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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 26 février
1833
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projets de loi relatifs aux droits de
barrières (de Theux)
3) Projet de budget de la chambre des
représentants pour l’exercice 1833 (Dumortier, A. Rodenbach)
4) Projet de loi relatif à l’impôt des
distilleries. Discussion des articles. Fixation du montant de l’accise pour
certaines matières de macération (Duvivier, Dumortier, d’Huart, Berger, Zoude, Dumortier,
d’Huart, A. Rodenbach),
déduction en faveur des petites distilleries agricoles (d’Huart,
Desmet, A. Rodenbach, de Theux, Duvivier, Delannoy, Jullien, d’Elhoungne, Dumont, Duvivier, de Muelenaere, d’Huart, Jullien, A. Rodenbach, Donny, Gendebien, de Muelenaere, Jullien), décharge du droit et crédit d’impôt, recours aux
entrepôts (Duvivier, de
Muelenaere, Brabant, d’Elhoungne,
Osy, Berger, d’Elhoungne,
Coghen, Duvivier, Coghen, d’Elhoungne, Duvivier, Brabant, Duvivier, d’Elhoungne, Duvivier, Brabant, Duvivier, Jullien)
(Moniteur belge n°59, du 28 février 1833)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une
heure et quart par l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. de Renesse présente l’analyse des pétitions adressées à la
chambre ; elles sont renvoyées à la commission.
Le même lit une lettre de M.
de Béthune, qui fait hommage à la chambre d’un exemplaire du « Précis
historique du siège d’Anvers. »
- Dépôt à la bibliothèque.
_______________
M. de Nef demande un congé de
douze jours.
- Accordé.
PROJETS DE LOI RELATIFS AU DROIT DE BARRIERES
M. de Theux est appelé à la tribune pour faire, au nom de la
section centrale, un rapport sur les trois projets de loi relatifs aux
barrières récemment présentés à la chambre. (Le rapport de l’honorable membre
ne nous est pas parvenu.)
M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué, et comme la
discussion en est urgente, je propose de la fixer après celle de la loi sur les
distilleries.
M. Dumortier. - Je demande la parole. Messieurs, il y a une
discussion plus urgente encore que celle-là ; c’est celle du budget de la
chambre, dont le rapport vous a été fait il y a peu de jours. Je dis qu’elle
est plus urgente, parce qu’on ne peut pas faire le rapport de la première
partie du budget du gouvernement sans que celui de la chambre n’ait été
examiné, puisqu’il doit faire partie du budget général. Je demande donc que
nous discutions notre budget immédiatement après la loi sur les distilleries,
et j’ajouterai qu’il est peut-être convenable, comme cela se pratique en
France, que nous le discutions en comité secret. C’est une affaire en effet
qu’il s’agit de débattre en famille.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le budget de la
chambre sera discuté après la loi des distilleries ; viendront ensuite les lois
sur les barrières.
M. A. Rodenbach. - M. Dumortier a proposé de discuter le budget de la
chambre en comité secret ; cette proposition est-elle aussi adoptée ?
M. le président. - C’est la constitution qui règle les cas où il y a
lieu à discuter en comité secret. Le jour où il s’agira d’ouvrir la discussion,
si dix membres demandent le comité secret, il sera ordonné. Jusque-là la
question peut demeurer indécise.
PROJET DE LOI RELATIF A L’IMPOT DES DISTILLERIES
Discussion des articles
L’ordre du jour appelle la
suite de la discussion des articles de la loi sur les distilleries.
M. le président. - Nous en sommes restés au deuxième paragraphe de
l’article 2, lequel est ainsi conçu :
« Néanmoins, la
distillation des fruits à pépins et à noyaux macérés est exemple de tout droit,
sauf à en faire la déclaration préalablement à leur emploi. »
Sur ce paragraphe, M. le
ministre des finances propose un amendement ainsi conçu :
« Néanmoins, la mise en
macération et la distillation des fruits à pépins et à noyaux, sans mélange
d’autres matières produisant de l’alcool, sont exemptes de tout droit, sauf à
en faire déclaration préalable.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) a la parole pour
développer son amendement. Il s’exprime ainsi. - Messieurs, puisque l’impôt est
assis sur les cuves, et qu’ainsi c’est la mise en macération plutôt que la
distillation des matières qui est spécialement imposée, il semble que les mots
« mise en macération » doivent aussi être insérés dans cet article,
qui serait, de cette manière, plus explicite.
Il importe que l’exemption,
que par exception la loi accorde pour les fruits, ne soit pas étendue à des
mélanges qui la feraient facilement tourner au profit de la fraude ; il paraît
donc indispensable d’ajouter la condition : sans mélange d’autres matières
produisant de l’alcool.
M. Dumortier. - Messieurs, je rappellerai les observations que
j’ai présentées hier, non pas précisément pour m’opposer à l’amendement de M.
le ministre des finances mais au paragraphe 2 de l’article lui-même. Je ne puis
concevoir comment on établirait un privilège en faveur de quelques
distilleries. Si vous affranchissez du droit les distilleries où on travaille
sur les fruits à noyaux, ces distilleries auront un grand avantage ; elles
prendront un grand développement, mais elles feront du tort aux autres. C’est
un véritable privilège que vous leur accordez, ce qui est contre toute justice,
et d’ailleurs contre les termes de la constitution qui défendent d’accorder des
privilèges.
Il y a un autre motif pour
s’opposer à l’adoption de cette disposition, qui est tout entière en faveur de
la province de Luxembourg. C’est que, la loi autorisant la restitution du droit
à la sortie, on exportera des eaux-de-vie, que l’on fera passer pour des
eaux-de-vie de noyaux de fruits, et on se fera restituer un droit qu’on n’aura
jamais payé. On sait qu’il existe des procédés au moyen desquels on peut faire
disparaître le goût des eaux-de-vie ; nul doute qu’on ne les emploie pour
frauder le droit. C’est là ce que nous ne devons pas autoriser, et c’est ce que
nous ferions cependant par l’adoption de l’article.
M. d’Huart. - Je suis vraiment étonné que le deuxième paragraphe
de l’article 2 rencontre de l’opposition dans cette chambre. L’exception que
cette disposition consacre présente si peu d’intérêt tour le trésor d’un côté,
et un si grand avantage politique de l’autre, que je ne conçois pas comment on
ose le combattre.
A qui profitera l’exception ?
Exclusivement aux habitants de la partie allemande du Luxembourg. Et combien y
perdra le gouvernement ? La commission vous l’a dit dans son rapport, 3 à 4,000
fr. par an.
Ainsi, pour enrichir le trésor
de 3 à 4,000 fr., vous vous refuserez à procurer un grand bien à de malheureux
habitants que la plus douloureuse nécessité vous a forcés d’abandonner à la
vengeance de leur ancien dominateur irrité.
Aurait-on
déjà oublié le dévouement de ces généreuses populations qui continuent à payer
sans murmurer de lourds impôts au profit de la Belgique ? Ne sait-on donc pas
que les enfants des Luxembourgeois allemands sont encore aujourd’hui, parmi
l’élite de notre armée, prêts à verser leur sang pour une cause qui n’est plus
la leur, pour maintenir votre indépendance et vos libertés qu’ils ont conquises
avec vous, et dont l’existence, loin de leur être profitable, ne sera au
contraire qu’un sujet perpétuel de vexations pour eux ?
Messieurs, vous pouvez
aujourd’hui, à bien peu de frais, mettre en action votre sollicitude, jusqu’à
présent stérile, pour vos infortunés concitoyens, victimes de la diplomatie ;
il y aurait une ingratitude révoltante à ne pas saisir cette occasion pour le
faire ; aucun de vous n’est prêt à s’en rendre coupable.
M. Berger. - Messieurs, l’honorable préopinant vient de vous
donner quelques explications pour appuyer l’adoption du paragraphe en
discussion ; il a puisé ces explications dans des considérations toutes politiques
: je prendrai la liberté de l’appuyer à mon tour, mais par des considérations
prises dans le système de législation qui est maintenant en discussion. D’abord
il a été reconnu par votre commission que la distillation des fruits est tout à
fait insignifiante en Belgique. Si on la frappait des mêmes droits que la
distillation des grains, le produit serait réduit à presque rien. Votre
commission a cru qu’on pouvait l’affranchir de tout droit ; par-là elle a voulu
encourager les habitants à planter des arbres fruitiers et il n’est pas douteux
que si plus tard cette industrie prenait un grand développement, on pourrait
l’imposer comme les autres.
Une
autre observation importante à faire, c’est que la macération des noyaux doit
durer plusieurs mois ; Or, comme la loi a pris pour base de l’impôt la durée de
la macération, il s’en suivrait que les distillateurs de fruits paieraient 200
à 300 fois plus que les distillateurs de grains. Cent litrons de fruits ne
donnent que 5 ou 6 litrons d’alcool ; c’est une chose prouvée. Il est reconnu
aussi qu’il faut 5 ou 6 mois pour faire fermenter les fruits. L’impôt se
percevant à raison de 16 centimes par chaque jour de macération, si vous
multipliez ce chiffre par celui des jours qui se trouvent dans 5 ou 6 mois,
vous verrez à quel énorme droit vous assujettiriez les distilleries de fruits.
Adopter cette base, ce serait anéantir tout le système de la loi.
Je répondrai à une autre
observation de M. Dumortier. Il a dit que cette exemption créerait une fraude
au préjudice du trésor, en ce que l’on se ferait restituer à la sortie un droit
qu’on n’aurait jamais payé, en exportant des eaux-de-vie de grains, qu’on
ferait passer pour des eaux-de-vie de fruits. Mais il n’est pas du tout
question dans la loi d’accorder la restitution du droit ; il n’y est question
que d’accorder la décharge du droit ; il faudra donc avoir pris en charge,
d’abord pour pouvoir être déchargé, et certes ceux qui n’auront rien payé ne
recevront rien.
M. Zoude. - Messieurs, l’eau-de-vie de fruits se fabrique en
très petite quantité, et il ne peut plus guère en être autrement depuis le
régime de 1822, sous lequel on a abattu dans le Luxembourg plus de 40 mille
arbres fruitiers.
Cette fabrication, d’ailleurs,
est presque exclusivement fermée à la partie allemande que le traité de paix
nous enlève, et il n’y a guère que çà et là vers Arlon et Virton qu’on
rencontre encore de ces distilleries.
Il
y a d’ailleurs, messieurs, quelque peu de politique dans la proposition de
votre commission, et puis cette production est si restreinte qu’elle n’entre
encore que pour une très faible portion dans la consommation du pays.
Si l’on n’accorde pas de
décharge de droit pour l’exportation par terre, ne craignez pas, messieurs,
leur arrivée à Anvers ou Ostende ; le transport s’élèverait au double de la
restitution, et si vous accordez la restitution par terre, ne craignez rien
encore : le goût de cette eau-de-vie est à celui des genièvres comme la bière
l’est au vin. La méprise est impossible.
Vous craignez la corruption ;
mais, pour corrompre, il faudrait donner à l’employé prévaricateur tout le
montant de la restitution, autrement il n’y aurait pas à gagner en cessant
d’être honnête homme.
M. Dumortier. - Messieurs, j’avoue que je ne m’attendais pas à ce
que le préopinant qui siège un peu au-dessous de moi, invoquerait des motifs
politiques à l’appui de la disposition en discussion, et qu’il donnerait à
entendre que ceux qui s’opposeraient à son adoption le feraient au préjudice de
habitants du grand-duché, victimes de la diplomatie. Messieurs, je crois avoir
assez témoigné dans maintes circonstances ma sympathie pour les habitants du
Luxembourg qu’on a eu la barbarie d’arracher à la Belgique, eux qui avaient
fait la révolution avec nous, et dont les enfants servent encore dans notre
armée, pour pouvoir me dispenser de repousser le reproche qu’on m’a adressé.
Mais c’est tout à fait déplacer la question que de la porter sur ce terrain :
il ne s’agit pas de savoir si la mesure sera avantageuse aux habitants du
Luxembourg, mais s’il y aura égalité en toute chose en Belgique, et si on
violera en faveur d’une industrie le principe d’égalité écrit dans notre
constitution.
Hier
vous avez refusé d’accorder un privilège à la distillation des pommes de terre,
ferez-vous une exception aujourd’hui pour la distillation des fruits ?
Remarquez, messieurs, que le préopinant nous a parlé de 40,000 pieds d’arbres
fruitiers dans le Luxembourg ; certes, ce n’est pas là une petite industrie.
J’ai voyagé dans le grand-duché, et j’ai vu qu’il y avait peu de fabriques de
kirsh-waser, il est vrai, mais beaucoup de fabriques d’eaux-de-vie de prunes ;
cette industrie n’est donc rien moins qu’insignifiante. L’honorable M. Berger a
dit qu’il ne s’agissait pas dans la loi de restitution de droit, mais de
décharge du droit ; cela ne lève pas la difficulté, car pour pratiquer la
fraude que j’ai signalée, il suffira qu’un individu, qui aura payé le droit,
achète de l’eau-de-vie de fruits et se fasse restituer en l’exportant.
On m’a fait une autre
objection, c’est qu’il faut plusieurs mois pour macérer les noyaux. Je désire
que cette industrie soit protégée autant qu’elle peut l’être, et s’il faut
faire un amendement à la loi pour établir la proportion entre la distillation des noyaux et celle des grains, je
l’appuierai de tout mon cœur ; mais je repousserai toute disposition qui
tendrait à l’affranchir de tout droit.
M. d’Huart. - Messieurs, j’ai pu mettre en avant des
considérations politiques puisque les distilleries de fruits se trouvent toutes
dans la partie allemande du Luxembourg, et M. Dumortier est dans l’erreur s’il
croit qu’il y en a dans les autres parties ; du reste, la commission elle-même
avait envisagé la question sous le rapport politique. Pour ce qui concerne la
restitution des droits, M. le ministre des finances vient de me dire qu’il
proposerait à l’article 6 du projet un amendement tendant à empêcher cette
fraude. Je crois que ces explications sont de nature à satisfaire l’honorable
M. Dumortier, et j’espère qu’il n’insistera pas davantage.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, on vous a dit que les distilleries de
fruits ne rapporteraient au trésor que la somme de 3 ou 4 mille francs, et cela
est vrai.
Or, pour surveiller 2 à 3 000
petites distilleries, il vous faudrait un assez grand nombre d’employés, et ce
n’est pas exagérer en portant la somme de leurs traitements à un total de 6,000
fr. ; il en coûterait plus pour la surveiller qu’elles ne rapporteraient ; ceci
vous prouve qu’on peut sans danger les affranchir de tout droit. D’ailleurs,
l’objection prise de ce que la macération de noyaux exige 5 ou 6 mois, prouve
qu’il serait impossible de trouver une base équitable pour leur appliquer la
loi actuelle. Quant à ce qu’a dit M. Dumortier, de la restitution des droits,
je lui répondrai qu’il est à croire que M. le ministre des finances prendra des
mesures pour empêcher la fraude. Mais en supposant même qu’il n’en prît aucune,
je prouverai que cette fraude est impossible. En effet, si quelqu’un veut
exporter un liquide, vous savez que l’exportation est interdite par terre ;
elle n’est permise que par mer, il faudra donc faire porter le liquide à Anvers
ou à Ostende. Or, on sait qu’il n’y a pas grande différence entre le poids d’un
kilogramme et d’un litre d’eau-de-vie. 100 livres paient 61 fr. de port du
Luxembourg à Anvers, il en coûtera donc 6 fr. par hectolitre, et le drawback
n’est que de 4 fr. ; il y aurait donc perte de 2 fr. pour le fraudeur. Il n’y a
donc pas de spéculateur qui fut assez inepte pour s’y livrer.
- L’amendement de M. le
ministre des finances est mis aux voix et adopté.
On passe à l’article 3 du projet ainsi conçu :
« Art. 3. Le travail de la
distillation embrasse toutes les manipulations, depuis la mise en macération
des matières jusqu’aux bouillées et rectification inclusivement. »
M. le président. - Il y a deux amendements sur cet article, un de M.
le ministre des finances et un de M. d’Huart.
M. d’Huart. - Ce n’est pas un amendement que je propose, c’est
un article additionnel, qui deviendrait le troisième de la loi, en sorte que
l’article 3 deviendrait l’article 4, ainsi de suite.
M. le président. - Voulez-vous que votre article additionnel soit
avant ou après l’article 3 ?
M. d’Huart. - Avant.
M. le président. - C’est donc ici le lieu de le discuter. Voici cet
article additionnel :
« Art. 3. Les
distillateurs agricoles se servant de vaisseaux à macération et à fermentation,
dont la capacité réunie n’excède pas vingt hectolitres de matière, jouiront
d’une déduction de quinze p. c. sur la quotité de l’accise fixée par l’article
précédent.
« Ces distillateurs
n’auront droit à cette déduction que lorsqu’ils se conformeront en tous points
aux conditions suivantes :
« 1° Qu’ils tiennent à
l’étable au moins une bête à cornes par double hectolitre de matières qu’ils
emploient par jour ; on n’aura point égard aux fractions d’hectolitre ;
« 2° Qu’ils cultivent par
eux-mêmes ou par les personnes de leur maison, y demeurant, et toujours pour
leur compte, au moins un bonnier de terres arables ou de pâture par double hectolitre
de matières macérées à employer chaque jour ; une fraction de bonnier ne devra
point être justifiée ;
« 3° Qu’ils ne tiennent,
soit par eux-mêmes, soit par autrui, d’autre distillerie dans un rayon de
distance de 3,000 aunes de celle en faveur de laquelle ils entendent jouir de
la déduction ;
« 4° Qu’ils joignent à
l’appui de leur première déclaration de distiller, un état indicatif et
descriptif des terres arables ou pâturages qu’ils cultivent, et certifié
véritable en tout point par le chef de l’autorité communale du lieu où les
terres sont située, ou par le chef de l’administration provinciale.
« Si l’entretien des
bestiaux ou la consistance de culture primitivement justifiés subissaient
ensuite, et pendant la durée d’une déclaration, quelque réduction inférieure à
la proposition exigée pour obtenir la déduction, le contribuable est tenu d’en
faire déclaration au receveur et cessera en ce cas d’en jouir.
« A défaut de pareille
déclaration, ou s’il était reconnu que le contribuable eût fait usage de
justification inexacte pour se procurer, sans y avoir réellement droit, la
jouissance de cette déduction, il sera obligé de payer le double droit sur le
produit de sa déclaration courante, et même sur celui des déclarations
antérieures, lorsqu’il serait reconnu que, pendant leur durée, les conditions
exigées n’existaient plus dans leur entier.
« Il sera en outre privé
ultérieurement, pendant trois mois, du bénéfice de toute déduction. »
M. d’Huart. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous
soumettre en faveur des petites distilleries agricoles, est dicté par un
sentiment d’équité et de justice distributive ; aussi, je suis persuadé qu’il
suffira de lui donner des développements pour qu’il reçoive un bon accueil près
de vous.
Tout le monde sait que
l’emploi de petits vaisseaux pour la fermentation des matières rend celle-ci
infiniment moins parfaite que lorsqu’elle s’opère dans de vaisseaux de grande
dimension ; on sait aussi que le petit distillateur ayant des appareils très
imparfaits, il lui faut nécessairement plus de temps qu’au grand distillateur
pour opérer la distillation ; or, la durée de celle-ci servant de base à
l’impôt, il est évident que le petit distillateur éprouve de ce chef un
préjudice réel ; d’un autre côté, comme il travaille sur des quantités beaucoup
plus faibles que le grand distillateur, il essuie encore sous ce rapport une
perte notable parce qu’il est obligé d’employer à peu près autant de
combustible pour entretenir l’ébullition dans un petit alambic que dans un
grand.
Il est à remarquer aussi que
le distillateur agricole ne peut produire une eau-de-vie d’aussi bonne qualité
que le grand distillateur, parce qu’en employant le résidu des matières à la
nourriture du bétail, il doit travailler ces matières dans leur état naturel et
s’interdire d’opérer sur des sirops, des fécules, et l’on sait que ces extraits
procurent des résultats de meilleure qualité ; de là, nouveau préjudice pour le
petit distillateur.
Outre les désavantages
notables que je viens de signaler sommairement, le petit distillateur en subit
nécessairement une quantité d’autres qu’il serait trop long et d’ailleurs
inutile d’énumérer, parce que cela est reconnu depuis longtemps.
Dans le projet de loi présenté
au congrès national le 30 mai 1831 par M. Ch. de Brouckere, ministre des
finances à cette époque, on avait reconnu la justice d’admettre une modération
de l’impôt en faveur des distilleries agricoles ; et en relisant l’article de
ce projet de loi, nous remarquons que mon amendement n’en est que la
reproduction, modifiée seulement de manière à cadrer avec les bases et les
termes du projet aujourd’hui en discussion.
Le projet de loi de M. de
Brouckere, représenté le 1er juin 1832 par son successeur, M. Coghen, contenait
encore la même disposition en faveur de distilleries agricoles ; et, dans la
séance de vendredi dernier, M. le ministre des finances vous a déclaré que dans
son opinion la loi aujourd’hui en discussion était telle qu’elle était conçue,
infiniment plus favorable aux grandes qu’aux petites distilleries. Il résulte
donc de l’opinion des trois ministres des finances qui se sont succédé, qu’il y
a lieu de faire subir une modification à la loi en discussion dans le sens de
mon amendement.
Mais, vous ont dit quelques
honorables députés, ce qui prouve que le projet de loi convient aux petits
distillateurs, c’est qu’aucun d’eux n’a réclamé contre son adoption. Si cette
assertion était vraie, elle devrait faire peu d’impression sur vos esprits, car
on sait que le simple agriculteur n’est guère au courant des objets sur
lesquels les chambres législatives délibèrent, et qu’ainsi il est bien rarement
en situation de plaider auprès d’elles.
Toutefois, je ferai observer
qu’il n y a pas absence de réclamations, comme on l’a avancé. Les petits
distillateurs du canton d’Ittre, arrondissement de Nivelles, ont sollicité une
modification du projet en discussion ; de plus, la chambre de commerce de
Louvain a vivement réclamé en faveur des petites distilleries, et celle de
Bruxelles a aussi manifesté une grande inquiétude sur leur avenir, si le projet
était adopté sans modification ; permettez-moi, messieurs, de vous donner
lecture des courts passages des pièces qui renferment ces observations. (Ici
l’orateur lit divers documents à l’appui de son opinion.)
Dans la dernière séance, M. de
Muelenaere a démontré d’une manière tout à fait concluante que les petites
distilleries seules pouvaient se multiplier et se disséminer suffisamment pour
servir efficacement à la culture du sol. Je ne m’attacherai donc pas à
démontrer de nouveau cette vérité incontestable ; seulement j’en tirerai la
conclusion que nous devons chercher par tous les moyens à rendre possible et à
faciliter l’établissement de ces intéressantes usines sur tous les point du
territoire ; peut-être serait-il sage de les encourager même par des privilèges
; cependant ce n’est pas cela que je viens solliciter en leur faveur, loin de
là, ce que je demande, c’est la justice distributive et rien de plus.
Venant au taux de la déduction
que je vous demande d’admettre, je me bornerai à vous faire remarquer que,
d’après l’article 51 du projet de M. Ch. de Brouckere, cette déduction était
portée à raison de 25 p. c., tandis que celle que je réclame n’est que de 15 p.
c. Cette observation détruit, à elle seule, tout ce que l’on pourrait objecter
contre ma proposition.
Les
conditions que mon amendement impose pour jouir du bénéfice qu’il consacre
sont, quoique très faciles à remplir, suffisantes pour obvier à la fraude ;
elles permettent au fisc d’empêcher les abus ; et au pauvre agriculteur
d’améliorer la culture de ses terres, dont, il ne faut pas l’oublier, nous
avons, il y a peu de temps, grever l’impôt foncier de 40 p. c.
M. le président. - La proposition est-elle appuyée ?
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. Desmet. - Messieurs, je ne puis partager l’opinion qu’il
faille accorder aux petites distilleries, soi-disant agricoles, une déduction
de 15 p. c. sur la quotité de l’impôt. Ce privilège ne me semble point
nécessaire, et je crois même qu’il conduirait à une injustice.
Si on entend par distilleries
agricoles celles qui engraissent des bestiaux, toutes nos distilleries sont
agricoles et établies en faveur de l’agriculture.
La réduction serait fondée sur
aucun principe, parce que les produits de la distillation sont très incertains,
très variables et absolument indéterminables ; ils ne dépendent point de la
manière qu’on distille et que sont confectionnés les appareils distillatoires
qu’on emploie, ils sont entièrement dépendants du bon ou mauvais procédé de
macération et de fermentation, et il est constant que la fermentation des
matières macérées peut être aussi parfaite dans un petit vase comme dans un
grand, dans une petite cuve comme dans une grande. Pourquoi donc un petit
distillateur ne pourrait-il pas posséder l’art de bien macérer, et rendre la
fermentation aussi parfaite, qu’un distillateur à grand appareil ?
J’ai visité des petites
distilleries, où j’ai vu des matières en fermentation, qui fermentaient dans la
grande perfection, nulle part on n’aurait pu rencontrer un meilleur état de
fermentation alcoolique.
Cependant plusieurs honorables
membres croient que les appareils à vapeur réunissent des avantages sur les
appareils anciens, qu’en conséquence les distilleries agricoles devraient être
protégées dans la loi, par un article en leur faveur, qui les mît à même de
soutenir la concurrence des grandes distilleries.
Je conviens que les appareils
à vapeur ont l’avantage de ne pas brûler les matières, et c’est pour cela qu’on
les a employés avec tant de bénéfice quand, pour frauder la forte taxe, on a
macéré avec des charges pesantes ; que, le travail étant plus accéléré, il y a
économie dans le combustible ; mais il n’en est pas de même quant au produit
qui serait plus grand, parce que l’appareil à vapeur dépouille mieux, et que la
liqueur serait plus parfaite. Sur ces deux derniers points, Dubrunfaut est en
erreur, ou, pour mieux dire, il se contredit ; car veuillez voir son ouvrage, deuxième
édition de Bruxelles, vous lirez à la page 344 : « On aura été frappé,
sans doute, de l’augmentation de produit que l’appareil de M. Derosne procure
au fabricant. Ce fait, ajoute-t-il, devait paraître d’autant plus
extraordinaire que nous savons parfaitement que la distillation proprement
dite, ne crée point d’alcool, et se borne à isoler celui qui est formé dans le
vin. » Et je dénie M. Cellier-Blumenthal, qui certainement a tout intérêt
à prôner ses appareils (car il est reconnu que c’est celui-ci qui est le
premier inventeur de la distillation continue, et non MM. Derosne ni Baytioni),
de ne pas en convenir également.
Il ne faut pas être
distillateur pour savoir que l’ébullition provoque immédiatement la séparation
de la partie la plus légère des matières par l’évaporation : qu’elle ait lieu
dans un alambic ordinaire ou dans l’appareil de M. Cellier, la forme n’y fait
rien ; dans l’un comme dans l’autre on obtiendra en quantité ni plus ni moins
que la partie spiritueuse qui s’y trouve ; et la qualité, je ne dis point
qu’elle sera exactement la même, car une raison pourquoi dans ma province
l’appareil continu n’est que très peu employé, c’est qu’on soutient que la
liqueur est moins bonne et plus aqueuse que celle produite par l’ancien
alambic. Et ce qui est certain et digne d’être remarqué, c’est que jusqu’à ce
jour dans toute la Hollande, il n’existe point encore d’appareil semblable à
celui de Blumenthal.
Cependant on doit reconnaître
que les Hollandais sont très avancés en fait de distillation et connaissent
cette affaire avec profondeur.
Chacun est libre, d’ailleurs,
de faire usage de l’appareil à vapeur ; mais à cela on répond que le
distillateur agricole est dans l’impossibilité de l’employer, à cause du
capital élevé qu’il faut pour l’établir. Mais ce capital élevé est déjà un
grand désavantage pour les grandes distilleries, car vous ne pouvez compter
qu’il coûte moins de 10 p. c. par an ; 5 p. c. pour l’intérêt du capital, et 5
p. c. de réparation et détérioration : on sait que les appareils sont très
grands et exigent de vastes bâtiments pour les y établir.
Pour se servir d’un appareil
de distillation continue, il faut 6 ouvriers ; 5 est le minimum : un ouvrier
distillateur et conducteur du feu, deux ouvriers à la manivelle qui fait
mouvoir l’agitateur dans la matière, deux ouvriers débatteurs. Dans les
distilleries ordinaires, la moitié du nombre d’ouvriers suffit amplement, et,
dans les petites distilleries, un seul ouvrier fait tout le travail.
A la vérité l’appareil à
vapeur ne brûle jamais la matière, et c’est pourquoi, dis-je, on l’emploie avec
avantage quand l’impôt est exorbitant ; mais cette machine a beaucoup de tuyaux
conducteurs sujets à s’obstruer ; dès lors la matière qui n’a plus de passage,
poussée avec force par la vapeur, déborde en abondance, et la perte est
considérable : le distillateur le plus soigneux ne saurait s’affranchir de ces
inconvénients, tandis qu’un ouvrier habile ne brûlera jamais sa matière dans un
alambic ordinaire, et particulièrement quand, avec la taxe modérée, il pourra
travailler à charge légère.
Et en outre, ce qui ôte
beaucoup à la perfection de l’appareil de distillation continue, c’est qu’il
paraît qu’il faut se servir d’un alambic à part pour rectifier le stegnie.
Il me semble donc que ce
serait consacrer une erreur que de reconnaître en principe qu’il existe une
différence entre les distilleries agricoles et les distilleries proprement
dites, et que ce serait contre toute équité que d’établir dans la loi une
destination favorables aux premières et au détriment des autres, qui sont
cependant aussi agricoles, et travaillent même plus en faveur de l’agriculture,
car les grandes distilleries, obligées de distiller toute l’année, engraissent
des bestiaux ; il faut des engrais toute l’année, tandis que les petites ne
distillent que pendant les mois d’hiver, et, en saisissant l’époque de l’année
qui est favorable à la distillation, elle n’ont pas les pertes qu’occasionnent
les chaleurs d’été.
En
outre, les grands distillateurs sont obligés, pour couvrir leurs énormes frais,
de faire de la vente des liquides une branche de commerce, tandis que le
distillateur agricole ne veut, pour ainsi dire, faire aucune mise de fonds,
distille son propre grain, et n’a pas de frais de charriage ; ses domestiques
de campagne, qui n’ont point d’ouvrage pendant l’hiver, il les occupe à sa
distillerie ; ayant donc moins de frais et ne devant couvrir aucun intérêt de
capital, il peut nécessairement laisser son genièvre à meilleur compte, et, le
vendant au comptant, il en retire un avantage réel, et qui est toujours pour la
concurrence au détriment du grand distillateur.
Non, messieurs, je ne vois
aucun moyen pour pouvoir appuyer l’amendement de l’honorable M. d Huart ; car
il devra être convaincu que le nouveau projet est plus favorable aux petites
distilleries qu’aux grandes, et que les appareils à vapeur ne pourront plus
leur donner le même avantage qu’ils leur rendent avec la législation actuelle.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, j’appuie l’opinion de l’honorable
collègue M. Desmet ; je me propose d’ajouter quelques observations à celles
qu’il a présentées.
Lorsque, sous le précédent
gouvernement, en vertu de la loi de 1822, l’on accordait aux petites
distilleries dites agricoles, quoique toutes soient agricoles, 20 p. c. de
remise, ce qui est plus que demande M. d’Huart, ces petites distilleries n’ont
cependant pas pu soutenir la concurrence : pourquoi en a-t-il été ainsi ?
C’est que la loi en était accablante par ses dispositions compliquées. On veut
une réduction en faveur des petites distilleries mais cette réduction est
presque impraticable, et on peut s’en convaincre en examinant de plus près la
nature de choses.
La réduction de 15 p. c. fait
un centime par litre ; je suppose que les petites distilleries fabriquent
300,000 hectolitres ; voilà tout de suite une diminution de 300,000 fr. Je ne
veux pas prendre sur moi la responsabilité d’une diminution qui détruit le
principe d’égalité de la loi. Si le ministre consent à avoir une recette
diminuée d’un demi-million, c’est à lui de voir.
Lorsque,
sous le gouvernement précédent, l’on accordait une remise de 20 p. c., les
grands distillateurs faisaient plusieurs petits établissements sous des noms
empruntés et trompaient le fisc.
On a parlé de l’avantage de grands
appareils sur les petits ; mais cet avantage est contesté en Hollande, où l’on
a supprimé les nouveaux appareils que l’on y avait introduits. Un Hollandais,
célèbre comme distillateur, a détruit ceux qu’il avait établi, parce que ces
grands appareils ne donnaient pas d’aussi bons produits ni en aussi grande
quantité que les vieux appareils hollandais.
Quant à ce que l’on a dit
relativement à la fermentation dans les petits vaisseaux, tous ceux qui ont des
notions de chimie savent que la fermentation s’opère très bien dans les petits
vaisseaux.
M. de Theux. - La proposition faite par M. d’Huart n’a rien de
contraire à la constitution, puisque la constitution permet la modération d’un
impôt, pourvu qu’elle soit établie par une loi. Mais il faut que la nécessité
de la modération soit démontrée ; c’est ce qu’elle n’a pas fait. On a parlé des
différences dans les bénéfices ; il ne fallait pas, dans ce calcul omettre les
bénéfices que les distillateurs agricoles font par leurs travaux pour la
culture des terres ; ces bénéfices devaient entrer en ligne de compte.
Aussi longtemps que
l’impossibilité de la concurrence ne sera pas démontrée, je crois qu’il serait
contraire à l’intérêt général d’admettre une exception. Les exceptions sont
odieuses en elles-mêmes ; elles engagent à recourir à des moyens frauduleux
ceux qui prétendent être lésés. La modération de l’impôt entraînerait
d’ailleurs une foule de complications dans l’exécution de la loi.
L’exemption proposée par M.
d’Huart ne me paraît pas assez générale, si elle est nécessaire pour l’obtenir,
il suffirait d’avoir une distillerie à la campagne et d’exploiter des terres.
Quant aux projets présentés par MM. Ch. de Brouckere et Coghen, et qui
portaient une modération d’impôt, l’assemblée doit se rappeler qu’ils avaient
une autre base que celle de la loi que nous discutons ; ainsi ils ne peuvent
être invoqués. Il s’agissait dans ces projets de la macération et des bouillées
; une des conditions pour jouir de la diminution de l’impôt était que le
distillateur ne pût se servir d’appareils à vapeur.
Messieurs,
si vous voulez effectivement protéger les distilleries agricoles, je crois
qu’il est un autre moyen auquel on sera tôt ou tard obligé de recourir, ce
serait de prendre des mesures pour que les grains étrangers ne viennent pas
faire tomber les nôtres à un prix trop vil, ainsi que nous en sommes menacés.
Des mesures de cette nature existent en France et en Angleterre, et l’on s’en
trouve très bien. Sous l’ancien gouvernement même on avait eu recours à un
impôt sur les grains étrangers. C’est par là que vous protégerez réellement les
distilleries agricoles ; par-là vous protégerez l’agriculture en général ; et
vous atteindrez un des principaux buts que l’on a eu en vue dans la loi
actuelle, c’est-à-dire de ranimer l’agriculture, qui avait souffert par la
suppression des distilleries. En multipliant les produits agricoles,
gardons-leur quelques-uns des avantages qui les empêchent de tomber dans un
avilissement complet.
Non seulement il faudrait
protéger nos grains contre l’entrée des grains étrangers ; il faudrait encore,
par la même loi, statuer sur la sortie de nos céréales quand nos récoltes sont
peu abondantes, afin que les distilleries ne manquent pas de matières
premières.
Voilà, messieurs, les moyens
de protéger l’agriculture qui est une des principales richesses de notre pays.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Un des principes
fondamentaux de la loi présentée est cause que je me suis rallié à ce projet ;
c’est qu’il ne serait fait aucune exception, vu la modicité du taux de l’impôt.
Je n’en suis pas moins convaincu que cette loi ne sera pas aussi favorable aux
petites distilleries qu’aux grandes ; mais je suis convaincu que l’économie
générale de la loi ne permet pas les exemptions proposées, et c’est dans cette
conviction que je demande le rejet de l’amendement.
M. Delannoy, commissaire du Roi. - Messieurs, le principe qui forme la base de
nouveau système de perception de l’accise sur les eaux-de-vie, est de donner un
plein essor à ce genre d’industrie, afin de faire renaître les nombreux
établissements de l’espèce qui existaient autrefois en Belgique.
Afin de le rendre applicable à
toute espèce de mode de fabrication alcoolique, il a fallu l’établir sur les
matières mises en macération sans égard à leur nature, et fixer un droit très
peu élevé sur la base immuable de la capacité des vaisseaux servant à la
macération. Ne serait-ce pas détruire ce principe d’uniformité que d’accepter
des catégories d’exception en faveur de tel ou tel genre de fabrication
d’eau-de-vie ?
Les
exceptions ne me paraissent être nécessaires et utiles que dans un système où
l’impôt est élevé, et nullement dans celui où il est aussi minime que le projet
en discussion.
Il me paraît donc nécessaire
d’écarter toute espèce d’exception en faveur des distilleries agricoles ; car
une diminution quelconque dans la quotité de l’accise, à cause de l’exiguïté du
droit, serait tout à fait sans utilité réelle et détruirait l’économie de
l’impôt.
J’ai calculé qu’une déduction
de 15 p. c. donnerait, au taux de 18 centimes l’hectolitre de matières, fr. 0
02 70/100 ; qu’ainsi, sur 14 hectolitres de matières à 18 centimes pour un jour
de fermentation, donnant 100 litres de genièvre, dont le droit d’élèverait à 2
fr. 52 ; la déduction de 15 p. c. ne serait que de fr. 0 37 80/100.
M. Jullien. - Messieurs, les grandes distilleries ont-elles, en
raison des procédés qu’elles emploient, un avantage sur les petites
distilleries dites agricoles ? Voilà la question qui a été débattue devant
vous.
Les deux opinions qui se sont
manifestées sont d’accord qu’il n’en existe aucune. D’après les procédés des
grandes distilleries, il y a cependant avantage en ce sens qu’il y a économie
de combustible, économie de temps, économie de main-d’œuvre ; et encore
avantage en ce que le liquide n’est pas exposé à brûler et à contracter une
odeur et une saveur désagréable. S’il n’existait que ces avantages, il faudrait
les prendre en considération. Toutes les fois que vous établissez un impôt,
vous devez avoir en vue l’égalité ; or, il n’y a pas d’égalité quand vous
donnez à l’un plus qu’à l’autre. Au surplus, je viens de recueillir de la
bouche du ministre un aveu précieux : il ne se dissimule pas la différence de
position des petites distilleries vis-à-vis des grandes. Cette différence de
position est tellement patente que le projet de loi présenté sous
l’administration de M. de Brouckere contenait une diminution pour les petites
distilleries de 20 p. c. M. d’Huart ne demande que 15 p. c. Que le ministre
s’oppose à la réduction parce qu’elle diminuerait l’impôt, on le conçoit, il
parle comme ministre ; mais nous, nous ne devons pas entrer dans des calculs
financiers ; nous devons être justes, et la proposition de M. d’Huart ne fait
que ramener aux principes de justice.
On
a dit que toutes les distilleries étaient agricoles : cela n’est pas exact.
Dans les grandes villes, à Bruxelles, par exemple, vous avez beaucoup de
distilleries ; direz-vous qu’elles sont agricoles parce que les distillateurs
vendent leurs résidus aux cultivateurs ? Les petites distilleries, pour remplir
le but que l’agriculture se propose, doivent être établies sur le lieu qu’il
s’agit de féconder. Voilà des distilleries agricoles.
Ces réflexions doivent suffire
pour prouver que l’amendement de M. d’Huart doit être pris en considération. Si
la diminution de 15 p. c. est trop forte, je sous-amenderai la proposition et
porterai la réduction à 10 p. c. Je crois que les petits distillateurs
pourraient se contenter de cette prime.
M. d’Elhoungne. - La question me semble élevée prématurément : on
demande une dérogation au droit commun, un véritable privilège que la seule
nécessité peut justifier. Cette nécessité est-elle établie ? Certainement non,
messieurs, puisque les intéressés ne la réclament pas. Dans toutes les
pétitions adressées à la chambre, jamais on n’a sollicité, en faveur des
petites distilleries, une réduction de droits. On n’a insisté pour obtenir
cette réduction que lorsque, par un projet élaboré en 1831, on avait replâtré
le système hollandais ; car alors il était devenu nécessaire de prêter secours
aux petites distilleries que le système hollandais a complétement anéanties.
Il n’y a pas eu réclamation de
la part des intéressés ; en effet, je ne regarde pas comme des réclamations des
intéressés celle qui ont été présentées par les chambres de commerce de Louvain
et de Bruxelles. Les chambres de commerce renferment très peu d’industriels,
surtout très peu de distillateurs. A Anvers, je ne sais pas s’il y en a un
seul.
Toutes les réclamations faites
n’ont pas l’apparence de fondement. Que dit-on dans les observations de la
chambre de commerce de Louvain ?
Que les petites distilleries
ne peuvent pas travailler aussi bien la matière dans des vaisseaux qui n’ont
pas de grandes dimensions. Cela est inexact ; les propositions de produits sont
exactement celles de la grandeur des cuves. Tout ce qui prouve l’observation,
c’est qu’elle a été suggérée par quelqu’un qui voulait frauder.
Quant aux autres objections,
en quoi consistent-elles ? Dans les grandes distilleries il y a économie de
combustible. Messieurs, a-t-on bien mesuré où nous conduirait l’admission du
système qu’on soutient ? Dès qu’il y a économie de combustible, il faut, par ce
motif, changer le tarif ; alors il faudra changer le tarif pour chaque
localité, car le prix du combustible est variable selon les contrées ; il est
même variable selon les saisons. Quand on veut trop prouver, on ne prouve rien.
Il y a économie de temps ; je
ne sais ce que le temps fait dans cette affaire. La véritable opération qui
tend à séparer l’alcool, c’est la fermentation ; et la fermentation, quel que
soit l’alambic, est toujours la même. La macération se fait de la même manière
dans les petites cuves que dans les grandes : on peut charger les petites cuves
dans les mêmes proportions que les grandes, employer les mêmes matières ; pourquoi
l’alcool serait-il inférieur en qualité, en quantité dans les petites
distilleries ?
Il y a, dit-on, un autre
avantage attaché à l’emploi des appareils à la vapeur ; c’est que la matière
n’est jamais brûlée. Messieurs, est-ce là un motif pour grever d’un impôt plus
fort les industriels qui font usage de ces appareils ? Il me semble au
contraire qu’ils auraient droit à une prime d’encouragement. Faudrait-il
décerner une prime d’encouragement à des industriels qui, par défaut de soins,
par obstination, continuent à mal fabriquer ? Puisqu’ils ne prennent pas les
précautions nécessaires pour éviter les inconvénients qui résultent d’une
distillation mal conduite, pourquoi ceux qui, mieux avisés, prennent des
précautions, supporteraient-ils un surcroît d’impôts ?
Dans
les observations qui ont été présentées personne n’a tenu compte des capitaux
considérables que les grands distillateurs emploient, et qui ne produisent
d’autre avantage que l’économie de combustibles et d’avoir une meilleure
qualité d’eau-de-vie. Cet avantage, ils l’achètent à beaux deniers comptants ;
on ne doit pas leur faire perdre les intérêts d’un capital dont ils font le
placement.
Par
tous ces motifs, l’amendement me semble inadmissible. Si par la suite on
reconnaît qu’il doit y avoir diminution, on l’établira ; mais on ne doit pas
sans nécessité créer des privilèges ; les privilèges ne servent qu’à entretenir
l’incurie des mauvais industriels et à décourager ceux qui se livrent aux
recherches, aux investigations qui produisent les découvertes.
M. Dumont. - Messieurs, je ne poserai qu’une seule question :
est-il vrai que la fermentation en petite quantité ne produit pas autant que la
fermentation en grande quantité ? Pour moi, toute la discussion est là. Le
ministre des finances pourrait éclairer la chambre sur ce point. Il a dit que
la loi était favorable aux grandes distilleries, mais il n’a pas développé son
idée.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Je crois que
si un petit distillateur prépare bien son opération, il peut certainement
développer dans ses petits vaisseaux proportionnellement autant d’alcool que
dans les grands. Les avantages, qui, selon moi, résultent de l’emploi des
grands appareils ont été énumérés ; ce sont l’économie de temps de combustible,
de main-d’œuvre. Ces avantages sont inhérents à toute espèce de fabrication en
grand. Mais, je le répète, je crois, quant à la fabrication des eaux-de-vie,
que si un petit distillateur ne met pas un excédant de farine, il peut, comme
dans les grandes cuves, développer tout l’alcool.
M. de Muelenaere. - Messieurs, dans votre séance de samedi, je vous ai
déclaré franchement que le reproche le plus grave à mes yeux qu’on avait fait contre
le projet, c’est qu’il paraissait avoir une tendance à paralyser les
distilleries réputées agricoles au profit des grandes usines.
Si ce reproche seul m’avait
paru fondé, il aurait suffi pour me faire rejeter le projet de loi qui vous a
été proposé par la commission. Nous sommes donc, messieurs, entièrement
d’accord sur le but avec l’honorable M. d’Elhoungne, et avec les honorables
membres de cette assemblée qui ont appuyé l’amendement. Nous partageons la
sollicitude qu’inspirent à ces honorables membres les distilleries agricoles ;
tous nous ne sommes pas d’accord sur les moyens d’atteindre ce but. D’abord,
messieurs, je vous ai dit dans une séance précédente, et je le répète, que moi
j’ai la conviction profonde que c’est moins une protection spéciale qu’une
bonne loi que réclament les grandes et les petites distilleries ; et j’espère
que sous une bonne loi les unes et les autres reprendront leur ancienne
prospérité.
Sous l’arrêté-loi de 1814, les
petites usines étaient en pleine activité, cet arrêté ne faisait cependant
aucune distinction entre les établissements. D’autre part, sous la loi de 1822,
les petites distilleries avaient un avantage immense, puisqu’elle leur
accordait un dédommagement de 20 p. c., et il est arrivé que les petites
distilleries ont été ruinées, tandis que quelques grandes distilleries ont fait
de très bonnes affaires. Ceci prouve jusqu’à l’évidence que la diminution de
l’impôt n’est rien ; que l’économie de la loi est tout.
A l’appui de la réduction
réclamée en faveur des petites usines, on a fait des citations on a énuméré les
avantages immenses qui résulteraient pour les grandes usines, de l’emploi des
appareils perfectionnés. Depuis lors, j’ai fait une étude approfondie des
auteurs qui ont traité cette matière ; il en est résulté pour moi cette
conviction que la plupart des avantages que l’on a présentés comme applicables
aux grandes distilleries ne s’appliquaient qu’à la distillation des eaux-de-vie
de vin ; c’est-à-dire ne s’appliquaient qu’à la distillation des matières liquides
et non aux matières pâteuses. L’un des meilleurs écrivains sur ce genre
d’opération en convient dans son ouvrage ; il conseille de prendre de
préférence la méthode hollandaise aux appareils de M. Derosne quand il s’agit
de distiller des farines. Il paraît croire que, sur la méthode hollandaise,
c’est la méthode anglaise qui paraît offrir quelques avantages.
Dimanche dernier, j’ai visité
une distillerie d’après des méthodes nouvelles et qui existe dans ce pays ;
c’est la seule dans le royaume où l’on serbe de la méthode anglaise,
c’est-à-dire où l’on procède à la macération par extrait ; je suis persuadé que
les introducteurs de ce procédé louables par le but de leurs tentatives, ne
sont pas parvenus à obtenir les mêmes produits que par la méthode hollandaise,
par la méthode ordinaire.
Ainsi, les prétendus avantages
des grandes distilleries ne sont rien moins que certains. Toutefois, le vil
intérêt que m’inspirent les distilleries agricoles me fait encore hésiter, en
quelque sorte, à me prononcer contre l’amendement de M. d’Huart. Je me
permettrai cependant, messieurs, de vous soumettre à cet égard quelques
observations.
Je crains que la faveur que
vous voulez accorder ou que vous avez l’intention d’accorder aux petites
distilleries, en admettant l’amendement, ne leur devienne plus nuisible
qu’avantageuse. Je suppose un distillateur, par exemple, qui emploie
habituellement 80 hectolitres par cuve de macération ; pour avoir le bénéfice
de la loi, si l’amendement de M. d’Huart obtient votre sanction, il ne déclarera
plus que 20 hectolitres. Les relations de cet individu sont établies ; il
cherchera à obtenir les résultats qu’exigent ses relations, et il est à
craindre que le défaut de connaissances dans l’art de la distillerie (et c’est
par là que pèchent tous nos distillateurs ; s’ils connaissaient mieux leur
métier, ils ne devraient pas redouter la liberté,) il est à craindre que le
défaut de connaissances n’engage cet individu à mettre dans ses 20 hectolitres
une quantité de farine trop forte ou la même quantité qu’il mettait auparavant
dans 30 hectolitres. Que résulterait-il de l’amendement. C’est qu’après avoir
fait éprouver au trésor une perte considérable, vous aurez en outre accordé une
prime à la mauvaise fabrication. Si les petits distillateurs fabriquent bien,
ils pourront soutenir la concurrence.
C’est
ainsi que, tentés par un appât réellement chimérique, car l’avantage que vous
leur offrez ne s’élève pas à un centime par litre de genièvre, les petits
distillateurs négligeront de perfectionner leur industrie, et ils se trouveront
dans l’ornière que leur présentait la législation de 1822.
Au surplus il est possible que
je me trompe. Mais que faisons-nous aujourd’hui ? D’après moi, nous ne faisons
qu’un essai. Je ne crois pas que nous ayons fait un travail parfait, et je ne
pense pas que les honorables membres chargés de le préparer aient une autre
opinion, quoiqu’il y en ait parmi eux qui, par leurs recherches, ont fait
jaillir la lumière sur la discussion la plus obscure. Après tout, je crois que
ce n’est qu’un essai ; et bien, voulez-vous dans les premiers pas établir une
législation exceptionnelle ? Attendez les résultats ; si nous nous sommes
trompés, l’expérience est là ; nous reviendrons sur nos pas, et nous tâcherons
de favoriser les petites usines contre les dangers de les laisser dans une
concurrence trop désavantageuse avec les plus grands établissements. Mais
jusqu’à ce que l’expérience vous ait prouvé de quel côté est la vérité, est
l’erreur, entre toutes les assertions contradictoires, je crois qu’il vaut
mieux s’abstenir, et qu’il vaut mieux rester dans le principe de la loi qui est
l’égalité pour tous.
M d’Huart. - Tous les honorables membres qui argumentent contre
mon amendement ont essayé de prouver que la réduction était une faveur ; mais
ils n’ont pu parvenir à faire cette preuve. J’ai démontré, au contraire, que
c’était pour rétablir l’égalité qu’il fallait adopter mon amendement.
J’ai
soutenu que la fermentation s’opérait mieux dans le grandes cuves que dans les
petites ; en voici la raison : c’est que la même chaleur continue s’entretient
infiniment mieux dans les grands vaisseaux que dans les petits, et la chaleur
est une des conditions les plus essentielles à la fermentation.
L’honorable M. de Theux a
demandé sur quoi on s’appuyait pour réclamer la modération du droit sur la
justice reconnue partout. Je citerai la loi existante ; je vous citerai les
projets présentés sous l’administration de MM. de Brouckere et Coghen ; je vous
ai déjà cité l’opinion de M. le ministre des finances actuel : ces faits
concourent pour démontrer qu’il faut une exception pour les distilleries
agricoles. Je vous ai cité ensuite une pétition des intéressés, et enfin les
observations des chambres de commerce de Louvain et de Bruxelles. Je demande si
ce ne sont pas là des autorités, et si j’en pourrais invoquer de plus
favorables à l’appui de mon amendement. L’honorable M. de Muelenaere dit que le
projet n’est qu’un essai, qu’ainsi il faut attendre ; que si les petites
distilleries souffraient on pourrait y remédier plus tard ; je me servirai de
cet argument pour appuyer mon amendement ; essayez-le : s’il est nuisible aux
grandes distilleries, l’an prochain vous le repousserez.
M. Jullien. - Messieurs, on a dit : Les intéressés ne se
plaignent pas ; pourquoi celte sollicitude pour des industriels qui ne font pas
entendre de réclamation ? En fait l’assertion n’est pas exacte, vous avez une
pétition des habitants d’Ypres qui réclame en faveur de petites distilleries.
Mais, messieurs, vous savez fort bien que les cultivateurs en général ne sont
pétitionnaires que quand on leur met des pétitions dans la main en les invitant
à les signer. Pour leur propre intérêt, ils ne se mêlent guère de pétitionner ;
mais s’ils n’ont pas pétitionné, les chambres de commerce ont défendu leurs
intérêts, et celle de Bruxelles, notamment, s’est très bien exprimée sur la
différence de position des grandes et des petites distilleries. D’un autre
côté, une autorité que vous ne pouvez récuser, c’est celle de M le ministre des
finances. Il a puisé à toutes les sources de lumière, et, d’après ses
renseignements, dans cette séance même, il a avoué l’infériorité de position
des petites distilleries relativement aux grandes.
L’honorable
M. de Muelenaere vous a rappelé qu’en 1822 les petites distilleries étaient
tombées malgré les avantages de la législation. Je m’empare de cet argument qui
est tout puissant pour l’amendement de M. d’Huart : si les petites distilleries
n’ont pu se soutenir vis-à-vis des grandes, sous l’influence désastreuse de la
législation de 1822 qui leur accordait cependant un avantage, je vous demande
comment elles pourront se soutenir lorsqu’il y aura égalité ; le but principal
de la loi est de protéger l’agriculture, donc il faut encourager les petites
distilleries. Nous marchons à l’aventure ; mais, puisque l’expérience nous
éclaire, il faut que l’expérience ait lieu : ainsi, faites que les petites
distilleries recommencent leurs travaux pour que nous puissions décider ce qu’il
faut conserver, ce qu’il faut réformer.
Les petites distilleries ont
ce sentiment, qu’elles ne pourront pas tenir devant les grandes : si nous nous
sommes trompés, 10 p. c. ne sont pas une affaire qui produira un tort
considérable au trésor et l’année prochaine nous serons éclairés sur notre
erreur.
M. A. Rodenbach. - L’argument de M. Jullien relativement au
pétitionnement peut être vrai quand il s’agit d’intérêts moraux ; mais quand il
ne s’agit que d’intérêts matériels, comme dans l’espèce, je crois que les
simples agriculteurs les entendent aussi bien que les grands industriels.
D’ailleurs, le projet de loi qui nous occupe a été publié dans tous les
journaux de Belgique ; toutes les feuilles flamandes en ont donné connaissance
à leurs lecteurs, et j’en appelle à MM. les rapporteurs de la commission des
pétitions, ils peuvent dire qu’il n’y a pas une pétition sur dix qui réclame
une faveur pour les petites distilleries.
Maintenant,
je tâcherai de répondre à ce qu’on a dit touchant les grands appareils. Je ne
connais point parfaitement la statistique ; mais je crois qu’il existe bien
1,500 distilleries en Belgique. Or, il n’y a que 25 appareil distillatoires, et
il n’est rien moins que prouvé que ces 25 appareils anéantiront ces 1,500
distilleries. D’ailleurs, il s’agit d’un essai ; et que risque-t-on, dans un
moment où après la révolution, il faut chercher de nouveaux moyens pour
protéger l’industrie, que risque-t-on de faire un essai de six mois quand on en
a déjà fait de malheureux pendant quinze ans ?
M. d’Huart a prétendu que,
dans les petite cuves, le calorique ne se conservait pas aussi bien que dans
les grandes cuves ; mais il est faire aise d’y suppléer. Supposez que le
thermomètre de l’eau dans une grande cuve soit de 50 degrés ; il suffira, pour
qu’une petite conserve aussi bien le calorique, de la chauffer à 55 degrés.
M. Donny. - Messieurs, je pense que la discussion ne se
prolonge aussi longtemps que parce qu’on ne s’est pas donné la peine de faire
un petit calcul arithmétique. (On rit.)
Le but des honorables orateurs qui ont soutenu l’amendement de M. d’Huart a
été, ainsi qu’ils vous l’ont dit, d’empêcher la ruine totale des petites distilleries
qui, selon eux, allaient être écrasées par les grandes. Mais je me suis donné
la peine de chercher si effectivement l’amendement proposé était de nature à
empêcher cette ruine totale, s’il allait établir entre les grandes et les
petites distilleries une différence assez notable pour permettre aux petites de
soutenir la concurrence, et voici comment j’ai opéré. L’amendement de M.
d’Huart fixe pour limite aux distilleries agricoles une contenance de
cuves-matières de 20 hectolitres. Je suppose que ces petites distilleries
soient assez perfectionnés pour pouvoir renouveler leurs cuves-matières toutes
les 36 heures, et je suppose encore, pour arriver à un maximum, qu’elles
puissent travailler toute l’année sans discontinuer.
Maximum
de la capacité de la cuve-matière, 20 hectolitres ; en supposant qu’on les
renouvelle une fois par 36 heures, on les renouvellera 243 fois par an ; le
total des matières s’élèvera par an à 4,860 hectolitres. Le droit est, par
hectolitre, de 18 centimes ; le total du droit, en supposant qu’on travaillât
continuellement, s’élèvera à 874 fr. 48 c. M. Jullien propose une diminution de
10 p. c., qui fera 87 fr. 45 c. M. d’Huart propose une diminution de 15 p. c.,
qui fera 131 fr. 18 c.
Vous jugerez sans doute,
messieurs, que ce n’est pas avec une pareille diminution, avec une prime aussi
puérile, que les distilleries agricoles peuvent se soutenir, si, d’ailleurs,
elles se trouvent dans l’impossibilité de lutter avec les grandes.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la
discussion. Je regrette de n’avoir pas assisté à toutes les séances
précédentes, car les débats eussent servi à mon éducation en matière de
distillerie. Cependant je désire motiver, en deux mots, mon opinion sur l’amendement
de M. d’Huart. Je vois ici en présence des hommes forts et des hommes faibles.
Par instinct, je soutiens les faibles, et j’admettrai l’amendement, précisément
pour les raisons qu’a fait valoir le préopinant. En effet, il résulte de ses
calculs que le déficit causé par cet amendement doit être tellement minime
qu’en vérité, je ne conçois pas qu’on discute aussi longtemps sur une mesure de
si peu d’importance pour le trésor, et qui peut produire un effet aussi moral
sur les distillateurs, ne perdons pas de vue que nous abaissons le droit, non
pas pour obtenir un plus grand produit, mais pour rendre les établissements de
distilleries vraiment utiles. S’il était nécessaire d’établir un grand impôt
sur quelque chose, ce serait sur le genièvre don il serait heureux pour la
morale publique qu’on pût diminuer la consommation ; car consultez les greffes
des cours d’assises, et vous verrez que, à où il se consomme beaucoup de cette
boisson, les crimes résultant de querelles, d’assassinats, sont dans une
disproportion effrayante avec ceux commis dans les autres pays où la
consommation est moindre.
Je le répète, le projet de loi
a pour but non pas d’élever le produit, mais de favoriser l’agriculture.
D’ailleurs, qu’est-ce qui peut vous arrêter, depuis que vous avez entendu le
discours du préopinant ? Vous avez vu que c’est un encouragement moral plutôt
que pécuniaire que nous donnerons aux cultivateurs, et cela sans perte, est
quelque sorte, pour le trésor.
On
dit : C’est une expérience que nous faisons. Mais aux dépens de qui doit se
faire cette expérience ? Voulez-vous imiter ces docteurs qui dans l’enfance de
l’art disaient : faciamus experimentum in anima vili ? Non, ce n’est pas ainsi
qu’on doit agir dans notre siècle. Faisons l’expérience, mais aux dépens
des grands distillateurs qui, Dieu merci, ne se sont pas appauvris. Ils ont
acquis d’assez grosses fortunes : s’il y détriment, qu’ils le supportent. Du
reste, vous devez être complétement rassurés à leur égard, d’après les calculs
de M. Donny. Ainsi, vous ne pouvez pas hésiter sans vous faire accuser de
vouloir favoriser les grandes distilleries. Quant à moi je voterai pour
l’amendement. Je regrette seulement qu’il n’ait pas étendu la même faveur aux
cuves de 30 hectolitres.
On dit que les petits
distillateurs peuvent adopter comme les grands un système propre à accélérer la
distillation. Mais ont-ils le moyen de le faire ? Aujourd’hui qu’ils sont
ruinés, pouvez-vous leur imposer l’achat de grands appareils ? Ce serait une
dérision.
L’amendement ne doit causer aucune
espèce de préjudice aux grandes distilleries ; vous pouvez donc l’adopter en
toute conscience.
M. de Muelenaere. - Messieurs, l’honorable M. Julien s’est emparé d’un
de mes arguments, et il en a tiré une conséquence favorable à l’amendement
présenté par M. d’Huart. Effectivement, j’ai eu l’honneur de faire observer à
l’assemblée que, sous le régime de 1814 qui ne faisait aucune distinction, qui
n’accordait aucune protection aux petites usines contre les grandes, les
petites usines étaient généralement très prospères dans le pays. J’ai fait
remarquer également que, sous la loi de 1822, qui accordait aux distilleries
agricoles une prime considérable, une réduction de 20 p. c. sur le droit,
toutes les petites usines étaient tombées. Mou honorable ami M. Jullien, a tiré
de cela cette conséquence : Si les petites distilleries, avec une déduction de
20 p. c.., n’ont pas pu lutter contre les grandes, elles le pourront bien moins
encore si la loi ne leur donne aucun avantage. Mais il a oublié que j’avais
fait observer en même temps, que sous le régime de 1814 elles avaient lutté
avec succès lorsqu’elles ne jouissaient d’aucune déduction. Il résulte de là,
messieurs, que ce n’est pas au moyen d’un avantage, quel qu’il soit, que ces
petites usines pourront prospérer, mais seulement par l’effet et sous l’empire
d’une bonne loi qui leur rende la liberté de l’industrie, qui fasse cesser les
entraves et qui livre cette industrie à ses propres forces, comme en 1814.
Malgré la réduction qui leur était accordée par la loi de 1822, les
distilleries agricoles devaient nécessairement être écrasées par la raison que
la fabrication du genièvre était impossible sans la fraude, et ce n’était qu’au
moyen de grands établissements et d’appareils perfectionnés qu’on parvenait à
frauder.
On
a dit qu’il s’agissait ici de plaider la cause du faible contre le tort. Si la
question était posée de cette manière, comme individu et comme député de la
Flandre orientale, j’embrasserais de préférence la cause des distilleries
agricoles. Mais c’est dans l’intérêt même de ces petites usines que je ne veux
pas de la faveur qu’on réclame pour elles, parce que ce ne serait qu’une prime
accordée à la mauvaise fabrication. Je veux un essai dans ce sens que les
distillateurs agricoles soient obligés d’étudier leur art, de le connaître et
de perfectionner leur industrie. Or, ils n’en viendront là que lorsqu’ils
sentiront le besoin de le faire pour soutenir la concurrence avec les autres
distillateurs. Si, au contraire, ils pouvaient soutenir cette concurrence au
moyen d’un privilège, quel intérêt auraient-ils à perfectionner leur industrie
? Aucun, et ils resteraient toujours dans le même état. Remarquez bien que la
perte pour le trésor ne sera pas la même que l’avantage qu’on veut accorder ;
car les distillateurs agricoles qui auront des cuves-matières de 30 hectolitres
réduiront leur usine et ne distilleront plus qu’avec 20 hectolitres, de manière
que le trésor perdra non seulement la remise directe, mais encore le produit de
l’impôt sur les 10 hectolitres supprimés. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Jullien. - Je veux soumettre à la chambre une dernière
observation ; je lui demande pardon de prendre encore une fois la parole ; mais
j’attache une grande importance à l’adoption de l’amendement de M. d’Huart.
On dit ; Si vous accordez une
faveur aux petites distilleries, vous allez leur faire du tort, parce que ce
sera une prime accordées à la mauvaise fabrication. Eh bien, si l’on fabrique
de mauvais genièvre, tant mieux, parce que plus il sera mauvais, moins on en
boira. (On rit.) Mais la loi a-t-elle
pour but la fabrication du genièvre ? Non, messieurs, elle a surtout pour but
de favoriser la culture. Or, il est prouvé en chimie que moins ou dégage
d’alcool de la matière, plus les résidus sont avantageux pour l’agriculture.
Ainsi cette prime tournera tout entière au profit de l’agriculture que vous
voulez favoriser.
On vous a parlé de l’état des
grandes et petites distilleries en 1814. Mais je vous prie de remarquer qu’à
cette époque on ne connaissait pas les nouveaux appareils au moyen desquels les
grands distillateurs ont fait des fortunes si considérables. Ce n’est que
depuis que ces appareils ont été introduits. Il n’y en a que depuis un ou deux
ans dans la Flandre occidentale. On ne peut donc argumenter de ce qui s’est
passé en 1814. (Aux voix ! aux voix !)
- L’article additionnel
proposé par M. d’Huart est mis aux voix et rejeté.
Article 3
« Art. 3. Le travail de
la distillation embrasse toutes les manipulations, depuis la mise en macération
des matières, jusqu’aux bouillées et rectifications inclusivement. »
M. le président. M. le ministre des finances a proposé de rédiger ainsi
cet article :
« On entend par jour de
travail, servant de base à l’impôt, les jours effectifs de minuit à minuit,
pendant lesquels l’on effectue soit les mises en macération de matières, soit
des bouillées, soit des rectifications.
« Les jours où les travaux
ne sont pas continuels sont néanmoins comptés comme jours entiers. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) développe son
amendement en ces termes. - Le mot « distillation » employé dans cet
article ne se trouve énoncé qu’au paragraphe 2 de l’article 2. Il semblerait
que l’article 3 se rattache uniquement à ce paragraphe.
La détermination de ce que la
loi entend par jour de travail n’est pas suffisamment fixée par l’article 3 du
projet.
Il paraît donc convenable de
changer la rédaction de cet article selon l’amendement que j’ai l’honneur de
proposer.
- Cet amendement est adopté et
remplacera l’article 3.
Article 4
« Art. 4. Toutes les
déductions précédemment accordées sur la capacité des vaisseaux qui servent de
base à la liquidation des droits, ainsi que les cents additionnels et autres
taxes accessoires, sont supprimées.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) propose d’ajouter
après les mots : « et autres taxes accessoires, » ceux-ci : « que
le trésor perçoit au profit de l’Etat. »
- L’article, ainsi modifié,
est adopté.
Article 5
« Art. 5. L’emploi des
hausses mobiles, et de tous autres moyens propres à augmenter la capacité des
vaisseaux, est prohibé. »
- Cet article est adopté sans
changement.
« Art. 6. Les
distillateurs jouiront de termes de crédit, et l’exportation donnera lieu à la
décharge ou à la restitution de l’impôt. »
M. le président. - M. le ministre des finances propose la rédaction suivante
:
« Les distillateurs
jouiront de termes de crédit, et l’exportation donnera lieu à la décharge des
droits dans la proportion déterminée par l’article 29.
« Cette décharge ne sera
pas accordée pour les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) développe son
amendement en ces termes. - L’on n’a jusqu’à présent accordé la remise des
droits à l’exportation que par le moyen de la décharge sur les comptes courants,
soit des droits, soit des quantités, des expéditeurs qui font ces exportations.
Le mot « restitution » donnerait à cette remise une autre forme et
une extension qui ne peut être admise.
La proportion du droit sur le
genièvre, en rapport avec le taux d’impôt à la fabrication et sur les matières,
doit être déterminée. Celle établie à l’article 29 du projet de loi doit être
appliquée au cas d’exportation.
Les eaux-de-vie de fruits à
noyaux ou à pépins, jouissant de l’exemption des droits à la fabrication, ne
doivent point obtenir décharge d’un droit qu’elles n’ont pas payé ou supporté.
M. de Muelenaere. - Je désire avoir une explication de M. le ministre
des finances. La dernière partie de son amendement porte :
« Cette décharge ne sera
pas accordée pour les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins. » Je ne
conçois pas comment on peut se servir de ces expressions ; car, quand il n’y a
pas eu prise en charge, comment pourrait-on en obtenir décharge ?
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Ce paragraphe
a pour but d’empêcher que ces eaux-de-vie obtiennent une décharge lorsqu’elles
sont vendues à des entrepositaires ou à des distillateurs qui demanderaient
décharge sur ces mêmes objets, parce qu’ils seraient en compte courant avec
l’administration, et qui voudraient les
exporter.
M. Brabant. - La disposition du paragraphe est superflue.
L’explication de M. le ministre des finances ne peut recevoir ici son application,
car un entrepositaire ne peut pas obtenir une décharge quand le distillateur
son vendeur n’est pas lui-même mis en charge.
M. d’Elhoungne. Les observations qui viennent d’être faites prouvent
que le paragraphe est tout à fait inutile, et je demande qu’il soit supprimé.
Mais il est un autre point sur lequel je désire voir adopter un changement de
rédaction. Au lieu des mots « dans la proportion déterminée par l’article
29, » je voudrais qu’on mît « au taux fixé, etc. » (Appuyé !)
M. Osy. - Je ferai observer que le dernier paragraphe de
l’amendement est nécessaire, parce qu’un distillateur pourrait vouloir exporter
les fruits à noyaux.
M. Berger. - Je ne pense pas que cette observation soit fondée
; car je ferai remarquer que les décharges accordées aux distillateurs ne
peuvent excéder leur mise en charge ; et ils ne sont mis en charge que pour
leur propre distillation.
M. d’Elhoungne. - M. Osy a raison ; je vais par un exemple faire
sentir la nécessité de maintenir le paragraphe. Un marchand fait transférer à
son compte 1,000 hectolitres d’eau-de-vie ; en même temps il a en magasin 100
hectolitres de kirsch-waser ; il exporte ces 100 hectolitres de kirsch-waser ;
son compte est déchargé de ces 100 hectolitres, et il ne doit plus que 900
hectolitres.
M. Coghen. - Je voulais répondre à M. d’Elhoungne, qui d’abord
avait demandé la suppression ; mais j’ai vu avec plaisir qu’il n’a pas persisté
dans sa demande.
- Le premier paragraphe est
adopté avec la modification proposée par M. d’Elhoungne.
Le deuxième paragraphe est
aussi adopté. L’ensemble de l’amendement est également adopté ; il remplacera
l’article 6.
« Art. 7. Le dépôt des
eaux-de-vie à l’entrepôt public ou particulier suspendra le paiement des
droits.
« Ou n’admet pas ces
boissons en entrepôt fictif. »
M. le président. - Voici la rédaction proposée par M. le ministre des
finances : « Les eaux-de-vie que l’on désire entreposer ne sont admises
qu’en entrepôt public ou particulier.
« L’admission en entrepôt
n’a lieu que lorsque le terme de crédit relatif aux boissons à entreposer n’est
pas échu.
« Les eaux-de-vie peuvent
être transportées d’un endroit vers un autre.
« Elles peuvent
également, dans un même entrepôt, être cédées à un nouvel
entrepositaire. »
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - L’article 7 du
projet ne paraît pas exclure de la suspension de paiement les termes échus ; et
certes ceux-ci ne peuvent être assurés que par le paiement à l’échéance.
Ce serait laisser trop de
latitude à un contribuable en retard de payer ses termes échus que de lui
ouvrir le moyen d’éluder ce paiement. Les rentrées du trésor en seraient
affectées de trop de chances d’incertitude et de périclitation. Un contribuable
doit, s’il veut user de la faculté d’entrepôt, le faire en temps utile.
La loi doit donc se prononcer
à cet égard.
La loi générale du 26 août
1822 ne devant avoir qu’une existence provisoire, il serait bon d’insérer dans
le nouveau projet les dispositions proposées par l’amendement, puisqu’elles se
rattachent spécialement à un objet imposable, le genièvre, qui reçoit dans le
nouveau projet un mode d’entreposage tout particulier.
M. Coghen. - Je prie M. le ministre des finances de vouloir
bien définir ce qu’il entend par entrepôt particulier.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - L’entrepôt
particulier ne diffère de l’entrepôt réel qu’en ce qu’il se trouve dans des
bâtiments appartenant aux individus et qu’il est mis ions la double clef de
l’administration et de ces individus. -
M. Coghen. - Cette explication me suffit ; je croyais qu’il
entendait par ce mot les citernes de tous les distillateurs.
M. d’Elhoungne. - Je demande la suppression des deux derniers paragraphes,
parce que le cas se trouve prévu à l’article 98 de la loi générale, qui porte
que les marchandises entreposées peuvent être transportées de l’entrepôt public
à l’entrepôt particulier, et de l’entrepôt particulier à l’entrepôt public, et
aussi vers un entrepôt situé dans une autre commune soit au nom de
l’entrepositaire, soit à celui du nouvel acquéreur.
Vous voyez, messieurs, que la
disposition qu’on nous propose est absolument la même, et comme la loi générale
est toujours en vigueur, il est inutile de répéter cette disposition dans une
loi spéciale.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Je ferai
observer que j’espère présenter sous peu une loi générale qui pourra peut-être
apporter des modifications dans cette partie. Voilà pourquoi j’ai proposé
l’amendement.
M. Brabant. - Je viens appuyer la demande qu’on a faite de
supprimer les deux derniers paragraphes. Il est dit à l’article 53 du projet
que nous ne dérogeons pas à la loi générale. Or, quoiqu’on se propose de la
modifier, elle est toujours eu vigueur. Il est donc inutile de répéter une
disposition existant dans cette loi générale.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) déclare retirer
les 2 derniers paragraphes de son amendement.
L’amendement ainsi restreint
est mis aux voix et adopté. Il formera l’article 7.
« Art. 8. Nul n’obtiendra
terme de crédit que sous caution, et en se conformant aux dispositions du
chapitre 23 de la loi générale du 26 août 1822.
M. le président. - M. le ministre des finances propose cet amendement
:
« Nul n’obtiendra crédit
ni ne jouira d’entrepôt particulier, que sous caution et en se conformant aux
dispositions légales qui règlent le mode de cautionnement en matière d’accises.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) le développe eu
ces termes. - Le mode de cautionnement est un mode général qui subira peu ou
point de changements, lorsque la loi générale de 1822 sera changée ; on peut
donc laisser subsister la mention qui rapporte le mode de cautionnement à la
loi de 1822.
Mais l’extension que la loi
projetée accorde au mode d’entrepôt particulier par l’article 7, et la facilité
qu’il y a à soustraire des liquides d’un entrepôt particulier, exigent qu’il ne
soit accordé que sous cautionnement des droits, de même que les crédits à
fermes, puisque l’entreposage est aussi un crédit, mais plus prolongé.
M. d’Elhoungne. - Dans le sein de la commission on n’a pas admis
l’amendement dont il s’agit, parce que la rédaction du projet était plus
claire, plus positive, et que cet amendement tendrait à aggraver la condition
des contribuables, quand ils font usage de l’entrepôt particulier. Si vous
consultez la loi générale qui règle les entrepôts, vous verrez que pour les
entrepôts publics et les entrepôts particuliers, le mode de surveillance est le
même, toute la différence consiste en ce que l’entrepôt public est une propriété
de commerce, de la commune ou du gouvernement, tandis que l’entrepôt
particulier est une propriété privée, agréée par l’administration des accises
pour servir d’entrepôt aux mêmes conditions que le premier. Voici ce que porte
l’article 89 de la loi générale
«
L’entrepôt public est un lieu de dépôt public et général, sous la surveillance
de l’administration ; il sera fermé à deux clefs différentes, dont l’une sera
confiée à l’administration et l’autre au commerce.
« L’entrepôt particulier
est le dépôt dans des magasins qui seront désignés par les négociants, et
auront été reconnus propres et convenables à cet effet par l’employé supérieur
du lieu ; ils seront fermés de part et d’autre, comme il est dit
ci-dessus. »
Vous voyez, messieurs, qu’il
n’y a là aucune distinction et qu’il n’y a qu’un mode de surveillance pour les
deux sortes d’entrepôts. Par conséquent je ne vois pas pourquoi nous
établirions une différence à cet égard dans notre loi.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - J’admets la justesse des observations de
l’honorable préopinant, en ce sens que l’entrepôt particulier et l’entrepôt
public sont la même chose vis-à-vis de l’administration.
Mais il existe cependant un
fait sur lequel j’appellerai l’attention de l’honorable membre, c’est que
l’administration éprouvé mille désagréments dans les entrepôts particuliers,
tandis qu’elle n’en a eu aucun dans les entrepôts publics, parce que ces
dernier sont sous sa surveillance immédiate, et que ses agents y sont logés.
Dans les entrepôts particuliers, une foule de soustractions et de vols ont eu
lieu ; et c’est pour prévenir le retour de ces abus que j’avais proposé
l’amendement.
M. Brabant. - Je ferai remarquer que le raisonnement de ministre
des finances tend directement à la prohibition de l’entrepôt particulier. Mieux
vaut ne pas l’accorder que de le soumettre à une caution. Quant aux abus dont a
parlé M. le ministre, si les entrepositaires se sont refusés à admettre les
agents de l’administration, il fallait dresser procès-verbal.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - C’est en
dehors des temps de surveillance que j’ai dit qu’une foule d’abus avaient été
commis dans les entrepôts particuliers, abus qui n’avaient jamais en lieu dans
les entrepôts publics. Quand aucun cautionnement ne garantit la garde des
objets déposés dans les entrepôts particuliers, l’administration est exposée à
des banqueroutes, à des fraudes et à des abus de toute espèce.
M. Jullien. - Lorsqu’on se réfère à la loi générale, il faut
prendre cette loi telle qu’elle est. Elle est déjà assez sévère, elle exige des
formalités extrêmement rigoureuses pour l’obtention d’entrepôts particuliers.
Et quand on s’est occupé sous l’ancien gouvernement, sous une administration
extrêmement fiscale, des précautions à prendre pour empêcher le commerce de
frauder, je vous réponds qu’on n’a rien négligé. Je ne pense pas qu’on puisse
faire mieux aujourd’hui. Si vous adoptiez l’amendement, ce serait comme si vous
vouliez enlever au commerce le bénéfice des entrepôts particuliers. Je m’oppose
donc à cet amendement.
- L’amendement est mis aux
voix et rejeté.
L’article 8 du projet est
adopté.
Article 9
« Art. 9.
L’administration n’acceptera les immeubles en cautionnement que pour les trois
quarts de la valeur nette, et les propriétés bâties que pour autant qu’elles
seront assurées. »
M. le président. - M. le ministre des finances propose de substituer
au mot « seront » le mot « soient. »
- L’article ainsi modifié est
adopté.
La discussion est renvoyée
demain à midi.
La séance est levée à quatre
heures et demie.