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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6
juillet 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition
de loi relative aux restitutions de droits sur le sel (proposition Zoude)
3) Projet de loi portant création de l’ordre Léopold. Second vote des
articles. Constitutionnalité du projet (Gendebien, de Foere, Raikem, Dewitte, A. Rodenbach, Dumortier, de Muelenaere, Dumortier, Bourgeois, Van Meenen, Jonet, Ch. de Brouckere, H. de
Brouckere), nécessité pour les parlementaires décorés de se soumettre à une
réélection, indépendance des députés (Dubus, Raikem, Van Meenen, Zoude, de Muelenaere, d’Elhoungne, Gendebien, Poschet, F. de Mérode, Verdussen, Lebeau, de Muelenaere, Leclercq, Devaux, Nothomb, Verdussen, Ch. de Brouckere,
Gendebien)
4) Projet de loi fixant le traitement des membres de l’ordre judiciaire.
Discussion générale (Raikem, Lebeau),
traitements des membres de la cour de cassation (Gendebien,
Dumortier, Lebeau, Dumortier, Gendebien, Lebeau, Dubus, A.
Rodenbach, Dubus, Gendebien,
Lebeau, Bourgeois, Barthélemy, d’Elhoungne, Bourgeois, Barthélemy, Destouvelles, d’Elhoungne,
Dubus, Leclercq, Destouvelles, Jonet, Raikem, Devaux, Gendebien,
Raikem, Gendebien, Bourgeois, Gendebien, Raikem), traitements des membres des cours d’appel (Van Meenen, Helias d’Huddeghem, Gendebien, Bourgeois, Raikem, Gendebien, Nothomb, Dumortier, Gendebien, Raikem, Gendebien, Raikem, Helias d’Huddeghem, Gendebien, Dumortier)
5) Projet de loi relatif aux concessions de péages (Dellafaille)
(Moniteur belge n°190, du 8 juillet 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A onze heures et
demie, on procède à l’appel nominal.
M. Liedts
donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
Le sénat informe
la chambre des représentants que, dans sa séance d’avant-hier, il a adopté la
loi relative à l’armée de réserve, et que, dans sa séance d’hier, il a adopté
la loi portant ouverture d’un crédit de quatre millions quatre cent mille
florins au ministère de la guerre.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX RESTITUTIONS DE
DROITS SUR LE SEL
La deuxième et la
quatrième section ayant autorisé la lecture de la proposition déposée par M.
Zoude sur le bureau de la chambre, M. le président fait cette lecture. M. Zoude
demande que : « par dérogation aux articles 15 et 16 de la loi du 21 août 1822,
il ne soit plus délivré de permis d’exportation de sel raffiné avec restitution
pour les pays ou l’importation du sel est prohibée. »
M. le président. - Il faut fixer le jour du développement. (Dans 15 jours ! dans 15 jours ! Demain !
demain ! Demain !) A demain.
PROJET DE LOI PORTANT CREATION DE L’ORDRE
LEOPOLD
Second vote des
articles
L’ordre du jour
est le second vote sur le projet de loi relatif à la création d’ordres
nationaux.
Article premier
L’article premier
du projet de la section centrale est ainsi conçu :
« Art. 1er.
Il est créé un ordre national, destiné à récompenser les services rendus à la
patrie.
« Il porte le
titre d’ordre de Léopold. »
Dans le premier
vote, c’est un amendement de M. Leclercq qui a été adopté en place de cet
article. Voici la proposition de M. Leclercq :
« Il est créé
un ordre militaire, destiné à récompenser les services éminents rendus à la
patrie.
« Il porte le
titre d’ordre de Léopold. »
M. Gendebien. - Messieurs, je ne sais s’il est bien parlementaire
de garder un silence absolu pendant une discussion de plusieurs jours, et
d’attendre qu’elle soit close pour entamer en dehors de la chambre et dans les
journaux une polémique tout au moins inconvenante, et surtout la veille du jour
où les débats parlementaires allaient offrir à chaque député l’occasion
d’émettre son opinion et de combattre celle de ses collègues d’une manière
parlementaire : il me semble qu’il y a tout au moins oubli des convenances et
de cette noble franchise, qui est le distinct caractère de toute opinion
consciencieuse.
Je ne relèverai
pas, messieurs, les suppositions mensongères, les expressions inconvenantes,
les injures mêmes qu’un député s’est permis d’adresser par la voie des journaux
aux honorables membres de la chambre que, du haut de son omnipotence
parlementaire, il a constitué en opposition. S’il faut en croire le député
journaliste, « ils se sont permis des interprétations indirectes toujours
fallacieuses, des interprétations obliques, des misérables arguties ; ils ont
été même jusqu’à l’absurdité, ils ont placé la chambre sous l’influence de
principes anticonstitutionnels et sous l’empire d’autres qui… Mais l’armée est
aussi intéressée que tout autre membre de l’Etat au maintien de la constitution
; elle comprendra sa position ; la nation tout entière sentira… »
On ne se contente
pas d’insulter une partie nombreuse de cette assemblée. On la menace ! Des
menaces ! Et à qui les adresse-t-on ?
Pour moi je les
méprise autant que je déteste les doctrines liberticides de ces caméléons
politiques. Je renvoie ces injures et ces rodomontades à son auteur et à tous
ceux qui ont violé la constitution en acceptant les 18 articles, et avec eux
l’anathème de « faiblesse et de parjure » lancé solennellement par un
ministre du régent, qui lui-même les accepta après les avoir reconnus
inconstitutionnels. Je renvoie ces injures à tous ceux qui depuis lors ont
violé vingt fois la constitution ; et si la nation et l’armée acceptent un jour
l’intervention qu’on a si imprudemment provoquée, ceux-là n’ont rien à craindre
qui ont défendu l’intégrité du territoire et de la constitution ; mais malheur
à ceux qui se sont fait un jeu de vendre leurs frères et de fouler aux pieds
une constitution que le peuple avait conquise au prix de son sang !
J’arrive à la
question grave, qui seule mérite votre attention.
Est-il vrai,
messieurs, que nous avons confondu toutes les notions sur les règles ordinaires
de l’interprétation des lois et sur la distinction des pouvoirs politiques,
exécutif et législatif ... ? Le reproche serait grave s’il était sérieux ; mais
je ne puis croire que ce soit sérieusement qu’on ait eu la prétention
d’adresser une aussi rude leçon de législation à des hommes qui ont étudié les
lois ailleurs que dans le Missel, et qu’on a l’inconséquence de gratifier du
titre honorable de jurisconsultes.
Sans faire
profession d’humilité, nous tâcherons d’être plus modeste, et au lieu de
trancher la question, nous tâcherons de la résoudre.
On est parti de
suppositions mensongères pour arriver à des conséquences destructives de la
constitution, ou plutôt de la souveraineté du peuple qui en est la base
fondamentale, comme le dit textuellement l’article 25 de la constitution :
« Tous les pouvoirs émanent de la nation. »
On a supposé que
la majorité de l’opposition, comme on l’a dit obligeamment, fonde son refus
pour les ordres civils sur le texte de l’article 76 de la constitution, qui
interdirait au Roi de conférer ces ordres. Selon l’opposition, a-t-on, cet
article (76) prescrit « aussi que le Roi ne peut conférer des ordres
civils. »
Personne que je
sache n’a avancé que l’article 76 prescrivit textuellement que le Roi ne peut
conférer des ordres civils ; c’eût été une absurdité mais une absurdité plus
grande, c’est de prétendue que l’article 76, tout en créant les ordres
militaires, et ne disant mot de l’ordre civil, le Roi trouve dans la
constitution le droit de créer un ordre civil comme des ordres militaires par
une loi, et que c’est surtout dans le sens littéral de cet article 76, qui n’en
dit mot, que ce droit se trouve consacré.
Telle est
cependant la prétention de M. l’abbé de Foere qui s’exprime en ces termes :
« Il s’ensuit que le sens littéral de la constitution est du côté des
adversaires de l’opposition, et que celle-ci est réduite à tirer ses
conclusions par voie d’induction. » Ce sont au contraire les amateurs de
cordons et de rubans qui sont réduits à tirer leurs conclusions par voie
d’induction, par analogie, alors même que le texte et l’esprit de la
constitution y répugnent explicitement.
Cc n’est point sur
des subtilités, encore moins sur des absurdités aussi palpables que nous avons
démontré l’inconstitutionnalité du projet.
Nous avons
soutenu, et j’ose dire victorieusement, que la monarchie belge est toute de
prérogatives, par la raison qu’aux termes de l’article 25 « Tous les
pouvoirs émanent de la nation, » que par conséquent la nation reste
investie de tous les pouvoirs dont elle n’avait pas délégué l’exercice aux
chambres et au Roi ; nous avons dit que cette conséquence toute logique avait
été consacrée textuellement par l’article 29 qui donne au Roi le pouvoir
exécutif tel qu’il est réglé par la constitution, et surabondamment par
l’article 8 qui ne donne au Roi « d’autres pouvoirs que ceux que lui
attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en
vertu de la constitution même. »
Au nombre des
pouvoirs et prérogatives qui sont attribués au Roi par la première section du
chapitre II, se trouve le droit de conférer des titres de noblesse (article
75), et le droit de conférer les ordres militaires ; celui de créer des ordres
civils n’est pas compris dans la longue énumération de ce chapitre. Dès lors le
Roi ne peut réclamer, et la législature ne peut lui octroyer le droit de
conférer des ordres civils, puisque les articles 29 et 78, qui ne sont
eux-mêmes que des corollaires de l’article 25, limitent expressément les
prérogatives royales ; que l’article 25 combiné avec l’article 26 démontre
clairement que le pouvoir législatif ne peut lui-même être exercé conformément
à la constitution :
« Tous les
pouvoirs émanent de la nation ; ils sont exercés de la manière établie par la
constitution. » (article 25.)
Dans l’impuissance
de répondre à des conséquences aussi logiques de dispositions aussi claires, on
prétend substituer l’exception à la règle, et on avance hardiment, sans rougir,
que tout ce qui n’est pas défendu par la constitution est permis ; c’est-à-dire
que le Roi a tous les pouvoirs excepté ceux que lui refuse la constitution, ce
qui est diamétralement en opposition avec les articles 25, 29 et 78.
Si ces théories
aussi absurdes que dangereuses étaient admises, il faudrait désormais lire
l’article 25 de cette façon : Tous les pouvoirs appartiennent au Roi, excepté
ceux que la nation lui a expressément refusés. Il faudrait substituer à
l’article 29, ainsi conçu : « Au Roi appartient le pouvoir exécutif, tel
qu’il est réglé pas la constitution, » le texte suivant : « Au Roi
appartient le pouvoir exécutif, tel qu’il est réglé par le pouvoir législatif, »
au lieu de « par la constitution. » Cette métamorphose ainsi opérée,
ce ne serait plus qu’un jeu de travestir l’article 78, et au lieu d’y lire :
« Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la
constitution et les lois particulières portées en vertus de la
constitution, » il faudrait substituer : « Le Roi a tous les
pouvoirs, excepté ceux que lui refusent formellement la constitution et le
pouvoir législatif. » Voilà où arrivera nécessairement le système
interprétatif des adversaires de l’opposition comme ils se font gloire de
s’appeler. Mais ils ne s’arrêteront pas à cette conséquence ; ils sont forcés
d’en accepter une autre beaucoup plus absurde : c’est que si la constitution
n’avait pas textuellement autorisé le Roi, par les articles 75 et 76, à créer
des nobles et des ordres militaires, il s’ensuivrait d’après leurs principes
que tout ce qui n’est pas défendu est permis : le Roi pourrait créer non
seulement des nobles, des ordres militaires, mais encore des ordres civils. En
sorte que si la constitution n’avait accordé aucun droit au Roi, il pourrait en
exercer beaucoup plus aujourd’hui qu’elle lui en accorde deux au lieu de trois
qu’on prétend lui attribuer ; sans compter ceux que, par les mêmes principes,
les adorateurs du soleil levant ne manqueront pas de lui offrir, par la seule
raison que la constitution ne les lui accorde pas, et parce que la constitution
n’a pas doté la couronne d’assez de prérogatives, comme le regrettent si
ingénument certains hommes du pouvoir.
Le membre auquel
je réponds aurait bien dû, avant de nous reprocher de confondre les notions et
les règles ordinaires d’interprétation, s’apercevoir qu’il violait la première
de toutes les règles d’interprétation, c’est-à-dire d’interpréter la loi de manière
à la rendre complétement inutile. Or, si le pouvoir législatif peut étendre à
volonté le pouvoir exécutif, s’il peut lui conférer tout ce qui n’est pas
défendu par la constitution, il était bien inutile de décréter
constitutionnellement les articles 75 et 76. Il était bien inutile de discuter
en sections s’il y aurait des ordres civils. Il était bien inutile de décider,
à la section centrale, qu’il y aurait des ordres militaires et de rejeter à
l’unanimité les ordres civils. Qu’on veuille bien remarquer que M. Raikem,
aujourd’hui ministre de la justice, faisait partie de cette unanimité et que
c’est lui qui a présenté au congrès le rapport de la section centrale en ces
termes : (La citation faite par l’orateur ne nous est pas parvenue.)
Qu’on veuille bien
remarquer que le congrès, tout en approuvant le rapport et tout en admettant
des ordres militaires, à une immense majorité, a aussi approuvé le même rapport
qui rejetait à l’unanimité l’ordre civil. Il y a plus : pas une seule voix ne
s’est élevée contre le rapport, pas une seule voix n’a réclamé un ordre civil,
pas un amendement n’a été proposé, et l’on sait qu’à cette époque les
amendements pleuvaient de toutes parts, sur les moindres propositions. C’est
donc avec connaissance de cause et par réflexion que le congrès constituant a
admis les uns et repoussé les autres. C’est dont ici le cas d’admettre la
maxime : Inclusio unius est exclusio alterius : maxime que M. de Foere n’a pas
plus comprise que les règles d’interprétation des lois, comme il est facile de
s’en convaincre en lisant son épître à l’opposition.
Qu’on juge,
d’après ce que je viens de dire, de la candeur et de la loyauté qui ont présidé
à la rédaction de la première induction de la même épître. Il isole la moitié
d’une phrase qui n’était qu’accessoire à la démonstration dont je viens de
reproduire l’analyse ; puis, d’un ton triomphant, il m’accable, sans pitié, de
tout le poids de sa consciencieuse logique.
« Pas un seul
membre du congrès, dit M. Gendebien, n’a proposé un amendement à l’article 76,
tendant à autoriser le Roi à conférer aussi des ordres civils. Donc,
etc. »
On conçoit qu’en
tronquant ainsi une phrase, en l’isolant de tout ce dont elle ne formait que le
complément, on puisse ensuite se permettre de dire hardiment : « Il est impossible
d’argumenter du silence du congrès avec plus de malheur, » expression qui
prouve que M. de Foere est aussi modeste dans ses réfutations que loyal dans
ses citations.
Je dirai à mon
tour qu’on ne pouvait choisir avec plus de malheur le moment de laisser
entrevoir certaines velléités d’usurpation sur le pouvoir constituant, alors
même que la discussion semblait révéler une arrière-pensée qui a réuni une
majorité courageuse. Quoi ! « beaucoup de membres du congrès, et M. l’abbé
de Foere était du nombre, ont laissé au temps le soin d’apprécier l’opportunité
d’un grand nombre de questions qui, si alors elles n’étaient pas posées comme
pouvoirs politiques ou comme prérogatives royales, pouvaient être après
résolues par les chambres en pouvoirs exécutifs ? »
M. de Foere
aurait-il mission de préparer les esprits à l’œuvre du complément des
prérogatives de la couronne et de la mise en action de la maxime si élastique
et si attrayante pour le pouvoir : « Ce que la loi ne défend pas est
permis » ?
J’aime à croire
qu’il n’y a que préoccupation toute candide de la part de M. de Foere ; mais il
n’est pas moins indispensable de nous mettre en garde et d’étouffer dans son
germe une maxime liberticide dont nous ne tarderons pas à ressentir les effets,
que le pouvoir royal et peut-être un autre pouvoir semi-politique chercheront à
exploiter respectivement à leur profit : la dissertation insérée à l’Emancipation laisse entrevoir quelques
désirs au retour vers une division de pouvoirs politiques, peu conformes à la
volonté du pouvoir constituant.
Pour justifier la
maxime la plus anticonstitutionnelle, selon moi, M. de Foere prétend « que
tous les parlements attribuent chaque jour au pouvoir exécutif des pouvoirs qui
ne sont pas déterminés par les constitutions, comme pouvoirs politiques. »
Si M. de Foere
entend parler de l’Angleterre, il a raison ; mais dans ce pays le gouvernement
est tout parlementaire, les trois branches du pouvoir parlementaire sont
omnipotentes, la constitution elle-même est toute d’actes et de rétroactes
parlementaires. Il n’y a donc aucune analogie entre le parlement anglais et le
pouvoir législatif de la Belgique qui est tout d’attribution et de
prérogatives. Seulement, qu’il cite une contrée quelconque soumise au régime du
principe de la souveraineté du peuple, telle qu’elle est établie par l’article
25 de la constitution et par les articles 29 et 78 qui constituent évidemment
une monarchie à prérogatives limitées ; et si sous un pareil régime des
prétentions de la nature de celles résultant de la maxime « tout ce qui
n’est pas défendu est permis » sont admises, je dirai qu’il y a des
exemples de constitutions violées mais que ces exemples ne sont pas bons, à
suivre. Dans toute hypothèse, je défie qu’on me cite un exemple dans les termes
posés.
M. l’abbé de Foere
nous défie de citer un article de la constitution qui défend à la législature
de porter la loi particulière qu’on demande pour l’établissement de l’ordre
civil. Les articles 25 et 78 répondent victorieusement à ce doute de commande ;
la nation elle-même, aux termes de l’article 25, ne peut exercer les pouvoirs
qui résident en elle, comme source de tous les pouvoirs, que de la manière
établie par la constitution ; le pouvoir législatif ou plutôt les deux chambres
qui sont ses mandataires ne peuvent donc agir, comme elle, que dans le cercle
de leurs attributions constitutionnelles, car le mandataire ne peut avoir plus
de droit que le mandant ; d’un autre côté l’article 78, comme nous l’avons déjà
dit, ne donne au pouvoir exécutif d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue
formellement la constitution, c’est-à-dire la section première du chapitre 2 de
la constitution. Voilà des dispositions bien claires et bien précises.
Il est vrai que
l’article 78 ajoute que les lois particulières portées en vertu de la
constitution même peuvent attribuer des pouvoirs au Roi ; mais quelle
conséquence peut-on tirer de cette disposition ? C’est que ce n’est pas à nous
à prouver qu’une loi défend, mais au contraire que c’est à nos adversaires à
citer l’article de la constitution qui autorise le pouvoir législatif à déférer
au pouvoir exécutif des prérogatives laissées au libre arbitre de la
législature par la constitution même. Ainsi, il ne suffit pas de dire qu’on
cherche en vain dans la constitution une disposition qui défend à la
législature de porter une loi particulière qui accorde au Roi des pouvoirs
autres que ceux que lui attribue formellement la constitution ; il faut qu’on
cite un article formel de la constitution qui autorise la législature à porter
cette loi particulière.
Je pourrais suivre
M. de Foere dans d’autres détails ; je pense que je puis me contenter d’avoir
répondu en masse en attaquant la base de tous ses raisonnements.
Je
terminerai en faisant remarquer que M. de Foere est tombé dans une singulière
contradiction ; tandis que ses co-doctrinaires prétendent que c’est surtout
pour récompenser les hommes de la révolution qu’il faut créer un ordre civil et
qu’ils cherchent par là à captiver vos suffrages, M. de Foere trouve qu’il ne
faut pas craindre les embarras résultant des prétentions nombreuses des hommes
de septembre, parce que, dit-il, la loi n’aura pas d’effet rétroactif ; elle ne
sera appliquée, comme les lois pénales, que pour l’avenir. Ainsi tandis que les
uns, s’apitoyant hypocritement sur les justes prétentions des volontaires,
donnent leur suffrage à la loi pour y satisfaire, M. de Foere vous adjure
d’adopter la même loi par la raison que les volontaires n’auront aucun droit à
ses faveurs. Ce n’est pas le seul point sur lequel nos adversaires sont en
contradiction ; ils ne peuvent s’entendre sur la base même de leurs théories,
tant elles sont constitutionnelles et positives. En résumé, le texte et
l’esprit de la constitution repoussent l’ordre civil ; je ne puis donc
l’admettre.
M. de Foere. - L’honorable préopinant me reproche d’avoir gardé
le silence pendant la discussion de la loi et d’avoir parlé d’une autre
tribune. J’ai pour règle de dire ici comme ailleurs ce que je pense et ce que
je crois utile au pays ; mais il m’est arrivé presque toujours que, lorsque
j’ai voulu prendre la parole devant cette assemblée, par lassitude on a demandé
la clôture. Je n’ai pas voulu fatiguer la chambre en lui redisant pour la
vingtième fois la même chose que ce qu’elle avait entendu.
Il
me reproche aussi les termes dans lesquels j’ai écrit mon opinion : j’ai dit ma
pensée dans l’Emancipation avec
fermeté ; ma manière de m’exprimer est loyale et franche ; mais je regretterais
de m’être écarté des convenances parlementaires. Les termes dont je me suis
servi sont ceux qu’on emploie au barreau et dans les assemblées délibérantes ;
on peut dire que des principes sont fallacieux, sans accuser les intentions de
ceux qui les soutiennent ; mes termes n’attaquent que les doctrines, mais ils
n’attaquent l’honneur de personne ni n’injurient personne.
On a prétendu que
j’avais adressé des menaces à l’armée : j’ai dit que l’armée comprendra
pourquoi, dans mon opinion, le Roi ne sanctionnera pas la loi telle qu’elle a
été adoptée par un premier vote.
On a dit aussi que
c’était ailleurs que dans le missel qu’on devait trouver des règles de
raisonnement ; je n’ai suivi que les règles du raisonnement lui-même : au
reste, chacun est libre de suivre les règles de conduite qu’il croit les
meilleures.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne prends la parole dans ce moment
que pour répondre à l’honorable orateur qui, dans le discours qu’il vient de
prononcer, a rappelé que j’avais été rapporteur de la section centrale du
congrès, qui a proposé l’article 6 de la constitution. Dans la précédente
discussion, j’ai commencé moi-même par dire qu’en effet j’avais été rapporteur
de la section centrale, et qu’elle avait été d’avis de rejeter à l’unanimité
l’opinion de ne pas adopter les ordres civils, et d’adopter les ordres
militaires. J’ai aussi été, lors du congrès, de l’avis de ceux qui ont rejeté
les incompatibilités entre les fonctions de membres des chambres et d’autres
fonctions publiques, et cependant les incompatibilités ont été prononcées
depuis, parce que la constitution n’établissant pas la prohibition, c’était au
pouvoir législatif à décider si les incompatibilités pouvaient ou non exister.
Soit qu’il
s’agisse d’incompatibilités, soit qu’il s’agisse d’ordres civils, je ne vois
rien d’inconstitutionnel dans les deux cas. L’inconstitutionnalité doit dériver
de la constitution elle-même, et non de l’opinion des sections centrales.
Quant
aux ordres civils dont on s’occupe en ce moment, il n’y avait rien dans le
projet de la commission du congrès sur les ordres de chevalerie ; dans
plusieurs sections on n’y avait pas pensé ; je faisais partie de la troisième
section qui ne s’est pas occupée de cet objet. Les soirées, lors du congrès,
étaient consacrées aux réunions de la section centrale, et c’est dans une
soirée que la question des ordres a été décidée.
Dans une
précédente séance, j’ai énoncé la réflexion qui m’avait particulièrement frappé
relativement à l’ordre civil : il m’a paru étonnant et inconvenant que le Roi
pût autoriser le port d’ordres étrangers, et qu’il ne pût pas conférer des
ordres civils.
Je me bornerai à
ces observations.
M. Dewitte. - Dans la question grave qui nous occupe, chacun a sa
manière de voir ; je vais en peu de mots développer la mienne.
Quoique je n’aie
pas assisté aux discussions qui ont eu lieu sur le projet de loi relatif à
l’ordre national, j’ai examiné avec attention le projet, le rapport de la
section centrale, la constitution, et les arguments produits pour et contre
l’ordre civil dans cette enceinte.
J’y ai vu que les
adversaires de l’ordre civil s’étaient sur deux motifs : d’abord sur une
prétendue inconstitutionnalité ou violation de l’article 76 de la constitution,
qui résulterait, d’après eux, de l’établissement de cet ordre ; ensuite sur la
crainte que le Roi pourrait en abuser, crainte qu’ils tirent de l’abus qu’a
fait le roi Guillaume d’un ordre de cette espèce.
Je me suis
convaincu, messieurs, que l’un et l’autre de ces motifs sont chimériques : le
démontrer ne sera pas difficile.
De quoi s’agit-il
?
De faire une loi
qui établisse un ordre civil et autorise le Roi à le conférer.
La seule chose à
examiner est donc si, d’après la constitution, nous avons le droit de faire une
telle loi.
L’affirmative me
paraît incontestable.
L’article 25 de la
constitution porte : « Tous les pouvoirs émanent de la nation.
« Ils sont
exercés de la manière établie par la constitution. »
L’article 26 :
« Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la chambre des
représentants et le sénat. »
L’article 27 :
« L’initiative appartient à chacune des trois branches du pouvoir
législatif. »
Il me paraît
évident, d’après cela, que la nation a donné au pouvoir législatif le droit de
faire des lois sur tous objets à l’égard desquels la constitution ne contient
pas un veto absolu.
Y a-t-il
maintenant dans la constitution un article quelconque qui défend au pouvoir
législatif de faire une loi tendant à créer un ordre civil et à donner an Roi
le droit de le conférer ?
Non, messieurs.
L’article 76 en
contient-il la défense ?
Aucunement.
Cet article
défend, et c’est la seule défense qu’il contient, de faire une loi portant
création d’un ordre militaire, dont la collation ne serait pas attribuée au
Roi.
Il ne défend sous
aucun rapport la création, par voie de loi, d’un ordre civil ; il n’est pas
limitatif.
Il laisse par
conséquent ouverture à l’application de la maxime : Quod lex non vetat, licitum
est.
En disant :
« Le Roi conférera les ordres militaires, » il ne dit en aucune
manière qu’il ne peut être créé d’ordre civil.
S’il avait dit :
Il sera ou il pourra être établi des ordres militaires, sans dire mot d’ordre
civil, alors il aurait été limitatif, et ce serait le cas d’appliquer la maxime
Qui dicit de uno negat de altero.
La création d’un
ordre civil n’offre donc rien d’inconstitutionnel ; violation aucune de la
constitution.
La plupart de
ceux-là même qui s’opposent doutent de son existence.
J’en trouve la
preuve dans leurs discours.
S’ils étaient
intimement convaincus que la mesure est inconstitutionnelle, qu’avaient-ils
besoin de recourir, à l’appui de leur
opposition, à un moyen subsidiaire tiré de l’abus qu’à fait le roi Guillaume
d’un ordre de cette espèce ?
Mais, messieurs,
peut-on sainement argumenter de ce qu’a fait le roi Guillaume à ce que fera le
roi Léopold ?
Peut-on
mettre en parallèle le roi qui avait été imposé à la Belgique par la force,
dont presque tous les actes étaient des griefs pour les Belges, et le Roi que
la nation belge s’est librement choisi, et dont les actes de bienfaisance se
disputent le pas ?
Quant à moi j’ai
confiance entière en la loyauté du roi Léopold, qui a uni sa destinée à celle
de la Belgique. Je le crois incapable d’abuser des pouvoirs que nous lui
conférons, celui sans lequel, disons-le franchement, nous serions depuis
longtemps rentrés sous le joug que les Belges ont si glorieusement secoué.
Je voterai donc
contre l’amendement et pour la création de l’ordre civil.
M. A. Rodenbach. - J’ai parlé au congrès des ordres ; j’en ai fait
ressortir l’utilité. Je ne suis pas un menteur, les journaux sont là pour
vérifier mon assertion. Si je vote en faveur de l’ordre civil c’est que je crains
qu’on n’écarte les hommes qui ont fait notre révolution, qui ont chassé les
Hollandais.
Par l’ordre
militaire, on repousse les hommes de septembre et d’octobre ; déjà on les
repousse partout : en créant un ordre civil, le ministère sera bien obligé de
ne pas tant montrer de dédain envers eux.
- La chambre ferme
la discussion sur l’article premier.
L’appel nominal
est demandé par toutes les parties de l’assemblée.
M. le président. - Vous allez voter, par l’appel nominal, sur
l’amendement de M. Leclercq exclusif de l’ordre civil.
- Le résultat de
l’appel nominal donne 35 oui, ou 35 voix pour l’adoption de l’amendement de M.
Leclercq, et 37 non, ou 37 voix contre cet amendement ; ainsi l’amendement est
rejeté.
Voici les noms des
membres qui ont pris part à la délibération :
Pour : MM.
Taintenier, Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch.
de Brouckere, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Desmet,
Destouvelles, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien,
Lardinois, Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron,
Thienpont,Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet,
Zoude.
Contre : MM.
Berger, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, de Foere, de Gerlache, F. de
Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo,
de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Goethals, Helias,
Hye-Hoys, Jonet, Lebeau, Lefebvre, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb,
Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach,
Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke.
M. le président. -. - Nous en revenons à l’article premier de la
section centrale. (L’appel nominal !
l’appel nominal !) C’est la même question.
M. Helias
d’Huddeghem. - Vous voterez à
la fin.
- L’article
premier est mis aux voix et adopté.
Article 2
M. Dumortier. -
La section centrale a été d’avis, à la majorité de 5 voix contre 2, d’admettre
un ordre civil. On a agité ensuite la question de savoir s’il fallait le donner
à des étrangers et aux Belges : on a cru qu’on pouvait le donner aux agents
diplomatiques étrangers, mais qu’on ne devait pas l’accorder aux Belges. Une
disposition avait été rédigée dans cette intention, la voici : « L’ordre
ne peut être conféré aux régnicoles que pour services militaires. » Dans
la section centrale cette proposition fut approuvée par trois membres et
repoussée par trois autres membres ; elle fut en conséquence écartée. Je la
reprends, et la présente comme amendement à la chambre.
M. le président. -. - Envoyez-moi votre amendement.
M. Dumortier.
- Il est imprimé dans le rapport.
M. le président. -. - M. Jonet demande que la décoration civile ne
puisse être accordée qu’à cent personnes régnicoles.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, vous vessez de décider par le rejet de
l’amendement de M. Leclercq qu’il y aura un ordre civil.
Evidemment
l’amendement de M. Dumortier n’est que la reproduction de l’amendement rejeté. En
décidant que l’ordre ne peut être accordé aux régnicoles que pour services
militaires, vous détruisez ce que vous venez de faire.
J’aurais conçu
qu’en adoptant l’amendement de M. Leclercq on parvînt au résultat que propose
l’honorable orateur, c’est-à-dire qu’on aurait pu donner au Roi le droit de
conférer l’ordre à des étrangers pour d’autres services que les services
militaires. Mais si vous adoptez la proposition, vous détruisez, je le répète,
ce que vous venez de faire un instant auparavant.
M. Dumortier.
- Je crois que le ministre se trompe grandement. L’amendement de M. Leclercq
reposait sur la question de constitutionnalité. Cette question est écartée,
reste la question de convenance. Et ici on peut avoir une opinion différente de
celle du ministère. Plusieurs personnes dans les sections n’ont pas cru à
l’inconstitutionnalité ; mais le plus grand nombre ont été convaincues de
l’inopportunité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Ce que dit l’honorable préopinant n’est pas exact.
L’amendement de M.
Leclercq reposait également sur la question de constitutionnalité et
d’opportunité. C’est par ces deux motifs que l’amendement a été appuyé. Au
moment du vote, M. le ministre de la justice avait proposé de mettre la
question aux voix de cette manière : « L’ordre civil est-il ou n’est-il
pas constitutionnel ? » La question ainsi posée a été écartée pour voter à
la fois sur la question de constitutionnalité et d’opportunité.
M. Bourgeois. - Je ne pense pas qu’on puisse écarter l’amendement
de M. Dumortier par une fin de non-recevoir ; mais je ne conçois pas
l’amendement lui-même. Il porte : « L’ordre ne peut être conféré aux
régnicoles que pour services militaires ; » je n’ai pas voulu d’ordre
civil, mais le contexte de cet amendement me paraît être un non-sens. Pour les
services militaires, il y a un ordre créé ; il me paraît qu’il est impossible
qu’on donne aux militaires, pour services militaires, un ordre civil. Quand un
individu a une décoration pour services militaires, c’est l’ordre militaire qui
lui est décerné. L’amendement est composé de phrases qui se détruisent l’une
l’autre.
M. Van Meenen. - Vous venez de créer un ordre national ; vous
n’avez pas dit que l’ordre fût civil ou militaire, vous avez dit simplement
qu’il était national. Il est vrai que le réduire à n’être que militaire, c’est
contraire au vote qui vient d’avoir lieu ; quoiqu’il en soit, vous n’avez pas
déterminé la nature de l’ordre, et c’est mal à propos qu’on prétend écarter
l’amendement par une fin de non-recevoir.
Maintenant cet
amendement, au fond, est-il justiciable ? Quant à moi, je pense qu’oui : quand
vous avez déterminé la création d’un ordre national, vous avez ensuite droit de
déterminer les services pour lesquels l’ordre sera conféré. Faut-il le borner
aux services militaires ? Je le pense fortement.
Il y a nécessité
de créer un ordre militaire ; mais dans les circonstances où nous nous
trouvons, il y a convenance d’établir un ordre civil. Règle générale, les
récompenses civiles doivent être écartées d’un gouvernement représentatif ;
c’est aux électeurs à décerner des récompenses.
-
La chambre ferme la discussion.
L’amendement de M.
Dumortier, mis aux voix, est rejeté.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Jonet : « Il ne
pourra être accordé que cent décorations aux Belges non militaires. »
M.
Jonet. - Je crois que la constitution ne défend pas un ordre
civil ; j’ai donc voté contre l’amendement de M. Leclercq ; mais en partant de
cette idée, je n’adopte pas le principe dans toute son étendue. On a souvent
parlé d’abus dans la délivrance de semblables décorations. A l’égard des
étrangers, je ne vois pas pourquoi on restreindrait la faculté accordée au Roi
de donner des décorations ; mais pour les Belges il en est autrement. Dans
certains cas, il est utile que les diplomates portent des décorations ; il peut
exister d’autres personnes qui peuvent les porter ; le nombre n’en est
cependant pas très étendu ; je voudrais le restreindre autant que possible. En
conséquence, il me paraît que le nombre cent est suffisant. Plus on restreindra
la distribution des décorations, plus elles auront de mérite.
D’un autre côté le
nombre étant restreint, il faudra attendre des décès : il y aura beaucoup de
prétendants, et le gouvernement choisira les plus capables.
Dans plusieurs
pays il existe des ordres dont le nombre des membres est fixé. L’ordre de la
Jarretière a un nombre limité de membres, et c’est par suite de cette
restriction qu’il est plus recherché.
M. Ch. de Brouckere. - J’ai voté contre le principe d’un ordre civil et
militaire ; je voterai pour l’amendement de M. Jonet ; cet amendement est
restrictif, et autant que possible je dois être conséquent avec mon principe,
et quoique je voterai contre la loi, je dois chercher à l’améliorer. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
M. H. de Brouckere. - En restreignant les membres de l’ordre civil à
cent, va-t-on déterminer en même temps le nombre des grands cordons, des
commandeurs, des simples chevaliers ? Si vous ne déterminez pas tout cela,
l’amendement est une inconséquence.
- On procède aussi
à l’appel nominal pour voter sur cet amendement ; mais il n’obtient que 19 voix
en sa faveur, et il est rejeté.
Article 5
L’article 5 du
projet de la section centrale avait été supprimé, il est ainsi conçu :
« Sera soumis à une réélection tout membre des chambres qui accepte
l’ordre à un autre titre que pour motifs militaires. »
M. le président. - Un amendement a été présenté sur l’article 5. M.
Dubus propose cette disposition : « La décoration civile ne peut être accordée
aux membres des chambres, des conseils provinciaux, de l’ordre judiciaire,
aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
M. Dubus. - Cet amendement avait été proposé par la section
dont je faisais partie. Il est dans l’esprit de notre constitution qui veut que
le pouvoir n’ait pas d’influence sur les membres des chambres, des conseils provinciaux
et de l’ordre judiciaire. On a fait remarquer qu’accorder au Roi la nomination
d’un président de première instance, c’était laisser ais Roi trop d’influence ;
vous voyez que l’on a voulu enlever absolument toute influence au pouvoir sur
l’ordre judiciaire. Le Roi a les premières nominations ; mais passé cela,
l’avancement des magistrats n’a lieu que par les suffrages de leurs concitoyens
et de leurs collègues. En donnant au chef de l’Etat le droit d’accorder des
décorations aux membres de l’ordre judiciaire, on lui donne beaucoup
d’influence.
On dira que des
rubans sont peu importants, que ce sont des hochets, des futilités ; s’il en
est ainsi, à quoi bon l’ordre lui-même ? La majorité bien faible qui a adopté
l’ordre civil en juge autrement ; elle croit que c’est un moyen puissant de
gouvernement.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem). - Je pense que l’honorable préopinant accorde aussi
trop de puissance aux décorations ; elles ne peuvent être que la récompense de
grands services, et point un moyen de gouvernement.
M. Van Meenen. - J’appuie l’amendement de M. Dubus ; mais il
faudrait supprimer le mot « civile. » Vous n’avez créé qu’un ordre
national sous le titre d’ordre de Léopold, et destiné à récompenser également les services militaires et les
services civils.
M. Zoude. - Je demanderai la division de l’amendement.
M. le président. - Je mets aux voix la première partie de l’amendement.
« La
décoration ne peut être accordée aux membres des chambres aussi longtemps
qu’ils sont en fonctions. »
-
Presque tous les députés se lèvent pour l’adoption ; un très petit nombre se
lèvent contre.
M. Brabant.,
en riant. - Il y a majorité cette fois.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- On s’est trompé ; il faut renouveler l’épreuve.
M. d’Elhoungne. - La chambre a décidé ; on ne peut faire l’injure aux
membres de la chambre qui se sont levés pour l’adoption de croire qu’ils se
sont trompés.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ce n’est pas une injustice, ce n’est pas la
première fois qu’on se trompe et que l’on recommence l’épreuve.
M. Gendebien. - Si des personnes n’ont pas bien compris la
question, qu’elles se lèvent.
M. Poschet. - Je n’ai pas
bien compris.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Moi-même je n’ai pas bien compris.
M. le président. - Si plusieurs personnes réclament, on va recommencer
l’épreuve.
Plusieurs membres. - Il y a décision ! il y a décision !
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faut faire au moins la contre-épreuve.
M. F. de Mérode. - Il faut faire la contre-épreuve.
M. Brabant.
- La contre-épreuve a été faite ; MM. Verdussen et F. de Mérode se sont levés
contre.
M. Verdussen. - Je me suis
levé contre et j’ai très bien compris. (L’appel
nominal ! l’appel nominal ! Non ! non !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Il faudrait, je crois, voter par appel nominal.
M. le président. - Si on veut recommencer l’épreuve, nous sommes dans
les termes du règlement. (Il y a décision
! il y a décision ! il y a décision !)
M. Lebeau. - S’il y a
majorité, le renouvellement de l’épreuve ne fera que la confirmer.
M. le président. - Je vais mettre aux voix les trois parties de
l’amendement :
« 1° La
décoration ne peut être accordée aux membres des chambres aussi longtemps
qu’ils seront en fonctions. »
- Adopté.
« 2° La décoration ne peut être accordée aux membres des conseils
provinciaux aussi longtemps qu’ils seront en fonctions. »
- Adopté. (On rit.)
« 3° La
décoration ne peut être accordée aux membres de l’ordre judiciaire aussi
longtemps qu’ils seront en fonctions. »
-
Adopté. (Hilarité générale.)
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faut mettre aux voix l’article dans son entier,
après en avoir voté les parties.
M. Leclercq. - Vous ne pouvez pas mettre d’article aux voix. On
proposé un amendement à la chambre. On en a demandé la division ; d’un article
on en a fait trois.
Pourquoi en a-t-on
demandé la division ? Parce que l’article comprenait trois choses. Si
maintenant vous votez sur leur ensemble, vous détruisez la division. La
constitution dit positivement que les chambres ont le droit de diviser les
articles.
M. Devaux. - L’opinion de M. Leclercq est contraire à toua les
usages, à tous les antécédents ; vous pouvez avoir adopté chaque partie de
l’article et ne pas vouloir de l’article dans son ensemble, et tel qu’il se
trouve composé. De même qu’il faut voter sur l’ensemble d’une loi après avoir
voté sur les articles, de même il faut voter sur la réunion des parties de
l’article. Il y a manifestation de l’opinion de la majorité de la chambre sur
chaque partie et non sur leur réunion.
M. Leclercq. - Il ne s’agit pas de savoir ce qui est conforme aux
antécédents : il s’agit de savoir ce qui est raisonnable. Quand la division est
demandée, elle est de droit. L’on fait d’un article plusieurs articles.
Demander la division pour voter ensuite sur l’ensemble serait une absurdité.
M. Nothomb.
- Quand un article comprend plusieurs amendements, nous votons sur l’ensemble
de l’article après que les amendements ont été successivement adoptés. Il faut
procéder de la même manière sur l’amendement divisée en trois : l’article
proposé a été fractionné en trois paragraphes ; il faut voter sur l’ensemble
des paragraphes.
M. Verdussen. - Il est impossible qu’un article soit adopté
paragraphe par paragraphe et que l’ensemble soit rejeté. Dans une assemblée de
90 membres, par exemple, il peut s’en trouver 60 pour le premier paragraphe,
autant pour le second, autant pour le troisième ; mais comme dans ceux qui ont
voté pour chaque paragraphe il s’en trouve qui n’admettent pas les deux autres
ils se réunissent pour faire échouer l’article.
M. le président. - On vote toujours sur l’article après avoir voté sur les parties.
M. Ch. de Brouckere. - Je ne sais plus à quoi sert la division, si après
avoir divisé l’article on vote sur l’ensemble. Si on divise un article, c’est
parce que la question est complexe. Je dis que l’on a adopté trois articles qui
seront les articles 5, 6, 7 de la loi.
M. Gendebien. - On vient de nous présenter de faux calculs sur une
assemblée composée par hypothèse de 90 membres ; la majorité de cette assemblée
étant de 46 ne rend pas le rejet possible quand 60 membres ont voté l’adoption
des paragraphes. (L’appel nominal !
l’appel nominal !)
M. le président. - Voici l’article 5 d’après l’amendement : «
La décoration ne peut être accordée aux membres des chambres, de conseils
provinciaux, de l’ordre judiciaire, aussi longtemps qu’il seront en
fonctions. »
- On procède à
l’appel nominal sur cet article.
Cet appel nominal
donne pour résultat 34 oui, 38 non ; cet amendement est rejeté.
Voici les noms des
membres qui ont voté pour et contre l’amendement.
Pour l’amendement
: MM. Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de
Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Desmet, d’Hoffschmidt,
Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Goethals, Jonet, Lardinois,
Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont, Vanderbelen, Van
Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet.
Contre : MM.
Berger, Taintenier, Boucqueau, Coghen, Cols, H. de Brouckere, de Gerlache, F.
de Mérode. de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq,
de Theux, Devaux, Dewitte, Duvivier, Helias, Hye-Hoys, Lebeau, Lefebvre,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet,
Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen,
Vuylsteke, Zoude.
M. le président. - Voici l’article 5 ancien :
« Sera soumis
à une réélection tout membre des chambres qui accepte l’ordre à un autre titre
que pour motifs militaires. »
- Cet article est
mis aux voix.
Une première épreuve
est douteuse. Une seconde paraît également douteuse.
On procède à
l’appel nominal.
41 membres
présents répondent oui, 30 répondent non.
L’article est
adopté.
Voici les noms des
membres qui ont voté pour et contre l’article 5.
Pour : MM.
Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch. de
Brouckere, de Foere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmet, Destouvelles,
d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Goethals, Jonet,
Lardinois, Leclercq,, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron, Thienpont,
Vanderbelen, Van Innis,Van Meenen, Vergauwen, Verhagen et Watlet.
Contre : MM.
Berger, Taintenier, Boucqueau, Coghen, Cols, H. de Brouckere, F. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux,
Dewitte, Duvivier, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Lebeau, Lefebvre, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet, Raikem, A.
Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vuylsteke,
Zoude et de Gerlache.
Article 6
M. le président. - On a effacé un mot dans l’article 6.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- L’amendement a été consenti.
Vote sur l’ensemble du projet de loi
M. le président. - On va procéder à l’appel nominal sur l’ensemble de
la loi.
37 membres
présents répondent oui.
35 membres
répondent non.
La loi est adoptée
et sera renvoyée au sénat.
Voici les noms des
orateurs qui ont voté pour et contre la loi :
Pour : MM. Berger,
Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, de Foere, de Gerlache, F. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte,
Duvivier, Goethals, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jonet, Lebeau, Lefebvre,
Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet, Poschet,
Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vandenhove, Verdussen,
Vuylsteke.
Contre : MM.
Taintenier, Bourgeois, Brabant, Coppens, Corbisier, Dautrebande, Davignon, Ch.
de Brouckere, H. de Brouckere, de Haerne, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme,
Desmet, Destouvelles, d’Hoffschmidt, Domis, Dubus, Dumortier, Fleussu,
Gendebien, Lardinois, Leclercq, Liedts, Mary, Osy, Raymaeckers, Seron,
Thienpont, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Verhagen, Watlet,
Zoude.
PROJET DE LOI FIXANT LE TRAITEMENT DES MEMBRES
DE L’ORDRE JUDICIAIRE
Discussion générale
La suite de
l’ordre du jour est la discussion du projet de loi portant règlement du
traitement des membres de l’ordre judiciaire.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne puis pas me rallier à tous les
amendements proposés par la section centrale sur le projet de loi destiné à
fixer les traitements des membres de l’ordre judiciaire.
Ce n’est pas
messieurs, que je ne désire voir améliorer le sort des membres de cet ordre
respectable. Mais, comme j’ai déjà eu l’honneur de l’annoncer dans l’exposé des
motifs du projet, nous devons aussi porter notre attention sur nos ressources
financières.
Le projet, tant
pour la formation de la cour de cassation, que pour l’augmentation de
traitement des juges de première instance et des juges de paix, donnera lieu à
une augmentation de dépense de près de 400,000 francs.
J’en ai remis le
calcul à l’honorable rapporteur de la section centrale. Nous avions cru ne pas
devoir aller au-delà.
Je ne ferai
maintenant que quelques courtes observations sur les articles amendés par la
section centrale.
Le taux des traitements
dépend d’une certaine gradation qui doit être observée. Et, puisque la section
centrale a élevé le taux du traitement des membres des cours d’appel, je
conçois qu’elle ait élevé celui des membres de la cour de cassation. En effet,
il est à désirer que l’on appelle à cette cour les jurisconsultes les plus
instruits de toutes les parties du royaume. Il faut donc qu’ils trouvent plus
d’avantage à la cour de cassation, que dans les cours d’appel. Il faut au moins
qu’ils y trouvent un avantage qui compense le déplacement auquel ils peuvent
être obligés.
C’est le but qu’on
avait tâché d’atteindre par le projet.
Si le traitement
des membres de la cour de cassation reste tel qu’il y est fixé, il y aura
également lieu de maintenir celui fixé dans le projet pour les cours d’appel.
Toutefois, je ne m’opposerai pas à la proposition de la section centrale de
fixer le traitement des avocats-généraux comme celui des présidents de chambre.
Des sections avaient
proposé d’admettre une augmentation pour les membres de la cour d’appel de
Bruxelles par le motif que le séjour de la capitale occasionnerait un surcroît
de dépense. L’assemblée appréciera cette proposition. J’observerai que la
remarque que je viens de faire ne leur est pas applicable. Ils ne seraient
sujets à aucun déplacement, s’ils venaient ensuite à être appelés à la cour de
cassation. .
Quant aux
tribunaux de première instance, la section centrale propose de réunir les deux
premières classes, en portant le traitement de la seconde à celui de la
première. Le projet contient déjà une augmentation à l’égard de la deuxième
classe. Et, dans les circonstances actuelles, je ne vois pas de motif
d’augmenter davantage.
Je ne vois pas non
plus de motif d’augmenter le traitement des présidents de la troisième classe
du projet, qui forme la deuxième de la section centrale.
Elle propose, en
outre, de porter la ville de Tournay dans cette classe. Les motifs qui ont été
énonces à la section centrale seront appréciés par l’assemblée.
Quant aux juges de
paix, la section centrale porte tous les chefs-lieux d’arrondissement
judiciaire dans la seconde classe ; et elle augmente le traitement des
greffiers.
Le juge de paix
doit sans doute réunir des connaissances qu’on n’exige pas dans un greffier.
C’est le motif de l’augmentation des premiers.
La section
centrale encore fait quelques changements au projet. Il y en a auxquels je ne
m’opposerai pas. Mais, comme nous ne sommes pas d’accord avec la section
centrale sur les bases principales du projet, je demanderai que le projet du
gouvernement soit soumis à la discussion, et que les dispositions proposées par
la section centrale soient discutées comme amendements.
Discussion des
articles
Personne ne
demandant la parole sur l’ensemble de la loi, la discussion générale est close,
et l’on passe à la discussion des articles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). -
M. le ministre de la justice demande que l’on suive l’ordre du gouvernement et
non celui de la section centrale. Le gouvernement procède par les sommités pour
arriver au dernier degré de l’échelle judiciaire.
M. Lebeau. - Ce que la section centrale propose est l’ordre que
vous avez suivi lors de la discussion de la loi sur l’organisation judiciaire :
vous avez pensé que, pour déterminer le personnel des cours et tribunaux, il
fallait suivre une progression croissante ; par analogie, dans la dénomination
des traitements, il faut suivre la même marche et commencer par fixer le
traitement des juges de paix. C’est le moyen qui nous a paru le plus facile
pour maintenir la hiérarchie judiciaire.
- La chambre
consultée décide qu’elle suivra la progression croissante, et qu’elle
commencera par la cour de cassation.
« Art. 1er.
(présente par la section centrale) :
« Le
traitement des membres de la cour de cassation est fixé comme il suit :
« Premier
président : fr. 15,000.
« Président
de chambre : fr. 12,000.
« Conseiller :
fr. 10,000.
« Procureur-général
: fr. 15,000.
« Avocat-général
: fr. 10,000.
« Greffier :
fr. 6,000.
« Commis-greffier
: fr. 3,500. »
M.
Verdussen.
- Je demande la division.
M. Gendebien. - Je voudrais qu’on me dît pourquoi le greffier aura
6,000 francs ?
M. Dumortier.
- Il y a quelque chose de bien notoire, c’est que dans plusieurs sections on a
demandé des réductions, et voilà que la commission nous propose des
augmentations. Je demande que le premier président de la cour de cassation ait
12,000 fr., les présidents de chambre 10,000 fr., et les conseillers, 8,000 fr.
M. Lebeau. - Si la section centrale n’est que l’archiviste des
autres sections, elle doit faire purement l’office d’un secrétaire ; eh bien,
tel n’a pas été le rôle de la section centrale.
Il se peut que
numériquement les sections aient demandé des réductions ; mais la section
centrale peut avoir recours à ses lumières. On a considéré que le premier
président de la cour de cassation était le chef d’un des trois pouvoirs de
l’Etat ; qu’il doit rester dans la capitale ; que si son traitement ne le met
pas en état de tenir une position convenable, il sera effacé par tous les
pouvoirs parallèles.
Vous donnez ici
15,000 fr. au premier président de la cour de cassation, tandis qu’en France il
en a 60,000 ; 15,000 fr. est le traitement des conseillers.
M. Dumortier.
- La section centrale doit avoir égard à l’opinion de la majorité des sections.
La section centrale devait augmenter les traitements des juges de paix, des
juges de première instance, et non les traitements des sommités.
Le premier
président de la cour des comptes n’a que 6,000 fr. ; les ministres n’ont que
20,000 fr., et ils ne sont pas inamovibles comme le premier président.
M. Gendebien. - Je crois que le moment est venu de réparer une
grande injustice envers le pouvoir judiciaire. Pour avoir des hommes
indépendants, il faut avoir des hommes capables et des hommes qui ne soient pas
dans une position fâcheuse.
Je ne trouve pas
trop élevé le traitement de 15,000 francs pour le premier président. Vous
donnez à un général de division 8,860 florins, non compris les vivres de
campagne ; à un général de brigade vous donnez 6,150 florins ; vous donnez
10,000 florins à un archevêque ; il ne peut pas être plus qu’un premier
président, qui est le chef d’un pouvoir, il a plus de besogne qu’un archevêque,
et sa position suppose bien d’autres connaissances.
Vous avez doté
richement la liste civile. Vous lui avez donné 1,300,000 florins, et vous
voulez mettre l’ordre judiciaire dans une situation inférieure aux généraux et
aux évêques. Malheureusement pour le commerce des hommes on ne juge que sur
l’apparence, que sur l’éclat extérieur.
M. Lebeau. - Il faut s’entendre accuser tour à tour de
parcimonie et de prodigalité avec la même injustice : lorsque naguère je soutenais
qu’il fallait dans les personnes des juges la qualité plutôt que la quantité,
on m’accusait de lésiner ; mais nous avons dit qu’en diminuant le nombre des
juges, on pouvait améliorer le sort des magistrats.
Quant à l’opinion
de M. Dumortier que la section centrale est inviolablement liée à l’avis des
sections…
M. Dumortier.
- Je n’ai pas dit cela !
M. Lebeau. - C’est le sens de vos paroles ; nous ne faisons pas
constater devant notaire les mots employés… La section centrale n’est pas liée
par l’opinion des sections.
M. Dubus. - Il faut assurer l’indépendance des magistrats de
l’ordre judiciaire ; mais cette indépendance ne tient pas aux traitements des
hauts fonctionnaires, elle tient à un traitement suffisant pour ceux qui sont
dans les degrés inferieurs. Je crois que le projet du gouvernement établir une
juste proportion.
M. A. Rodenbach. - Il faut rétribuer convenablement les juges de paix
; ce sont eux qu’il faut rendre indépendants. En France où il y a 32 millions
d’habitants, on peut rétribuer chèrement les magistrats ; songez qu’ici il n’y
a que 3 millions 700 mille habitants. J’appuierai le chiffre ministériel qui
est déjà trop élevé.
M. le président. - M. Zoude a proposé 12,000 fr. pour le premier
président de la cour de cassation.
- L’amendement de
M. Zoude est rejeté.
M. Dubus. - Il faut
mettre aux voix 14,000 fr., chiffre du ministère.
M. le président. - Il faut mettre aux voix 15,000 fr., amendement de
la section centrale.
Le chiffre de
15,000 fr. est rejeté.
Le chiffre de 14,000
fr. mis aux voix est adopté.
Le chiffre de
11,000 fr. pour les présidents de chambre est adopté.
Le chiffre de
9,000 fr. pour les conseillers est mis en délibération.
M. Dumortier.
- J’ai proposé huit mille francs.
M. le président. - Vous n’avez rien déposé.
L’amendement de M.
Dumortier mis aux voix est rejeté.
Le chiffre de
9,000 fr. est adopté.
Le chiffre de
14,000 fr. pour le procureur-général est adopté.
M. Gendebien. - Je ne puis admettre le chiffre de 8,000 fr. et de
6,000 fr. pour le greffier, qui est un simple particulier qui n’a rien à faire
et qui n’a pas même besoin de savoir grand-chose. Il signe, voilà tout.
M. Lebeau. - Il a une responsabilité.
M. Gendebien. - Quelle responsabilité dans une cour qui rendra 60
ou 80 arrêts par an ! Je demande qu’on donne 4,000 fr., par an au greffier. Il
a un casuel.
M. Bourgeois. - Je crois qu’il y aurait inconvénient et injustice
dans l’amendement de la section centrale et dans les autres amendements.
Ce greffier ne
jouit en aucune matière des droits de greffe.
Ni la loi du 21
ventôse an VII, ni les lois subséquentes ne lui allouent des indemnités pour
les expéditions qu’on délivre au greffe de la cour de cassation.
On a suivi à
Bruxelles l’usage existant à Paris, c’est de percevoir pour chaque rôle
d’expédition d’arrêt en matière civile seulement 50 centimes, desquels le greffier
paie à l’expéditionnaire 12 centimes.
Dans
la supposition que l’on expédierait pendant une année 70 arrêts, chacun évalué
a 20 rôles, ce qui ferait 1,400 rôles à 50 centimes, déduction faite de ce qui
se paie à l’expéditionnaire, le greffier aurait de ce chef un bénéfice net de
532 fr.
En matière
criminelle et correctionnelle, toutes les expéditions se délivrent sans
émoluments pour le greffier, tandis que celui-ci est tenu de payer de sa bourse
les expéditionnaires et sans doute un employé supérieur chargé de recevoir les
pourvois.
Une observation
qui milite encore en faveur du greffier pour que son traitement soit égal à
celui des conseillers est qu’il lui faudra deux expéditionnaires, lesquels ne
se contenteront point d’une somme de 8,168 fr., valeur de 1,400 rôles
d’écritures en matière civile, et encore être astreint.
Je voterai le
maintien du chiffre de l’article.
M. Barthélemy. - Je ne comprends pas cette tendresse pour les
greffiers. Il y a quatre ans on voulait les réduire à leur juste valeur.
Le greffier de la
cour de cassation va avoir deux commis-greffiers ; je demande ce que ces
personnages vont faire ? Il y aura cent pourvois par an en matière criminelle,
autant en matière civile ; le greffier mettra à l’encre rouge pour dater le
jour de la présentation du pourvoi, il enregistrera ce pourvoi, et le fera
remettre au conseiller-rapporteur. Il n’ira pas à l’audience. Les deux commis
sont de trop, car il y aura à peine deux ou trois audiences par semaine ; quant
aux arrêts, ce sont les rapporteurs qui donnent les motifs. Remarquez que les
commis-greffiers sont payés par le trésor public. D’après ces considérations je
pense qu’on peut réduire considérablement le traitement du greffier.
M. d’Elhoungne. - Je me rangerai à la proposition ministérielle, mais
je rétracterai le traitement des commis-greffiers qui, étant des employés,
doivent être salariés par lui. C’est ce qui a lieu en France.
Je demande qu’on
accorde 8,000 fr. et qu’on retranche ces traitements des commis-greffiers.
M. Bourgeois. - Je suis étonné que M. Barthélemy nous objecte une
grande tendresse pour les greffiers ; M. Barthélemy, ministre de la justice, avait une autre tendresse
pour eux, et à la tendresse qu’il leur montre actuellement, j’opposerai la
tendresse qu’il leur a portée dans un autre temps.
M. Barthélemy. - Le projet que j’avais présenté comme ministre de la
justice, et où naturellement il était question de greffier, ce projet n’était
pas de moi seul, il était du gouvernement.
M. Destouvelles. - Je voterai pour le maintien du chiffre ministériel.
Il faut des conditions pour être greffier et commis-greffier ; il faut être
licencié en droit, avoir suivi le barreau pendant quelques années ; de tels
hommes ne peuvent être considérés comme de simples expéditionnaires. Si le
greffier était obligé de payer les commis-greffiers, il ne lui resterait rien.
M. d’Elhoungne. - Le greffier peut n’avoir à salarier qu’un
commis-greffier. Je demande le retour à l’ancien régime.
Les
commis-greffiers sont salariées en France par le greffier. Le greffier mettra
les traitements à leur taux exact, tandis que le gouvernement ne peut atteindre
à l’économie des particuliers.
M. Dubus. - L’honorable préopinant a perdu de vue la loi sur
l’organisation judiciaire ; selon l’article 4, il y a un greffier et deux
commis-greffiers. Le greffier n’aurait pas la faculté de se restreindre à un
seul commis-greffier. Il n’est pas moins libre dans ses choix puisque, pour
être commis-greffier, des conditions sont nécessaires. Cinq sections ont
proposé de réduire le traitement du greffier à 6,000 fr., traitement égal à
celui d’un conseiller de cour d’appel.
M. Leclercq. - Si on donne 8,000 fr. au greffier, il faudra un
faible conseil pour qu’il ait autant qu’un conseiller à la cour de cassation.
Sa responsabilité est cependant moins grande que celle du conseiller ; il n’a
pas besoin d’une aussi grande instruction. Il me semble que le traitement des
conseillers à la cour d’appel suffit au greffier, c’est-à-dire, 6,000 fr.
M. Destouvelles. - Un conseiller à la cour d’appel n’a pas besoin de
toucher à son traitement ; le greffier doit avoir des expéditionnaires, il faut
qu’il fournisse les choses nécessaires à son bureau. En recevant 8,000 fr., il
faudra qu’il en défalque 2 ou 3 mille pour chauffage et traitement des
expéditionnaires.
M.
Jonet. - Le greffier ne paie pas les expéditionnaires ; les
expéditionnaires sont payés par les rôles qu’ils font ; le greffier a même un
bénéfice sur les expéditionnaires.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Il me semble que l’on ne peut pas réduire le
traitement du greffier à 6,000 fr. Il y aurait disproportion trop grande
entre le traitement des membres de la cour de cassation et celui du greffier.
Il faut avoir de bons greffiers aussi bien que de bons conseillers : et si vous
voulez avoir de bons greffiers, ii faut les rétribuer.
M. Devaux. - Je crois que si vous allouez 6,000 fr., c’est tout
ce qu’il faut au greffier. Des conseillers de cour d’appel n’ont actuellement
que 5,000 fr.
Quand un greffier
de la cour de cassation n’aurait que 5,000 fr., déduction faite des faux frais,
ce serait assez. C’est peut-être près de la cour de cassation que les fonctions
de greffier exigent le moins de haute capacité. Le greffier est un secrétaire.
Il n’a pas de décisions à prendre.
M. Gendebien. - Le greffier mettra en poche la totalité du
traitement qu’il aura. Il expédiera un grand nombre de rôles par cause, et avec
50 causes, il pourra avoir 5,000 fr. de bénéfice. Il prendra deux
expéditionnaires sur lesquels il fera encore 3,000 fr. de bénéfice.
L’expérience
prouve que les greffiers ne savent rien et n’ont besoin de rien savoir. Je
connais tel greffier qui ne savait écrire ni le flamand ni le français, et qui
gagnait, disait-on, 18,000 fr. par an : je veux bien mettre qu’il ne gagnait
que 15,000 fr. Je refuserai tout, excepté 5,000 fr. ou 6,000 fr. au greffier.
Je suis prêt à
donner 10,000 fr. au greffier, à condition qu’il paiera les commis-greffiers.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne crois pas que nous ayons l’intention d’avoir
des incapacités pour greffiers ; ils sauront écrire le français ou le flamand.
En fixant légalement le traitement des greffiers et commis-greffiers, c’est le
moyen d’en avoir de bons. Je crois qu’on a beaucoup exagéré les bénéfices des
greffiers. M. Bourgeois a présenté des calculs auxquels on n’a pas répondu.
M. Gendebien. - Ce que j’ai dit était pour prouver que, pour être
greffier, il ne fallait pas une grande capacité. A quoi bon de la capacité dans
les greffiers ? Voulez-vous faire une académie de greffiers ? (On rit.) Avec un homme médiocre le
greffe marche très bien. Ici je demande des diminutions. Quand il s’agira des
tribunaux de première instance, je demanderai des augmentations ; j’en
demanderai à chaque pas.
M. Bourgeois. - Je voudrais répondre. (La clôture ! la clôture ! la clôture !)
- La chambre
consultée ferme la discussion.
M. le
président. - Il y a trois
amendements : 1° M. Gendebien propose 5,000 fr. ; 2° M. Jonet propose 8,000 fr.
à condition que le greffier paiera les commis-greffiers ; 3° la section centrale propose 6,000 fr.
- L’amendement de
M. Jonet est d’abord mis aux voix et rejeté.
L’amendement de M.
Gendebien est ensuite mis aux voix.
Deux épreuves successives par assis et levé sont
douteuses ; on procède à l’appel nominal.
30 membres
répondent oui ;
30 répondent non.
L’amendement est
rejeté.
L’amendement de la
section centrale est adopté.
On met en
délibération le traitement des commis-greffiers porté à 3,500 fr.
M. Gendebien. - Les commis-greffiers sont deux sinécures, ce sont
des faveurs qu’on crée. Quand le budget viendra, vous aurez à payer.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce ne sont pas des sinécures. Le projet du
gouvernement porte, comme celui de la section centrale, 3,500 fr.
M. Gendebien. - Mettez 3,000 fr.
- Le chiffre de
3,000 fr. est adopté.
« Art. 2. Le
traitement des membres des cours d’appel est fixé comme il suit, pour les trois
cours :
« Premier
président : fr. 9,000 ;
« Président
de chambre : fr. 7,000 ;
« Conseiller
: fr. 6,000 ;
« Procureur-général
: fr. 9,000 ;
« Avocat-général
: fr. 7,000 ;
« Substitut :
fr. 5,000 ;
« Greffier :
fr. 4,000 ;
« Commis-greffier
: fr. 2,500.
« Indemnités
aux conseillers délégués pour présider les assises ailleurs que dans le siège
de la cour d’appel : fl. 90. »
M. Van Meenen. - La règle générale qu’on a adoptée n’est pas équitable. Les
résidences de Liége, de Gand, de Bruxelles sont différentes quand je considère
les populations et la nature des affaires que ces cours d’appel sont appelées à
juger. Je crois qu’il ne faut pas d’une base fixe et invariable,
A la cour de
Bruxelles, on devra traiter à la fois les affaires en français et en flamand.
Il y a une grande différence entre la cour de Bruxelles et celle de Liége.
Cette différence qu’il faut établir ne tend pas à mettre les conseillers de la
cour de Liége dans un état d’infériorité vis-à-vis des autres. A Gand il y a
les mêmes observations à faire. Je soumets ces considérations à la chambre.
M. Helias
d’Huddeghem. - Vous avez
restreint le nombre des conseillers à Gand ; il n’y en a que 15, tandis qu’il y
en a 18 à Bruxelles. La population du ressort est plus considérable que celle
du ressort de Bruxelles.
Bruxelles et Liége
ont toujours été mis sur le même rang pour les tribunaux de première instance.
M. Gendebien. - J’appuie les considérations exposées par M. Van
Meenen ; les loyers, les contributions, la vie sont plus chers à Bruxelles qu’à
Gand et à Liége. Bruxelles est capitale, et cette circonstance exigera des
dépenses de la part des conseillers.
M. Bourgeois. - La différence existe entre les deux ressorts. A
Bruxelles, le premier président à 14,000 fr. ; à Liège, il a 12,000 fr.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - A différentes époques il y a eu de la différence
entre les ressorts. Les premiers présidents ont d’abord eu 10,000 fr., à Liége
et 15,000 fr. à Bruxelles ; maintenant ils ont 12,000 fr. à Liége et 14,000 fr.
à Bruxelles.
M. Gendebien. - Il existe des différences, il faut les conserver.
Il faudrait une différence de 1,500 fr. au moins pour les premiers présidents
et une différence de 500 fr. pour les conseillers.
Il y a anomalie à donner
au premier président d’une cour d’appel et au conseiller à la cour de cassation
le même traitement ; si vous laissez le traitement le même, le premier
président voudra être membre de la cour de cassation ; là il aura moins de
besogne à faire et plus d’honneur. Je crois qu’il faut augmenter les premiers
présidents et les procureurs-généraux de manière qu’ils n’aient rien à désirer.
M. Nothomb.
- Nous ne savons pas au juste sur quoi nous discutons maintenant ; il n’y a pas
d’amendement déposé. Sur le principe qui découle des observations présentées,
on ne peut pas improviser un chiffre pour chaque ressort.
Il faut d’abord
savoir si le principe sera adopté, puis on renverra à la section centrale la
graduation des traitements.
M. Dumortier.
- A traitement égal il est plus avantageux de le recevoir à Liége qu’à
Bruxelles où toutes les dépenses sont plus fortes. Ensuite un premier président
d’une cour d’appel est dans une position pins favorable que celle d’un
conseiller à la cour de cassation qui n’est que de second ordre. Aussi un
premier président ne désirera pas venir à Bruxelles.
J’aurais désiré
que le traitement des conseillers pût être fixé comme le proposait le ministre
de la justice. Il aurait fallu mettre 500 fr. de plus pour les conseillers qui
sont à Bruxelles, à cause des loyers. Je voudrais qu’on donnât 5,000 fr. aux
conseillers de Liége et de Gand et 5,500 fr. à ceux de Bruxelles.
M. Gendebien. - Je proposerai un amendement dans le même but.
Quand un premier
président de cour deviendra âge et n’aura plus toute l’activité désirable,
cependant cet homme versé dans la science du droit pourra être un excellent
conseiller ; dans ce cas ce serait pour lui une retraite bien honorable que
celle de conseiller à la cour de cassation. Je ne vois pas de motif pour ne pas
placer un premier président d’appel sur la même ligne qu’un conseiller de la
cour de cassation.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Vous avez vu quel était le système du projet du
gouvernement, c’était de placer sur la même ligne les premiers présidents de
cour d’appel et un conseiller à la cour de cassation. On conviendra que la cour
de cassation est supérieure dans la hiérarchie judiciaire, c’est ce qui est
établi par nos lois. Je pense que le traitement d’un premier président doit
être le même que celui de conseiller à la cour de cassation ; il faut qu’un
premier président d’appel ait l’espoir de devenir président de chambre à la
cour de cassation ; un premier président de cour ne peut parvenir ainsi sans le
suffrage de ses collègues.
M. Gendebien. - Il ne faut pas une grande activité pour être
président ; un premier président n’est pas obligé à rédiger les arrêts. Il fait que tous les conseillers de la cour de
cassation aient cette capacité, sans quoi la besogne tombe sur quelques-uns qui
sont bientôt fatigués, et les affaires sont retardées ou la besogne est mal
faite.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Un conseiller peut toujours faire un rapport ;
l’âge n’empêche pas de remplir ce devoir ; on le voit à la cour de cassation de
France.
M. Helias d’Huddeghem. - La cour de Bruxelles est séparée en deux ; le
motif disparaît de faire une différence entre Liége et Bruxelles.
Gand, Bruxelles et
Liége, ont toujours été dans la même classe. C’est une erreur de prétendre que
la vie animale soit moins chère à Bruxelles qu’à Gand.
La population de
la cour de Gand est le tiers du royaume ; Gand n’a que 15 conseillers, tandis
que Bruxelles a 28 conseillers. Donc surcroît de besogne pour Gand, et les
conseillers seraient moins rétribués ! Il y a de l’injustice.
- La chambre ferme la discussion.
M. le
président. - M. Gendebien
demande que les premiers présidents des cours d’appel aient 1000 fr. de plus à
Bruxelles qu’à Liége et à Gand ; de même pour les procureurs-généraux.
M. Gendebien. - Je demande en outre une augmentation de 500 fr.
pour les conseillers d’appel qui sont à Bruxelles.
M. Dumortier.
- Je demande que les premiers présidents de toutes les cours aient une
augmentation de 1,000 fr. sur les conseillers de la cour de cassation.
- Les amendements
de M. Gendebien sont successivement mis aux voix et rejetés.
Le traitement de
9,000 fr. pour les premiers présidents est mis aux voix et adopté.
Il est quatre
heures. La suite de la discussion est renvoyée à demain.
PROJET DE LOI RELATIF AUX CONCESSIONS DE PEAGES
Avant de se
séparer, MM. les députés entendent un rapport de la section centrale sur un
projet de loi concernant les concessions de péages. Voici comment s’exprime
l’honorable rapporteur :
M. Dellafaille.
- Messieurs, les avantages résultant de la confection des travaux publics au
moyen de péages accordés aux entrepreneurs ont engagé tous les gouvernements à
employer ce mode d’exécution qui multiplie les débouchés du commerce et de
l’industrie sans grever le trésor de l’Etat. Jusqu’à ce jour le pouvoir exécutif
s’est attribué le droit d’accorder les concessions de ce genre ; et, dans un
temps où ses limites étaient ou mal définies ou sans cesse étendues par de
nouvelles usurpations, il a pu aisément exercer cette prérogative sans qu’il
s’élevât aucune réclamation : mais aujourd’hui que la constitution a tracé ces
limites d’une manière nette et précise, des doutes se sont élevés sur la
légalité de cette prétention, et l’on a contesté au gouvernement un droit dont
il semblait se croire l’héritier. C’est, comme il vous l’a dit, dans la vue de
faire cesser toute incertitude à cet égard, que M. le ministre de l’intérieur
vous a présenté le projet de loi sur lequel votre section centrale m’a chargé
de vous faire le présent rapport.
Quatre sections
ont admis purement et simplement l’ensemble du projet ; la troisième a agité la
question de savoir si, pour accorder un péage même temporaire, il ne fallait
pas un acte du pouvoir législatif ; cependant elle s’est déterminée pour la
négative, à la majorité de trois voix contre deux.
La cinquième s’est
demandée si la concession des péages ne constituait pas un impôt qui, aux
termes de l’article 113 de la constitution, ne saurait être imposé au profit
d’un particulier. Après quelque discussion, ajoute le procès-verbal, cette discussion
est décidée négativement.
Votre section
centrale a naturellement fixé en premier lieu son attention sur ces deux
questions. Elle a partagé à l’unanimité l’avis définitif de la cinquième
section, se fondant sur ce qu’un péage n’était pas un impôt au profit de
l’Etat, et qu’en tout cas, les premiers mots de l’article invoqué : « hors
les cas formellement exceptés par la loi » laissaient à cet égard toute la
latitude désirable.
Quant à
l’observation consignée au procès-verbal de la troisième section, deux
questions ont été soulevées : la première sur la constitutionnalité, la seconde
sur la convenance de la faculté laissée au pouvoir exécutif d’accorder des
concessions temporaires.
Les articles 110
et 78 de la constitution ont été invoqués pour établir que cette faculté
pouvait être accordée ; mais votre section centrale a pensé que les péages ne
constituant pas un impôt au profit de l’Etat, ce n’était pas l’article 110,
mais l’article 113 qu’il fallait ici consulter. Elle a de plus reconnu que
l’article 78 ne devait former aucun obstacle puisque le Roi, en accordant les
concessions, agirait, non en vertu de sa prérogative, mais en exécution de la
loi, ce qui rentre dans les attributions du pouvoir exécutif.
Sur la question
d’utilité, on a observé qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, toute concession
était l’objet d’une loi ; mais on a répondu qu’en Angleterre surtout presque
toutes les concessions sont perpétuelles ; que pour celles d’une faible
importance, les débats parlementaires ne sont souvent qu’une vaine formalité,
et qu’au contraire les concessions d’une importance majeure deviennent
excessivement coûteuses par les enquêtes auxquelles elles donnent lieu, frais
qui s’élèvent parfois au tiers de la dépense totale.
La section
centrale a pensé que s’il était bon de réserver à la loi les concessions
perpétuelles et celles dont la durée équivaudrait à une aliénation, il n’en est
pas de même de celles qui sont accordées pour un terme plus court. Pour
constater leur utilité, il faudrait ou se contenter des recherches faires par
le ministère, ainsi qu’il se pratique en France, lorsque la loi exige
l’intervention des chambres (et dans ce cas autant vaut l’autoriser à les
accorder lui-même), ou, à l’exemple de l’Angleterre, ouvrir des enquêtes
parlementaires, moyen onéreux qui nécessiterait la majoration des péages, et
serait par conséquent directement contraire aux intérêts de l’industrie et du
commerce que notre but est de favoriser.
Votre section
centrale a donc décidé affirmativement ces deux questions ; la première à
l’unanimité, et la seconde à la majorité de six voix contre une.
L’article premier
du projet, admis par toutes les sections, a également été admis par la section
centrale à l’unanimité.
L’article 2 a été
trouvé trop vague par toutes les sections.
La première
demande que le terme des concessions que le Roi est autorisé à accorder soit
limité à 50 ans.
La deuxième réduit
ce terme à 30 ans, ainsi que la troisième.
La quatrième
propose 99 ans.
La cinquième
adopte le terme de 90 ans.
Enfin la sixième
propose 60 ans.
La section
centrale à l’unanimité a pensé que l’article 2 définissait mal ce qu’il fallait
entendre par concession temporaire ; qu’une trop longue durée équivaudrait à la
perpétuité et qu’en conséquence il importait d’en fixer le terme. Les divers
termes proposés ont été successivement mis aux voix ; ceux de 30, 50 et 60 ans
ont été rejetés par 6, 5 et 4 voix celui de 90 ans a été adopté par 6 contre 1.
Sur une
observation consignée au procès-verbal de la première section, un membre a
demandé que toute concession pour canalisation fût réservée à la loi ; cette
demande a été rejetée par 5 voix contre 2. La même majorité a écarté une
demande tendant à réserver également à la loi les concessions pour amélioration
des ouvrages déjà existants ; mais elle a admis à l’unanimité une proposition
qui a partagé la cinquième section, celle d’exiger pour les concessions
temporaires une adjudication avec concurrence et publicité.
En conséquence,
votre section centrale a l’honneur de vous proposer l’adoption du projet de loi
avec les modifications suivantes :
« Projet de
loi
« Léopold,
roi des Belges,
« Nous avons,
etc.
« Art. 1er.
Les péages à concéder aux personnes ou sociétés qui se chargent de l’exécution
des travaux publics sont fixés pour toute la durée de la concession. »
« Art. 2. La
perception des péages est autorisé par le Roi lorsque la durée de la concession
n’excède pas quatre-vingt-dix ans.
« Aucune
concession ne peut avoir lieu que par voie d’adjudication avec concurrence et
publicité. »
« Art. 3.
Les concessions à perpétuité ainsi que celles dont la durée excède
quatre-vingt-dix ans sont autorisées par une loi. »
Absents sans
congé, à la séance du 6 juillet : MM. Angillis, Coppieters, Dams, Delehaye, de
Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Robaulx, de Woelmont, Dugniolle, Fallon,
Gelders, Jacques, Jaminé, Jullien, Legrelle, Pirson, Rogier, de Tiecken, Ch. et
H. Vilain XIIII.