère que ses efforts
réunis à ceux des autres autorités parviendront à prévenir de nouveaux troubles
et à ramener le bon ordre. Quelque blâmables que soient les provocations qui
ont amené les scènes déplorables dont Anvers a été le théâtre, ces provocations
ne doivent être réprimées que par des moyens légaux ; tous les agents du
gouvernement doivent s’appliquer à faire respecter les personnes et les
propriétés. Des instructions rappelant cet important devoir ont été adressées
par MM. les ministres de l’intérieur et de la guerre aux autorités
administratives et à MM. les commandants militaires. Il m’est agréable pour ma
part d’apprendre que, dans la circonstance spéciale dont il s’agit, l’autorité
judiciaire a rempli sans hésiter sa pénible tâche.
« Le ministre de la justice, LEBEAU.
« A M. le procureur-général près la
cour d’appel de Bruxelles. »
Mes rapports m’annonçant que des symptômes
d’agitation se manifestaient dans le même temps à Liége, j’adressai aussi le
même jour la lettre suivante à M. le procureur-général :
« Bruxelles, le 23 mai 1833
« M. le procureur-général,
« Il est peut-être à craindre que les
scènes fâcheuses provoquées à Gand et Anvers par des articles de journaux
contre-révolutionnaires n’aient quelque retentissement à Liége, où une feuille
attaque également sans mesure le gouvernement et le chef que la nation s’est
choisi.
« Quelque blâmables que soient ces
attaques, elles ne doivent être réprimées, s’il y a lieu, que par les voies
légales ; et je viens vous recommander de prendre toutes les mesures en votre
pouvoir pour faire respecter les personnes et les propriétés, et pour assurer
le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique. »
Par ce récit des faits on aperçoit que
l’autorité chargée de la police judiciaire avait pris toutes les précautions
nécessaires ; que l’autorité militaire avait été avertie, la demande d’une
force armée faite d’avance, et que par un concours de circonstances que nous ne
saurions encore apprécier, puisqu’il fait l’objet d’une enquête, les troupes
demandées semblent ne pas avoir été consignées, et leur intervention n’avoir eu
lieu que tardivement.
En ce moment, le juge d’instruction
d’Anvers est saisi de plusieurs plaintes déposées contre des individus signalés
pour s’être portés à des excès.
La justice militaire agit de son côté ;
nous devons attendre le résultat de ses recherches.
J’ai prescrit ces enquêtes par la lettre
suivante :
« Bruxelles, 27 mai 1833.
« M. l’auditeur-général,
« J’ai l’honneur de vous transmettre,
en copie, deux rapports dressés par deux commissaires de police de la ville d’Anvers,
et relatifs aux troubles dont cette ville a été le théâtre. Ces rapports
paraissant n’inculper directement jusqu’ici que des militaires, je pense que
c’est à la justice militaire qu’il incombe de poursuivre la répression des
faits relatés dans ces rapports. La gravité de ces faits, surtout par l’effet
moral qu’ils ont produit, exige, s’ils sont exactement rapportés, une prompte
punition.
« Veuillez, en conséquence, ordonner
qu’ils soient sans retard l’objet d’une instruction judiciaire, si déjà elle
n’est entamée. Je désire être tenu au courant de la marche de cette affaire que
je recommande spécialement à votre attention, et je rappelle en même temps à
votre souvenir la plainte du sieur de Tournay, éditeur de Knout, sur laquelle je n’ai reçu encore aucun rapport. »
« Bruxelles, le 29 mai 1833.
« M. le procureur du Roi,
« M. le procureur-général a dû vous
faire connaître ma satisfaction et mon approbation de la conduite que MM. les
officiers du ministère public à Anvers ont tenue lors des scènes de désordre
dont cette ville a été récemment le théâtre. Les rapports des commissaires de
police paraissant jusqu’ici n’inculper directement que des militaires, j’ai
donné des ordres pour que la justice militaire procède aux devoirs et
poursuites prescrits par le code militaire. Néanmoins, comme il serait possible
que d’autres que des militaires aient pris part à ces excès, puisque l’on
assure qu’entre autres les individus désignés comme marins ne font plus, depuis
longtemps, partie de la marine royale, vous aurez sans doute continué de votre
côté les investigations propres à découvrir les coupables, et en même temps à
constater à quelle juridiction ils doivent être livrés. Je vous engage à
continuer vos recherches avec la fermeté et la prudence dont vous avez fait
preuve jusqu’ici, afin que les coupables n’échappent point à la vindicte des
lois. »
Y a-t-il eu irrégularité dans la manière de
donner les ordres ; y a-t-il eu refus mal fondé d’y obéir ? C’est ce que les
enquêtes seules pourront éclaircir.
C’est à l’autorité judiciaire, à l’autorité
civile qu’appartient le droit de réquisition. Ce droit ne peut être
convenablement exercé qu’avec le sincère concours de ceux qui sont chargés
d’assurer l’obéissance à la loi.
Ainsi, hiérarchie dans le commandement et
obéissance hiérarchique chez les subordonnés. Responsabilité chez ceux qui
ordonnent et obéissance de la part de ceux qui exécutent. Le refus de ces
derniers est fait à leurs risques ; ils sont responsables à leur tour de la
non-exécution.
Ces liens, ces rapports entre l’autorité
civile et l’autorité militaire doivent être bien conçus, bien médités. Il ne
faut pas que l’autorité militaire soit juge de la convenance de son
intervention. Quand tout le monde commande, personne ne commande.
Ces ordres contradictoires affaiblissent
l’autorité. C’est surtout au principe des émeutes qu’il faut les réprimer. La
stricte exécution des réquisitions données par l’autorité judiciaire ou civile
peut seule la mettre en état d’agir convenablement, et le moindre retard rend
insuffisantes les dispositions prises.
Je dois déclarer qu’un officier inculpé par
le rapport d’un des commissaires de police a porté plainte en calomnie contre
ce fonctionnaire.
En résumé, toutes les mesures nécessitées
par la crainte de quelques légers troubles à l’occasion de l’installation d’une
société que le peuple accusait d’orangisme, où, d’après des bruits très
répandus et accueillis trop aisément sans doute par la crédulité populaire, on
avait transporté des décors oranges, où l’on devait brûler les bustes du roi
des Belges et du roi des Français, où des armes, des
poudres devaient être cachées ; toutes les mesures, dis-je, avaient été
arrêtées par l’autorité. Les magistrats chargés de la police judiciaire et les
magistrats municipaux présents ont fait personnellement tout ce qui était en
leur pouvoir pour protéger les personnes, et les propriétés menacées. Les
troubles, si on peut leur donner ce nom, n’ont duré que peu d’heures. Le
lendemain à Anvers, tout était rentré dans la tranquillité.
En se reportant aux causes de ces
événements, il faut, je le répète, les attribuer à des excès d’une autre
nature, et qui se reproduisaient quotidiennement par la presse
contre-révolutionnaire. Ces troubles n’ont donc eu qu’une faible importance par
eux-mêmes puisqu’ils ne sont que le résultat d’une exaspération momentanée, et
n’ont point leur origine dans un malaise local ou dans un défaut de notre
position et de nos institutions.
Rien ne sera négligé pour prévenir leur
retour, et pour protéger la personne et les biens de tous les habitants, sans
distinction de couleurs et d’opinions et les ordres qui ont été donnés nous
font espérer que si, à l’avenir, la possibilité de pareils événements se
reproduisait, ils seraient, dès l’abord, et par l’effet d’une sage intervention
de la force publique, réprimés comme il convient dans un pays libre et qui doit
être gouverné par des lois et non par des émeutes.
M. Desmet. - Messieurs, pour se mettre à l’abri du mensonge
et de la calomnie, je pense qu’il est bon et prudent pour un député, dans le
temps où nous vivons, de motiver son vote, quand on doit l’émettre sur une
question plus ou moins grave, et surtout quand on veut l’énoncer dans un sens
qui ne répond pas au désir des hommes qui ont le pouvoir en Belgique. C’est
pour cette raison que je prends la parole dans cette occasion, désirant que la
nation et mes commettants sachent de quelle manière j’ai voté.
Car, je vous dirai aussi avec l’honorable
M. de Brouckere que vous ne pouvez ignorer, messieurs, ce qui s’est passé dans
les dernières élections, les sales et les plats moyens qui ont été employés
pour les influencer et éliminer de la représentation nationale des anciens
députés qui constamment avaient montré un amour ardent pour leur patrie et fait
preuve d’indépendance ; aucun n’a été épargné, tous étaient bons ; Machiavel a
été épuisé, et souvent on l’a amplifié.
En lâches et vils calomniateurs, des
émissaires sont venus dans les provinces pour flétrir l’honneur, la probité et
le patriotisme de nos meilleurs citoyens, de ces hommes aussi distingués par
leurs talents que par leur caractère, et que tous les vrais amis de la patrie
entourent de leurs respects.
C’étaient des brouillons, des anarchistes, des
démolisseurs ; enfin c’étaient des républicains, des réunionistes... Eh ! bon Dieu, si l’enquête eût pu avoir lieu, nous eussions pu
distinguer ceux qui avaient réellement travaillé pour le bien-être du pays, et
pour donner une bonne fin à notre révolution, de ceux qui dès le commencement
l’avaient trahi, et nous eussions pu nous assurer si ces mêmes hommes se
trouvent aujourd’hui en place et dirigent encore nos affaires à l’extérieur
comme dans l’intérieur.
Quoique le projet d’adresse n’en parle
point, je demanderai cependant qu’a gagné, je ne dirai pas le pays, le
gouvernement même par le machiavélique coup d’Etat que les hommes qui dirigent
nos affaires ont exécuté en dissolvant si brusquement la chambre des
représentants ? Rien, me semble-t-il, absolument rien, si ce n’est
l’élimination de la représentation nationale de quelques capacités que la
nation déplorera toujours, et que le gouvernement même avait intérêt de
conserver pour élaborer ses projets de loi, qui très souvent n’en ont eu que
trop besoin. Fallait-il donc être si imprévoyants et si maladroits d’agiter
toute
Fallait-il perdre deux mois qui auraient pu
être utilement employés à l’examen de plusieurs projets de loi d’une haute
importance, et qui ont été consacrés à toutes sortes de manœuvres et
d’intrigues qui ont causé une exaspération extrême dans le pays et qui ont été
portées à un tel excès, qu’on se croyait encore sous les Guillaume, les Van Maanen et les Bagnano ? A la
vérité il n’y a manqué qu’une seule chose, c’est l’exemple des frères Devitte que Monsieur Lebeau vient de citer.
Et qu’on ne vienne point ici, pour nous
fasciner les yeux, nous citer quelques feuilles publiques qui certainement sont
répudiées par la nation ; mais qu’on veuille lire tous les jours l’Indépendant, on pourra se convaincre
que ce journal ministériel ne doit céder le pas aux pamphlets orangistes, car
pour mon compte j’en sais quelque chose.
Je passe au projet d’adresse et je
demanderai d’abord quelle était la situation de
Ces dangers étaient graves ; un
commencement d’exécution du traité du 15 novembre en affranchit
Notre gouvernement, malgré les termes de la
réponse de M. Van de Weyer, est lié, et le traité du 15 novembre qui était
devenu son code politique n’existe plus puisque par la convention du 21 mai on
a renoncé à son article vingt-cinq qui constituait tout entier cet acte
diplomatique, en déterminant son exécution obligatoire de la part des hautes
parties contractantes.
La convention du 22 octobre était une
conséquence du traité du 15 novembre ; elle le corroborait et le rendait encore
plus, par une nouvelle sanction, irrévocablement acquis à
La convention du 21 mai lacère tout et met
ce traité des 24 articles, lequel cependant nous avait été imposé aussi et qui,
je peux le dire, avait été extorqué à la représentation nationale, au néant.
Nos faiseurs font tout cela sans consulter les mandataires de la nation, mais
malheureusement toujours au détriment de la pauvre Belgique.
Elle assure, dit-on, la jouissance de
plusieurs avantages matériels. Dites plutôt la tolérance ; et que sont ces
avantages, lorsque tout demeure incertain et que la moindre complication en
Europe, dont certes nous ne sommes pas très éloignés, suffira pour les ravir ?
Est-on si bon de penser que Guillaume n’en
profitera point, et que des prétextes et mille griefs qu’il suscitera lui
manqueront pour rompre comme de droit l’armistice et nous attaquer à
l’improviste quand il trouvera le moment propice, comme déjà vous en avez eu
une triste expérience dans les journées de Louvain, qui, quoique on en ait fait
tant d’étalage en Hollande et en pays étrangers, ont été plus fameuses par la
trahison de nos propres hommes que par la victoire que nos ennemis y ont remportée
? Vous ne pouvez ignorer qu’il a de son côte une position géographique qui fait
sa principale force, et tellement plus avantageuse que la nôtre qu’elle lui
permet un désarmement qui nous offre au contraire tant de danger.
Et l’on veut que ce soit au milieu de si
graves inconvénients que la sécurité renaisse, que le commerce se livre à des
spéculations et qu’il vivifie notre industrie et notre agriculture !
A quoi bon la possession de ces avantages
matériels, si pompeusement vantés, si par l’incertitude de notre position qu’on
a voulu bénévolement consacrer au profit de Guillaume dans la convention du 21
mai, si par la force écrasante de ce provisoire.qui nous accable, nous sommes
impuissants pour en jouir.
Guillaume est intervenu pour la première
fois, après trois années de pénibles négociations, dans un acte diplomatique,
et c’est pour donner en quelque sorte une trêve à notre révolution et annihiler
les funestes conséquences qu’avait pour son existence la convention de Londres
du 22 octobre 1832 qui réglait les mesures coercitives. Et l’on espère encore,
lorsqu’on nous a mis à la discrétion de notre ancien despote, qu’on a remplacé
par un armistice sans garantie la reconnaissance de notre neutralité qui était
une véritable abdication ; et l’on espère, dis-je, que des relations libres et
commerciales s’ouvriront avec
Je n’en dirai pas plus sur cette matière
dans le moment, me réservant de la traiter plus en détail quand il sera
question du fameux projet de la route en fer.
Et quand on nous dit que la navigation de
l’Escaut est libre, l’honorable monsieur Legrelle vient de vous dire de quelle
manière les navires étrangers arrivent à Anvers, et vous savez aussi que votre
pavillon est exclu. Cette liberté de l’Escaut, comme elle se trouve stipulée
dans la convention du 21 mai, est un affront de plus qu’on fait subir à
Pour ces motifs, messieurs, je ne pourrai
jamais souscrire à une adresse telle que celle que nous présente la commission
; jamais je ne pourrai dire ce qui ne me paraît pas subsister ; et si je
comprends bien l’essentiel d’un tel acte, je voudrais y trouver la situation
réelle du pays, tant de son régime intérieur que pour ce qui concerne ses
relations avec les gouvernements étrangers, et ce qu’il exige pour du moins le
voir arriver une fois à quelque amélioration et le faire sortir de cet état
insupportable du provisoire ; et je voudrais particulièrement insister pour que
le gouvernement fasse connaître les motifs qu’il a eus pour exécuter son coup
d’Etat de la dissolution de la chambre et le bénéfice qu’en a retiré le pays.
Si les amendements ne remplissent point ces lacunes, mon vote sera pour le
rejet du projet.
- M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet) a quitté la salle pendant la lecture de ce
discours.
M.
le président. -
Il n’y a plus d’orateur inscrit pour la discussion générale. Si personne ne
demande à parler, la discussion générale est fermée.
Plusieurs membres.
- A demain ! à demain !
Quelques voix. - La clôture ! La clôture !
M. Gendebien. - Je demande la parole. Messieurs, permettez-moi
de faire remarquer combien il est étonnant que M. le ministre des affaires étrangères
quitte la salle au moment où il devrait prendre la parole ; à moins qu’il
n’accepte comme vrai, comme fondé, tout ce qui a été dit dans cette séance, il
me semble qu’il doit y répondre.
M.
le ministre de la justice (M. Lebeau) - M. le ministre des affaites étrangères est comme tout le monde ; il
peut avoir besoin de prendre l’air de temps en temps, mais il n’a certainement
pas cherché à se soustraire à des explications par une absence ; s’il y avait
des doutes à cet égard, qu’on suspende la séance pendant quelques minutes, le
ministre ne tardera pas à se rendre dans cette enceinte.
Nombre
de voix. -
A demain ! à demain !
M. Eloy de Burdinne. - Si nous prolongeons davantage une discussion
qui me semble assez éclairée maintenant, nous pourrons marcher encore sur les
traces de l’année dernière où nous avons employé 10 jours pour répondre au
discours du roi, et c’est par cette marche que nous n’arriverons jamais à
terminer des objets essentiels, réclamés par les intérêts du pays. Je demande
la clôture.
M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture.
Messieurs, il y aurait une rare inconvenance à clôturer une discussion à peine
entamée...
Plusieurs voix. - Eh bien, parlez !
M. Dumortier. - Je parle contre la clôture ; je parlerai ensuite
contre les ministres ; je le répète, il y aurait une rare inconvenance à
clôturer une discussion à peine entamée. En effet, messieurs, plusieurs membres
se proposent de prendre la parole, et moi-même je me serais déjà prononcé, si
une indisposition ne m’en avait empêché ; mais demain je prendrai la parole et
j’espère alléguer contre les ministres des raisons assez fortes.
M.
Gendebien. -
M. Lebeau vient de nous dire que M. le ministre des affaires étrangères était
disposé à répondre.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Je n’ai pas
dit cela, vous dénaturez mes paroles sans le vouloir. J’ai dit que l’absence
momentanée de notre collègue n’avait pas pour but de se soustraire à des
explications, mais je n’ai pas dit qu’il fût prêt à répondre à toutes les
interpellations qui lui seraient faites ; il est des questions sur lesquelles
le silence est un devoir pour lui comme pour ses collègues.
M. Dumortier. - Il ne faudrait pas jouer sur les mots. Il est
certain que le ministre des affaires étrangères n’est pas prêt à répondre à
tout, et nous savons bien qu’il n’est pas disposé à s’expliquer sur toutes les
questions. Mais puisque M. le ministre de la justice a déjà répondu sur ce qui
est relatif aux troubles, et qu’il reste d’autres points à éclaircir, il me
semble qu’un orateur ministériel devrait prendre la parole pour répondre aux
autres accusations dirigées contre les ministres.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Pour ma part, je suis prêt à répondre à toute la partie du discours
de M. de Brouckere, qui concerne spécialement mon administration ; mais je
voudrais pouvoir résumer tous les griefs de nos adversaires dans une seule
réfutation. Aussi aurai-je désiré que tous les orateurs qui se proposent de
parier contre les ministres, et qui ne sont pas empêchés de le faire, comme
l’honorable M. Dumortier, par une indisposition qui doit finir demain matin (on rit), se fissent entendre ; mais je
le répète, dès à présent je suis prêt à répondre à une partie du discours de M.
de Brouckere.
M. Gendebien. - Puisqu’il n’y a pas encore assez de griefs pour
que les ministres prennent la peine de répondre, j’en citerai un nouveau : on
est venu, pour justifier des désordres injustifiables, vous dire qu’ils avaient
été provoqués par les journaux orangistes. Eh bien, moi je dis qu’il y a eu
d’autres instigations, d’autres provocations que celles de ces journaux
orangistes que je ne prétends pas justifier, que je ne lis pas et que je ne
connais que par ouï-dire. Je veux parler des provocations d’un journal déjà
signalé ici comme étant sous l’influence ministérielle, de l’Indépendant enfin, puisqu’il faut
l’appeler par son nom, d’un journal fondé par des ministres et des
secrétaires-généraux de ministre, d’un journal salarié et qui reçus 1000
florins par mois (bruits divers) ; je
citerais des noms, messieurs, si j’étais autorisé à le faire, mais je ne veux
compromettre personne. (Rires ironiques
au banc des ministres).
M. Nothomb. - Je demande la parole.
M. Gendebien. - Vous qui riez, M. le ministre de la justice,
vous êtes un des fondateurs de ce journal, vous l’avez proclamé le journal de
la majorité. Eh bien, qu’on la lise, et on nous dira quel est le journal de
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Je demande
la parole.
M. Gendebien. - Cependant dans l’ordre de nos fonctions nous
siégeons ici à parité de droits avec les autres pouvoirs, nous représentons la
nation souveraine, et à ce titre nous sommes supérieurs à tous en principe.
Qu’on lise les diatribes déversées sur la chambre des représentants, sur cette
chambre que l’on a flattée tant qu’on s’est cru en possession d’une majorité
qu’il était, se disait-on, impossible de perdre, mais dont on n’abusa à tel
point qu’elle a senti qu’il était une ligne que l’on ne pouvait franchir sans
déshonneur. Vous avez fait l’essai de cette majorité, vous avez voulu lui faire
décider le contraire de cc qu’elle avait résolu déjà et à 14 jours d’intervalle, et ce fut là pour vous
l’occasion d’un échec. Dès ce jour, vous vous rappelez les sarcasmes et les
injures qui ont été déversés sur cette prétendue minorité de 42 voix qui était
en effet la majorité puisque la majorité de 44 comprenait 3 voix des ministres.
Qu’on lise toutes les attaques dirigées contre cette minorité de 42 voix qui
est devenue la majorité des 48. Je n’ai pas tous les passages du journal dont
j’ai parlé présents à la mémoire, mais vous avez pu voir qu’on allait jusqu’à
menacer la représentation des violences de l’armée : oui, l’on provoque l’armée
contre les représentants de la nation, et vous remarquerez que ce journal est
spécialement reçu et favorisé dans les camps et parmi les soldats. Voulez-vous
savoir comment il vous traite : lisez l’article du 5 mai 1833.
Si donc, dit-il, nos ministres voulaient
une chambre docile à leurs volontés, ils auraient pris le moyen le plus sûr
d’être trompés dans leur attente ; nous ne craignons pas d’avancer qu’il
leur eût été plus facile de corrompre la chambre dissoute, si la corruption
pouvait jamais être chez nous un moyen de gouvernement, que d’obtenir par les
élections générales une chambre corrompue.
Vous avez remarqué ces expressions,
« il leur eût été plus facile de corrompre la chambre dissoute. »
Ainsi nous sommes tous si disposés à la corruption que ce serait la chose la
plus facile de faire de nous une chambre docile aux volontés des ministres.
C’est pour ainsi dire par magnanimité ou peut-être par un sentiment de mépris
qu’ils n’ont pas daigné le faire.
Voilà, messieurs, ce que le journal de M.
Lebeau et compagnie débite et distribue ; et c’est pour ainsi dire le seul qui
soit connu à l’armée et dans les camps. Voilà jusqu’où va ce journal et voilà
comme on traite le premier pouvoir de l’Etat, pouvoir sans lequel non seulement
il n’y aurait pas de ministres, mais de chef de l’Etat. Ce n’est pas assez
d’attaques individuelles que pour ma part j’ai toujours méprisées, car je livre
ma vie publique aux censeurs les plus rigides et à tous les envieux ; c’est
d’une accusation en masse qu’il s’agit ici, et je demande la permission de
relire encore le passage de cet article. (L’honorable
membre en donne une deuxième lecture.)
Eh bien ! je vous
demande, messieurs, s’il est un pays dans le monde où l’on ait insulté, conspué
un pouvoir comme on s’est permis de faire le premier pouvoir en Belgique.
Jamais les Libry-Bagnano, les Durand, tous les
écrivains salariés du roi Guillaume n’ont osé parler de cette manière, je ne
dirai pas de la majorité des états-généraux, je ne dirai pas même de la
minorité, mais des individus ; non, jamais Libry,
tout forçat qu’il était, ne s’est permis de telles calomnies, de telles
infamies !
M. le ministre de la justice a cherché à
justifier les désordres en disant qu’ils ont été provoqués par les journaux
contre-révolutionnaires. Eh bien ! si les patriotes à
leur tour, et il y en a encore en Belgique, si les patriotes voulaient se
venger des insultes que l’on déverse sur des hommes qui n’ont jamais trahi leur
cause, sur des hommes qui sont constamment restés sur la brèche, s’ils
voulaient se permettre des représailles, qu’en adviendrait-il ? la guerre civile ; et qui l’aurait excitée ? le journal fondé par MM. Lebeau, Devaux, Nothomb, de Mérode
et tutti quanti. (On rit.)
Voilà ce que j’avais à dire, ce que je
n’aurais peut-être pas dit si je n’avais en quelque façon été forcé de le faire
par d’imprudentes provocations. Réfléchissez-y donc jusqu’à demain, messieurs
les ministres, et prenez-y garde : si les populations au 1er mars 1831 se sont
trouvées dans la dure nécessité de se faire justice elles- mêmes, c’est parce
que l’administration trompait le pays, insultait aux patriotes et tournait le
dos à la révolution ; c’est parce qu’elle trempait dans la conspiration de
cette époque et que le peuple était abandonné à lui seul. Que fit-on alors ?
L’autorité était sans force, et pourquoi ? parce
qu’elle conspirait, parce que surprise en quelque sorte sur le fait elle n’osa
faire usage d’aucun de ses moyens. C’est trois jours après seulement que parut
une proclamation du ministre de l’intérieur, que dans son trouble sans doute
bien motivé il avait trouvé plus commode d’emprunter à Lamennais que de la
rédiger lui-même.
Et aujourd’hui, après deux ans de
constitution définitive, d’organisation de tous les pouvoirs, alors que vous
avez une armée de 110,000 hommes sous les armes, alors que cette armée est à
votre disposition, ce n’est qu’au bout de trois jours de désordres qu’on songe
à les réprimer ; cependant, messieurs, un magistrat vous l’a dit, ce n’est
point le peuple qui agissait, il n’y avait que trop d’ordre dans le désordre ;
un signe pouvait le faire cesser comme il paraît l’avoir fait commencer.
Si ma mémoire est fidèle, M. de Muelenaere,
il y a 18 ou 20 mois, nous disait ici qu’on ne voulait plus gouverner par les
émeutes et les pillages. Vous voyez, messieurs, que nos malencontreux hommes
d’Etat sont aussi mauvais prophètes pour l’administration intérieure que pour
les affaires extérieures. Nous avons eu des émeutes parce qu’il fallait
effrayer les populations par des menaces d’anarchie, comme les fonctionnaires
publics par des destitutions. On a essayé de donner quelque faveur, quelque
créance à des calomnies, à des injures contre des hommes soumis à réélection ;
on les a accusés d’orangisme, et c’est pour que l’on crût à cette insinuation
et afin d’en faire pour ainsi dire toucher du doigt et de l’œil les effrayantes
conséquences qu’on a tout au moins laissé faire, si on n’a pas donné le mot
d’ordre.
Puisqu’on a parlé des événements du mois de
mars 1831, je rappellerai ce qui fut dit au sujet de ces troubles. Chacun se
souvient, pour me reporter à une époque antérieure, ce que disait M. Lebeau à
l’occasion de quelques désordres qui ont eu lieu à cause des prédications des
saint-simoniens. A cette époque cependant on n’a assommé personne comme on l’a
fait ici en plein jour ; pas une égratignure ; seulement il y a eu obstacle aux
prédications. Eh bien ! il serait curieux de voir
comment s’exprimait M. Lebeau au mois de janvier 1831, alors que le
gouvernement n’était fort ni par l’armée ni par l’administration qui ne faisait
que de naître. Il serait curieux de voir comment il attaquait le
directeur-général de la police. Il est vrai qu’alors M. Lebeau faisait de
l’opposition, je ne dirai pas parce qu’il convoitait l’héritage du gouvernement
provisoire, mais parce que, sans doute, la marche du pouvoir n’était pas de son
goût ; et il faisait une telle opposition qu’il ne permettait pas même aux
membres du gouvernement provisoire de répondre à ses attaques Eh bien ! M.
Lebeau qui s’élevait à cette époque avec tant de chaleur contre un simple
obstacle mis aux prédications saint-simoniennes, lorsque l’administration était
sans force et non encore organisée, trouve tout simple, aujourd’hui qu’elle est
solidement établie depuis plus de deux ans, qu’elle a sous la main une armée de
110,000 hommes, qu’elle dépense passablement d’argent pour sa police ; il
trouve tout simple, dis-je, qu’on n’ait pas réprimé les derniers désordres. Je
vous demande, messieurs, s’il y a de la vraisemblance dans tout ce long
discours qui vous a été lu, s’il y a quelque chose qui puisse faire disparaître
les observations de mon honorable collègue M. Henri de Brouckere.
Maintenant il me reste encore un mot à dire
sur les événements du mois de mars 1831. On est forcé de reconnaître
aujourd’hui que ces événements ont été d’une haute importance et qu’ils ont
fait dévier la diplomatie de sa marche.
Cela n’a pas empêché qu’on ne calomniât
alors les citoyens les plus honorables et qu’on ne fît peser sur eux
l’accusation de pillages.
Eh bien ! voici le
moment de dire toute la vérité ; je me reprends, je ne veux pas la dire tout
entière parce que je ne veux pas compromettre certaines personnes, ni abuser de
votre patience. Il est certain qu’à cette époque il y eut une conspiration,
qu’elle fut flagrante ; elle était sue de tout le monde, et même le jour était
fixé pour la mettre à exécution. Le pouvoir soit par faiblesse, soit par
crainte, soit par complicité, n’osait prendre aucun parti. Dans cette
circonstance, des citoyens patriotes jetèrent les bases de l’association.
Chacun sait quel était le but de cette association ; c’était de maintenir
l’intégrité du territoire et de sauver le pays contre la conspiration et
l’anarchie. Le moyen d’action de cette association était de s’emparer du
ministère de la guerre et du commandement de la garde civique de Bruxelles, en
un mot de la force publique. Je fis en vain toutes les démarches possibles pour
engager un haut fonctionnaire à prêter serment ; il refusa. Ce ne fut que le
dimanche matin, lendemain du jour où le peuple se mit en mouvement, que je l’y
déterminai. Dès lors je me rendis chez le régent et je lui dis que tout était
fini maintenant, mais que j’exigeais que le serment fût prêté immédiatement et
qu’il montrât l’énergie qui demandaient les
circonstances. Puis, je fus au local de l’association à onze heures et demie,
où il fut résolu d’arrêter l’exécution du plan concerté, vu les assurances que
j’y apportai.
A peine étais-je arrivé qu’on nous annonça
qu’on voulait piller la maison de M. Mattieu, négociant. Nous avions à notre
disposition environ 60 braves chasseurs de Chasteler,
nobles jeunes gens qui n’ont jamais renié ni trahi la révolution. Eh bien ! nous en envoyâmes 37 sans armes, et depuis midi jusqu’à 5
heures 1/2 du soir ils détournèrent le peuple du pillage de la maison de M.
Mathieu, en le lui faisant envisager comme un crime. Mais ces jeunes gens cédant
enfin à la fringale et à la faim furent remplacés par deux bataillons de la
garde civique, et l’on sait comment le pillage commença. Tous les officiers de
la garde civique diront si c’est par ordre de l’association ou si c’est par
l’inexplicable hésitation de certains hommes que je m’abstiens de nommer.
Le lendemain on vint nous annoncer qu’on
voulait piller M. Prévinaire, un de nos plus capables
et de plus laborieux industriels habitant le faubourg de Flandres, et par
conséquent à une grande distance des bureaux de l’association. Eh bien ! nous envoyâmes encore des chasseurs de Chasteler
avec leurs armes, et à l’instant même les tentatives de pillages furent
réprimées. Moi-même je fis des démarches auprès de la garde civique pour
empêcher ces actes coupables. Je puis citer des hommes très honorables que j’ai
rencontrés à l’état-major et qui ont gémi avec moi de la confusion qui régnait
dans les commandements supérieurs. Malgré tout cela, messieurs, nous avons été
indignement calomniés ; des citoyens honorables furent accusés d’avoir excité
le peuple au pillage comme si la juste indignation d’une conspiration
flagrante, les menaces de nos ennemis et les hésitations de ceux qui étaient
chargés de défendre et de garantir le peuple, n’étaient pas des éléments
suffisants pour le pousser au désordre ! Et remarquez bien, messieurs, c’est, non des masses soumises à la hiérarchie civile ou
militaire vengeant les injures de journalistes contre leur chef, mais le peuple
abandonné, trahi par ses chefs, qui défendait la révolution, son existence, son
honneur qu’on avait lâchement vendus au roi qu’il avait chassé de
C’était pour moi un devoir de dire ici
quelques mots de justification pour une population qui a été indignement
calomniée. Je pourrais aller plus loin, mais le moment n’est pas venu de faire
connaître toute la vérité. J’ai tenu des notes exactes, je les ferai imprimer
quand je pourrai le faire sans danger pour certains hommes que je ne puis
estimer, mais que je ne veux point livrer à des vengeances que je
désapprouverai toujours.
M. le ministre de la justice
(M. Lebeau) - Je ne puis
assez m’étonner de voir jeter comme grief, dans une discussion qui doit porter
sur une réponse au discours du trône, un hors-d’œuvre aussi étrange que des
articles de journaux. Il me semble que la chambre doit à sa dignité de
s’occuper de tout autre chose que de faire le procès à certains journaux qui
déplaisent à certaines opinions.
Pour ce qui me concerne spécialement, je n’ai
pas mission de les défendre ; mais comme on a rattaché mon nom à ce
hors-d’œuvre parlementaire, je suis bien aise de présenter quelques
observations.
Je dirai d’abord en fait que déjà, avant d’entrer
au ministère, j’avais cédé toute espèce de droits que je pouvais avoir à la
propriété d’un journal dont, il est vrai, j’ai été l’un des fondateurs ; c’est
là un fait que je ne répudierai jamais ; que, depuis cette époque, pas une
ligne n’est sortie de mes bureaux et moins encore de ma plume pour passer dans
un journal quelconque, si ce n’est dans le
Moniteur dont nous avouons les opinions et le langage.
Maintenant, je dois en faire l’aveu, je ne
puis assez m’étonner de la manière dont une partie de la chambre entend la
liberté de la presse ; et, par exemple, en ce qui touche le journal dont on a
parlé, sans vouloir m’en constituer le défenseur, je le lis assez attentivement
pour oser porter le défi d’y relever rien qu’on puisse qualifier d’injure on de
calomnie ; vous y trouverez l’exposition de systèmes, de doctrines politiques,
la critique de certaines opinions qualifiées plus on moins sévèrement ; c’est
là le droit de la presse, mais rien que l’on puisse taxer d’injurieux ou de
calomnieux. Je crois mes souvenirs assez fidèles pour oser porter le défi d’y
apercevoir rien de semblable.
Ensuite, quelle est donc cette opinion qui
viendrait soutenir que tout journal qui n’est pas l’organe ou le défenseur de
l’opposition est un journal aux gages ou au service du ministère ? Quoi donc ! n’y a-t-il indépendance que dans les écrivains qui censurent
le gouvernement, sa conduite et ses actes ? Et quand des amis politiques des
ministres ne partageront pas toujours la manière de voir de l’opposition,
devront-ils être accusés de vénalité, de telle sorte que la défense
consciencieuse et désintéressée du pouvoir soit regardée comme chose impossible
? Un journal sera-t-il essentiellement honorable aussi longtemps qu’il suivra
la ligne de l’opposition ; et lorsque des écrivains politiques plus ou moins
liés aux membres du pouvoir par des relations privées, par conviction et par
identité de principes, appuieront, dans une autre feuille, le gouvernement,
sans personnalités injurieuses, sans calomnie contre qui que ce soit, on
viendra, dénaturant une phrase qui n’est autre chose que l’éloge de la chambre
et de la nation, qui représente l’une et l’autre comme essentiellement
incorruptibles, car c’en est là le véritable sens de cette phrase pour tout
lecteur impartial ; on viendra, dis-je, prétendre que cette feuille est
nécessairement l’organe de chaque ministre, et que nécessairement aussi chacune
des opinions qui s’y trouvent est une calomnie ou une invective !
Et si nous disions nous à l’opposition, en
lui citant certains journaux où se trouve l’éloge quotidien de ses membres, où
la chambre se voit presque chaque jour insultée, où les votes de la chambre
sont traités d’actes d’iniquité, où on lui reproche de violer sans pudeur la
raison et le bon droit, où il est dit que la chambre pourrait bien, si elle
continuait comme elle débute, se transformer en un coupe-gorge ; si nous
disions à l’opposition : Vous êtes solidaire de ces journaux, ils expriment
votre pensée, c’est vous qui les inspirez ; que nous répondrait-on ? Qu’une
telle solidarité est une injure. Et cependant nous aurions tout aussi bien le
droit de le prétendre que vous de dire que ceux qui nous défendent d’une
manière indépendante reçoivent de nous salaire et mot d’ordre.
Si
nous établissions cette solidarité entre l’opposition parlementaire et
l’opposition extra-parlementaire, nous pourrions vous montrer le ministère
traité de concussionnaire, d’assassin, de protecteur de pillages ; nous
pourrions montrer la majorité de la chambre attaquée dans son honneur, la majorité
représentée comme tendant à devenir un coupe-gorge, comme ayant consacré
sciemment une iniquité électorale, comme ayant violé sans pudeur la justice et
les lois. Voilà pourtant ou l’on arrive quand on veut voir dans les articles de
journaux autre chose que l’intention et le système politique des rédacteurs.
Cette
accusation je ne l’appliquerai pas à l’opposition, mais il ne faut point non
plus qu’on la fasse peser sur nous ; et dans tous les cas nous aurions,
beaucoup moins que l’opposition, à redouter les conséquences de l’étrange
doctrine qu’elle veut établir.
M. de Brouckere. - Je défie qu’on nous cite un membre de l’opposition
qui soit actionnaire d’un journal ni qui ait l’habitude d’écrire dans un
journal tandis que M. Lebeau ne peut nier qu’il n’y ait des actionnaires de
journaux parmi les membres du ministère, les secrétaires-généraux.... (Hilarité.)
M. Nothomb. - Je demande la parole pour un fait personnel ;
cependant je ne m expliquerai pas sur le fait en lui-même, qui m’a été reproché
pour la deuxième ou troisième fois.
Une voix.
- Personne ne vous a nommé.
M. Nothomb. - M. Gendebien m’a nommé, et, dans tous les cas,
j’ai été suffisamment désigné dans cette enceinte. Je ne m’expliquerai pas,
dis-je, sur ce fait, et c’est mon droit. Je dénie à chacun de mes collègues le
pouvoir de me traduire à cette barre comme journaliste. C’est là une
considération que beaucoup de personnes comprendront et que comprendra surtout
cette partie du public qui peut être composée ici de journalistes. C’est une
chose bien étrange, messieurs, que la discussion qui vient d’être soulevée !
Mais depuis quand donc la presse est-elle justiciable de la tribune ? Depuis
quand donc la presse n’a-t-elle plus sa sphère d’action ? Depuis quand donc
n’est-elle plus indépendante ? Depuis quand la tribune vient-elle revendiquer
sur la presse je ne sais quelle compétence ?
Est-ce que vous avez à rechercher ici si
tel ou tel membre appartient à la rédaction de l’un ou de l’autre journal ?
mais, je le demande, si je venais vous lire un article et prétendre ensuite
qu’il est dû à l’influence d’un de vos collègues, est-ce que, vous ne
m’arrêteriez pas en disant : Songez-y bien, vous portez là une atteinte à la
liberté de la presse ?
Messieurs, depuis deux ans, mes honorables
amis et moi nous avons essuyé assez de calomnies, assez d’outrages. Avons-nous
jamais reproché à un membre de l’opposition même de ne pas avoir répudié la
dédicace d’un pamphlet ?
Non, nous ne l’avons pas fait, parce que
nous sommes conséquents avec nos doctrines, parce que nous ne reconnaissons pas
à la chambre le droit de traduire la presse à sa barre.
Laissons aux journaux leur action
indépendante : croyons qu’il est en dessous de la dignité de la représentation
nationale de s’occuper des organes de la presse. Je suis certain que le
préopinant sentira la justice et la convenance de mon observation, et qu’il
comprendra que s’il était permis à un membre d’imputer à l’un de ses collègues
l’article d’un journal exprimant certaines opinions, rien n’empêcherait un
autre membre de lui imputer un article exprimant une opinion contraire.
Messieurs, la
presse n’est pas justiciable de la chambre, elle ne l’est que des tribunaux et
lorsqu’elle a commis un délit ; je garderai donc le silence sur le fait
principal parce que je vous dénie le droit de m’interroger. Je dirai seulement
que je ne suis pas actionnaire du journal qu’on a cité ; je crois avoir des
relations plus ou moins intimes avec ses rédacteurs, mais cela ne regarde
personne.
M. Gendebien. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - J’ai demandé la parole depuis longtemps.
M. le président. - M. Gendebien a demandé la parole pour un fait
personnel et je dois la lui accorder.
M. Gendebien. - Messieurs, on m’a accusé de traduire la presse
devant la chambre. Je vous prie de remarquer que ce n’est pas moi qui ai
traduit les journaux devant vous, mais bien M. Lebeau qui a désigné les
journaux orangistes.
M. Nothomb. - Oh ! oh !
M.
Gendebien. -
Je prie M. Nothomb de ne pas m’interrompre par des oh ! oh
! qui ne signifient rien. M. Lebeau a cru justifier
les excès qui ont été commis en alléguant les excès des journaux orangistes, et
j’ai répondu en révélant à la chambre l’accusation la plus infâme qu’on puisse
porter contre un corps, celle de corruption.
Il me semble qu’en l’absence d’une loi de
la presse, absence dont il faut accuser les ministres, il vaut encore mieux
traduire les journaux à la barre de l’assemblée nationale que de les livrer à
la soldatesque armée. On vous a dit que je n’avais pas répudié la dédicace d’un
pamphlet ; mais si l’on avait vu la deuxième ou la troisième livraison de cet
écrit, on n’aurait plus retrouvé mon nom. Si je n’ai pas répudié de suite cette
dédicace, c’est que l’écrit n’était pas signé, que je n’en connaissais pas
l’auteur ; mais quand une fois je l’ai connu, j’ai répudié la dédicace. Je n’ai
pas fait à cette occasion grand éclat dans le public, mais ce n’est pas mon
habitude.
Quant à ma participation à un journal, M.
Nothomb sait mieux que personne que je ne suis jamais entré dans un bureau
comme journaliste ni comme actionnaire, mais par duperie ; car les événements
prouvent bien que nous sommes tous dupes.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - C’est à regret que je prends part en ce moment à
une discussion qui dégénère en récriminations toutes personnelles ; mais
j’affirmerai tout d’abord que je ne suis ni actionnaire ni rédacteur d’un
journal.
M. Nothomb. - Cela ne
regarde pas la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Quand le gouvernement a besoin de défendre ses
actes, il se sert de la voie du Moniteur comme
il l’a déclaré maintes fois. Aussi je ne conçois pas à quel titre on l’accuse
d’opinions qu’il n’a jamais reconnues siennes. Nous avons ici M. de Brouckere
qui ne niera pas d’avoir été ou d’être rédacteur d’un journal.
M. de Brouckere. - Je nie de l’être (on rit).
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je lui rappelle qu’il faut bien qu’il l’ait été
puisque dans une séance assez récente il a déclaré que dès l’entrée des
ministres au pouvoir, il avait pris leur défense dans un journal. Ce fait dont
nous pouvons personnellement lui savoir gré (on rit) prouve au moins qu’il a été journaliste. Vous savez à quels
outrages inouïs le même journal s’est porté contre la majorité de cette
chambre. Eh bien, y aurait-il justice à en accuser M. de Brouckere ? Non,
messieurs, il en est incapable ; mais reconnaissez au moins que par cela seul
qu’on est ministre, on n’en est pas réduit à calomnier, à injurier ses
adversaires pour les combattre.
Je nie toute coopération de notre part à un
journal ; j’affirme de même qu’il n’est pas sorti un sou du trésor pour
salarier un journal. Il serait vraiment puéril de réfuter sérieusement une
pareille accusation : ne m’a-t-on pas dernièrement accusé d’accorder une
subvention de 12 mille fr. à un prétendu journal ministériel, où j’ai la faveur
d’être attaqué très fréquemment ? (On rit.)
M. de Brouckere s’est livré à des
assertions qu’à mon regret il n’a pas fait suivre de preuves ; il a dit qu’à la
suite de la dissolution nous avions recouru à toute espèce de moyens que
l’honneur et la loyauté réprouvent, aux promesses, aux menaces, aux calomnies.
Quelques voix. - Aux destitutions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J’y viendrai, messieurs, car de ce fait j’en
suis bien auteur, et auteur responsable ; à l’égard des menaces et des
calomnies, j’aurais voulu que M. de Brouckere dénonçât les coupables sans user
de cette réserve qui le sert si bien.
M. de Brouckere a été pendant les journées
électorales accusé d’être orangiste ; mais a-t-il entendu dire qu’il l’ait été
par les ministres, ou en vertu de leurs instructions ?
Une voix.
- Il n’a pas dit non.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Mais si, pour faire échouer l’élection des
ministres, on les a accusés de trahison, d’infamie, ils auraient donc de leur
côté le droit de dire que ces accusations venaient de M. de Brouckere ou de ses
amis ?
M. Poschet. - Qu’on remette la discussion à demain.
M. Dumortier. - Si M. Poschet est si pressé, il peut s’en aller
et nous laisser écouter.
M. Poschet. - Je prie M. le président de vouloir bien inviter M. Dumortier à
s’abstenir de pareilles sorties. (On rit.)
M. Dumortier. - Je voulais seulement que M. le ministre ne fût
pas interrompu, je croyais que cela n’était pas convenable. Quant à moi je suis
fortement opposé à la manière dont le gouvernement entend le système des
destitutions, et je serais bien aise de voir comment il justifiera les actes à
De toutes parts. - A demain ! A demain !
M. Poschet. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. - La discussion est remise à demain.
M. Poschet. - Mais, M. le président, j’ai demandé la parole. Je ferai observer que
je n’ai aucune espèce d’intérêt à ce qu’on entende ou non M. le ministre
aujourd’hui. Je réclamais seulement la remise à demain parce que M. le ministre
annonçait que le discours qu’il avait préparé répondait à des attaques qui
n’avaient pas été faites. Je n’ai rien à ajouter si ce n’est que j’ai voulu
relever une inconvenance de M. Dumortier, et je lui dirai que ce n’est pas la
première qu’il se permet. (On rit.)
- La séance est levée à 4 heures.