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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 juin
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant organisation de l’armée
de réserve (+garde civique et remplacement) (Leclercq,
de Theux, de Theux, de Robaulx, Goethals, de Theux, Goethals, Gendebien, Goethals, de Theux, Dumont, Jullien, Delehaye, Dumont, Gendebien), état des
négociations diplomatiques (Dumortier, de Muelenaere, Osy, Gendebien, de Muelenaere, Leclercq, (+citadelle d’Anvers) de
Muelenaere, Osy, Dumortier, Jullien, de Muelenaere, Osy)
3) Projet de loi portant un crédit
supplémentaire au budget du département de la guerre pour l’exercice 1832 (Evain)
4) Projet
de loi portant organisation judiciaire . Second vote des articles. Composition
des cours d’appel (Delehaye, de
Robaulx, Helias d’Huddeghem, de
Roo, Barthélemy, Delehaye,
Helias d’Huddeghem, Jullien, Barthélemy), présentation des conseillers d’appel par
les provinces (Dubus, Legrelle, Gendebien), circonscription des tribunaux et des justice
de paix (Dewitte, Lebeau, Jullien), ministère public (Van
Meenen, Raikem, Jullien, H. de Brouckere, Raikem, Jullien), nomination à vie des juges suppléants (Van Meenen, Barthélemy, Mesdach), vacance des cours et tribunaux (Gendebien, Legrelle, H. de Brouckere, Taintenier,
Devaux, Helias d’Huddeghem, Jonet, Legrelle)
(Moniteur belge n°181, du 29 juin 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A
midi on procède à l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques fait connaître l’objet de plusieurs pétitions
adressées à la chambre ; ces pétitions sont renvoyées à la commission spéciale.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DE L’ARMEE DE
RESERCE
Second vote des articles
M. le président. - Messieurs, le ministre de la guerre désirerait que
la chambre votât définitivement sur la loi relative à l’armée de réserve.
Plusieurs membres. - Oui, la réserve ! la réserve ! il faut se préparer
à la guerre !
Articles 1 à 3
M. Leclercq. - Messieurs, je demande la parole pour adresser une
question à M. le ministre de la guerre, ou plutôt à MM. les ministres présents,
parce que M. le ministre de la guerre ne fait pas partie du conseil.
Vous
vous rappelez l’amendement que j’ai proposé sur l’article 2. Il avait pour but
d’empêcher le gouvernement de s’abandonner avec trop de confiance aux
puissances étrangères, de commettre des injustices envers les particuliers, et
de ne faire qu’une réserve qui porterait sur quelques classes et point sur
toutes les classes. Je craignais que le gouvernement, trop crédule dans des
promesses qui ont été faites, ne réunît qu’une réserve de douze à quinze mille
hommes prise sur trois ou quatre classes et qu’il attendît jusqu’au dernier
moment pour appeler les autres classes ; c’est-à-dire qu’il attendît que les
événements ne lui permissent plus de les appeler avec efficacité pour le bien
du pays. Vous avez rejeté mon amendement.
Je dois demander si
le ministère veut faire les opérations pour la réserve entière, de manière
qu’au premier signal on puisse appeler les 30,000 hommes sous les drapeaux. Si
telle est son intention, je voterai pour la loi, parce que alors toutes les
classes se trouveront dans la même position, se trouveront en position de
servir le pays au premier signal. Si, au contraire, le ministre répond qu’il ne
fera pas toutes les opérations pour la levée des 30,000 hommes, je regarde la
levée comme une surcharge sans avantage pour le pays. Car un appel de dix ou
douze mille hommes n’est pas une réserve pour une armée de 80,000 hommes.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’ai déjà satisfait à cette
interpellation dans l’avant-dernière séance, lorsque j’ai dit que, malgré la
proposition faite par le gouvernement de pouvoir commencer la levée par les
classes les plus âgées, attendu que cette levée serait plus prompte, néanmoins
son intention était de faire faire les opérations pour la levée entière, et de
manière à pouvoir l’effectuer au moment où l’on en aurait besoin.
- Les trois
premiers articles sont sans amendement.
Article 4 et 5
M. le président. - Sur l’article 4 il y a eu un amendement.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Au lieu : « d’après les mêmes bases, » il
faut mettre « d’après la même base. »
- L’article 4 avec
le changement est adopté.
L’article
5 est adopté sans réclamation.
Article 6
L’article 6 est
mis en délibération.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demanderai qu’on mette cet article aux voix,
paragraphe par paragraphe, parce qu’il y a une lacune.
M. de Robaulx. - Messieurs, n’ayant pas assisté à la discussion de
la plupart des articles, je me propose de dire quelques mots sur la loi,
considérée en elle-même. Je veux dire clairement mon opinion, parce que je me suis
aperçu qu’elles étaient mal interprétées. Je n’ai que quelques mots à dire.
M. le président. - Si vos observations sont générales elles ne
peuvent venir qu’au commencement ou à la fin de la délibération sur la loi ; si
elles sont particulières, elles viendront lors de la délibération sur les
articles qu’elles concernent.
M. de Robaulx. - Les ministres pourront avoir à répondre à ce que
j’ai à dire.
M. le président. - Il n’y a pas de discussion générale lors du second
vote.
Plusieurs membres. - Finissons la loi ! Votons la loi.
M. de Robaulx. - Messieurs, certains journaux contrecarrent nos
opinions ; elles sont adressées aux majorités...
Plusieurs membres. - Finissons la loi ! Finissons la loi !
M. de Robaulx. - Je vais motiver mon vote, afin qu’on ne se méprenne
pas sur mes intentions, et surtout pour renvoyer à qui de droit le reproche d’inconséquence
que certains étourneaux politiques voudraient noua adresser pour nous faire
entrer dans leur famille.
A mon avis, la
véritable inconséquence est chez ceux qui invoquent la guerre à grands cris,
après avoir voulu la paix au prix de l’honneur et du démembrement du pays.
Pour moi, j’ai cru
qu’il fallait faire la guerre quand l’élan révolutionnaire de la nation avait
stupéfait et désorganisé nos ennemis. Je voulais la guerre, quand de l’aveu des
bataves eux-mêmes, l’invasion des Belges en Hollande n’aurait peut-être éprouvé
que peu d’obstacles, et nous aurait mis en position de dicter les conditions de
paix.
Je voulais une
guerre d’agression, quand les rois absolus, épouvantés des succès qu’avait
faits la cause de la liberté, songeaient moins à nous attaquer qu’à se défendre
eux-mêmes.
Mais notre
situation n’est-elle pas quelque peu changée ? Sommes-nous parfaitement libres
de nos actions ?
Nos faiseurs à la
dévotion de Ponsonby, ne nous ont-ils pas placés sous la tutelle et la direction
de la conférence, qui nous défend de faire le moindre mouvement ?
Une nation
voisine, sur la coopération de laquelle nous pouvions le mieux compter,
n’est-elle pas enchaînée par le système apostat du 13 mars, l’arme au bras, et
les protocoles en sont au quatrième volume in-quarto.
Avant de voter une
réquisition de 30,000 hommes, et surtout les nouveaux millions qu’elle imposera
au pays, j’aurais désiré connaître si la guerre est résolue dans telle ou telle
hypothèse ; en cas d’affirmative, s’il ne s’agit que d’une guerre défensive et
sur notre territoire, j’espère qu’une armée de 100,000 hommes, bien organisée
comme on nous dit qu’elle l’est, ayant derrière elle la nation qui l’appuie et
la renforce au besoin, est plus que suffisante pour battre les Hollandais chez
nous, alors je vote contre le projet comme étant une charge onéreuse et inutile
au pays.
Si, au contraire,
la guerre offensive est résolue, sans examiner si le gouvernement a bien ou mal
fait de prendre une pareille décision, je suis prêt à voter tout ce qui sera
nécessaire pour assurer le succès de nos armes et le triomphe de la révolution.
Ce sera d’après
les discussions qui auront lieu et les déclarations qui seront faites que
j’émettrai mon vote.
M. le président. - Je vais lire l’article 6.
« Le
contingent de chaque commune, sur les classes de 1829, 1828, 1827 et 1826 sera
fourni par les militaires qui sont portés du premier ban de la garde civique ou
qui s’y sont fait remplacer, sans égard aux changements de domicile qui peuvent
avoir eu lieu depuis le tirage au sort. »
M. Goethals.
- On ne dit pas, d’après cette rédaction, si c’est le remplaçant ou le remplacé
qui marchera.
M. le président. - Tout à l’heure cette question va venir.
- L’article 6 mis
aux voix est adopté.
Les articles 7 et
8 sont adoptés sans discussion.
« Art. 9. Les
réclamations à fin d’exemptions du service seront soumises directement aux
députations des états.
« Il en sera
de même des réclamations tendantes à faire réformer des exemptions du premier
ban de la garde civique, indûment obtenues.
« Le
réclamant est à cet égard relevé de toute déchéance, mais sans qu’il puisse
provisoirement être dispensé du service. Ceux qui voudront se faire remplacer
s’adresseront également à la députation des états, qui statuera sur l’admission
des remplaçants. »
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Au second paragraphe de cet article il faut faire
l’addition suivante :
« Les
réclamations mentionnées au présent paragraphe devront être faites dans les 20
jours après les délais où le présente loi sera devenue obligatoire. »
La loi sur la
milice accorde un délai de trois mois pour faire des réclamations et c’est à
partir du jour où la loi est promulguée. La loi sur la garde civique n’accorde
qu’un mois ; nous croyons qu’il suffit d’un délai de vingt jours pour la
circonstance actuelle.
M. Goethals.
- J’approuve beaucoup l’amendement, mais il me semble qu’il vaudrait mieux
fixer le délai à partir du jour de la désignation du service. Dans toutes les
lois sur la milice, sur la garde civique, il en est ainsi. Ce ne sera qu’après
qu’un garde civique sera appelé au service qu’il pourra s’apercevoir du tort
qu’il éprouvera par l’exemption d’un autre garde.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Un délai est fixé d’après la loi sur la milice et
d’après la loi sur la garde civique, afin de réclamer contre les exemptions
indûment accordées ; nous en fixons un semblable et nous le mettons à partir du
jour du dépôt des listes des exemptions, et non à partir du jour où l’individu
est désigné. Il n’y a aucun motif d’admettre la demande de M. Goethals : on
peut s’en rapporter aux délais de 20 jours après la promulgation de la loi.
M. Gendebien. - Il me semble que l’observation faite par notre
honorable collègue pourrait être prise en considération. D’abord nous voulons
ouvrir une voie aux réclamations contre les exemptions indûment obtenues, et il
faut avoir la certitude que les intéressés auront les moyens de réclamer ;
s’ils savent qu’ils peuvent réclamer, il y aura un grand nombre de
réclamations. En admettant la proposition de M. Goethals, vous n’aurez de
réclamations que de la part de ceux qui y sont intéressés. Je voudrais que l’on
fixât que l’on fixât un délai de 6, 8, 10 jours, n’importe lequel, et de
manière que les réclamations puissent se faire.
Je ne connais pas
assez le mécanisme de la loi pour fixer un terme, je voudrais que le ministre
le fixât lui-même.
M. Goethals. - Le délai ordinaire est de 8 jours pour la garde
civique ; pour la milice il est de 10 jours. Je demanderai un délai de huit
jours après la désignation du service. Ils sauront qu’ils doivent marcher, et
ils rechercheront les exemptions indiquées ; ils porteront leurs réclamations
devant les états qui statueront.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je ne vois pas grande importance à ce que ce soit
mon amendement ou celui de M. Goethals qui soit adopté ; mais je dois le
rejeter, il est conforme aux deux lois sur la milice et sur la garde civique.
C’est l’époque du départ qui fixe le délai. Quant au délai que j’ai fixé, il
est plus que suffisant. On sait qu’on est porté sur les listes du moment où le
départ est annoncé.
Je ne tiens pas à
ce que mon amendement soit adopté préférablement à celui de M. Goethals.
M. Goethals.
- Je demande le délai de huit jours qui suivra la désignation du service.
M. Dumont. - Il faut partir du jour où l’ordre de départ est
reçu.
M. Goethals.
- Il y a une liste publiée par le bourgmestre des individus qui doivent partir
; ainsi ils sont avertis.
M. Dumont. - Y a-t-il une époque tirée pour la publication de
cette liste ?
M. Goethals.
- La publication est faite dans des délais prescrits.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. de Muelenaere). - M. le président, invitez M. Goethals à rédiger son
amendement.
M. le président. - Le voici : « Les réclamations mentionnées au
présent paragraphe devront être faites dans les huit jours qui suivront la
désignation du service. » (Aux voix
! aux voix ! aux voix !)
Je vais mettre le
sous-amendement de M. Goethals aux voix.
M. Jullien. - Il faut mettre à la fin de l’amendement :
« sous peine de déchéance. »
M. Goethals.
- Cela n’est dans aucune loi.
- Le
sous-amendement de M. Goethals mis aux voix est adopté.
L’article 9 est
adopté avec l’addition proposée par M. Goethals.
Article 10
L’article 10 est adopté
sans discussion.
L’article 11 est
mis en délibération.
« Art. 11.
Les remplaçants admis dans le premier ban de la garde civique, en place des
miliciens appelés dans l’armée de réserve, devront marcher pour leurs
remplacés. Ils seront s’ils le demandent incorporés dans la garde civique en
activité. »
M. Delehaye. - Je demanderai aux auteurs de cet article s’ils
entendent par là les remplaçants qui servent dans la garde civique mobilisée ;
s’il en est autrement, l’article est tout à fait injuste. Les remplaçants qui
servent dans la garde mobilisée ne servent que pour le service de la garde
civique. Si la réserve n’est plus de la garde civique, ils ne peuvent plus
remplacer ; si elle est encore de la garde civique, ils doivent être renvoyés
chez eux, parce qu’ils ne se sont pas engagés pour le service de la réserve.
Vous ne pouvez pas
dire qu’un homme de 45 ans qui aura remplacé un garde civique puisse faire
partie de l’armée de réserve.
M. le président. - Mais à la fin de l’article, il y a : « Ils
seront incorporés dans la garde civique en activité, s’ils le demandent. »
M. Dumont. - Les raisons que vous nous présentez contre cet
amendement ne sont pas nouvelles : elles ont déjà été développées dans une
discussion assez longue ; mais l’assemblée a considéré que le service dans
l’armée de réserve n’était pas différent de celui de la garde civique ; elle a
considéré que si le remplaçant prétendait ne s’être pas engagé pour servir dans
l’armée de réserve, en lui donnant la faculté de rester dans la garde civique,
il n’aurait plus rien à dire.
M. Delehaye. - Je suppose que tous les remplaçants veuillent se
mettre dans la garde civique : vous auriez une armée de remplaçants. Vous avez
en tout, je crois, 17,000 gardes civiques maintenant.
M. Gendebien. - On a discuté si longuement cette matière que je
veux être très court.
Il est vrai que
dans la loi sur l’armée de réserve on n’a changé que le nom de la garde civique
afin d’éviter une inconstitutionnalité ; mais on n’a pas changé la nature des
choses, vous aurez beau appeler tel objet de tel nom, ou de tel autre, il n’en
conservera pas moins sa nature. C’est la garde civique qu’on lève, on prend la
base de l’appel sur les contrôles qui ont été formés pour la garde civique. Eh
bien, sur les contrôles de cette garde civique se trouvent maintenant des
remplaçants. Le gouvernement est intervenu dans le contrat des remplacés et des
remplaçants ; il a droit d’en demander l’exécution ; si le remplaçant croit
qu’il ne doit pas servir, c’est un procès entre le remplacé et lui ; mais en
attendant il faut qu’il marche ; nous ne touchons pas aux droits acquis par des
tiers, mais nous disons que le gouvernement doit user du droit qu’il a
d’intervenir dans le contrat. Si les tribunaux décident que le remplaçant ne
doit pas partir, ce sera le remplacé qui partira.
On a donné une
faculté de plus au remplaçant et qui fait disparaître jusqu’à l’ombre d’une
injustice ; le remplaçant a la faculté d’entrer dans la garde civique.
Mais, dit-on, les
remplaçants pourraient tous entrer dans la garde civique. L’inconvénient ne serait
pas bien grand ; car cette garde ne compte pas un bataillon complet et l’on
paie beaucoup d’officiers pour peu de soldats.
Sous ce rapport
l’intérêt du pays est lié à celui des remplaçants. L’article de M. Dumont ne
peut souffrir aucune difficulté. (Aux
voix ! aux voix !)
- L’article 11 mis
aux voix est adopté.
Tous les autres
articles de la loi sont adoptés sans discussion.
M. le président. - Il nous reste à voter sur les changements qui ont
été faits au modèle de certificat annexé à la loi.
M. Dumortier.
- Avant de voter sur une loi aussi importante il me semble qu’il faudrait que
nous eussions quelques explications.
Le premier jour où
ce projet de loi a été mis en délibération, le ministère a demandé un comité
secret, et dans ce comité il a dépeint en beau la situation de la Belgique. Il
a dit qu’on ne demandait les 30 mille hommes que pour aider à terminer les
négociations, les difficultés qui se présentaient encore. Cependant depuis ce
moment il s’est passé quelque chose ; et il me semble que nous avons pu voir
l’horizon politique d’un coup d’œil tout à fait différent de celui dans lequel
il a apparu au ministre. S’il s’agit de continuer la voie des négociations, la
voie de la diplomatie dans laquelle nous nous traînons misérablement, il est
évident que la levée de 30 mille hommes est complétement inutile, qu’il ne faut
pas grever le pays de dettes nouvelles et les contribuables de surcharges plus
considérables.
On ne peut pas
mettre en doute qu’en votant la loi, on va demander des fonds ; la loi
financière va suivre la loi de la réserve ; vous voyez, messieurs, qu’avant de
voter, qu’avant d’accorder ce que l’on vous demande, il faut qu’on nous donne
quelques explications sur l’état des affaires.
On a fait entendre
que la Hollande avait consenti, ou allait consentir ; il est bien évident
maintenant qu’elle ne consent pas.
Nous n’avons pas
été dupe des assertions du ministre. Pour quiconque connaît l’entêtement du
père Guillaume (on rit beaucoup), il est certain qu’on ne pourra pas lui
arracher un consentement. Il a déclaré qu’il tiendrait à la citadelle d’Anvers,
qu’il y tiendrait advienne que pourra. Vous savez que l’Angleterre appuie très
formellement la Hollande ; et si vous avez présent à la mémoire le rapport fait
par M. Verstolck, par le ministre des affaires étrangères, aux états généreux (longue hilarité), je me trompe, aux
états généraux... Si vous avez présent à la mémoire le rapport fait à la
seconde chambre des états généraux, vous y verrez que l’Angleterre appuie les
prétentions de la Hollande, qu’elle pose deux conditions : la capitalisation de
la dette et la renonciation à la navigation intérieure et à la confection d’un
chemin en fer passant par Sittard.
Voilà les
conditions d’après lesquelles l’Angleterre a promis son intervention.
Il est aussi deux
autres points que l’Angleterre avait présentés comme subsidiaires ; ces points
sont… ces points sont… (hilarité générale,
prolongée par l’orateur), ces points sont le balisage et le pilotage.
Le ministre des
affaires étrangères, M. Verstolck, a positivement déclaré aux états généraux
qu’il avait pu voir, par suite des entrevues qu’il avait elles avec l’envoyé de
l’Angleterre, que l’on pouvait obtenir tout ce que l’on demanderait.
Je crois donc
qu’avant de donner 30,000 hommes, nous devons savoir si le ministre vent user
de la voie diplomatique qui promet de tels résultats.
Je suis convaincu
que les puissances n’interviendront pas dans nos affaires : l’intervention de
l’Angleterre et de la France s’éloigne de plus en plus. Si d’ailleurs, il était
possible que la France et l’Angleterre intervinssent dans nos affaires, nous
serions obligé de payer leur courtage et ce courtage serait un peu cher.
Si après avoir
voté des charges considérables, on vient nous proposer la capitalisation de la
dette, je le déclare, dussé-je être le seul, je déposerai la demande de la mise
en accusation des ministres.
Dans les
communications que nous avons demandées, le protocole n°65 n’a pas été déposé
sur le bureau de la chambre ; on ne nous a fait connaître que l’annexe B : ou
bien la conférence a conservé le protocole et n’a donné que l’annexe B, et elle
nous a dupés, ou bien le ministre a connu le protocole, et nous sommes dupes du
ministre des affaires étrangères…
Au reste, je ne
veux pas jeter le blâme sur le ministre des affaires étrangères... (nouvelle hilarité générale à laquelle
l’honorable orateur prend également part).
Messieurs, ce
n’est pas après avoir organisé une armée comme celle que nous avons
actuellement, que nous devons faire des concessions déshonorantes. Je suis
charmé d’avoir ici l’occasion de rendre justice à notre armée ; elle est belle
; elle est animée d’un bon esprit ; elle brûle d’en venir aux mains pour venger
nos affronts.
Lorsque le Roi Guillaume a voulu faire la guerre au mois d’août, il n’a
pas demandé la permission à la conférence, et la guerre lui a bien tourné.
Dans une séance
précédente, il s’est agi de M. Thorn ; le ministre des affaires étrangères a
dit que le gouvernement avait pris des mesures qui placeraient le pays dans un
nouvel ordre de choses ; eh bien, quel est cet ordre nouveau de choses qu’on
nous a promis ? Je crois que les choses n’ont pas changé et que tout empire.
Dans les journaux j’ai lu que le général Dibbetz arrêtait les douaniers dans le
rayon de Maestricht : voilà des faits qui portent atteinte à notre honneur
national et nous devons avoir des explications sur tons ces points.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Je demanderai si nous sommes dans les termes du règlement. D’après le
règlement, il ne peut y avoir de discussion que sur les amendements, les
articles rejetés, ou sur les amendements relatifs à ces articles rejetés. Il me
semble qu’on renouvelle la discussion générale. Je désire que la chambre
déclare préalablement si ce n’est pas violer son règlement que de s’engager sur
une discussion générale, quand la discussion doit être toute spéciale.
M. le président. - Ce que nous avons à faire, c’est de voter sur le
certificat modèle.
M. Osy. - Je suis tout à fait de l’avis de M. Dumortier ; je
crois que nous devons avoir des explications sur la marche du gouvernement. Je
crois que la réponse du ministre des affaires étrangères, en invoquant le
règlement n’est pas suffisante. A l’occasion du vote d’une loi pareille, il est
évident que nous pouvons demander toutes les explications nécessaires pour bien
connaître la situation du pays. Je demande particulièrement communication de la
note que M. Goblet a remise à la conférence.
M. Gendebien. - Je me propose de faire les mêmes observations que
vient de vous présenter M. Osy.
On a mauvaise
grâce à invoquer le règlement, quand des membres de la chambre déclarent qu’ils
ont besoin d’explications, de renseignements pour émettre un vote
consciencieux.
Je sais bien que les
ministres aiment une douce quiétude et évitent les occasions de s’engager dans
des explications qui les dérangeraient de leurs molles habitudes.
La chambre désire
naturellement connaître la situation du pays : elle a l’occasion d’avoir des
explications sur cet objet quand le gouvernement a besoin d’elle ; eh bien,
nous sommes dans une circonstance où il a besoin de nous, et je déclare que je
veux en profiter, et que tout disposé que j’étais à donner mon suffrage à la
loi, je voterai contre, si le ministre garde le silence et s’il invoque le
règlement afin de ne pas rompre ce silence.
S’il a de bonnes
raisons à donner, nous sommes gens traitables, et nous respecterons les motifs
qu’il alléguera, pour ne pas faire de communications inopportunes. Mais s’il n’invoque
que le silence, je voterai contre la loi, et je crois que je ne serai pas le
seul.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ce n’est pas parce que je ne veux pas m’expliquer,
que je ne réponds pas aux questions qui sont faites actuellement ; c’est parce
qu’il faut que la chambre décide la question qui l’occupe et qu’elle suive son
règlement.
M. Leclercq. - Je demande la parole pour défendre les prérogatives
de la chambre, pour défendre la vérité.
Le règlement ne
peut astreindre aucun homme d’honneur, aucun homme de conscience à ne pas
réclamer des explications ; il ne peut lui interdire de demander avant
d’émettre son vote tous les éclaircissements nécessaires pour l’émettre d’une
manière consciencieuse et utile au pays. M. Dumortier a dit qu’il ne pouvait
voter sur la loi si l’on ne répondait pas aux questions qu’il a faites : à
moins de méconnaître ce qui est vrai, à moins d’empêcher ce que l’honneur
prescrit, il est dans son droit de faire des questions. Le ministre répondra
comme il voudra ; mais il doit répondre, et il ne peut argumenter du règlement
pour refuser cette réponse.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai pas voulu me prévaloir du règlement pour me
renfermer dans le silence, mais je demandais que le règlement fût exécuté
d’abord ; car si la chambre ne fait pas exécuter son règlement, toute
discussion devient impossible. Cependant, et pour ne pas prolonger davantage ce
débat, je consens à répondre aux interpellations qui m’ont été faites.
L’honorable M. Dumortier a prétendu que dans le comité secret qui a eu lieu à
l’occasion de la discussion du projet, j’avais fait un tableau brillant de la marche
de nos négociations diplomatiques. A cet égard j’en appelle aux souvenirs de la
chambre ; je me suis borné à donner lecture de deux pièces authentiques, et ce
n’est que sur l’interpellation d’un honorable membre que j’en ai tiré les
conséquences qui en découlent. Vous sentez, messieurs, que si j’avais eu
l’envie de faire un tableau brillant des négociations, je ne l’eusse point fait
au moment où nous venions vous demander la création d’une armée de réserve, et
les dépenses nécessaires à son organisation et à son équipement.
L’honorable M.
Dumortier a dit que si le gouvernement devait suivre encore la voie des
négociations diplomatiques, il voterait contre le projet de loi ; or il est
évident que si nous avions une foi aussi robuste qu’il veut bien le dire dans
les actes diplomatiques de la conférence, nous ne vous demanderions pas des
secours en hommes et en argent pour commencer une solution plus prompte. J’ai
toujours été d’avis et je l’ai dit plusieurs fois à cette chambre, que pour que
nos négociations fussent faites avec quelque efficacité, il fallait les appuyer
d’armements militaires, qui nous missent à même de recourir à la force si cela
devenait nécessaire. Ce n’est qu’en nous mettant en état d’opposer à l’ennemi
des forces égales aux siennes que nous pouvons l’amener à faire des
concessions. J’espère que la loi actuelle, et le vote que vous allez émettre,
seront du plus heureux effet, en ce qu’ils prouvent à l’étranger que la
Belgique veut énergiquement ce qu’elle est en droit d’obtenir, et qu’en cas de
refus elle est en mesure d’appuyer ses réclamations par la force des armes.
Quant
au refus prétendu du roi de Hollande, jusqu’à présent je n’en sais absolument
rien. Mais je sais qu’il y a quelques jours un membre de cette chambre disait
que le roi de Hollande adhérerait aux propositions de la conférence et qu’il
évacuerait la citadelle d’Anvers, et alors selon l’honorable membre
l’évacuation de la citadelle d’Anvers n’était rien pour nous, au contraire elle
était très avantageuse au Roi Guillaume et ses forces allaient, en être
doublées. Ce raisonnement a été répété par quelques personnes et par quelques
journaux que je m’abstiendrai de qualifier. Aujourd’hui on dit que le roi de
Hollande refuse d’évacuer la citadelle d’Anvers, et moi je crois qu’il refusera
toujours, parce que ce point est le plus important pour lui. Il est le gage le
plus précieux qu’il puisse posséder, tant que tous ses différends avec la
Belgique ne seront pas terminés. Mais c’est précisément parce qu’à cause des
complications et des difficultés qui existent et que la chambre ne doit pas
hésiter à donner au gouvernement une armée de réserve devenue indispensable
pour prendre, s’il le faut, l’offensive contre la Hollande.
M. Osy. - Je demande la parole : je demande si M le ministre
ne peut pas nous communiquer la note remise à la conférence par M. Goblet.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Non, car cette note se rattache à trois ou quatre autres qui ont été remises
depuis, et sur lesquelles la conférence n’a pas encore fait de réponse.
M. Dumortier.
- J’ai demandé que M. le ministre nous communiquât le protocole n° 65 et ses
annexes.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - A propos de ce protocole, j’avais oublié de
répondre à l’honorable préopinant. Il a prétendu ou que le gouvernement avait
été trompé par la conférence ou que le ministre des affaires étrangères avait
voulu duper la chambre en ne lui communiquant pas les pièces. Quant à cela,
j’attends avec impatience le moment où les pièces me seront communiquées à
moi-même et où il me sera possible d’en donner connaissance à la chambre ;
j’attends de même avec confiance le jugement de la chambre et du pays sur la
conduite que j’aurai tenue dans le cours des négociations, et tout le monde
alors sera convaincu que c’est à tort qu’on m’aura accusé d’avoir trompé la
chambre, Quant aux pièces, j’ai expliqué dans le comité secret comment je
m’étais procuré l’annexe B, et il est résulté de mes explications qu’elle ne
m’avait pas été communiquée par la conférence mais par une puissance amie,
partie elle-même dans la conférence. J’ai fait des démarches pour obtenir cette
communication, quand j’ai appris que le ministre des finances de Hollande avait
dit à la tribune des états-généraux que les propositions de son souverain
avaient été accueillies par la conférence avec beaucoup de faveur ; depuis
cette époque aucune nouvelle communication ne m’a été faite.
M. Jullien. - Je ne m’explique pas très bien les raisons par
lesquelles M. le ministre motive son refus de nous communiquer la note de M.
Goblet et la réponse que la conférence y a faite. Je vous prie de vous souvenir
que c’est moi qui, dans le comité secret, ai demandé communication de cette
note ; il n’y a pas grand inconvénient à le dire, puisque le lendemain on a pu
le lire dans tous les journaux, et qu’alors le ministre m’a répondu que, bien que
la conférence eût fait une réponse à la note, il lui était impossible de nous
la communiquer parce qu’il y avait un objet, la dette, sur lequel elle ne
s’était pas encore expliquée. Aujourd’hui on persiste dans ce refus et on nous
dit qu’il est encore d’autres objets sur lesquels la conférence n’a pas fait de
réponse. Je crois, messieurs, quoi qu’en dise M. le ministre, que nous avons
acquis le droit de connaître cette note, et nous ne pouvons voter sans cela,
parce que c’est là seulement que nous pouvons voir le système du ministère et
juger s’il est conforme aux promesses qu’il nous a faites. Lorsque pour la
première fois on lui a demandé cette communication, tout le monde a adhéré à
son refus fondé sur ce que la conférence n’y avait pas encore répondu. On
conçoit très bien, en effet, qu’une pièce diplomatique susceptible d’une
réponse ne peut être communiquée sans violer les convenances et les règles
reçues en fait de négociations, tant que la réponse n’est pas faite ; mais
aujourd’hui que nous tenons de la bouche du ministre lui-même que la conférence
a répondu, vainement il persiste dans son refus, sons prétexte que la réponse
n’est pas complète ; on sait très bien que la conférence répond à tout. Et si
elle a laissé quelque partie de la note sans réponse, on doit en conclure
qu’elle ne veut pas répondre autrement.
Nous devons donc connaître cette note, qui, au dire des ministres, a été
revue, corrigée et augmentée, si nous voulons nous bien fixer sur le système du
ministère ; car c’est de sa manière d’être vis-à-vis de la conférence que nous
pourrons juger s’il est prudent de voter et les milliers d’hommes et les
millions qu’on nous demande. Je conçois toutefois que le ministère puisse avoir
des raisons pour ne pas faire cette communication en séance publique, mais il
lui est loisible de demander un comité secret, et on s’empressera de déférer à
ses vœux. J’insiste donc pour que cette communication nous soit faite, sans
quoi je déclare que je voterai contre la loi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Messieurs, c’est précisément à cause des conséquences qu’on en veut tirer,
que je ne peux pas faire cette communication. On veut, dit-on, connaître le
système du ministère ; mais ce système, vous le connaissez déjà, il vous a été
développé maintes fois, et il résulte d’un ensemble de pièces qui vous ont été
communiquées. D’ailleurs, messieurs, vous n’avez pas oublié que les points
essentiels sur lesquels reposait l’adresse des chambres ont été résolus, non
pas dans la note, mais dans la réponse de la conférence. Vous savez en effet
que la réponse de la conférence porte sur trois points, et qu’elle est sous ce
rapport conforme aux vues exprimées dans votre adresse et dans l’adresse de
l’autre chambre ; je crois donc cette communication complétement inutile,
j’ajouterai même qu’elle pourrait être dangereuse. (Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture !)
M. Osy. - Je demande la parole. (La clôture ! la clôture !)
M. le président. - Y a-t-il dix membres qui demandent la clôture ? (Oui ! oui !)
- Un grand nombre
de membres se lèvent pour la clôture.
M. Osy. - Je demande la parole contre la clôture. (Parlez ! parlez !) Je vous avoue,
messieurs, que depuis les explications de M. le ministre, je ne suis pas plus
avancé que je ne l’étais auparavant. Nous devons cependant connaître le système
du gouvernement, non pas par des paroles, mais par les actes ; je demande que
la note nous soit communiquée, ou je ferai comme M. Jullien, je voterai contre
la loi. (La clôture ! la clôture !)
M. le président met la clôture aux voix elle est prononcée.
Vote sur l’ensemble du projet
On procède à
l’appel nominal sur l’ensemble de la loi, en voici le résultat.
Votants, 79 ; 71
ont répondu oui, 4 ont répondu non ; 4 autres se sont abstenus.
Ont voté pour :
MM. Berger, Taintenier, Boucqueau de Villeraie, Bourgeois, Brabant, Cols,
Coppens, Coppieters, Corbisier, Dautrebande, Ch. de Brouckere, H. de Brouckere,
de Haerne, Delehaye, Dellafaille, W. de Mérode, de Muelenaere, de Roo, de
Sécus, Desmanet de Biesme, de Smet, Destouvelles, de Terbecq, de Theux, Devaux,
Dewitte, Domis, Dubus, Dumont, Duvivier, Fleussu, Goethals, Helias d’Huddeghem,
Hye-Hoys, Jacques, Jonet, Lardinois, Lebeau, Leclercq, Lefebvre, Legrelle,
Liedts, Mesdach, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson,
Polfvliet, Poschet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Ch. Rodenbach, Rogier, Serruys, Thienpont, Ullens,
Vanderbelen, Vandenhove, van Innis, van Meenen, Verdussen, Vergauwen, Ch.
Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, Zoude et de Gerlache.
Ont voté contre :
MM. de Robaulx, Jullien, Osy et Seron.
Se sont abstenus,
MM. Barthelemy, Dugniolle, Dumortier et Gendebien.
M. le président prie les honorables membres de déduire les motifs de
leur abstention.
M. Barthélemy. - Je me suis
abstenu parce que je n’avais pas assisté à la discussion.
M. Dugniolle. - Je me suis
abstenu par le même motif.
M. Dumortier. -
Je n’aurais pu dans aucun sens voter contre le projet de loi, parce que je sens
trop vivement le besoin que nous avons d’une armée de réserve ; je n’ai pas
voulu voter pour, parce que rien ne m’assure que le ministre veuille employer
des moyens énergiques pour amener la solution de nos affaires.
M. Gendebien. - J’étais décidé à voter pour le projet, mais les
explications données par M. le ministre des affaires étrangères, m’ont fait
sentir qu’un jour je pourrais acquérir la conviction que j’aurais été dupe, et
c’est un rôle que, dans aucune circonstance, je ne consentirai à jouer. D’un
autre côté je n’ai pas voulu voter contre le projet parce que je sens la
nécessité de renforcer notre armée.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE
AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1832
M. le président. - La parole est à M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Messieurs, le vote
approbatif que vous venez de donner à la loi relative à la levée et à
l’organisation d’une réserve de 30,000 hommes, autorise le gouvernement à vous
demander pour le département de la guerre, le crédit nécessaire pour assurer le
paiement des dépenses qui vont résulter de l’habillement et de l’équipement de
ces hommes, ainsi que de leur solde, masses et entretien sous les armes.
Ce crédit
cependant ne peut être qu’éventuel, puisque son emploi, total ou partiel,
dépend de la durée du temps que les troupes de la réserve seront conservées en
activité de service, et du nombre des hommes qui seront levés pour former cette
réserve, et d’après les événements qui peuvent avoir lieu.
En calculant sur
30,000 hommes, et sur une durée d’activité pendant cinq mois, le maximum de la
dépense s’élèverait à cinq millions de florins. Cette somme forme donc le
montant du crédit éventuel que demande le gouvernement, par l’article premier
du projet de loi que je suis chargé de vous présenter. L’article 2 du projet
porte que ce crédit formera un chapitre spécial du budget de la guerre et que
le montant des dépenses, faites en vertu de ce crédit, devra être proportionné
à la fois et au nombre des hommes qui composeront la réserve et à la durée du
temps qu’ils resteront sous les armes.
Il deviendra alors
très facile de vérifier si le département de la guerre s’est tenu dans les
limites de dépenses, résultant uniquement de l’effectif des troupes de cette
réserve et du temps qu’elles auront été en activité de service.
Nous avons pensé,
messieurs, que former ainsi un chapitre spécial du budget, pour toutes les
dépenses relatives à la réserve, était le meilleur moyen d’assurer un contrôle
exact de toutes les dépenses qui se rapporteront à cette levée extraordinaire
et de donner une garantie que les fonds de ce crédit éventuel ne pourront, en
aucun cas, recevoir une autre destination,
Le vote des fonds
nouveaux que nous réclamons, n’étant que la conséquence naturelle du vote qui
accorde la levée des hommes, nous demandons que la chambre veuille bien
renvoyer immédiatement à une commission l’examen du projet de loi que nous lui
présentons, afin que ce nouveau projet de loi puisse être remis à la chambre
des sénateurs en même temps que celui que vous venez de voter. Il est pénible
pour le gouvernement de se trouver dans l’obligation de demander de nouveaux
sacrifices à la nation, mais il est de son devoir, messieurs de vous proposer
toutes les mesures qui tendent à la défense de ses droits et qui doivent les
lui assurer.
« Léopold,
Roi des Belges, etc.
« Sur la
proposition du ministre directeur de la guerre et de l’avis du conseil des
ministres ;
« Nous avons
chargé le ministre directeur de la guerre de présenter en notre nom à la
chambre des représentants, le projet de loi suivant :
« Art. 1er.
Un crédit de 5,000,000 florins est ouvert sur l’exercice courant au département
de la guerre pour l’habillement et l’équipement des 30,000 hommes qui doivent
former la réserve de l’armée et pour la solde, l’entretien et les masses de ces
30,000 hommes pendant les cinq derniers mois de l’année.
« Art. 2. Il
formera un chapitre spécial des dépenses du département de la guerre et son
montant sera proportionné au nombre d’hommes qui seront levés et à la durée du
temps qu’ils resteront sous les armes.
« Mandons et
ordonnons, etc.
« Bruxelles,
le 27 juin 1832.
« Léopold.
« Par le Roi, le ministre directeur de la
guerre, baron Evain. »
M. Leclercq. - Je demande que le projet soit renvoyé à une
commission.
M. le président. - Si la
chambre y consent, ce sera la même commission qui a examiné le projet qui vient
d’être voté. (Appuyé ! Appuyé !)
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Second vote des articles
L’ordre du jour
appelle la suite de la discussion définitive sur le projet d’organisation
judiciaire.
Article 33
On en était resté
hier à l’article 33, qui primitivement était conçu :
« Ces cours sont
composées d’un premier président, de deux présidents de chambre et de
vingt-deux conseillers. »
Par amendement cet
article fut, lors de la première discussion, rédigé dans les termes suivants :
« Les cours
de Bruxelles et de Liège sont composées d’un premier président, de deux
présidents de chambre et de dix-huit conseillers.
« La cour de
Gand est composée d’un premier président, de deux présidents de chambre et de
quinze conseillers. »
M. Delehaye. - Je demande la parole. Messieurs, je ne viens pas
combattre la première partie de l’amendement : vous avez trouvé à propos de
diminuer le nombre des conseillers des cours de Liége et de Bruxelles, parce
que vous avez cru que la justice ne souffrirait pas de cette diminution ; je
n’ai rien à dire, mais je cherche en vain les motifs qui, tandis que vous
admettiez 21 conseillers pour Liège et pour Bruxelles, vous ont portés à
réduire la cour de Gand à 18 membres. Cette disparité m’a surpris ; je n’en
trouve la raison ni dans l’étendue territoriale de la province, qui est égale
au tiers du territoire entier du royaume, ni dans la population qui est aussi
d’un tiers de toute celle de la Belgique. Je ne peux donc la trouver que dans
le nombre de procès fourni par les Flandres. Le tableau qu’on a fourni à cet
effet est inexact ; et cependant en en adoptant les bases, la différence avec
les autres provinces est tellement minime, qu’il est permis d’assurer que le
rapprochement de la justice augmentera le nombre de procès, de manière à dépasser
de beaucoup ceux que fournissaient les Flandres jusqu’à ce jour. Vous savez en
effet que le rapprochement de la justice des justiciables est une cause de
l’augmentation des procès et que tel qui n’eût jamais intenté un procès, s’il
lui avait fallu aller chercher loin la justice, se décide à plaider parce qu’il
est près de son juge. Un autre motif de l’augmentation des causes, c’est la
ligne des douanes qui produira une multitude de procès avec le fisc. Vous voyez
donc, messieurs, qu’il n’y a aucune raison de réduire le nombre des conseillers
de la cour de Gand au-dessous de celui que vous avez fixé pour les cours de
Liége et de Bruxelles. Ces considérations me déterminent à vous proposer un
amendement, tendant à ce que la cour de Gand soit traitée comme l’ont été les
deux autres.
Je viens réclamer,
pour la cour d’appel de Gand, que vous rétablissiez la proportion égale du
nombre tel que l’avait fixé la section centrale.
Je vous observe,
messieurs, que les tribunaux d’Anvers, de Gand, de Bruges et d’Audenarde
réclament, pour la cour d’appel de Flandres, un personnel aussi nombreux que
celui de la cour de Bruxelles.
Le nombre des
conseillers à une cour d’appel doit être en raison du nombre des causes et de
la population du ressort de la cour et de la grande division de la propriété.
Or, sous ces trois rapports les Flandres ne le cèdent en rien aux ressorts des
cours de Bruxelles et de Liège.
Les deux Flandres
comptent une population de 1,344,455, et le ressort de la cour de Liège, tel
qu’il existe dans ce moment, ne compte qu’une population de 1,229,712 à mes.
Je vous ai soumis
un relevé fait en 1826, des causes annuellement introduites à la cour de
Bruxelles, ce relevé porte 725 à 740 causes par an, et sur ce nombre la Flandre
orientale en fournit 144, la Flandre occidentale 138, le Brabant méridional
127, le Hainaut 126 et la province d’Anvers 87.
Ce tableau,
messieurs, présenté non seulement par les tribunaux des deux chefs-lieux de la
Flandre, l’est aussi par le tribunal du chef-lieu de la province d’Anvers, ce
qui doit lui donner un certain degré de confiance et faire disparaître tout
soupçon qu’il aurait été fait dans l’intérêt des Flandres.
Messieurs, il est
notoire, que, dans les Flandres, les affaires civiles sont les plus nombreuses
; le morcellement infini des propriétés doit augmenter le nombre des causes, et
vous savez combien dans les Flandres les propriétés ont été morcelées, on n’y
rencontre pas de grandes exploitations telles qu’on en trouve dans le Brabant
et dans le Hainaut.
La cour de
Bruxelles, qui doit connaître par expérience ce qui en est, confirme ce que
j’ai l’honneur de vous avancer, elle dit, page 25 des observations des cours et
des tribunaux sur le projet : « La population nombreuses des Flandres, la
grande division des propriétés dans ces provinces, le grand nombre des procès
qu’elles fournissent, démontrent également la nécessité de former deux chambres
civiles dans la cour de Gand, surtout si l’on considère que le rapprochement de
cette cour des justiciables augmentera nécessairement le nombre des
procès. »
Il
n’y a donc, messieurs, aucun motif pour que vous donniez trois conseillers de
plus aux cours d’appel de Liège et de Bruxelles. La section centrale était
tellement convaincue de ce principe d’équité et de justice distributive qu’elle
vous avait proposé le même nombre de conseillers pour les trois cours de Liège,
de Bruxelles et de Gand.
J’attends la
reconnaissance de ce principe de votre équité.
J’appuie
donc la proposition de M. Delehaye.
M. de Robaulx. - Je ne vois pas du tout la nécessité d’ajouter trois
conseillers à la cour de Gand et en voici la raison : les Flandres faisaient et
font encore partie du ressort de la cour de Bruxelles. Aujourd’hui on distrait
une partie des Flandres du royaume et l’on sépare les Flandres du ressort de
Bruxelles pour former un ressort séparé. Voici ce qui va en résulter, il y
avait à la cour de Bruxelles trois chambres...
M. Helias
d’Huddeghem. - Cinq ! cinq !
M. de Robaulx. - Cinq ? Il n’y avait au moins que trois chambres
civiles.
M. Helias
d’Huddeghem. - Oui.
M. de Robaulx. - C’est ce
que je voulais dire et ce qu’on entend par chambres ; pourquoi venir me
tracasser sur les mots ? II y avait à Bruxelles trois chambres civiles qui
suffisaient à tout ; si le ressort n’était pas destiné à en former deux, il
serait diminué par la cession de la Flandre Hollandaise ; il faudrait donc
diminuer le nombre des juges à proportion, et vous faites le contraire ; en
réunissant en effet les 21 juges de la cour de Bruxelles aux 18 de la cour de
Gand, vous avez 39 juges ; et vous n’en aviez pas autant à la cour de
Bruxelles. (Non ! non !)
M. H. de Brouckere. - Il y en avait 40 à Bruxelles.
M. de Robaulx. - Quand ce serait 40, la différence n’est pas grande
et le ressort se trouvera diminué de beaucoup.
M.
de Roo. - Je viens appuyer l’amendement de M. Delehaye, parce
que je le crois fondé en justice. Vous avez accordé 21 conseillers à la cour de
Liège, qui ne comprend dans son ressort qu’un lambeau du Limbourg, un lambeau
du Luxembourg, la province de Namur, et tout cela ne fait qu’une population de
700,000 âmes, Et les deux Flandres qui en comptent plus de 1,300,000 n’auront
qu’une cour composée de 18 membres ; la différence est par trop choquante. On
nous a déjà dit que le nombre des causes était aussi considérable dans les
Flandres que dans les autres ressorts, je n’y reviendrai pas ; mais je tire un
argument plus fort en faveur de la cour de Gand, de l’article 30 du premier
projet d’organisation judiciaire présenté par M. le ministre de la justice. Cet
article disait : chaque cour sera composée de trois chambres. Or, je vous le
demande, avec 15 conseillers, comment composeriez-vous trois chambres,
lorsqu’il peut à tout instant arriver qu’un ou deux conseillers soient malades,
et qu’il faut d’ailleurs pourvoir à la tenue des assises, aux mises en
accusations et aux appels de police correctionnelle ? La chose serait
impossible. Messieurs, c’est une raison assez puissante, je crois, pour que
vous augmentiez le nombre de conseillers de la cour de Gand, de manière à le
rendre égal à celui des cours de Liège et de Bruxelles.
M. Barthélemy. - Je demande la parole. Messieurs, l’esprit de
provincialité tue l’Etat.
M. Helias
d’Huddeghem, M. Delehaye et autres. - Je demande la parole.
M. Barthélemy. - Oui,
demandez la parole. (Hilarité générale.) Vous me répondrez et je répliquerai à
mon tour. Oui, je le répète, l’esprit de provincialité tue l’Etat. Il y avait
dans l’ex-royaume des Pays- Bas neuf provinces du Nord et neuf provinces du
Midi, il n’y avait qu’une seule cour d’appel pour les neuf provinces du Nord,
et cette cour suffisait à tout. Eh bien, l’esprit de provincialité a été poussé
à tel point qu’on en est venu jusqu’à demander une cour par province. Voyez où
peut conduire l’esprit de localité. Mais je suppose que ce ne soit pas cet
esprit qui anime nos collègues, et que ce ne soit que leur zèle pour le bien de
la justice : faut-il faire droit à leur demande ? On leur a déjà prouvé que
leur province ne fournissait pas autant de procès que les autres. Oh ! mais,
dit-on, le nombre des procès augmentera. Il ne s’agit pas, messieurs, de savoir
ce qu’il y aura de procès, mais ce qu’il y en a aujourd’hui, et ce qu’il y en a
eu de tous les temps. On peut en juger par ce qui se passe à la cour de Bruxelles
: il y a trois sections, une s’occupe exclusivement des affaires du Hainaut,
les deux autres des affaires du Brabant, d’Anvers et des Flandres ; on voit que
les Flandres ne comptent que pour un tiers dans les deux chambres civiles, on
leur donne une cour tout entière, n’est-ce pas assez ? On dit qu’il faut
absolument deux chambres civiles à la cour de Gand. Quand il le faudrait, avec
18 conseillers, vous pouvez avoir facilement deux chambres ; chaque chambre
n’étant composée que de 5 conseillers, 10 vous suffiront pour deux chambres, et
il vous en restera 8 pour les affaires correctionnelles qui ne se sont élevées,
année commune, qu’à 14, et pour les affaires criminelles qui ne s’élèvent pas à
beaucoup plus que dans le Brabant. Après cela, je dis que dans l’état actuel
des choses vous avez assez de 18 conseillers. Vous prétendez le contraire,
commencez par en faire l’expérience, et si elle est favorable à votre opinion,
les chambres sont toujours ici, vous leur prouverez vos besoins et on vous fera
un décret pour augmenter votre cour de 3 ou 4 juges.
M. Delehaye. - Messieurs, je suis étonné du reproche que l’on
adresse aux députés des Flandres d’être guidés par un esprit de provincialité.
Je viens de faire un voyage en Flandre, je dois vous dire ce qui s’y passe et
les plaintes qu’on commence à y élever et qui probablement arriveront bientôt
jusqu’à vous. Je ne voulais pas d’abord parler de ces choses-là, mais puisqu’on
m’y provoque, il faut bien que je m’explique. Dans les Flandres et à Gand on se
plaint donc que toutes les places lucratives sont données à des étrangers, et
c’est aux députés des Flandres qu’on impute d’être guidés par l’esprit de
localité ; c’est un reproche que nous ne méritons nullement ; maintenant on
nous dit, vous avez une cour et vous vous plaignez. Une cour, mais ce n’est pas
nous qui l’avons demandée, c’est la constitution qui a voulu que nous en eussions une, et je déclare pour ma part
que si la question pouvait être agitée aujourd’hui, je voterais pour qu’il n’y
eût qu’une seule cour pour tout le royaume. D’ailleurs, messieurs, il ne suffit
pas de dire, vous avez une cour, il faut savoir si elle est composée de manière
à pouvoir rendre la justice ; or comment ferez-vous avec 15 conseillers ?
Plusieurs voix. - Vous en avez 18.
M. Delehaye. - Avec 18, soit. Comment ferez-vous pour assurer le
service, lorsque 10 conseillers sont nécessaires pour les deux chambres
civiles, qu’il en faut 5 pour les appels de police correctionnelle, 5 pour les
assises pendant une grande partie de l’année, 1 pour les assises de Bruges, et
qu’indépendamment de cela il vous faut une chambre des mises en accusation ? 18
conseillers n’y pourront jamais suffire. Je ne reviens pas sur le nombre de
procès, mais il est certain que le fisc, à cause des lignes de douane, y
suscitera beaucoup de procès, qu’on ne pourra pas juger. Je crois donc,
messieurs, que vous ne pouvez pas vous dispenser d’adopter mon amendement, et
en tout cas je prie la chambre de croire que ce n’est pas l’esprit de localité
qui dicte mes paroles, mais uniquement l’intérêt de la justice.
M. Helias
d’Huddeghem. - Messieurs j’ai
insisté sur la population des Flandres qui dépasse de 100,000 âmes celle du
ressort de la cour de Liége. Si nous avons le malheur de perdre nos frères du
Limbourg et du Luxembourg, la différence sera infiniment plus considérable, et
cependant Liège aura 21 conseillers et Gand seulement 18. Quant au tableau des
causes que l’ai invoqué, il n’a pas été fait pour la circonstance, il est de
1826. J’ajouterai que les Flandres paient leurs contributions comme les autres,
ou ne leur fait pas de faveur, il faut donc les traiter aussi favorablement. Il
s’agit ici de justice et je crois que si on ne diminue pas les autres cours, il
ne faut pas lésiner sur 3 ou 4 conseillers pour empêcher qu’on n’augmente les
membres de la cour de Gand.
M. Jullien. - Je demande la parole. Messieurs, si l’on peut
reprocher l’esprit de provincialité à la Flandre orientale, on ne peut pas, je
pense, en dire autant de la Flandre occidentale ; car je crois vous avoir
démontré jusqu’à l’évidence, il y a peu de jours, que jamais, sous l’ancien
gouvernement comme sous le nouveau, jamais province ne fut plus complétement
déshéritée de toute faveur, comme de toute justice. Il est bien facile, quand
on est loti, qu’on a tout ce qu’on désire, de dire aux autres : vous êtes
guidés par l’esprit de provincialité ; mais, messieurs, ce n’est pas un
argument fort péremptoire que celui-là. Il s’agit de savoir pourquoi la cour de
Liége aura plus de conseillers que la cour de Gand ; et aucune raison, aucun
argument n’ont été mis en avant encore pour justifier, d’une manière
satisfaisante, la disparité dont on se plaint. Sur quoi se base-t-on en effet ?
Sur la population ? Celle des Flandres est égale au tiers de toute la
population du royaume, les deux autres cours n’ont aucun droit sous ce rapport
à être plus favorablement traitées. Sous le rapport des affaires ? Il est
certain que le nombre de celles fournies par la Flandre tant à cause de sa
richesse, qu’à cause de sa triple frontière ne sera pas inférieur à celui des
autres cours. Déjà le tableau présenté ne portait la différence qu’à 48 causes,
l’égalité sera donc bientôt rétablie si tant est qu’elle ne tourne pas bientôt
en notre faveur. On vous a déjà fait remarquer qu’il était impossible que 15
conseillers pussent suffire au travail, Je crois donc, sans insister davantage,
qu’il y a lieu de ramener l’égalité entre les trois cours, à moins qu’on n’ait
de meilleures raisons à nous donner que celles que j’ai entendues jusqu’ici.
Mais, en tout cas, qu’on ne nous parle plus d’esprit de provincialité.
M. Barthélemy. - On part d’une fausse base en invoquant l’élément de
la population pour déterminer le personnel des cours. On dit que les Flandres
font le tiers du royaume. Messieurs, les provinces du nord faisaient bien le
tiers du royaume des Pays-Bas, et une seule cour suffisait pour les neuf
provinces, et cette cour n’avait pas beaucoup de travail. Elle n’entrait que
deux fois par semaine, et n’avait guère plus de soixante causes à juger par an.
Ce n’est pas la population d’une province qui fait qu’il y a plus ou moins de
procès, c’est la sagesse qui en diminue le nombre, et, sous ce rapport, vous
êtes sages à Gand. (Explosion d’hilarité).
La province du Hainaut à elle seule fournit plus d’affaires que toutes les
autres provinces du ressort de la cour de Bruxelles, et des affaires qui durent
plus longtemps. Dans les Flandres vous n’avez pas de procès semblables, parce
que vous n’ayez pas les grandes mines du Hainaut. Vous n’avez pas non plus de
graves querelles. Vous avez comparé votre ressort à celui de Liège, ce n’était
pas une comparaison à faire, car le pays de Liége est le pays le plus
querelleur de la terre. (Nouvelle
explosion d’hilarité. L’orateur lui-même rit beaucoup, et le bruit qui se fait
nous empêche d’entendre la suite de sa phrase.)
- On demande la
clôture. Elle est prononcée.
M. le président. met aux voix l’amendement de M. Delehaye ; il est
rejeté.
Articles 34 à 36
L’article 34 est
adopté sans discussion.
L’article 35 a été
adopté dans une précédente séance.
L’article 36 est
adopté sans discussion.
L’article 37 est
relatif à l’ordre des présentations des conseils provinciaux aux places de
conseillers qui deviennent vacantes.
Pour la cour de
Bruxelles, il a été statué, par amendement, que le conseil provincial d’Anvers
présente à six places, celui du Brabant à sept places, et celui du Hainaut à
huit.
M. Dubus. - Sur l’article 37 proposé par la section centrale,
il a été présenté deux amendements : l’un par M. le ministre de la justice,
l’autre par moi ; par l’un comme par l’autre on changeait la répartition entre
les trois provinces du Hainaut, du Brabant et d’Anvers, pour les places de
conseillers à la cour de Bruxelles. Je viens réclamer contre la distribution
qui a été faite.
La répartition
entre ces trois provinces doit se faire soit dans la proportion des
populations, soit dans la proportion des affaires. Quelle que soit la base que
l’on adopte, il en résultera toujours qu’en attribuant huit places au Hainaut
on ne lui en attribue pas assez d’après les populations respectives d’Anvers,
du Brabant et du Hainaut ; cette province en devrait présenter au moins neuf.
Si l’on a égard
aux affaires qui viennent de chaque province à la cour de Bruxelles, ou verra
que le nombre de celles que fournit le Hainaut est considérable ; qu’une
chambre civile à Bruxelles ne peut pas les juger toutes, et qu’il y a en outre
les affaires correctionnelles.
Il faut remarquer
de plus que les affaires données par le Hainaut ne sont pas seulement
nombreuses, mais encore qu’elles sont importantes.
D’après ces
considérations je demanderai que la répartition soit faite ainsi qu’il suit : 5
places pour Anvers, 7 places pour le Brabant et 9 places pour le Hainaut.
M. Legrelle. - Je suis fâché, messieurs, d’allonger la discussion,
mais puisque l’honorable député de Tournay répète ce qu’il a déjà dit il y a
cinq ou six jours, je dois le réfuter. Je m’étonne qu’après la réponse de M.
d’Elhoungne, il reproduise de tels arguments.
Ce n’est pas tant
le nombre des causes que le chiffre tiré de leur importance que l’on doit
considérer, et sous ce rapport la ville d’Anvers peut entrer en ligne de compte
avec les autres provinces. Aucune province ne donne lieu à des causes
commerciales aussi importantes que la province d’Anvers. Je ne pas prétends que
vous assimiliez cette province aux autres ; mais je crois que vous pouvez
persister dans la répartition faite.
M. Gendebien. - J’appuie l’amendement de M. Dubus, parce que les
raisons qu’il donne paraissent concluantes.
- La chambre ferme
cette discussion.
L’amendement de M.
Dubus est rejeté.
L’article 37 est
adopté tel qu’il est résulté du premier vote.
Articles 41 à 43
M. Lebeau. - Je demande la réunion des deux articles 41 et 42 en
un seul qui serait ainsi conçu : « Les cours d’appel ne peuvent juger
qu’au nombre fixe de cinq conseillers y compris le président. »
- Cette
proposition, qui ne change rien aux dispositions déjà admises, est mise aux
voix et adoptée.
L’article 43 est
adopté sans discussion.
« Art. 44. La
circonscription des tribunaux de première instance et de commerce, ainsi que ceux
de justice de paix et des tribunaux de simple police actuellement existants,
sont maintenues jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu. »
M. Dewitte. - Je propose de commencer ainsi cet article :
« La circonscription et les sièges des tribunaux de première
instance. »
D’après un
antécédent, la chambre voudra bien avoir égard à mon amendement.
Vous savez que
l’article 4 qui n’avait pas été amendé lors du premier vote l’a été par M. Van
Meenen dans le second vote. La chambre en effet ne peut s’interdire d’améliorer
et de réparer des injustices.
M. Lebeau. - Je ne crois pas que le préopinant puisse argumenter
du précédent invoqué pour prétendre qu’il ne nous est pas interdit de délibérer
sur son amendement. La proposition de M. Van Meenen était relative à des
amendements adoptés, mais ici M. Dewitte est tout à fait en dehors du règlement
; et dès lors le règlement serait complétement violé si l’on délibérait sur sa
proposition. Je ferai remarquer à M. Dewitte que ce que nous faisons par une
loi pourra être détruit par une autre loi, que ce que nous faisons n’est pas
d’ordre constitutionnel mais d’ordre législatif, et que l’on pourra revenir sur
les dispositions de l’article 44.
M. Jullien. - Messieurs je prends la parole pour démontrer que
d’après le règlement la discussion qui a lieu est prématurée. Il est certain
que l’article 45 du règlement interdit de faire de nouveaux amendements par le
second vote, à moins qu’ils ne soient la conséquence d’un amendement adopté ou
d’un article rejeté.
Je demande que,
conformément au règlement, on vote d’abord sur l’amendement de l’article et
qu’ensuite on laisse démontrer à M. Dewitte, que son amendement est la
conséquence du premier.
L’amendement de M.
Dewitte est écarté par la question préalable.
« Art. 48.
Les fonctions qui étaient attribuées au procureur criminel dans les lieux
autres que ceux où siège une cour d’appel sont exercées par les procureurs du
Roi près les tribunaux de première instance des arrondissements dans lesquels
siègent les cours d’assises ou par leurs substituts. »
M. Van Meenen. - D’après la manière dont cet article est terminé on
dirait que les fonctions du procureur criminel sont remplies de droit par les
substituts des procureurs du Roi, tandis qu’ils ne les remplissent que quand le
procureur du Roi ne peut le faire. Je demande la suppression des mots « ou
par leurs substituts. »
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Ces mots s’entendent pour les cas d’empêchement. C’est ainsi que la locution
a été entendue. L’article est extrait d’une loi française de 1815. Comme ce
sont des fonctions déléguées au procureur du Roi en vertu de la loi, il
pourrait y avoir doute qu’elles pussent être remplies par les substituts.
M. Van Meenen. - Quoique la locution vienne des lois françaises, il
n’en faut pas moins bien comprendre que les substituts n’exercent pas ces
fonctions de leur chef. Quand nous faisons des lois, nous corrigeons les
défauts que nous trouvons. J’insiste pour la suppression.
M. Jullien. - L’observation faite par M. Van Meenen mérite d’être
appuyée par la chambre : on peut de l’article conclure que les substituts ont
un droit égal au procureur du Roi de remplir les fonctions du procureur
criminel ; cela ne se peut. Je demande que l’on mette : « en cas
d’empêchement, par leurs substituts. »
M. H. de Brouckere. - Je préfère la simple radiation des mots « et
par leurs substituts » ; je demande s’il peut résulter quelque ambiguïté
par suite de cette suppression ? Aucune : dans tous les cas les substituts
peuvent remplacer le procureur du Roi.
M. Van Meenen. - En conservant la rédaction de l’article il en
pourrait résulter des difficultés entre le procureur du Roi et les substituts.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - D’après les dispositions du code d’instruction
criminelle, il est dit que le procureur du Roi étant présent il peut se faire
remplacer par un de ses substituts. Remarquez qu’on délègue au procureur du Roi
une fonction qui n’entrait pas dans ses attributions primitives et qui lui est
déléguée par une disposition spéciale. Je crois qu’on peut conserver la
locution ou mettre qu’il peut se faire remplacer par ses substituts. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
- La suppression
demandée par M. H. de Brouckere n’est pas admise.
M. Jullien. - Près des cours criminelles les fonctions de
procureur criminel sont très importantes, et les substituts sont des jeunes
gens très peu experts ; mon avis est que l’on énonce clairement dans la loi que
le procureur du Roi remplisse, en personne, ces fonctions devant les cours
d’assises.
- L’amendement de
M. Jullien est rejeté.
L’article 48 est
adopté sans nouvelle modification.
Article 49
L’article 49 est
adopté sans discussion.
« Art. 50.
Les juges suppléants sont nommés à vie. »
M. Van Meenen. - Je ne pense pas, messieurs, que nous puissions
admettre que les juges suppléants sont nommés à vie. En effet, si les juges
suppléants sont compris dans l’article 100 de la constitution, qui dit : les
juges sont nommés à vie, l’article 50 est inutile ; si l’article de la
constitution n’est pas applicable aux juges suppléants, nous n’avons pas le
droit d’établir qu’ils sont nommés à vie. Or pour ma part je ne crois pas que
la constitution soit applicable aux juges suppléants ; je ne puis les
considérer comme des juges, car ils ne sont institués que pour suppléer les
juges. Quoiqu’il en soit de cette opinion, je le répète, si la constitution les
concerne, l’article est inutile ; si la constitution ne leur est pas
applicable, nous ne devons pas aller contre l’esprit de la constitution.
M. Barthélemy. - Il y a des exemples d’un cas semblable dans la
constitution de 1815 : il était dit que les juges des cours étaient inamovibles
; il n’en était pas de même pour les juges de tribunaux, mais quand on a fait
la loi d’organisation judiciaire on a ajouté une disposition pour étendre
l’inamovibilité aux juges de première instance, et on n’a pas cru que ce fût là
une inconstitutionnalité. Remarquez que par une disposition semblable, vous
n’ajoutez rien à la constitution, c’est une loi que vous faites et que vous
pouvez révoquer quand bon vous semblera.
M. Mesdach. - Cette disposition était dans le projet primitif de
M. le ministre de la justice. Du reste, les juges suppléants ont toujours été
considérés comme des juges de paix eux-mêmes. La cour de cassation l’a jugé
ainsi par plusieurs arrêts, et c’est aussi l’opinion de M. Legraverend.
- La proposition
de M. Van Meenen est rejetée.
L’article 50 est
adopté.
Article 51
L’article 51 ne
donne lieu à aucune discussion ; il est adopté.
On passe à l’art.
52, ainsi conçu : « Les chambres civiles des cours d’appel et des
tribunaux de première instance, vaqueront depuis le 15 août jusqu’au 15
octobre.
« Il y aura
une chambre des vacations pour l’expédition des affaires urgentes. »
Par amendement on
avait, lors de la première discussion, fixé l’ouverture des vacations au 1er
septembre.
M. Gendebien. - Messieurs, je ne sais pas quels motifs ont pu
porter la chambre à renverser l’usage établi depuis si longtemps, d’accorder
aux tribunaux deux mois de vacance. Deux mois de repos pour des hommes qui ont
fait un travail des plus pénibles pendant dix mois, ne sont rien de trop.
Veuillez remarquer....
Ici M.
Legrelle interrompt
l’orateur par quelques mots prononcés à demi-voix, et que nous ne pouvons
saisir.
M. Gendebien. - M. Legrelle, veuillez ne pas m’interrompre, je n’ai
pas eu l’honneur de vous entendre quand vous avez parlé sur la question, mais vous
pourrez me répondre. Que, dans le commerce, on ne sente pas le besoin des
vacances, je le conçois ; là il ne s’agit que d’un travail matériel, que l’on
peut abandonner quand on veut et qui ne fatigue pas beaucoup l’esprit. Mais les
magistrats et les avocats sont tenus à faire des études pénibles sur des
questions épineuses, et leur esprit se fatigue à s’occuper des affaires des
autres, et à n’avoir pas, pendant dix mois, un seul moment pour vaquer aux
leurs. Les avocats comme les magistrats ont leurs affaires personnelles à
régler ; ce n’est pas trop de leur donner le délai de deux mois. Il est rare
d’ailleurs qu’un avocat un peu occupé puisse prendre ses vacances avant trois
semaines écoulées depuis le jour de leur ouverture, il emploie ce temps à mettre
ordre aux affaires jugées ou instruites dans l’année judiciaire. Il est obligé
de rentrer dans son cabinet pour se remettre à la besogne quinze jours avant la
rentrée des cours, en sorte que les deux mois de vacances se réduisent pour lui
à trois semaines.
Maintenant,
pour ce qui concerne les magistrats, je répondrai à ce qu’on a dit qu’ils
n’étaient occupés que 3 heures par jour, qu’autrefois les magistrats faisaient
en effet fort peu de travail, ils s’amusaient à causer politique aussitôt
qu’ils se trouvaient réunis et ils n’étaient jamais pressés de juger, parce
qu’ils étaient payés à l’heure ; mais aujourd’hui il en est autrement, la
magistrature se distingue par son zèle et par son assiduité. Les juges siègent
pendant 4 heures consécutives 3 ou 4 fois la semaine, les autres jours ils
élaborent leurs arrêts, et comme il n’y aura maintenant que 5 conseillers à
chaque chambre, ils auront tous des arrêts à rédiger, et ce n’est pas un
travail aussi facile à faire qu’une lettre commerciale (on rit) ; ce n’est donc pas trop que de leur permettre quelque
repos ; les chambres de vacations d’ailleurs sont là pour rendre la justice, et
si c’est un moyen de ne pas faire languir les justiciables, cela fait aussi que
les vacances ne sont que partielles pour les magistrats. Les avocats, de leur
côté, doivent venir plaider devant les chambres de vacations : vous voyez qu’il
leur reste fort peu de temps pour se reposer. Si plus tard on reconnaissait que
c’est trop de deux mois de vacances, on pourrait les réduire, mais jusqu’ici
l’expérience a prouvé en faveur de l’usage établi. Je pense donc qu’il y a lieu
de maintenir l’article tel qu’il était auparavant. D’ailleurs, messieurs, soyez
certains que ce que la loi n’accorderait pas, les avocats et les magistrats
finiraient par le prendre, et il ne leur serait pas bien difficile de
s’entendre à cet égard.
M. H. de Brouckere. - Il est probable que ceux qui ont adopté l’amendement
pensaient que tous les magistrats pourraient profiter des vacances entières, et
qu’ils n’avaient pas réfléchi que la chambre des vacations occupait tour à tour
la moitié des juges et diminuait d’autant les jours de repos ; il y a ensuite
les causes correctionnelles, les mises en accusation à expédier, et si les assises se prolongent
pendant le temps des vacances, il se trouve qu’une bonne partie des juges est
sans cesse occupée. On a avancé dans la discussion, et c’est un fait que je
dois relever, qu’en accordant 6 semaines de vacances c’était réellement
accorder deux mois, parce que les magistrats de la cour de Liége, après
l’audience de rentrée, allaient chasser pendant 15 jours.
M. Lebeau. - Les avocats, non pas les magistrats.
M. H. de Brouckere. - Les avocats, soit ; je ne sais pas, messieurs, ce
qui se fait à Liége, mais je sais qu’à la cour de Bruxelles on rentre aux jours
fixés et qu’on plaide et juge dès le premier jour. A Bruxelles par conséquent
des vacances de 6 semaines ne seraient que des vacances de six semaines. Ce
n’est pas assez, et comme vient de vous le dire M. Gendebien, les avocats
pourraient bien, si vous adoptiez l’amendement, s’entendre pour ne pas plaider,
pour ne pas faire mettre des causes au rôle et les magistrats se trouveraient
ainsi dans l’impossibilité de juger.
M. Taintenier. - Messieurs, la justice et les convenances
m’engagent à appuyer la proposition de M. Gendebien. Je ne crois pas comme lui,
si vous adoptiez l’amendement, qu’il y eût concert entre les juges et les
avocats pour enfreindre la loi ; je pense au contraire que les magistrats
seront toujours trop bien pénétrés de leur devoir pour ne pas observer les lois
et de leur côté les avocats se respecteraient assez pour ne pas colluder entre
eux pour entraver la marche de la justice ; mais j’ai des raisons plus grandes
pour maintenir l’usage établi de tous les temps. C’est que, après 10 mois de
travaux pénibles, il est juste d’accorder aux juges, dont la plupart sont
arrivés au déclin de l’âge, deux mois de cette vie qui va s’éteindre, non
seulement pour se reposer, mais pour se recueillir et pour s’occuper des
affaires de leur famille ; car enfin il faut bien que des hommes qui ont un
pied dans la tombe aient le temps de régler leurs propres affaires quand ils
ont consacré la majeure partie de leur temps à régler celles des autres.
Ensuite ce n’est pas réellement deux mois que vous leur donnez, car il y a la
chambre de vacations, qui retient au tribunal une partie des magistrats. On a
dit que leur travail n’était pas bien pénible et qu’ils n’avaient qu’à siéger 3
heures par jour à l’audience et trois fois la semaine. C’est mal connaître leur
besogne que de raisonner ainsi. Il y a bien d’autres choses à faire qu’à tenir
les audiences ; et sans vouloir énumérer tous les travaux d’un tribunal, n’y
a-t-il pas les enquêtes à faire, les affaires criminelles à juger en chambre du
conseil, les interrogatoires sur faits et articles, les interrogatoires pour
arriver à une interdiction et une multitude d’autres affaires tout aussi
importantes que la tenue des audiences ? Quand 10 mois ont été employés à ces
travaux pénibles, ne refusez pas à ceux qui s’y sont livrés un repos qui leur est
si nécessaire. (La clôture ! la clôture !)
M. Devaux. - Si quelqu’un avait parlé dans le sens de
l’amendement adopté, je renoncerais la parole, mais trois orateurs ayant parlé
contre, vous me permettrez de dire quelques mots pour. Vous vous rappellerez
que d’abord la section centrale avait adopté une disposition semblable pour la
cour de cassation où, pour le dire en passant, siégeront les membres les plus
âgés. La chambre est allée plus loin et vous avez décidé que la cour de cassation
ne vaquerait pas. Quant au reste de la magistrature, je ne conteste pas que ce
ne soit dans son intérêt que l’on demande deux mois de vacances, ce serait
aussi dans l’intérêt des employés de l’administration, si, en administration,
il était d’usage d’accorder des vacances. Je ne connais pas de raison pour
accorder des vacances à la magistrature plutôt qu’aux autres administrations ;
les employés de celles-ci travaillent 6 et 8 heures par jour, tandis que les
magistrats ne siègent que trois fois par semaine, trois heures chaque fois et
toujours dans la matinée ; ce n’est certes pas là un travail assez pénible pour
qu’il soit nécessaire de leur accorder de longues vacations et cela aux dépens
des plaideurs dont par là les affaires se trouvent retardées.
Quant aux avocats, on a dit que ceux qui étaient
occupés avaient beaucoup à faire pendant 10 mois et que le repos leur était
nécessaire. Messieurs, je ne reconnais pas cette espèce de privilège que l’on
veut établir en faveur des avocats. La profession d’avocat est fort respectable
sans doute, mais enfin c’est une industrie comme toute autre et qui n’a pas
droit à un privilège. Si des avocats sont trop occupés, qu’ils cèdent des
causes à leurs confrères, ils ne se fatigueront pas autant. Les médecins travaillent
tons les jours, ils ne connaissent pas de jours de repos, ni dimanche ni fête ;
je ne vois pas pourquoi il en serait autrement des avocats, et pourquoi cette
industrie jouirait d’un privilège refusé à toutes les autres ; je ne vois pas
non plus pourquoi des magistrats auraient des vacances qu’on refuse aux
administrations et continueraient d’être payés comme s’ils travaillaient. En
droit strict, on ne devrait pas admettre de vacances pour les tribunaux ; si
j’ai consenti à ce qu’on leur accordât 6 semaines, c’est pour me conformer à
l’usage établi, mais je crois que 6 semaines suffisent, et je crains peu le
concert dont on nous a menacés entre les avocats et les magistrats, parce que
je pense, comme M. Taintenier, que les uns et les autres se respecteront assez
pour se conformer à la loi.
M. Helias
d’Huddeghem fait observer que
les anciens parlements, outre deux mois de vacance qu’ils avaient à la St-Remy,
en prenaient encore 15 jours aux fêtes de Pâques.
M.
Jonet relève ce qu’on a dit du peu
de travail qu’avaient à faire les magistrats, il affirme qu’à la cour de
Bruxelles presque tous les conseillers siègent six fois la semaine. Il demande,
si on persistait à n’accorder que six semaines de vacance, qu’elle s’ouvre le
15 août pour finir au 1er octobre, comme la cour de Bruxelles en a exprimé le
vœu.
M. le président, après un léger et très court débat met aux voix la
question de savoir si les vacances ne dureront que six semaines.
M. Legrelle. - Au dernier vote, la chambre se trouva divisée
presque en nombre égal sur cette question, je demande qu’elle soit votée par
appel nominal.
On procède à
l’appel nominal, dont voici le résultat :
Votants 84 ; oui,
41 ; non, 33.
Les vacances
seront de deux mois, c’est-à-dire que l’article primitif du projet est
maintenu.
Ont voté pour :
MM. Barthélemy, Berger, Boucqueau, Cols, Coppens, Dautrebande, de Gerlache, de
Haerne, Delehaye, Devaux, Dugniolle, Dumortier, Goethals, Hye-Hoys, Jacques,
Lardinois, Lebeau, Legrelle, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Polfvliet,
A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Serruys, Ullens, Verdussen, Vergauwen,
Vuylsteke, Zoude.
Ont voté contre : MM. Taintenier,
Bourgeois, Brabant, Coppieters, Corbisier, H. de Brouckere, Dellafaille, W. de
Mérode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Robaulx, de Roo, de Sécus, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dewitte, Domis, Dubus, Dumont, Duvivier,
Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jonet, Julien, Leclercq, Lefèbvre,
Liedts, Mesdach, Olislagers, Poschet, Raikem, Raymaeckers, Thienpont,
Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen,
H. Vilain XIIII et Watlet.
La séance est levée
à 4 heures un quart.