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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 26 février 1833

(Moniteur belge n°59, du 28 février 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

La séance est ouverte à une heure et quart par l’appel nominal.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pétitions adressées à la chambre ; elles sont renvoyées à la commission.


Le même lit une lettre de M. de Béthune, qui fait hommage à la chambre d’un exemplaire du « Précis historique du siège d’Anvers. »

- Dépôt à la bibliothèque.


M. de Nef demande un congé de douze jours.

- Accordé.

Projets de loi relatifs à la taxe des barrières

Rapport de la section centrale

M. de Theux est appelé à la tribune pour faire, au nom de la section centrale, un rapport sur les trois projets de loi relatifs aux barrières récemment présentés à la chambre. (Le rapport de l’honorable membre ne nous est pas parvenu.)

M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué, et comme la discussion en est urgente, je propose de la fixer après celle de la loi sur les distilleries.

Ordre des travaux de la chambre

M. Dumortier. - Je demande la parole. Messieurs, il y a une discussion plus urgente encore que celle-là ; c’est celle du budget de la chambre, dont le rapport vous a été fait il y a peu de jours. Je dis qu’elle est plus urgente, parce qu’on ne peut pas faire le rapport de la première partie du budget du gouvernement sans que celui de la chambre n’ait été examiné, puisqu’il doit faire partie du budget général. Je demande donc que nous discutions notre budget immédiatement après la loi sur les distilleries, et j’ajouterai qu’il est peut-être convenable, comme cela se pratique en France, que nous le discutions en comité secret. C’est une affaire en effet qu’il s’agit de débattre en famille.

M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le budget de la chambre sera discuté après la loi des distilleries ; viendront ensuite les lois sur les barrières.

M. A. Rodenbach. - M. Dumortier a proposé de discuter le budget de la chambre en comité secret ; cette proposition est-elle aussi adoptée ?

M. le président. - C’est la constitution qui règle les cas où il y a lieu à discuter en comité secret. Le jour où il s’agira d’ouvrir la discussion, si dix membres demandent le comité secret, il sera ordonné. Jusque-là la question peut demeurer indécise.

Projet de loi relatif à l'impôt des distilleries

Discussion des articles

Article 2

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la loi sur les distilleries.

M. le président. - Nous en sommes restés au deuxième paragraphe de l’article 2, lequel est ainsi conçu :

« Néanmoins, la distillation des fruits à pépins et à noyaux macérés est exemple de tout droit, sauf à en faire la déclaration préalablement à leur emploi. »

Sur ce paragraphe, M. le ministre des finances propose un amendement ainsi conçu :

« Néanmoins, la mise en macération et la distillation des fruits à pépins et à noyaux, sans mélange d’autres matières produisant de l’alcool, sont exemptes de tout droit, sauf à en faire déclaration préalable.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) a la parole pour développer son amendement. Il s’exprime ainsi. - Messieurs, puisque l’impôt est assis sur les cuves, et qu’ainsi c’est la mise en macération plutôt que la distillation des matières qui est spécialement imposée, il semble que les mots « mise en macération » doivent aussi être insérés dans cet article, qui serait, de cette manière, plus explicite.

Il importe que l’exemption, que par exception la loi accorde pour les fruits, ne soit pas étendue à des mélanges qui la feraient facilement tourner au profit de la fraude ; il paraît donc indispensable d’ajouter la condition : sans mélange d’autres matières produisant de l’alcool.

M. Dumortier. - Messieurs, je rappellerai les observations que j’ai présentées hier, non pas précisément pour m’opposer à l’amendement de M. le ministre des finances mais au paragraphe 2 de l’article lui-même.

Je ne puis concevoir comment on établirait un privilège en faveur de quelques distilleries. Si vous affranchissez du droit les distilleries où on travaille sur les fruits à noyaux, ces distilleries auront un grand avantage ; elles prendront un grand développement, mais elles feront du tort aux autres. C’est un véritable privilège que vous leur accordez, ce qui est contre toute justice, et d’ailleurs contre les termes de la constitution qui défendent d’accorder des privilèges.

Il y a un autre motif pour s’opposer à l’adoption de cette disposition, qui est tout entière en faveur de la province de Luxembourg. C’est que, la loi autorisant la restitution du droit à la sortie, on exportera des eaux-de-vie, que l’on fera passer pour des eaux-de-vie de noyaux de fruits, et on se fera restituer un droit qu’on n’aura jamais payé. On sait qu’il existe des procédés au moyen desquels on peut faire disparaître le goût des eaux-de-vie ; nul doute qu’on ne les emploie pour frauder le droit. C’est là ce que nous ne devons pas autoriser, et c’est ce que nous ferions cependant par l’adoption de l’article.

M. d’Huart. - Je suis vraiment étonné que le deuxième paragraphe de l’article 2 rencontre de l’opposition dans cette chambre. L’exception que cette disposition consacre présente si peu d’intérêt tour le trésor d’un côté, et un si grand avantage politique de l’autre, que je ne conçois pas comment on ose le combattre.

A qui profitera l’exception ? Exclusivement aux habitants de la partie allemande du Luxembourg. Et combien y perdra le gouvernement ? La commission vous l’a dit dans son rapport, 3 à 4,000 fr. par an.

Ainsi, pour enrichir le trésor de 3 à 4,000 fr., vous vous refuserez à procurer un grand bien à de malheureux habitants que la plus douloureuse nécessité vous a forcés d’abandonner à la vengeance de leur ancien dominateur irrité.

Aurait-on déjà oublié le dévouement de ces généreuses populations qui continuent à payer sans murmurer de lourds impôts au profit de la Belgique ? Ne sait-on donc pas que les enfants des Luxembourgeois allemands sont encore aujourd’hui, parmi l’élite de notre armée, prêts à verser leur sang pour une cause qui n’est plus la leur, pour maintenir votre indépendance et vos libertés qu’ils ont conquises avec vous, et dont l’existence, loin de leur être profitable, ne sera au contraire qu’un sujet perpétuel de vexations pour eux ?

Messieurs, vous pouvez aujourd’hui, à bien peu de frais, mettre en action votre sollicitude, jusqu’à présent stérile, pour vos infortunés concitoyens, victimes de la diplomatie ; il y aurait une ingratitude révoltante à ne pas saisir cette occasion pour le faire ; aucun de vous n’est prêt à s’en rendre coupable.

M. Berger. - Messieurs, l’honorable préopinant vient de vous donner quelques explications pour appuyer l’adoption du paragraphe en discussion ; il a puisé ces explications dans des considérations toutes politiques : je prendrai la liberté de l’appuyer à mon tour, mais par des considérations prises dans le système de législation qui est maintenant en discussion.

D’abord il a été reconnu par votre commission que la distillation des fruits est tout à fait insignifiante en Belgique. Si on la frappait des mêmes droits que la distillation des grains, le produit serait réduit à presque rien. Votre commission a cru qu’on pouvait l’affranchir de tout droit ; par là elle a voulu encourager les habitants à planter des arbres fruitiers et il n’est pas douteux que si plus tard cette industrie prenait un grand développement, on pourrait l’imposer comme les autres.

Une autre observation importante à faire, c’est que la macération des noyaux doit durer plusieurs mois ; Or, comme la loi a pris pour base de l’impôt la durée de la macération, il s’en suivrait que les distillateurs de fruits paieraient 200 à 300 fois plus que les distillateurs de grains. Cent litrons de fruits ne donnent que 5 ou 6 litrons d’alcool ; c’est une chose prouvée. Il est reconnu aussi qu’il faut 5 ou 6 mois pour faire fermenter les fruits. L’impôt se percevant à raison de 16 centimes par chaque jour de macération, si vous multipliez ce chiffre par celui des jours qui se trouvent dans 5 ou 6 mois, vous verrez à quel énorme droit vous assujettiriez les distilleries de fruits. Adopter cette base, ce serait anéantir tout le système de la loi.

Je répondrai à une autre observation de M. Dumortier. Il a dit que cette exemption créerait une fraude au préjudice du trésor, en ce que l’on se ferait restituer à la sortie un droit qu’on n’aurait jamais payé, en exportant des eaux-de-vie de grains, qu’on ferait passer pour des eaux-de-vie de fruits. Mais il n’est pas du tout question dans la loi d’accorder la restitution du droit ; il n’y est question que d’accorder la décharge du droit ; il faudra donc avoir pris en charge, d’abord pour pouvoir être déchargé, et certes ceux qui n’auront rien payé ne recevront rien.

M. Zoude. - Messieurs, l’eau-de-vie de fruits se fabrique en très petite quantité, et il ne peut plus guère en être autrement depuis le régime de 1822, sous lequel on a abattu dans le Luxembourg plus de 40 mille arbres fruitiers.

Cette fabrication, d’ailleurs, est presque exclusivement fermée à la partie allemande que le traité de paix nous enlève, et il n’y a guère que çà et là vers Arlon et Virton qu’on rencontre encore de ces distilleries.

Il y a d’ailleurs, messieurs, quelque peu de politique dans la proposition de votre commission ; et puis cette production est si restreinte qu’elle n’entre encore que pour une très faible portion dans la consommation du pays.

Si l’on n’accorde pas de décharge de droit pour l’exportation par terre, ne craignez pas, messieurs, leur arrivée à Anvers ou Ostende ; le transport s’élèverait au double de la restitution, et si vous accordez la restitution par terre, ne craignez rien encore : le goût de cette eau-de-vie est à celui des genièvres comme la bière l’est au vin. La méprise est impossible.

Vous craignez la corruption ; mais, pour corrompre, il faudrait donner à l’employé prévaricateur tout le montant de la restitution, autrement il n’y aurait pas à gagner en cessant d’être honnête homme.

M. Dumortier. - Messieurs, j’avoue que je ne m’attendais pas à ce que le préopinant qui siège un peu au-dessous de moi, invoquerait des motifs politiques à l’appui de la disposition en discussion, et qu’il donnerait à entendre que ceux qui s’opposeraient à son adoption le feraient au préjudice de habitants du grand-duché, victimes de la diplomatie. Messieurs, je crois avoir assez témoigné dans maintes circonstances ma sympathie pour les habitants du Luxembourg qu’on a eu la barbarie d’arracher à la Belgique, eux qui avaient fait la révolution avec nous, et dont les enfants servent encore dans notre armée, pour pouvoir me dispenser de repousser le reproche qu’on m’a adressé.

Mais c’est tout à fait déplacer la question que de la porter sur ce terrain : il ne s’agit pas de savoir si la mesure sera avantageuse aux habitants du Luxembourg, mais s’il y aura égalité en toute chose en Belgique, et si on violera en faveur d’une industrie le principe d’égalité écrit dans notre constitution.

Hier vous avez refusé d’accorder un privilège à la distillation des pommes de terre, ferez-vous une exception aujourd’hui pour la distillation des fruits ? Remarquez, messieurs, que le préopinant nous a parlé de 40,000 pieds d’arbres fruitiers dans le Luxembourg ; certes, ce n’est pas là une petite industrie. J’ai voyagé dans le grand-duché, et j’ai vu qu’il y avait peu de fabriques de kirsh-waser, il est vrai, mais beaucoup de fabriques d’eaux-de-vie de prunes ; cette industrie n’est donc rien moins qu’insignifiante.

L’honorable M. Berger a dit qu’il ne s’agissait pas dans la loi de restitution de droit, mais de décharge du droit ; cela ne lève pas la difficulté, car pour pratiquer la fraude que j’ai signalée, il suffira qu’un individu, qui aura payé le droit, achète de l’eau-de-vie de fruits et se fasse restituer en l’exportant.

On m’a fait une autre objection, c’est qu’il faut plusieurs mois pour macérer les noyaux. Je désire que cette industrie soit protégée autant qu’elle peut l’être, et s’il faut faire un amendement à la loi pour établir la proportion entre la distillation des noyaux et celle des grains, je l’appuierai de tout mon cœur ; mais je repousserai toute disposition qui tendrait à l’affranchir de tout droit.

M. d’Huart. - Messieurs, j’ai pu mettre en avant des considérations politiques puisque les distilleries de fruits se trouvent toutes dans la partie allemande du Luxembourg, et M. Dumortier est dans l’erreur s’il croit qu’il y en a dans les autres parties ; du reste, la commission elle-même avait envisagé la question sous le rapport politique. Pour ce qui concerne la restitution des droits, M. le ministre des finances vient de me dire qu’il proposerait à l’article 6 du projet un amendement tendant à empêcher cette fraude. Je crois que ces explications sont de nature à satisfaire l’honorable M. Dumortier, et j’espère qu’il n’insistera pas davantage.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, on vous a dit que les distilleries de fruits ne rapporteraient au trésor que la somme de 3 ou 4 mille francs, et cela est vrai.

Or, pour surveiller 2 à 3 000 petites distilleries, il vous faudrait un assez grand nombre d’employés, et ce n’est pas exagérer en portant la somme de leurs traitements à un total de 6,000 fr. ; il en coûterait plus pour la surveiller qu’elles ne rapporteraient ; ceci vous prouve qu’on peut sans danger les affranchir de tout droit.

D’ailleurs, l’objection prise de ce que la macération de noyaux exige 5 ou 6 mois, prouve qu’il serait impossible de trouver une base équitable pour leur appliquer la loi actuelle. Quant à ce qu’a dit M. Dumortier, de la restitution des droits, je lui répondrai qu’il est à croire que M. le ministre des finances prendra des mesures pour empêcher la fraude. Mais en supposant même qu’il n’en prît aucune, je prouverai que cette fraude est impossible.

En effet, si quelqu’un veut exporter un liquide, vous savez que l’exportation est interdite par terre ; elle n’est permise que par mer, il faudra donc faire porter le liquide à Anvers ou à Ostende. Or, on sait qu’il n’y a pas grande différence entre le poids d’un kilogramme et d’un litre d’eau-de-vie. 100 livres paient 61 fr. de port du Luxembourg à Anvers, il en coûtera donc 6 fr. par hectolitre, et le drawback n’est que de 4 fr. ; il y aurait donc perte de 2 fr. pour le fraudeur. Il n’y a donc pas de spéculateur qui fut assez inepte pour s’y livrer.

- L’amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.

Article 3 (nouveau)

On passe à l’article 3 du projet ainsi conçu :

« Art. 3. Le travail de la distillation embrasse toutes les manipulations, depuis la mise en macération des matières jusqu’aux bouillées et rectification inclusivement. »

M. le président. - Il y a deux amendements sur cet article, un de M. le ministre des finances et un de M. d’Huart.

M. d’Huart. - Ce n’est pas un amendement que je propose, c’est un article additionnel, qui deviendrait le troisième de la loi, en sorte que l’article 3 deviendrait l’article 4, ainsi de suite.

M. le président. - Voulez-vous que votre article additionnel soit avant ou après l’article 3 ?

M. d’Huart. - Avant.

M. le président. - C’est donc ici le lieu de le discuter. Voici cet article additionnel :

« Art. 3. Les distillateurs agricoles se servant de vaisseaux à macération et à fermentation, dont la capacité réunie n’excède pas vingt hectolitres de matière, jouiront d’une déduction de quinze p. c. sur la quotité de l’accise fixée par l’article précédent.

« Ces distillateurs n’auront droit à cette déduction que lorsqu’ils se conformeront en tous points aux conditions suivantes :

« 1° Qu’ils tiennent à l’étable au moins une bête à cornes par double hectolitre de matières qu’ils emploient par jour ; on n’aura point égard aux fractions d’hectolitre ;

« 2° Qu’ils cultivent par eux-mêmes ou par les personnes de leur maison, y demeurant, et toujours pour leur compte, au moins un bonnier de terres arables ou de pâture par double hectolitre de matières macérées à employer chaque jour ; une fraction de bonnier ne devra point être justifiée ;

« 3° Qu’ils ne tiennent, soit par eux-mêmes, soit par autrui, d’autre distillerie dans un rayon de distance de 3,000 aunes de celle en faveur de laquelle ils entendent jouir de la déduction ;

« 4° Qu’ils joignent à l’appui de leur première déclaration de distiller, un état indicatif et descriptif des terres arables ou pâturages qu’ils cultivent, et certifié véritable en tout point par le chef de l’autorité communale du lieu où les terres sont située, ou par le chef de l’administration provinciale.

« Si l’entretien des bestiaux ou la consistance de culture primitivement justifiés subissaient ensuite, et pendant la durée d’une déclaration, quelque réduction inférieure à la proposition exigée pour obtenir la déduction, le contribuable est tenu d’en faire déclaration au receveur et cessera en ce cas d’en jouir.

« A défaut de pareille déclaration, ou s’il était reconnu que le contribuable eût fait usage de justification inexacte pour se procurer, sans y avoir réellement droit, la jouissance de cette déduction, il sera obligé de payer le double droit sur le produit de sa déclaration courante, et même sur celui des déclarations antérieures, lorsqu’il serait reconnu que, pendant leur durée, les conditions exigées n’existaient plus dans leur entier.

« Il sera en outre privé ultérieurement, pendant trois mois, du bénéfice de toute déduction. »

M. d’Huart. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous soumettre en faveur des petites distilleries agricoles, est dicté par un sentiment d’équité et de justice distributive ; aussi, je suis persuadé qu’il suffira de lui donner des développements pour qu’il reçoive un bon accueil près de vous.

Tout le monde sait que l’emploi de petits vaisseaux pour la fermentation des matières rend celle-ci infiniment moins parfaite que lorsqu’elle s’opère dans de vaisseaux de grande dimension ; on sait aussi que le petit distillateur ayant des appareils très imparfaits, il lui faut nécessairement plus de temps qu’au grand distillateur pour opérer la distillation ; or, la durée de celle-ci servant de base à l’impôt, il est évident que le petit distillateur éprouve de ce chef un préjudice réel ; d’un autre côté, comme il travaille sur des quantités beaucoup plus faibles que le grand distillateur, il essuie encore sous ce rapport une perte notable parce qu’il est obligé d’employer à peu près autant de combustible pour entretenir l’ébullition dans un petit alambic que dans un grand.

Il est à remarquer aussi que le distillateur agricole ne peut produire une eau-de-vie d’aussi bonne qualité que le grand distillateur, parce qu’en employant le résidu des matières à la nourriture du bétail, il doit travailler ces matières dans leur état naturel et s’interdire d’opérer sur des sirops, des fécules, et l’on sait que ces extraits procurent des résultats de meilleure qualité ; de là, nouveau préjudice pour le petit distillateur.

Outre les désavantages notables que je viens de signaler sommairement, le petit distillateur en subit nécessairement une quantité d’autres qu’il serait trop long et d’ailleurs inutile d’énumérer, parce que cela est reconnu depuis longtemps.

Dans le projet de loi présenté au congrès national le 30 mai 1831 par M. Ch. de Brouckere, ministre des finances à cette époque, on avait reconnu la justice d’admettre une modération de l’impôt en faveur des distilleries agricoles ; et en relisant l’article de ce projet de loi, nous remarquons que mon amendement n’en est que la reproduction, modifiée seulement de manière à cadrer avec les bases et les termes du projet aujourd’hui en discussion.

Le projet de loi de M. de Brouckere, représenté le 1er juin 1832 par son successeur, M. Coghen, contenait encore la même disposition en faveur de distilleries agricoles ; et, dans la séance de vendredi dernier, M. le ministre des finances vous a déclaré que dans son opinion la loi aujourd’hui en discussion était telle qu’elle était conçue, infiniment plus favorable aux grandes qu’aux petites distilleries. Il résulte donc de l’opinion des trois ministres des finances qui se sont succédé, qu’il y a lieu de faire subir une modification à la loi en discussion dans le sens de mon amendement.

Mais, vous ont dit quelques honorables députés, ce qui prouve que le projet de loi convient aux petits distillateurs, c’est qu’aucun d’eux n’a réclamé contre son adoption. Si cette assertion était vraie, elle devrait faire peu d’impression sur vos esprits, car on sait que le simple agriculteur n’est guère au courant des objets sur lesquels les chambres législatives délibèrent, et qu’ainsi il est bien rarement en situation de plaider auprès d’elles.

Toutefois, je ferai observer qu’il n y a pas absence de réclamations, comme on l’a avancé. Les petits distillateurs du canton d’Ittre, arrondissement de Nivelles, ont sollicité une modification du projet en discussion ; de plus, la chambre de commerce de Louvain a vivement réclamé en faveur des petites distilleries, et celle de Bruxelles a aussi manifesté une grande inquiétude sur leur avenir, si le projet était adopté sans modification ; permettez-moi, messieurs, de vous donner lecture des courts passages des pièces qui renferment ces observations. (Ici l’orateur lit divers documents à l’appui de son opinion.)

Dans la dernière séance, M. de Muelenaere a démontré d’une manière tout à fait concluante que les petites distilleries seules pouvaient se multiplier et se disséminer suffisamment pour servir efficacement à la culture du sol. Je ne m’attacherai donc pas à démontrer de nouveau cette vérité incontestable ; seulement j’en tirerai la conclusion que nous devons chercher par tous les moyens à rendre possible et à faciliter l’établissement de ces intéressantes usines sur tous les point du territoire ; peut-être serait-il sage de les encourager même par des privilèges ; cependant ce n’est pas cela que je viens solliciter en leur faveur, loin de là, ce que je demande, c’est la justice distributive et rien de plus.

Venant au taux de la déduction que je vous demande d’admettre, je me bornerai à vous faire remarquer que, d’après l’article 51 du projet de M. Ch. de Brouckere, cette déduction était portée à raison de 25 p. c., tandis que celle que je réclame n’est que de 15 p. c. Cette observation détruit, à elle seule, tout ce que l’on pourrait objecter contre ma proposition.

Les conditions que mon amendement impose pour jouir du bénéfice qu’il consacre sont, quoique très faciles à remplir, suffisantes pour obvier à la fraude ; elles permettent au fisc d’empêcher les abus ; et au pauvre agriculteur d’améliorer la culture de ses terres, dont, il ne faut pas l’oublier, nous avons, il y a peu de temps, grever l’impôt foncier de 40 p. c.

M. le président. - La proposition est-elle appuyée ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. Desmet. - Messieurs, je ne puis partager l’opinion qu’il faille accorder aux petites distilleries, soi-disant agricoles, une déduction de 15 p. c. sur la quotité de l’impôt. Ce privilège ne me semble point nécessaire, et je crois même qu’il conduirait à une injustice.

Si on entend par distilleries agricoles celles qui engraissent des bestiaux, toutes nos distilleries sont agricoles et établies en faveur de l’agriculture.

La réduction serait fondée sur aucun principe, parce que les produits de la distillation sont très incertains, très variables et absolument indéterminables ; ils ne dépendent point de la manière qu’on distille et que sont confectionnés les appareils distillatoires qu’on emploie, ils sont entièrement dépendants du bon ou mauvais procédé de macération et de fermentation, et il est constant que la fermentation des matières macérées peut être aussi parfaite dans un petit vase comme dans un grand, dans une petite cuve comme dans une grande. Pourquoi donc un petit distillateur ne pourrait-il pas posséder l’art de bien macérer, et rendre la fermentation aussi parfaite, qu’un distillateur à grand appareil ?

J’ai visité des petites distilleries, où j’ai vu des matières en fermentation, qui fermentaient dans la grande perfection, nulle part on n’aurait pu rencontrer un meilleur état de fermentation alcoolique.

Cependant plusieurs honorables membres croient que les appareils à vapeur réunissent des avantages sur les appareils anciens, qu’en conséquence les distilleries agricoles devraient être protégées dans la loi, par un article en leur faveur, qui les mît à même de soutenir la concurrence des grandes distilleries.

Je conviens que les appareils à vapeur ont l’avantage de ne pas brûler les matières, et c’est pour cela qu’on les a employés avec tant de bénéfice quand, pour frauder la forte taxe, on a macéré avec des charges pesantes ; que, le travail étant plus accéléré, il y a économie dans le combustible ; mais il n’en est pas de même quant au produit qui serait plus grand, parce que l’appareil à vapeur dépouille mieux, et que la liqueur serait plus parfaite.

Sur ces deux derniers points, Dubrunfaut est en erreur, ou, pour mieux dire, il se contredit ; car veuillez voir son ouvrage, deuxième édition de Bruxelles, vous lirez à la page 344 : « On aura été frappé, sans doute, de l’augmentation de produit que l’appareil de M. Derosne procure au fabricant. Ce fait, ajoute-t-il, devait paraître d’autant plus extraordinaire que nous savons parfaitement que la distillation proprement dite, ne crée point d’alcool, et se borne à isoler celui qui est formé dans le vin. » Et je défie M. Cellier-Blumenthal, qui certainement a tout intérêt à prôner ses appareils (car il est reconnu que c’est celui-ci qui est le premier inventeur de la distillation continue, et non MM. Derosne ni Baytioni), de ne pas en convenir également.

Il ne faut pas être distillateur pour savoir que l’ébullition provoque immédiatement la séparation de la partie la plus légère des matières par l’évaporation : qu’elle ait lieu dans un alambic ordinaire ou dans l’appareil de M. Cellier, la forme n’y fait rien ; dans l’un comme dans l’autre on obtiendra en quantité ni plus ni moins que la partie spiritueuse qui s’y trouve ; et la qualité, je ne dis point qu’elle sera exactement la même, car une raison pourquoi dans ma province l’appareil continu n’est que très peu employé, c’est qu’on soutient que la liqueur est moins bonne et plus aqueuse que celle produite par l’ancien alambic. Et ce qui est certain et digne d’être remarqué, c’est que jusqu’à ce jour dans toute la Hollande, il n’existe point encore d’appareil semblable à celui de Blumenthal.

Cependant on doit reconnaître que les Hollandais sont très avancés en fait de distillation et connaissent cette affaire avec profondeur.

Chacun est libre, d’ailleurs, de faire usage de l’appareil à vapeur ; mais à cela on répond que le distillateur agricole est dans l’impossibilité de l’employer, à cause du capital élevé qu’il faut pour l’établir. Mais ce capital élevé est déjà un grand désavantage pour les grandes distilleries, car vous ne pouvez compter qu’il coûte moins de 10 p. c. par an ; 5 p. c. pour l’intérêt du capital, et 5 p. c. de réparation et détérioration : on sait que les appareils sont très grands et exigent de vastes bâtiments pour les y établir.

Pour se servir d’un appareil de distillation continue, il faut 6 ouvriers ; 5 est le minimum : un ouvrier distillateur et conducteur du feu, deux ouvriers à la manivelle qui fait mouvoir l’agitateur dans la matière, deux ouvriers débatteurs. Dans les distilleries ordinaires, la moitié du nombre d’ouvriers suffit amplement, et, dans les petites distilleries, un seul ouvrier fait tout le travail.

A la vérité l’appareil à vapeur ne brûle jamais la matière, et c’est pourquoi, dis-je, on l’emploie avec avantage quand l’impôt est exorbitant ; mais cette machine a beaucoup de tuyaux conducteurs sujets à s’obstruer ; dès lors la matière qui n’a plus de passage, poussée avec force par la vapeur, déborde en abondance, et la perte est considérable : le distillateur le plus soigneux ne saurait s’affranchir de ces inconvénients, tandis qu’un ouvrier habile ne brûlera jamais sa matière dans un alambic ordinaire, et particulièrement quand, avec la taxe modérée, il pourra travailler à charge légère.

Et en outre, ce qui ôte beaucoup à la perfection de l’appareil de distillation continue, c’est qu’il paraît qu’il faut se servir d’un alambic à part pour rectifier le stegnie.

Il me semble donc que ce serait consacrer une erreur que de reconnaître en principe qu’il existe une différence entre les distilleries agricoles et les distilleries proprement dites, et que ce serait contre toute équité que d’établir dans la loi une destination favorable aux premières et au détriment des autres, qui sont cependant aussi agricoles, et travaillent même plus en faveur de l’agriculture, car les grandes distilleries, obligées de distiller toute l’année, engraissent des bestiaux ; il faut des engrais toute l’année, tandis que les petites ne distillent que pendant les mois d’hiver, et, en saisissant l’époque de l’année qui est favorable à la distillation, elle n’ont pas les pertes qu’occasionnent les chaleurs d’été.

En outre, les grands distillateurs sont obligés, pour couvrir leurs énormes frais, de faire de la vente des liquides une branche de commerce, tandis que le distillateur agricole ne veut, pour ainsi dire, faire aucune mise de fonds, distille son propre grain, et n’a pas de frais de charriage ; ses domestiques de campagne, qui n’ont point d’ouvrage pendant l’hiver, il les occupe à sa distillerie ; ayant donc moins de frais et ne devant couvrir aucun intérêt de capital, il peut nécessairement laisser son genièvre à meilleur compte, et, le vendant au comptant, il en retire un avantage réel, et qui est toujours pour la concurrence au détriment du grand distillateur.

Non, messieurs, je ne vois aucun moyen pour pouvoir appuyer l’amendement de l’honorable M. d'Huart ; car il devra être convaincu que le nouveau projet est plus favorable aux petites distilleries qu’aux grandes, et que les appareils à vapeur ne pourront plus leur donner le même avantage qu’ils leur rendent avec la législation actuelle.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, j’appuie l’opinion de l’honorable collègue M. Desmet ; je me propose d’ajouter quelques observations à celles qu’il a présentées.

Lorsque, sous le précédent gouvernement, en vertu de la loi de 1822, l’on accordait aux petites distilleries dites agricoles, quoique toutes soient agricoles, 20 p. c. de remise, ce qui est plus que demande M. d’Huart, ces petites distilleries n’ont cependant pas pu soutenir la concurrence : pourquoi en a-t-il été ainsi ? C’est que la loi en était accablante par ses dispositions compliquées. On veut une réduction en faveur des petites distilleries mais cette réduction est presque impraticable, et on peut s’en convaincre en examinant de plus près la nature de choses.

La réduction de 15 p. c. fait un centime par litre ; je suppose que les petites distilleries fabriquent 300,000 hectolitres ; voilà tout de suite une diminution de 300,000 fr. Je ne veux pas prendre sur moi la responsabilité d’une diminution qui détruit le principe d’égalité de la loi. Si le ministre consent à avoir une recette diminuée d’un demi-million, c’est à lui de voir.

Lorsque, sous le gouvernement précédent, l’on accordait une remise de 20 p. c., les grands distillateurs faisaient plusieurs petits établissements sous des noms empruntés et trompaient le fisc.

On a parlé de l’avantage de grands appareils sur les petits ; mais cet avantage est contesté en Hollande, où l’on a supprimé les nouveaux appareils que l’on y avait introduits. Un Hollandais, célèbre comme distillateur, a détruit ceux qu’il avait établi, parce que ces grands appareils ne donnaient pas d’aussi bons produits ni en aussi grande quantité que les vieux appareils hollandais.

Quant à ce que l’on a dit relativement à la fermentation dans les petits vaisseaux, tous ceux qui ont des notions de chimie savent que la fermentation s’opère très bien dans les petits vaisseaux.

M. de Theux. - La proposition faite par M. d’Huart n’a rien de contraire à la constitution, puisque la constitution permet la modération d’un impôt, pourvu qu’elle soit établie par une loi. Mais il faut que la nécessité de la modération soit démontrée ; c’est ce qu’elle n’a pas fait. On a parlé des différences dans les bénéfices ; il ne fallait pas, dans ce calcul omettre les bénéfices que les distillateurs agricoles font par leurs travaux pour la culture des terres ; ces bénéfices devaient entrer en ligne de compte.

Aussi longtemps que l’impossibilité de la concurrence ne sera pas démontrée, je crois qu’il serait contraire à l’intérêt général d’admettre une exception. Les exceptions sont odieuses en elles-mêmes ; elles engagent à recourir à des moyens frauduleux ceux qui prétendent être lésés. La modération de l’impôt entraînerait d’ailleurs une foule de complications dans l’exécution de la loi.

L’exemption proposée par M. d’Huart ne me paraît pas assez générale, si elle est nécessaire pour l’obtenir, il suffirait d’avoir une distillerie à la campagne et d’exploiter des terres. Quant aux projets présentés par MM. Ch. de Brouckere et Coghen, et qui portaient une modération d’impôt, l’assemblée doit se rappeler qu’ils avaient une autre base que celle de la loi que nous discutons ; ainsi ils ne peuvent être invoqués. Il s’agissait dans ces projets de la macération et des bouillées ; une des conditions pour jouir de la diminution de l’impôt était que le distillateur ne pût se servir d’appareils à vapeur.

Messieurs, si vous voulez effectivement protéger les distilleries agricoles, je crois qu’il est un autre moyen auquel on sera tôt ou tard obligé de recourir, ce serait de prendre des mesures pour que les grains étrangers ne viennent pas faire tomber les nôtres à un prix trop vil, ainsi que nous en sommes menacés. Des mesures de cette nature existent en France et en Angleterre, et l’on s’en trouve très bien. Sous l’ancien gouvernement même on avait eu recours à un impôt sur les grains étrangers. C’est par là que vous protégerez réellement les distilleries agricoles ; par là vous protégerez l’agriculture en général ; et vous atteindrez un des principaux buts que l’on a eu en vue dans la loi actuelle, c’est-à-dire de ranimer l’agriculture, qui avait souffert par la suppression des distilleries. En multipliant les produits agricoles, gardons-leur quelques-uns des avantages qui les empêchent de tomber dans un avilissement complet.

Non seulement il faudrait protéger nos grains contre l’entrée des grains étrangers ; il faudrait encore, par la même loi, statuer sur la sortie de nos céréales quand nos récoltes sont peu abondantes, afin que les distilleries ne manquent pas de matières premières.

Voilà, messieurs, les moyens de protéger l’agriculture qui est une des principales richesses de notre pays.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Un des principes fondamentaux de la loi présentée est cause que je me suis rallié à ce projet ; c’est qu’il ne serait fait aucune exception, vu la modicité du taux de l’impôt. Je n’en suis pas moins convaincu que cette loi ne sera pas aussi favorable aux petites distilleries qu’aux grandes ; mais je suis convaincu que l’économie générale de la loi ne permet pas les exemptions proposées, et c’est dans cette conviction que je demande le rejet de l’amendement.

M. Delannoy, commissaire du Roi. - Messieurs, le principe qui forme la base de nouveau système de perception de l’accise sur les eaux-de-vie, est de donner un plein essor à ce genre d’industrie, afin de faire renaître les nombreux établissements de l’espèce qui existaient autrefois en Belgique.

Afin de le rendre applicable à toute espèce de mode de fabrication alcoolique, il a fallu l’établir sur les matières mises en macération sans égard à leur nature, et fixer un droit très peu élevé sur la base immuable de la capacité des vaisseaux servant à la macération. Ne serait-ce pas détruire ce principe d’uniformité que d’accepter des catégories d’exception en faveur de tel ou tel genre de fabrication d’eau-de-vie ?

Les exceptions ne me paraissent être nécessaires et utiles que dans un système où l’impôt est élevé, et nullement dans celui où il est aussi minime que le projet en discussion.

Il me paraît donc nécessaire d’écarter toute espèce d’exception en faveur des distilleries agricoles ; car une diminution quelconque dans la quotité de l’accise, à cause de l’exiguïté du droit, serait tout à fait sans utilité réelle et détruirait l’économie de l’impôt.

J’ai calculé qu’une déduction de 15 p. c. donnerait, au taux de 18 centimes l’hectolitre de matières, fr. 0 02 70/100 ; qu’ainsi, sur 14 hectolitres de matières à 18 centimes pour un jour de fermentation, donnant 100 litres de genièvre, dont le droit d’élèverait à 2 fr. 52 ; la déduction de 15 p. c. ne serait que de fr. 0 37 80/100.

M. Jullien. - Messieurs, les grandes distilleries ont-elles, en raison des procédés qu’elles emploient, un avantage sur les petites distilleries dites agricoles ? Voilà la question qui a été débattue devant vous.

Les deux opinions qui se sont manifestées sont d’accord qu’il n’en existe aucune. D’après les procédés des grandes distilleries, il y a cependant avantage en ce sens qu’il y a économie de combustible, économie de temps, économie de main-d’œuvre ; et encore avantage en ce que le liquide n’est pas exposé à brûler et à contracter une odeur et une saveur désagréable.

S’il n’existait que ces avantages, il faudrait les prendre en considération. Toutes les fois que vous établissez un impôt, vous devez avoir en vue l’égalité ; or, il n’y a pas d’égalité quand vous donnez à l’un plus qu’à l’autre. Au surplus, je viens de recueillir de la bouche du ministre un aveu précieux : il ne se dissimule pas la différence de position des petites distilleries vis-à-vis des grandes. Cette différence de position est tellement patente que le projet de loi présenté sous l’administration de M. de Brouckere contenait une diminution pour les petites distilleries de 20 p. c. M. d’Huart ne demande que 15 p. c. Que le ministre s’oppose à la réduction parce qu’elle diminuerait l’impôt, on le conçoit, il parle comme ministre ; mais nous, nous ne devons pas entrer dans des calculs financiers ; nous devons être justes, et la proposition de M. d’Huart ne fait que ramener aux principes de justice.

On a dit que toutes les distilleries étaient agricoles : cela n’est pas exact. Dans les grandes villes, à Bruxelles, par exemple, vous avez beaucoup de distilleries ; direz-vous qu’elles sont agricoles parce que les distillateurs vendent leurs résidus aux cultivateurs ? Les petites distilleries, pour remplir le but que l’agriculture se propose, doivent être établies sur le lieu qu’il s’agit de féconder. Voilà des distilleries agricoles.

Ces réflexions doivent suffire pour prouver que l’amendement de M. d’Huart doit être pris en considération. Si la diminution de 15 p. c. est trop forte, je sous-amenderai la proposition et porterai la réduction à 10 p. c. Je crois que les petits distillateurs pourraient se contenter de cette prime.

M. d’Elhoungne. - La question me semble élevée prématurément : on demande une dérogation au droit commun, un véritable privilège que la seule nécessité peut justifier. Cette nécessité est-elle établie ? Certainement non, messieurs, puisque les intéressés ne la réclament pas. Dans toutes les pétitions adressées à la chambre, jamais on n’a sollicité, en faveur des petites distilleries, une réduction de droits. On n’a insisté pour obtenir cette réduction que lorsque, par un projet élaboré en 1831, on avait replâtré le système hollandais ; car alors il était devenu nécessaire de prêter secours aux petites distilleries que le système hollandais a complétement anéanties.

Il n’y a pas eu réclamation de la part des intéressés ; en effet, je ne regarde pas comme des réclamations des intéressés celle qui ont été présentées par les chambres de commerce de Louvain et de Bruxelles. Les chambres de commerce renferment très peu d’industriels, surtout très peu de distillateurs. A Anvers, je ne sais pas s’il y en a un seul.

Toutes les réclamations faites n’ont pas l’apparence de fondement. Que dit-on dans les observations de la chambre de commerce de Louvain ?

Que les petites distilleries ne peuvent pas travailler aussi bien la matière dans des vaisseaux qui n’ont pas de grandes dimensions. Cela est inexact ; les propositions de produits sont exactement celles de la grandeur des cuves. Tout ce qui prouve l’observation, c’est qu’elle a été suggérée par quelqu’un qui voulait frauder.

Quant aux autres objections, en quoi consistent-elles ? Dans les grandes distilleries il y a économie de combustible. Messieurs, a-t-on bien mesuré où nous conduirait l’admission du système qu’on soutient ? Dès qu’il y a économie de combustible, il faut, par ce motif, changer le tarif ; alors il faudra changer le tarif pour chaque localité, car le prix du combustible est variable selon les contrées ; il est même variable selon les saisons. Quand on veut trop prouver, on ne prouve rien.

Il y a économie de temps ; je ne sais ce que le temps fait dans cette affaire. La véritable opération qui tend à séparer l’alcool, c’est la fermentation ; et la fermentation, quel que soit l’alambic, est toujours la même. La macération se fait de la même manière dans les petites cuves que dans les grandes : on peut charger les petites cuves dans les mêmes proportions que les grandes, employer les mêmes matières ; pourquoi l’alcool serait-il inférieur en qualité, en quantité dans les petites distilleries ?

Il y a, dit-on, un autre avantage attaché à l’emploi des appareils à la vapeur ; c’est que la matière n’est jamais brûlée. Messieurs, est-ce là un motif pour grever d’un impôt plus fort les industriels qui font usage de ces appareils ? Il me semble au contraire qu’ils auraient droit à une prime d’encouragement. Faudrait-il décerner une prime d’encouragement à des industriels qui, par défaut de soins, par obstination, continuent à mal fabriquer ? Puisqu’ils ne prennent pas les précautions nécessaires pour éviter les inconvénients qui résultent d’une distillation mal conduite, pourquoi ceux qui, mieux avisés, prennent des précautions, supporteraient-ils un surcroît d’impôts ?

Dans les observations qui ont été présentées personne n’a tenu compte des capitaux considérables que les grands distillateurs emploient, et qui ne produisent d’autre avantage que l’économie de combustibles et d’avoir une meilleure qualité d’eau-de-vie. Cet avantage, ils l’achètent à beaux deniers comptants ; on ne doit pas leur faire perdre les intérêts d’un capital dont ils font le placement.

Par tous ces motifs, l’amendement me semble inadmissible. Si par la suite on reconnaît qu’il doit y avoir diminution, on l’établira ; mais on ne doit pas sans nécessité créer des privilèges ; les privilèges ne servent qu’à entretenir l’incurie des mauvais industriels et à décourager ceux qui se livrent aux recherches, aux investigations qui produisent les découvertes.

M. Dumont. - Messieurs, je ne poserai qu’une seule question : est-il vrai que la fermentation en petite quantité ne produit pas autant que la fermentation en grande quantité ? Pour moi, toute la discussion est là. Le ministre des finances pourrait éclairer la chambre sur ce point. Il a dit que la loi était favorable aux grandes distilleries, mais il n’a pas développé son idée.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je crois que si un petit distillateur prépare bien son opération, il peut certainement développer dans ses petits vaisseaux proportionnellement autant d’alcool que dans les grands. Les avantages, qui, selon moi, résultent de l’emploi des grands appareils ont été énumérés ; ce sont l’économie de temps de combustible, de main-d’œuvre. Ces avantages sont inhérents à toute espèce de fabrication en grand. Mais, je le répète, je crois, quant à la fabrication des eaux-de-vie, que si un petit distillateur ne met pas un excédant de farine, il peut, comme dans les grandes cuves, développer tout l’alcool.

M. de Muelenaere. - Messieurs, dans votre séance de samedi, je vous ai déclaré franchement que le reproche le plus grave à mes yeux qu’on avait fait contre le projet, c’est qu’il paraissait avoir une tendance à paralyser les distilleries réputées agricoles au profit des grandes usines.

Si ce reproche seul m’avait paru fondé, il aurait suffi pour me faire rejeter le projet de loi qui vous a été proposé par la commission. Nous sommes donc, messieurs, entièrement d’accord sur le but avec l’honorable M. d'Elhoungne, et avec les honorables membres de cette assemblée qui ont appuyé l’amendement. Nous partageons la sollicitude qu’inspirent à ces honorables membres les distilleries agricoles ; tous nous ne sommes pas d’accord sur les moyens d’atteindre ce but.

D’abord, messieurs, je vous ai dit dans une séance précédente, et je le répète, que moi j’ai la conviction profonde que c’est moins une protection spéciale qu’une bonne loi que réclament les grandes et les petites distilleries ; et j’espère que sous une bonne loi les unes et les autres reprendront leur ancienne prospérité.

Sous l’arrêté-loi de 1814, les petites usines étaient en pleine activité, cet arrêté ne faisait cependant aucune distinction entre les établissements. D’autre part, sous la loi de 1822, les petites distilleries avaient un avantage immense, puisqu’elle leur accordait un dédommagement de 20 p. c., et il est arrivé que les petites distilleries ont été ruinées, tandis que quelques grandes distilleries ont fait de très bonnes affaires. Ceci prouve jusqu’à l’évidence que la diminution de l’impôt n’est rien ; que l’économie de la loi est tout.

A l’appui de la réduction réclamée en faveur des petites usines, on a fait des citations on a énuméré les avantages immenses qui résulteraient pour les grandes usines, de l’emploi des appareils perfectionnés. Depuis lors, j’ai fait une étude approfondie des auteurs qui ont traité cette matière ; il en est résulté pour moi cette conviction que la plupart des avantages que l’on a présentés comme applicables aux grandes distilleries ne s’appliquaient qu’à la distillation des eaux-de-vie de vin ; c’est-à-dire ne s’appliquaient qu’à la distillation des matières liquides et non aux matières pâteuses. L’un des meilleurs écrivains sur ce genre d’opération en convient dans son ouvrage ; il conseille de prendre de préférence la méthode hollandaise aux appareils de M. Derosne quand il s’agit de distiller des farines. Il paraît croire que, sur la méthode hollandaise, c’est la méthode anglaise qui paraît offrir quelques avantages.

Dimanche dernier, j’ai visité une distillerie d’après des méthodes nouvelles et qui existe dans ce pays ; c’est la seule dans le royaume où l’on serve de la méthode anglaise, c’est-à-dire où l’on procède à la macération par extrait ; je suis persuadé que les introducteurs de ce procédé louables par le but de leurs tentatives, ne sont pas parvenus à obtenir les mêmes produits que par la méthode hollandaise, par la méthode ordinaire.

Ainsi, les prétendus avantages des grandes distilleries ne sont rien moins que certains. Toutefois, le vil intérêt que m’inspirent les distilleries agricoles me fait encore hésiter, en quelque sorte, à me prononcer contre l’amendement de M. d’Huart. Je me permettrai cependant, messieurs, de vous soumettre à cet égard quelques observations.

Je crains que la faveur que vous voulez accorder ou que vous avez l’intention d’accorder aux petites distilleries, en admettant l’amendement, ne leur devienne plus nuisible qu’avantageuse. Je suppose un distillateur, par exemple, qui emploie habituellement 80 hectolitres par cuve de macération ; pour avoir le bénéfice de la loi, si l’amendement de M. d’Huart obtient votre sanction, il ne déclarera plus que 20 hectolitres. Les relations de cet individu sont établies ; il cherchera à obtenir les résultats qu’exigent ses relations, et il est à craindre que le défaut de connaissances dans l’art de la distillerie (et c’est par là que pèchent tous nos distillateurs ; s’ils connaissaient mieux leur métier, ils ne devraient pas redouter la liberté,) il est à craindre que le défaut de connaissances n’engage cet individu à mettre dans ses 20 hectolitres une quantité de farine trop forte ou la même quantité qu’il mettait auparavant dans 30 hectolitres.

Que résulterait-il de l’amendement ? C’est qu’après avoir fait éprouver au trésor une perte considérable, vous aurez en outre accordé une prime à la mauvaise fabrication. Si les petits distillateurs fabriquent bien, ils pourront soutenir la concurrence.

C’est ainsi que, tentés par un appât réellement chimérique, car l’avantage que vous leur offrez ne s’élève pas à un centime par litre de genièvre, les petits distillateurs négligeront de perfectionner leur industrie, et ils se trouveront dans l’ornière que leur présentait la législation de 1822.

Au surplus il est possible que je me trompe. Mais que faisons-nous aujourd’hui ? D’après moi, nous ne faisons qu’un essai. Je ne crois pas que nous ayons fait un travail parfait, et je ne pense pas que les honorables membres chargés de le préparer aient une autre opinion, quoiqu’il y en ait parmi eux qui, par leurs recherches, ont fait jaillir la lumière sur la discussion la plus obscure. Après tout, je crois que ce n’est qu’un essai ; et bien, voulez-vous dans les premiers pas établir une législation exceptionnelle ? Attendez les résultats ; si nous nous sommes trompés, l’expérience est là ; nous reviendrons sur nos pas, et nous tâcherons de favoriser les petites usines contre les dangers de les laisser dans une concurrence trop désavantageuse avec les plus grands établissements. Mais jusqu’à ce que l’expérience vous ait prouvé de quel côté est la vérité, est l’erreur, entre toutes les assertions contradictoires, je crois qu’il vaut mieux s’abstenir, et qu’il vaut mieux rester dans le principe de la loi qui est l’égalité pour tous.

M d’Huart. - Tous les honorables membres qui argumentent contre mon amendement ont essayé de prouver que la réduction était une faveur ; mais ils n’ont pu parvenir à faire cette preuve. J’ai démontré, au contraire, que c’était pour rétablir l’égalité qu’il fallait adopter mon amendement.

J’ai soutenu que la fermentation s’opérait mieux dans le grandes cuves que dans les petites ; en voici la raison : c’est que la même chaleur continue s’entretient infiniment mieux dans les grands vaisseaux que dans les petits, et la chaleur est une des conditions les plus essentielles à la fermentation.

L’honorable M. de Theux a demandé sur quoi on s’appuyait pour réclamer la modération du droit sur la justice reconnue partout. Je citerai la loi existante ; je vous citerai les projets présentés sous l’administration de MM. de Brouckere et Coghen ; je vous ai déjà cité l’opinion de M. le ministre des finances actuel : ces faits concourent pour démontrer qu’il faut une exception pour les distilleries agricoles. Je vous ai cité ensuite une pétition des intéressés, et enfin les observations des chambres de commerce de Louvain et de Bruxelles. Je demande si ce ne sont pas là des autorités, et si j’en pourrais invoquer de plus favorables à l’appui de mon amendement.

L’honorable M. de Muelenaere dit que le projet n’est qu’un essai, qu’ainsi il faut attendre ; que si les petites distilleries souffraient on pourrait y remédier plus tard ; je me servirai de cet argument pour appuyer mon amendement ; essayez-le : s’il est nuisible aux grandes distilleries, l’an prochain vous le repousserez.

M. Jullien. - Messieurs, on a dit : Les intéressés ne se plaignent pas ; pourquoi cette sollicitude pour des industriels qui ne font pas entendre de réclamation ? En fait l’assertion n’est pas exacte, vous avez une pétition des habitants d’Ypres qui réclame en faveur de petites distilleries. Mais, messieurs, vous savez fort bien que les cultivateurs en général ne sont pétitionnaires que quand on leur met des pétitions dans la main en les invitant à les signer. Pour leur propre intérêt, ils ne se mêlent guère de pétitionner ; mais s’ils n’ont pas pétitionné, les chambres de commerce ont défendu leurs intérêts, et celle de Bruxelles, notamment, s’est très bien exprimée sur la différence de position des grandes et des petites distilleries.

D’un autre côté, une autorité que vous ne pouvez récuser, c’est celle de M. le ministre des finances. Il a puisé à toutes les sources de lumière, et, d’après ses renseignements, dans cette séance même, il a avoué l’infériorité de position des petites distilleries relativement aux grandes.

L’honorable M. de Muelenaere vous a rappelé qu’en 1822 les petites distilleries étaient tombées malgré les avantages de la législation. Je m’empare de cet argument qui est tout puissant pour l’amendement de M. d’Huart : si les petites distilleries n’ont pu se soutenir vis-à-vis des grandes, sous l’influence désastreuse de la législation de 1822 qui leur accordait cependant un avantage, je vous demande comment elles pourront se soutenir lorsqu’il y aura égalité ; le but principal de la loi est de protéger l’agriculture, donc il faut encourager les petites distilleries. Nous marchons à l’aventure ; mais, puisque l’expérience nous éclaire, il faut que l’expérience ait lieu : ainsi, faites que les petites distilleries recommencent leurs travaux pour que nous puissions décider ce qu’il faut conserver, ce qu’il faut réformer.

Les petites distilleries ont ce sentiment, qu’elles ne pourront pas tenir devant les grandes : si nous nous sommes trompés, 10 p. c. ne sont pas une affaire qui produira un tort considérable au trésor et l’année prochaine nous serons éclairés sur notre erreur.

M. A. Rodenbach. - L’argument de M. Jullien relativement au pétitionnement peut être vrai quand il s’agit d’intérêts moraux ; mais quand il ne s’agit que d’intérêts matériels, comme dans l’espèce, je crois que les simples agriculteurs les entendent aussi bien que les grands industriels. D’ailleurs, le projet de loi qui nous occupe a été publié dans tous les journaux de Belgique ; toutes les feuilles flamandes en ont donné connaissance à leurs lecteurs, et j’en appelle à MM. les rapporteurs de la commission des pétitions, ils peuvent dire qu’il n’y a pas une pétition sur dix qui réclame une faveur pour les petites distilleries.

Maintenant, je tâcherai de répondre à ce qu’on a dit touchant les grands appareils. Je ne connais point parfaitement la statistique ; mais je crois qu’il existe bien 1,500 distilleries en Belgique. Or, il n’y a que 25 appareils distillatoires, et il n’est rien moins que prouvé que ces 25 appareils anéantiront ces 1,500 distilleries. D’ailleurs, il s’agit d’un essai ; et que risque-t-on, dans un moment où après la révolution, il faut chercher de nouveaux moyens pour protéger l’industrie, que risque-t-on de faire un essai de six mois quand on en a déjà fait de malheureux pendant quinze ans ?

M. d’Huart a prétendu que, dans les petites cuves, le calorique ne se conservait pas aussi bien que dans les grandes cuves ; mais il est faire aise d’y suppléer. Supposez que le thermomètre de l’eau dans une grande cuve soit de 50 degrés ; il suffira, pour qu’une petite conserve aussi bien le calorique, de la chauffer à 55 degrés.

M. Donny. - Messieurs, je pense que la discussion ne se prolonge aussi longtemps que parce qu’on ne s’est pas donné la peine de faire un petit calcul arithmétique. (On rit.)

Le but des honorables orateurs qui ont soutenu l’amendement de M. d’Huart a été, ainsi qu’ils vous l’ont dit, d’empêcher la ruine totale des petites distilleries qui, selon eux, allaient être écrasées par les grandes. Mais je me suis donné la peine de chercher si effectivement l’amendement proposé était de nature à empêcher cette ruine totale, s’il allait établir entre les grandes et les petites distilleries une différence assez notable pour permettre aux petites de soutenir la concurrence, et voici comment j’ai opéré. L’amendement de M. d’Huart fixe pour limite aux distilleries agricoles une contenance de cuves-matières de 20 hectolitres. Je suppose que ces petites distilleries soient assez perfectionnés pour pouvoir renouveler leurs cuves-matières toutes les 36 heures, et je suppose encore, pour arriver à un maximum, qu’elles puissent travailler toute l’année sans discontinuer.

Maximum de la capacité de la cuve-matière, 20 hectolitres ; en supposant qu’on les renouvelle une fois par 36 heures, on les renouvellera 243 fois par an ; le total des matières s’élèvera par an à 4,860 hectolitres. Le droit est, par hectolitre, de 18 centimes ; le total du droit, en supposant qu’on travaillât continuellement, s’élèvera à 874 fr. 48 c. M. Jullien propose une diminution de 10 p. c., qui fera 87 fr. 45 c. M. d’Huart propose une diminution de 15 p. c., qui fera 131 fr. 18 c.

Vous jugerez sans doute, messieurs, que ce n’est pas avec une pareille diminution, avec une prime aussi puérile, que les distilleries agricoles peuvent se soutenir, si, d’ailleurs, elles se trouvent dans l’impossibilité de lutter avec les grandes.

M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la discussion. Je regrette de n’avoir pas assisté à toutes les séances précédentes, car les débats eussent servi à mon éducation en matière de distillerie. Cependant je désire motiver, en deux mots, mon opinion sur l’amendement de M. d’Huart.

Je vois ici en présence des hommes forts et des hommes faibles. Par instinct, je soutiens les faibles, et j’admettrai l’amendement, précisément pour les raisons qu’a fait valoir le préopinant.

En effet, il résulte de ses calculs que le déficit causé par cet amendement doit être tellement minime qu’en vérité, je ne conçois pas qu’on discute aussi longtemps sur une mesure de si peu d’importance pour le trésor, et qui peut produire un effet aussi moral sur les distillateurs. Ne perdons pas de vue que nous abaissons le droit, non pas pour obtenir un plus grand produit, mais pour rendre les établissements de distilleries vraiment utiles. S’il était nécessaire d’établir un grand impôt sur quelque chose, ce serait sur le genièvre dont il serait heureux pour la morale publique qu’on pût diminuer la consommation ; car consultez les greffes des cours d’assises, et vous verrez que, à où il se consomme beaucoup de cette boisson, les crimes résultant de querelles, d’assassinats, sont dans une disproportion effrayante avec ceux commis dans les autres pays où la consommation est moindre.

Je le répète, le projet de loi a pour but non pas d’élever le produit, mais de favoriser l’agriculture. D’ailleurs, qu’est-ce qui peut vous arrêter, depuis que vous avez entendu le discours du préopinant ? Vous avez vu que c’est un encouragement moral plutôt que pécuniaire que nous donnerons aux cultivateurs, et cela sans perte, est quelque sorte, pour le trésor.

On dit : C’est une expérience que nous faisons. Mais aux dépens de qui doit se faire cette expérience ? Voulez-vous imiter ces docteurs qui dans l’enfance de l’art disaient : faciamus experimentum in anima vili ? Non, ce n’est pas ainsi qu’on doit agir dans notre siècle. Faisons l’expérience, mais aux dépens des grands distillateurs qui, Dieu merci, ne se sont pas appauvris. Ils ont acquis d’assez grosses fortunes : s’il y détriment, qu’ils le supportent. Du reste, vous devez être complétement rassurés à leur égard, d’après les calculs de M. Donny. Ainsi, vous ne pouvez pas hésiter sans vous faire accuser de vouloir favoriser les grandes distilleries. Quant à moi je voterai pour l’amendement. Je regrette seulement qu’il n’ait pas étendu la même faveur aux cuves de 30 hectolitres.

On dit que les petits distillateurs peuvent adopter comme les grands un système propre à accélérer la distillation. Mais ont-ils le moyen de le faire ? Aujourd’hui qu’ils sont ruinés, pouvez-vous leur imposer l’achat de grands appareils ? Ce serait une dérision.

L’amendement ne doit causer aucune espèce de préjudice aux grandes distilleries ; vous pouvez donc l’adopter en toute conscience.

M. de Muelenaere. - Messieurs, l’honorable M. Jullien s’est emparé d’un de mes arguments, et il en a tiré une conséquence favorable à l’amendement présenté par M. d’Huart.

Effectivement, j’ai eu l’honneur de faire observer à l’assemblée que, sous le régime de 1814 qui ne faisait aucune distinction, qui n’accordait aucune protection aux petites usines contre les grandes, les petites usines étaient généralement très prospères dans le pays. J’ai fait remarquer également que, sous la loi de 1822, qui accordait aux distilleries agricoles une prime considérable, une réduction de 20 p. c. sur le droit, toutes les petites usines étaient tombées. Mou honorable ami M. Jullien, a tiré de cela cette conséquence : Si les petites distilleries, avec une déduction de 20 p. c.., n’ont pas pu lutter contre les grandes, elles le pourront bien moins encore si la loi ne leur donne aucun avantage.

Mais il a oublié que j’avais fait observer en même temps, que sous le régime de 1814 elles avaient lutté avec succès lorsqu’elles ne jouissaient d’aucune déduction. Il résulte de là, messieurs, que ce n’est pas au moyen d’un avantage, quel qu’il soit, que ces petites usines pourront prospérer, mais seulement par l’effet et sous l’empire d’une bonne loi qui leur rende la liberté de l’industrie, qui fasse cesser les entraves et qui livre cette industrie à ses propres forces, comme en 1814. Malgré la réduction qui leur était accordée par la loi de 1822, les distilleries agricoles devaient nécessairement être écrasées par la raison que la fabrication du genièvre était impossible sans la fraude, et ce n’était qu’au moyen de grands établissements et d’appareils perfectionnés qu’on parvenait à frauder.

On a dit qu’il s’agissait ici de plaider la cause du faible contre le fort. Si la question était posée de cette manière, comme individu et comme député de la Flandre orientale, j’embrasserais de préférence la cause des distilleries agricoles. Mais c’est dans l’intérêt même de ces petites usines que je ne veux pas de la faveur qu’on réclame pour elles, parce que ce ne serait qu’une prime accordée à la mauvaise fabrication.

Je veux un essai dans ce sens que les distillateurs agricoles soient obligés d’étudier leur art, de le connaître et de perfectionner leur industrie. Or, ils n’en viendront là que lorsqu’ils sentiront le besoin de le faire pour soutenir la concurrence avec les autres distillateurs. Si, au contraire, ils pouvaient soutenir cette concurrence au moyen d’un privilège, quel intérêt auraient-ils à perfectionner leur industrie ? Aucun, et ils resteraient toujours dans le même état.

Remarquez bien que la perte pour le trésor ne sera pas la même que l’avantage qu’on veut accorder ; car les distillateurs agricoles qui auront des cuves-matières de 30 hectolitres réduiront leur usine et ne distilleront plus qu’avec 20 hectolitres, de manière que le trésor perdra non seulement la remise directe, mais encore le produit de l’impôt sur les 10 hectolitres supprimés. (Aux voix ! aux voix !)

M. Jullien. - Je veux soumettre à la chambre une dernière observation ; je lui demande pardon de prendre encore une fois la parole ; mais j’attache une grande importance à l’adoption de l’amendement de M. d’Huart.

On dit : Si vous accordez une faveur aux petites distilleries, vous allez leur faire du tort, parce que ce sera une prime accordée à la mauvaise fabrication. Eh bien, si l’on fabrique de mauvais genièvre, tant mieux, parce que plus il sera mauvais, moins on en boira. (On rit.) Mais la loi a-t-elle pour but la fabrication du genièvre ? Non, messieurs, elle a surtout pour but de favoriser la culture. Or, il est prouvé en chimie que moins ou dégage d’alcool de la matière, plus les résidus sont avantageux pour l’agriculture. Ainsi cette prime tournera tout entière au profit de l’agriculture que vous voulez favoriser.

On vous a parlé de l’état des grandes et petites distilleries en 1814. Mais je vous prie de remarquer qu’à cette époque on ne connaissait pas les nouveaux appareils au moyen desquels les grands distillateurs ont fait des fortunes si considérables. Ce n’est que depuis que ces appareils ont été introduits. Il n’y en a que depuis un ou deux ans dans la Flandre occidentale. On ne peut donc argumenter de ce qui s’est passé en 1814. (Aux voix ! aux voix !)

- L’article additionnel proposé par M. d’Huart est mis aux voix et rejeté.

Article 3

« Art. 3. Le travail de la distillation embrasse toutes les manipulations, depuis la mise en macération des matières, jusqu’aux bouillées et rectifications inclusivement. »

M. le président. M. le ministre des finances a proposé de rédiger ainsi cet article :

« On entend par jour de travail, servant de base à l’impôt, les jours effectifs de minuit à minuit, pendant lesquels l’on effectue soit les mises en macération de matières, soit des bouillées, soit des rectifications.

« Les jours où les travaux ne sont pas continuels sont néanmoins comptés comme jours entiers. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) développe son amendement en ces termes. - Le mot « distillation » employé dans cet article ne se trouve énoncé qu’au paragraphe 2 de l’article 2. Il semblerait que l’article 3 se rattache uniquement à ce paragraphe.

La détermination de ce que la loi entend par jour de travail n’est pas suffisamment fixée par l’article 3 du projet.

Il paraît donc convenable de changer la rédaction de cet article selon l’amendement que j’ai l’honneur de proposer.

- Cet amendement est adopté et remplacera l’article 3.

Article 4

« Art. 4. Toutes les déductions précédemment accordées sur la capacité des vaisseaux qui servent de base à la liquidation des droits, ainsi que les cents additionnels et autres taxes accessoires, sont supprimées.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) propose d’ajouter après les mots : « et autres taxes accessoires, » ceux-ci : « que le trésor perçoit au profit de l’Etat. »

- L’article, ainsi modifié, est adopté.

Article 5

« Art. 5. L’emploi des hausses mobiles, et de tous autres moyens propres à augmenter la capacité des vaisseaux, est prohibé. »

- Cet article est adopté sans changement.

Article 6

« Art. 6. Les distillateurs jouiront de termes de crédit, et l’exportation donnera lieu à la décharge ou à la restitution de l’impôt. »

M. le président. - M. le ministre des finances propose la rédaction suivante :

« Les distillateurs jouiront de termes de crédit, et l’exportation donnera lieu à la décharge des droits dans la proportion déterminée par l’article 29.

« Cette décharge ne sera pas accordée pour les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) développe son amendement en ces termes. - L’on n’a jusqu’à présent accordé la remise des droits à l’exportation que par le moyen de la décharge sur les comptes courants, soit des droits, soit des quantités, des expéditeurs qui font ces exportations. Le mot « restitution » donnerait à cette remise une autre forme et une extension qui ne peut être admise.

La proportion du droit sur le genièvre, en rapport avec le taux d’impôt à la fabrication et sur les matières, doit être déterminée. Celle établie à l’article 29 du projet de loi doit être appliquée au cas d’exportation.

Les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins, jouissant de l’exemption des droits à la fabrication, ne doivent point obtenir décharge d’un droit qu’elles n’ont pas payé ou supporté.

M. de Muelenaere. - Je désire avoir une explication de M. le ministre des finances. La dernière partie de son amendement porte :

« Cette décharge ne sera pas accordée pour les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins. » Je ne conçois pas comment on peut se servir de ces expressions ; car, quand il n’y a pas eu prise en charge, comment pourrait-on en obtenir décharge ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Ce paragraphe a pour but d’empêcher que ces eaux-de-vie obtiennent une décharge lorsqu’elles sont vendues à des entrepositaires ou à des distillateurs qui demanderaient décharge sur ces mêmes objets, parce qu’ils seraient en compte courant avec l’administration, et qui voudraient les exporter.

M. Brabant. - La disposition du paragraphe est superflue. L’explication de M. le ministre des finances ne peut recevoir ici son application, car un entrepositaire ne peut pas obtenir une décharge quand le distillateur son vendeur n’est pas lui-même mis en charge.

M. d’Elhoungne. Les observations qui viennent d’être faites prouvent que le paragraphe est tout à fait inutile, et je demande qu’il soit supprimé. Mais il est un autre point sur lequel je désire voir adopter un changement de rédaction. Au lieu des mots « dans la proportion déterminée par l’article 29, » je voudrais qu’on mît « au taux fixé, etc. » (Appuyé !)

M. Osy. - Je ferai observer que le dernier paragraphe de l’amendement est nécessaire, parce qu’un distillateur pourrait vouloir exporter les fruits à noyaux.

M. Berger. - Je ne pense pas que cette observation soit fondée ; car je ferai remarquer que les décharges accordées aux distillateurs ne peuvent excéder leur mise en charge ; et ils ne sont mis en charge que pour leur propre distillation.

M. d’Elhoungne. - M. Osy a raison ; je vais par un exemple faire sentir la nécessité de maintenir le paragraphe. Un marchand fait transférer à son compte 1,000 hectolitres d’eau-de-vie ; en même temps il a en magasin 100 hectolitres de kirsch-waser ; il exporte ces 100 hectolitres de kirsch-waser ; son compte est déchargé de ces 100 hectolitres, et il ne doit plus que 900 hectolitres.

M. Coghen. - Je voulais répondre à M. d'Elhoungne, qui d’abord avait demandé la suppression ; mais j’ai vu avec plaisir qu’il n’a pas persisté dans sa demande.

- Le premier paragraphe est adopté avec la modification proposée parM. d'Elhoungne.

Le deuxième paragraphe est aussi adopté. L’ensemble de l’amendement est également adopté ; il remplacera l’article 6.

Article 7

« Art. 7. Le dépôt des eaux-de-vie à l’entrepôt public ou particulier suspendra le paiement des droits.

« On n’admet pas ces boissons en entrepôt fictif. »

M. le président. - Voici la rédaction proposée par M. le ministre des finances : « Les eaux-de-vie que l’on désire entreposer ne sont admises qu’en entrepôt public ou particulier.

« L’admission en entrepôt n’a lieu que lorsque le terme de crédit relatif aux boissons à entreposer n’est pas échu.

« Les eaux-de-vie peuvent être transportées d’un endroit vers un autre.

« Elles peuvent également, dans un même entrepôt, être cédées à un nouvel entrepositaire. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’article 7 du projet ne paraît pas exclure de la suspension de paiement les termes échus ; et certes ceux-ci ne peuvent être assurés que par le paiement à l’échéance.

Ce serait laisser trop de latitude à un contribuable en retard de payer ses termes échus que de lui ouvrir le moyen d’éluder ce paiement. Les rentrées du trésor en seraient affectées de trop de chances d’incertitude et de périclitation. Un contribuable doit, s’il veut user de la faculté d’entrepôt, le faire en temps utile.

La loi doit donc se prononcer à cet égard.

La loi générale du 26 août 1822 ne devant avoir qu’une existence provisoire, il serait bon d’insérer dans le nouveau projet les dispositions proposées par l’amendement, puisqu’elles se rattachent spécialement à un objet imposable, le genièvre, qui reçoit dans le nouveau projet un mode d’entreposage tout particulier.

M. Coghen. - Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien définir ce qu’il entend par entrepôt particulier.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’entrepôt particulier ne diffère de l’entrepôt réel qu’en ce qu’il se trouve dans des bâtiments appartenant aux individus et qu’il est mis sous la double clef de l’administration et de ces individus. -

M. Coghen. - Cette explication me suffit ; je croyais qu’il entendait par ce mot les citernes de tous les distillateurs.

M. d’Elhoungne. - Je demande la suppression des deux derniers paragraphes, parce que le cas se trouve prévu à l’article 98 de la loi générale, qui porte que les marchandises entreposées peuvent être transportées de l’entrepôt public à l’entrepôt particulier, et de l’entrepôt particulier à l’entrepôt public, et aussi vers un entrepôt situé dans une autre commune soit au nom de l’entrepositaire, soit à celui du nouvel acquéreur.

Vous voyez, messieurs, que la disposition qu’on nous propose est absolument la même, et comme la loi générale est toujours en vigueur, il est inutile de répéter cette disposition dans une loi spéciale.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je ferai observer que j’espère présenter sous peu une loi générale qui pourra peut-être apporter des modifications dans cette partie. Voilà pourquoi j’ai proposé l’amendement.

M. Brabant. - Je viens appuyer la demande qu’on a faite de supprimer les deux derniers paragraphes. Il est dit à l’article 53 du projet que nous ne dérogeons pas à la loi générale. Or, quoiqu’on se propose de la modifier, elle est toujours en vigueur. Il est donc inutile de répéter une disposition existant dans cette loi générale.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) déclare retirer les 2 derniers paragraphes de son amendement.

L’amendement ainsi restreint est mis aux voix et adopté. Il formera l’article 7.

Article 8

« Art. 8. Nul n’obtiendra terme de crédit que sous caution, et en se conformant aux dispositions du chapitre 23 de la loi générale du 26 août 1822.

M. le président. - M. le ministre des finances propose cet amendement :

« Nul n’obtiendra crédit ni ne jouira d’entrepôt particulier, que sous caution et en se conformant aux dispositions légales qui règlent le mode de cautionnement en matière d’accises.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) le développe eu ces termes. - Le mode de cautionnement est un mode général qui subira peu ou point de changements, lorsque la loi générale de 1822 sera changée ; on peut donc laisser subsister la mention qui rapporte le mode de cautionnement à la loi de 1822.

Mais l’extension que la loi projetée accorde au mode d’entrepôt particulier par l’article 7, et la facilité qu’il y a à soustraire des liquides d’un entrepôt particulier, exigent qu’il ne soit accordé que sous cautionnement des droits, de même que les crédits à termes, puisque l’entreposage est aussi un crédit, mais plus prolongé.

M. d’Elhoungne. - Dans le sein de la commission on n’a pas admis l’amendement dont il s’agit, parce que la rédaction du projet était plus claire, plus positive, et que cet amendement tendrait à aggraver la condition des contribuables, quand ils font usage de l’entrepôt particulier. Si vous consultez la loi générale qui règle les entrepôts, vous verrez que pour les entrepôts publics et les entrepôts particuliers, le mode de surveillance est le même, toute la différence consiste en ce que l’entrepôt public est une propriété de commerce, de la commune ou du gouvernement, tandis que l’entrepôt particulier est une propriété privée, agréée par l’administration des accises pour servir d’entrepôt aux mêmes conditions que le premier. Voici ce que porte l’article 89 de la loi générale

« L’entrepôt public est un lieu de dépôt public et général, sous la surveillance de l’administration ; il sera fermé à deux clefs différentes, dont l’une sera confiée à l’administration et l’autre au commerce.

« L’entrepôt particulier est le dépôt dans des magasins qui seront désignés par les négociants, et auront été reconnus propres et convenables à cet effet par l’employé supérieur du lieu ; ils seront fermés de part et d’autre, comme il est dit ci-dessus. »

Vous voyez, messieurs, qu’il n’y a là aucune distinction et qu’il n’y a qu’un mode de surveillance pour les deux sortes d’entrepôts. Par conséquent je ne vois pas pourquoi nous établirions une différence à cet égard dans notre loi.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - J’admets la justesse des observations de l’honorable préopinant, en ce sens que l’entrepôt particulier et l’entrepôt public sont la même chose vis-à-vis de l’administration.

Mais il existe cependant un fait sur lequel j’appellerai l’attention de l’honorable membre, c’est que l’administration éprouvé mille désagréments dans les entrepôts particuliers, tandis qu’elle n’en a eu aucun dans les entrepôts publics, parce que ces derniers sont sous sa surveillance immédiate, et que ses agents y sont logés. Dans les entrepôts particuliers, une foule de soustractions et de vols ont eu lieu ; et c’est pour prévenir le retour de ces abus que j’avais proposé l’amendement.

M. Brabant. - Je ferai remarquer que le raisonnement de ministre des finances tend directement à la prohibition de l’entrepôt particulier. Mieux vaut ne pas l’accorder que de le soumettre à une caution. Quant aux abus dont a parlé M. le ministre, si les entrepositaires se sont refusés à admettre les agents de l’administration, il fallait dresser procès-verbal.

M. le ministre des finances (M. Duvivier). - C’est en dehors des temps de surveillance que j’ai dit qu’une foule d’abus avaient été commis dans les entrepôts particuliers, abus qui n’avaient jamais eu lieu dans les entrepôts publics. Quand aucun cautionnement ne garantit la garde des objets déposés dans les entrepôts particuliers, l’administration est exposée à des banqueroutes, à des fraudes et à des abus de toute espèce.

M. Jullien. - Lorsqu’on se réfère à la loi générale, il faut prendre cette loi telle qu’elle est. Elle est déjà assez sévère, elle exige des formalités extrêmement rigoureuses pour l’obtention d’entrepôts particuliers. Et quand on s’est occupé sous l’ancien gouvernement, sous une administration extrêmement fiscale, des précautions à prendre pour empêcher le commerce de frauder, je vous réponds qu’on n’a rien négligé. Je ne pense pas qu’on puisse faire mieux aujourd’hui. Si vous adoptiez l’amendement, ce serait comme si vous vouliez enlever au commerce le bénéfice des entrepôts particuliers. Je m’oppose donc à cet amendement.

- L’amendement est mis aux voix et rejeté.

L’article 8 du projet est adopté.

Article 9

« Art. 9. L’administration n’acceptera les immeubles en cautionnement que pour les trois quarts de la valeur nette, et les propriétés bâties que pour autant qu’elles seront assurées. »

M. le président. - M. le ministre des finances propose de substituer au mot « seront » le mot « soient. »

- L’article ainsi modifié est adopté.

La discussion est renvoyée demain à midi.

La séance est levée à quatre heures et demie.