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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 juillet
1832
Sommaire
1)
Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative à une demande de paiement d’une fourniture
de viande à l’armée française (Gendebien, A. Rodenbach, Gendebien, Barthélemy, Gendebien)
2)
Motion
d’ordre relative à l’état des négociations diplomatiques et à la clôture de la
session (Osy, de Muelenaere, Gendebien, de Muelenaere, Dumortier, de Muelenaere, Osy)
3)
Projet
de loi fixant les traitements des membres de l’ordre judiciaire. Vote sur
l’ensemble (A. Rodenbach, Dubus,
Rogier)
4)
Proposition
de loi relative aux droits de sortie sur les eaux-de-vie indigènes (Serruys, Coghen, A. Rodenbach, Desmet, Coghen, Mary, Serruys,
Coghen, Duvivier, Desmet, Serruys, Verdussen, A. Rodenbach, Coghen, Duvivier, A. Rodenbach, Liedts, Serruys, Coghen, Mary,
Rogier, Liedts, A. Rodenbach, Lebeau, Coghen, Duvivier, Coghen, Serruys)
5)
Motion
d’ordre relative à la mise en place d’un nouveau système général d’impôts (A. Rodenbach, Coghen)
(Moniteur belge n°201, du 19 juillet 1832)
(Présidence de M. Destouvelles.)
La séance est
ouverte à 1 heure.
M. Dellafaille fait, l’appel nominal. Il donne ensuite lecture du
procès-verbal, lequel est adopté sans réclamation.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts présente l’analyse de plusieurs pétitions entre
lesquelles nous distinguons celle d’un sieur Stas qui réclame le paiement d’une
indemnité pour les pertes que lui ont fait éprouver les Hollandais dans les
journees de septembre 1830, et celle d’un sieur Loiselier de Mons, qui demande
le paiement de sommes qui lui sont dues pour fournitures de viande faites, en
août 1831, à l’armée française.
M. Gendebien. - Messieurs, je désirerais que le rapport sur les pétitions
des sieurs Stas et Loiselier fût fait le plus tôt possible. Le sieur Stas est
une des nombreuses victimes de l’attaque des Hollandais en septembre 1830. Il
avait fait construire une maison et un établissement hors de la porte de
Schaerbeck, pour lesquels il avait été obligé d’emprunter de fortes sommes.
Tout a été pillé et saccagé par les Hollandais ; cependant le malheureux Stas
est obligé de payer l’intérêt des sommes empruntées, et il se trouve en butte
aux poursuites de ses créanciers. Dans cette position il demande aujourd’hui
pour la dixième fois une indemnité qu’il ne peut pas obtenir, et cependant
c’est une dette sacrée que le gouvernement a contractée envers lui, et qu’on
aurait dû avoir payée depuis longtemps. Le sieur Stas n’a pas seulement perdu
sa fortune ; il a aussi perdu sa santé, et son fils avec lui, car l’un et
l’autre ont été horriblement mutilés par les Hollandais. Il me semble que le
gouvernement devrait prendre en considération la position de ces malheureux, et
leur faire payer l’indemnité qu’ils réclament à si juste titre. Je recommande
donc le pétitionnaire à M. le ministre de l’intérieur : s’il n’est pas instruit
de ces faits, qu’il s’en informe, et il verra s’ils ne sont pas de la plus
grande exactitude.
Quant au sieur
Loiselier, c’est une victime d’un autre genre. Il se trouve avoir compromis sa
fortune pour avoir eu trop de confiance dans les paroles de fonctionnaires
publies ; avis à ceux qui seraient tentés d’émettre des votes de confiance. Il
a fourni de la viande à l’armée française sur la sollicitation des membres des
autorités provinciales et d’un ministre d’Etat, qui s’était engagé personnellement le faire payer de ses avances. il a d’abord fait
des fournitures pour 10,000 fr., et il a fourni ensuite de la viande par
adjudication ; depuis un an, il réclame son paiement sans pouvoir l’obtenir, et
il en est de même de tous ceux qui ont fait des fournitures sur des
réquisitions inconstitutionnelles et qu’on n’avait pas le droit de faire. Avis
au peuple pour lui apprendre à s’opposer toujours aux mesures contraires à la
constitution. Le sieur Loiselier a eu la bonhomie de céder aux instances des
autorités provinciales, d’obéir à des réquisitions inconstitutionnelles, et
certes, après cette inconstitutionnalité que le gouvernement aurait dû
s’empresser de couvrir, je ne m’attendais pas à ce qu’on refusât le paiement de
ce que le pétitionnaire a loyalement fourni. Le sieur Loiselier a dû emprunter
de l’argent pour faire face aux fournitures., il en paie l’intérêt, et ne pouvant
obtenir son paiement lui-même, il se trouve dans le plus grand embarras. Je
demande donc qu’il soit payé au plus vite, et que M. le ministre de l'intérieur
fasse cesser les effets de l’acte inconstitutionnel dont il est victime. Le
rapport de ces deux pétitions est fort urgent ; les faits que je viens
d’exposer vous l’auront suffisamment prouvé : je demande donc que la commission
s’en occupe sans délai.
M. A. Rodenbach. - Je suis à même de donner à l’honorable M. Gendebien
quelques explications, qui, j’espère, le satisferont. Il y a environ trois
semaines que M. Servas, de Bruxelles, vint chez moi, et me dit qu’il avait
vendu pour 80,000 fr. de bétail à l’armée française, dont il n’était pas encore
payé. Je m’informai du fait auprès de M. le ministre de la guerre. Messieurs,
les personnes qui ont fait des fournitures sont des Belges, ils méritent notre
protection ; M le ministre me répondit qu’il avait demandé des renseignements
sur la dette de l’armée française en Belgique, qu’il pensait qu’elle s’élevait
à 300,000 fr. environ, et qu’aussitôt qu’il aurait reçu tous les documents, il
se proposait de demander un crédit à la chambre pour le payer. Ainsi M.
Gendebien peut être tranquille pour le sieur Loiselier, puisque le gouvernement
est dans l’intention de payer.
M. Gendebien. - L’intention est une bonne chose quand on a le temps
d’attendre, mais le sieur Loiselier ne se trouve pas dans la même position que
le sieur de Stas. Le sieur Loiselier aussi est Belge, quoique ici la qualité ne
fasse rien puisqu’il s’agit d’une créance ; il a traité avec les autorités
belges, et il n’est pas obligé d’attendre la liquidation de la dette de l’armée
française. Il faut donc que le gouvernement le paie s’il ne veut pas être
déclaré débiteur de mauvaise foi.
M. le président. - Ces pétitions seront renvoyées à la commission, et
je ferai remarquer qu’il y a urgence pour l’une d’elles, celle du sieur Stas ;
car elle est accompagnée d’un placard d’expropriation.
M. Gendebien. - C’est très vrai. Ce malheureux se voit au moment de
perdre par les poursuites de ses créanciers le peu de fortune qui lui reste.
M. Poschet. - Il faut fixer un jour pour faire le rapport
M. Barthélemy. - Renvoyons-les d’ores et déjà à M. le ministre de
l’intérieur.
M. Dumortier.
- La commission pourrait s’assembler et faire son rapport demain.
M. Lefebvre. - Il n’y a plus de commission de pétitions puisque
les sections n’ont pas été renouvelées.
Plusieurs voix. - Qu’on les renvoie à l’ancienne commission.
M. Barthélemy. - Je propose
de tenir pour rapport ce qui vient d’être dit et de renvoyer les pétitions dès
aujourd’hui à M. le ministre de l'intérieur. Nous savons tout ce que nous
pouvons savoir pour ordonner ce renvoi, et il est inutile qu’on vienne demain
ou après-demain, ou je ne sais quand, nous faire un rapport qui ne nous
apprendra rien de plus que ce que vous venez
d’entendre. Je propose le renvoi au ministre de l’intérieur. (Appuyé ! appuyé !)
M. Gendebien. - Avec demande d’explication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Il n’y a qu’une pétition qui puisse être renvoyée à M. le ministre de
l'intérieur ; l’autre, celle du sieur Loiselier, tombe sous les attributions du
ministre de la guerre.
M. Gendebien. - Celle du sieur Loiselier regarde aussi le ministre
de l’intérieur qui du reste n’a jamais décliné sa juridiction et qui a leurré
depuis plusieurs mois le pétitionnaire de belles promesses.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Il s’agit de prestations de guerre.
M. Gendebien. - Le sieur Loiselier a traité avec des autorités belges
qui ont par conséquent contracté l’obligation de le payer. C’est M. le ministre
de l'intérieur qui a le dossier, et qui a leurré jusqu’à ce jour le malheureux
fournisseur ; c’est donc à lui que doit être renvoyée la pétition. Du reste il
serait peut-être mieux de la renvoyer à tous les deux.
M. le président met aux voix le renvoi de la pétition du sieur Stas à M. le ministre de
l'intérieur et le renvoi de celle du sieur Loiselier au même ministre et à M.
le ministre de la guerre.
- Ce double renvoi
est ordonné.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’ETAT DES
NEGOCIATIONS DIPLOMATIQUES
M. Osy. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Osy. - Messieurs, comme il paraît que le gouvernement a
l’intention de clôturer demain la session de 1831, je crois qu’avant notre
ajournement, nous devons demander à M. le ministre des affaires étrangères s’il
est vrai que la conférence vient de proposer à la Hollande quatre articles
additionnels au traité du 15 novembre. D’après la note de M. Goblet de juillet,
nous avons tous dû y voir avec douleur que le traité n’était déjà pas
irrévocable ; et si effectivement depuis, la conférence a, nonobstant toutes
nos protestations et énergie, passé outre et fait de nouvelles propositions, il
paraît que le gouvernement doit les connaître, et M. Goblet, qui en aura
certainement été instruit, en aura donne connaissance au gouvernement, et aura
également protesté contre tout changement au traité imposé.
Nous manquerions
gravement aux intérêts de la nation, qui nous sont confiés, de nous séparer
sans que le gouvernement nous déclare, formellement et publiquement, où en sont
nos affaires depuis les nouvelles décisions de la conférence ; car nous sommes
à la veille du 20 juillet, et vous sentez les inquiétudes dans lesquelles
serait la nation, si nous retournions chez nous sans pouvoir la rassurer sur
son avenir, et dans l’incertitude qu’une fois la session close jusqu’au mois de
novembre, le gouvernement pourrait nous traîner dans ce malheureux statu quo ;
et cette situation incertaine sera toujours funeste à la ville qui m’a envoyé ici.
Ignorant si l’on peut continuer tranquillement ses affaires, ou s’il faut
mettre ses propriétés à l’abri de tout événement, il est impossible que nous
retournions chez nous sans pouvoir calmer ou dire l’exacte situation de nos
affaires à nos commettants, et si le gouvernement veut nous laisser dans
l’incertitude, je proteste d’avance pour ma part contre ce silence, et au moins
nous pourrons dire : Nous avons fait notre devoir pour vous tirer de cette
cruelle incertitude mais le gouvernement veut vous y tenir, et tous nos efforts
ont été vains pour vous instruire, soit pour vous rassurer ou vous tenir
avertis sur ce que vous avez à craindre.
Les décisions de
la diète germanique, que vous aurez tous méditées, auront désabusé les plus
crédules que les cinq puissances ne peuvent pas être d’accord : car c’est le
manifeste le plus formel contre les révolutions française et belge ; et comment
pouvez-vous encore croire que le roi d’Angleterre permettra de forcer la
Hollande d’accepter le traité du 15 novembre, lorsque, comme roi le Hanovre, il
a adhéré sans restrictions aux décisions de la diète ? Si l’Angleterre faisait
un acte hostile contre la Hollande, elle déclarerait pour ainsi dire la guerre
au Hanovre ; car, comme membre de la confédération, le Hanovre doit permettre
que la Prusse et l’Autriche puissent intervenir dans le Luxembourg au nom du
grand-duc, et pouvez-vous supposer que le roi d’Angleterre force en même temps
la Hollande, et nous arrache le Luxembourg ?
La situation de
l’Europe est maintenant, même pour les personnes les plus crédules, nettement
dessinée. Si la France ne s’oppose pas aux décisions de la confédération, nous
devons prévoir que la Belgique ne peut pas exister, et il me paraît que notre
gouvernement doit savoir maintenant l’opinion de la France, si elle nous
soutiendra, ou nous abandonnera, comme cela paraît bien le cas, car elle ne
doit pas ignorer depuis longtemps les intentions des puissances. Pour ma part,
j’ai été éclairé depuis l’arrivée des 24 articles, et le gouvernement français
ne peut pas être resté impassible pour avoir une explication des autres membres
de la conférence, et notre gouvernement doit en être instruit.
Les journaux de
Bruxelles et de Paris nous parlent beaucoup du prochain mariage de S. M. ; je
fais comme vous tous, messieurs, des vœux qu’il puisse se faire tranquillement,
mais ce sont justement ces bruits qui nous jettent dans les plus grandes
incertitudes. Car, d’un côté, on nous parle que le 20 ou 31 juillet, le
gouvernement prendra une décision, et d’un autre, que S. M. se rendra le 7 août
en France pour chercher notre future reine. Il m’est impossible de concilier
ces deux grands événements, et vous sentez que dans les provinces où on est
encore moins au fait des événements que ceux qui sont dans la capitale, ils
doivent encore plus que nous être dans l’impossibilité de fixer une opinion
exacte sur notre espoir ou nos craintes ; j’adjure donc le ministre de ne pas
permettre notre séparation sans pouvoir rassurer nos commettants.
Soyez sûrs, messieurs, que mes interpellations ne sont pas par vaine
curiosité ; mais, comme député de la ville d’Anvers, je ne crois pas que mes
interpellations sont intempestives : car comment répondre aux diverses demandes
que tous les habitants sont en droit de me faire comme leur représentant ? Et
je n’oserais pas retourner auprès de mes concitoyens, si je quittais cette
assemblée sans avoir fait tous mes efforts pour être à même de leur donner des
explications exactes sur notre avenir.
Si maintenant M.
le ministre des affaires étrangères nous assure qu’il n’a encore rien reçu, je
crois que, d’après ce que je viens de dire, nous devons engager le gouvernement
de ne pas clôturer la session avant de pouvoir nous fixer sur notre avenir, et
qu’il ait reçu des avis officiels des décisions de la conférence sur les
propositions de la Hollande.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Messieurs, si j’avais eu connaissance soit officiellement soit officieusement
des propositions faites par la conférence à la Hollande, je me serais fait un
devoir de les communiquer à la chambre avant la clôture de la session. Mais non
seulement je n’en ai pas connaissance, non seulement M. Goblet, notre
plénipotentiaire à Londres, n’a pas été à même de protester contre ces
propositions, mais il ne les connaît même pas, ou du moins ne les
connaissait-il pas à la date de ses dernières lettres qui sont, je crois, du 14
ou du 15 de ce mois. A cette époque aucune communication ne lui avait été faite
; la conférence s’occupait, il est vrai, de nos affaires ; mais elle ne lui
avait rien fait communiquer.
M. Osy. - Le ministre n’a pas répondu à ma dernière demande
qui consistait en ce que, la conférence étant au moins sur le point de prendre
une résolution sur nos affaires, il était nécessaire de nous dire si dans cette
position le gouvernement se proposait de clore la session. M. le ministre doit
me répondre sur ce point, et j’émets le vœu que la clôture de la session n’ait
pas lieu avant l’arrivée de la décision.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Le droit de clore la session est un droit
constitutionnel du Roi ; il peut, en vertu de ce droit, clore la session quand bon
lui semble. S’il le fait prochainement, c’est qu’il croira pouvoir se passer de
l’appui des chambres ; mais, si dans l’intervalle le gouvernement avait besoin
de cet appui, il connaît assez le dévouement des membres de la représentation
nationale pour croire qu’ils s’empresseraient de répondre à son premier appel.
M. Gendebien. - C’est un droit constitutionnel de clore la session
des chambres ; il n’était pas nécessaire de nous le rappeler. Une question
explicite, positive, était faite ; il fallait y répondre. On demande si le
gouvernement fera usage de son droit constitutionnel, que personne ne veut lui
contester : on répond à cela que si le gouvernement croit avoir besoin de
l’appui de la chambre, il la convoquera. C’est bien la peine de clore la
session le 17 ou le 18 lorsque le 20 est fixé pour le grand événement tant
vanté et attendu depuis 18 mois ! Est-il bien conséquent de clore la session
tout en disant que, si on a besoin des chambre, on les convoquera ? Mais il est
bien facile de voir que l’on a besoin de la chambre. Qu’est le gouvernement
sans la chambre ? Que peut-il faire au-dehors et à l’intérieur sans la chambre
? Si la chambre n’avait pas donné un peu d’énergie au gouvernement, que
serait-il arrivé ? Il serait arrivé ce que l’on verra peut-être dans quelques
jours, si l’on nous sépare. La chambre est toute puissante pour le bien,
impuissante pour le mal : si elle voulait mal faire, elle serait anéantie par
un seul de ses actes.
La chambre
jusqu’ici ne s’est que trop montrée disposée à faire le bien ; il doit y avoir
une arrière-pensée dans le langage ministériel ; le ministre est trop bon
logicien, a trop de bon sens pour ne pas sentir que sa réponse est évasive. La
date du 20 juillet est fixée comme terme de toutes les négociations ; eh bien !
je crois qu’il est inutile de clore la session en présence de pareil événement.
Je le répète, il y a là une arrière-pensée. Dans la session prochaine on vous
dira : C’est un fait consommé, et, en vertu de tel article de la constitution,
nous vous en donnons communication. Ce sera en effet un acte consommé sur
lequel beaucoup de membres croiront qu’il est inutile de revenir. Ainsi se
terminera notre belle et grande révolution ; elle est mourante, et elle
expirera dans peu de jours d’ici ; et, pour la stranguler, on vous renvoie chez
vous.
La question de M.
Osy est plus importante qu’on ne pense. La conférence n’a fait autre chose que
de dire, relativement aux notes de M. Goblet, qu’elle adresserait au roi de
Hollande des insinuations pour laisser libre la navigation de l’Escaut et de la
Meuse : c’était là une simple réponse, corrélative à la demande de l’évacuation
du territoire ; mais la conférence ne s’est pas engagée à faire évacuer le
territoire. Si des expressions de la conférence on rapproche la note de M.
Goblet, on verra que la conférence a dévié de sa première voie. Elle n’avait
donc pris aucun engagement dans sa note du 11 juin ; elle interposait ses bons
offices près du roi Guillaume ; elle ne se considérait pas comme liée. C’est ce
dont notre ambassadeur s’est plaint par la note du 7 juin.
Il est certain que
lord Adair a reçu, si nous sommes bien informés, le dernier traité, et qu’il
l’a communiqué officieusement au ministre des affaires étrangères. (Dénégations au banc des ministres.)
Mais lord Adair a
reçu le dernier traité ; si le fait n’est pas exact, il est au moins très
vraisemblable qu’un traité existe et qu’il a été envoyé à sir Adair. Il est
impossible de douter ou que le traité est fait, ou qu’il sera fait incessamment,
et qu’il sera fait sur le désastreux traité de novembre.
La conférence s’occupe de nos affaires. Attendons quelques jours,
attendons 24 heures pour connaître le résultat des travaux de la conférence :
que peut faire à l’Etat que quelques membres de la chambre restent encore
pendant quelques jours ? Leur absence procurera peut-être une économie de
quatre ou cinq mille florins ; mais je crois qu’ils seront payés jusqu’à la fin
du mois ; on peut donc les laisser 7 ou 8 jours de plus, puisqu’il n’y aura pas
d’économie à les renvoyer : vous n’avez pas même le mot magique d’économies à
invoquer. L’Etat n’y perdra rien, il pourra au contraire y gagner beaucoup.
Je demande
formellement que le ministère déclare si le gouvernement a envie de clore la
session.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois devoir relever un fait inexact avancé par
le préopinant : il prétend que l’ambassadeur britannique, sir Robert Adair, a
reçu des notes de la conférence et qu’il me les a communiquées ; ce fait est
inexact : M. Adair ne m’a fait aucune communication depuis plus de dix jours.
Je ne sais pas si sir Robert Adair a reçu ou non des notes ; ceux qui
l’affirment sont mieux informés que moi ; je déclare formellement que je n’ai
rien reçu ni d’une manière officielle ni d’une manière officieuse. C’est un
fait qu’on peut vérifier ;
M. Dumortier.
- Messieurs, j’ai entendu avec peine, je dirai même avec douleur, M. le
ministre des affaires étrangères parler de clôturer la session au moment où nos
affaires sont sur le point de recevoir une conclusion. Vous savez quelle était
la marche du gouvernement avant la séance du 10 mai, et vous savez combien elle
a été différente depuis, et vous ne doutez pas que l’adresse de la chambre au
Roi n’y soit entrée pour beaucoup. Si donc la session vient à être close au
moment du dénouement, il est fort à craindre que le gouvernement ne rentre dans
la voie des négociations qui a été si funeste au pays. Vous avez dû remarquer
que, dans la note du 7 juillet, M le général Goblet, notre plénipotentiaire à
Londres, dit :
« Le
soussigné, plénipotentiaire de S. M. le roi des Belges, a eu occasion de
remarquer, dans la discussion qui s'est élevée hier au sein de la conférence,
que non seulement le but de la mission est changé auprès d’elle, mais que la
conférence elle-même s'est déjà sensiblement éloignée de la marche tracée par
ses actes antérieurs. C'est avec le plus vif regret, que le soussigné a vu la
tendance nouvelle que l'on paraît vouloir faire prendre à la négociation,
etc. » Vous le voyez, messieurs, c’est avec le plus vif regret que notre
plénipotentiaire voit la marche nouvelle qu’on veut faire prendre à la négociation.
Vous avez tous compris comme moi, à la lecture de la note, que cette expression
en disait plus que tout ce que le ministre des affaires étrangères venait nous
dire. Et c’est dans le moment où la conférence va donner une marche nouvelle
aux négociations, pour river nos fers, qu’on voudrait nous renvoyer chez nous,
sans nous mettre à même de pouvoir porter à nos concitoyens des paroles
rassurantes ! Cas, il faut le dire, si toujours en comité secret on a tenu un
langage énergique, il semble qu’on ait craint d’en faire autant en séance
publique, parce qu’on peut désavouer le langage tenu en comité secret, et qu’on
ne pourrait le faire pour des paroles prononcées publiquement.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je demande la parole.
M. Dumortier.
- M. le ministre nous a dit que M. l’ambassadeur d’Angleterre et M. Goblet ne
lui avaient rien communiqué ; nous savons cependant qu’en ce moment la
conférence s’occupe de nous, qu’on protocolise de nouveau à Londres ; il faut
donc que le gouvernement soit fort mal servi par son ambassadeur, puisque
celui-ci ne peut se procurer des protocoles qui se fabriquent sous ses yeux.
Oui, de deux choses l’une : ou notre ambassadeur à Londres sert mal le
gouvernement, ou M. le ministre des affaires étrangères nous cachent des
pièces, parce qu’il ne pourrait nous les communiquer sans les accompagner de
quelques explications, et que ces explications le lieraient vis-à-vis de la
chambre. Je regrette vivement, quand nous touchons au 20 juillet, quand nous
allons voir recommencer les hostilités, de voir qu’on nous renvoie. Il serait
bien à désirer cependant que nous pussions nous servir des armes que nous avons
dans les mains.
Au reste, je l’ai dit et je le répète, les 24 articles sont ou ils ne
sont pas un traité ; s’ils sont un traité, que le roi de Hollande y adhère, et
s’il n’y adhère pas, il ne s’agit plus de négocier, mais de dire à la
conférence : Le traité constitue un contrat synallagmatique ; il n’est pas
exécuté par une partie, nous sommes dispensés de l’exécuter de notre côté.
Ainsi nous devons déclarer que nous n’abandonnerons pas nos frères du Limbourg
et du Luxembourg, que nous ne renonçons pas à nos prétentions sur la rive
gauche de l’Escaut, que nous voulons une juste répartition de la dette, et que
nous ne renonçons pas à nos droits sur les colonies que nous avons contribué à
conserver et à défendre. Voilà comment il faudrait s’exprimer et le langage
qu’il faudrait tenir ; et c’est quand les hostilités ont recommencer qu’on nous
renvoie sans savoir ce qui se trame à la conférence !... On a dit que, si on
avait besoin de l’appui des chambres, on nous rappellerait.
Messieurs, je le
déclare, c’est pour la dernière fois peut-être que je parle dans cette
enceinte, mais si le ministre dévie d’une seule ligne du système que lui a
tracé la chambre, dussé-je être le seul de mon avis, dans cette enceinte, je
déposerai contre lui un acte d’accusation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Le rapport que j’ai eu l’honneur de faire en comité central a été livré à
l’impression et doit se trouver entre vos mains. Quoi qu’il en soit, les
engagements contractés en comité secret ne sont pas moins sacrés à mes yeux que
les engagements contractés en public. Ce n’est pas pour les tribunaux que je
parle, c’est pour l’assemblée. Si la conférence nous fait des propositions, ou
elles seront conformes au système du gouvernement, système que vous avez approuvé
vous-mêmes, ou elles seront contraires ; si elles sont conformes, le
gouvernement est en droit de les accepter ; si elles sont contraires, elles
seront renvoyées à la conférence.
Le traité de
novembre ne subira d’autres modifications que de gré à gré ; ces modifications
ne pourront porter que sur certains points et moyennant compensations et après
l’évacuation du territoire ; le gouvernement, sous aucun prétexte, ne déviera
de la ligne qu’il s’est tracée… (Bien !
bien ! Très bien !)
M. Osy. - L’article 9 du traité des 24 articles est si
important que je ne puis garder le silence sur ce qu’il renferme… (Bruit.) Si on veut m’ôter la parole, je
protestera d’avance contre l’inobservation de cet article.
On traitera de gré
à gré, dit le ministre ; ce n’est pas ainsi que j’entends le traité ; j’entends
qu’il ne peut subir de changements. Il ne peut y avoir qu’une commission pour
l’exécution du traité et point de transactions sur le traité ; si on change
l’article 9, il y aura des changements relativement à la navigation de l’Escaut
et du Rhin. L’Escaut doit être navigable sans péages. La conférence n’a pas
répondu sur cet objet important. Il ne peut y avoir de changements de gré à gré
; toute l’exécution du traité doit seulement être arrangée par une commisison
mixte réunie à Anvers, et point de gouvernement à gouvernement.
PROJET DE LOI FIXANT LES TRAITEMENTS DES MEMBRES
DE L’ORDRE JUDICIAIRE
Vote sur l’ensemble du projet de loi
M. le président. - Si personne ne prend la parole, nous allons passer
à l’ordre du jour, qui appelle le vote sur la loi relative aux traitements des
membres de l’ordre judiciaire.
- La plupart des
membres qui s’étaient retirés hier pour ne pas voter sur le projet sortent de
la salle.
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. (Agitation.) Je crois, messieurs, que si
nous attendions pour voter jusqu’à trois heures… (Non ! non !) Il y a deux moyens de pouvoir voter aujourd’hui sur la
loi. C’est d’abord de déclarer qu’il y a urgence. (Il n’est pas question d’urgence !) C’est d’un autre côté d’attendre
jusqu’à trois heures, parce qu’alors 24 heures seraient révolues ; il y a
d’ailleurs un autre projet à l’ordre du jour qu’on pourrait discuter en
attendant, et de cette manière le règlement ne serait pas violé.
M. Dubus. - Il s’agit d’exécuter la décision de la chambre.
M. Rogier. - Il faut que
la décision de la majorité soit exécutée.
M. le président. - La chambre a décidé hier que le vote sur la loi aura lieu
immédiatement, il était de mon devoir de faire exécuter cette décision, de
mettre le vote à l’ordre du jour, et il y est. On va procéder à l’appel
nominal.
L’appel nominal
est fait ; en voici le résultat :
Votants, 5 ; oui,
44 ; non, 3 ; 6 se sont abstenus.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Taintenier, Coghen, Cols, Coppieters, de Haerne, Dellafaille,
de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux,
Dewitte, Dubus, Duvivier, Goethals, Hye-Hoys, Lebeau, Leclercq, Lefebvre,
Liedts, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet,
Poschet, Rogier, Rouppe, Serruys, Tiecken de Terhove, Ullens, Vandenhove,
Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Verdussen, Vuylsteke et Zoude.
Ont voté contre :
MM. Corbisier, Dugniolle et Lardinois.
Se sont abstenus :
MM. Devaux, Helias d’Huddeghem, Jonet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, H. Vilain
XIIII.
M. Devaux. - Par respect pour la décision de la chambre, j’ai
cru devoir assister hier au reste de la séance et ne pas m’absenter, quoique je
fusse d’avis que nous ne pouvions pas, sans violer le règlement, voter
immédiatement ; mais par respect pour mon opinion, et toujours convaincu que ce n’est que demain
que nous pouvions voter, j’ai dû m’abstenir aujourd’hui.
M. Helias
d’Huddeghem. - Je me suis
abstenu par les mêmes motifs.
M.
Jonet. - Moi de même.
M. A. Rodenbach. - Je pense que l’article 45 du règlement est violé,
et dès lors j’ai dû m’abstenir.
M. C. Rodenbach. - Je me suis
abstenu parce que, suivant moi, il y a eu violation manifeste du règlement de
n’avoir pas voulu voter l’urgence.
M. H. Vilain XIIII. - N’ayant pas assisté à la discussion, j’ai dû
m’abstenir de voter.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A L’IMPOT DES
DISTILLERIES
L’ordre du jour
appelle la discussion du projet de loi présenté par M. Serruys sur les
distilleries.
Voici les termes
de ce projet :
« Léopold,
Roi des Belges, etc.
« Par dérogation
aux articles 3 et 4 de la loi provisoire du 4 mars 1831, et en attendant qu’une
nouvelle loi sur les distilleries ait été portée, la décharge du droit d’accise
pour les eaux-de-vie indigènes exportées à l’étranger, soit directement, ou
d’un entrepôt, aura lieu à raison de 6/7 de la prise en charge par hectolitre
d’eau-de-vie à 10 degrés, et la faveur de l’entreposage de ces eaux-de-vie est
rétablie telle qu’elle est accordée par la loi générale du 26 août 1828, n° 38,
et par la loi spéciale de la même date, n°37, concernant l’accise sur les
eaux-de-vie indigènes.
M. Serruys.
- Messieurs, dans tous les Etats on a toujours porté une attention particulière
à encourager et favoriser les exportations du superflu des productions soit du
sol, soit de l’industrie, de quelque nature qu’elle puisse être.
Le genièvre est
pour la Belgique un objet d’exportation qui n’est pas sans importance ; les
pays vers lesquels on l’exporte le plus sont l’Amérique septentrionale, les
Grandes-Indes, l’Afrique, le Brésil, la Havane dans l’ile de Cuba, et quelques
autres possessions dans les mêmes parages. Le genièvre entre toujours, et pour
une grande part, dans la formation des cargaisons des navires que s’expédient
de nos porcs pour les pays dont je viens de parler, et vous n’ignorez pas,
messieurs, que c’est presque le seul objet que les capitaines américains, qui
fréquentent nos ports en assez grand nombre, prennent en retour ; et en cela
nous avons les Hollandais pour concurrents.
Ces pets de mots
suffisent, je pense, pour convaincre la chambre que si nous voulons que le
genièvre de nos fabriques s’exporte, nous devons faciliter cette exportation,
c’est-à-dire accorder la faveur de l’entreposage et la décharge du droit
d’accise, comme cela a lieu en Hollande.
Ces deux choses,
messieurs, sont consacrées en principe par toutes les lois sur la matière,
antérieures à la loi provisoire de 4 mars 1831, quelque fût le système de
perception qu’elles avaient établi ; et alors nos genièvres s’exportaient assez
coulamment et sans difficultés ; mais depuis ladite loi du 4 mars toute
exportation est devenue impossible ; je vais avoir l’honneur de vous dire
pourquoi en peu de mots.
Remarquez d’abord,
messieurs, que la loi du 4 mars 1831 n’était que provisoire, et que telle que
son honorable auteur M. Teuwens l’avait proposée au congrès, et que la
commission spéciale avait accueillie, cette loi, dis-je, n’avait pour but que
de pourvoir temporairement à quelques modifications que semblait exiger l’état
des distilleries du plat pays. Ainsi elle ne touchait ni au droit d’entreposage
ni à l’objet de la restitution du droit d’accise dans le cas d’exportation, ces
deux objets étant déjà réglés par les lois en vigueur. Les principales
dispositions de ce projet de loi primitif, que j’ai devers moi, étaient : de
convertir pour l’avenir le crédit permanent en crédit à tenues ; d’arrêter le
débet de l’ancien compte des distillateurs et négociants en gros, et de porter
ce débet à compte nouveau, dans lequel compte ils seraient pris en charge à
raison de 12 fl. en principal par chaque baril d’eau-de-vie à 10 degrés,
restant dans leur ancien compte, pour être apuré par quart de trois en trois
mois. Le projet de loi de M. Teuwens n’alla pas plus loin, son auteur ayant
pensé qu’en attendant que le projet d’une toute nouvelle loi déjà soumis au
congrès pût être discuté, les lois en vigueur avaient suffisamment pourvu en ce
qui concerne la décharge du droit à l’exportation du genièvre de nouvelle
fabrication ; mais que, dans le système des crédits à tenues, le recouvrement
de l’accise étant assuré, la circulation du genièvre dans l’intérieur devait
être libre, et en conséquence l’article 3 portait ce qui suit
« Les passavants
ou tous autres documents ne sont plus requis que pour le territoire de
surveillance ; l’article 77 de la loi du 26 août 1828 est et demeure par
conséquent abrogé. »
Remarquez :
l’article 77 seul.
Mais, messieurs,
lors de la discussion publique de ce projet de loi en séance tenante, M. le
ministre des finances d’alors improvisa et parvint à faire adopter dans la même
séance quelques amendements, notamment les deux suivants :
« Art. 3. Le
taux de la décharge des comptes pour les eaux-de-vie exportées à l’étranger est
établi à raison de huit florins en principal par baril de genièvre à 10
degrés, » et ainsi il reste toujours à payer 4 fl. par baril outre les
centimes additionnels.
« Art.
4. Les passavants ou tous autres
documents ne sont plus requis que pour le territoire de surveillance ; les
articles 43 à 77 de la loi du 26 août 1822 sont et demeurent par conséquent
abrogés. »
Le projet
principal n’abrogeait que l’article 77
Messieurs, je me
plais à rendre pleine justice aux bonnes intentions de M. l’ancien ministre des
finances en cette occasion ; mais je suis persuadée que, en improvisant ces
deux amendements, il n’y a pas suffisamment réfléchi, et n’a surtout pas pensé
en ce moment aux conséquences funestes qui devaient en résulter immédiatement.
Et en effet,
messieurs, depuis la mise en vigueur de cette loi provisoire du 4 mars 1831
jusqu’à ce jour, il ne s’est plus fait par mer aucune exportation de genièvre
indigène ni par le port d’Anvers ni par celui d’Ostende, et dans le moment où
j’ai l’honneur de porter la parole devant la chambre, un navire belge à trois
mâts, nommé l’Apollon, est occupé à prendre à bord une grande quantité de
genièvre en destination pour la Havane qu’on a dû faire venir de la Hollande
sur l’entrepôt libre d’Ostende, d’abord parce qu’aux termes de la loi
provisoire du 4 mars 1831, qui paraissait devoir être incessamment remplacée
par une loi toute nouvelle et définitive et qui ne l’est pas encore, on aurait,
en exportant du genièvre fabriqué eut Belgique, dû subir une perte de plus de 5
fl. sur chaque hectolitre de ce genièvre à 10 degrés, parce qu’on n’accorde la
décharge de l’accise qu’à raison de deux tiers, tandis que sur celui de la
Hollande on ne perd rien, attendu qu’on y jouit, à peu de chose près, de la
décharge intégrale du montant du droit d’accise.
Une autre raison
péremptoire et qui empêche toute exportation par mer du genièvre indigène,
c’est que l’administration ayant décidé que l’article 4 de la loi transitoire
du 4 mars 1831 aurait retiré la faculté de l’entreposage à nos distillateurs et
marchands en gros, elle n’a plus permis depuis cette époque aucun transport de
genièvre de l’intérieur sur les entrepôts d’Anvers et d’Ostende, et dès lors
toute exportation par mer de ce genièvre est devenue impossible ; car vous
n’ignorez pas, messieurs, que pour avoir l’occasion de vendre du genièvre pour
l’exportation, il est nécessaire d’en avoir toujours des approvisionnements
suffisants dans les ports de mer, pour pouvoir en fournir à la première demande
des spéculateurs et navigateurs, et je dois vous faire observer, messieurs, que
c’est dans cette vue qu’ont été établis les entrepôts libres d’Anvers et
d’Ostende, et que les effets en seraient anéantis par un trait de plume, si
l’on admettait que la loi provisoire du 4 mars 1831 aurait aboli la faveur
d’interposer le genièvre, et ce que je ne crois pas ; car remarquez messieurs,
que pour décider que la faveur de l’entrepôt serait abolie, l’administration
des finances a invoqué l’article 4 de la loi provisoire du 4 mars 1831.
Mais que dit cet
article 4 ? Il dit : « Les passavants et autres documents ne sont plus requis
que pour le territoire de surveillance ; et par conséquent, poursuit-il, les
articles 43 à 77 de la loi du 26 août 1822 sont abrogés. »
Et, parce que
l’article 43 traite d’une chose accessoire au droit ou à la faveur de
l’entreposage, qui n’a pas été établi en principe par cette loi, mais par la
loi générale sur les douanes et accises de la même date du 26 août 1822,
l’administration, en raisonnant par induction, a décidé que toute faculté
d’entreposage était enlevée aux distillateurs.
Mais ce
raisonnement, s’il était admis, conduirait évidemment à l’absurde.
La suppression des
passavants pour la circulation des eaux-de-vie à l’intérieur est une faveur ;
l’entrepôt est aussi une faveur, et je ne conçois pas le raisonnement de celui
qui dirait : L’obligation de prendre un passavant pour la circulation du
genièvre à l’intérieur est abolie ; et conséquemment la faveur de mettre le
genièvre en entrepôt est aussi abolie. Voilà pourtant à quoi tout se réduit, et
c’est une absurdité.
Au surplus, quoi
qu’il en soit, et en admettant que la faveur de l’entrepôt aurait en effet été
abolie par suite de l’article 4 de la loi provisoire du 4 mars 1831, je pense
qu’aucun membre de la chambre ne mette en doute que l’on doit faciliter et
favoriser l’exportation du genièvre provenant de nos distilleries qui influent
si efficacement sur le bien-être de l’agriculture, et je crois vous avoir
démontré que vous ne pouvez le faire qu’en rétablissant de suite la faveur de
l’entreposage, et qu’en conséquence vous daignerez accueillir la proposition
que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, puisqu’elle ne tend qu’à cela, et que
la disposition qu’elle embrasse, n’étant que transitoire, viendra à cesser
aussitôt que la loi nouvelle, dont le rapport vient d’être distribué, pourra
être portée.
Messieurs,
la seule objection que l’on pourrait peut-être faire contre ma proposition, ce
serait que la décharge du droit à l’exportation aurait dû être portée à un taux
plus élevé ; mais j’ai pensé, messieurs, que la décharge de 6/7 comparée à
celle des 2/3 seulement, fixée par la loi du 4 mars, est déjà une amélioration
sensible et, comme le tout n’est que provisoire, il y sera définitivement
pourvu par une loi nouvelle, et ce n’est que parce qu’il est apparent qu’elle
ne pourra pas être discutée et votée avant que la chambre ne se sépare, que
j’ai cru nécessaire de faire ma proposition, dont l’adoption est nécessaire, si
la chambre veut que nos distilleries sortent de cet état de langueur dans
lequel la mauvaise législation sur cette matière les a plongées.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, la question qui nous occupe est une des
plus difficiles et des plus controversées qui puisse être soumise à vos
délibérations, La nécessité d’une loi sur les distilleries est reconnue de tous
; une loi faite par les distillateurs eux-mêmes a été présentée par moi à la
chambre, et les délais que souffre la discussion de cette loi ne peuvent m’être
imputés. Un contre-projet a été présenté ; je n’ai pas eu le temps de
l’examiner, mais je devrai toujours m’opposer à l’adoption des projets qui, au
lieu d’offrir une ressource pour le trésor, lui occasionneraient des dépenses.
Dans mon idée il faudrait, dans l’intérêt de l’agriculture, pour lui donner la
facilité d’élever des bestiaux, protéger les distilleries en les affranchissant
de tout droit. L’impôt sur le genièvre est tellement minime aujourd’hui qu’il
n’est pas d’une grande ressource pour le trésor et qu’il ne peut pas paralyser
l’usage qu’on en fait.
Aujourd’hui par
une loi transitoire on vous propose d’accorder une décharge de droit d’accises
pour les eaux-de-vie indigènes exportées à l’étranger, à raison de 6/7 de la
prise en charge par hectolitre. Il est reconnu qu’un baril de matière en
macération produit 7 litron de liqueur à 10 degrés. Toutefois, il n’est pris en
charge que pour cinq litrons : de là la nécessité de ne restituer que les 5/7
du droit à la sortie, parce que si on restituait la totalité du droit, on
aurait payé une prime à l’exportation. En Hollande, on permet l’exportation
avec décharge du droit entier ; mais cette faveur n’est accordée que pour des
charges légères. Si on abusait de ce droit en Hollande, il est certain qu’il en
résulterait un désavantage pour nos distilleries. Mais si nous admettions la
décharge des 6/7 du droit, il est certain aussi que nous affranchirions du
droit des quantités de spiritueux qui resteraient cependant dans le pays, et le
trésor serait lésé d’autant. La première partie du projet est donc
inadmissible.
Quant
à ce qui concerne l’établissement d’un entrepôt, je désire autant que personnes
favoriser le commerce et l’exportation de nos produits ; aussi consentirai-je
volontiers à une disposition semblable. Je proposerai donc un amendement qui
permette l’exportation par les ports de libre exportation d’Anvers et
d’Ostende. C’est déjà fort dangereux de permettre cette admission en entrepôt,
parce que des quantités de spiritueux pourront y être admises sans payer le
droit, ayant été soustraites à la vigilance des employés. Quoi qu’il en soit,
voici mon amendement :
« Par dérogation à
l’article 4 du décret du congrès national du 4 mars 1831, et en attendant
qu’une nouvelle loi sur les distilleries ait été portée, les eaux-de-vie
indigènes prises en crédit à termes, non jaugées, seront admises dans les
entrepôts généraux de libre exportation à Anvers et Ostende, sous la charge
fixée par l’article 3 dudit décret, afin d’être ultérieurement exportées. »
(Erratum inséré au Moniteur
belge n°203, du 21 juillet 1832 :
Monsieur
il s’est glissé dans
le rapport de la séance de la chambre du 17 juillet, que donne votre journal du
jeudi 19 suivant, quelques inexactitudes relatives aux observations que j’ai
faites sur le projet de loi proposé par M. Serruys, et que je vous prie de
vouloir bien faire rectifier ainsi qu’il suit
TEXTE
« Dans mon idée, il
faudrait dans l’intérêt de l’agriculture, pour lui donner la facilité d’élever
des bestiaux, protéger les distilleries en les affranchissant de tout droit.
L’impôt sur le genièvre est tellement minime aujourd’hui, qu’il n’est pas d’une
grande ressource pour le trésor et qu’il ne peut pas paralyser l’usage qu’on en
fait. »
Il faut lire :
« Un
contre-projet a été présenté : je n’ai pas eu le temps de l’examiner ; mais je
devrai toujours m’opposer à l’adoption des projets qui, au lieu d’offrir une
ressource pour le trésor, lui occasionneraient des dépenses. Il faut, dans
l’intérêt de l’agriculture, et pour donner la facilité d’élever des bestiaux,
protéger les distilleries ; mais, dans mon idée, mieux vaudrait les affranchir
de tout droit que de les soumettre à un régime improductif.
« L’impôt que
l’on projette sur le genièvre est tellement minime, qu’il ne serait point une
grande ressource pour le trésor. Celui plus élevé, qui existe aujourd’hui, ne
paralyse nullement l’usage que l’on fait de cette boisson. »
TEXTE :
« En Hollande,
on permet l’exportation avec décharge du droit entier ; mais cette faveur n’est
acordée que pour les charges légères. Si on abusait de ce droit en Hollande, il
est certain qu’il en résulterait un désavantage pour nos distilleries. Mais,
etc. »
Il faut lire :
« En Hollande, on
admet l’exportation avec décharge du droit entier, parce que l’impôt y est
perçu également en totalité. La faveur de travailler à charges légères y est
soumise à des conditions qui en empêchent les abus, et si de l’abus de ce
droit, en Hollande, il résultait un désavantage pour nos distilleries, il est
certain aussi que si nous admettions la décharge aux 6/7 du droit, nous
affranchirions de l’impôt des quantités, etc. »
TEXTE
« Quant à ce qui
concerne l’établissement de l’entrepôt, etc. »
« Je désire
autant que personne favoriser le commerce et l’exportation de nos produits ;
aussi consentirai-je volontiers à une disposition convenable à ce but. Je
proposerai donc un amendement qui permette l’exportation par les entrepôts
généraux de libre exportation à Anvers et Ostende. Il est fort dangereux de
permettre cette admission dans d’autres entrepôts, parce que des quantités de
spiritueux provenant d’un excès de production ou de fabrication soustraites à
la vigilance des employés pourraient y obtenir décharge de l’impôt, sans avoir
payé aucun droit. » (fin de l’erratum).
M. A. Rodenbach. - Messieurs, si l’arrêté du 17 octobre, rendu par le
gouvernement provisoire, n’existait pas, M. le ministre aurait raison de
s’opposer à la restitution de 6/7 du droit, puisque, en effet, ce serait forcer
le trésor à rendre plus qu’il n’aurait reçu. Mais la base de l’impôt est
totalement changée depuis l’arrêté du gouvernement provisoire ; je défie M. le
ministre de dire le contraire. Il ne s’agit plus ici de la loi hollandaise, il
ne fait prendre que les nouvelles bases, posées par l’arrêté. Donc tout ce qu’a
dit M. le ministre à cet égard tombe complètement à faux. Pour ce qui concerne
un projet sur les distilleries, présenté précédemment à la chambre, je ferai
observer que ce projet, fait d’abord par les distillateurs eux-mêmes, a subi
d’importantes modifications de la part du ministre. D’ailleurs, tous les
distillateurs de la Belgique n’avaient pas été convoqués ; on n’en avait
convoqué qu’un par arrondissement : encore tous ne se sont-ils pas rendus à la
convocation. Cependant il est certains arrondissements où il existe trois ou
quatre procédés différents de distillation, et on n’a pu par conséquent
connaître tous les procédés. Quant à ce que M. le ministre a donné à entendre
sur le projet de la commission, je crois que la discussion à laquelle il
donnera lieu pourra le faire changer d’opinion ; je le crois d’autant mieux
qu’il avait envoyé à la commission deux de ses agents qui s’entendent le mieux
en matières fiscales, et qu’ils ont adhéré à quelques dispositions du projet.
Il faut croire que M. le ministre ne les désavouera pas.
Maintenant que
j’ai répondu sur ces divers points, j’arrive au projet transitoire de M.
Serruys. L’honorable membre a prouvé avec une grande logique, une grande lucidité
et avec une grande force de raisonnement, que la loi provisoire du 4 mars a
détruit la faculté de l’entreposage ; il en résulte un tort immense pour les
distillateurs et pour les armateurs belges qui ne peuvent plus faire des
expéditions maritimes avec des cargaisons d’eau-de-vie. C’est une chose facile
à prouver ; mais comme les raisonnements valent moins que les exemples, je vais
vous citer un fait qui est à ma connaissance. A Couckelaert, près d’Ostende, il
y a un distillateur qui est armateur en même temps. Il a
dans ses magasins des quantités considérables de genièvre : croyez-vous qu’il
puisse les exporter. Non, il doit en faire venir de Hollande ; oui, de chez
notre ennemi. Là on entend mieux le commerce d’exportation que chez nous, et on
accorde la décharge intégrale du droit à la sortie. Je crois donc devoir dire
que la remise de 6/7 est d’autant plus nécessaire que M. le ministre lui-même a
convenu qu’il fallait aux distilleries une protection spéciale. Ce n’est en
effet qu’en les favorisant qu’on peut faire prospérer l’agriculture chez nous
et l’éducation des bestiaux. Or, pour favoriser les distilleries, il n’est pas
de meilleur moyen que de procurer des débouchés à leurs produits. Par ce moyen
les distilleries continueront leur travail, les étables seront remplies de
bestiaux, et nous en avons grand besoin en ce moment surtout : on sait que
depuis que le choléra existe en Belgique, la consommation de la viande est
beaucoup plus considérable, et le prix en est plus élevé. Déjà, à Bruxelles, la
viande se vend de 27 à 30 cents la livre, et il nous faut au moins 100 bœufs
par jour pour la nourriture de l’armée que nous avons sur pied. Par ces
considérations je crois qu’il convient d’adopter le projet présenté par M.
Serruys.
M. Desmet. - Messieurs,
dans l’intérêt de mon pays, je dois fortement appuyer la proposition de M.
Serruys, et je suis obligé de vous dire qu’il est constant que si M. le
ministre des finances la repousse, il accorde toute sa protection aux
distilleries hollandaises et au commerce de genièvre de cette nation, au grand
détriment des distillateurs belges, qui seront forcés de stater leur
distillation, comme déjà une grande partie l’a dû faire ; car il leur est
impossible de lutter avec ceux de Hollande, qui importent le genièvre en
Belgique à six cents meilleur marché qu’on ne peut le distiller dans ce pays.
Je vais avoir
l’honneur, messieurs, de vous poser un calcul, que je défie M. le ministre de
réfuter. D’après les droits existants, le compte du distillateur ou du
négociant est chargé de 16 florins 63 cents par hectolitre d’eau-de-vie à 10
degrés des Pays-Bas. Si dans ce moment l’on voulait exporter ces mêmes
eaux-de-vie, la décharge à obtenir serait par hectolitre de 11 florins 8 cents,
y compris syndicat et timbre, d’après le décret du congrès du 4 mars 1831. Le
compte de l’expéditeur resterait donc chargé de 5 florins 55 c., et en y
ajoutant le droit de sortie, qui est, d’après la loi du 24 mars s 1826 (qui est
encore maintenue), de 20 cents l’hectolitre, il s’élèverait à 5 florins 55
cents l’hectolitre, soit environ 6 cents au litre ; ce qui est plus que le
bénéfice ordinaire que l’on peut faire sur cet article.
Je prierai donc
l’honorable M. Coghen de nous indiquer un moyen, non seulement pour exporter
nos genièvres en concurrence avec les Hollandais, mais pour pouvoir lutter avec
eux dans le commerce de l’intérieur.
D’un antre côté,
les Hollandais ont encore des avantages sur nous, soit par leur position
géographique qui leur permet de se procurer les grains à plus bas prix (l’objet
du fret seul leur présente un avantage de 350 à 400 florins le cent laste de
seigle venant des ports de la Baltique), soit dans la manière dont le droit est
établi, soit enfin par la préférence que pourraient avoir momentanément leurs
genièvres, en raison qu’ils sont plus connus que les nôtres. Or donc, il serait
impossible de faire aucune exportation sans éprouver une perte, loin d’y
trouver avantage, à moins d’être déchargé de tout le droit.
Toutes les raisons
que l’on pourrait alléguer pour vouloir prouver que les choses sont bien telles
qu’elles existent, doivent tomber devant le fait qu’il n’a presque rien été
exporté de nos produits depuis la mise à exécution du décret du congrès.
Je
me flatte donc que la chambre daignera avoir égard au triste état dans lequel
se trouvent nos distilleries, et qu’elle trouvera plus utile de soigner leur
conservation et leur prospérité que de maintenir une mesure qui est tout à
l’avantage de nos ennemis, les Hollandais ! Répondant à ce qu’a dit M. le
ministre, que le nouveau projet de loi sur les distilleries, présenté par
quelques députés, est vicieux et ne pourra jamais produire à l’Etat les 900.000
florins qui sont demandés au budget de recettes sur les accises des eaux-de-vie
indigènes, je dois lui dire que le seul vice qu’on pourrait reprocher à ce
projet, c’est qu’il rend la liberté aux distilleries et qu’il soulage l’Etat
d’une quantité d’employés qui n’exercent que pour chagriner les distillateurs
et les ruiner ; peut-être c’est là où M. le ministre trouve le vice dans ledit
projet ? Et pour ce qui concerne la crainte de M. le ministre que la taxe ne
soit trop peu élevée pour pouvoir atteindre la somme demandée de 900,000
florins, je le prierai de voir attentivement ce projet et il se convaincra que
le taux de l’impôt y est plus élevé que dans le dernier présenté par le
ministre.
M. le ministre des finances (M.
Coghen). - On a parlé des avantages qu’ont les distilleries
hollandaises sur les nôtres ; il est vrai que le fret pour la Baltique peut
occasionner une différence en leur faveur ; mais cette différence est
insignifiante. L’honorable préopinant a oublié que le combustible est plus cher
pour les Hollandais que dans ce pays-ci.
Je n’ai pas dit
que je n’appuierais pas le projet admis par la commission ; j’ai dit que je ne
donnerais pas mon adhésion à un projet qui serait une charge pour l’Etat : je
n’ai pas examiné ce projet, je n’ai reçu que ce matin le rapport de la
commission ; je l’examinerai et je dirai franchement ce que j’en pense. Il faut
avoir des connaissances spéciales sur ces matières ; encore ceux qui ont ces
connaissances ont-ils des avis différents. J’abandonnerai les détails de la
discussion au député fonctionnaire qui a étudié cette branche importante de
notre industrie.
M. Mary. - Nous sommes tous disposés à favoriser l’industrie
; cependant nous ne devons pas tolérer la fraude, et c’est ce qui résulterait
de la proposition de M. Serruys.
Par la loi d’août
le trésor devait recevoir 12 florins par hectolitre de spiritueux ; d’après la
proposition l’hectolitre ne paiera plus que 8 florins, c’est un tiers de moins.
Le gouvernement, d’après cette proposition, serait obligé de payer à
l’exportateur des sommes qu’il n’aurait pas reçues ; c’est ce qui a été
démontré : je ne crois pas que nous puissions protéger l’exportation d’une
manière onéreuse pour l’Etat. Je pense que l’on doit protéger l’entreposage ;
cette réclamation de la part de l’industrie est juste. Je vote pour la seconde
partie de la proposition et le rejet de la première partie.
M.
Serruys. - Le ministre et
le préopinant ont parlé dans le même sens ; ils ont raisonné comme si
l’ancienne législation existait encore, comme si la mise en charge était
calculée sur la matière macérée. La loi du 4 mars a changé tout cela ; elle dit
: « Ils seront pris en charge à raison de 12 florins par hectolitre. » Ainsi
c’est sur les spiritueux fabriqués que la loi a stipulé. Quand j’exporte, quel
droit a le gouvernement ? Aucun, il n’y a pas consommation.
On sait bien que
le genièvre ne s’exporte que par les ports de mer, et je me suis expliqué
clairement dans ma proposition.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Par le décret du congrès du 4 mars, on a reconnu
que la production était au-dessus de 5 litres, et c’est ce que prouve l’article
5 de ce décret. La matière en macération en produit ordinairement 7 litres ;
par suite de cette différence, le projet deviendrait onéreux au trésor ; on ne
peut admettre que la partie relative aux entrepôts.
M. Duvivier. - Messieurs, le projet de loi qui est proposé par l’honorable
M. Serruys a pour objet : 1° de faire augmenter le taux de décharge à
l’exportation sur les genièvres ; 2° de les faire admettre dans les entrepôts.
Ces dispositions qui en apparence n’apportent que des modifications partielles
à la législation existante, ont cependant, dans leur effet, une portée beaucoup
plus étendue en ce qu’elle change réellement le système du régime actuel de
l’impôt, tel qu’il est établi, par les dispositions maintenues de la loi du 26
août 1822, et celles décrétées en dernier lieu par l’arrêté du 17 octobre 1830
et par loi du 4 mars 1831, réglant le mode de crédit, celui d’exportation et
notamment le taux de cette décharge : en effet la proposition d’augmenter ce
taux convertirait la simple restitution du droit en une véritable prime
d’exportation, puisque le trésor restituerait plus qu’il n’a reçu et que
l’admission en entrepôt des genièvres pris sous crédit à terme changerait
totalement la nature de ce crédit.
Aujourd’hui les
distillateurs sont tous pris en charge sur le pied d’un taux de production de 5
litres de genièvre par hectolitre de matière, et ainsi se trouvent abrogées
toutes les distinctions de charges fortes ou de charges légères adoptées par le
régime hollandais, de même que toute surveillance sur le produit réel de la
fabrication.
La charge légère
devait donner 54 dés par kil. de farine pour 8, 9 ou 10 kil. employés suivant
la saison, et ainsi un taux moyen de production au minimum de 4 litres et 3/4.
Mais elle était astreinte à une foule de précaution et à une très grande
surveillance pour empêcher un excès de produits ou tout au moins pour le
constater avec amende. Cela n’existe plus aujourd’hui, et les distillateurs
peuvent employer autant de farine qu’ils le veulent. L’arrêté d’octobre 1830 a
fixé le taux à 5 litres pour tous les distillateurs sans distinction de procédé
dans la manière de distiller, au lieu du taux ordinaire de 7 litres
qu’établissait la loi de 1822.
Un hectolitre de
genièvre paie 12 fl., mais ce droit n’est que nominal puisqu’avec la matière,
soit, par exemple, 20 hectolitres, qui à 5 litres devrait seulement produire un
hectolitre à 12 fl., le distillateur qui en retire réellement 7 litres obtient
une production d’un hectolitre 40 litres sur laquelle ce droit à 12 fl. ne
revient positivement qu’à 8 fl. 40 cents par hectolitre.
La proposition de
l’honorable M. Serruys suppose une production de 6 litres au lieu de 7, qui est
le taux généralement reconnu ; elle suppose donc qu’on ne mettrait dans un
hectolitre de matière macérée que 11 à 12 kil. de farine, et, dans cette
hypothèse, l’impôt à raison de 12 fl. l’hectolitre reviendrait aux
distillateurs, sur la quantité qu’il tire, à 10 fl. 30 cents qu’on demande de
restituer à l’exportation.
Mais
l’administration n’a pas les moyens de vérifier un tel mode de distillation,
puisque les arrêtés du précédent gouvernement prescrivant les conditions pour
travailler à charge légère, sont abrogés par l’arrêté du 17 octobre 1830.
Ce système
exceptionnel et conditionnel n’existe plus ; tous les distillateurs sont placés
sur la même ligne, et bien certainement le plus grand nombre emploie 14, 15 et
16 livres ou kil. de farine par hectolitre de matière, qui, donnant un produit
de 7 à 8 litres au lieu de 5, sur lesquels seulement ils paient les droits, il
en résulterait qu’une augmentation dans le taux de décharge, telle qu’on la
propose, leur ferait obtenir une restitution supérieure au droit dont le
montant forme leurs charges.
D’après ce qui
précède, il est évident, messieurs, que si l’on accordait une décharge de plus
de 8 fl. par hectolitre de genièvre exporté, le trésor serait lésé puisqu’il
restituerait plus qu’il n’a reçu. C’est sans doute cette considération qui a
déterminé le congrès national à fixer à ladite somme de 8 fl. le taux de la
décharge à l’exportation, et vous jugerez sans doute prudent, messieurs, de
laisser subsister la législation sur ce point, qui ne pourrait être changée
sans détruire, au préjudice du trésor, une proportion que la nature actuelle de
l’impôt rend indispensable. Cette première partie du projet de l’honorable
auteur de la proposition me semble donc devoir être écartée.
Passons à l’examen
de la seconde, relative à la faveur de l’entreposage pour l’exportation des
genièvres de fabrication indigène. Avant tout, je ferai observer, messieurs,
que sous le régime actuel tout distillateur a la faculté d’exporter de ses
propres magasins, en décharge de ses termes de crédit non échus ; d’ailleurs,
l’exportation par terre n’est admise que par le seul bureau d’Henri-Chapelle,
et, en dernier lieu, par quelques bureaux vers les frontières de la Hollande
par lesquels il est peu probable que l’on exporte réellement de nos genièvres.
Accorder des entrepôts pour l’exportation par terre offrirait donc peu
d’utilité, mais présenterait au contraire un grand danger pour les revenus de
l’Etat en ce que l’on ne les emploierait, sous prétexte d’exportation, que pour
prolonger des crédits prêts à échoir, ce qui suspendrait les recouvrements et
tarirait les ressources du trésor ; il est même à craindre, messieurs, que ces
sortes d’entreposages ne deviennent d’autant plus considérables, que le
commerce, averti depuis quelque temps d’un rabais plus ou moins prochain de
l’impôt, se servirait de cette voie pour éluder le droit actuel auquel est
soumise la fabrication du genièvre, pour le livrer plus tard à la consommation
lorsque le droit aura été réduit.
Quant à
l’exportation par mer, rien ne s’oppose à ce que l’administration procure des
facilités au commerce, pourvu que des mesures soient prises pour empêcher que
l’on n’en abuse ; sous ce rapport, il conviendrait peut-être de borner la
faculté d’entreposage à destination de l’étranger aux deux entrepôts de libre
exportation d’Ostende et d’Anvers, où le dépôt des genièvres les ferait
considérer comme exportés.
(Moniteur belge n°202, du 20 juillet 1832)
D’après ces observations, je pense que la chambre doit écarter le point de la
proposition qui tend à augmenter le taux de décharge pour exportation, et se
borner à examiner s’il y a lieu d’accueillir le second point, en autorisant,
l’admission des genièvres indigènes dans les deux entrepôts de libre
exportation.
Je profiterai de
ce que la parole m’est accordée pour répondre à l’honorable M. Rodenbach : je
me suis fait un devoir de me rendre l’invitation de la commission, et j’ai
assisté à plusieurs de ses séances. J’ai fait les communications qu’on me
demandait ; mais je n’ai point pris part à la délibération.
Le mécanisme de la
loi que présente la commission me paraît bon et n’avoir que peu de chose à
rectifier, mais je n’ai approuvé que ce mécanisme. Le point litigieux dans la
loi est le terme de la fermentation. Ce terme ne peut être fixé. Si on le
détermine à quatre ou cinq jours de fermentation, les fabricants, en
rapprochant le délai ne mettant que deux jours, paieraient moins. Nous avons
émis notre opinion sur ce point et sur quelques autres ; mais ces messieurs,
après avoir discuté et nous avoir entendus, ont délibéré entre eux.
Un
point sur lequel nous nous sommes trouvés fort éloignés est celui de convertir
toutes les citernes en espèces de magasins de crédit.
Je le répète, je
crois qu’avec les articles réglementaires du projet de ces messieurs, on
pourrait faire une excellente loi sur les distilleries ; mais nous n’en disons
pas autant de la base de leur système.
M. Desmet. - Messieurs, je prends la parole pour relever une
erreur de la part de M. le ministre Coghen ainsi que de M. l’administrateur
Duvivier, qui vous ont dit que, pour bien travailler le grain, les
distillateurs chargeaient par hectolitre de macération 15 à 16 livres de
farine, et qu’ils tiraient un produit de 8 à 9 litres ; si ces honorables
membres ont ce secret, je crois qu’ils feraient bien de le communiquer aux distillateurs.
Car jusqu’à présent, ni en Hollande ni en Belgique, l’art de distiller n’a pas
encore poussé si loin. Mais au contraire il est reconnu
que, pour bien distiller le grain, on ne peut employer au plus que 8 à 9
kilogrammes de farine, par hectolitre, qui rendraient environ cinq litres
d’eau-de-vie à 10 degrés. Si dans ce moment, que le droit est si exorbitant, on
emploie 12 livres de farine, on le fait pour gagner sur le droit ; mais on
travaille imparfaitement, on retire en proportion moins de genièvre et d’une
qualité moindre, et le plus souvent il est d’une si mauvaise qualité qu’il ne
peut être exporté par mer. Si M. le ministre veut se convaincre de la réalité
de ce que je prends la liberté de lui avancer, qu’il veuille lire attentivement
les dispositions et les considérants de l’arrêté de l’ex-roi du 19 juin 1827.
M. Serruys.
- Le ministre est convenu qu’en Hollande on obtenait la décharge au taux que
nous avons dit, parce que là on distille à charge légère. Tous les
distillateurs qui travaillent pour l’exportation travaillent à charge légère ;
quand on charge trop, on ait de mauvaise drogue. Je persiste dans la première
et dans la seconde partie de ma proposition.
M. Verdussen. - Il y a évidemment dans la proposition deux points
fort distincts ; ne les confondons pas. Il aurait été plus logique de les
séparer.
La question a été
réduite à son véritable but par MM. Duvivier et Mary : faut-il accorder une
prime à l’exportation ? car la restitution de prétendus droits perçus n’est
réellement que cela.
Ce
n’est pas sur la matière fabriquée que porte l’impôt, mais sur la matière
première : on dit qu’on porterait la marchandise à cinq hectolitres tandis
qu’il y en a sept de produits ; les six septièmes s’élevant à 10 florins 25
cents, il y aurait réellement à donner 2 florins 25 cents sur chaque hectolitre
d’exportation. C’est un calcul qu’on vous a déjà établi dans tous ses détails.
M. A. Rodenbach. - Je
demanderai, non pas au ministre des finances, mais à M. le député armateur
Coghen, si avec la législation actuelle on peut exporter des genièvres de la
Belgique, et si, pour faire des exportations de genièvre, on n’est pas obligé
d’en faire venir de Hollande ?
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je dirai que depuis la révolution je n’ai pas
demandé de genièvre à la Hollande ; si j’en demandais à ce pays, ce serait pour
des contrées où il est préféré et pour ne pas faire manquer une expédition.
M. A. Rodenbach. - Mais est-il possible d’exporter du genièvre de la
Belgique ?
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- On peut en exporter, parce que des navires en charge en prennent pour le
Brésil.
M. Duvivier. - Je ne combattrai pas le second point de la
proposition tendant à ajouter la faculté de l’entrepôt pour l’exportation des
genièvres indigènes ; mais je vois beaucoup d’inconvénients pour la majoration
du droit d’exportation. Je crois qu’il faut laisser les choses comme elles
sont, toutefois en accordant l’entrepôt jusqu’à la session prochaine. La loi du
4 mars, à laquelle un distillateur célèbre a coopéré, porte la restitution à 8
florins ; cette restitution est suffisante. Je pense que le second point,
concernant l’entreposage, est digne de toute l’attention de la chambre.
M. A. Rodenbach. - Avant la révolution les distillateurs belges
exportaient beaucoup de genièvre ; alors on avait déjà perfectionné les
procédés de la distillation ; je ne pense pas que depuis la révolution le goût
du genièvre soit changé ; la révolution a pu faire de l’effet sur quelques
personnes, mais elle n’en a pas fait sur le genièvre. (On rit beaucoup).
Si on exporte
moins, c’est que notre législation est mauvaise : des bâtiments américains sont
arrivés à Anvers ; ils ont demandé des genièvres ; les distillateurs n’ont pu
leur en procurer parce qu’ils n’avaient pas d’entrepôt, et parce que la
restitution était trop faible pour qu’ils pussent en fournir à des prix
convenables. Les Américains ont été obligés d’aller en Hollande ; le fait est
exact ; M. Osy peut en fournir les preuves.
M. Liedts. - Sur 5 hectolitres de genièvre fabriqué, on dit
qu’il y en a 4 qui échappent aux droits ; ce sont les auteurs mêmes de la
proposition qui le disent. Il n’y enas donc qu’un seul de payé : puisque le
trésor ne perçoit qu’un cinquième, il s’ensuivra que si pour l’exportation on
rend ce cinquième, il ne restera rien au trésor. Il pourra même arriver que
l’exportation sera onéreuse.
M. Serruys. - On fraude tout parce que la loi est mauvaise.
M. Liedts. - Il s’ensuit qu’il faut attendre que nous ayons une
loi sur les distilleries pour régler les restitutions pour importations.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- Les états des semestres échus ont prouvé que les distilleries ont produit un
million de florins. Il est vrai qu’il faut en déduire les paiements par
anticipation sur lesquels il y aura des restitutions à faire. On a dit hier
qu’on recevait à peine 400 mille florins de ce droit ; j’ai dû dire la vérité
pour rassurer la chambre sur l’état du trésor.
M. Mary. - Messieurs, j’ai lu ce matin dans une pétition que
nous ont adressée des négociants de Liége, que les distillateurs ne payaient
que 8 fl. de droit par hectolitre, tandis que le projet de M. Serruys tendait à
leur faire restituer 10 fl. Les négociants de Liège vont plus loin, ils
prétendent que le droit nominal de 12 fl. se réduit en réalité pour les
distillateurs à moins de 6 fl. Je crois que cette observation suffit pour faire
rejeter le projet de M. Serruys.
M. Rogier. - Messieurs, je regrette que M. Osy ne soit pas
présent pour répondre à l’interpellation de M. Rodenbach, et qu’il ait quitté
la salle avec la minorité qui hier fit manquer le vote de la loi ; mais je peux
donner l’assurance à l’honorable membre que des navires sont partis d’Anvers
pour l’Amérique, chargés de genièvre qui, j’ai tout lieu de le croire, n’était
pas venu de la Hollande. J’ajoute que je tiens du propriétaire d’une des
premières distilleries du pays, que jamais sa distillerie n’avait été plus
florissante ; d’un autre côté, presque à chaque instant les députations des
états ont à s’occuper de demandes pour établir de nouvelles distilleries. Voilà
ce que je peux assurer à l’honorable membre.
M.
Liedts.
- Je ne peux partager l’opinion de l’honorable préopinant. On ne peut pas se le
dissimuler, nos distilleries souffrent, et beaucoup, et puisqu’on cité des
faits, j’en citerai un à mon tour. J’ai parlé au distillateur qui a fait la
cargaison du navire dont on a parlé et qui est sur le point de partir pour le
Brésil, et il m’a dit qu’il aurait eu plus de profit à faire venir le genièvre
de la Hollande. (Aux voix ! aux voix !)
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Il faudrait d’abord savoir s’il est permis de
parler 10 fois : c’est contraire au règlement.
M.
A. Rodenbach.
- M. le ministre des finances nous a dit que le produit de l’impôt sur les
distilleries avait produit 1 million dans le dernier semestre : je le crois
sans peine ; mais si la loi était exécutée, cet impôt devrait rapporter 4
millions au lieu d’un ; donc il y a trois millions qui rentrent dans la poche
des fraudeurs. Si encore les consommateurs en profitaient : mais non, ce sont
les fraudeurs seuls qui en profitent. Au reste, si M. le ministre des finances
ne veut pas adopter les restitution des 6/7 comme le propose M. Serruys, je
proposerai de la fixer à 5/7 ; peut-être M. le ministre adhérera-t-il à cet
amendement.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je suis d’accord avec le préopinant sur cc qu’il propose,
car c’est précisément ce qui existe aujourd’hui. (On rit.) (C’est juste ! c’est
juste !)
M. Duvivier. - Je crois qu’il y a lieu de maintenir le décret du
congrès et qu’il faut admettre les entrepôts ; c’est là le grand besoin du
commerce et non la diminution du droit.
-
La clôture est mise aux voix et adoptée.
Plusieurs membres demandent la division sur l’article proposé par M.
Serruys.
M. Barthélemy. - Nous ne sommes plus en nombre.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- Je désire vivement qu’on puisse voter aujourd’hui sur ce projet, car je
serais fâché de priver le commerce de ce moyen d’exportation.
- On va chercher
quelques représentants pour compléter le nombre de membres nécessaires pour
voter.
M. Serruys.
- Je renonce à la première partie de mon article et je me rallie pour la
deuxième à la rédaction proposée par M. le ministre des finances.
- La chambre se
trouvant en nombre, on procède à l’appel nominal. Le projet est adopte par 50
voix contre trois.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Taintenier, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, Coppieters,
Corbisier, Dellafaille, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, Desmet, de
Terbecq, de Theux, Dewitte, Domis, Dubus, Dugniolle, Duvivier, Fallon,
Goethals, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jonet, Leclercq, Lefebvre, Liedts,
Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers Pirmez, Polfvliet, Poschet, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Serruys, Tiecken de Terhove. Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Innis, Van
Meenen, Verdussen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, Zoude.
Se sont abstenus :
MM. Devaux, Lebeau et Dumortier.
M. Devaux. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas deux
opinions sur le règlement, et je n’ai pu varier d’un moment à l’autre de
manière à voter maintenant quand j’ai refusé de le faire tout à l’heure ; un
amendement à mes yeux est toujours un amendement, et je ne crois pas qu’il nous
fût plus permis de voter sur cette loi que sur l’autre.
M. Lebeau. - J’ai cru hier que, quant aux amendements adoptés,
nous avions satisfait à l’article 45 du règlement, et que nous pouvions voter
séance tenante ; aujourd’hui il n’en est pas ainsi ; le projet est tout
nouveau, et il y a été fait un amendement par M. le ministre des finances et
même par M. Serruys puisqu’il a retiré la première partie de son projet. C’est
pour cela que je dois m’abstenir.
M. Dumortier.
- Un changement à un article de loi, de quelque nom qu’on l’appelle, est
toujours un amendement ; je ne croirai jamais qu’on puisse voter en dépit du
règlement le jour même de l’adoption ; du reste, je n’ai pas assisté à la
discussion, et si j’avais su qu’il y avait un amendement, je me serais retiré.
(On rit.)
MOTION D’ORDRE RELATIVE A LA MISE EN PLACE D’UN
NOUVEAU SYSTEME GENERAL D’IMPOTS
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour faire une motion d’ordre.
Messieurs, je crois que nous sommes à la veille de nous séparer ; je demanderai
à M. le ministre des finances si la commission qui devait travailler à un
nouveau système d’impôt, a mis beaucoup d’activité dans l’exécution de ce
travail. Si je dois en croire les bruits publics, cette commission des finances
ne se serait pas réunie depuis plus de 7 grands mois. M. le ministre l’a-t-il
invitée à se réunir ? A-t-elle refusé de se rendre à son invitation ? C’est ce
que je ne sais pas. Je demande que M. le ministre l’invite à se réunir de
nouveau, et que, dans l’intervalle d’ici à la prochaine session, on nous
prépare un budget suivant un nouveau système, qui fasse disparaître de nos lois
la fiscalité hollandaise.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, une révision des impôts est nécessaire,
je le reconnais ; on tâchera pour le budget de 1833 de porter aux lois fiscales
tout l’adoucissement possible. Un changement complet de système est toujours un
essai dangereux, et on sent que ce n’est pas dans les circonstances où nous
nous trouvons qu’il serait prudent d’en courir les chances ; mais, je le
répète, la commission des finances sera réunie, et on fera tout ce qu’il sera
possible de faire pour améliorer le système actuel.
- La séance est
levée à 3 heures et demie.
Noms des membres
absents sans congé, à la séance de ce jour : MM. Angillis, Berger, Brabant,
Dams, Dautrebande, Davignon, de Foere, Delehaye, d’Elhoungne, de Meer de
Moorsel, W. et F. de Mérode, de Robaulx, Desmanet de Biesme, de Woelmont,
Dumont, Fleussu, Gelders, Jaminé, Jullien, Mesdach, Pirson, Seron, Thienpont,
Vergauwen, Verhagen, Ch. Vilain XIIII.