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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 15
décembre 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi modifiant la loi
d’organisation monétaire (Seron)
3) Motion d’ordre relative au mode d’examen du
budget de l’Etat pour l’exercice 1833 (notamment budget du département de la
guerre) (de Haerne, Duvivier,
Verdussen, (+retard dans la reddition des comptes de
l’Etat) (Dumortier, Duvivier,
Lebeau)
4) Projet de loi portant le budget des voies et moyens
pour l’exercice 1833. Discussion des articles. Caractère annuel de
l’autorisation générale de percevoir l’impôt et/ou réforme du système des
impôts (d’Elhoungne, de
Brouckere, d’Elhoungne, Faider,
Meeus, Duvivier, (+société
générale) Meeus, Duvivier, H. Vilain XIIII, d’Elhoungne,
(+société générale et financement par la dette à court terme) Dumortier, Davignon, (+société
générale) Jullien, (+financement par la dette à court
terme) Coghen,
(+société générale) Meeus, Verdussen,
Gendebien, Donny, de Brouckere, Mary, de Brouckere, Gendebien, d’Elhoungne, Dumortier, Gendebien), contribution foncière : surtaxe dans la
province d’Anvers (Verdussen, Mary,
Gendebien), intervention française à Anvers (Rogier, Gendebien, F. de Mérode, Rogier)
(Moniteur belge
n°349, du 17 décembre 1832 et Moniteur belge n°350, du 18 décembre 1832)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
(Moniteur belge
n°349, du 17 décembre 1832) M. Liedts fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.
PIECES
ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts
donne connaissance des pièces adressées à la chambre.
PROPOSITION DE LOI MODIFIANT LA LOI D’ORGANISATION
MONETAIRE
M. le président.
- Les sections ont autorisé la lecture de la proposition déposée par M. Seron.
M . Seron
donne lecture de cette proposition ainsi conçue :
« L’article 20 de la loi du 5 juin 1832 est
rapporté. En conséquence et jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, les
pièces de 5 et de 10 florins continueront à être reçues dans les caisses
publiques, dans les paiements faits à l’Etat et dans la circulation pour la
valeur en francs, savoir : la pièce de 5 florins à raison de 10 francs 58
centimes un cinquième, et celle de 10 florins à raison de 21 francs 16 centimes
deux cinquièmes. »
- La chambre entendra lundi le développement de la
proposition de M. Seron.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU MODE D’EXAMEN DU BUDGET DE
L’ETAT
M. de Haerne. - Je demande la parole par une motion d’ordre. Vous
vous rappelez, messieurs, que l’année précédente il a régné quelque confusion dans
les sections relativement à l’examen des budgets.
Dans une section on s’occupait du budget de la
justice, tandis que dans une autre on s’occupait du budget de la guerre ou de
l’intérieur ; il en est résulté que, lorsque la section centrale a voulu s’occuper
du budget général, elle ne trouvait pas de travail fini par toutes les sections
en même temps sur aucun budget ; le rapport de la section centrale en a été
retardé, et il a fallu avoir recours aux crédits provisoires. Je ne sais pas
comment les sections procèdent maintenant ; mais, selon moi, le budget le plus
urgent c’est celui de la guerre, et le budget extraordinaire de la guerre.
Cependant ce budget n’a pas été remis par le gouvernement, il devrait l’être.
Je demanderai à M. le ministre des finances si le budget pour le pied de guerre
est dressé.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Le budget des dépenses ordinaires de la guerre
fait partie de ceux qui sont présentés ; s’il est question du budget
extraordinaire, ce n’est pas mon affaire, c’est l’affaire du ministre de la
guerre.
M. Verdussen. - J’ai déjà fait une motion d’ordre semblable ; j’ai
demandé que le budget ordinaire de la guerre ne soit pas discuté parce qu’il
est tout à fait inutile.
M. le président. - L’article 52 dit que les lois doivent être
discutées dans l’ordre où elles sont présentées.
M. de Haerne.
- Je demande que la chambre, par une décision, intervertisse l’ordre.
M. Dumortier.
- Je désirerais que M. le ministre des finances voulût bien dire si le budget
de la guerre sur le pied de guerre a été remis à son département. Si ce budget
ne lui a pas été remis, il ne peut en diriger l’impression.
Je demanderai aussi quand nous aurons le complément du
budget, et j’insisterai surtout pour avoir les comptes : comment se fait- il
que les comptes ne soient pas présentés ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Sur le premier point, je répondrai que je n’ai
point reçu, et que par conséquent je n’ai point pu livrer à l’impression, le
budget extraordinaire de la guerre.
Sur le deuxième point, tourmenté moi-même au dernier
point des retards qu’éprouvent les impressions des comptes de 1830 et 1831,
j’ai envoyé, ce matin, les chercher à l’imprimerie, soit imprimés soit en
minute, afin de prouver à la chambre que rien ne dépendait de moi.
Il est résulté que j’ai trouvé
la première partie des comptes de 1830 imprimée ; quant aux comptes de 1831,
les voici en manuscrit.
Vous savez que ces comptes sont soumis à la cour des
comptes, qui doit présenter ses observations : par la lecture des journaux,
cette cour doit voir l’impatience de la chambre, et je dirai la juste impatience.
J’aurais donné ces renseignements d’office si je
n’avais été devancé par M. Dumortier.
M. Dumortier. - Je voudrais que le ministre déposât les comptes
sur le bureau. Ces comptes seront renvoyés à la commission des comptes qui nous
fera un rapport ; dans quelques jours elle pourra nous présenter un aperçu
sommaire sur ces comptes.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - L’opération sera irrégulière puisqu’elle doit être
précédée des observations de la cour des comptes.
M. Lebeau.
- M. Dumortier ne demande pas qu’on dépose les comptes pour qu’il en résulte
une loi, il demande le dépôt à titre de renseignements ; je ne vois pas qu’on
puisse s’opposer à cette proposition ; elle est autant dans l’intérêt du
gouvernement que dans l’intérêt de la chambre.
- Les comptes sont déposés sur le bureau, et la
chambre renvoie ces pièces à la commission de finances, à titre de
renseignements.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS
POUR L’EXERCICE 1833
Discussion des articles
M. le président.
- L’ordre du jour est la continuation de la discussion de l’amendement de M.
d’Elbougne.
M. de Robiano de Borsbeek.
- Je désirerais savoir si l’article premier étant
adopté, on pourra présenter encore quelques observations sur le budget des
voies et moyens.
Plusieurs membres. - Vous pourrez présenter des amendements.
M d’Elhoungne. - Je dirai que l’adoption de ma proposition n’empêchera nullement
d’adopter plus tard le paragraphe du projet du ministre par lequel on majore
quelques-unes des contributions, ou toute autre proposition tendant à accroître
les revenus de l’Etat.
L’amendement en discussion a pour but de remplacer la
première disposition de l’article premier de la section centrale ; le
paragraphe qui suit reste à discuter et à voter.
M. H. de Brouckere. - Je crois qu’il résulte de ce que vient de dire M.
d’Elhoungne qu’en présentant un amendement, il a eu particulièrement en vue de
limiter le temps pour lequel les voies et moyens seront votés, et que cette limite
n’empêcherait pas de majorer l’impôt foncier, l’impôt personnel et celui des
patentes ; ainsi la majoration serait établie pour six ou huit mois, et non
pour une année entière : mais je ferai observer qu’il n’y a pas d’amendement
conçu dans ce sens-là ; je voterai volontiers l’adoption d’une semblable
proposition, tandis que je ne pourrai admettre dès à présent cette majoration
pour toute l’année. Si le gouvernement veut consentir un budget pour six mois,
il pourra y avoir unanimité ; il en serait autrement s’il persiste à demander
des voies et moyens pour l’année.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, il suffit de lire les deux lignes qui précèdent mon
amendement pour voir qu’il remplit le but de l’honorable membre. Je dis : J’ai
l’honneur de proposer l’amendement suivant en remplacement du premier alinéa de
l’article premier du projet.
M. Faider, commissaire du Roi. - Augmenter les produits indirects pendant une partie
de l’année serait le moyen d’en détruire les produits. MM. Verdussen et Pirmez
ont fait toucher du doigt la plaie que vous feriez au trésor en n’autorisant la
perception des impôts indirects que pendant quatre mois.
Et en effet, messieurs, cela paralyserait les affaires
d’où découlent plusieurs de ces impôts ; ou, au moins, cela ferait ajourner la
passation des actes publics qu’elles déterminent, et par suite, les formalités
pour lesquelles les droits du trésor se perçoivent.
Ainsi, bien certainement la tendre sollicitude que
l’on a alléguée pour les besoins du trésor ne serait pas récompensée par les
résultats. Au contraire, les embarras, s’il y en a, seraient aggravés.
M. Meeus.
- Je ne saurais comprendre l’argument que vient de faire valoir M. le
commissaire du Roi ; je crois, au contraire, qu’il résulterait de la
proposition de M. de Brouckere de bons effets. De notre discussion il doit
jaillir pour le pays entier cette lumière, c’est que lorsque nous aurons donné
connaissance de tous nos besoins mis en regard avec nos ressources, il sera
nécessaire de faire un emprunt ; et pour moi je désire qu’on le fasse le plus
petit possible ; ou bien il sera nécessaire d’augmenter plusieurs branches des
revenus de l’Etat. Tous ceux qui paient à l’Etat s’apercevront qu’ils doivent
se préparer à une augmentation probable de leurs charges, augmentation que l’on
doit préférer aux emprunts, dont on n’a que trop abusé.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Messieurs, la mesure qui vous est proposée par
l’honorable M. d’Elhoungne doit être envisagée sous deux points de vue
différents : le premier d’après les motifs d’ordre généraux, et la marche
constitutionnelle des affaires ; le second d’après notre position privée, et
les embarras du moment,
En thèse générale rien de plus dangereux que ces
mesures provisoires, qui tiennent en suspens et la marche gouvernementale et le
mouvement des transactions privées, qui ne peut s’opérer avec sécurité
qu’autant que l’ordre et la stabilité président aux affaires publiques.
Certes, je ne m’attendais pas à voir une offre de
provisoire surgir du sein même de la chambre, qui tant de fois a flétri ce
système et déploré l’obligation où l’on était d’y avoir recours. Mon étonnement
redouble, messieurs, lorsque ma mémoire me représente les honorables membres
qui en soutiennent la proposition, comme les plus grands antagonistes, de ces
moyens transitoires qui ne peuvent être justifiés que par l’urgence et
nécessités que par l’incertitude des événements.
Ouvrez, messieurs, les annales des précédentes
sessions, et vous y trouverez les reproches qui ont accueilli le ministère
toutes les fois qu’il a dû, par suite de la force des choses, et non par
l’effet de sa propre volonté, vous demander des crédits provisoires. Ce blâme
qui n’était relatif qu’aux dépenses, que ne devrait-il pas être quand il s’agit
des recettes, c’est-à-dire, quand il s’agit de laisser le pays et le
gouvernement dans l’ignorance des charges qui pèsent sur lui, et des ressources
sur lesquelles l’autre peut compter pour assurer son service !
On s’étonne, on se plaint des embarras du trésor, et
l’on veut de plus en plus le forcer à marcher au jour le jour, comme si les
dépenses pouvaient attendre que les recettes fussent encaissées ; et lorsque
vous pouvez échapper à ce désordre, je dirai même à cette anarchie, pourquoi
vous y plonger sans motifs impérieux, sans nécessité ?
C’est, dit-on, pour forcer le gouvernement à vous
proposer des lois nouvelles améliorant le système financier. Mais, messieurs,
dois-je encore vous répéter que vous êtes nantis d’une partie de ces lois ?
N’avez-vous pas une loi sur le sel qui émane de la
commission de révision des impôts ? N’en avez-vous pas deux sur les
distilleries, l’une présentée par le ministère, l’autre par plusieurs
honorables membres de cette assemblée ? N’avez-vous pas une loi sur la taxe des
lettres ?
Sous peu de jours, et même avant la fin de cette
année, une loi sur l’enregistrement vous sera soumise ; une autre sur la contribution
personnelle n’attend que l’avis du conseil des ministres ; enfin, votre
assentiment sera demandé pour des modifications au régime général et au tarif
des douanes.
Tous ces projets ont été formés dans le dessein
d’améliorer le système financier, et à moins de tout renouveler (ce qui est
plus facile à conseiller qu’à opérer), je ne comprends pas la possibilité de
faire plus.
Quant à une nouvelle répartition de l’impôt foncier,
il vous a été démontré qu’il était impossible de l’effectuer avant l’achèvement
total du cadastre ; et puisque cette opération ne peut être terminée que dans
deux ans, une autorisation de percevoir trois ou six mois de plus, d’après les
lois existantes, n’amènera pas le nivellement des inégalités qui sont
signalées.
Nous gémissons, a-t-on dit, sous l’odieux système
hollandais. Mais, messieurs, a-t-on déjà oublié tous les changements qui ont
été faits aux lois hollandaises par le gouvernement provisoire, le congrès
national et vous-mêmes ? Ne se souvient-on plus de l’abolition de l’abattage,
de la loterie et des leges ; de la suppression du serment dans les déclarations
de succession ; de la réduction des cents additionnels et du coût du timbre des
journaux ; des modifications dans les lois des accises ; de l’abrogation du
droit sur les vins indigènes, et d’autres réformes qu’on semble dédaigner
aujourd’hui, et qui eussent dépassé les espérances lors de la demande du
redressement des griefs ?
Ajoutez à cela la modération apportée dans l’exécution
des lois.
Ces diverses modifications ont amené cependant dans
les recettes de l’Etat, et conséquemment dans les charges des contribuables,
une réduction de plus de 12 millions de francs.
Le gouvernement vous demande une augmentation d’impôts
; vous reconnaissez qu’elle est nécessaire puisque vous voulez niveler les
recettes et les dépenses : il faut donc savoir faire des sacrifices pour y
parvenir, et ce serait courir vers un but diamétralement opposé que
d’accueillir l’amendement en discussion ; car, autoriser la perception en vertu
des lois existantes, c’est virtuellement renoncer aux produits de cette
augmentation pendant tout le temps que ces lois resteront en vigueur, c’est en
un mot creuser sciemment et volontairement un déficit.
Que si l’on me dit qu’on pourra, lors du vote du
budget définitif, frapper le restant à percevoir de manière à ce que le trésor
retrouve sur les derniers mois ce qu’il n’aurait pas assez reçu pendant les
premiers, je répondrai que, quoique déguisée sous une forme légale, l’opération
n’en est pas moins de fait rétroactive.
Qu’aurez-vous obtenu de toute cette marche tortueuse,
autre chose que d’avoir placé tous les contribuables dans l’ignorance de la
cotisation qu’ils doivent à l’Etat, jeté l’incertitude dans les transactions et
atténué le crédit du trésor, ainsi que vous l’a si bien démontré l’honorable M.
Verdussen.
Messieurs, n’en doutez pas, la discussion de ces trois
jours a ébranlé la confiance, et ce n’est que par la preuve, qui ressortira, je
l’espère, de votre vote, que la chambre est toujours prête à appuyer le
gouvernement avec force dans les moments de crise, que vous raffermirez le
crédit public auquel l’adoption de l’amendement en discussion porterait la plus
fatale atteinte.
Je saisirai cette occasion pour relever une erreur
tellement grave dans la situation que l’honorable M. Meeus vous a faite de nos
finances, que je m’étonne qu’un aussi habile praticien ait pu la commettre. Il
vous a dit, dans la séance d’hier, qu’il déduisait des ressources de 1832 ce
qui ne devait rentrer de l’emprunt Rothschild que de janvier à septembre 1833,
et a porté cette somme à 12,752,397, d’où, à mon tour, je déduis les 4,000,000
d’obligations de l’emprunt de 12 millions que MM. Rothschild doivent verser, et
dont M. Meeus avait déjà tenu compte ; et je trouve que j’ai encore à recevoir
pour l’exercice 1832, 8,752,397. Ce qui couvre le prétendu déficit dont vous a
effrayés M. Meeus.
S’il est vrai que toutes les recettes ne s’opèrent pas
dans le courant d’un exercice, toutes les dépenses ne se font également pas du
1er janvier au 31 décembre, et c’est, messieurs, ce qui vous explique la
possibilité d’une situation financière favorable simultanément avec une
situation de caisse embarrassées que vous avez fait cesser en votant la loi qui
autorise le recouvrement, par anticipation, d’une partie de la contribution
foncière.
M. Meeus n’a pu confondre ces deux situations
distinctes, et son erreur reste dans toute son évidence.
Quant à la situation de caisse, j’ai déjà eu l’honneur
de vous dire qu’il était du devoir de tout ministre des finances de ne pas la
rendre publique. Le trésor fera son service ; et s’il pouvait être embarrassé,
ce ne serait que par suite du discrédit dont on n’a pas craint de le frapper,
et par l’adoption de l’amendement de M. d’Elhoungne, qui le priverait, s’il
était adopté, de l’augmentation d’impôt qu’il réclame et sur laquelle j’insiste
avec force.
Je me résume. Si vous refusez
votre vote au budget parce qu’il impose 40 p. c. sur la contribution foncière,
et que l’inégalité de la répartition vous paraisse un obstacle à cette
majoration, vous devez, ce me semble, rejeter cette disposition de la loi et
faire peser sur d’autres impôts ou couvrir par d’autres moyens le montant de ce
qui est nécessaire au trésor. De cette sorte la marche régulière ne sera pas
troublée.
Si au contraire vous ne refusez votre vote à ce projet
que dans le dessein de presser la mise à exécution des lois améliorant celles
qui existent, vous prenez une voie qui n’est pas sans danger et vous est
inutile, car une partie de ces lois sont à votre examen ; et si, contrairement
à ses promesses, le ministre ne vous présentait pas les autres, vous useriez de
votre initiative constitutionnelle, ce qui rendrait vaines toutes tentatives de
se soustraire à ses engagements.
Je pense en conséquence, messieurs, qu’il convient à
tous égards de délibérer sur le budget présenté, et de repousser la mesure
provisoire et compliquée que vous propose l’honorable M. d’Elhoungne.
M. Meeus. - Je
demande la parole pour un fait personnel. Je ne comprends pas comment un
ministre des finances qui, le premier devrait sentir qu’il est de la dignité du
gouvernement de ne jamais sortir des bornes des convenances tracées par la
chambre elle-même, ce ministre s’est permis de voir dans cette assemblée
« un caissier de l’Etat » ; je ne sais pas ce qu’il a voulu dire : si
c’est à moi qu’il a voulu s’adresser, je lui ferai observer que je ne suis
qu’une partie de l’administration qu’il a semblé designer, que l’un des caissiers
de l’Etat, et qu’il n’y a ici que des députés. Après tout, j’en appelle à votre
mémoire : dans tout le cours de cette discussion, est-il sorti de ma bouche la
moindre parole qui puisse faire supposer que mes investigations avaient pour
but de rechercher la situation des caisses du trésor ? Bien au contraire et
dans les chiffres mêmes que je vous ai présentés, je vous ai dit que pour faire
marcher la machine administrative financière, il fallait en étant « plus
malin » que sous l’ancien gouvernement, tout au moins 4 millions de
florins dans les caisses du trésor ; je ne vous ai pas dit que ces 4 millions
ne s’y trouvaient pas.
Je vous ai laissé supposer qu’ils y étaient et toutes
les provocations du ministre ne me feront pas tomber dans un piège : je ne dois
pas m’occuper ici de savoir s’il y a ou s’il n’y a pas au trésor les sommes
nécessaires au service ; je sais bien où la discrétion doit s’arrêter.
Quant aux chiffres que j’ai posés hier, M, le ministre
des finances ne les a pas réfutés. Il est avéré que réellement il y a environ
8,170,293 fl. de déficit.
Si les dépenses ne se parlent pas au jour le jour, les
recettes ne se font pas non plus au jour la journée. J’ai eu égard à cette
considération ; et lisez dans le Moniteur,
qui à cet égard a bien rendu ma pensée, ce que j’ai dit.
M. le ministre a dit, et j’en ai pris ma part, que la
discussion de ces trois jouis avait ébranlé la confiance : j’en suis fâché ;
mais qui en est cause ? Qu’avons-nous dit ? Le gouvernement se trompe, le
gouvernement ne demande pas assez de fonds ; il ne met pas assez de prudence
pour être à l’abri des événements ; et c’est sur quoi nous insistons, Je ne
viens pas demander que le ministère retire le projet de loi ; il lui faut des
subsides ; il lui en faut pour six mois, pour un an. La discussion m’éclairera
sur le temps.
Si le gouvernement voulait aujourd’hui être sage, bien
certainement il ne craindrait pas qu’une commission soit nommée dans le sein de
cette assemblée pour examiner le véritable état de nos finances et aviser aux
besoins du trésor. M’avez-vous entendu dire un mot qui ait un autre but que
celui-ci : tranquillisez le public relativement au crédit ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - C’est ce que je fais.
M. Meeus.
- Pourquoi cette circulation tout à fait mauvaise de mandats ? Est-ce qu’un
particulier n’est pas maître d’escompter comme il lui plaît, m’a objecté le
ministre ? Eh ! messieurs, il en est du gouvernement comme d’une maison
puissante, elle ne met son papier qu’en des mains qui puissent le soutenir ; si
le papier que vous faites circuler avait la confiance, vous le verriez
recherché à la bourse à 4 et 5 pour cent, comme le papier de nos premières
niaisons.
M. le ministre des finances nous fait valoir
l’obligation de sortir du provisoire : c’est parce que je sens cette nécessité,
que je demande à connaître l’état de nos finances, que je demande qu’on nous
fasse un rapport exact sur les besoins de l’exercice 1833, non seulement pour
les dépenses ordinaires, mais pour les dépenses extraordinaires ; alors la
chambre avisera aux moyens de pourvoir aux besoins du gouvernement.
M. d’Hoffschmidt. - L’orateur a demandé la parole pour un fait
personnel ; il rentre dans la discussion générale...
Plusieurs membres.
- Laissez parler !
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je n’ai que deux mots à dire pour calmer les
inquiétudes de l’honorable orateur. Je n’ai pas du tout entendu signaler sa
personne, il n’y a rien de personnel dans le discours que j’ai prononcé ; j’ai
parlé de la discussion et point de ceux qui y ont pris part. Il n’y a aucune
phrase personnelle dans ce que j’ai dit. Je continuerai de la même manière ; je
suivrai la discussion, et répondrai si je le crois utile.
M. H. Vilain XIIII. - Messieurs, c’est en peu de mots que je
développerai l’opinion qui me fait rejeter l’amendement de l’honorable M.
d’Elhoungne.
L’adoption de cet amendement ne ferait que reculer la
solution des difficultés financières que nous rencontrons aujourd’hui, au lieu
de les trancher sous peu définitivement.
Il ne tendrait qu’à renouveler dans quelques mois tous
les débats élevés dans ce moment, débats qui généralement servent peu à nous
créer de nouvelles ressources et qui toujours nous font perdre un temps
précieux.
Il établirait enfin le provisoire dans une partie de
l’administration publique, qui demande plus que toute autre un ordre stable et
régulier ; et je veux une fois pour toutes cesser d’être provisoirement
gouverné.
Mais si pour ces motifs je repousse l’amendement
proposé, je suis loin de condamner ceux qui l’ont fait surgir, et de
méconnaître les nombreux griefs reprochés au présent ministère et surtout au
ministre passé des finances ; je suis loin, tout en adoptant la loi amendée par
la section centrale, de vouloir par ce vote laisser croire au ministère que
j’approuve sa conduite passée.
On a objecté à ce ministre de n’avoir point écarté
avec assez de prévoyance les embarras et la courteresse d’argent qui
immanquablement devaient se rencontrer dans nos caisses à la fin du présent
exercice ; je crois ce reproche fondé.
On lui a demandé pourquoi, pendant plus d’une année de
ministère et malgré les invitations pressantes de la représentation nationale,
il n’avait pu au-dehors du pays établir aucun débouché utile à nos industries,
et créer au-dedans, par des lois protectrices, une position meilleure à nos
distilleries et à nos usines ; mais ces demandes sont restées sans réponse
satisfaisante.
On l’a interrogé, et je parle ici toujours de l’ancien
ministre des finances, sur les raisons qui ont pu le déterminer à ne plus
réunir les commissions de finances et de commerce, convoquées l’an dernier avec
grand apparat, dont les projets auraient pu dès lors, s’ils avaient été
soutenus par le ministre, être soumis aux chambres, amener parmi les
contribuables une plus juste répartition d’impôts, faite avec connaissance de
cause, dépouillée de toute étroitesse de système, et revêtue de l’assentiment
de personnes graves, prépondérantes : on a de nouveau trouvé bon de ne répondre
que vaguement à une semblable interpellation. On a laissé les commissions sans
convocation et leurs travaux sans suite et sans résultats. On est arrivé à la
fin de l’année sans nouveau système d’impôts, et vivant au jour la journée.
Voilà la position qu’on nous a faite, mais dont
aujourd’hui d’amères critiques ne pourraient changer les effets passés. Là le
mal est irréparable, mais c’est à améliorer notre avenir qu’il convient de
travailler, et à forcer notre ministre des finances de travailler. Que
l’expérience des fautes consommées lui profite. Qu’il mette en pratique les
renseignements partis de cette tribune, qu’il convoque de nouveau cette commission
de finances si pleine de lumières et de bonne volonté.
C’est pour ne point
embarrasser sa marche et lui donner le temps de prouver sa bonne volonté que je
consens encore, pour le moment, à lui accorder l’appui de mon vote pour la
perception des deniers de l’Etat ; mais je l’attends à l’époque plus décisive
de la discussion des dépenses, au vote du budget des finances. Je serai alors
obligé de lui retirer et ma confiance et mon vote si je n’aperçois point dans
cette branche de l’administration plus de bon vouloir et d’activité, et surtout
le désir bien sincère et bien constaté de débarrasser une fois pour toutes la
Belgique de cette série de lois fiscales, si peu appropriées à sa position et à
ses mœurs. Je prie le ministre de prendre note de cet avis consciencieux,
et de se souvenir que le pouvoir ne trouve de soutien que quand déjà il sait se
soutenir par lui-même et par sa propre vigueur et habilité.
M. d’Elhoungne. - Dans cette discussion, comme dans toutes les autres, je ferai
remarquer l’inconvénient des discours préparés : d’abord, en s’écartant de la
question, ils prolongent les débats. C’est la seule réponse que je dois faire
au ministre des finances. De quoi s’agit-il ? De pourvoir aux besoins du trésor
à partir du premier janvier prochain. Sera-ce en prorogeant définitivement,
pour l’exercice 1833, la perception de l’impôt existant ? Ou sera-ce en
adoptant l’amendement que j’ai proposé qui proroge la perception de l’impôt
jusqu’après la discussion des budgets des dépenses ? A ces deux questions,
messieurs, se réduit l’objet de la discussion.
Il est vrai que les questions peuvent en soulever
d’autres : pouvez-vous voter définitivement les voies et moyens pour 1833 ?
Lequel des deux projets, celui du gouvernement ou le mien, est le plus conforme
à la raison, à la constitution, aux intérêts de l’Etat, aux usages législatifs,
à l’expérience ?
En adoptant même le projet de la section centrale,
vous ne pouvez pas arrêter définitivement les voies et moyens, parce qu’ils ne
sont pas suffisants pour l’année.
Les voies et moyens, tels qu’ils sont présentés,
exigeront encore d’autres ressources, d’autres voies et moyens.
Vous n’avez aucun moyen de fixer vos idées sur les
ressources nécessaires, puisque les dépenses ne sont pas connues. Ce ne sera
que lorsque tous les budgets seront arrêtés que vous serez en état de couvrir
toutes les dépenses. Le projet de la section n’a pour but que de prévoir une
partie des dépenses.
Comparons les deux projets pour décider lequel des
deux mérite la préférence ; comparons le projet de la section centrale avec le
mien.
L’article 115 de la constitution est positif :
« Chaque année les chambres arrêtent la loi des comptes et votent le
budget. » Ainsi la loi des comptes doit précéder le budget des dépenses.
Quant aux voies et moyens, il faut que le législateur se soit formé une opinion
raisonnée sur la manière de lever l’impôt, sur les impôts les moins onéreux aux
contribuables, pour les voter ; ces notions, vous ne pouvez les avoir qu’après
le règlement définitif du budget des dépenses.
Si je rappelle ce qui s’est passé en France sous la
branche aînée des Bourbons, je vois que lorsque le législateur n’a pas pu
régler le budget avant l’expiration de l’année, on a chaque fois voté des
crédits provisoires et autorisé des perceptions provisoires des impôts
existants.
Et pourquoi ? Parce qu’en l’absence de toute notion
pour fixer ses idées, il faut se rattacher à ce qui existe. Qu’est-ce qui
existe ? C’est le système en vigueur. Combien de temps faut-il le maintenir ?
Jusqu’à ce que on ait réglé les dépenses.
Depuis la révolution de juillet s’est-on écarté de
cette marche ? Non. Le 4 de ce mois, M. Humann, qu’on ne prendra pas pour un
démolisseur, a présenté un projet de loi pour autoriser la perception
provisoire pendant trois mois. Il a demandé qu’on arrêtât le contingent des
contributions directes pour toute l’année, mais sous la condition qu’on n’en
permettrait la perception que pour trois mois.
J’ai sous les yeux l’extrait du projet de loi présenté
par le ministre des finances en France.
Vous voyez, messieurs, que l’amendement que j’ai eu
l’honneur de proposer, est celui qui a en sa faveur l’expérience, l’usage des
autres nations. Notre ministre des finances oppose à cela l’inconvénient qui
résulte de l’incertitude dans laquelle on place le contribuable ; messieurs, on
ne fera pas disparaître cette incertitude par l’adoption du projet de loi,
puisqu’il ne comprend pas toute la dépense. Le contribuable sait fort bien
qu’il est menacé de nouvelles charges, et que le budget des voies et moyens,
nominalement définitif, n’est réellement que provisoire, et qu’il nécessitera
de nouveau d’agiter dans cette enceinte toutes les questions qui s’y sont
agitées depuis quatre jours.
D’un autre côté on vous a dit que ne pas établir
depuis le 1er janvier les contributions qu’il faut majorer, ce sera créer un
déficit dans les recettes ; je concevrais cette objection si l’on avait majoré
les impôts de consommation, les impôts indirects. Sur quoi le ministère a-t-il
proposé de majorer les impôts ? Sur les contributions directes qui se
percevraient toute l’année.
Mais, dit-on encore, ces six mois de provisoire
arrêtent les spéculations. Je suis bien fâché d’en faire la remarque, j’aurais
bien voulu écarter de la discussion toutes les questions chatouilleuses qui
peuvent amener des explications pénibles ; mais ce n’est pas mon amendement qui
produit les effets qu’on lui impute ; c’est l’imprévoyance du ministère qui
nous force, malgré toute notre bonne volonté, d’ajourner la discussion du
budget ; c’est de là que dérivent tous les inconvénients. Du moment que votre
loi des voies et moyens doit être complétée par de nouvelles charges, vous
voyez fort bien que le contribuable reste dans l’incertitude, que cette
incertitude ne disparaîtra pas, parce que vous avez introduit un mensonge dans
le titre de la loi, en déclarant définitif ce qui n’est qu’une œuvre
incomplète.
Messieurs, on vous a encore parlé des contributions
indirectes qui vont recevoir des améliorations par la législation et, à cette
occasion, on vous a dit qu’il était dangereux de toucher à cet objet, parce
que, dès qu’on y met la main, les spéculations du commerce et de l’industrie en
éprouvent des perturbations : à cet égard, je dois renvoyer le reproche
ailleurs. Si des inquiétudes ont pu naître de ce que l’on a annoncé des
modifications, sur la législation des impôts indirects, il faut s’en prendre au
discours du trône ; c’est ce discours qui a déclaré qu’il y aurait des propositions
faites pour changer l’impôt sur le sel, sur les distilleries, sur les
successions, sur le droit d’enregistrement, sur la contribution foncière, sur
le tarif des douanes. Bien loin de regarder ces annonces comme étant des causes
de perturbations, je félicite le gouvernement de ce qu’il a pris l’engagement
de faire jouir enfin le pays des fruits de sa révolution en nous débarrassant
de toutes les mauvaises lois que nous devons à la fiscalité hollandaise.
Cependant, je dois vous faire connaître le doute qui
me reste sur la réalisation de ces promesses ; et encore aujourd’hui, j’ai eu
lieu de me convaincre que ce ne sont que des faux-fuyants, pour tromper la
nation et ses représentants. Dans le sein de la commission, dont je fais
partie, et qui est chargée du projet de loi sur l’accise des distilleries, nous
avons vu deux agents de l’administration des finances, envoyés par le ministre,
pour nous donner des renseignements. Que résulte-t-il des interpellations qu’on
leur a faites ? Que le projet de loi dont M. le ministre a dit que la chambre
était saisie, ne procurera au fisc que tout au plus 900,000 florins.
Or, consultez les voies et moyens, le revenu des
distilleries est évalué à 3,500,000 francs ; ainsi, quand le projet sur les
distilleries viendra en discussion, le ministère le fera écarter sous prétexte
qu’il n’atteindra pas le chiffre posé aux voies et moyens. On fera donc tomber
le projet de loi ; on fera perdre à l’assemblée son temps pour venir déclarer
que le projet ne peut remplir l’attente du législateur. C’est ainsi qu’on se
joue de la nation et de la législature.
M. A. Rodenbach. - Et qu’on fait mentir le Roi !
M. d’Elhoungne. - Voyons mon amendement. La section centrale propose une rédaction un
peu longue.
La voici :
« Art. 1er. Les impôts
directs et indirects existants au 31 décembre 1832 en principal et additionnel,
tant pour le fonds de non-valeurs qu’au profit de l’Etat, des provinces et
communes, continueront à être recouvrés pendant l’année 1833, d’après les lois
qui en règlent l’assiette et la perception, sauf les modifications ci-après, et
celles qui pourront être apportées ultérieurement. »
Voici ma rédaction :
« Jusqu’à la promulgation de la loi des voies et
moyens pour l’exercice 1833, toutes les contributions directes seront perçues
pendant l’année prochaine, d’après la loi du 22 décembre dernier. »
Je vous demande si l’on peut hésiter un instant sur le
choix des deux rédactions ; si l’une, qui a pour elle le suffrage de plusieurs
législatures de France, ne doit pas obtenir la préférence sur cette mauvaise
rédaction, que nous devons aux agents fiscaux qui l’ont présentée et qui a été
adoptée par la section centrale.
M. Dumortier.
- J’avais aussi l’intention de voter pour l’amendement de l’honorable M.
d’Elhoungne, mais je dois dire que la discussion qui a eu lieu depuis 2 jours
m’a prouvé qu’il était nécessaire de l’écarter, ainsi que toute autre
proposition du même genre qui tendrait à faire voter des crédits provisoires.
J’ai été un des premiers dans cette enceinte à démontrer la fausse marche du
gouvernement, lorsqu’il ne nous avait pas préalablement rendu les comptes de
1830 et 1831 avant le budget des voies et moyens. A cet égard je l’ai assez
blâmé, car il est extrêmement fâcheux que nous n’ayons pu avoir de comptes
depuis 2 ans. Mais c’est là une chose purement réglementaire, et je ne pense
pas, comme on l’a dit, qu’il y ait là une question constitutionnelle. L’année
dernière nous avons voté les budgets sans avoir les comptes de 1830 ; il eût
été sans douté plus régulier de nous les mettre sous les yeux, mais enfin nous
avons cru pouvoir nous en passer et nous avons reconnus qu’il n’y avait aucune
inconstitutionnalité. Ainsi, je ne pense pas que cette considération puisse
nous arrêter aujourd’hui.
On vous a dit, messieurs, qu’en France M. Humann, que
certes on ne traiterait pas de démolisseur, avait demandé dernièrement un
crédit provisoire. A cet égard, je partagerais l’opinion de l’honorable membre,
si notre gouvernement avait tous les moyens de marcher ; s’il avait un crédit
établi comme le gouvernement français. Mais, pour moi, il est une question qui
domine toutes les autres : c’est la nécessité d’établir solidement notre crédit
public, et je partage l’opinion de ceux qui pensent que des crédits provisoires
ne tendraient qu’à l’affaiblir, en occasionnant un déficit dont il serait
difficile de prévoir les conséquences.
La seconde considération qui me confirme dans mon
opinion, c’est que je reconnais l’impossibilité de rien changer en matière
d’impôts dans le courant de l’année ; je crois même que ce serait une chose
extrêmement dangereuse, car vous ne pouvez pas opérer un tel changement sans
vous exposer à un déficit, et nous ne sommes pas en position de courir un tel
risque.
Il y a, en matière d’impôts, trois choses bien
distinctes : la quotité du droit, l’assiette de l’impôt, et les mesures
fiscales.
Pour la quotité du droit, quelque système que l’on
adopte, il faut reconnaître qu’il est difficile de rien changer à ce qui est
aujourd’hui. L’état actuel du trésor nous permet pas de réduire les impôts.
Quant aux mesures fiscales, on ne peut nier que ce
qu’elles présentaient d’arbitraire a entièrement disparus depuis la révolution
; c’est, messieurs, un des fruits les plus précieux de notre émancipation
politique, que d’avoir vu disparaître ce cortège de calamités qui ne cessait
d’assaillir le contribuable.
Maintenant, la question de l’assiette de l’impôt est
certainement très importante ; mais à mes yeux elle ne l’est pas autant que les
autres, parce que le temps et l’expérience rétablissent toujours l’équilibre,
et que, la justice faisant place à l’arbitraire inévitable des premières
mesures, il s’opère un effort constant qui tend, sans cesse, à rétablir la
gradation proportionnelle.
De ces observations découle cette vérité qu’il y
aurait un extrême danger à changer maintenant le système des finances ; mais
cela ne doit pas nous empêcher de chercher par tous nos moyens à l’améliorer :
c’est pour cela que je proposerai, lors de la délibération des articles (car
nous n’y sommes pas encore arrivés), d’exempter les contribuables de ces
déclarations odieuses qui les mettent entre leur intérêt et leur conscience. Je
proposerai aussi une mesure tendant à alléger le fardeau des bateliers, cette
classe si intéressante de la société. (On
rit.)
Je dois rencontrer maintenant une observation relative
à l’élévation du budget.
Nous ne sommes pas encore, comme je l’ai dit, à la
discussion des articles ; quand nous y serons arrivés, nous aurons à examiner
s’il y a lieu d’augmenter ou de diminuer les dépenses.
Vous n’ignorez pas, messieurs, que tout bon système
financier doit établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses ; pour
cela il n’y a que deux moyens, ou bien de diminuer les dépenses au niveau des
recettes, ou bien d’élever les recettes au niveau des dépenses.
Il est vraiment bien douloureux que ce soit ce dernier
moyen que le gouvernement a cru devoir adopter dans un moment où l’Etat est
déjà si obéré.
L’an dernier, lorsque nous sommes venus vous prédire
l’état actuel de nos finances, M. Coghen, alors ministre des finances, a
prétendu que notre budget ne s’élèverait pas au-delà de 37 millions cette année
et qu’il serait sous peu inférieur à 35 millions de florins, Maintenant, au
contraire, que vient-on réclamer de vous ? Un budget énorme de 83 millions de
francs, et cela pourquoi ? Pour satisfaire au luxe de nos ambassadeurs et leur
procurer la jouissance de porter des habits brodés jusque sous les bras.
Renoncez, il en est temps, messieurs, à ce luxe inutile qui ne peut que faire
haïr et détester la révolution ; ce n’est pas par de tels moyens que les
Etats-Unis d’Amérique sont parvenus à établir leur puissance, c’est en entrant franchement
dans le système des économies qu’ils sont parvenus à élever leur république au
niveau des plus grands empires.
Depuis trois jours on a beaucoup parlé de mandats à
terme, de bons du trésor et de la banque nationale. A cet égard, j’aurai
quelque remarques importantes à vous communiquer, et je prie l’honorable membre
qui exerce les fonctions de gouverneur de la banque, de vouloir bien se
convaincre que rien de ce que je vais dire ne lui est personnel, et que je me
suis mu dans cette discussion que par les seuls intérêts du pays.
D’abord, on s’est plaint avec raison de ce que le
gouvernement n’a pas su se mettre en mesure de faire face à ses engagements, et
qu’il a dû effectuer certains paiements en mandats à terme.
Rien, messieurs, ne peut davantage compromettre le
crédit public, que le défaut de faire face aux engagements contractés. Cette
faute est excessivement grave et le ministère est bien coupable de n’avoir pas,
malgré nos avertissements réitérés, assuré le service public. Néanmoins, quant
aux mandats à terme, je pense qu’on en a beaucoup exagéré les fâcheux résultats
; car, de ce qu’ils se négocient au taux de l’intérêt commercial, il fait
conclure que notre crédit se consolide, et cette considération est très
importante. Quelques négociations ont pu se faire à des prix désavantageux,
mais cela ne prouve rien pour l’ensemble.
Toutefois, je regrette que le ministère ait employé un
pareil moyen lorsqu’il lui était facile d’émettre des bons du trésor, et je
déclare que si une loi nous est présentée à cette fin, j’y donnerais volontiers
mon adhésion. Mais est-ce à dire pour cela qu’il faille forcer le gouvernement
à faire cette émission et à se créer une ressource qu’il regarde peut-être
comme inutile ? Non, sans doute ; il serait trop ridicule que nous forcions le
gouvernement à créer des emprunts alors qu’il ne vient pas nous en demander.
J’arrive maintenant à la banque, à la banque que l’on
vous a dépeinte comme voulant le bien de tous (on rit), même de ses calomniateurs.
Dans une précédente séance on a cherché à soulever un
coin du voile qui couvre cette institution, et l’on s’est dit, que puisque la
banque est si désireuse de faire le bien du pays, rien ne lui est plus facile
que de se procurer cette satisfaction en acquittant ses dettes envers nous.
Déjà j’ai eu l’honneur d’indiquer la détention que fait la banque des revenus
du séquestre ; depuis lors j’ai pris de nouvelles informations à une source des
plus certaines, et j’appelle toute votre attention sur les renseignements que
je vais vous communiquer. (Ecoutez !
écoutez !)
Vous n’ignorez pas, messieurs, qu’en vertu de la loi
fondamentale du royaume des Pays-Bas, le roi Guillaume avait le droit de se
faire attribuer en biens-fonds provenant des domaines, jusqu’à concurrence de
500,000 florins un montant de la liste civile. Une loi fut présentée par lui
aux états-généraux, loi scandaleuse s’il est fût jamais, qui attribuait au
monarque une somme qui dépassait de beaucoup celle qui devait lui être
accordée, et cette loi fut votée par les chambres. Depuis, le roi Guillaume
crut bien faire dans son intérêt que de remettre ces biens à la banque contre
une somme annuelle de 500,000 florins. Cette somme devrait donc, depuis la
révolution, être versée dans le trésor de la banque, soit à titre d’avoir du
trésor, soit à titre de séquestre ; car il est juste que l’Etat jouisse des
fruits du séquestre, sauf à liquider ensuite avec le roi Guillaume conformément
aux 24 articles. Il reviendrait donc de ce chef à la Belgique un million de
florins pour les années 1831 et 1832.
Le même motif que je viens de vous exposer devrait
faire également verser dans notre trésor les intérêts et dividendes sur les
actions que possède le roi Guillaume à la banque, et comme il en est un des
principaux propriétaires, il devrait être versé de ce chef, pour les années
1830, 1831 et 1832, une somme de 1,800,000 florins.
La banque doit au syndicat une somme annuelle pour
cession de domaines.
Or, le syndicat d’amortissement constituait une partie
du trésor du royaume des Pays-Bas ; les sommes qui lui sont dues dans nos
provinces doivent donc rentrer dans le trésor public, et ces sommes pour les
années 1830, 1831 et 1832, ne s’élèvent pas moins qu’à un million de florins.
Enfin, la banque doit au
trésor, comme ancien caissier du royaume des Pays-Bas, une somme d’environ cinq
millions de florin d’après ce que l’on m’assure.
Ainsi la banque devrait à l’Etat une somme de 8 à 9
millions de florins.
En présence d’un pareil état de choses, n’est-ce pas
un scandale que de voir la banque, caissier de l’Etat, nantie de sommes aussi
fortes, refuser, je ne dirai d’escompter, mais même d’accepter des mandats à
terme pour quelques mille florins ? Comment messieurs, qualifier une pareille
conduite, lorsque l’on vient nous prêcher la ruine et la banqueroute, lorsque
l’on vient nous offrir sa bourse pour y puiser un emprunt ? Messieurs, je ne
m’établis pas garant des chiffres que je vous ai présentés, quoiqu’ils me
viennent d’une personne digne de toute confiance ; mais cette affaire a fait
assez de bruit pour que nous exigions une prompte liquidation du compte de la
banque avec l’Etat ; par-là, la banque fera voir qu’elle vent réellement le
bien du pays, et pour arriver à ce résultat, il faut proposer un article
additionnel au projet de loi qui vous est soumis, je n’hésiteras pas à le
déposer sur le bureau.
(Moniteur belge
n°350, du 18 décembre 1832) M. Davignon. - Messieurs, je ne donnerai pas mon
assentiment à la proposition restrictive et d’ajournement qui est faite par notre
honorable collègue, ne pouvant admettre les motifs allégués pour la justifier.
Il est incontestable que notre système financier est
des plus vicieux ; la nécessité de son changement est généralement reconnue ;
mais une simple révision serait insuffisante ; il faut une refonte entière,
qu’on ne parviendra à opérer que par un travail long et pénible, dont les
résultats devront, à mon avis être livrés à la publicité, et à l’investigation
préalable des intéressés. Il est donc matériellement impossible qu’un nouveau
projet puisse être mis à exécution pour l’année 1833.
Pour que pareil inconvénient ne se représente pas pour
l’exercice suivant, j’émettrai le vœu formel, que je crois être aussi celui de
la chambre, que la commission créée par arrêtés des 22 octobre et 2 septembre
1831 soit rendue à la vie ; elle est composée d’hommes distingués, qui
donneront bientôt des signes d’existence, et qui sauront remplir les
obligations qu’ils auront assumées, en donnant au pays un nouveau système
d’impôts, qui soit simple et clair à la fois, qui atteigne plus directement les
classes riches et qui ménage autant que possible l’agriculture, l’industrie et
le commerce.
On objecte qu’on ne peut voter les voies et moyens
avant d’avoir établi les dépenses : sans doute, messieurs, il serait plus
rationnel de procéder ainsi ; il serait nécessaire même de le faire, si, comme
en France, les recettes pouvaient être mises au niveau des besoins.
Malheureusement, nous sommes assez loin encore de
cette situation prospère.
La prolongation de l’état de guerre amènera
inévitablement un surcroît de dépenses, dont il est impossible d’évaluer
l’import et de déterminer la durée : or, étant convaincu que les moyens
demandés ne peuvent couvrir que les dépenses courantes et connues, je crois ne
pouvoir me dispenser de les allouer, mais uniquement comme mesure de transition
et sans rien préjuger, pour la suite, sur l’assiette plus ou moins équitable
des impôts, ni sur la nature des objets que, pour l’avenir, il sera plus
convenable de frapper.
Le motif qu’il n’y a pas de ministère, j’ai presque
dit pas de gouvernement, ne me paraît pas mériter, dans la présente occurrence,
grande considération : il y a un engagement pris par la chambre pour l’époque
du vote définitif de la loi en discussion, et cette allégation ne peut avoir de
force que pour ce qui concerne le budget des dépenses.
Il faut savoir dans quelles mains on confie le
maniement des deniers des contribuables, quoique pour moi, messieurs, je
tâcherai toujours d’écarter toute question de personnes ; je ne vois dans le
ministère que l’être moral, et je me montrerai satisfait lorsque, pour la
direction des affaires du pays, il y aura patriotisme, capacité et dévouement.
Dans le temps où nous vivons, cette dernière qualité n’est pas la moins
rigoureusement nécessaire.
En agissant de la sorte, je n’ai en vue ici que
l’intérêt de l’Etat, je ne suis mû que par le désir qui doit nous animer de
prêter quelque force à un gouvernement faible encore, qui, dans le début de son
existence politique et dans les circonstances toutes particulières où nous nous
trouvons, doit, du moins encore pour l’exercice prochain, être mis à l’abri de
l’éventualité même d’une secousse financière. Une considération qui prédomine
aussi, c’est l’obligation que nous avons d’asseoir le crédit public sur des
bases solides et le danger qu’il y aurait de l’énerver en prenant, dans ce
moment de crise générale, une mesure quelconque qui pourrait lui porter la plus
légère atteinte.
La mesure proposée n’offre
qu’une garantie temporaire aux créanciers de l’Etat, à qui il faut inspirer de
la confiance, en leur présentant sécurité complète. Car, ne nous faisons pas
illusion, messieurs, il ne leur suffit pas de savoir qu’il y a chez nous bonne
foi et ferme volonté de remplir nos engagements ; il est de la dernière
importance de leur en démontrer la possibilité matérielle, et de leur faire
connaître que celle-ci repose sur des moyens réels et sur des ressources
assurées.
Par ces motifs, messieurs, et pour écarter jusqu’à
l’idée d’un provisoire qui nous a fait tant de mal, je voterai pour la loi
proposée, sauf à admettre telles modifications qui seraient reconnues plus
conformes à l’intérêt général. J’ai dit.
M. Jullien.
- M. le ministre des finances, en critiquant et en flétrissant les crédits
provisoires, ne s’est pas aperçu, je crois, que c’était la critique même du
gouvernement qu’il faisait ; car enfin, si nous sommes forcés à demander des
crédits provisoires et à rester toujours dans le provisoire, la faute à qui ?
Est-ce à nous qui réclamons l’exécution des promesses solennelles faites depuis
plus d’un an, qui voulons rester dans les termes de la constitution, ou bien à
ceux qui s’écartent constamment ce la constitution et qui manquent à leurs
promesses ? Que veut la constitution ? Que vous arrêtiez la loi des comptes
avant de voter le budget des voies et moyens. Que veut le ministère ? Qu’on
vote les voies et moyens avant la loi des comptes, c’est-à-dire qu’on procède à
rebours des principes établis. Que vent encore la constitution ? Que nous ayons
le temps d’examiner les budgets, afin d’être convaincus par nous- mêmes de la
nécessité ou de la non-nécessité des impôts qu’on veut faire peser sur le
peuple. Eh bien, le ministère nous jette un à un les budgets au mois de
décembre pour être votés avant le 1er janvier. Vous voyez donc bien, messieurs,
que la faute ne provient pas de nous, mais de la position dans laquelle nous a
placés le ministère.
Messieurs, on vous parle toujours de consolider le
crédit public et pour cela de voter en aveugles. Il me semble à moi que tout le
contraire aura lieu si nous agissons ainsi Quand accorde-t-on un crédit public
à quelqu’un ? C’est quand un individu sait mettre de l’ordre dans ses affaires,
quand il les administre en homme clairvoyant ; sinon on le regarde comme un
brouillon. Le ministère veut-il être placé dans cette dernière catégorie ?
Qu’il choisisse.
Lorsque vous imposerez au peuple des charges
nouvelles, il les supportera avec résignation, il paiera si la nécessité en est
démontrée ; mais si cette nécessité n’est pas reconnue, alors il murmurera et
trouvera ces charges insupportables. Eh bien ! représentants du peuple, quand
après avoir voté une augmentation de 40 p. c. sur la contribution foncière et
17 p. c. sur la contribution personnelle, vous rentrerez dans vos foyers, que
répondrez-vous à vos concitoyens s’ils vous disent : Vous n’avez pas examiné
les revenus de l’Etat, vous ne saviez pas quelle était sa situation financière,
et cependant vous avez décrété une aggravation d’impôts ; vous avez voté en
aveugles ! J’avoue que quant à moi je ne saurais pas répondre à ces reproches,
et j’aurais la prudence de me taire. Mais je ne veux pas les encourir, et
toutes les fois qu’on me proposera de voter un impôt, je veux savoir pourquoi.
On a beau dire que le trésor est en souffrance : nous
le savons et nous voulons y remédier ; mais, tout en accordant des douzièmes
provisoires, nous nous réservons les moyens de nous éclairer sur la nécessité
de l’impôt.
D’ailleurs, comme l’a très bien fait observer M.
d’Elhoungne, vous flétrissez les crédits provisoires, et vous ne voyez pas que
votre budget n’est lui-même qu’un crédit provisoire.
D’après la manière dont vous nous l’avez présenté,
vous entendiez que c’était un budget provisoire, destiné à être exécuté
jusqu’au temps où vous en apporteriez un autre. Eh bien ! si c’était un budget
provisoire, il est plus régulier d’en faire un autre moins longtemps
provisoire, et de vous réduire à 3, 4 ou 6 douzièmes au plus. Voilà ce qui est
raisonnable, ce qui est conforme à la loi, et ce qui est une nécessité
démontrée pour nous.
L’honorable M. Dumortier vient de nous dire que
d’abord il était assez d’avis d’admettre l’amendement de M. d’Elhoungne ; mais
que depuis il avait changé d’idée. Il a ajouté que l’année dernière on avait
également demandé des comptes ; mais qu’on avait fait observer que ces comptes
n’étaient pas prêts, et que cela n’avait pas empêché de voter le budget. C’est
très bien. Mais avec ce raisonnement qu’on pourra reproduire encore l’année
prochaine et dans 2 et 3 ans, il s’ensuivra que vous voterez toujours sans
avoir de comptes. L’année dernière on a donné d’assez bons motifs pour ne pas
présenter ces comptes, en les promettant toutefois avant la fin de la session.
Vous savez, nous a-t-on dit, les embarras suscités par l’invasion étrangère ;
faites attention aux circonstances dans lesquelles le gouvernement s’est trouvé
placé. Eh bien ! nous avons fait la part des événements et nous avons dit :
Nous aurons au moins ces comptes pour l’année prochaine. Mais, parce que nous
avons montré de l’indulgence l’année dernière, en résulte-t-il que nous devions
encore voter en aveugles cette année ? Non certainement.
On nous parle toujours des diminutions qui ont été
faites sur l’impôt. Je ne sais si c’est bien le moment de mettre en avant un
pareil résultat quand chacun, en faisant son compte particulier, est loin de
s’en apercevoir. Je n’ignore pas qu’on a supprimé l’abattage el la mouture,
impôts tellement odieux que l’ancien gouvernement, s’il était resté, n’aurait
pu les percevoir davantage ; mais malgré cela je ne pense pas que les charges
aient diminué. Que l’on compare les anciennes dépenses à celles qu’on vous
propose, à tous les fonds nécessaires pour maintenir l’armée sur le pied de
guerre, et l’on verra de quel côté tombera la balance.
L’honorable M. Dumortier, en traitant la question de
la révision de nos lois financières, paraît surtout avoir une préférence pour
les bateliers. (On rit.) Il nous en a
entretenus à deux reprises différentes (Nouvelle
hilarité.) Je voterai avec lui pour les bateliers quand la discussion en
sera venue ; mais je ne conçois pas comment notre sollicitude ne s’étendrait
pas sur les autres contribuables, et pourquoi nous n’introduirions pas
d’améliorations à la loi des patentes et au système des barrières, dans
lesquels d’honorables collègues et moi nous avons démontré des iniquités
palpables.
J’en viens à l’observation de M. Dumortier, pour ce
qui concerne la banque. Je tiens beaucoup aussi à ce que cette question se vide
; s’il faut l’intervention de la chambre, la chambre interviendra ; elle doit
intervenir, parce qu’il est impossible de laisser en suspens une liquidation
d’où il doit revenir une somme considérable au trésor.
Il est dû à l’Etat, dit-on, 2 millions 50 mille
florins, et la créance me paraît assez bien fondée d’après les contrats de la
société et les statuts de la banque. Il est impossible que quand il s’agit
d’une ressource qui viendrait si à propos, on s’arrête devant une simple
investigation. S’il est besoin d’une enquête, la constitution nous permet de la
faire ; s’il faut stimuler à cet égard le gouvernement nous pouvons encore le
faire, et le gouvernement devra écouter la demande de la chambre.
Si je m’en rapporte à une note qui vient de m’être
donnée et qui part d’une source assez respectable, voici, d’après cette note,
l’état de situation de la banque :
Au 30 septembre, il restait dans les caisses de l’Etat
une somme de 10 millions
Mais la banque, comme banque et non comme caissier
général, avait à ce qu’il paraît, fait des avances au roi Guillaume, et elle
prétend garder ces millions pour se couvrir de ces avances.
Mais il reste à savoir si ces avances ont été faites,
si la banque a pu faire ces avances, et enfin si cela peut influer sur le droit
qu’elle prétend avoir retenir ces dix millions.
En outre, la banque doit une autre somme à l’Etat,
c’est celle qui résulte de l’annuité de 500,000 florins qu’elle était obligée
de payer à la liste civile conformément à l’article 112 de ses statuts.
De plus elle devait à la caisse du syndicat
d’amortissement, aux termes du même article, une somme de 50,000 florins qui
s’accroissait d’année en année.
D’après cela le compte est
facile à faire, et il en résulte que la banque doit 2 millions 550 mille
florins comme je l’avais établi avant-hier d’après une note qu’on m’avait aussi
procurée.
Messieurs, je n’entends pas dire que la banque,
d’après ses statuts et ses contrats, n’ait de légitimes moyens de défense. Mais
au moins, dans la position où la question se présente, il semble que le trésor
est en droit de réclamer ces deux millions 550 mille florins, Sous ce rapport,
j’appuierai la demande qu’a faite M. Dumortier, ou l’amendement qu’il proposera
d’insérer dans la loi des comptes à rendre.
Quant à la question de savoir si nous adopterons le
budget qu’on nous a présenté ou bien des crédits provisoires, ainsi que cela se
pratique dans les chambres françaises, je voterai pour l’amendement de M.
d’Elhoungne, parce que cela est nécessaire dans la position où nous avons été
placés.
M. Coghen.
- Messieurs, je connais toute la difficulté de tenir exactement note de ce qui
se dit dans nos séances, Toutefois je réclamerai qu’on veuille bien y donner toute
l’attention possible, parce que bien souvent les discours des orateurs sont
mutilés : on leur prête des pensées qu’ils n’ont pas, et des phrases entières
sont supprimées.
L’honorable M. Osy a porté hier la parole et a fort
bien compris l’état de situation que j’ai donné à la chambre ; il en a très
bien reconnu l’exactitude et l’a distingué de ce qu’on appelle l’état du
trésor.
L’honorable M. Meeus, qui a aussi présenté des
chiffres, a confondu l’un avec l’autre ; mais par ses chiffres mêmes il a
reconnu la vérité de ce que j’avais posé.
Quant à l’état du trésor, messieurs, il ne
m’appartient pas d’en parler. Il y a un ministre des finances ici présent, et
j’empiéterais sur ses droits si je le faisais, et je crois devoir m’abstenir. Ce
ministre a donné à la chambre des assurances tranquillisantes : quant à moi je
me réunirai aux membres qui désirent qu’on propose une loi pour la création de
bons du trésor, je l’appuierai de toutes mes forces. L’existence de ces bons
facilitera singulièrement le passage d’un exercice à l’autre. Je désire aussi
qu’on puisse pourvoir aux besoins extraordinaires de 1833. Ces besoins seront
probablement de 47 millions de francs ; mais cette somme ne sera pas
entièrement nécessaire, parce que les 17 millions dus à la Hollande ne sont
payables qu’à la paix, de même que les 18 millions, qui ne sont également
payables qu’à la paix. Pour les 30 millions restant, quoi que ce soit une
dépense encore éventuelle, encore incertaine, et qui n’aura lieu que si nous restons
sur le pied de l’armement forcé, je crois prudent de pourvoir à quelques moyens
pour assurer le service au moins pendant six mois. Ce service extraordinaire
exigera à peu près 2 millions 500 mille fr. par mois, et il est prudent
d’aviser aux mesures nécessaires à cet égard.
Quant à l’amendement de M.
d’Elhoungne, je me suis prononcé contre dans la séance d’avant-hier. Tout
opposé que je suis à cet amendement, je déclare que je suis prêt à concourir à
la formation d’une nouvelle loi financière, et je désire que la chambre ne
demande pas à se séparer avant la discussion d’une loi nouvelle et avant
d’avoir doté le pays d’un système financier moins arbitraire, moins injuste
dans quelques bases que celui d’aujourd’hui.
On a renouvelé les observations qu’on avait faites
relativement aux comptes de 1830 et 1831. J’ai déjà répondu souvent que mon
mandat avait cessé le 20 octobre, et que j’avais signé ces comptes avant son
expiration. Le retard de leur distribution est indépendant de ma volonté comme
de celle de mon successeur.
M. Meeus. - Je dois
l’avouer, messieurs, mon éducation financière est très bornée, car je ne
comprends pas ce que sont des finances sans trésor et ce qu’est un trésor sans
finances. Mais laissons cela de côté et venons à ce qu’ont allégué l’honorable
M. Dumortier et l’honorable M. Jullien.
Il me semble que dans une séance précédente j’avais
dit tout ce qu’il était possible de dire : j’avais réclamé que le gouvernement
ou la chambre demandât à la banque le véritable état des choses. Je vous ai dit
que depuis environ un mois j’étais étonné des criailleries, du bruit confus qui
s’élevait contre la banque. On ne veut plus que la banque soit le caissier de
l’Etat ; j’ai dit que la banque ne resterait caissière qu’autant que cela
serait utile au pays, agréable au gouvernement. D’après ce que j’ai entendu
depuis plusieurs jours, je vois qu’il serait prudent, à la banque, de ne
recourir à être le caissier de l’Etat qu’autant que le législateur l’aura
voulu, car la banque ne doit pas rester dans une position incertaine vis-à-vis
un ministre qui ne comprend pas son institution, sa mission ; vis-à-vis d’un
ministre qui oublie les convenances jusqu’au point de ne pas répondre aux
questions qui lui sont faites par elle, alors que l’existence de 120 personnes
attachées à la caisse dépend d’un oui ou d’un non.
Si la moitié de ce qu’en dit M. Dumortier est vrai, si
la moitié de ce qu’en dit M. Jullien est vrai, vous n’avez rien de mieux à
faire que de mettre en accusation les ministres des finances qui se sont
succédé ; car au lieu d’emprunter à l’étranger, ils auraient dû faire rentrer
les fonds qui appartiennent à l’Etat. La banque ne demande pas mieux que de
montrer la véritable situation des choses. Si elle a accepté les fonctions de
caissier, c’était pour le gouvernement d’alors ; elle n’agissait que par suite
des ordres qu’elle recevait du ministre des finances. Si par suite de ces
fonctions il y a compensation ou non, c’est une question à vider devant qui de
droit. Un simple aperçu suffirait pour vous en faire comprendre la situation de
la banque, constituée caissier par un ministre ou un caissier de l’Etat par la
législature.
On a parlé du roi Guillaume, des biens cédés à la
banque ; les statuts de la banque sont là ; si quelqu’un de cette assemblée
désire les avoir, je les lui donnerai ; et bien certainement, en les étudiant,
il verra quelle est la position de la banque vis-à-vis du roi Guillaume,
vis-à-vis du syndicat d’amortissement et vis-à-vis du gouvernement.
On a dit que la banque avait 500,000 florins de
revenus de la liste civile et un intérêt de 50,000 florins s’accroissant
d’année en année, appartenant au syndicat, et l’on a demandé pourquoi ces
sommes ne sont pas versées au trésor. On a dit : le roi Guillaume a des actions
qui produisent des intérêts ; il fallait ajouter ; et qui obtiennent des
dividendes.
Je réponds, relativement au syndicat, qu’il sera
démontré clairement que la banque ne peut payer ; relativement à ce qu’elle
doit au roi Guillaume pour les 500,000 florins, que c’est à la liste civile
qu’elle doit ; c’est, du moins, l’avis des avocats les plus célèbres du pays.
N’oublions pas surtout que nous nous trouvons en face de transactions que nous
avons faites avec le même roi Guillaume ; et, quant à moi, je crois bien
certainement qu’en droit et en bonne justice, si les sommes lui appartiennent
personnellement, on peut mettre la main dessus. Mais toutes ces questions très
délicates ne doivent être tranchées qu’avec beaucoup de ménagements, parce que
la banque n’est pas une institution de peu d’importance dans un pays comme le
nôtre.
Messieurs, puisqu’on a mal parlé de la banque, qu’il
me soit permis de réclamer un peu d’attention, pour vous exposer ce qu’elle a
fait depuis la révolution.
Quand le gouvernement, en 1831, ne savait comment
occuper les bras, elle n’a pas craint d’ouvrir une route à travers la forêt de
Soignes ; elle a dépense sept à huit cent mille francs. Voilà comment elle
emploie son argent.
Ceux qui sont à la tête de la banque ne regardent que
l’institution, que les statuts de l’institution, qui leur prescrivent
d’employer l’argent dans l’intérêt des particuliers, dans l’intérêt du pays,
dans l’intérêt de tous.
Alors que le gouvernement n’avait pas de crédit, et
qu’il voulut contracter l’emprunt de 12 millions, emprunt qui se proposait à 40
p. c. ; alors qu’il était facile d’accaparer tous les 12 millions, ce qui lui a
été proposé ; eh bien, après y avoir réfléchi, nous avons trouvé indigne de la
banque de spéculer sur la misère publique. Les procès-verbaux de la banque et
la direction sont là pour constater les faits ; et la banque a déclaré qu’elle
prendrait les bons de l’emprunt. Jusqu’à ce moment-là elle n’avait pas eu une
seule obligation.
Elle fonda le crédit, et c’est à cette époque que MM
C. de Brouckere et Osy allèrent à Calais pour faire l’emprunt Rothschild.
Voilà, messieurs, comme la banque a travaillé dans l’intérêt du pays.
Dans le second emprunt où la banque a eu un tiers,
qu’a-t-elle fait ? J’en appelle à M. Coghen : la banque, travaillant contre
elle-même, a forcé M. Rothschild à donner le plus haut cours, parce qu’il
craignait sa concurrence.
On
a parlé des bons du trésor. Connaissant depuis longtemps que le ministère
marchait dans une fausse voie, à plusieurs reprises on lui fit savoir que la
banque ne demanderait pas mieux que d’aider le gouvernement ; que la banque
serait toujours heureuse de contribuer à soutenir le crédit public ; on
m’écouta assez pour me donner mission ; comme gouverneur de la banque, je me
rendis à Paris, et j’y venais d’y conclure une opération pleine d’avenir,
opération que l’on vous présentera sous d’autres couleurs sans doute : elle n’a
pas été faite, parce ce motif que c’était donner de la considération à la
banque au moment où on voulait lui enlever le service de caissier de l’Etat.
Si le ministère avait fait la moindre proposition,
elle aurait agi dans l’intérêt du pays. C’est qu’elle a fait dans cette
occasion comme dans d’autres, c’est qu’elle y a été forcée. Eh bien ! la banque
est prête à mettre à la disposition de l’Etat des bénéfices qu’elle a pu faire.
Voilà quelle est sa conduite, et vous avez dû m’entendre un moment pour
repousser les calomnies dont elle est l’objet.
M. Verdussen
ramène l’attention de l’assemblée sur la question en délibération, et rappelle
tous les arguments produits par M. le ministre des finances. Une légère
excitation qui règne en ce moment dans l’assemblée ne nous permet pas de suivre
l’honorable membre dans le développement des considérations qu’il présente à
l’appui du système du gouvernement.
M. Gendebien.
- Ce que vient de dire M. Verdussen n’est que la répétition des observations
que nous avait déjà présentées M. le ministre des finances, et je crois que
c’est une erreur qu’on propage. L’honorable membre vient de dire que
l’amendement de M. d’Elhoungne aura pour effet de diminuer plutôt que
d’augmenter l’impôt pendant le temps fixé par la législature. Mais c’est là une
erreur grave, et le contraire peut être soutenu avec avantage. En effet, la
certitude qui va résulter pour les contribuables de la discussion actuelle,
c’est que nos impôts seront nécessairement augmentés. Eh bien, les
distillateurs distilleront d’autant plus qu’ils vont avoir à craindre des
contributions supérieures après 4 ou 6 mois. Les raffineurs de sel et les
négociations chercheront à raffiner et à expédier d’autant plus qu’ils
s’attendront à de nouvelles charges. Il en sera de même pour tous les objets à
négocier sur lesquels frappera l’impôt, de sorte qu’il est évident qu’on doit
espérer une augmentation plutôt qu’une diminution.
Messieurs, je ne prétends pas rentrer dans la
discussion qui a été très longue, mais je désire cependant expliquer les
intentions de l’honorable auteur de l’amendement et les miennes.
Un des précédents orateurs vous a dit que c’était
surtout à améliorer et à forcer le ministère d’améliorer qu’il faut nous
appliquer. Eh bien ! c’est uniquement dans cette vue que je soutiens
l’amendement de M. d’Elhoungne. L’année dernière j’ai proposé un amendement
semblable, et j’ai demandé qu’on n’accordât au gouvernement qu’une perception
de 6 mois en disant : « Si nous laissons au ministre la possibilité de se
traîner toujours dans la même ornière, il s’endormira encore dans une douce quiétude
aussitôt que vous aurez voté le budget. »
Et je devinais juste.
Et remarquez une chose, messieurs, c’est que,
précisément après le vote des voies et moyens, on n’a plus convoqué la
commission des finances. Eh bien, avec de pareils antécédents pouvez-vous
encore avoir foi dans les promesses que vous font les ministres ? Pour moi,
cela m’est impossible. Je veux bien consentir à leur accorder ma confiance,
mais je n’irai jamais jusqu’à la duperie. Je consens, si l’on veut, à être
encore dupe pendant six mois ; mais pour aller au-delà, je n’y puis consentir.
On vous a dit que, si après avoir voté le budget des
voies et moyens, on votait une augmentation d’impôts, ce serait donner à la loi
un effet rétroactif. Mais si cela était vrai, il en serait ainsi de toutes les
lois desquelles résulterait une augmentation d’impôts. Mais, si aujourd’hui
vous votez les voies et moyens pour six mois et que pendant cet espace de temps
vous fassiez une loi qui augmente les charges des contribuables, ces charges ne
seront que pour les mois subséquents et nullement pour les mois antérieurs.
Ainsi, si aujourd’hui vous ordonnez qu’on paiera dix, par exemple pendant les
six premiers mois de l’année, rien ne pourra vous empêcher de dire que l’on
paiera 12 ou 15 pour les six derniers mois. Il y aurait rétroactivité dans la
loi que vous rendrez, si vous disiez que son effet remontera aux premiers jours
de l’exercice 1833 ; mais rien ne vous y oblige. Ainsi disparaît ce mot magique
de rétroactivité, dont on veut vous effrayer.
On vous a cité l’exemple de ce que vient de faire le
ministère français. M. Human, qui, certes n’est pas suspect, ni par sa
position, ni par ses connaissances en matière de finances, a trouvé qu’il n’y
avait inconvénient à proposer comme ministre ce que l’honorable M. d’Elhoungne
vous propose comme député. Certes, une autorité comme celle-là doit, vous
rassurer, et vous prouver que les inconvénients dont on vous parle n’existent
pas. Je remarque d’ailleurs qu’on nous a parlé souvent de ces inconvénients et
qu’on ne s’est pas donné la peine de vous les énumérer. Qu’on les montre donc
ces inconvénients, nous verrons s’ils sont réels. Mais, dit-on, la marche
adoptée par M. Human n’avait pas d’inconvénient pour la France, dont le crédit
est mieux établi que le nôtre. Mais en quoi notre crédit peut-il souffrir,
parce qu’on n’accordera de budget que pour 3 ou 6 mois, quand chacun de nous
ajoute que, par les réformes qui seront adoptées dans l’intervalle, vous
percevrez plus facilement les deniers des contribuables ? En quoi le crédit
peut-il souffrir, parce que vous laisserez aux contribuables la consolation de
voir disparaître prochainement les lois vicieuses qui les grèvent.
Mais, dit-on encore, il faut sortir du provisoire.
Mais le véritable moyen d’y rester, dans le provisoire, c’est d’adopter la loi
qu’on vous propose. Souvenez-vous, messieurs, de ce que vous disaient les
ministres l’an passé. Ils vous disaient que le système de l’impôt était
vicieux, qu’il fallait le réformer au plus tôt, qu’ils en sentaient la nécessité,
mais que pour le moment, et vu les circonstances, c’était chose impossible.
Vous n’avez donc fait que du provisoire l’an dernier ; ce provisoire, on veut
le prolonger encore un an. Pour ma part, je n’y consentirai que pour trois
mois, ou six au plus, pour donner le temps de changer le système ou de
l’améliorer notablement. Si au contraire vous écoutez les ministres, vous
n’aurez, je le crains bien, aucune amélioration pour l’année prochaine.
J’insiste, donc pour que la chambre adopte l’amendement de M. d’Elhoungne ; je
veux, par là, faire sentir aux ministres qu’ils ne sont pas au pouvoir pour se
traîner dans l’ornière des veilles lois, mais qu’ils doivent s’occuper d’en
faire de nouvelles. Je conçois très bien que des hommes qui connaissent mieux le
système hollandais que le système français, dont au reste je ne veux pas me
constituer l’apologiste, je conçois, dis-je, qu’ils ne soient pas fort
partisans des innovations ; mais je le répète, ils ne sont pas au pouvoir pour
ne rien faire : qu’ils travaillent, ils en seront quittes pour se lever une
heure plus tôt et pour rester dans leurs bureaux une heure plus tard.
Pour repousser l’adoption du système français, on vous
a parlé des droits réunis, de l’impôt sur le tabac. Quand on parle du système
de nos voisins, il ne faut pas aller chercher ce qu’il a de plus odieux, et si
chez nous un ministre osait proposer de tels impôts, il serait hué par la
chambre et sans doute aussi par les tribunes. (Quelques murmures.) Je voterai donc pour l’amendement de M. d’Elhoungne,
pour que d’ici à six mois les contribuables puissent jouir des améliorations si
longtemps promises ; que, si dans six mois ces améliorations n’étaient pas
prêtes, nous devons renoncer au rôle de législateurs. (La clôture ! la clôture !)
M. Mary. - Je
demande la parole. (Non ! non ! La
clôture ! la clôture !) Si la chambre est assez éclairée, je ne demande pas
mieux que de renoncer à la parole.
La clôture est réclamée de nouveau ; mise aux voix,
elle est adoptée.
On procède à l’appel nominal sur l’amendement de M.
d’Elhoungne. En voici le résultat : Votants, 76 ; oui, 29 ; non, 47.
L’amendement est rejeté.
Ont voté pour : MM. Coppens, Dautrebande, Meeus, H. de
Brouckere, Speelman-Rooman, Desmaisières, d’Elhoungne, de Robaulx, de Roo,
Desmet, de Renesse, d’Hoffschmidt, Domis, Fallon, Ernst, Gendebien, Levae,
Julien, Lardinois, Osy, A. Rodenbach, Seron, Donny, Thienpont, Tiecken de
Terhove, Verhagen, Watlet, de Meer de Moorsel.
Ont voté contre : MM. Berger, de Bousies, Boucqueau de
Villeraie, Coghen, Cols, Corbisier, Davignon, Dellafaille, F. de Mérode, W. de
Mérode, de Nef, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux,
d’Huart, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys,
Jacques, Lebeau, Van Hoobrouck, J. Vanderbelen, Liedts, Mary, Dubois, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raymaeckers, C.
Rodenbach, Rogier, Ullens, Vandenhove, M. Vanderbelen, Robiano de Borsbeek,
Verdussen, Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - Voici un amendement de M. Donny sur l’article premier : « Les impôts directs et
indirects existants au 31 décembre 1832, en principal et additionnel, tant pour
le fonds de non-valeurs, qu’au profit de l’Etat, des provinces et des communes,
continueront à être recouvrés pendant l’année 1833, d’après les lois qui en
règlent l’assiette et la perception. »
Cet amendement est la reproduction textuelle de
l’article premier, sauf la suppression des derniers mots, et en cela il rentre
dans l’amendement qu’avait d’abord proposé M. de Brouckere.
M. H. de Brouckere. - M. le président est dans l’erreur ; l’amendement
de M. Donny tend au maintien des impôts actuels pendant un an, tandis que je
consentais à toutes les augmentations proposées par le gouvernement, mais
seulement en ne les votant que pour 6 mois.
M. Donny.
- Messieurs, je commencerai d’abord par dire clairement en quoi consiste mon
amendement. Il consiste à remplacer l’article premier, les articles 2 et 3 du projet, par la seule disposition qui
commence l’article premier. Le but de cet amendement est de continuer pour
l’année 1833, d’une manière définitive, la perception des mêmes impôts qui
existent actuellement.
Par le rejet de l’amendement de M. d’Elhoungne, la
chambre vient de décider que la loi des voies et moyens serait définitive. Ce
point décidé, il ne reste plus qu’à examiner cette question-ci, savoir : Si la
loi des finances aura pour but de faire rentrer au trésor 83 millions, montant
du tableau annexé au projet en discussion, ou si elle aura pour but de faire
rentrer une somme moindre. En d’autres termes, si vous décréterez une
augmentation de 7 millions sur les impôts existants, ou non. Cette majoration
n’est, selon moi, ni nécessaire ni urgente. Qu’elle ne soit pas nécessaire,
c’est, je pense, ce qui a été suffisamment démontré par la discussion, au moins
pour les besoins ordinaires. Pour m’expliquer plus clairement, je dirai qu’on
n’a pas démontré que cette majoration fût nécessaire pour faire face aux
besoins ordinaires.
Je dis de plus qu’elle n’est pas urgente, et que dès
lors nous ne devons pas la voter en aveugles, sans avoir sous les yeux les
renseignements nécessaires. Il suffira de peu de mots pour démontrer qu’elle
n’est pas urgente. Le gouvernement nous a présenté un projet de budget des
dépenses qui s’élève à 83 millions.
M. Mary. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre. L’orateur rentre dans la discussion
générale.
Plusieurs voix. -
N’interrompez pas l’orateur.
M. Donny.
- Ces développements sont nécessaires pour faire comprendre le but de mon
amendement. Ce budget de 83 millions renferme certainement des dépenses qui
sont urgentes, mais il y en a qui ne sont pas de cette nature ; par exemple,
les 18 millions de rente que nous devons payer à la Hollande. Or, cette dépense
n’est pas de telle nature que nous devions, sans rien examiner, mettre un
nouvel impôt sur les contribuables, Si l’on déduit ces 18 millions des 83 qu’on
nous demande, et en admettant que tout le reste du budget soit urgent, il ne
restera que 65 millions. Eh bien ! allouons 65 millions ; allouons-en 10 de
plus si vous voulez, cela fera 75, et pour les couvrir il nous suffira de
laisser subsister les impôts excédants, dont le produit s’élève précisément à
cette somme.
Ainsi, puisque le provisoire a été écarté, faisons du
définitif, mais faisons-en sans augmenter les charges des contribuables.
Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire à l’appui de
mon amendement.
M. le président. - Il paraît, d’après ce que vient de dire M. Donny,
que son amendement absorberait le deuxième paragraphe de l’article premier et
les articles 2 et 3 du projet.
M. Mary. - La proposition de M. Donny est tout à fait
insolite.
Si M. Donny ne veut pas d’augmentation dans les
impôts, ce n’est pas ici le lieu de le proposer ; il n’aura qu’à voter contre
le deuxième paragraphe et contre les articles 2 et 3 du projet, qui consacrent
cette augmentation.
Il n’en est pas question dans le premier paragraphe de
l’article premier.
M. H. de Brouckere. - Les développements donnés par M. Donny à son
amendement prouvent que sa pensée et la mienne diffèrent essentiellement.
L’erreur dans laquelle était tombé M. le président venait de ce que M. Donny
n’avait pas expliqué que son amendement tendait à la suppression des articles 2
et 3, et par conséquent au maintien des impôts tels qu’ils existent
actuellement. Or, ce n’est pas là ce que j’avais demandé. J’avais proposé un
moyen de conciliation, c’était de voter l’augmentation demandée par le
gouvernement, mais de ne la voter que pour six mois.
Du reste, ce moyen n’a pas paru être favorablement
accueilli par la chambre ; je ne le formulerai pas en amendement.
M. Gendebien. - Il paraît que c’est bien ici le lieu de discuter
l’amendement de M. Donny. Il suffit de lire l’article premier du projet pour
s’en convaincre. Cet article se termine par ces mots : « sauf les
modifications ci-après, etc. »
Si vous adoptez cet article tel qu’il est rédigé, et
qu’ensuite vous rejetiez les articles 2 et 3, vous rejetez précisément les
modifications ; il n’en existera plus. Vous ne pouvez donc laisser ces mots qui
sont au moins inutiles.
M. d’Elhoungne. - J’avais demandé la parole pour dire ce que le
préopinant vient de dire lui-même. Mais j’ajouterai que l’amendement de M.
Donny devrait être adopté, quand même on ne voudrait pas lui faire atteindre le
but que son auteur s’est proposé. Les mots « sauf les modifications
ci-après » sont inutiles, puisque les modifications suivront si on adopte
les articles 2 et 3.
M. Dumortier.
- Je partage l’opinion de M. Mary. Dans toute question complexe la division est
de droit, et je la demanderai si personne ne la demande.
Le paragraphe premier est absolument distinct du paragraphe
2. (Ce n’est pas la question !) Je
demande le maintien des mots « sauf les modifications ci-après, »
parce qu’il est probable qu’ils seront utiles dans la loi, parce que la
disposition relative aux cheminées sera, je pense, adoptée par la chambre.
M. Gendebien.
- En faisant disparaître ces mots, vous n’empêchez l’adoption d’aucune
modification ; car les articles 2 et 3 de la loi seront là, et auront autant de
force que l’article premier, et s’ils le modifient, il sera modifié sans qu’on
ait besoin de le dire.
Plusieurs voix. - C’est
juste ! On est d’accord !
D’autres voix. - On peut
adopter la suppression sans rien préjuger sur les modifications à adopter.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je consens à la suppression, sans rien préjuger.
- La suppression est mise aux voix et adoptée.
M. le président.
- Voici l’amendement de M. Verdussen, tel qu’il l’a modifié :
« Le principal de la contribution foncière de
1832, réduit de 5 p. c., formera pour la province d’Anvers le principal de la
contribution foncière de 1833. »
M. Verdussen.
- Messieurs, celui qui dans une assemblée nationale plaide la cause de la
justice distributive, traite toujours une question générale du plus haut
intérêt ; car, le premier devoir du législateur, comme le premier droit du
citoyen, est l’équité. Je viens la défendre, messieurs, en développant
l’amendement que j’ai eu l’honneur de soumettre à vos délibérations.
Lorsqu’à la fin de décembre de l’année passée, vous
avez voté la loi des voies et moyens pour l’exercice courant, vous avez
partiellement fait droit à la juste réclamation des provinces des deux
Flandres, contre la répartition inégale de la contribution foncière. Ce retour
à la justice eût été appliqué plus heureusement, si l’on n’avait pas placé sur
la même ligne les griefs de l’une et de l’autre province ; toutefois leurs
droits sont reconnus, et cette reconnaissance a déjà reçu un commencement
d’exécution. La même faveur a été réclamée pour la province d’Anvers, sans que
ce vœu, quelque équitable qu’il fût, ait été accueilli par vous. Un sentiment
de délicatesse, peut-être outrée, m’a empêché alors de joindre ma voix à celle
de mes honorables collègues ; j’aimais à croire que le bon droit suffisait pour
triompher, et il me répugnait de me faire soupçonner d’une prédilection toute
locale, tandis que l’amour de la justice distributive était le seul sentiment
qui m’animât. Mon attente a été déçue, et je me trouve à regret contraint de
reproduire les arguments principaux qui, dans la session précédente, ont obtenu
la majorité réelle de la représentation nationale, lorsqu’on ajoute à la minorité
de cette chambre la presque unanimité de l’autre, où le principe que je défends
n’a rencontré aucun contradicteur.
La base sur laquelle les orateurs ont défendu les
intérêts des Flandres se sont appuyés, est en premier lieu et presque
uniquement le travail du cadastre ; quelque imparfait qu’il soit encore, son
résultat a suffi pour porter le pouvoir législatif à admettre au moins la
reconnaissance de l’existence d’une monstrueuse inégalité dans la répartition
d’une partie des impôts publics. Et si ce principe vous a guidés, messieurs, à
l’égard des deux Flandres, comment pouvez-vous ne pas l’appliquer à la province
d’Anvers, plus lésée encore dans ses intérêts au sujet de la contribution
foncière que la Flandre occidentale ? Pour prouver cette vérité, il suffit de
jeter u coup d’œil sur le tableau dont l’honorable M. Meeus a réclamé dans une
séance précédente la reproduction ; on y verra que la Flandre occidentale est
taxée en principal à raison de f. 9-90 par cent florins de revenu, et la
province d’Anvers à raison de f. 9-93 dont trois cents au-delà de la taxe que
vous avez reconnue injuste. Non content de cette vérité de fait,
mathématiquement établie, un honorable membre de cette assemblée a puisé dans
son expérience la comparaison des taxes sur les immeubles qu’il possède dans le
Brabant et dans la province d’Anvers ; il en résulte qu’il y a surtaxe, au
détriment d’Anvers, dans la proportion de deux à trois, et si nous détournons
nos regards des parties les plus fertiles de notre province pour les porter sur
les terrains où la nature se montre plus avare de ses dons, la disproportion
devient alors exorbitante ; car, comme l’a déjà dit l’honorable membre du
district de Turnhout, on rencontre dans la Campine des terres qui paient
jusqu’à 25 p. c. de leur revenu pour le seul impôt foncier.
C’est ici le moment de répondre à quelques arguments
produits dans la section centrale contre l’admission du dégrèvement pour la
province d’Anvers. M. le rapporteur fait ressortir l’impossibilité de parvenir
à une péréquation exacte, en admettant même un redressement partie de griefs,
et il en conclut que si la chambre accueillait la plainte d’Anvers, elle
remplacerait un arbitraire présumé par un arbitraire certain. Pour qu’un pareil
raisonnement fût admissible, l’honorable orateur aurait dû, avant tout,
s’attacher à détruire des chiffres inflexibles ; il aurait dû vous prouver que
f. 9 93 est une somme moins élevée que
f. 9 90. Quoi, messieurs, lorsqu’il y a douze mois vous avez reconnu qu’il y
avait surtaxe dans ce dernier nombre pour la Flandre occidentale, vous n’avez
fait justice que d’un arbitraire présumé et vous lui avez substitué un
arbitraire certain en accordant une décharge de 5 p. c., qui, à la vérité,
n’était que partielle ! Depuis quand donc n’y a-t-il plus de gradation dans les
erreurs ou dans les vices d’administration ? L’existence d’une moindre
injustice donne-t-elle le droit d’en perpétuer une plus grande ? Est-il
indifférent qu’un citoyen soit surtaxé du double ou du triple ?
On a encore objecté, dans la section centrale, la
baisse du prix du bois dans les provinces du royaume qui en fournissent le
plus, défaveur qui deviendra, dit-on, plus sensible par les 40 nouveaux
centimes additionnels dont la contribution foncière est frappée dans le projet
de loi ; je réponds à cette objection : 1° que la province d’Anvers ne sera pas
plus exempte des 40 centimes additionnels que les autres parties du royaume, et
qu’aussi longtemps que la surtaxe existe pour elle dans le principal du
foncier, les centimes additionnels aggravent encore proportionnellement ce mal
; 2° que la diminution de la valeur du bois est une calamité momentanée et
passagère, tandis que notre surcharge existe depuis 30 ans et ne cessera qu’à
l’achèvement des travaux interminables du cadastre ; 3° que le fléau de la
guerre, qui dès l’aurore de notre révolution a écrasé ma malheureuse patrie, et
une infortune devant laquelle toutes les autres infortunes pâlissent, et, pour
ne point sorti de mon sujet, je dirai par ma propre expérience que, dans la
ville que j’habite, les circonstances ont fait baisser de 15 et jusqu’à 25 p.
c. les loyers de nos propriétés. En présence de tels faits, et lorsque des
milliers de détonations viennent jusque dans cette enceinte vous attester
qu’une armée nombreuse foule et épuise la plus riche partie de notre province,
il est étrange, messieurs, il est plus qu’étrange d’entendre M. le rapporteur
vous dire à cette tribune que ce sol-là souffre moins que celui que couvrent de
paisibles forêts.
J’aurais cru, messieurs, pouvoir passer sous silence
quelques autres passages, à mes yeux très peu importants, du rapport qui vous a
été présenté au nom de la section centrale, si dans la séance de mercredi
dernier M. le rapporteur n’avait trouvé bon de répéter qu’un des motifs du rejet
de notre demande a été qu’elle avait déjà été écartée précédemment ; et puis il
ajoute une petite exhortation pour nous engager à faire abstraction de tout
intérêt provincial pour prêter appui au pays. Sans cette espèce de provocation
nouvelle de l’honorable orateur, j’aurais cru, dis-je, pouvoir me dispenser de
répliquer, quant au premier point, que c’est évidemment résoudre la question
par la question ; qu’aussi longtemps que nous soutenons, et sans doute avec
fondement, que nous avons été lésés par une première décision de la chambre, il
ne s’agit plus de l’invoquer contre nous, mais de la justifier ; et quant à
l’appel que M. le rapporteur veut bien faire à notre désintéressement, je n’y
répondrai, messieurs, que par un appel à votre impartialité, car si la
générosité est une belle qualité, l’équité est un impérieux devoir.
Mais, en effet, on me dira peut-être : si l’équité
réclame si hautement le redressement de la lésion dont vous vous plaignez,
comment n’avez-vous pas obtenu justice quand on l’a faite en 1831 aux provinces
des Flandres ? Je me plais à croire avec un honorable membre de l’autre chambre
que cette contrariété est due en partie à la grande précipitation avec laquelle
nous avons été forcés de voter la loi des voies et moyens de l’exercice courant
; peut-être pouvons-nous en trouver une autre cause dans une erreur de fait
dans laquelle est tombé M. le rapporteur de la section centrale de l’année
passée ; il a cru pouvoir avancer que la surtaxe des provinces des Flandres
était de notoriété publique, tandis que selon lui la province d’Anvers élevait
pour la première fois une semblable prétention. Cette assertion n’a pu se
soutenir dans la discussion publique, où il a été prouvé que déjà à plusieurs
reprises les justes plaintes de la province d’Anvers avaient été portées devant
les états-généraux de l’ancien royaume des Pays-Bas.
D’après les réflexions que j’ai pris la liberté de
vous présenter, messieurs, j’ose me reposer dans votre équitable sollicitude
pour la reconnaissance du droit que je défends ; toutefois, si contre mon
attente vous rejetiez la proposition de l’amendement que mon honorable collègue
M. de Nef et nous avons eu l’honneur de déposer sur le bureau, je conserverai
l’espoir de le voir victorieusement soutenu dans l’autre chambre, où déjà il a
rencontré tant de défenseurs, et où MM. Coghen et de Theux, alors ministres et
aujourd’hui nos honorables collègues, l’ont fortement appuyé, comme organes du
gouvernement.
- Cet amendement est appuyé.
M. Mary. - Je
demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)
Je dois maintenir les conclusions de la section
centrale et je ne ferai qu’une simple observation, c’est qu’on croit que la
province d’Anvers paie 9 96 p. c. de son revenu présumé, et cela d’après un
tableau qui nous a été fourni l’année dernière par M. l’administrateur du
cadastre.
Il s’agirait de savoir avant tout jusqu’à quel droit
ce tableau est exact. On l’a établi d’après ce qui avait été expertisé dans les
provinces. Mais je vois qu’il n’y a qu’un tiers d’expertisé dans la Flandre
occidentale, et la moitié dans la Flandre orientale. Il en est de même dans la
province d’Anvers. Ainsi, cette base est très peu fondée. M. l’administrateur
du cadastre vous l’a dit avec raison dans une séance précédente, ce ne sont que
des aperçus généraux sans légalité, et qui ne peuvent avoir de valeur certaine
que lorsque toutes les provinces seront expertisées.
La section centrale a fait valoir la triste position
de nos forêts. Cette position frappe les yeux de tous les propriétaires
fonciers dans les provinces wallonnes. Là non seulement les produits des bois
se sont affaiblis, mais il n’y a plus aucun produit à proprement parler. Vous
sentez tous le besoin de les alléger.
On parle maintenant de la
situation de la province d’Anvers. Personne plus que nous ne la déplore. Nous
savons qu’elle a été en proie aux inondations. Mais c’est la même chose pour
les deux Flandres dont tout le nord a été également inondé, D’ailleurs, cela
doit être l’objet de mesures spéciales.
On
nous a fait l’année dernière un rapport à cet égard, et le gouvernement a
annoncé que les pertes seraient réparées par une disposition législative. Mais
cela ne doit entrer pour rien dans la question qui vous occupe ; il vous
faudrait savoir si la province d’Anvers est surchargée, et vous n’avez que des
données insuffisantes. Je crois donc devoir persister dans les conclusions de
la section centrale tendantes à ce que, dans une époque où nous sommes obligés
d’augmenter assez fortement l’impôt, ou n’aille pas dégrever une province.
M. Gendebien.
- Je viens appuyer l’amendement de M. Verdussen. Nous aurons bien autre chose à
payer à la province d’Anvers, messieurs. Par suite de l’imprévoyance de
l’administration, l’armée française s’est vue dans la nécessité de ravager
(c’est le mot) de ravager des propriétés de cette province. Nous aurons donc
bien autre chose à lui payer.
M. Rogier.
- L’honorable M. Gendebien vient d’accuser l’administration d’imprévoyance ;
a-t-il entendu parler de l’administration française ou de l’administration
belge ?
M. Gendebien.
- De l’administration belge. De quelle autre parlerais-je donc ?
M. Rogier.
- M. Gendebien vient d’énoncer ici que, par suite de l’imprévoyance de
l’administration belge, toutes les propriétés de la province d’Anvers étaient
ravagées.
Plusieurs voix. - Il n’a
pas dit toutes les propriétés.
M. Gendebien.
- J’ai entendu les propriétés de la partie de la province où se trouve l’armée
française.
M. Rogier.
- Soit, une partie des propriétés de la province d’Anvers. Or, je voudrais bien
que l’honorable membre établît comment ce fait est le résultat de
l’imprévoyance de l’administration ; comment l’administration pouvait empêcher
une armée aussi nombreuse que l’est l’armée française de se procurer les bois
nécessaires, soit pour ses travaux d’attaque et de défense, soit même pour son
chauffage. A cet égard, l’administration a fait tout ce qu’elle pouvait faire.
Elle a cru que l’armée française arriverait pourvue des moyens d’obtenir tout
ce dont elle avait besoin.
Le dégât qui a été fait était inévitable. Mais
l’administration a fait constater tous les dommages déjà faits. Quant à ceux à
commettre, elle a fait tous ses efforts auprès de l’administration française
pour les éviter.
Vous reconnaîtrez, messieurs, que quand de nombreux
bataillons viennent établir leur camp, des batteries et d’immenses travaux dans
un endroit, il est impossible que les propriétés soient respectées. Toutefois
il ne faut pas exagérer les dégâts : il y en a eu certainement ; mais ils ne
sont pas aussi considérables qu’on veut le faire entendre.
M. Gendebien. - J’ai qualifié la conduite de l’administration
belge d’imprévoyance, et je crois même que je pouvais lui appliquer une
épithète plus dure. L’occupation française a été l’objet de négociations assez
longues, et le traité qui a arrêté cette occupation a bien laissé assez de
temps pour faire tous les préparatifs convenables.
Oui, messieurs, on peut traiter plus durement
l’administration, quand on voit une armée qui peut être citée à toute l’Europe
comme un modèle en fait de discipline ; une armée qu’on fait venir en amie,
être obligée de ravager le pays, parce qu’on ne lui donne pas de pain, de
paille ni de bois, pour se chauffer dans un pareil moment ! Je vous demande si
cette armée est composée d’anges, pour ne pas chercher à se procurer le
nécessaire.
Les choses ont été poussées à tel point, qu’à défaut
de paille on a été obligé de prendre dans les granges des gerbes non battues,
et de couper les arbres d’avenues tout entières pour le chauffage, les gabions,
les fascines et autres objets nécessaires au siège. Depuis deux mois, on a eu
tout le temps de faire les préparatifs convenables.
M. F. de Mérode. - Il est entré plus de troupes qu’on n’en avait
annoncé à l’administration belge ; elle n’en peut être responsable.
M. Gendebien.
- L’armée française a retardé son voyage de huit jours.
M. Rogier.
- Le nombre des troupes a toujours été croissant. Les marchés ont été passés
par l’administration française ; les reproches retombent bien plus sur cette
administration que sur l’administration belge, qui n’avait pas à s’occuper des
vivres. (Aux voix ! aux voix !)
- La chambre prononce la clôture de la discussion.
L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix ; une
épreuve par assis et levé est douteuse.
On procède à l’appel nominal.
Il y a 65 votants ; 38 membres répondent oui, 27
répondent non.
L’amendement est adopté.
Deux membres, MM. de Robiano de Borsbeek et
Vanderbelen, s’abstiennent parce qu’ils ne sont pas suffisamment éclairés.
La séance est levée après quatre heures.