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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 2 avril
1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1833. Ecole militaire (Evain, Dumortier, de Brouckere, Osy), pensions des
veuves de militaires (Dumortier, de Bassompierre), haras de l’Etat (Evain,
Nypels, de Robiano, Vandenhove, A. Rodenbach, de Brouckere, Mary, de Theux, de Robiano, A. Rodenbach, Dumont, de Bassompierre, de
Brouckere, Gendebien), matériel de l’artillerie (Evain, Desmaisières, Evain, H. Vilain XIIII, Evain, Gendebien, Evain,
A. Rodenbach, Gendebien, H. Vilain XIIII), réparation à faire à la citadelle
d’Anvers par suite du siège (Evain, Osy,
Goblet, Osy, Rogier,
de Brouckere, Evain, Gendebien, Evain, Verdussen, Legrelle, A. Rodenbach, Osy, de Robiano, Brabant, Verdussen, Legrelle, Evain, Gendebien, de Robiano, Legrelle, de Brouckere, Dumortier, Poschet), traitements de disponibilité (de Brouckere, de Robaulx, Evain, Gendebien, de Robaulx)
3) Projet de loi portant organisation communale
(Rogier, Dumortier, H. Vilain XIIII, Rogier, Dumortier, H. Vilain XIIII)
4) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1833. Vivres de fourrage (Brabant, Evain, de
Theux), dépenses imprévues et frais de représentation et de table des
officiers (Desmaisières, Evain,
Brabant, de Brouckere, Desmaisières, Evain, de Brouckere, Jullien, Evain, Brabant)
(Moniteur belge n°94, du 4 avril 1833 et Moniteur belge n°95, du 5 avril
1833)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge
n°94, du 4 avril 1833)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal qui est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
Des pétitions sur les distilleries adressées à la
chambre sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
GUERRE POUR L’EXERCICE 1833
Discussion des articles
Article
premier
L’ordre du jour est la suite de la discussion du
budget de la guerre sur le pied de guerre.
La chambre en est au chapitre V.
« Art. 1er. Ecole militaire : fr. 48,000
fr. »
Telle est la proposition de la commission.
La réduction sur la proposition du gouvernement est de
12,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Je crois
devoir donner quelques explications sur l’organisation provisoire de l’école
militaire, et sur l’indispensable nécessité de régulariser cet établissement,
afin qu’il donne de bons officiers.
Messieurs, un arrêté du gouvernement provisoire du 14
novembre 1830 attachait à chaque régiment d’artillerie à organiser, un certain
nombre de jeunes gens, admis par suite d’un concours public et classés comme
aspirants d’artillerie, avec le grade et la solde de sergent. Ils étaient
réunis dans chacun des dépôts de cette arme et y recevaient l’instruction qu’un
officier était chargé spécialement de leur donner. Des examens avaient lieu de
temps à autre, et les aspirants qui y satisfaisaient étaient nommés
sous-lieutenants d’artillerie.
Au mois de septembre 1831, le ministre de la guerre
sentit la nécessité de donner plus d’extension et d’ensemble aux études des
jeunes gens qui se destinaient à l’artillerie ; ceux des aspirants qui
restaient aux dépôts, au nombre de 9, furent réunis à Bruxelles ; 24 autres
furent nommés par suite d’un nouveau concours et formèrent avec les premiers le
noyau d’une compagnie dont le commandement fut confié à un officier chargé
spécialement de la police, de la discipline et de la comptabilité de cette
école provisoire. D’autres officiers furent chargés de l’instruction.
Deux autres concours eurent lieu, l’un en juillet et
le second en octobre 1832 ; on y admit 33 élèves, ce qui porte à 66 le nombre
total des jeunes gens entrés à l’école. Sur ce nombre :
1 est décédé ;
I 1 été démissionné ;
14 ont été nommés sous-lieutenants d’artillerie ;
1 sous-lieutenant de cavalerie ;
5 sous-lieutenants d’infanterie ;
Total 22.
Il reste donc en ce moment 44 élèves à l’école
militaire ; ils y reçoivent la solde et les allocations de sergent
d’artillerie. Ils sont commandés par un major d’infanterie, assisté d’un
sous-lieutenant.
Deux officiers sont chargés de l’instruction ; un seul
d’entre eux reçoit une indemnité.
Le local occupé actuellement par les élèves est fourni
par la régence de la ville de Bruxelles ; le gouvernement n’a qu’à pourvoir aux
dépenses d’éclairage, de chauffage, d’ameublement et aux menues dépenses
d’entretien. Mais ce local est tout à fait insuffisant ; une salle, qui peut à
peine contenir tous les élèves, sert à la fois de classe et de salle d’étude ;
les chambres où sont casernés les élèves suffisent tout au plus pour loger le
nombre actuel.
C’est d’après cet état de choses que j’avais pensé que
la ville de Liége conviendrait mieux à l’école militaire que la ville de
Bruxelles, et que j’avais demandé 12.000 fr. pour approprier le local des
anciens jésuites de Liége. Pour établir cette école, on m’a fait observer que
pour plus de régularité il fallait une loi : en conséquence, j’ai proposé un
projet de loi, et le Roi m’a ordonné de vous le soumettre. Ce projet a été
délibéré en conseil. Le voici :
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Vu les articles 66, 114, 115 et 118 de la
constitution ;
« Sur la proposition du ministre directeur de la
guerre, et de l’avis du conseil des ministres,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Le ministre directeur de la guerre est chargé
de présenter en notre nom, aux chambres, le projet de loi suivant :
« Art. 1er. Une école militaire destinée à former
des officiers pour es armes de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie
et du génie, et pour le corps de l’état-major, sera établie à Liége, aux frais
de l’Etat.
« Art. 2. L’enseignement donné à cette école
comprendra :
« 1° Les mathématiques pures, la géométrie
descriptive et la mécanique ;
« 2° Les éléments de physique et de chimie ;
« 3° La théorie et la pratique des manœuvres
d’infanterie et de cavalerie ;
« 4° L’art et l’histoire militaire ;
« 5° La fortification passagère ;
« 6° L’attaque et la défense des places ;
« 7° L’administration militaire ;
« 8° La géographie et la statistique ;
« 9° L’histoire générale et celle du pays ;
« 10° La littérature française ;
« 11° L’étude des langues étrangères ;
« 12° Le dessin du paysage et de la carte, et le
lever du terrain.
« Art. 3. Les cours dureront deux ans, à
l’expiration desquels les élèves qui auront satisfait aux examens de sortie,
seront promus au grade de sous-lieutenant et classés dans les diverses armes,
suivant les besoins du service.
« Les élèves destinés à l’artillerie, au génie et
à l’état-major, suivront pendant une troisième année des cours spéciaux, avent
de quitter l’école.
« Art. 4. L’admission à cette école aura lieu par
suite d’un concours public, qui aura lieu annuellement à Bruxelles et dont le
programme sera publié à l’avance.
« Le nombre d’élèves à
admettre sera déterminé chaque armée suivant les besoins présumés du service
pour chaque arme.
« Art. 5. L’organisation de l’école, le mode
d’enseignement, les programmes d’admission et des cours, les examens et le
classement des éléves feront l’objet des règlements spéciaux qui seront soumis
à l’approbation du Roi.
« Art. 6. Une somme de douze mille francs sera
allouée au chapitre 5, art. 1er, du budget du ministère de la guerre, pour
frais de premier établissement de l’école militaire. »
- La chambre renvoie le projet devant les sections.
M. Dumortier.
- Je crois qu’il ne faut pas voter un crédit pour l’école militaire, puisqu’on
vient de présenter un projet de loi sur cet objet.
M. Osy. - On votera éventuellement.
M. Dumortier.
- Il faudrait laisser les choses dans l’état où elles sont.
Hier, messieurs, je ne me suis pas aperçu, dans la
discussion de l’article relatif à la pharmacie centrale, de la retenue qu’on
faisait sur le traitement des officiers pour médicaments ; cette retenue est
d’un et demi p. c. ; cependant, les officiers paient les médicaments qu’on leur
fournit : à quoi sert la retenue ?
On fait encore d’autres retenues sur le traitement des
officiers.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Si M. Dumortier avait examiné le rapport de la
section centrale, il aurait vu que la retenue reste au trésor. Les autres retenues
sont pour faite des pensions aux veuves et aux enfants des officiers.
M. Dumortier.
- On retient aussi une partie du traitement des officiers quand ils avancent en
grade.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Il existe une caisse pour les veuves des officiers
; cette caisse est régie par un conseil tout particulier. Toutes les retenues
sont versées à la banque. Ils y restent jusqu’à ce qu’ils soient assez
considérables pour acheter des rentes sur l’Etat. La révolution a trouvé un
assez grand nombre de veuves. La Hollande a emporté leur caisse ; c’est une des
réclamations que nous avons à faire valoir contre nos ennemis.
M. de Brouckere. - Si la loi présentée par M. le ministre, relativement à l’école
militaire, est adoptée par les chambres, il faudrait un crédit supplémentaire
pour l’établir. Nous pouvons donc voter provisoirement les 48,000 fr. demandés.
M. Osy. - Je crois
qu’il faudrait voter 60,000 fr., parce qu’alors le ministre de la guerre
n’aurait rien à demander pour réparation des bâtiments à Liége.
M. Brabant, rapporteur. - Il n’est pas rationnel d’ouvrir un crédit pour un établissement qui
n’est qu’un projet.
Le chiffre de 48,000 fr. pour l’article premier, mis
aux voix, est adopté.
Article
2
« Art. 2. Haras : fr. 13,500. »
Telle est la proposition de la commission.
La réduction sur la proposition du gouvernement est de
13,500 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Je
demande l’allocation entière. M. le commissaire du Roi va en exposer les
motifs.
M. le général Nypels, commissaire du Roi. - Messieurs, M. le ministre de la guerre vous a dit
qu’il ne pouvait consentir à la réduction proposée pour le haras, réduction
ayant pour but avoué la suppression de cet établissement.
Depuis, différents projets d’organisation ont été
envoyés au département de la guerre ; la contrée et les localités où il
conviendrait de placer le haras ont été indiquées aussi. Messieurs, si vous
accordez les fonds qui sont demandés, une commission sera nommée pour examiner
ces projets et l’utilité qu’il pourrait y avoir de donner plus d’extension à
cet établissement. A mon avis, messieurs, il est indispensable de le conserver,
tant sous le rapport des avantages qu’il procurera au commerce et à
l’agriculture que sous celui de l’amélioration des chevaux de guerre.
La somme demandée est
différente de 13,000 fr. de celle que la section centrale propose d’allouer ;
mais il faut en déduire encore le traitement du lieutenant-colonel directeur,
qui devra être porté à un autre chapitre du budget : ainsi la réduction ne sera
que de 6,000 fr.
Messieurs, il ne serait pas difficile de vous prouver
que, dans les circonstances où nous nous trouvons, cette perte sera dépassée de
quatre fois au moins sur le produit de la vente des chevaux, sans parler de la
perte presque totale du matériel.
Je pense donc, messieurs, que, même dans des vues
d’économie, la somme demandée doit être allouée.
M. de Robiano de Borsbeek. - La somme de 26,000 fr. n’est pas très forte.
Plusieurs localités peuvent donner des chevaux de guerre. Il ne s’agit pas d’un
établissement dispendieux. On peut améliorer les races de nos chevaux avec une
faible somme. Dans les Ardennes on a déjà produit de bons effets. Qu’on règle
l’établissement avec économie, mais qu’on le conserve. Beaucoup de jeunes gens
s’occupent de l’éducation des jeunes chevaux : il faut encourager cotte industrie.
M. Vandenhove.
- Messieurs, je crois aussi que ce n’est point dans cette discussion que la
question du maintien ou de la suppression du haras doit être traitée : son
importance exige qu’elle soit ajournée jusqu’au moment où nous serons appelés à
voter le budget de la guerre sur le pied de paix. Il peut n’être pas
indifférent que cette intéressante partie de l’économie politique soit dans les
attributions du ministère de la guerre ou de l’intérieur pour lui donner une bonne
direction ; et, l’inutilité du haras fût-elle constatée, il est douteux que sa
dislocation immédiate soit une économie, attendu que, dans les circonstances où
nous nous trouvons, la vente des chevaux et de son matériel produirait peu de
chose.
A cette occasion, je présenterai quelques
considérations pour démontrer que le concours du gouvernement est indispensable
pour parvenir à améliorer nos races de chevaux, parce que dans notre pays les
tentatives d’amélioration de l’espèce chevaline sont hors du domaine de la
spéculation particulière, par le nombre restreint des grandes fortunes et leur
division au décès du chef de la famille.
Quiconque a réfléchi sur l’élève des chevaux dans
notre pays a pu découvrir que les essais faits par les propriétaires, soit pour
perfectionner nos races, soit pour en créer une nouvelle, ont échoué à cause
des dépenses considérables et du peu de résultats obtenus.
En effet, messieurs, presque tous ces propriétaires
ont manqué le but pour avoir acheté des étalons arabes ou de descendance arabe,
ou des chevaux anglais appelés de pacotille, toujours petits de taille, pour
accoupler avec des juments étrangères souvent ruinées ou tarées, dont à peu
près tous les jets étaient petits et chétifs. Et chose remarquable, c’est que,
dans les cantons où ces essais ont cessé depuis quelques années, il ne reste
presque aucun vestige de ces accouplements pernicieux dus au caprice plutôt
qu’à de sages combinaisons.
Ce que les amateurs n’ont pu faire à défaut de
capitaux suffisants et de connaissances spéciales, le gouvernement pourra
l’exécuter au moyen de personnes et de fonds spécialement destinés à
l’établissement d’un haras. Il quittera cette route semée d’écueils parcourue
jusqu’à ce jour par des particuliers que leur goût plutôt qu’une étude approfondie
portait à modifier notre espèce chevaline ; il en prendra une autre que celle
suivie naguère par la France, qui avait fait revenir des étalons du
Mecklenbourg, du Holstein, de la Prusse, et d’autres contrées de l’Allemagne
qui ne sont nullement propres à l’amélioration de nos races, parce qu’ils sont
trop éloignés du type originel.
Pour opérer avec succès, le gouvernement doit faire
acheter les régénérateurs de notre espèce chevaline dans la Grande-Bretagne.
Là, à force d’argent, de soins, de persévérance pendant plusieurs siècles, on
est parvenu à former une des meilleures races de chevaux connues : c’est celle
qui, par sa taille, sa construction osseuse et musculeuse très prononcée, sa
vigueur, son élégance et sa noblesse, nous conduira plus tard à perfectionner
notre espèce chevaline. Pour bien débuter dans cette nouvelle carrière, il
faudra choisir les étalons dans les chevaux d’Angleterre et d’Irlande les plus
rapprochés de la souche génératrice. Plus tard, lorsque nous aurons des juments
issues de deux ou trois croisements, nous pourrons faire revenir des
générateurs de pur-sang.
Mais les personnes qui seront chargées de faire les
premiers achats ne pourront point perdre de vue que leur choix doit se fixer
sur des étalons de grande taille, de forte structure, tels enfin qu’à la
première vue ils plaisent à nos cultivateurs,, qui, avant tout, demandent des
étalons dont les formes leur promettent des productions propres à leur usage
journalier.
Il y a des contrées, messieurs, où ces étalons seront
peu recherchés, parce que leur lourde et grossière espèce de chevaux se pais
très chère pour le roulage ; mais il en est d’autres où ils seront bien
accueillis, si leur conformation, quoique noble et élégante, est en harmonie
avec celle des juments de labour. Dans cette hypothèse, la réussite du haras
est évidente à mes yeux.
Depuis longtemps, messieurs, j’ai médité sur la
meilleure théorie à adopter pour améliorer la race de nos chevaux ; j’avais
toujours pensé que c’était en Allemagne et en Normandie où nous trouverions les
générateurs qui conviendraient le mieux à nos juments poulinières : ce n’est
que depuis peu que je me suis convaincu que c’était dans les îles britanniques,
terre classique de l’espèce chevaline, que nous devrons chercher les types améliorateurs.
Si nous entrons franchement et promptement dans le
vrai système d’amélioration, dans peu d’années les remontes de notre cavalerie
se composeront en partie de chevaux provenus de pères de premier et de deuxième
sang, et ils pourront concourir avec ceux venant de l’étranger à remplir les
besoins du luxe.
Pour arriver plus rapidement à des résultats
satisfaisants, il faudrait donner de fortes primes à nos plus belles juments
poulinières parce que chez nous, comme dans tous les pays du monde, elles
forment toujours le noyau des races ; mais sous la réserve de ne point les
vendre au dehors, à peine d’une forte amende. Ainsi vous empêcheriez qu’elles
ne passassent en Angleterre, qui les achète des prix très élevés.
Si l’action du gouvernement dans l’élève de l’espèce
chevaline est bien dirigée, l’industrie agricole y trouvera un grand avantage
par les soins que l’on donnera à l’amélioration des pâturages dans certaines
contrées, et par ceux que l’on prendra d’en créer de nouveaux dans d’autres.
Il est incontestable qu’au moyen des croisements, vous
donnerez plus d’élégance et de noblesse à vos races de chevaux ; et j’en
connais, messieurs, à qui il ne manque que ces qualités pour figurer avec
distinction parmi les chevaux de remonte et de luxe.
Messieurs, si vous avez fait attention à la quantité
de chevaux de luxe que nos marchands envoient en France, et en grand nombre qui
transitent constamment pour ce pays, vous ne tarderez pas à reconnaître que
l’appui du gouvernement est nécessaire pour aider nos cultivateurs à atteindre
au plus tôt le degré d’amélioration auquel on est parvenu dans les états qui
pourvoient si abondamment aux besoins de ceux où l’élève des chevaux a été
négligé ou mal entendu.
En mettant le gouvernement en mesure de faciliter aux
cultivateurs la voie de la modification de l’espèce chevaline, vous doterez le
pays de deux nouvelles catégories de chevaux : vous augmenterez le capital de
l’agriculture, de celui qui s’exporte maintenant pour l’achat à l’étranger de
chevaux de cavalerie et de luxe, et vous aurez coopéré à rendre moins sensibles
les méventes qan se manifestent de temps à autre dans cette branche importante
de nos produits ; car elles ne se prononcent point simultanément pour toutes
les espèces de chevaux.
Il m’a semblé inutile d’entrer
dans de plus grands détails pour provoquer l’ajournement d’une question de
cette importance, qu’il faut étudier à fond avant de se prononcer, puisqu’elle
a pour but de perfectionner une industrie dont le nouveau développement pour
notre pays doit avoir une heureuse influence sur l’agriculture. Les faits ne
manquent point pour prouver que le gouvernement doit intervenir en faveur de
l’élève des chevaux ; mais j’estime qu’il faut en réserver l’énonciation
jusqu’au moment où nous discuterons les principes.
M. A. Rodenbach. - Nous votons un budget de la guerre sur le pied de
guerre ; ce n’est donc pas le moment de nous occuper des haras. Dans un mois
nous discuterons le budget du ministère de la guerre sur le pied de paix ;
alors nous examinerons la question. On peut soutenir, on peut attaquer
l’établissement des haras. On pourrait discuter plusieurs jours sans beaucoup
avancer la solution de la question : en France elle est encore indécise. Nous
avons plusieurs belles races de chevaux ; il ne faut que les croiser pour avoir
des chevaux propres à la cavalerie. Les Anglais achètent des juments du
Furnambach ; ils les font croiser par leurs chevaux et en obtiennent une race
pour les carrosses et pour la chasse. Pour de certaines contrées il
conviendrait que les haras fussent dans les attributions du ministre de
l’intérieur ; pour d’autres provinces il vaudrait mieux qu’ils fussent dans les
attributions du ministre de la guerre.
M. de Brouckere. - Il faut cependant des fonds pour nourrir les
chevaux qui sont encore dans les haras.
Si la chambre croit qu’il faut les 27,000 fr., il y
aurait imprudence à ne pas les accorder et à détruire un établissement qui peut
être utile s’il est perfectionné. On pourra traiter plus tard les questions
soulevées par M. Rodenbach : je crois que les haras doivent être placés sous la
direction du ministre de l’intérieur, quoiqu’en France on pense qu’ils doivent
être sous le ministre de la guerre.
(Erratum inséré
au Moniteur belge n°94, du 4 avril 1833 : C’est par erreur que, dans
notre n° d’hier, nous avons fait dire M. de Brouckere que les haras doivent
être placés sous la direction du ministre de l’intérieur. L’honorable membre a
soutenu au contraire qu’il convenait de les laisser dans les attributions du
ministre de la guerre).
M. Mary. - Je suis disposé à accorder l’allocation de 27,000
fr., mais je pense que l’on doit ajourner la décision des questions que
présentent les haras jusqu’au moment où on discutera le budget sur le pied de
paix. Les haras n’ont pas présenté l’utilité qu’on devait en attendre. La
Belgique renferme environ 250 mille chevaux ; le roi de Hollande a voulu
propager les belles espèces ; mais on ne s’est occupé que des chevaux de selle
et point de ceux qui sont employés dans l’agriculture. On donne des primes pour
encourager le perfectionnement des races ; les primes sont dans le département
de l’intérieur ; il faudrait donc que les haras fussent dans ce département. Je
propose l’ajournement de la discussion des haras.
M. de Theux. - Je suis aussi de l’avis qu’il faut ajourner la
discussion de cette question. M. le ministre de l’intérieur possède des
documents propres à éclairer la matière. L’année dernière j’avais demandé des
renseignements dans plusieurs provinces sur les moyens de propager les bonnes
races de chevaux ; et ces renseignements ont été envoyés à l’administration.
M. de Robiano de Borsbeek. - Conservons ce que nous avons du haras, en
attendant que nous puissions discuter à fond la question.
M. A. Rodenbach. - Il n’y a que 19 chevaux dans notre haras ; si le ministre de la
guerre déclare ne pouvoir les nourrir, je voterai les fonds ; je ne veux pas
couper les vivres à ces malheureux chevaux.
M. Gendebien.
- Il faut que les chevaux vivent.
M. le président.
- On a proposé l’ajournement de la discussion.
M. Dumont. - Je demande aussi l’ajournement parce qu’il me
semble plus naturel de mettre les haras dans l’administration de l’intérieur.
Dans la saison de la monte les étalons sont placés dans les paroisses ; le
ministre de l’intérieur est plus à même d’avoir des renseignements sur la
manière dont ils sont soignés et employés.
Je ne peux consentir à voter 27,000 fr. pour 16
étalons. Pour ces 16 étalons il y a un personnel administratif qui coûte 15,000
fr., c’est environ 1,000 fr. par cheval. Dans les circonstances actuelles
est-ce que nous avons besoin, à la tête des haras, d’un lieutenant-colonel,
d’un vétérinaire, de dix palefreniers ? On pourrait placer les chevaux chez les
particuliers ; nous ferions une grande économie.
M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Le haras tel qu’il existe est un débris d’un grand
établissement créé sous le gouvernement déchu. Le haras était destiné à
contenir 60 étalons, et des juments en proportion, afin de relever le type des
beaux chevaux chez nous. Le gouvernement hollandais, toujours partial, ne nous
laissait que les mauvais étalons, et envoyait les plus beaux en Hollande.
Cependant par le haras on a conservé de belles races ; j’en appelle aux députés
du Luxembourg. On pourrait, par le haras, obtenir des résultats immenses si on
avait des chevaux de pur-sang. Les Anglais prennent, comme l’a dit M. A.
Rodenbach, des juments du Furnambach, qui ont un beau coffre ; et elles
donnent, croisées par les étalons anglais, des chevaux de chasse et des chevaux
de carrosse d’un haut prix.
Il faut que le haras reste
dans les attributions du ministre de la guerre : les palefreniers ont besoin de
la discipline militaire pour bien tenir les chevaux qui sont 9 mois au haras.
Il faut aussi que le haras soit sous la direction d’un officier supérieur de
cavalerie, d’un officier qui connaisse toutes les parties de l’hippiatrique.
Je me bornerai à ces réflexions, la discussion au fond
devant avoir lieu dans un autre temps.
M. de Brouckere. - Je crois que nous devons voter les 27,000 fr. pour l’entretien de ce
qui existe. Il faut ajourner la discussion de la question à l’année prochaine.
M. Gendebien.
- Votons les 27,000 fr. et nous n’aurons, dans tous les cas, qu’un transfert à
faire d’un ministère à l’autre.
- Les 27,000 fr. mis aux voix sont adoptés.
Chapitre VI. -
Matériel de l’artillerie et du génie
« Art. 1er. Matériel de l’artillerie : fr.
900,000. »
Telle est la proposition de la section centrale.
Le gouvernement demande 1,000,000.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Je ne
consens pas à la réduction de 100,000 fr. proposée par la section centrale.
M. Desmaisières. - Messieurs, j’ai demandé la parole sur le chapitre 6, parce qu’étant
du nombre de ceux qui pensent que notre matériel d’artillerie et du génie est
encore loin d’être porté au complet de guerre, auquel on devait le porter, et
que, d’un autre côté, ayant voté à la section centrale une réduction de 100,000
fr. sur chacun des articles qui composent ce chapitre, j’éprouve le besoin
d’expliquer cette espèce de contradiction, qui, dans le fond, n’est
qu’apparente.
Toutes vos sections, à l’occasion de ce chapitre, ont
désiré que la section centrale demandât à M. le ministre de la guerre de
fournir des renseignements plus détaillés que ceux contenus dans les
développements du budget qui vous ont été d’abord distribués. La section
centrale n’a pas manqué de faire cette demande. Le ministre a fourni en réponse
deux nouveaux tableaux, qui ont été imprimés à la suite du rapport que vous a
présenté l’honorable M Brabant, et que par conséquent vous connaissez tous.
(Vous les trouverez d’ailleurs aux pages 20, 21 et 22 de ce rapport.) Ce qui a
dû vous frapper, messieurs, en comparant les nouveaux développements avec ceux
fournis primitivement, c’est qu’il y a des différences notables dans les chiffres
partiels, et que cependant il y a égalité parfaite entre les chiffres totaux.
En effet, l’article premier reste toujours évalué en
totalité à 1,000,000 fr., tandis que primitivement on ne portait, dans les
évaluations partielles, que 50 voitures à 2,000 fr., par conséquent 100.000
fr., et qu’aujourd’hui on demande 198,000 fr. pour 110 voitures de 1,800 fr.
l’une.
Au développement primitif du budget, on ne portait que
2,000 fusils à 30 fr., ce qui donnait une somme de 60.000 fr., et aujourd’hui
on demande 360,000 fr. pour 12,000 fusils au même prix.
On demande maintenant 52,000 fr. pour achat de
harnais, et on ne demandait primitivement rien à cet égard.
Par contre, on avait demandé d’abord 100,000 fr. pour
achat de poudres, et 10,000 fr. pour radoubage de poudres avariées, et
aujourd’hui on ne demande plus rien à cet égard.
On avait aussi demandé, en premier lieu, 500,000 fr.
pour dépenses diverses et imprévues, tandis qu’aujourd’hui il n’est plus
question que de 78,000 fr. pour cet objet.
Quant à l’article 2, on portait au développement
primitif 93,067 fr. 23 c. pour les bâtiments militaires à Mons, et on ne porte
plus actuellement que 23,153 fr. 58 c. pour cet objet ; par contre, on demande
aujourd’hui 570,000 fr. pour travaux de campagne, pour expropriations et autres
objets non désignés, tandis qu’auparavant on ne demandait, sous ce titre, que
500.000 fr.
Malgré ces différences dans les détails, le chiffre
total de l’article premier est toujours porté à 1,110,000 fr.
Il y a ensuite, tant pour l’article premier que pour
l’article 2, encore quelques autres différences de peu d’importance, qu’il est
inutile de vous signaler ici.
Etonné, comme vous l’êtes sans doute aussi, messieurs,
de ce que l’on demande toujours les mêmes allocations totales, lorsqu’on varie
aussi fortement dans les parties de ces allocations, j’ai dû penser, avec les
autres membres de la section centrale, que les divers détails fournis, tant les
premiers que les seconds, manquaient d’exactitude, et étaient arrangés et
enflés de manière à arriver aux mêmes chiffres totaux que l’on voulait
atteindre.
Cette réflexion, et
l’observation faite que, dans l’article premier, on demandait 78,000 fr., et
dans l’article 2,190,000 fr. pour frais imprévus, tandis qu’au chapitre 9 du
budget on demande encore 633,000 fr. pour cet objet, m’ont déterminé à me
joindre aux autres membres de la section centrale pour demander ici une
diminution de 100,000 fr. sur chacun des articles 1 et 2 du chapitre 6. C’est
à. M. le ministre maintenant à faire connaître exactement à la chambre les
besoins réels pour le matériel de l’artillerie et du génie, car la section
centrale n’a pas pu, plus que la chambre ne le pourrait, faire des
investigations à cet égard, et il me paraît qu’on ne peut ici donner qu’un vote
établi sur la confiance que l’on aura dans les explications franches du
ministre.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Il est
facile de donner des explications sur les deux articles de l’artillerie et du
génie. En se reportant aux époques où j’ai commencé le budget, on comprendra
les variations qui ont pu avoir lieu.
J’avais demandé une allocation pour acheter de la
poudre parce que nous en avions fourni à l’armée française ; la France nous a
rendu 274,000 kilog. de poudre, et elle a laissé 152,000 kilog. de poudre
trouvés dans la citadelle d’Anvers. Quand j’ai refait dernièrement le budget,
je n’ai plus porté la somme pour l’achat des poudres ; voilà les motifs qui
m’ont fait effacer les 100,000 fr., pour acquisition de poudres.
Au mois d’octobre j’ai fait commander deux mille
fusils à 30 fr. chacun.
Au mois de novembre et décembre j’ai fait réformer un
grand nombre de fusils comme n’étant pas capables d’un bon service : j’en ai
fait faire en conséquence 10 mille.
J’avais proposé l’achat de râteliers en fer, méthode
suivie ici, et meilleure que celle qui est adoptée en France, où les râteliers
sont en bois ; mais j’ai ajourné cet achat.
J’avais porté une somme pour
les voitures de l’artillerie ; j’ai cru devoir en commander 110, évaluées
chacune à 2,000 fr. Cette somme ayant été trouvée exorbitante, j’ai fait faire
un devis ; d’après ce devis chaque voiture revient à 1,800 francs. C’est pour
cette raison que le chiffre a varié.
Les autres sommes sont employées à l’entretien de 17
batteries de campagne, à l’achat de harnais, aux dépenses imprévues.
Je n’ai demandé que un million ; je n’ai pas cru en
devoir demander davantage, quoique j’aie beaucoup de choses utiles à acquérir.
Maintenant que j’ai justifié la demande du million, je
ne puis accepter la réduction proposée par la section centrale. Je prie donc la
chambre d’accorder le chiffre que j’ai porté au budget ; cette somme-là sera
employée dans l’intérêt du service.
M. H. Vilain XIIII. - Messieurs, c’est moins sur la demande que fait le
ministre pour couvrir les frais du matériel que je prends la parole que sur
l’absence de renseignements de la situation réelle du matériel existant dans
notre armée et arsenaux ; c’est moins sur ce qui se trouve dans le budget que
sur ce qui ne s’y trouve pas.
A cet égard le rapport du ministre est très peu
satisfaisant et trop succinct.
Il n’en est pas de même en France, où le ministre
prend souvent ses autorités pour augmenter les appointements des généraux et
les frais de route. La France doit bien mieux nous servir de guide maintenant.
Le 27 février 1833, le maréchal Soult a présenté à la chambre des députés un
résumé complet de l’effectif des hommes, chevaux et armes.
Hommes de ligne, 421,494
Chevaux, 82,057
Fusils, 355,000 en magasin.
Batteries de campagne, 139
Pièces de siège, 500 bouches.
Cependant, l’ancien ministre de la guerre s’était cru
obligé de fournir plus de renseignements à notre chambre.
Le 23 novembre 1831, dans un rapport préliminaire au
budget de 1832, il renseigna, tant l’effectif de l’armée, qui se montait alors
à 87,000 hommes, que les prix exacts de la confection des habits, schakos.
En outre, il donna, pour ainsi dire, un inventaire du
matériel qui aurait pu servir de guide et de précédent au ministre actuel.
Il comptait posséder pour la fin de 1831
200,000 fusils de munition ;
Caissons, 113 ;
Bouches à feu attelées, 94 ;
Chevaux de cavalerie, 6,000.
Il eût donc été à désirer que le ministre actuel,
avant de nous demander un million pour augmenter son matériel, nous eût donné
l’état exact :
Du nombre des fusils en magasin et autres,
Des pièces de siège,
Des batteries de campagne,
Des caissons et fourgons,
Des approvisionnements de places
Du matériel laissé par les Hollandais à Anvers ;
L’effectif des chevaux d’artillerie et autres,
L’effectif des pertes de
chevaux pendant l’année 1832, pertes que l’on dit considérables.
Mais ces renseignements n’ayant pas été fournis, je
fais la demande formelle qu’à l’appui de la loi des comptes il soit fourni à la
chambre l’inventaire authentique, par les officiers de génie, de tout le
matériel d’armement existant dans nos arsenaux en 1830, et acquis depuis cette
époque. Il importe que les chambres aient connaissance de toutes ces valeurs
pour que celles-ci ne soient point détournées de leur emploi, et qu’au besoin
on puisse faire une enquête sur leur réalité.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Ayant été chargé pendant
plusieurs années, en France, de la direction de l’artillerie et du génie, ou
matériel de la guerre, je connais les détails du service qui a été organisé
dans ce royaume. Dans les premières années de la restauration, on se bornait à
présenter des états généraux. Les chambres ont exigé depuis trois ans qu’on
leur donnât un inventaire exact du matériel de l’artillerie.
J’ai trouvé ici la comptabilité du matériel de
l’artillerie bien mieux organisée qu’en France. Cependant je n’ai pu fournir
que les états de 1831 et 1832, parce qu’il y a eu beaucoup de désordre pendant
la révolution. Je peux fournir toutes les pièces pour l’année 1832, et faire
imprimer l’inventaire exact de ce qui existait au 1er janvier dernier.
M. Gendebien.
- Il serait nécessaire que nous connussions l’état du matériel avant de voter
des fonds pour son entretien ou son augmentation.
Mais autant je suis scrupuleux quand il s’agit de
donner des gratifications à des officiers qui ont déjà de gros appointements, autant
je suis facile à accorder les sommes demandées quand il s’agit de choses
utiles. Je voterai donc la somme demandée pour le matériel de l’artillerie.
Je demanderai si on ne peut
pas avoir des fusils à moins de 30 fr. Le prix ordinaire des fusils était de 28
fr. ; pendant la révolution, leur prix s’est élevé jusqu’à 32 fr. ; mais,
depuis, les choses sont revenues à l’état naturel.
Je voudrais que le ministre prît des informations sur
les fusils qui se chargent par la culasse. Il m’a paru que l’effet pouvait en
être très efficace, Un armurier très intelligent, de Bruxelles, m’a dit que ces
fusils, perfectionnés par lui, étaient au-dessus de toute espèce de critique.
Le même armurier m’a assuré qu’il avait trouvé le
moyen d’abréger la charge des canons, de façon qu’il en résulterait un immense
avantage.
Je dirai, si l’on veut, le nom de l’armurier.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Il
s’appelle Montigny.
M. Gendebien.
- Oui. Comme je suis persuadé que le ministre prendra des informations, je
voterai le crédit demandé.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - C’est
avec plaisir que je donnerai les explications demandées.
J’ai acheté des fusils en 1832 au prix de 27 et 28
francs ; mais je me suis bientôt aperçu qu’on n’avait pas observé les
règlements dans leur confection. Pour avoir de bons fusils, j’ai compris qu’il
fallait en augmenter le prix, parce que les matériaux qu’il faut employer sont
de meilleure qualité.
Un autre motif, qui a
occasionné l’élévation du prix des fusils confectionnés avec de bons matériaux,
c’est que la France a acheté à la Belgique 78 mille fusils fabriqués de toutes
pièces. Cette concurrence a haussé la valeur des fusils sur le marché.
Quant aux fusils qui se chargent par la culasse, j’en
ai vu l’inventeur, Robert ; je me suis convaincu qu’ils étaient supérieurs aux
fusils à silex ; j’en ai commandé 3,000. Ils seront payés sur les fonds de 1832
; voilà pourquoi ils ne figurent pas dans le budget actuel.
Relativement aux canons qui se chargent par la
culasse, cette idée avait déjà été conçue par un nommé Jobard, auquel on a
permis de faire, à Liége, toutes les épreuves possibles. Il n’a pas
complétement réussi.
Montigny, qui a eu la même pensée que Jobard, demande
aussi à faire des épreuves à la fonderie de Liège. Il en aura l’autorisation.
M. A. Rodenbach. - Je ne veux pas qu’on publie l’inventaire de notre
matériel : nous ne sommes pas un vaste pays comme la France. L’ennemi est à nos
portes ; il ne faut pas l’instruire de nos forces. Ceux des membres de
l’assemblée qui voudraient avoir des détails sur notre matériel, peuvent
demander des renseignements au ministre de la guerre qui ne les refusera pas.
On vient de parler d’essais ; je suis partisan des
essais ; mais ils ne conviennent pas à notre petit Etat ; je comprends que cela
peut convenir à la France, Nous avons le mortier monstre ; un seul coup coûte
300 fr. ; voilà un essai trop cher pour nous.
M. Gendebien. - Je ne pense pas qu’il y ait de l’indiscrétion dans
la demande de M. H. Vilain XIII ; je l’aurais faite s’il ne m’eût pas devancé.
Nos voisins savent aussi bien que nous, s’ils ne le savent pas mieux, ce que
nous avons dans nos magasins, et le nombre des hommes qui sont sous les armes.
Je ne vois pas qu’il faille leur rien cacher ; il est
bon qu’ils connaissent nos forces ; il est bon qu’on fasse connaître à nos amis
et à nos ennemis quelle est notre puissance. Si les fonds pour le matériel ne
sont pas suffisants, nous en donnerons d’autres pour compléter l’armement.
Si les fusils qui se chargent par la culasse sont
bons, 3.000 fr. ne sont pas suffisants : je voudrais que les régiments de
chasseurs, que les voltigeurs et les grenadiers des autres régiments fussent
armés de ces fusils. Quant aux compagnies du centre, l’effet de leurs armes à
feu est moins grand : leur avantage c’est de rester en masse sous le canon, Ce
sont les tirailleurs qui ont besoin de bonnes armes à feu. Ne vaudrait-il pas
mieux commander 12,000 fusils pour armer, comme je l’ai dit, les régiments de
chasseurs à pied et les compagnies d’élite des autres corps de l’infanterie ?
M. H. Vilain XIIII. - Il y a danger de mettre au jour l’état effectif
des forces d’un Etat quand cet effectif est trop faible ; au reste, l’effectif
est en partie dévoilé par le budget lui-même. J’insiste donc sur ma demande ;
cependant, je prierai M. le ministre de restreindre son rapport dans les bornes
que l’intérêt du pays commandera.
- Le chiffre de un million, demandé par M. le ministre
de la guerre, est mis aux voix et adopté.
Article
2
« Art. 2. Matériel du génie : fr.
1,000,000. »
M. le ministre de la guerre avait demandé 1,100,000
fr.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois répondre ici à une observation faite par
M. Desmaisières, relativement à des réparations de bâtiments à Mons. J’avais
d’abord porté le chiffre à 83,000 fr., et je ne l’ai porté ensuite qu’à 23,000
fr. ; c’est parce que le paiement d’une somme de 60,000 fr. doit s’effectuer
sur le budget de l’année dernière et que nous avons remarqué que les
certificats pourraient se rapporter aux budgets de 1831 ou 1832.
J’ai fait
connaître que la restauration de la citadelle d’Anvers présente un total de
150,000 fr. ; que le déblaiement des barricades dans l’intérieur de la ville
coûtera 50,000 fr. ; que les réparations de la Tête-de-Flandres coûteront
30,000 fr.
Vous avez encore des réparations à faire aux forts
Lacroix, Sainte-Marie, etc. On a déjà employé pour digue et déblaiement de la
ville d’Anvers une somme de 180,000 francs.
Toutes les dépenses que je demande sont indispensables
et urgentes : je prie donc la chambre de m’accorder 1,100,000 fr.
M. Osy. - Je vois
des sommes allouées pour l’entretien de forteresses qui doivent être démolies
d’après un traité : s’il est vrai qu’elles doivent être démolies, je ne conçois
pas comment on peut voter des fonds pour les entretenir. Je ne comprends pas
non plus pourquoi on ne nous soumet pas le traité qui exige les démolitions.
D’après la constitution, tout traité de cette nature doit être soumis aux
chambres.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. Goblet). - Sans entrer
sur ce qui serait relatif à l’existence de ce traité je dirai que les sommes
portées pour Mons, Marienbourg, Menin et Philippeville sont restreintes aux
dépenses nécessaires pour l’entretien des bâtiments militaires et des ponts qui
permettent le passage dans ces forteresses.
Ces forteresses ne peuvent être négligées sous ces
rapports. Les bâtiments militaires pourront être vendus quand on rasera les
forteresses, et ils seront mieux vendus s’ils sont en bon état : actuellement
les ponts et les passages sont indispensables pour les communications, pour la
circulation, et il est indispensable de les bien entretenir.
M. Brabant, rapporteur. - Je dois faire observer qu’en effet la somme de 8,000 fr. portée pour
Menin est pour un pont.
M. Osy.
- Je vois qu’on nous demande une somme pour réparation de la citadelle
d’Anvers. Le gouvernement provisoire avait pris un arrêté pour que cette
citadelle fût rasée aussitôt qu’on nous l’aurait rendue. Je crois bien que,
dans les circonstances actuelles, il serait dangereux de la raser ; mais je
crois que la citadelle d’Anvers devrait ne plus servir que comme fort
extérieur, que comme la continuation et le complément des travaux qui entourent
la ville.
D’ailleurs que veut-on faire de la citadelle ? Il n’y
a plus un bâtiment debout ; elle ne pourrait tenir un jour si on la sépare de
la ville. Si on s’en sert comme prolongation des fortifications de la ville d’Anvers,
alors il ne faut que les fonds nécessaires au rétablissement des revêtements
qui ont été battus par l’artillerie française.
On nous demande
aussi une somme pour le déblaiement des barricades ; je crois que le génie
militaire n’a point à faire le pavage.
Je demande des explications à M. le ministre sur ces
deux objets.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement provisoire n’a pas décrété que la citadelle
d’Anvers serait rasée. L’honorable M. de Robiano, alors gouverneur de la
province, fit au gouvernement provisoire la proposition d’adopter un projet
d’arrêté d’après lequel les fronts qui regardent la ville seraient démolis. Le
gouvernement provisoire a adopté la proposition ; mais elle n’a eu de suite, et
n’a pas été insérée au Bulletin officiel.
M. de Brouckere. - Je trouve à l’article 2 un paragraphe qui me paraît singulièrement
placé, c’est celui relatif aux frais de bureau des commandants du génie. Nous
avons déjà voté un article spécial pour les frais de bureau ; d’où vient que le
génie a de nouveaux frais de bureau ici pour ses commandants ? Si ces
commandants sont les mêmes que ceux pour lesquels nous avons déjà voté des
indemnités, il y a double emploi ; s ils ne sont pas les mêmes, il fallait les
placer au chapitre 3 et non ici.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - Au chapitre 3 se trouvent les frais de
bureau pour les commandants du génie ; mais maintenant les frais de bureau pour
le matériel du génie sont ceux qui sont donnés aux commandants du génie dans
les places. Ces officiers sont tenus de déclarer sur leur honneur ce qu’ils ont
dépensé en papier, en couleurs, en transcription d’écritures, et on les
rembourse sur la présentation de leur mémoire.
Le total de ces frais est porté au budget pour 15,000
fr.
Quant à la restauration de la citadelle d’Anvers, je
dirai qu’elle n’a lieu que pour les fronts qui ont été attaqués, et que l’on ne
fait rien sur le front qui regarde la ville ; ce front reste dans l’état où il
est.
M. Gendebien.
- Il est indubitable que l’arrêté du gouvernement provisoire relatif à la
citadelle d’Anvers n’a pas force de loi ; cet arrêté était un simple acte
administratif. Cependant, je crois que les motifs qui ont déterminé le
gouvernement provisoire à prendre cet arrêté existent encore. Les citadelles,
en général, sont plutôt faites contre les populations que contre l’ennemi. Nous
avons, dans le gouvernement provisoire, cru faire acte de civisme en donnant
l’ordre de détruire le revêtement qui regarde la ville ; le gouvernement actuel
devrait exécuter ce que le gouvernement provisoire méditait de faire.
La citadelle ne peut servir qu’à effrayer les
Anversois et qu’à les ruiner. Que la citadelle soit dans les mains de nos amis
ou de nos ennemis, elle est menaçante pour la ville ; c’est un instrument fatal
qu’il ne faut pas laisser dans les mains du gouvernement. L’histoire de la
ville d’Anvers prouve que la citadelle lui a plus souvent été funeste qu’utile.
Relativement aux fonds demandés pour l’entretien des
fortifications, je vois dans ce paragraphe figurer les villes de Bruxelles
Louvain, la prison de Vilvorde, où je ne crois pas qu’il existe de
fortifications ; si la somme demandée pour Bruxelles est pour entretenir la
poudrière, j’en demanderai la suppression : un magasin à poudre effraie cette
capitale. Les magasins exigent des transports de poudre, et Bruxelles a le souvenir
d’explosions qui ont eu lieu pendant ces transports.
Je demande si l’on est dans
l’intention de détruire le magasin à poudre.
Dans les dépenses du corps du génie je trouve une
somme pour frais de surveillance extraordinaire : mais le corps du génie est
payé quand il ne fait rien, pourquoi veut-il être payé quand il a une besogne
extraordinaire ?
Je vois aussi « frais de loyer : » est-ce
qu’il y a encore quelques officiers richement rétribués qu’il faut loger ?
Est-ce que des officiers avec de gros traitements ne peuvent pas se loger ?
Enfin, je vois un paragraphe intitulé « Dépenses
diverses. » C’est là un article de dépenses imprévues ; pourquoi faire
deux articles sur le même objet ? Il fallait réunir tout en un seul.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - A Arlon, Vilvorde,
Louvain, Bruxelles, il y a des bâtiments militaires ; les sommes affectées à
ces places sont pour l’entretien de ces bâtiments.
A Bruxelles j’ai donné les ordres pour que l’on évacue
entièrement les poudres qui s’y trouvent : les bâtiments qui les contenaient
doivent être incessamment rasés pour terminer les boulevards.
Il y a dans chaque place de guerre des gardes et
conducteurs des travaux du génie ; ces conducteurs ne sont quelquefois pas en
nombre suffisant pour surveiller les ouvriers quand les travaux sont
considérables ; alors il faut leur adjoindre d’autres surveillants ; c’est là
ce qui est exprimé par surveillance extraordinaire, 7,200 fr. sont destinés au
paiement des hommes que dans certaines places on est obligé de prendre pour
surveiller momentanément les travailleurs.
Quant aux frais divers je ne saurais entrer dans le
détail de ces dépenses ; les fonds qui leur sont affectés se retrouvent au
budget quand ils ne sont pas employés.
M. Verdussen. - Une des sommes qui est demandée pour réparations
des fortifications d’Anvers ne s’applique qu’aux réparations extérieures, nous
dit le ministre ; cependant ce n’est pas par-là que les travaux ont commencé :
on a commencé par réparer les dégâts que les bombes françaises ont causés sur
les revêtements qui regardent l’intérieur de la ville. M, le ministre de la
guerre a les meilleures intentions, je me plais à le reconnaître, mais
malheureusement elles ne sont pas toujours remplies par ceux qui sont chargés
de les exécuter.
On a dit que les citadelles étaient en général
construites contre les villes plutôt que contre l’ennemi. Les faits prouvent
cette assertion : qu’on se reporte à l’origine de la citadelle d’Anvers et l’on
en sera convaincu. L’arrêté du gouvernement provisoire, pris dans les
meilleures vues, a malheureusement été pris dix jours trop tard. Sans ce
retard, il aurait eu force de loi.
M. Legrelle.
- Je suis charmé que les honorables préopinants aient soulevé la question ; car
si j’avais été le seul à parler en faveur d’Anvers contre la partie de la
citadelle qui semble menacer cette ville, j’aurais paru en quelque sorte animé
par un intérêt trop exclusif. Il est certain, messieurs, que la citadelle,
après avoir menacé la ville d’Anvers pendant 27 mois, et être tombée devant les
canons des Français, a été presque aussitôt reconstruite ; il semble que
l’autorité n’ait pas même voulu laisser aux habitants du pays le temps de la
réflexion. Je ne rappellerai pas l’arrêté du gouvernement provisoire,
arrêté-loi pour ainsi dire qui avait consolé les Anversois ; mais je ferai
remarquer à la chambre que cette question est une question de haute politique.
J’aurais désiré que les bastions et les revêtements qui regardent la ville
n’eussent pas été réparés, et c’est par là qu’on a commencé, quoique cela ne
puisse être aucunement utile puisqu’il n’y a plus de bâtiments de ce côté. On
s’en est plaint, et des réclamations ont été faites à cet égard contre les
dispositions du génie. Je rends toute justice à M. le ministre de la guerre ;
je sais que ce n’est pas à lui qu’il faut imputer ce fait ; mais je crois
aussi, comme M. Verdussen, que ses intentions ne sont pas remplies.
Pour montrer que je rends toute justice à M. le
ministre de la guerre, je répondrai à une observation présentée par M. Osy. Cet
honorable membre a dit que la somme de 50,000 fr. demandée pour déblaiement des
barricades et des retranchements intérieurs dans la place d’Anvers, comblement
des travaux d’attaque, etc., était trop élevée ; et moi je ne la trouve pas
assez élevée. Et ce qui le prouve, c’est que les deux adjudications qui ont été
faites pour exécuter une partie de ces travaux se montent, l’une à 32,000 fr.
et l’autre à 15,000. Ainsi donc le crédit, loin d’être exagéré, n’est pas
suffisant.
Je ferai maintenant une
interpellation à MM. les ministres que l’objet dont je vais parler concerne.
Ces messieurs ignorent peut-être que, pendant les hostilités, qui ont duré un
mois, des dégâts immenses ont eu lieu non seulement à l’extérieur, mais dans
l’intérieur de la ville : là un grand nombre de boulets sont venus frapper les
maisons de malheureux, qui se trouvent aujourd’hui plongés dans la plus
affreuse misère. Ils ont souffert dans l’intérêt de l’Etat, et, depuis trois
mois, ils n’ont rien reçu. Toutes les démarches que j’ai faites moi-même sont
restées sans succès ; je n’ai pas obtenu une obole pour les habitants de la
5ème section. La somme de 2,500 fr., qui a été portée au Moniteur, était destinée pour payer les dommages essuyés en 1830 :
mais les habitants d’Anvers qui ont souffert pendant le siège n’ont encore rien
eu, sinon un secours qu’ils doivent à la munificence du Roi. Il me semble,
messieurs, qu’il est temps que le gouvernement pense à adoucir la condition de
ces malheureuses victimes.
M. A. Rodenbach. - Je crois que MM. les ministres ne seront pas
démolisseurs en vertu d’un arrêté du gouvernement provisoire. Quant à moi, loin
de demander que la citadelle d’Anvers soit rasée, j’insisterai, au contraire,
pour qu’elle soit complétement remise en état, et le plus tôt possible. On a
dit, messieurs, que les citadelles étaient élevées contre les villes : il y a
peut-être quelque chose de vrai dans cette assertion. Mais si Anvers pouvait
réclamer la destruction de sa citadelle, alors Mons, Namur, Menin, Gand,
seraient en droit d’avoir des prétentions semblables, et d’honorables membres,
qui siègent dans cette enceinte, pourraient les faire valoir. Par exemple, M.
Pirson parlerait en faveur de Dinant, M. de Robaulx pour Liége, et M. Brabant
pour Namur, etc. (rire général), et
de cette manière on en viendrait à raser toutes les forteresses de la Belgique.
Messieurs, la sainte-alliance nous a considérés comme neutres ; mais ce n’est
pas sous ce point de vue que j’envisage mon pays. Nous avons encore plus de
100,000 hommes sous les armes, et nous pouvons venger les événements du mois
d’août. Au lieu de me prononcer pour que l’on rase la citadelle d’Anvers, je
sois prêt à accorder, si cela est nécessaire, une augmentation de crédit pour
sa réparation complète. Le temps peut venir où elle soit d’une extrême utilité
pour notre défense.
M. Osy. - Je ne me
suis pas appuyé sur l’arrêté du gouvernement provisoire pour demander la
démolition de la citadelle d’Anvers ; j’ai dit seulement qu’il ne me semblait
pas convenable de la réparer du côté de la ville, d’autant plus que ces travaux
ne serviraient à rien, puisque du côté de la ville il ne reste plus de
bâtiments.
M. de Robiano de Borsbeek. - Messieurs, lorsque le gouvernement provisoire a
accédé à la demande de démolir une partie de la citadelle d’Anvers, le fatal
traité des 24 articles ni celui des 18 articles n’avaient encore été imposés à
la Belgique. Alors on avait la confiance de posséder un jour Maestricht, de
prendre une position forte ; mais cette confiance a été déçue, et depuis ce
temps, à partir d’Anvers jusqu’à Luxembourg, nous n’avons pas de défense, le
pays est livré à l’ennemi. Je frémis quand j’y pense. Ce n’est pas moi qui
pourrai consentir à ce que cette forteresse soit détruite, et je voterais au
besoin pour une augmentation, comme mon honorable collègue M. Rodenbach. Nous
avons une armée de 100,000 hommes, et l’ennemi en a autant. En cas d’hostilités
il faudrait des troupes considérables pour nous défendre du côté d’Anvers, sans
la citadelle ; tandis qu’avec cette forteresse, une garnison qu’on saurait
appuyée par derrière d’une armée patriote en fera un point inexpugnable. Il
faut donc que les Anversois se résignent aussi bien que les habitants des
autres villes fortes à voir subsister la citadelle. C’est avec plaisir que j’ai
vu l’empressement qu’on mettait à la réparer. Cette réparation cause de grands
travaux, et si la somme portée au budget que nous discutons ne suffit pas pour
les casernes, pour les bâtiments, votons une somme plus considérable. Dans le
cas où la citadelle serait investie, c’est dans les casemates que nos soldats
devraient vivre, et ils y resteraient avec d’autant plus de patience et de
longanimité qu’ils en auraient reçu l’exemple des Hollandais. Il est donc
nécessaire de faire toutes les réparations convenables.
M. Brabant. - La somme qui est portée au budget de la guerre est
relative à des travaux qui sont déjà à peu près effectués ; il ne s’agit que de
régulariser ce qui a déjà été accordé par des crédits provisoires.
On a fait beaucoup de bruit des travaux du front de la
citadelle du côté de la ville d’Anvers. Messieurs, il n’est peut-être personne
de vous qui ne soit allé la visiter, et vous avez pu voir que cette partie n’a
presque en rien souffert ; le peu d’ouvrages qu’on y a faits sont des travaux
de terrassement.
Je sais bien que la citadelle peut être menaçante
contre la population de la ville ; mais, depuis deux cents ans, elle n’a servi
que deux fois à les alarmer. Du reste, il y avait un moyen de ne pas en être
inquiet, c’était de la prendre et de faire comme ont fait les autres habitants
des villes fortes. (On rit.)
M. Verdussen. - C’était une chose impossible au moment de la
dernière révolution.
M. Legrelle. - M. A. Rodenbach a dénaturé mes paroles. J’ai dit
que cette question était une question de haute politique, et j’ai regretté
qu’on eût commencé les travaux du côté qui menaçait la ville. En effet, il est
possible que d’ici à des années, à des siècles, la citadelle tombe encore aux
mains de l’ennemi, et les habitants seraient de nouveau exposés à d’affreux
dégâts.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - -
L’honorable M. Legrelle parlé d’immenses dégâts faits à l’intérieur et à
l’extérieur d’Anvers. J’ai chargé le gouverneur civil et des officiers du génie
de constater ces dégâts ; plusieurs états m’ont déjà été remis, et ils se
montent à des sommes considérables ; mais il y a deux distinctions à faire pour
l’application de l’indemnité. C’est principalement dans le village de Berghem
et environs qu’ont eu lieu les plus grands dommages. Il y a eu des parcs
entiers abattus, des bâtiments, des granges détruites ; mais ces dégâts ont été
commis par les troupes françaises, et ce sera une question de savoir de quelle
manière les habitants devront être indemnisés. En attendant, le gouvernement a
ordonné une expertise qui s’élève déjà à 400.000 fr. On avisera plus tard au
moyen de faire payer les indemnités.
M. Gendebien.
- M. de Robiano vous a dit, messieurs, que l’arrêté du gouvernement provisoire,
relatif à la citadelle d’Anvers, était une bonne chose à l’époque où il avait
été pris, mais que tout était bien changé depuis que les traités des 18 et des
24 articles nous ont été imposés. En vérité, je ne conçois pas comment
l’honorable membre ne trouve pas de garantie dans ces traités, lui qui a une
foi si candide dans la diplomatie. (On
rit.)
M. Pirson.
- Ce n’est pas là la question.
M. Gendebien.
- Je prierai M. Pirson de ne pas m’interrompre, et de me répondre après que
j’aurai parlé ; je l’écouterai avec beaucoup de plaisir. Je suis parfaitement
dans la question. Je dis que je suis étonné que l’honorable M. de Robiano, qui
a une foi si candide dans la diplomatie, ne trouve pas de garantie dans les
traités. Les 24 articles constituent notre neutralité ; vous avez foi dans ce
traité ; donc vous ne pouvez pas l’invoquer pour montrer que nous devons
conserver nos forteresses.
On a parlé des fortifications des villes qu’il
faudrait détruire si on le faisait à l’égard de la citadelle d’Anvers ; mais il
n’y là aucune analogie : Anvers est déjà suffisamment défendu par les
fortifications dont il est entouré. Une considération capitale que je vous prie
de peser, messieurs, c’est que cette citadelle est de nature à éloigner le
commerce de la ville. Il n’en est aucune dans la Belgique qui présente ce
caractère tout spécial d’une cité de commerce avec un des ports les plus
fréquentés, les plus favorablement situés. Vous le savez, le commerce n’a pour
aliment que la confiance, et il faut faire disparaître autant que possible ce
qui est susceptible de la gêner.
Je dirai ici ma pensée tout
entière. En décembre 1830 et en janvier 1831, il était question de plusieurs
projets de partage et d’occupation. Dans tous ces projets, la citadelle
d’Anvers devait être occupée par d’autres que par nous. Jugez maintenant si
vous voulez vous voir exposés un jour à laisser tenir la citadelle par des
troupes étrangères, par une garnison anglaise. Ce qui a été agité en décembre
1830 et en janvier 1831 peut se renouveler encore ; car, comparez a ces époques
celle où nous nous trouvons ; réfléchissez si nous sommes plus en sécurité
contre une occupation et contre un partage.
Si donc vous voulez considérer la citadelle d’Anvers
eu égard à la ville, au commerce, au port, vous détruirez la partie qui menace
la ville. Quant à l’autre partie, loin d’en proposer la démolition, je
demanderai qu’elle soit réparée le plus promptement possible, Quant au reproche
de n’avoir pas pris la citadelle, il n’est plus temps de le faire. Je
rappellerai seulement que dans le 16ème siècle les Anversois s’en emparèrent et
la démolirent.
M. de Robiano de Borsbeek. - Je ne sais
pas s’il y a dans cette assemblée un autre membre que M. Gendebien qui croie
que j’ai une foi candide dans la diplomatie. Je m’en rapporte à cet égard à ce
que j’ai écrit et publié...
M. Gendebien. - Je m’en rapporte moi à ce que vous ayez dit à la
chambre.
M. de Robiano.
- Eh bien, j’en appelle à ce que j’ai dit à la chambre, et je crois qu’on ne
pourra y trouver que j’ai eu pleine confiance dans la diplomatie. Du reste, je
n’ai eu aucunement l’intention d’inculper le gouvernement provisoire ; j’ai dit
seulement que lorsqu’il avait pris son arrêté, nous voyions un avenir meilleur
et plus certain, mais que les traités des 18 et des 24 articles nous avaient
placés dans une position toute différente ; et j’ai ajouté que dans ces
circonstances il fallait conserver un de nos principaux moyens de défense, qui
pouvait sauver le pays. (Aux voix !)
M. Legrelle. - Je désire faire
une observation relativement à ce qu’a dit M. le ministre de la guerre. (Aux voix ! aux voix !)
Je ne veux dire qu’un mot. Je suis d’accord avec M. le
ministre sur les indemnités résultant du chef des dégâts commis pendant le
siège d’Anvers ; mais il vient de me dire qu’il n’y avait pas moyen de les
payer, parce qu’il n’a pas de fonds pour cet objet. Il nous a fait entendre que
c’était une question à décider avec la France, que de savoir qui paierait
d’elle ou de nous. Mais, pour peu que la solution de cette question traîne en
longueur, des malheureux qui se trouvent dans le dénuement le plus absolu vont
mourir de faim. Vous avez un exemple récent messieurs : le quatrième membre
d’une famille victime de ces dégâts s’est noyé dernièrement parce que le pain
lui manquait.
M. de Brouckere. - Je ferai remarquer que cet objet est tout à fait
en dehors de la question. Nous sommes occupés en ce moment des fortifications.
Si de malheureux habitants de la ville d’Anvers sont réduits à la misère, que
la régence vienne à leur secours.
M. A. Rodenbach. - C’est ce que j’allais dire aussi. D’ailleurs, je
suis étonné que, dans une ville où il y a plus de vingt millionnaires, on
laisse les gens mourir de faim. (On rit.)
(La clôture ! la clôture !)
M. Dumortier.
- Je suis fâché qu’on ait soulevé une question étrangère à l’objet en
délibération ; mais, puisqu’on l’a entamée, il me semble qu’il faudrait la
vider... (La clôture ! la clôture !)
J’ai eu occasion de voir dans le courant de la semaine
des personnes dont les propriétés ont été dévastées par suite de l’occupation
de l’armée française, et qui s’adressent vainement au ministre de la guerre et
aux tribunaux. (Les cris : la clôture !
deviennent plus répétés.)
M. Poschet
prononce quelques mots qui ne parviennent pas jusqu’à nous.
Le chiffre de 1,100,000 fr. proposé par M. le ministre
de la guerre est mis aux voix et adopté.
Chapitre VII. -
Traitements de disponibilité, non-activité et pensions
On passe au chapitre contenant un article unique
relatif aux traitements de disponibilité et de non-activité.
M. le ministre de la guerre demande de ce chef un
crédit de 422,760 fr.
La section centrale propose de le réduire à 386,260
fr.
M. de Brouckere. - Je reviendrai sur l’observation que j’ai déjà faite, tendante à ce
que M. le ministre de la guerre prenne une mesure relativement aux officiers qui
touchent des traitements alors qu’ils ne rendent aucun service. S’ils sont
propres à être replacés, qu’on les emploie ; j’ai la conviction que parmi eux
il y en a plusieurs en état de servir. Si, au contraire, ils sont impropres au
service, qu’on les mette en non-activité, et qu’on diminue la dépense.
M. de Robaulx. - Il s’agit ici du personnel des officiers non
employés, et qui cependant sont payés par l’Etat. Je me rappelle fort bien que par
une mesure du gouvernement provisoire on a publié les noms de ceux qui
touchaient des pensions du trésor, et que cette publication produisit un effet
très salutaire. Il y avait des hommes qui, sous le titre d’anciens militaires,
et pour avoir servi sous je ne sais quel prince d’Autriche, recevaient 1,500
fl. de pension, et qui étaient immensément riches. Eh bien ! quand ils ont su
qu’une liste allait être publiée, ces gens-là se sont fait justice à eux-mêmes.
Je désire encore que la liste nominative de ceux qui touchent au râtelier de la
guerre, qui y mangent (on rit), soit
imprimée, et qu’elle soit communiquée à la chambre. Elle comprendrait les
officiers en disponibilité et en non-activité…
M. Brabant, rapporteur. - Cela existe, cette liste est sur le bureau.
M. de Robaulx. - Je ne l’ai pas vue. D’ailleurs, il ne suffit pas qu’elle soit sur le
bureau, il faut qu’elle soit distribuée aux membres. Je suis persuadé qu’on y
trouverait beaucoup de gens qui touchent des sommes de l’Etat comme généraux,
comme colonels, etc., pour des services qu’ils ne rendent pas.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - J’appuie très volontiers la proposition de
l’honorable M. de Robaulx, et il pourra
en résulter un grand bien. J’ai déjà donné des ordres pour qu’on fasse une
revue de chaque officier en disponibilité ou en non-activité, et que l’on
constate ses services et ses droits. Tous ceux qui seront en état de reprendre
du service seront replacés après les vacances. Quant à ceux qui sont en
non-activité, je demande moi-même que la liste en soit imprimée et publiée.
C’est une mesure très utile et dont j’ai fait l’expérience en France.
M. de Robaulx. - Quoique je ne sois pas très
flatteur, je dois remercier M. le ministre de la guerre de la manière
officieuse dont il répond à toutes nos interpellations. Il n’hésite pas, comme
tous nos ministres précédents, il répond à l’instant même ; c’est qu’il connaît
son affaire. (Rires d’approbation.)
M. Gendebien.
- Je ne connais pas non plus la liste dont il s’agit, et j’appuie la
proposition de M. de Robaulx. Cependant je ferai une observation. Il serait bon
que l’on annonçât d’avance que cette liste sera publiée dans 15 jours ou 3
semaines, car il y a tel fonctionnaire qui, pour ne pas voir imprimer son nom,
renoncerait à ce qu’il reçoit de l’Etat, tandis que s’il n’était pas prévenu
une fois qu’il aurait subi la honte, il continuerait à toucher son allocation.
Du reste, je pense que c’est au ministre des finances à faire la publication de
la liste générale des pensionnaires, sauf au ministre de la guerre à faire
imprimer la liste de ceux qui, à un titre quelconque, mangent à son budget.
Je prierai aussi M. le ministre de la guerre de faire
une revue générale des officiers en disponibilité et en non-activité. De
grandes injustices ont été commises, il est temps enfin de les réparer toutes.
Il en est plusieurs à ma connaissance qui sont très capables de servir et qui
se sont toujours montrés dévoués au pays et à la révolution. Il est une
catégorie toute spéciale à l’égard de laquelle il y a nécessité de prendre un
parti définitif. Ou ils ne méritent aucune confiance ou ils sont criminels, et
dans ce cas ils ne doivent être placés dans aucune catégorie ; ou ils ont été
trompés, et dans ce cas ils méritent notre indulgence et n’ont point perdu
notre confiance.
Je veux parler des officiers qui, au mois de mars
1831, ont été dupes de supérieurs qu’ils croyaient mériter leur confiance et
jouir d’une influence par leur position sociale ou par leur grade. Ils étaient
ou au moins ils se disaient à la tête de la conspiration de cette époque ;
ceux-là seuls sont vraiment criminels. Ces officiers trompés, il est vrai,
n’ont pas moins commis une faute grave, mais c’est plutôt une faute
d’irréflexion qu’autre chose. Or, lorsque je vois ceux qui étaient à la tête de
cette conspiration comblés de faveurs aujourd’hui et possédant, en apparence du
moins, la confiance du gouvernement, je m’étonne qu’on
persiste à repousser des hommes qui n’ont été que dupes ; les vrais coupables
sont ceux qui, après les avoir compromis, les ont abandonnés, et, pour se
réhabiliter, ont calomnié ceux qu’ils n’ont pu tromper ou entraîner. Je ne
citerai personne, mais un jour viendra où je publierai cet incident de notre
révolution, et l’on sera étonné de voir que ce sont ceux qui ont compromis ces
officiers qui sont en faveur. Du reste, il est temps de passer l’éponge sur
tout cela. Si je crains des arrière-pensées, ce n’est pas dans les officiers
belges, ils ont une patrie à défendre, ils doivent être convaincus qu’une
restauration est maintenant impossible, parce que, si la faiblesse du
gouvernement nous y conduit, la masse du peuple n’en veut pas, et il saura
toujours répondre à la voix des patriotes sincères ; il n’y a aujourd’hui aucun
inconvénient à les employer, la patrie aura bientôt besoin de tous ses enfants.
J’en connais quelques-uns depuis mon enfance, je ne
les ai jamais perdus de vue depuis 25 ans, et je puis dire qu’ils n’ont jamais
manqué à l’honneur. (Aux voix ! aux voix
!)
Plusieurs voix. - Et la
liste !
M. de Robaulx. - M. le ministre de la guerre nous a dit lui-même qu’il était d’avis
de cette impression. C’est à lui que nous devons en laisser le soin. (Oui ! oui !)
- Le chiffre de 386,260 fr., proposé par la
commission, est mis aux voix et adopté.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION COMMUNALE
Ici, M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) demande la
parole pour une communication du gouvernement.
La discussion est suspendue, et M. le ministre de
l’intérieur présente dans les termes suivants l’exposé des motifs d’un projet
de loi communal. (L’assemblée le dispense de lire ce projet. Voir au supplément
ce projet de loi.) - Messieurs, le congrès national ayant déclaré, dans
l’article final de la constitution, qu’il était nécessaire de pourvoir par une
loi séparée, à l’organisation communale, M. de Sauvage, ministre de
l’intérieur, présenta au congrès un projet de loi sur cette matière. Le projet
fut imprimé et distribué, mais ne put, par suite des circonstances, être
discuté ni adopté.
Au mois de septembre 1831, le Roi, prenant en
considération que les projets de loi relatifs à l’organisation provinciale et
communale avaient besoin d’être soumis à un mûr examen, nomma à cet effet une
commission composée de MM. le baron de Stassart, président du sénat, le baron
Beyts, sénateur, Lebeau, Devaux de Theux, Jullien, Barthélemy, représentants.
La commission s’installa immédiatement et commença son
travail par l’organisation provinciale. Le projet qu’elle rédigea fut présenté,
après de légères modifications, à la chambre des représentants, par mon
prédécesseur, dans la séance du 2 décembre 1831.
La commission s’occupa ensuite de l’organisation
communale, et prépara un premier projet qui fut envoyé à l’examen des états
députés et de MM. les commissaires de district de toutes les provinces pour
recevoir leurs observations. Après que ces observations eurent été recueillies
au ministère de l’intérieur, la commission se réunit de nouveau pour en prendre
communication, et fit par suite subir des modifications à son travail primitif.
Le projet définitif qu’elle vient de mettre sous les
yeux du Roi, outre qu’il se trouve en harmonie avec le projet de loi provincial
rédigé par la même commission, a paru au gouvernement réunir les conditions
nécessaires pour que, d’une part, l’exécution des lois et des mesures
d’administration générale fût suffisamment assurée dans les communes, et que,
d’autre part, les intérêts communaux fussent fortement garantis.
Le gouvernement n’a donc pas
hésité à adopter le projet de loi, tel qu’il a été présenté à S. M. par la
commission, et il a cru satisfaire au juste désir des chambres et du pays, en
ne retardant pas davantage la présentation de ce projet.
Je dois ajouter une observation sur le mode de
publication de ce projet de loi. Mon intention est de le faire imprimer au Moniteur. On pourrait former des
colonnes du Moniteur une brochure
in-octavo, et il en résulterait de l’économie pour les chambres. Cette brochure
aurait la forme de celle sur le chemin en fer, jointe au mémoire de MM. Simons
et de Ridder. (Appuyé !)
M. le président.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi
communal, Ce projet sera imprimé et distribué à MM. les membres de la chambre.
M. Dumortier.
- Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, le projet de loi que
vient de déposer sur le bureau M. le ministre de l'intérieur est un des plus
importants qui puisse s’offrir à la législature. Il doit compléter l’édifice
constitutionnel, et nous ne pouvons à cet égard nous entourer de trop de
lumières. Dans une circonstance précédente, quand il s’est agi de projet de loi
sur l’organisation judiciaire, on a adopté la proposition de le renvoyer à
l’examen des cours et tribunaux, et l’on en a retiré un grand fruit.
Aujourd’hui je viens faire une proposition semblable relativement au projet de
loi communal. Je crois savoir que M. le ministre de l’intérieur, avant de nous
remettre ce projet, l’a communiqué à MM. les gouverneurs et les commissaires de
districts.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Et aux députations des états.
M. Dumortier. - Et aux députations des états, En cela M. le
ministre a suivi parfaitement les intentions du gouvernement, et il a fait une
bonne chose. Mais je crois que de notre côté, dans l’intérêt des libertés
publiques, nous devons le renvoyer à l’examen de 12 ou 15 villes les plus
importantes de la Belgique. On pourrait même étendre cette mesure, si on le jugeait
convenable, mais je crois que cela suffirait. Cet envoi ne nous occasionnerait
aucun retard ; car, après les vacances que nous allons probablement prendre,
nous aurons à examiner les budgets qui nous occuperont au moins six semaines,
puis la loi sur les distilleries qui nous a été renvoyée par le sénat, ensuite
la loi provinciale, qui se compose de 130 ou 140 articles.
Indépendamment de tout cela,
nous aurons à examiner une foule de lois transitoires. Nous ne perdrons donc
aucun temps en adoptant cette mesure. Je fais la proposition que le projet de
loi communal soit renvoyé aux régences des 12 villes les plus importantes du
royaume, avec invitation d’y joindre leurs observations et de retourner le tout
dans le délai de 15 jours.
M. H. Vilain XIIII fait remarquer que ce serait une mesure incomplète,
et que si l’on veut procéder de cette manière, il faut renvoyer le projet de
loi à tous les chefs-lieux de canton.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si le gouvernement n’a pas consulté les régences,
ce n’est pas dans des vues d’intérêt particulier ; il n’a fait que suivre
l’impulsion qui lui a été donnée par la commission chargée de rédiger le projet
de loi ; il a consulté non seulement les gouverneurs, mais les députations des
états qui sont en ce moment la représentation des provinces, et les
commissaires de district qui dans beaucoup d’endroits se montrent plutôt les
représentants des localités que ceux du gouvernement. Dans tous les cas, le
projet sera imprimé dans le Moniteur,
et les régences pourront, après en avoir pris communication, adresser leurs
observations à la chambre.
M. Dumortier,
après quelques débats, modifie sa proposition, et il demande que le projet de
loi soit renvoyé à tous les chefs-lieux d’arrondissement, avec invitation de le
retourner dans le délai d’un mois.
M. H. Vilain XIIII présente un sous-amendement ayant pour but d’étendre
la mesure aux chefs-lieux de canton.
- Cette proposition est mise aux voix et rejetée.
Celle de M. Dumortier est mise ensuite aux voix.
Une double épreuve étant douteuse, on passe à l’appel
nominal. Sur 67 membres présents 29 votent pour et 38 contre. En conséquence
elle est rejetée.
Ont répondu oui : MM. Coppens, Corbisier, Dellafaille,
de Robiano, de Sécus, de Terbecq, de Stembier, Dubus, Dumortier, Duvivier,
Ernst, Goblet, Hye-Hoys, Jonet, Julien, Lebeau, Legrelle, Levae, Liedts,
Marcellis, Pirson, Poschet, Rogier, Ullens, J. Vanderbelen, Verdussen,
Vuylsteke, Watlet, Raikem.
Ont répondu non : MM. Angillis, Brabant, Cols, de
Bousies, de Brouckere, de Laminne, de Meer de Moorsel, de Renesse, de Robaulx,
de Roo, Desmaisières, Desmanet, Desmet, de Theux, Dewitte, Donny, Dumont,
Fallon, Fleussu, Fortamps, Helias d’Huddeghem, Lardinois, Mary, Milcamps, Morel
Danheel, Olislagers, Osy, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Speelman,
Thienpont, Vanderbelen, Verhagen, Vergauwen et H. Vilain XIIII.
M. le président.
- Nous allons revenir au budget.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
GUERRE POUR L’EXERCICE 1833
Discussion des articles
Chapitre VIII. - Vivres de campagne et fourrage en
nature
« Article
unique. Vivres de campagne et fourrages en nature : fr. 9,000,819 78 c. »
La section centrale a proposé une réduction de
1,120,819 fr. 78 c.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, quoique M. le ministre nous propose maintenant un chiffre
inférieur à celui de la section centrale, comme l’article est subdivisé en
plusieurs parties distinctes, que le tableau de ces divisions ne vient de
m’être remis qu’à l’instant, et que beaucoup de membres ne l’ont pas reçu, je
demande qu’on renvoie la discussion de ce chapitre à demain. (Appuyé !)
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - J’appuie volontiers la proposition de
l’honorable rapporteur ; je viens de recevoir le tableau, et il ne pourra être
distribué que ce soir, et je tiens à ce que chaque membre l’examine, parce
qu’il bouleverse tous les détails du budget.
M. Brabant, rapporteur. - Je dois vous faire observer, messieurs, que la section centrale ne
s’est occupée que des travaux de chiffres ; mais il faut des articles
réglementaires, et je demanderai si la chambre veut en confier la rédaction à
la section centrale ; elle suivrait le texte de ceux de l’année dernière, elle
pourrait vous faire son rapport demain. (Appuyé !)
M. le président.
- S’il n’y a pas d’opposition, la section centrale sera chargée de rédiger les
articles réglementaires. (Oui ! oui !)
M. de Theux. - Je demande que ces articles soient imprimés et
distribués. (Appuyé !) (A demain ! à demain !)
Plusieurs membres.
- Non ! non ! Continuons ; il n’est pas quatre heures !
M. le président.
- Ainsi, messieurs, nous avons ajourné le chapitre 8 ; nous allons passer au
chapitre 9.
Chapitre IX. - Dépenses imprévues
Article
unique
« Article unique. Dépenses imprévues : fr.
633,541. »
La section centrales proposé une réduction de 333,541
fr.
M. Desmaisières. - M. le ministre vous a fait connaître, messieurs, dans sa réponse au
rapport de la section centrale, qu’en 1832 il n’a été dépensé que 168,000 fl. sur
l’allocation pour frais imprévus ; et vous avez eu d’ailleurs sous les yeux le
relevé général de ces dépenses faites en 1832. Il est imprimé à la suite du
rapport de la section centrale.
Je dirai d’abord qu’il est étonnant qu’en 1833,
lorsque le quart de l’année est écoulé, lorsque la plus grande partie des
dépenses de première organisation ont été faites en 1831 et 1832, lorsqu’il ne
peut plus y avoir à dépenser, comme en 1832, 20,000 fl. pour achat de chevaux
et harnais de caissons, 19,000 fl. pour casernement, 10.000 fl. pour le service
contre les incendies dans la ville d’Anvers, qui n’est plus menacée du canon du
général Chassé ; 10,000 fl. pour indemnités aux corps francs, 12,000 fl. pour
indemnité, du changement d’uniforme, 1,977 florins pour remboursement à la
ville de Bruxelles de sommes avancées par elle aux pensionnés de Waterloo,
27,000 fl. pour frais de table aux généraux, qui ont été dépensés à tort sur
les frais imprévus ; 28,000 fl. pour la compagnie de marins qui est maintenant
comprise au chapitre 2 du budget (art. 11 L. R.) ; lorsque enfin, non seulement
la plupart des dépenses imprévues de 1832 sont maintenant prévues au budget,
mais qu’encore on a porté aussi au budget à présent beaucoup de dépenses
reconnues utiles et nécessaires, et qu’en 1832 l’on n’a ni prévues ni faites,
il est réellement étonnant, dis-je, que l’on demande, en 1833, en dépenses
imprévues, le double du chiffre qui a été dépensé en 1832.
On m’objectera peut-être qu’il faut avoir toute
confiance dans le ministre actuel, et que si la somme que nous allouerons pour
dépenses imprévues n’est pas nécessaire entièrement, il ne la dépensera pas.
Oui, messieurs, j’ai pleine et
entière confiance dans le ministre actuel ; mais qui peut m’assurer qu’il
occupera toujours ce poste ? D’ailleurs, les travaux soumis et à soumettre à la
législature sont tellement nombreux, que nous nous trouverons assemblés presque
toute l’année ; et que par conséquent, si des dépenses imprévues nécessitent
des crédits supplémentaires, le ministre sera toujours à même de nous demander
en temps notre assentiment, et au moins nous ne donnerons plus ainsi cet
assentiment sans connaissance de cause.
Enfin, j’ajouterai aux motifs que je viens de donner que
si nous adoptons la proposition des honorables MM. Pirson et de Robaulx, le
ministre sera mis à même de nous demander dans deux mois un supplément de
crédit à cet égard, s’il le juge nécessaire.
(Moniteur belge
n°95, du 5 avril 1833) M. le président. - Quelqu’un demande-t-il la parole ?
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je demande
la parole. Messieurs, conformément à ce qui est en usage dans les divers
ministères, j’ai demandé la centième partie du chiffre du budget pour dépenses
imprévues ; c’est pour cela que j’ai porté au chapitre IX 660,000 fr., calculés
sur un budget de 66 millions.
J’avais à ma disposition, pour 1832, un crédit de
361,000 fl. ; suivant le compte que j’ai soumis à la section centrale, je n’ai
encore dépensé que 68,000 fl. ; il reste donc 198,000 fl. de disponibles.
Cependant, comme je l’ai dit dans ma réponse au rapport de la section centrale,
il reste environ 50,000 fl. à liquider pour objets de casernement ; ainsi j’aurai
été loin de dépenser la totalité de la somme allouée.
Cette année, la réduction
qu’on a proposée de faire me paraît une défiance injuste à mon égard ; si la
section centrale persiste dans sa proposition, je ne pourrais voir cette
défiance qu’avec un sentiment pénible. Je dois déclarer ensuite que j’aurai
cette année plus de dépenses à faire ; ainsi il faut établir quatre camps. En
1831 et 1832 les fonds nécessaires pour ces établissements furent pris sur les
allocations du génie, qui alors n’étaient pas spécialisées, tandis
qu’aujourd’hui, où elles sont réglées par articles, je dois prendre les fonds
sur les dépenses imprévues, et ce seul objet s’élèvera de 100 à 120 mille
francs. D’un autre côté, cette dépense sera couverte par l’économie des
indemnités de logement en ce qu’on n’aura pas à donner les 21 centimes qu’on
accorde aux habitants, et il suffira qu’il y ait 6,000 hommes campés pendant
deux mois pour recevoir la somme dépensée ; ainsi, ce qui sera pris au chapitre
9 diminuera d’autant le chapitre 2, relatif aux soldes.
En conséquence des observations que je viens de vous
soumettre, je demande, messieurs, le maintien de l’allocation à 600,000 fr.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je vais
mettre l’article aux voix. M. le ministre s’est réduit à 600,000 fr., et la
section centrale propose d’en allouer la moitié, soit 300,000 fr.
M. Brabant, rapporteur. - Je demande la parole.
Messieurs, les raisons pour lesquelles la section centrale
a proposé de réduire le chiffre des dépenses imprévues, c’est principalement
l’abus qui a été fait l’année dernière de cette allocation, pour accorder des
frais de table et de représentation. Je pense qu’il sera bien entendu que cette
année on ne les prendra pas là ; si on veut en accorder, il faut que le
ministre en fasse la demande à la chambre comme allocation spéciale.
M. de Brouckere. - S’il n’y a pas d’allocation proposée, il faudra
bien prendre les fonds sur les dépenses imprévues.
M. Brabant, rapporteur. - M. le ministre, dans son contre-rapport, avait annoncé qu’il en
ferait un article spécial, et M. Desmaisières a présenté un amendement tendant
à réduire le chiffre à 42,000 fr.
M. Desmaisières. - J’avais déposé un amendement pour le cas où il y aurait une
proposition formelle du ministre ; autrement mon amendement n’a pas d’objet.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - J’ai dû nécessairement, l’année dernière,
prendre les frais de table et de représentation sur les dépenses imprévues,
puisqu’il n’y avait pas de crédit ouvert ; la même marche a été suivie pour
janvier et février, et je me proposais de demander à la chambre une allocation
spéciale de 14,000 fr. pour les deux mois expirés, et de 70,000 fr. pour les
dix autres mois. Ce supplément eût été ajouté au chapitre 2, parce que c’est un
supplément de solde, et c’est sur cette proposition que M. Desmaisières a demandé
une diminution de 42,00 fr. ; mais comme nous sommes arrivés au chapitre 9,
j’ai cru que je pourrais prendre la somme nécessaire sur ce chapitre, et la
reporter au chapitre 2. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Brouckere. - La section centrale propose de n’allouer que
300,000 fr., et en même temps le ministre demande le maintien de l’allocation
qu’il a proposée en voulant y prélever les frais de table et de représentation
; je trouve cette marche peu régulière, et il serait, suivant moi, beaucoup
plus rationnel que la chambre votât les 300,000 fr., et que le ministre nous
proposât un article supplémentaire ; mais il serait tout à fait irrégulier de
voter des fonds sur un chapitre pour les reporter sur un autre.
M. Jullien. - La proposition d’allouer des frais de table et de représentation
rentre dans ma proposition générale qui doit venir après l’article 9 ; je
l’avais ajournée, mais je viens de la reproduire et de la déposer sur le
bureau.
Maintenant que nous sommes aux dépenses imprévues, il
faut voter le chapitre quel qu’en soit le chiffre ; mais nous ne pouvons y
comprendre des frais de table, de représentation, et autres dépenses qui sont
prévues.
J’appuie par ces motifs la proposition du préopinant
d’allouer le chiffre des dépenses imprévues, sauf à proposer des allocations
spéciales.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - - Eclairé par la discussion qui a eu lieu sur
les frais de table et de représentation, et l’intention de la chambre étant de
ne pas les voir prélever sur les dépenses imprévues, je déclare que, quel que
soit le chiffre qui sera fixé pour le chapitre 9, aucun frais de table, de
représentation ou allocation quelconque pour supplément de traitement ne sera
prise sur ce chapitre ; je proposerai une disposition spéciale.
Mais cependant, pour les camps et bien d’autres
dépenses que je ne puis prévoir, je crois avoir une certaine latitude, et la
réduction qu’on propose me semblerait être une mesure de défiance. (Non ! non !)
M. Brabant, rapporteur. - La section centrale et son rapporteur ont eu trop
à se louer des procédés de M. le ministre de la guerre pour pouvoir concevoir la
moindre défiance de lui ; je puis déclarer au contraire que nous sommes remplis
de confiance en lui, et il en est digne à tous égards. Si donc la chambre
croyait devoir réduire le chiffre des dépenses imprévues, il ne peut y voir un
sentiment de défiance. (Appuyé !)
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - - Pour me
rapprocher autant que possible du chiffre proposé, je me réduirai à 400,000 fr.
(Aux voix ! aux voix !)
M. le président.
- Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre aux voix le chiffre de
400,000 fr.
- Ce chiffre est adopté à une immense majorité. (A demain ! à demain !)
M. le président.
- Deux amendements sont déposés sur le bureau ; ils seront imprimés et
distribués.
La séance est levée à quatre heures.