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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 juin
1832
Sommaire
1) Quorum parlementaire (A.
Rodenbach)
2) Projet
de loi portant organisation judiciaire.
a) Cour de cassation. Interprétation des lois par le pouvoir législatif
en cas de double cassation (Bourgeois, Destouvelles, Devaux),
jugement des ministres par la cour de cassation (Jullien,
Bourgeois, H. de Brouckere),
pourvoi des procureurs-généraux en cassation (Jaminé, Liedts, Helias d’Huddeghem, Lebeau, Liedts, Raikem,
Destouvelles, Lebeau, Helias d’Huddeghem, H. de Brouckere,
Jullien, Lebeau, Raikem, Devaux, Helias
d’Huddeghem, Jullien, H. de
Brouckere, Jonet, d’Elhoungne,
Devaux, Jullien, Barthélemy, H. de Brouckere,
Devaux, H. de Brouckere, Bourgeois, Liedts, Van Meenen, H. de Brouckere,
Liedts), composition des chambres réunies (Bourgeois, d’Elhoungne, H. de Brouckere, Delehaye, Lebeau, H. de Brouckere),
transcription des arrêts de cassation (Van Meenen, Jullien, Destouvelles, Raikem), avocats près la cour de cassation (Liedts, Destouvelles, Devaux, H. de Brouckere, Van Meenen, Gendebien, Raikem, Lebeau, Jullien,
Destouvelles, H. de
Brouckere, Raikem, Gendebien,
Devaux, Raikem, Barthélemy, Gendebien, H. de Brouckere, de Robaulx,
Devaux, Jullien, de Robaulx, Van Meenen, Jullien, de Robaulx, Raikem, Destouvelles, Jullien, H. de Brouckere, Devaux, de Robaulx, H. de Brouckere, Devaux, Destouvelles), traitements des conseillers, avocats
et huissiers (Mary, Raikem, Mary, Brabant, Lebeau,
Seron, Mary, de
Robaulx)
b) Cours d’appel. Etablissement d’une cour d’appel à Bruges (Jullien, Van Innis, de Roo)
(Moniteur belge n°170, du 18 juin 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
A midi la séance
est ouverte. On procède à l’appel nominal.
La séance est
suspendue pendant quelques minutes, parce que MM. les représentants ne sont pas
en nombre pour délibérer.
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole.
M. le président. - Nous ne sommes pas en nombre.
M. A. Rodenbach. - C’est pour ce motif que je demande la parole. On
nous a convoqués pour onze heures ; il est midi passé, et nous ne sommes pas en
nombre pour délibérer ; on devrait, par la voie des journaux, noter les noms
des absents. Nous sommes dupes de notre exactitude.
M. Leclercq. - Avant un quart d’heure nous serons en nombre ; il
est probable que plusieurs de nos collègues ne savent pas que la séance doit
commencer plus tôt qu’à l’ordinaire.
M. le président. - C’est l’assemblée qui elle-même a demandé hier que
l’on commençât de bonne heure. Les bulletins de convocation indiquent l’heure.
Plusieurs voix. Les bulletins indiquent onze heures.
M. Leclercq. Il est possible que les bulletins portent onze heures
; moi-même je n’avais pas lu.
Plusieurs membres. - On le sait ! les bulletins le disent !
- Le nombres des
représentants s’accroît successivement, et après quelques minutes, la séance
est reprise.
M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée sans
réclamation.
M. le président. - Sur la proposition de M. Rodenbach, le nom des
membres absents sera inséré au Moniteur.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE
Discussion des
articles
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.
Article 23
L’article 23 est
ainsi conçu :
« Art. 23.
Lorsqu’après une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les
mêmes moyens que le premier, la cause est portée devant les chambres réunies,
qui jugent en nombre impair.
« Si la cour
annule le second arrêt ou jugement, il y a lieu à interprétation. »
M. Bourgeois. - Messieurs, j’ai cru qu’il fallait fixer le nombre
des conseillers nécessaires pour rendre un arrêt régulier. Si le minimum du
nombre des avocats n’était pas déterminé, on ne pourrait dire que les chambres
réunies se composent de 9 ou de 11 membres puisque sept membres forment une
chambre.
D’après la
constitution, le jugement des ministres doit être rendu par les chambres
réunies de la cour de cassation en nombre pair ; on doit fixer aussi le minimum
du nombre des conseillers qui jugeront les ministres.
C’est d’après ces
motifs que je propose une addition à l’article en délibération.
Il me semble que
cette addition serait aussi bien placée à l’article 23 que dans une disposition
générale ; au reste, je ne m’oppose pas à en faire une disposition
particulière.
M. Destouvelles. - L’amendement me paraît inutile. Vous avez reconnu
que les arrêts de la cour de cassation ne pouvaient être rendus que par le
nombre fixe de sept membres ; quand on dit chambres réunies, il faudra au moins
quatorze conseillers. Et puisque l’article dit « nombre impair, » il
faudra au moins quinze. s’il n’y avait que treize conseillers, il n’y aura pas
chambres réunies.
M. Bourgeois.
- Chaque chambre de la cour de cassation est composée de neuf membres, ce qui
fait dix-huit pour les chambres réunies. Il en faut au moins quinze pour les
cas prévus par l’article 23, et 16 pour le cas prévu par la constitution.
M. Devaux. - Je crois que l’amendement est inutile ; mais il
faudrait en faire l’objet d’un article général. Il y a trois cas où la cour de
cassation prononce chambres réunies : pour les conflits, en cas de désaccord de
la cour avec les cours d’appel, et en cas d’accusation des ministres. Je
proposerai d’ajourner l’amendement.
- La discussion
sur l’amendement est renvoyée à un autre article.
Articles 24 et 25
« Art. 24. Le
procureur-général transmet les jugements et arrêts au gouvernement qui provoque
une loi interprétative. »
- Adopté sans
discussion.
« Art. 25.
Jusqu’à ce que cette loi ait été rendue, il est sursis au jugement de la cause
par la cour ou par le tribunal auquel elle est renvoyée.
« Les cours
et les tribunaux sont tenus de se conformer à la loi interprétative, dans
toutes les affaires non définitivement jugées. »
- Adopté sans
discussion.
« Art. 26.
Les accusations admises contre les ministres sont, en exécution de l’article 90
de la constitution, jugées par les chambres réunies.
« Les juges
doivent siéger en nombre pair. Si les conseillers, non légitimement empêchés,
se trouvent en nombre impair, le dernier nommé s’abstient. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ici vient l’article additionnel de M. Bourgeois.
M. le président. - Si personne ne demande la parole sur l’article 26
lui-même, je vais le mettre aux voix.
- L’article 26 est
adopté sans discussion.
M. Jullien. - C’est ici qu’il faut mettre la disposition générale
relative aux chambres réunies.
M. Bourgeois.
- Je crois qu’il suffira d’ajouter : « Dans tous les autres cas où la cour
jugerait, chambres réunies, elle sera en nombre impair, et il y aura quinze
conseillers au moins. »
M. H. de Brouckere. - Mais il faut aussi dire quel sera le nombre des
conseillers qui jugeront les ministres.
M. Bourgeois.
- Je vais rédiger un article qui comprendra tous les cas.
M. Lebeau. - On peut continuer la discussion.
Article 27
« Art. 27. Le
ministère public est entendu dans toutes les affaires. »
- Adopté.
« Art. 28. Le
procureur-général peut, après l’expiration des délais, dénoncer à la cour de
cassation les arrêts et jugements contre lesquels aucune des parties sera
réclamée.
« La chambre
des requêtes est chargée de statuer définitivement sur ce pourvoi. Si le
jugement ou l’arrêt est cassé, les parties ne peuvent se prévaloir de la
cassation. »
M. Jaminé. - La première partie du second paragraphe est
inutile.
M. le président. - M. Liedts propose une modification.
M. Liedts. - L’énoncé de ma proposition contient ces motifs.
Voici mon amendement :
« Le
procureur-général peut dénoncer à la cour de cassation les arrêts et jugements.
Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi est ouvert aux parties, le pourvoi
dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu qu’après l’expiration des délais.
« Si l’arrêt
est cassé, les parties ne peuvent se prévaloir de la cassation. »
M. le président. - Je vais donner une seconde lecture de l’amendement :
« Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi est ouvert aux parties, le
pourvoi dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu qu’après l’expiration des
délais. » C’est dans ces mots que se trouve la modification présentée par
M. Liedts.
M. Helias
d’Huddeghem. - Je ferai
remarquer qu l’amendement de M. Liedts paraît en contradiction avec l’article
441 du code d’instruction criminelle.
Cet article est
ainsi conçu : « Lorsque, sur l’exhibition d’un ordre formel à lui donné
par le ministre de la justice, le procureur-général près la cour de cassation
dénoncera à la section criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements
contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements pourront être annulés, et
les officiers de police ou les juges, poursuivis, s’il y a lieu, etc. »
D’après la
remarque de M. Favard de Langlade dans son recueil de jurisprudence, il en
résulte que le procureur-général ne peut se pourvoir sans autorisation du
ministre, tandis que par l’amendement il pourrait dans tous les cas se pourvoir
sans cette autorisation. Mais, pour lever toute espèce de doute, il
conviendrait de mettre dans l’amendement ces mots : « en toute matière. »
M. Lebeau. - Il me semble que l’amendement de M. Liedts ne
remplit pas le but de son honorable auteur. J’avais fait observer que la
rédaction de l’article 16 était conçu en termes tellement absolus qu’elle
excluait le pourvoi du ministère public pour violations de la loi. Pour faire
disparaître cet inconvénient, j’avais proposé de mettre dans l’article :
« Il n’y a ouverture à cassation, si ce n’est dans l’intérêt de la loi
pour les jugements en dernier ressort rendus par les juges de paix.
Si l’amendement de
M. Liedts n’est pas modifié, il faudra modifier l’article 16.
M. Liedts. - Mon amendement me paraît suffire et prévenir tous
les cas ; car je dis : « Le procureur-général peut dénoncer à la cour de
cassation les arrêts et jugements. Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi
est ouvert aux parties, le pourvoi dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu
qu’après l’expiration des délais. »
M. Lebeau. - L’article 16 s’applique aussi bien au ministère
publié qu’aux parties. Je crois qu’il faudrait amender l’article 16 dans ce
sens : « Il n’y a pas d’ouverture à cassation, si ce n’est dans l’intérêt
de la loi. » De cette manière tout marcherait.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne crois pas que de la manière dont les articles
sont rédigés, on puisse élever un doute raisonnable sur la faculté laissée au
ministère public de se pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi, même
contre les jugements des juges de paix.
C’est sur des
articles de la législation française que les article 16 et 28 sont calqués, et
en France où le sens en est connu apparemment, on n’élève aucun doute que le
ministère public puisse se pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi
contre les jugements en dernier ressort, rendus par les juges de paix.
Les dispositions du projet de loi ne sont pas moins claires que les dispositions
des lois antérieures.
On voudrait
introduire des énumérations dans la rédaction des articles ; je les crains
parce qu’on peut en tirer des arguments a contrario sensu.
Il
faut que le ministère public ne puisse se pourvoir avant que le jugement n’ait
reçu force de chose jugée.
Je crois que la
rédaction proposée par la section centrale suffit pour remplir l’objet que l’on
se propose.
M. Destouvelles. - Je ferai observer que l’article 16 considère le
pourvoi dans ses rapports avec les parties, tandis que l’article 28 le
considère dans ses rapports avec le ministère public.
Cependant je crois
pouvoir dire : « Le procureur-général peut dans tous les cas, et après l’expiration
des délais… »
M.
Lebeau.
- Dites : « dans tous les cas prévus... »
M. Destouvelles. - « Dans tous les cas prévus. »
M. Helias
d’Huddeghem. - L’addition de
M. Destouvelles lèverait l’anomalie que présentent l’article 88 de la loi du 27
ventôse an VIII.
M. H. de Brouckere. - Il faut nécessairement que la loi soit claire, et
si l’on prévoit, en la faisant, que les termes donneront lieu à des
discussions, à des controverses, il faut les remplacer par d’autres non sujets
à équivoque. Ce que vient de dire M. le ministre de la justice prouve que les
articles occasionneront des difficultés ; ce que propose M. Destouvelles peut
aussi occasionner des contradictions. Nous voulons que le ministre puisse se
pourvoir en cassation dans tous les cas, et alors même que le pourvoi entre les
parties est ouvert. Il faut donc une autre rédaction qui enlève le doute.
M. Jullien. - C’est pour enlever ce doute que je vais proposer
une rédaction de l’article 28. Un amendement à l’article 16 est impossible,
puisqu’il a été adopté. Ce ne serait que dans le vote définitif qu’on pourrait
y revenir, si toutefois il avait été amendé.
« Le
procureur-général peut, dans tous les cas de l’article 16 comme dans tous les
autres cas, et après les délais, se pourvoir en cassation. »
Telle est la
disposition que je présente.
M. Lebeau. - Il faudrait dire : « Nonobstant les
dispositions de l’article 16. »
M. Jullien. - Oui, « nonobstant les d’expositions de
l’article 16 » lèvera toutes les difficultés.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem). - Je suis loin de m’opposer à la clarté. Le pourvoi ne
doit être ouvert au ministère public qu’après les délais : un juge de paix rend
un jugement, il faut attendre l’expiration des délais du pourvoi pour les
parties ; il faut que le ministère public attende jusqu’à ce que le jugement
soit passé en force de chose jugée.
M. Devaux. - Il faudrait dire : « Nonobstant la disposition
de l’article 16, le procureur-général peut toujours, et après l’expiration des
délais, s’il y a lieu, déférer à la cour de cassation les jugements des juges
de paix rendus en dernier ressort. »
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Toujours les parties peuvent se pourvoir en cassation contre les jugements
des juges de paix.
M. Helias d’Huddeghem. - La difficulté pourrait être levée par l’addition
du paragraphe suivant :
« L’exception
contenue en l’article 16 n’est pas applicable au ministère public. »
M. Jullien. - Ce n’est pas une exception.
M. H. de Brouckere. - Vous me pardonnerez, c’est une exception.
M.
Jonet. - Je proposerais de mettre : « Dans les cas où le
recours en cassation est ouvert aux parties, le procureur-général, après les
délais, forme pourvoi ; dans les autres affaires, le procureur-général pourra
se pourvoir immédiatement. » (Non !
non ! non ! Le procureur doit attendre les délais !)
Un membre. - M. le ministre
a raison, il faut que le ministre attende.
M. d’Elhoungne. - Je proposerai de mettre : « Le
procureur-général peut, après l’expiration des délais, dénoncer à la cour de
cassation tous arrêts ou tous jugements pour violation de la loi. »
M. Devaux. - Il me semble que l’amendement de M. H. de Brouckere
est le meilleur ; il faudrait cependant en retrancher deux mots pour qu’il fût
plus clair.
M. Jullien. - J’appuierai cet amendement qui rentre dans les
considérations que j’ai exposées à la chambre. M. de Brouckere, en ne parlant
que de l’article 16, semble interdire les autres pourvois.
M. Barthélemy. - J’adopte l’amendement ; mais je demande qu’on
ajoute : « Après l’expiration des délais accordés aux parties. »
M. le président. - Voici l’amendement que présente M. Devaux :
« Nonobstant
les dispositions de l’article 16, le procureur-général peut, dans tous les cas,
et après l’expiration des délais accordés aux parties, dénoncer à la cour de
cassation les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix. »
M. H. de Brouckere. - J’aurais voulu rendre l’idée plus claire ; je ne
tiens pas à ma rédaction. Voici celle que je proposerais : « Cette faculté
est laissée au procureur-général même, dans le cas où il n’y a point ouverture
à cassation pour les parties, mais toujours après l’expiration des
délais. »
Plusieurs voix. - La rédaction présentée par M. Devaux est plus
claire !
M. Devaux. - Il est entendu que mon amendement n’est qu’un
paragraphe additionnel ; s’il est adopté, il faudra ensuite délibérer sur
l’article 28.
M. le président fait une seconde lecture de l’amendement de M. de
Brouckere.
M. Devaux. - Cette rédaction est très équivoque !
M. H. de Brouckere. - Ce que je propose fera suite au premier paragraphe
de l’article 28. (La clôture ! la clôture
!)
-
La chambre ferme la discussion sur les amendements du premier paragraphe de
l’article 28.
M. Bourgeois.
- Est-ce qu’on va tout éliminer dans le second paragraphe ?
Plusieurs membres. - Il y a clôture ! on ne peut plus discuter !
M. Liedts. - Je réunis mon amendement à celui de M. Devaux.
M. le président. - Il y a trois amendements, ceux de MM. d’Elhoungne,
Devaux et de Brouckere.
Voici celui de M.
d’Elhoungne : « Le procureur-général peut, après
l’expiration des délais, dénoncer à la cour de cassation tous arrêts, tous
jugements, pour violation de la loi, contre lesquels aucune des parties n’a
réclamé. »
Cet amendement
remplacerait le premier paragraphe.
M. Van Meenen. - Il faut d’abord mettre aux voix cet amendement.
M. H. de Brouckere. - Je demande qu’on lise l’amendement de M. Devaux,
qui sera une addition au premier paragraphe.
- Les amendements
de MM. Devaux et d’Elhoungne mis aux voix sont adoptés. On les rédigera en un
seul.
M. Liedts. - Il faut maintenant mettre aux voix la suppression
des premiers mots du second paragraphe, puisque nous n’avons plus de section
des requêtes.
M. Leclercq. - Il faut adopter l’article, sauf rédaction.
Un membre. - Ah ! vous voulez revenir sur la section des
requêtes !
Des voix. - Mais l’amendement adopté se lie mal avec la
rédaction du premier paragraphe
M. le président. - On peut supprimer dans l’amendement le mot
« procureur-général. »
M. Liedts. - Il faut mettre « jugements et arrêts » au
pluriel.
M. le président indique comment on peut lier l’amendement au premier
paragraphe ; puis l’article est mis aux voix avec la dernière partie du second
paragraphe, et cet article est adopté.
- La chambre passe
à la discussion d’un autre article.
Article additionnel
M. le président. Voici un article additionnel présenté par M.
Bourgeois :
« Dans tous les
cas où la cour jugera chambres réunies, le nombre de quinze membres au moins
est nécessaire pour rendre arrêt ; dans le cas de l’art, 26, il faut seize
membres au moins. »
M. Bourgeois,
en riant. - Mais il y a quelque chose qui précède cet amendement et qui est
écrit de la main de M. le ministre. (Hilarité.)
M. le président. Je vais donner lecture de la totalité :
« Chaque
chambre de la cour de cassation est composée d’un président et de huit
conseillers.
« Le premier
président présidera la chambre à laquelle il voudra s’attacher. Il présidera
l’autre chambre quand il le jugera convenable. Il présidera les chambres
réussies et les audiences solennelles.
« Dans
tous les cas où la cour jugera chambres réunies, le nombre de quinze membres au
moins est nécessaire pour qu’elle puisse rendre arrêt.
« Dans le cas
de l’article précédent, lorsqu’il s’agira du jugement d’un ministre, ce nombre
sera de seize membres au moins. »
M. d’Elhoungne. - Il me semble que si l’on adoptait l’amendement de
M. Bourgeois, il faudrait supprimer l’article 26 tout entier, et faire subir un
léger changement à cet amendement ; on peut dire : « Il faut quinze
membres au moins pour les chambres réunies, statuant sur les pourvois des
particuliers, après deux décisions semblables des cours d’appel, et seize au
minimum pour juger les ministres. »
M. H. de Brouckere. - Il faut, pour les ministres, mettre toujours « en
nombre pair ; » car si vous mettez pour minimum seize, on pourra prendre
dix-sept conseillers, ce qui n’est pas pair.
On peut laisser
l’article 26 tel qu’il est.
M. Delehaye. - Je vois un grand inconvénient pour le nombre pair,
car il peut y avoir une partie civile ; dans ce cas, s’il y a partage, que
fera-t-on ?
M. Lebeau. - L’accusé est acquitté.
M. Delehaye. - Quand il serait acquitté les parties civiles out
toujours des droits. (Non ! Non ! Oui !
oui !)
Je suis étonné que
l’on dise non.
M. H. de Brouckere. - Dans le cas d’une partie civile, la cour de
cassation ne jugera pas comme chambre criminelle ; c’est sur une action séparée
qu’elle juge.
- L’amendement de
M. Bourgeois est adopté et fait l’article 29 du projet de loi. La chambre
décide que les articles 27, 28, 29, etc., prendront des numéros respectivement
plus grands d’une unité.
« Art. 29 de
la section centrale (et qui devient l’article 30). Les arrêts de cassation sont
transcrits sur les registres des cours et tribunaux ; mention en est faite en
marge des arrêts ou jugements. »
M. Van Meenen. - Entend-on que la cassation sera transcrite sur les
registres de toutes les cours et de tous les tribunaux ?
M. Jullien. - J’appuierai la réflexion de M. Van Meenen, parce qu’on
pourrait comprendre cette disposition comme étant une obligation pour toutes
les cours et pour tous les tribunaux, de transcrire l’arrêt de cassation sur
leurs registres . Si l’on veut être clair, il faut adopter la rédaction de la
loi française : « Les arrêts de cassation seront transcrits sur les
registres des tribunaux et des cours dont les décisions auront été
annulés. »
M. Destouvelles. - Les cassations seront mentionnées en marge des
arrêts et des jugements ; or, ces arrêts et ces jugements ne sont que sur les
registres de la cour et du tribunal qui ont prononcé. L’article est
suffisamment clair.
M. Van Meenen. - La première partie de l’article est très générale.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne m’oppose pas à la proposition de M. Van
Meenen ou à celle de M. Jullien. Dans le projet du gouvernement il était
clairement écrit la même chose que ce que l’on demande.
M. Destouvelles. - La section centrale a cru qu’il fallait accoler les
deux dispositions l’une près de l’autre.
La modification
présentée par MM. Julien et Van Meenen est adoptée. Elle fait l’article 30 de
la loi.
« Art. 30 de
la section centrale (et qui devient l’article 31). Sont établis près la cour
des officiers ministériels portant le titre d’avocats. ils ont le droit de
plaider et exclusivement celui de postuler et de prendre des conclusions.
« Peuvent les
parties adjoindre, à leurs frais, à ces avocats, tels autres qu’elles jugent
convenable d’employer.
« Les avocats
à la cour de cassation sont nommés par le Roi, sur la présentation de la cour.
« Leur nombre
est déterminé par le gouvernement, avec l’avis de la cour.
« Ils ne
peuvent être nommés si depuis six ans au moins, ils ne sont docteurs ou
licenciés en droit.
« Cette
dernière condition est requise pour pouvoir plaider comme avocat-adjoint.
« Les avocats
à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel. »
M. Liedts. - Je demanderai à l’honorable rapporteur si
l’intention du paragraphe 6 de cet article est d’exiger que les
avocats-adjoints qui plaideront en cassation soient docteurs ou licenciés en
droit depuis six ans au moins.
M. Destouvelles. - Oui.
M. Liedts. - Dans ce cas, la disposition de l’article est en
contradiction avec les motifs qui l’ont dicté. En effet, on a voulu que, tout en
maintenant à la cour de cassation des avoués sous le titre d’avocats, la
confiance des parties ne fût pas forcée, et qu’il leur fût libre de continuer
aux avocats qui ont plaidé la cause en appel la confiance qu’elles y avaient
placée. Or il se pourra et il arrivera même assez souvent que les avocats qui
auront plaidé en appel, et qui possèdent toute la confiance des parties, ne
seront pas licenciés depuis six ans. Je crois donc que ce paragraphe de
l’article devrait être modifié et que, pour être conséquent, il ne faudrait pas
exiger que les avocats-adjoints soient licenciés depuis six ans au moins.
M. Destouvelles. - La section centrale a cru que lorsqu’un avocat
avait joui de la confiance d’une des parties en appel, on ne pouvait le priver
de cette confiance en cassation. Mais d’un autre côté, comme on exige des
conditions de l’avocat à la cour de cassation, on a voulu que l’avocat-adjoint
réunit les mêmes conditions.
M.
Devaux.
- Messieurs, je ne vois pas pourquoi on adopte le titre d’avocat plutôt que
celui d’avoué ; le titre d’avocat en général est pris dans une autre acception
que celle qu’on veut lui donner ici.
Pourquoi suivre
l’usage de France ? Pourquoi empêcher les avoués de porter la parole ? En
plaidoiries comme en industrie, il ne faut pas restreindre la concurrence ; je
propose de la laisser tout entière. Je demande que l’on conserve le titre
d’avoué, et que l’on ne mette par avocat pour avoué.
M. H. de Brouckere. - La différence des officiers ministériels de la cour
de cassation avec les officiers ministériels des cours et tribunaux, c’est que
les premiers peuvent plaider. En général les avoués ne peuvent plaider, ils ne
peuvent que postuler : en cassation ils peuvent plaider et postuler.
M. Van Meenen. - Nous ne devons pas donner le titre d’avocats aux
officiers ministériels. Les officiers dont on parle ici sont attachés à la cour
de cassation comme officiers ministériels ; par cela seul, ils ne peuvent
conserver le titre d’avocats.
M. Gendebien. - J’ai entendu des discussions de détail ; mais je
n’ai entendu personne prendre la parole contre le fonds de l’article. Je ne
comprends pas comment on fera des séries d’avocats pour plaider devant la cour
de cassation.
Il me semble
qu’ici vous prenez des mesures dans l’intérêt des avocats. Comment, vous allez
obliger une partie qui a confiance dans un avocat à faire un autre choix, à
s’adresser à une autre catégorie d’avocats ? Le mémoire pour recours en
cassation sera fait par l’avocat d’appel dans lequel on a confiance, et la
réponse au mémoire ne pourra parvenir que par les mains d’un avocat accrédité ?
La liberté en tout et pour tous !
Je demanderai la
suppression de l’article tout entier ; que tous les avocats puissent plaider
devant la cour, sauf ceux qui, trop jeunes, feraient perdre un temps précieux à
la cour ; que le jeune avocat donne des gages de science, qu’il soit inscrit au
tableau d’une cour. Si vous voulez imposer des conditions, voilà les seules que
vous devez admettre. On ne peut exiger que les plaideurs passent par le bureau
de tel ou tel avocat qui aurait obtenu par brevet le droit d’attacher sa
signature à des écrits qui ne sont pas de lui. Tous les avocats ont un
titre pour plaider devant la cour de cassation ; ils ont tous le seul brevet
nécessaire, ils ont la confiance des parties ; il n’ont pas besoin d’une autre
autorisation.
Il faut laisser
aux citoyens le droit de se défendre comme ils l’entendront, et par les
instruments qui leur conviennent.
Je
ne comprends pas la nécessité d’un avocat spécial pour signer un acte. Rien
n’est si simple que la procédure en cassation : dépôt du mémoire au greffe ;
signification par un huissier à la partie adverse de se trouver à l’audience
tel jour.
Ce qui vaudrait
mieux, ce serait de ne pas déposer le mémoire au greffe, et de le signifier à
la partie.
Vous voulez faire nommer
des avocats selon le bon plaisir des ministres : tels ou tels seront nommés
parce qu’ils plaisent aux dépositaires du pouvoir ; tels ou tels ne seront pas
nommés parce qu’ils déplaisent au gouvernement ou aux ministres, ce qui est la
même chose.
Au nom des avocats
dont j’ai l’honneur de porter la robe, je demande que l’on ne mette aucune
distinction entre eux. Il n’y a pas profit pour la justice, si ce n’est profit
pour le ministre qui sera sollicité par les avocats de leur donner un titre
exclusif.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne m’arrêterai pas à ce qu’on vous a
dit sur la nomination des avocats par le bon plaisir d’un ministre : vous avez
vu, par la lecture de l’article, que c’était sur la présentation de la cour
qu’ils étaient nommés.
Je crois,
néanmoins, que la question soulevée est d’une très haute importance.
Si nous admettons
des officiers ministériels près des tribunaux de première instance et des cours
d’appel, il faut qu’il y en ait de la cour de cassation.
La question de
savoir s’il fallait des officiers ministériels près de la cour de cassation a
été discutée. La qualité d’officier ministériel ou de procureur a été abolie.
On a, pendant la révolution, poursuivi par un fondé de pouvoir. On ne s’en est
pas bien trouvé, et on a rétabli les officiers ministériels sous le nom
d’avoués. Or, avec la création de la cour de cassation, chacun pouvait plaider
lorsqu’il croyait en avoir le moyen.
Il faut envisager
la question sous toutes ses faces. Et comme je ne pense pas que l’on ait
l’intention de supprimer les officiers ministériels devant les cours et
tribunaux, il me semble que l’on doit avoir des officiers ministériels près de
la cour de cassation.
Leur
droit exclusif consiste à postuler, à prendre des conclusions, à suivre toutes
les procédures. Ils ont une responsabilité. On doit avoir près de la cour de
cassation des personnes qui connaissent les formes ; et quoiqu’elles soient
fort simples, il faut les connaître, sans quoi on peut préjudicier beaucoup aux
parties. Sous ce rapport vous voyez la grande utilité des avocats près de la
cour de cassation.
Je partage l’avis
de M. H. de Brouckère, que le titre d’avocat est le titre qui leur convient,
parce qu’ils portent la parole. Ils plaident à la fois par mémoire et
oralement.
Quant à la seconde
disposition, relative aux avocats-adjoints, je m’en rapporte à la sagesse de la
chambre.
M. Lebeau. - Messieurs, je partage l’opinion de M. Gendebien,
opinion déjà professée par M. Devaux. Je ne puis conserver tout l’article 30.
Il ne m’est pas démontré qu’on ne puisse se passer d’officiers ministériels
près de la cour de cassation.
II y a des actes
auxquels on doit donner une date ; il y en a d’autres auxquels on doit donner
de l’authenticité ; il y a une foule de procédures auxquelles il faut donner
également de l’authenticité, et auxquelles les avocats ne peuvent concourir,
parce qu’ils ne sont pas fonctionnaires publics.
Je
demanderai que l’on donne aux avocats près la cour de cassation la
qualification à laquelle ils doivent prétendre, celle d’avoués, et qu’ensuite
on supprime le paragraphe 2 de l’article en discussion. Je crois qu’on devrait
interdire aux avoués près la cour de cassation le droit de plaider.
Des voix. - Vous n’en trouverez pas !
M. Lebeau. - Ce que je veux, c’est que la partie puisse les
réduire au simple rôle d’avoués. Dans le cas où ils plaideraient, alors ils
seraient taxés comme avoués.
M. Jullien. - Il semble, messieurs, qu’on veuille faire ici un
code nouveau de procédure. J’entends parler d’avocats, d’avoués, de liberté en
tout et pour tous. Il me semble que tout cela n’a guère de rapport avec le
véritable état de la question. Ou ne doit pas régler les attributions des
avocats à la cour de cassation dans l’intérêt de la liberté, mais dans
l’intérêt des parties. Or, cet intérêt exige que de telles fonctions soient
remplies par des hommes dignes de la confiance des justiciables et qui offrent
aux plaideurs quelque responsabilité. On nous propose des avoués à la cour de
cassation au lieu d’avocats, c’est là une innovation que je ne saurais
approuver. En France on n’a jamais connu d’avoués à la cour de cassation, il
n’y a jamais été question que d’avocats ; la procédure et les règlements ont
été faits en conséquence, et si vous changiez la dénomination aujourd’hui, il
vous faudrait les remanier. Que sera-ce qu’un avoué à la cour de cassation ?
Déjà devant les cours d’appel le ministère des avoués est insignifiant ; mais à
la cour de cassation ce ministère ne sera rien du tout. Là en effet, la
procédure est on ne peut pas plus simple. Le pourvoi se fait au moyen d’une
requête, et d’après le règlement cette requête doit être communiquée à la partie
adverse, et déposée au greffe. Aussitôt le dépôt effectué, les plaidoiries
commencent ; voilà toute la procédure. Or, les plaidoiries sont l’affaire des
avocats et non des avoués.
Vous le voyez, les avoués, seulement avoués, seraient là complètement
inutiles. Je ne m’oppose pas à ce que tous les avocats soient admis à plaider à
la cour de cassation, mais je m’opposerai toujours à ce que tout le monde
puisse signer des requêtes en cassation ; sous ce rapport, j’appuierai
l’article de la section centrale, jusqu’à ce que la réforme générale de
l’organisation judiciaire nous permette de nous occuper aussi de l’ordre des
avocats.
M. Destouvelles. - Messieurs, si vous voulez borner les officiers
ministériels près la cour de cassation à la postulation, ce seront des
officiers ministériels qui n’auront pas d’existence, parce que là la procédure
sera très simple, et elle sera bien loin d’être aussi lucrative que pour les
avoués de première instance. Les avocats, en général, ne seront pas exclus de
la plaidoirie devant la cour de cassation, loin de là ; mais les avocats
attachés à cette cour auront aussi le droit de plaider, et exclusivement celui
de postuler. Il faut que cela soit ainsi.
La cour de
cassation doit avoir auprès d’elle des hommes qu’elle connaisse, avec qui elle
ait des relations habituelles, qui seules peuvent établir la confiance ; les
parties auront toujours le droit de leur adjoindre l’avocat de leur choix. Pour
satisfaire à toutes les exigences, on pourrait supprimer le paragraphe 6 de
l’article, et ajouter au paragraphe dernier une disposition qui permettrait à
tous les avocats de plaider devant la cour de cassation, et réciproquement aux
avocats de la cour de cassation de plaider devant les cours d’appel et les
tribunaux.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, si, au lieu de nous borner à mettre nos
lois judiciaires en harmonie avec la constitution, on avait trouvé bon de
réviser toutes nos lois d’organisation judiciaire, je m’étais proposé de
présenter une disposition tendant à supprimer les officiers ministériels dans
tous les degrés de juridiction. Je les trouve au moins inutiles, aussi bien en
première instance qu’en appel, et je ne vois pas pourquoi on force les
plaideurs à prendre, pour défendre leur cause, deux hommes dont l’un reste
complétement passif ; une telle obligation constitue les parties en doubles
frais, sans que cet inconvénient soit compensé par des avantages réels. Mais
puisqu’il nous est impossible, en ce moment, de nous occuper des avoués de
première instance et d’appel, nous devons, pour être conséquents, admettre les
officiers ministériels près la cour de cassation.
On
a proposé de borner ces officiers ministériels à la postulation : il faut
remarquer d’abord que devant la cour de cassation la procédure est plus simple
que partout ailleurs ; en second lieu, il y aura très peu d’affaires à juger ;
quelqu’un en a réduit, je crois, le nombre à 60 par année. Je vous demande
comment vous trouveriez des hommes instruits et capables disposés à accepter
une charge d’avoué près la cour de cassation, alors que vous borneriez leurs
fonctions à signer quelques requêtes par an. Il faut nécessairement que vous
leur laissiez la faculté de plaider, sauf à admettre par réciprocité les
avocats d’appel et de première instance à plaider devant la cour de cassation.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- Messieurs, je n’aurai que peu de choses à ajouter après ce que vous ont dit
les précédents orateurs et le préopinant. Cependant je dois dire que je ne suis
pas de son avis, quant à la suppression du ministère des avoués près les cours
et tribunaux. Mais il convient lui-même, que ce n’est pas le moment de s’en
occuper, je me bornerai donc à une seule remarque. Vous savez que devant les
tribunaux de commerce, le ministère des avoués n’est pas admis. Cependant dans
les grandes villes, celui qui a la procuration des parties et qui fait la
procédure, est tout autre que l’avocat. Je crois qu’en effet, dans les grandes
villes les avocats ont trop de travail pour pouvoir donner leurs soins à la
procédure, et c’est bien assez pour eux de s’occuper du fond des affaires et
des plaidoiries. On lit dans le dernier paragraphe de l’article 30 : « Les
avocats à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel, »
et l’on propose d’ajouter à cette disposition, que réciproquement les avocats
près des cours d’appel, pourront plaider devant la cour de cassation. Je crois
utile d’adopter cet amendement, mais je crois qu’il faut permettre également
aux avocats à la cour de cassation de plaider devant les tribunaux de première
instance ; car nous ne voulons rien ôter de leur profession d’avocat ; nous ne
voulons que les doter d’un titre et d’un privilège qui nous assure, et qui
assure aux plaideurs, que leurs intérêts devant la cour de cassation seront
confiés à des hommes probes et capables.
M. Gendebien. - Messieurs, on a cherché à étendre la discussion sur
un terrain plus large parce qu’on a senti que celui sur lequel j’avais placé la
discussion était trop étroit pour pouvoir manœuvrer. On a dit que la question
avait une haute portée, et qu’il fallait l’examiner sous toutes ses faces ; que
si l’on supprimait les officiers ministériels devant la cour de cassation, il
fallait les supprimer dans tous les autres tribunaux. Messieurs, je l’ai déjà
dit, il n’y a aucune analogie entre la procédure devant la cour de cassation et
celle qui a lieu devant les cours d’appel et les tribunaux ; et aujourd’hui que
vous avez supprimé la section des requêtes les formalités seront plus simples
encore ; elles se borneront à dresser une requête, à la notifier à la partie et
à la déposer au greffe. Je vous le demande, est-il besoin d’officiers
ministériels pour cela ?
On a dit
qu’autrefois on avait essayé de se passer d’officiers ministériels et qu’on
s’en était si mal trouvé, que force avait été de les rétablir ; cela est vrai.
Mais quand cela se passait-il ? Quand on créait des hommes de loi à volonté,
quand tout était dans un chaos complet, que toute la législation avait été
changée. Alors, certes, il est facile de comprendre qu’il y eut peu d’hommes
capables de répondre à l’attente des tribunaux et à l’intérêt des parties. Mais
je proposerai une expérience contraire. Dans le Hainaut autrefois, il n’y avait
pas de procureurs. En a-t-on jamais éprouvé des inconvénients ? Non. La seule
différence qui existait entre ce qui se passait là et ce qui se faisait
ailleurs, c’est que les procès dans le Hainaut, étaient jugés un peu plus vite.
Si j’examine, d’ailleurs, de quelle utilité sont les avoués, je trouverai qu’en
première instance ils peuvent être utiles. Mais en appel, leur ministère est
plus gênant qu’avantageux, Je n’en veux pour preuve que ce qui se voit tous les
jours aux audiences. L’avocat plaide seul le plus souvent, s’il veut changer de
conclusions, il a besoin de son avoué, l’avoué n’est pas à ses côtes, on est
obligé de courir après lui pour signer les conclusions nouvelles.
Mais, dit-on, il
faut des officiers ministériels responsables. Et depuis quand, messieurs, un
avocat ne présente-t-il pas la même surface responsable qu’un avoué ? Toujours
la profession d’avocat est basée sur l’honneur. Vous la trouverez donc, cette
responsabilité que vous demandez, bien plutôt chez un avocat que chez un avoué.
Pour les formes de
la procédure ? Mais j’ai déjà répondu sur ce point. La procédure est des plus
simples. Une requête à signifier à la partie, de la part du demandeur avec, si
vous voulez, l’indication de l’avocat qui occupera pour lui, la réponse du
défendeur, qui se fera par le ministère d’un huissier. Dépôt de la requête au
greffe. Voilà toute la procédure. Les parties n’auront plus rien à faire. Alors
le président nommera un rapporteur, le procureur-général, celui des avocats
généraux qui portera la parole, s’il ne la porte pas lui-même, et après cela
les plaidoiries commencent. Je vous demande si pour deux signatures à donner il
est nécessaire d’avoir des avocats en titre à la cour de cassation, et s’il est
nécessaire d’accabler les parties de frais en les forçant à se servir de leur
ministère. Quand il était question de la chambre des requêtes on nous disait :
pourquoi voulez-vous que les parties soient obligées d’employer deux avocats ?
Pourquoi, vous dirais-je à mon tour, les forcer à en prendre quatre ?
Un honorable
orateur a dit qu’il partageait entièrement mon opinion, et cependant il a
demandé que l’on restreignît les officiers ministériels près la cour de
cassation au rôle d’avoué. Je crois, messieurs, que le remède serait pire que
le mal.
Il faudra, dit-on,
faire notifier des qualités sur lesquelles il faut que les deux avocats tombent
d’accord, et cet accord ne peut être constaté que par un acte authentique. Eh !
bien, faites le notifier pas un huissier ; voilà un officier ministériel, si
vous y tenez tant, et un officier ministériel auquel il ne manquera pas même
l’institution royale que vous demandez pour vos avocats. On vous a dit que la
requête ne pouvait être remise sans le ministère d’avocats. Je réponds à cela
que, aujourd’hui que la section des requêtes est supprimée, le dépôt de la
requête sera parfaitement inutile et si vous voulez d’ailleurs avoir des
garanties, exigez que des avocats qui voudront plaider devant la cour de
cassation un exercice préalable de leur profession pendant 6, 8 ou 10 années,
Voilà des conditions que vous pouvez imposer, qui auront un but d’utilité, sans
nuire au public, tandis que ce que l’on propose n’a pas d’utilité et nuira aux
plaideurs en augmentant leurs dépenses.
Il
faut, a dit un orateur, des hommes qui soient en relation habituelle avec la
cour, Messieurs, j’ai plaidé pendant 16 ans devant la cour de cassation, et je
n’ai jamais vu que la cour fût en relation avec les avocats. Ces relations ne
sont nullement nécessaires, elles seraient même dangereuses. Il faut des hommes
de capacité. Oui, mais ce ne sera pas un ministre qui donnera la capacité.
Laissez aux parties le soin de chercher leurs défenseurs, dame faveur n’y sera
pour rien, et ce seront toujours les plus capables qui occuperont devant la
cour. Et du reste si les parties s’adressent mal, tant pis pour elles.
Je pense donc que
c’est le cas de renvoyer l’article à la section centrale, a l’effet de régler
les conditions qui seront exigées des avocats pour plaider devant la cour. Je
ne crois pas, au reste, qu’on en puisse exiger d’autres que l’inscription au
tableau depuis un temps plus ou moins long.
M. Devaux. - Messieurs, si je n’ai pas été d’abord aussi loin
que M. Gendebien, ce n’est pas que je ne partage pas son avis, au contraire ;
mais j’ai craint que la chambre ne voulût pas décider la question d’une manière
générale, car tous les arguments de l’honorable membre contre les officiers
ministériels près la cour de cassation s’appliquent également à tous les avoués
de première et d’appel, et les raisons qui militent pour la suppression des
uns, militent pareillement pour la suppression des autres. On ne pense pas que
ce soit le moment de s’occuper de cette question en thèse générale, cela peut
être ; quant à moi je me rallie à l’opinion de M. Gendebien ; en attendant que
la révision ait lieu sur une plus large échelle, je propose de donner aux
avocats à la cour de cassation le titre d’avoués.
M.
Jullien a dit que jamais il n’avait été question d’avouer en France, près la
cour de cassation ; c’est une erreur ; je crois, et si ma mémoire ne me trompe
pas, que la loi de ventôse an VIII ne leur donne que cette dénomination, ce
n’est que plus tard que l’on a songé à créer cette espèce de titre nobiliaire
d’avocat pour les officiers ministériels près la cour du cassation. Si vous
adoptez ma proposition, je demande aussi qu’on ne leur accorde pas le droit de
plaider ; sans cela ce serait réellement leur accorder le monopole. Il est
certain qu’étant déjà en possession du procès, par économie ou par d’autres
raisons, les parties n’iront pas chercher d’autre avocat pour plaider. On dira
à cela que ce sera une économie pour les parties : je n’en sais rien ; il est même
à présumer que ce sera tout le contraire, parce que l’avocat étant seul et ne
craignant pas de concurrent, demandera des honoraires exorbitants. Vous ne
trouverez pas d’avoués, a-t-on dit, parce que le peu d’affaires à juger ne leur
offriront pas de moyens d’existence. Il y a un moyen bien simple de remédier à
cela ; on pourrait faire un amendement qui dirait : « Tous les avoués près
la cour de Bruxelles pourront exclusivement postuler devant la cour de
cassation. De cette manière, vous n’auriez pas de monopole quant aux
plaidoiries. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, un des préopinants a dit, que ce serait
doubler la dépense que d’instituer des officiers ministériels près la cour de cassation.
Je ne vois pas comment il en pourrait être ainsi, En effet, si les avocats à la
cour de cassation plaident, ils auront les honoraires de la plaidoirie et
l’émolument de l’instruction. S’ils se bornent à postuler, ils n’auront que ce
dernier émolument, mais alors il faudra que la partie prenne et paie un avocat
; dans les deux cas, comme vous voyez, les frais seront les mêmes. On a
prétendu qu’on ne pouvait pas assimiler les officiers ministériels près la cour
de cassation à ceux de première instance et d’appel parce que la procédure sera
plus simple. Pour moi, messieurs, j’ai la conviction que, même pour la
procédure ordinaire, les officiers ministériels seront nécessaires. Mais
indépendamment des procédures ordinaires, il peut se présenter des incidents,
des questions de forme, de fins de non-recevoir, et tout cela peut conduire à
des procédures très graves. Et par exemple, supposez qu’on se pourvoit contre
un arrêt, et que devant la cour on prétend que cet arrêt n’a pas été rendu par
le nombre légal des juges. Pour faire la preuve de cette allégation, il faudra
s’inscrire en faux contre l’arrêt ; le cas s’est présenté en France : eh bien,
dans cette circonstance la procédure la plus grave qui existe, celle
d’inscription de faux devra être instruise devant la cour de cassation.
Prétendra-t-on qu’une telle procédure n’a pas besoin d’être faite par des
officiers ministériels ? On ne l’oserait sans doute, et c’est pourquoi les
officiers ministériels sont nécessaires et ils sont totalement institués dans
l’intérêt des parties, le seul qu’il faille consulter comme l’a très bien dit
M. Jullien.
On
a demandé qu’ils fussent réduits à postuler sans plaider. Déjà, messieurs, on a
réfuté cette opinion ; je n’ajouterai qu’un mot. Il est désirable qu’ils
puissent plaider et postuler en même temps parce qu’ils auront l’expérience du
genre d’affaires qui se plaideront devant la cour, et les plaidoiries s
écarteront un peu des plaidoiries ordinaires, en ce que la cour n’a à s’occuper
que de questions de droit. Je crois de plus, qu’il faut des officiers
ministériels distincts près la cour, et non pas que ce soit les avoués de la
cour d’appel. Car pourquoi n’y admettre que les avoués de la cour de Bruxelles,
et en exclure les avoués de la cour de Liége et de la cour de Gand ? Je crois,
messieurs, que nous ne changeons rien à la procédure par les lois existantes,
nous ne devons rien innover non plus, quant aux attributions des officiers
ministériels chargés de l’exécuter.
M. Barthélemy. - Messieurs je ne crois pas nécessaire d’avoir des
officiers ministériels près la cour de cassation, mais il serait nécessaire de
dire quelle forme de procédure on y suivra, et la régler de manière à pouvoir
se passer d’officiers ministériels. J’ai remarqué que toujours les avocats qui
avaient plaidé la cause en appel entendaient mieux l’affaire que les avocats de
la cour de cassation, et que c’étaient eux qui ordinairement rédigeaient la
requête. Ensuite on l’envoyait à Paris, et là, seulement, pour signer la
requête et en faire le dépôt, l’avocat à la cour de cassation demandait 1,200
fr. Ici il y aura trois cours. L’avocat qui aura plaidé croira avoir trouvé un
moyen de cassation, il rédigera la requête, la fera notifier à la partie, il en
fera le dépôt au greffe et les plaidoiries viendront après. Un avocat de Liège
et de Gand peuvent faire tout cela aussi bien que les avocats de Bruxelles.
Permettons-le-leur, messieurs, et ne créons point de privilèges pour quelques
avocats. (La clôture ! la clôture !)
M. Gendebien. - Je propose de décider d’abord en principe s’il y
aura ou non des officiers ministériels devant la cour de cassation. (Appuyé !)
M. H. de Brouckere. Dans le cas où cette question serait résolue
définitivement, nous pourrions encore voter sur l’amendement de M. Devaux. (Oui ! oui !)
M. le président. - Voici 1a question sur laquelle je vais consulter l’assemblée. Y
aura-t-il des officiers ministériels chargés exclusivement de postuler et de
conclure devant la cour de cassation ?
- Cette question
est résolue affirmativement.
M. le président. - Voici maintenant l’amendement de M. Devaux :
« Les avoués près
la cour de Bruxelles ont exclusivement le droit de postuler et de prendre des
conclusions devant la cour de cassation ; ils n’ont pas celui de plaider.
M. de Robaulx. - De qui dépendront-ils pour la discipline ?
M. Devaux. - On fera un règlement. D’ailleurs la chambre des
avoués subsistera toujours.
M. de Robaulx. - On culbute tout.
M. Jullien. - On détruit les institutions sans savoir ce qu’on mettra
à la place.
- L’amendement de
M. Devaux est mis aux voix et rejeté.
M. Jullien. - Je propose l’amendement suivant :
« En
attendant l’organisation judiciaire les avocats près les cours d’appel
rempliront les fonctions d’avocat près la cour de cassation.
M. Devaux. - Qu’est-ce que c’est qu’avocat à la cour de
cassation ?
M. Jullien. - Je demande à développer mon amendement.
L’orateur
développe son amendement et soutient que les avocats près les cours d’appel
présentent toutes les garanties désirables pour remplir les fonctions devant la
cour de cassation. Cc qu’on propose jetterait, selon lui, la confusion dans
l’ordre de choses existant ; et on ne doit y toucher que quand on s’occupera de
l’organisation générale de l’ordre judiciaire.
M. Devaux. - On a déjà rejeté cet amendement en adoptant le
principe.
M. de Robaulx. - Je demanderai une explication à l’honorable M.
Jullien. Il veut par son amendement que les avocats des trois cours d’appel
exercent près la cour de cassation. Mais M. Jullien n’ignore pas que lorsque
les procédures commencent il peut se présenter des incidents, des
interlocutoires, tout cela exigera des procédures, des notifications. Je
demande à présent où devront être faites ces notifications. Moi par exemple je
suis à Liége, l’avocat adverse est à Gand, je ne suis pas obligé d’aller
chercher l’avocat où il lui plaira d’aller se réfugier. Fera-t-on les
notifications à la partie ? Mais des actes de procédure ne notifient pas à la
partie. Quel mode suivra-t-on ? Fera-t-on la signification au greffe ? Il me
semble, messieurs, que voilà bien des embarras sur lesquels cependant il
faudrait s’expliquer.
Voilà
l’inconvénient d’innover, de renverser tout sans savoir si ce qu’on propose
sera praticable ou non. En procédant ainsi, tout à l’heure vous allez ne plus
savoir quelles lois seront applicables à la cour de cassation et quelle procédure
on y suivra. Sera-ce celle de France ? Mais déjà vous avez rejeté, je ne sais
pas trop pourquoi, la chambre des requêtes ; il n’est donc pas possible de
recourir à la procédure française. Voulez-vous suivre la procédure pratiquée
depuis 1814 devant nos cours ? Mais dans ce cas, tâchez de faire des choses qui
se coordonnent et se concilient avec la constitution et avec nos institutions
nouvelles. Je voudrais d’abord qu’on décidât ceci : y aura-t-il des officiers
ministériels attachés à la cour de cassation ? (C’est déjà décidé !) et ensuite que l’on mît ce principe en action.
Sans cela tout à l’heure, vous croirez avoir organisé une cour de cassation, et
vous n’aurez rien organisé du tout.
M. Van Meenen. - Les arguments de l’honorable M. de Robaulx me
ramènent à cette observation : qu’ayant déjà décidé qu’il y aurait des
officiers ministériels devant la cour de cassation, et ayant rejeté
l’amendement de M. Devaux, nous nous trouvons dans la nécessité d’admettre des
officiers ministériels, c’est de cela que nous devons exclusivement nous
occuper ; il faut donc voir quel nombre d’avocats nous rattacherons à la cour
de cassation. Je crois que ce nombre doit être assez restreint.
M. le président. - Vous avez voté déjà le principe.
M. de Robaulx.
- Il faut mettre aux voix l’article de la section
centrale…
M. Jullien. - Je demande la parole (La clôture !). Je voulais d’abord répondre que je ne connais pas
encore de cour à Gand et qu’il n’est pas décidé qu’elle ne sera pas à Bruges (hilarité ) ; c’est une simple
observation que je fais et pas autre chose (nouvelle
hilarité).
M. de Robaulx. - Je n’ai entendu rien préjuger à cet égard, car je
voterai pour Bruges.
M. Jullien. - Maintenant à propos de la procédure à suivre devant
la cour de cassation, je dirai, que si lors du vote définitif de la loi, on
revient sur la décision prise à propos de la chambre des requêtes et que la
chambre des requêtes soit établie, il faudra revenir aux règlements de la cour
de cassation de France. Si nous restons dans le système actuel, il faudra nous
en tenir aux règlements qui nous régissent depuis 1814. Dans ce cas il n’y a
qu’un mémoire à signifier à la partie, un rapporteur à nommer, après quoi
viennent des plaidoiries. Voilà toute la procédure ; pour cela on n’a pas
besoin d’un officier ministériel, l’avocat fera toujours, ou le plus
ordinairement, la requête ; qu’aura à faire l’avoué ? A y apposer sa signature,
et voilà tout ; et pour cela vous voudriez que les plaideurs payassent deux
personnes ! Ce serait véritablement un hors-d’œuvre, ce qu’on appelle des frais
frustratoires ; vous éviterez cet inconvénient, messieurs, en adoptant mon
amendement. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole ! (C’est inutile ! Aux voix !) Je serai très court. L’orateur revient
en peu de mots sur ce qu’il a dit précédemment, que des procédures très
compliquées pourront avoir lieu devant la cour de cassation et qu’il est
indispensable qu’elles soient faites par des officiers ministériels. (Aux voix ! aux voix !)
M. Jaminé. - Aux voix ! L’article paragraphe par paragraphe.
Un membre. - Aux voix ! D’abord l’amendement !
Un autre membre. - Il faut d’abord clôturer la discussion sur
l’article 30.
M. Destouvelles. - Voici
l’amendement que je propose de substituer au dernier paragraphe :
« Les avocats
à la cour de cassation pourront plaider devant la cour d’appel et devant les
tribunaux de première instance, et les avocats de première instance pourront de
leur côté, plaider devant la cour de cassation, s’ils réunissent les conditions
nécessaires pour être nommés avocats près de cette cour. »
- La clôture sur
l’article 30 est mise aux voix et ordonnée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M.
Jullien.
M. Jullien. - Comme on a adopté le principe, qu’il n’y aurait pas
des officiers ministériels à la cour de cassation, je retire mon amendement.
L’amendement de M.
Devaux est mis aux voix et rejeté.
Les paragraphes 1, 3, 4 et 5 de l’article 30 sont ensuite adoptés sans
amendement.
Les paragraphes 2
et 6 sont supprimés.
M. le président. - Il reste pour remplacer le paragraphe 7, l’amendement propose par M.
Destouvelles.
M. H. de Brouckere. - D’après les derniers mots de cet amendement, il
semblerait que pour plaider à la cour de cassation, il faudrait être avocat
depuis 6 ans. Est-ce comme cela que l’entend M. Destouvelles ? (Oui ! oui !) C’est impossible !
M. Devaux. - On a supprimé le paragraphe 6, précisément parce
qu’on ne voulait pas que les avocats pour plaider devant la cour de cassation
fussent tenus de réunir les qualités qu’on exige pour les officiers
ministériels. Il faut donc effacer de l’amendement les mots : « s’ils
réunissent, etc. »
M. de Robaulx. - Ce n’est pas ainsi qu’on l’a entendu. Pour ma part
quand j’ai voté la suppression du paragraphe 6 c’est que j’avais entendu
l’amendement de M. Destouvelles et je pensais qu’on était dans l’intention d’en
adopter la dernière partie, sans cela j’aurais voté contre la suppression. Nous
ne sommes pas liés à voter la suppression si l’amendement n’est pas adopté.
M. H. de Brouckere. - Nous ne sommes pas liés c’est vrai ; mais de la
diversité d’opinions qui se manifeste résulte la nécessité de voter sur le
sous-amendement par lequel on demande la suppression des derniers mots de
l’amendement. Ceux qui voudront que tous les avocats puissent plaider devant la
cour de cassation voteront pour cette suppression, tous ceux qui penseront le
contraire voteront contre.
M. de Robaulx. - S’il en est
ainsi, voici ce qui va arriver. Vous savez que jusqu’à aujourd’hui les cours ne
sont pas d’accord sur la question de savoir si le décret de 1810 est encore en
vigueur. Pour être admis à plaider devant une cour il faut y avoir fait stage
de 3 ans et être inscrit au tableau. Un avocat inscrit au tableau d’un tribunal
de première instance, du tribunal de Huy par exemple, ne peut pas plaider
devant la cour de Liége. Eh bien, si vous adoptez l’amendement de M.
Destouvelles, ce même avocat qui ne peut par plaider à Liége, ne pourra plaider
devant la cour du cassation. Messieurs, cela n’est pas admissible. Il faut au
moins être conséquent quand on fait des lois et les coordonner entre elles.
M. Devaux. - Je ne sais jusqu’à quel point la disposition du
décret de 1810 est respectable, mais en tout cas je ne crois pas que l’on
doivent partir d’un abus pour en autoriser un autre. Il ne faut pas restreindre
le cercle des avocats, il faut l’étendre au contraire, c’est là le bénéfice des
parties. Les anciens avocats ont assez d’avantages, sans leur en donner de
nouveaux par votre loi. Je demande que l’on retranche la condition des six
années et que les jeunes avocats, comme les anciens, soient admis à plaider
devant la cour de cassation.
- La clôture est
prononcée.
M. Destouvelles corrige son amendement qui reste ainsi conçu :
« Les avocats
à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel et les tribunaux de
première instance ; les avocats des cours d’appel peuvent plaider devant la
cour de cassation. »
- Le paragraphe 7,
ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
L’article 30 est
ensuite mis aux voix dans son ensemble : il est adopté.
Article 31
« Art. 31.
Les huissiers près la cour de cassation sont nommés par le roi sur la
présentation de la cour.
« Leur nombre
est fixé par le roi, sur l’avis de la cour.
« Ils
instrumentent exclusivement dans la commune où siège la cour, pour les affaires
qui sont de sa compétence. Ils peuvent exploiter, concurremment avec les autres
huissiers dans le ressort du tribunal de première instance de l’arrondissement
de Bruxelles. »
M. le président. - Voici un amendement :
« J’ai
l’honneur de proposer à la chambre de fixer ces traitements... » (Interruption. Après l’article !)
M. le président. - Que ceux qui adoptent l’article veuillent bien se
lever.
- L’article est
adopté.
M. le président. - Voici un article additionnel de M.
Mary :
« Art. 32. Le
traitement des conseillers de la cour de cassation sera de 6,000 francs.
« Le premier
président aura un supplément de moitié en sus ; les présidents de chambre du quart
en sus.
« Le
procureur-général aura le même traitement que le premier président ; les
avocats-généraux le même traitement que les conseillers.
« Le
traitement du greffier en chef sera de 6000 francs et celui des
commis-greffiers de la moitié.
« Le traitement
des huissiers audienciers sera de 1,000 francs. »
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole.
M. le président. - M. Mary n’a pu encore développer son amendement.
M. le ministre de la justice (M.
Raikem).
- C’est pour une motion d’ordre. En présentant le projet de loi actuellement en
discussion, il a été annoncé qu’une loi serait présentée pour fixer le
traitement des membres de l’ordre judiciaire ; cette loi sera incessamment
présentée. J’ai cru qu’il était convenable de constituer ce corps avant de
s’occuper du traitement qui serait alloué à ses membres. La proposition du
préopinant n’est pas un amendement, mais une disposition qui ne peut trouver
place ici. (Appuyé ! appuyé !).
M. Mary. - Ce n’est
pas sans surprise que je n’ai pas vu la fixation du traitement des magistrats
accompagner le projet qui les constituait. Des antécédents nous faisaient
croire que le ministre n’aurait pas reculé devant cette proposition, car la loi
des ventôse an VIII, en fixant les attributions, fixait aussi les traitements.
Je crois absolument essentiel de nous en occuper et voici pourquoi : Nous
connaissons très bien maintenant les devoirs imposés aux magistrats,
l’importance de leurs fonctions, et nous sommes bien à même de les apprécier
puisque nous faisons une loi qui règle leurs attributions. Quand la loi des
traitements nous sera présentée, nous aurons perdu de vue la discussion actuelle,
et si nous la refusons, l’organisation est indéfiniment ajournée ; je ne vois
pas pourquoi nous ne les fixerions pas aujourd’hui. Au reste je ne m’oppose pas
à ce que ma proposition soit renvoyée à la section centrale, car je sens que
l’on pourrait varier sur la somme des traitements. Mais je persiste à penser
qu’il est nécessaire de les fixer dans la loi.
M. Brabant.
- D’abord l’amendement est-il appuyé ?
M. Lebeau. - Je demande
la parole pour une motion d’ordre.
Plusieurs voix. - Mais est-il appuyé ?
M. Seron. - La première chose dont on a à s’occuper, c’est de
la motion d’ordre.
M. Lebeau. - J’ai
demandé la parole pour interroger M. le ministre de la justice ; je désirerai
savoir si M. le ministre entend que cette loi sera présentée avant la clôture
de la session ?
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il n’y a pas de doute, elle sera incessamment
présentée.
M. Mary. - Alors
j’ajourne ma proposition.
M. de Robaulx. - Je le crois bien, puisque personne ne l’a appuyée !
M. le président. - Nous venons au titre II, « Des cours
d’appel.
« Art. 32.
Trois cours d’appel sont établies dans les lieux et pour les provinces ci-après
:
« A
Bruxelles, pour les provinces d’Anvers, du Brabant et du Hainaut ;
« A Gand, pour
les provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale ;
« A Liége,
pour les provinces de Liége, de Namur, du Limbourg et du Luxembourg. »
M. le président. - M. Julien a déposé un amendement, par lequel il
demande que le siège de la troisième cour d’appel soit à Bruges, au lieu d’être
à Gand. (Hilarité.) Il a la parole
pour le développer.
M. Jullien. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous
proposer, est très simple comme vous voyez, puisqu’il consiste uniquement à
substituer un mot à un autre. (Hilarité.)
La ville de Bruges
et la ville de Gand réclament toutes deux le siège de la troisième cour d’appel
qui d’après la constitution doit être établie dans le royaume.
Aucune des villes
des deux Flandres ne s’est mise sur les rangs, et ne se croit en droit de leur
disputer la préférence. Le débat sur lequel vous avez à prononcer est donc
uniquement entre Bruges et Gand.
Dans cette
position j’ai hésité un instant, je vous l’avoue, si je prendrais la parole ;
bourgeois de Bruges et avocat, j’ai craint que cette double qualité ne vous
inspirât quelque défiance, mais un peu de réflexion m’a bientôt décidé ; et
d’abord je me suis dit que depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette
enceinte, je n’ai donné à personne le droit de supposer que mes opinions
auraient jamais été influencées par l’intérêt personnel, ou par l’esprit de
localité.
Représentant de la
nation je n’ai jamais vu, jamais considéré, que les intérêts généraux du pays.
C’est encore cette ligne de conduite que je suivrai dans la question qui nous
occupe, et si on parvient à me démontrer que dans l’intérêt général la
troisième cour doit être établie à Gand, c’est pour Gand que je voterai.
Mais si je reste
convaincu, que dans l’intérêt public, dans celui de la justice et des
justiciables, comme aussi d’après les principes d’équité et de justice
distributive, Bruges doit avoir la préférence, vous ne me désapprouverez pas
sans doute, messieurs, si tout en remplissant mon devoir de loyal député,
j’acquitte la dette de la reconnaissance, en soutenant les justes prétentions
de la ville qui m’a envoyé ici, et qui depuis plus de trente ans m’a donné à
plusieurs reprises des témoignages d’estime et de considération.
Le mémoire qui
vous a été distribué par la régence de Bruges a rendu ma tâche facile ; je me
bornerai quant à présent à vous exposer les principaux moyens, bien persuadé
que mes honorables collègues de la Flandre orientale me fourniront amplement
l’occasion de donner à ces moyens le développement dont ils pourraient encore
avoir besoin.
La principale
considération qui doit nous toucher, c’est l’intérêt public ; or, cet intérêt
est ici de rapprocher autant que possble la justice des justiciables, et cette
considération toute puissante est évidemment en faveur de la ville de Bruges ;
car veuillez, messieurs, examiner la carte que vous avez sous les yeux, et vous
remarquerez que sur sept arrondissements judiciaires qui composent les deux
Flandres, cinq, qui sont Ypres, Furnes et Courtrai, dans la Flandre
occidentale, Gand et Audenaerde, dans la Flandre orientale, sont seulement
éloignés de huit à douze lieues de Bruges.
L’arrondissement
de Termonde, ou plutôt les points extrêmes de cet arrondissement, car il ne
faut pas compter l’arrondissement de Bruges, sont seuls à une plus grande
distance, c’est-à-dire de 16 à 17 lieues, tandis que les arrondissements de
Furnes et d’Ypres sont éloignés de 18 à 20 lieues et plus de la ville de Gand.
Bruges est donc le
point le plus central.
Si on réfléchit
maintenant que dans le pays de la Flandre occidentale qu’on appelle le
Furne-Ambacht. les routes sont impraticables en hiver et dans la saison des
pluies, tandis que la Flandre orientale est occupée en tous sens par de belles
chaussées fréquentées et à toute heure du jour, par des voitures publiques qui
établissent une libre et facile communication avec la ville de Bruges, on verra
que de ce côté l’avantage est encore à cette dernière ville.
Mais j’entends
déjà murmurer à côté de moi, cette objection qui vient de mon honorable ami, M.
Delehaye : les justiciables des Furne-Ambacht, me dira-t-on, doivent de toute
nécessité arriver à la chaussée à travers leurs chemins impraticables, soit
qu’ils aillent à Bruges ou à Gand ; or, qu’importe pour la décision de 1a
question, l’impraticabilité de ces chemins ?
A cela, messieurs,
la réponse est facile, c’est que celui qui a épuisé ses moyens de transport
dans de mauvais chemins, a beaucoup plus de facilité à parcourir 7 à 8 lieues
qui lui restent à faire pour arriver à temps, que s’il devait faire le double
de chemin pour aller à Gand. Une autre considération, qui est encore puisée
dans l’intérêt général, c’est le nombre de causes fiscales qu’amènera la triple
frontière de la Flandre occidentale, et vous venez encore, tout récemment,
d’établir une croisière de douaniers sur les côtes maritimes, ce qui ne
manquera pas d’augmenter le nombre des procès qui devront être portés devant la
cour.
Bruges a sur Gand l’avantage
de posséder un des plus beaux palais de justice du royaume, tandis, c’est un
fait notoire, qu’on est obligé de tenir la cour d’assises de Gand dans le local
de la maison-de-ville.
Si nous examinons
maintenant l’intérêt des juges, il est incontestable qu’avec les traitements
qu’on se propose de leur allouer, ils vivront beaucoup plus honorablement à
Bruges qu’à Gand, parce que la vie y est meilleur compte, et les loyers à
beaucoup meilleur marché.
Dans une ville de
haut commerce, on sait que la magistrature est complétement éclipsée par les
fortunes commerciales, cc qui tend à lui faire perdre quelque chose de la
considération qui lui est due.
La bruyante
activité d’une ville aussi industrieuse que Gand ne convient pas non plus aux
habitudes paisibles des magistrats, et c’est pour ce motif sans doute qu’en
France, comme dans ce pays, on a presque toujours choisi les villes les plus
tranquilles pour y fixer les grands corps judiciaires. C’est aussi que,
lorsqu’en France les villes d’Aix, Colmar, Douai, Orléans, Pau, Rennes, ont
sous leurs juridictions Marseille Strasbourg, Lille, Tours, Bayonne et Nantes,
chez nous le grand conseil était établi à Malines, d’où ressortissaient Anvers,
Bruxelles, Bruges et Gand.
Il y a même cela
de remarquable, c’est que dans son mémoire la régence de Bruges a très bien
établi que les causes qui dans les temps anciens ont fait transférer de Bruges
à Gand le conseil de Flandres sont précisément les mêmes qui doivent déterminer
aujourd’hui l’établissement de la cour d’appel à Bruges plutôt qu’à Gand.
Mais . messieurs,
laissons là toutes ces considérations particulières auxquelles je n’attache pas
plus d’importance qu’elles ne méritent, et qu’il me suffise d’avoir établi que
la préférence due à la ville de Bruges était puisé dans l’intérêt des
justiciables et par conséquent dans l’intérêt public.
Il me reste à
examiner la question sous le rapport de la justice distributive.
Dans tout
gouvernement, je ne dirai pas constitutionnel, mais seulement juste et
équitable, les avantages comme les charges doivent être réparties également
entre les citoyens.
Le meilleur
gouvernement est sans contredit celui qui se rapproche le plus du gouvernement
de la famille ; eh bien, que diriez-vous d’un père qui prodiguerait ses biens à
un de ses enfants et qui ne donnerait rien à l’autre ? C’est la nature qui
établit l’égalité entre les enfants d’un même père ; ce principe d’égalité est
dans nos mœurs, il est écrit dans nos lois avec la dernière sévérité, et je ne
connais que l’intérêt général de la société, comme de la famille qui puisse le
faire fléchir.
Voyez, je vous
prie, comment il a été observé entre les deux villes.
Gand a été dotée
d’une université par l’ancien gouvernement, elle en outre un grand commandement
militaire, une direction générale du génie militaire et civil, un évêché avec
son chapitre cathédral et son séminaire, une maison générale de détention, une
administration supérieure des domaines, etc.
Tous ces
établissements sont institués pour les deux Flandres, et c’est la ville de Gand
seule qui en jouit.
Et Bruges,
autrefois la première des villes de la Flandre, n’a rien, absolument rien, que
le souvenir de sa grandeur passée ! Je vous le demande, messieurs, est-ce la de
la justice ?
Je crois vous
avoir démontré jusqu’à l’évidence, que dans l’intérêt général, dans celui de
l’administration de la justice, la préférence étant due à la ville de Bruges,
et quand même les droits des deux villes pourraient se balancer, que les
simples règles de l’équité et de la justice distributive ne permettraient pas
d’hésiter.
J’attends
maintenant assez bien de vous, messieurs, pour être persuadé que vous ferez
mentir l’épigramme de Martial, par laquelle la régence de Bruges a cru devoir
terminer son mémoire, et qui dit en français : « Si tu es pauvre, tu
resteras pauvre, car dans ce siècle de corruption, on ne donne les biens et les
richesses, qu’aux riches. »
M. le président. - Un nouvel amendement vient d’être déposé. M. Taintenier propose que
le siège de la troisième cour soit à Mons (Hilarité
générale et prolongée.)
M. Taintenier. - Je demande à développer mon amendement.
M. le président. - MM. Van Innis et de Roo sont d’abord inscrits, ils
doivent être entendus avant vous. La parole est à M. Van Innis.
M. Van Innis. - Messieurs, l’intention de la constitution, en
ordonnant la création d’une troisième cour d’appel, a été toute dans l’intérêt
des justiciables, c’est donc cet intérêt qu’il faut considérer et qui doit nous
guider dans la question de savoir où vous placerez cette troisième cour
d’appel. La question n’est pas de savoir si Bruges a plus de titres que Gand,
ou Gand plus de titres que Bruges. Il s’agit seulement d’examiner où le
véritable intérêt des justiciables des deux Flandres exige la troisième cour.
Le Gantois n’y a pas plus de droits que le Brugeois, le Brugeois que le
Gantois, et ceux-ci pas plus que les autres villes des deux provinces, ainsi
d’après l’exacte justice, il faut que chaque justiciable soit à une égale
distance de sa cour d’appel. Dans l’établissement de cette cour vous devez donc
chercher à vous rapprocher de cette égalité.
Je suis d’accord
avec l’honorable M. Jullien, que c’est la stricte équité qui doit nous
déterminer. Maintenant prenons la carte en main et voyons où se trouve le
centre de la juridiction de la cour. Ici vous remarquerez d’abord, que Bruges
est loin d’être au centre de sa propre province, et si peu au centre que
prenant un compas et traçant un cercle au milieu de la Flandre orientale,
Bruges se trouverait en dehors de la circonférence tandis que Gand au
contraire, présente très peu d’inégalités dans les distances ; bien plus les deux
tiers des justiciables de l’arrondissement de Courtrai se trouvent plus
rapprochés de Gand que de Bruges.
Ainsi donc, la
seule inspection de la carte doit vous convaincre que le véritable intérêt de
la justice et des justiciables exige que la cour d’appel soit placée à Gand et
non à Bruges.
Si vous placez la
cour d’appel à Bruges, il en résultera que vous ferez faire aux deux tiers des
justiciables de la Flandre orientale 8 lieues de plus, tandis que ceux de la
Flandre occidentale qui se trouvent les plus éloignés, vous leur ferez faire 3
ou 4 lieues de plus. On vous dit que certaines localités sont à 16 ou 17 lieues
de Gand et que les plus éloignés de Bruges ne sont qu’à cette distance.
Néanmoins, comme vous devez décider entre l’une ou l’autre ville, vous ne
pourrez balancer entre ceux qui n’ont que 3 eu 4 lieues à faire pour se rendre
à leur cour, et ceux qui en ont 8.
Il y a plus,
consultez la disposition de la constitution qui fixe une troisième cour
d’appel, elle a voulu par là introduire un bienfait pour certaines provinces ;
si vous établissez la cour à Gand, il n’y aura pas un justiciable qui ne se
ressente du bienfait. Ceux de la Flandre orientale se trouveront rapprochés de
dix lieues, tandis que je vous demande quel avantage il y aurait dans la cour
d’appel à Bruges ? Termonde est à 5 lieues de Bruxelles, 5 lieues de Gand,
Ninove est à 5 lieues de Bruxelles et à 3 lieues de Gand, les localités les
plus éloignées ne le sont que de 6 à 7 lieues, et par l’amendement, vous leur
ferez en faire 16 à 17 pour se rendre à Bruges. La plupart perdraient tout au
changement.
L’honorable M.
Jullien vous a dit que dans les gouvernement, comme dans les familles, il
fallait une bonne et juste répartition des charges, des bénéfices et des
faveurs. J’admets bien volontiers ce principe ; mais il est un autre principe
non moins respectable, c’est celui-ci que les faveurs ne doivent être accordées
que quand elles ne consacrent pas d’injustice, et il ne faut pas enrichir des
justiciables pour en appauvrir d’autres.
Vous parlez des
habitants de Bruges, moi je vous citerai ceux de Termonde et du plat pays qui
sont intéressés aussi à être près de leurs juges. Ceux-là aussi supportent des
charges, et ils n’ont pas à espérer que jamais il leur arrive de faveurs
semblables à celle que vous demandez, Ceux-là pourraient se plaindre à bien
plus juste titre, et puisqu’on a parlé de Martial, je dirai qu’ils seraient
bien mieux placés dans leur bouche ces mots :
Semper eris
pauper, si pauper es Emiliane
Dantur opes nulli
nunc nisi divitibus.
(Moniteur belge n°174, du 22 juin 1832)
« A M. le rédacteur sténographe du Moniteur belge
« Dans le
compte rendu de la séance du 17 juin dernier, vous avez mis dans ma bouche des absurdités
que je tiens à relever ; je vous prie, en conséquence de redresser de la
manière suivante les passages qui ont été le plus dénaturés.
« J’ai
l’honneur, etc.
« Van Innis.
« 1° Vous
remarquerez d’abord que Bruges est loin d’être au centre de sa propre province,
et si peu au centre que, prenant un compas et traçant un cercle au milieu de la
Flandre occidentale, Bruges se trouverait en dehors de la circonférence tandis
que Gand est à peu près au centre de sa province, et, s’il s’en éloigne, c’est
vers la Flandre occidentale ; et remarquez surtout que Bruges se trouve sur un
point extrême de la Flandre occidentale diamétralement opposé au point où cette
province s’étend le plus en largeur, de telle sorte que les deux tiers des
justiciables de l’arrondissement de Courtrai sont plus près de Gand que de
Bruges.
« 2° Si vous
placez la cour d’appel à Bruges, il en résultera que vous ferez faire 8 lieues
de plus aux deux tiers des justiciables de la Flandre occidentale, car les deux
tiers de cette province se trouvent derrière Gand respectivement à Bruges,
tandis qu’en plaçant la cour à Gand la plupart des justiciables de la Flandre
occidentale qui seraient les plus éloignés de la cour n’auraient à faire que
trois ou quatre lieues de plus ; car vous observerez que, lorsqu’on vous parle
des justiciables de la Flandre occidentale les plus éloignés de Gand on a soin
de ne pas vous dire que ces mêmes justiciables sont à trois ou quatre lieues
près aussi éloignés de Bruges que de Gand. Maintenant comme vous devez vous
décider entre les deux villes de Gand et de Bruges, vous ne pourrez balancer,
vous devez sacrifier les justiciables de la Flandre occidentale qui n’auront à
se plaindre que de trois ou quatre lieues, si vous placez la cour à Gand, à
ceux de la Flandre orientale qui auraient à se plaindre d’une distance de huit
lieues si vous placiez la cour à Bruges.
« 3°
Après les mots « pour certaines province. » Si de la Flandre
occidentale qui ne se ressente du bienfait ; tous les justiciables de cette
province se trouveront rapprochés de 10 lieues de leur cour d’appel tandis que
tous les justiciables de la Flandre orientale ne gagneraient pas même au
changement. Voyez Termonde, Alost et leurs environs, ils sont à une égale
distance de 5 lieues de Gand et de Bruxelles ; les habitants de Ninove
perdraient même au changement ; ils ne sont qu’à 4 lieues et demie de
Bruxelles, tandis qu’ils sont à 6 et 7 lieues de Gand. Mais quelle injustice
criante ne leur feriez-vous pas si vous placiez la cour d’appel à Bruges, à 14
et 15 lieues de leurs domiciles ! »
(Moniteur belge n°170, du 18 juin 1832) M. de Roo.
- Messieurs, la constitution posant les principes fondamentaux de l’institution
judiciaire, décrète, article 95, une cour de cassation, et article 104, trois
cours d’appel en Belgique. Le projet de l’organisation judiciaire présenté par
la section centrale, d’accord en ceci avec M. le ministre de la justice, en
maintenant deux de ces cours à Bruxelles et à Liège, assigne la troisième à la
ville de Gand.
Nulle doute que la
troisième cour d’appel, doit avec justice être établie dans les Flandres,
formant un tiers de la population du pays, ayant des propriétés toutes
divisées, un commerce étendu, une ligne de douanes considérable, lesquelles
relations toutes enfantent un faisceau de procès, qui se poursuivent très
souvent en appel et même en cassation. Or, je trouve peu fondé toute objection
qui aurait pour but d’établir ailleurs qu’en Flandre, la troisième cour
d’appel. Le tribunal de Mons, il est vrai, réclame la troisième cour d’appel
pour la province du Hainaut, en donnant pour motifs que cette province a été de
temps immémorial en possession d’une cour souveraine, dont le siège était établi,
tantôt à Tournay, tantôt à Douai ; mais cette allégation même ne prouve-t-elle
pas que ce ne fut point pour le Hainaut seul que cette cour fût établie, mais
en même temps pour une partie de la France, telle que Douai et sa banlieue. Je
n’appuierai plus sur ce point, puisque les représentant du Hainaut, ne le
demandent plus au préjudice des Flandres, comme leur tribunal.
Je conviens
cependant avec le tribunal de Mons, qu’il ne faut pas créer des privilèges pour
quelques villes particulières du royaume qui jouissent déjà de tant de faveurs,
telles que les villes de Bruxelles, Liége et Gand. C’est comme si les autres
villes du royaume ne méritaient pas l’attention du gouvernement, que ses vues
portent toujours sur les mêmes lieux et places
Telle, par exemple,
la ville de Bruges, aussi ancienne et plus ancienne peut-être, que la ville de
Gand ; si on puise dans l’incertitude de l’ancienneté, une raison pour établir
un droit tel que le fait un député de la Flandre orientale, dans son précis
historique des institutions judiciaires de la Belgique.
Avant et pendant
le quatorzième siècle, la ville de Bruges était la ville la plus florissante et
la plus riche, non seulement des Flandres, mais de la Belgique entière ; elle
comptait passé les 100,000 habitants dans ses murs et 600 vaisseaux dans son
bassin ; elle était la résidence des comtes de Flandres et ducs de Bourgogne,
telle que le fût après elle, la ville de Gand ; mais, jamais cette dernière
ville n’a pu parvenir à ce degré de splendeur et d’opulence qui existât dans la
ville des Bruges, ce qui causa même l’envie de Jeanne, fille de Philippe le
bel. Elle est dégénérée, il est vrai, et Gand s’est élevée par ses manufactures
récentes, par son commerce et par une protection toute particulière de l’ancien
gouvernement de Guillaume. L’établissement d’une université, un siège
épiscopal, le creusement d’un canal, qui, quoique sans utilité, a causé des
frais énormes, ses nombreuses fabriques, érigées par une singulière
magnificence de l’ex-roi, puisant profondément dans le million Merlin, telles
furent les constantes sollicitudes de ce roi, envers sa chère ville de Gand.
Lorsqu’on ajoute à
ceci, qu’elle possède encore un grand commandement militaire, une direction
générale militaire et civile, un séminaire, une maison de force, une
administration supérieure de domaines, une garnison et dépôt continuel de
cavalerie, etc., etc., tandis que la ville de Bruges possède, par contre, un
dépôt de mendicité, qu’on veut encore lui disputer.
Après tant de
bienfaits accumulés, tant de libéralités successives exercées au détriment des
autres villes, trouve-t-on, que sans commettre une injustice on doive la
favoriser davantage en y instituant un cour d’appel ! Je ne pense pas,
messieurs, surtout lorsqu’avec un avantage égal de localité, avec une
communication facile et commode avec toutes les parties de la Flandre
orientale, s’élève une ville trop longtemps et injustement abandonnée, une
ville qui n’a cessé de montrer son attachement à la cause nationale, tant par
l’adhésion spontanée de son administration au gouvernement provisoire que par
la noble conduite de ses habitants, qui ont si vaillamment combattu contre nos
oppresseurs, une ville dont les milices citoyennes ont les premières marchées
vers l’ennemi et ce aux frais de la ville, et ont eu la insigne bonheur ou
plutôt l’honneur de le refouler jusque dans ses marais en remportant sur lui
une victoire complète, qui ne fut couronnée d’un même succès ailleurs. Je me
fais gloire de le dire, messieurs, que ses habitants en maintenant la position
si importantes du Hazegras, ont conjointement avec une partie de la sixième
division, coulés bas trois canonnières ennemies, dont l’honneur est dû à un
artilleur, bourgeois de la ville, et lui ont pris trois pièces de canon, qui
maintenant arment notre marine.
Nous avons parlé
messieurs, des localités. Il nous reste à démontrer la facilité des
communications qu’ont les six districts de la Flandre orientale avec la ville
de Bruges. Par des chaussées commodes, qui ont des embranchements dans presque
toutes les communes de ces districts, desservies par des voitures publiques,
les habitants en sont transportés dans un temps rapproché et à moitié de frais
au chef-lieu de la Flandre occidentale, dont en tout cas ils sont moins
distants que ne le sont les habitants des huit districts de la Flandre
occidentale.
Les cantons de
St-Nicolas et Beveren, points extrêmes de la Flandre orientale, ne sont de
Bruges tout au plus que 15 à 16 lieues, tandis que les cantons de Haringue,
Poperingen, Ransbrugge et toute la ligne jusqu’à Adinkerke et La Panne (Flandre
occidentale) sont séparé de Gand de 20 à 22 lieues.
D’un autre côté,
le plat pays de la Flandre occidentale offre peu de communications et des
routes impraticables dans la mauvaise saison, où il n’existe d’ailleurs aucun
service de voitures publiques, et ses habitants fort éloignés de la ville de
Gand, devront surtout en hiver faire des dépenses considérables pour se
transporter dans cette ville.
Il faut donc
désirer à chaque juridiction une localité territoriale telle qu’il soit au
pouvoir des habitants de s’y transporter à moins de frais et où la
communication est la plus commode et facile, de manière à ce qu’il puisse s’y
rendre le plus vite et également s’en retourner le plus tôt chez lui, afin de
ne vaquer trop longtemps à ses occupations et affaires.
La province de la
Flandre orientale comprend les ressorts de trois tribunaux, celle de la Flandre
occidentale en a quatre ; peu de provinces offrent et offriront plus d’affaires
concernant le fisc et les impôts de l’Etat que la Flandre occidentale par suite
de la fraude active tant sur terre que par mer, exercée sur la triple
frontière, frontière de mer, frontière française et frontière hollandaise.
Elle comprend deux
ports de mer, Ostende et Nieuport ; dont l’importance ne peut qu’accroître de
jour en jour, Ostende déjà fait un commerce des plus actifs, et ces deux ports
et ces trois frontières froueront par la suite de nombreuses et importantes
contestations, c’est donc dans le centre de ces intérêts qu’il faut l’établir,
c’est à Bruges.
Ce n’est pas
toujours le nombre des habitants que l’on doit envisager pour l’établissement
d’une cour ou tribunal dans un endroit plutôt que dans l’autre ; mais la
facilité des communications et moyens d’y parvenir à moins de frais, la
disposition des localités, le nombre des causes, et le moyen d’y trouver bonne
et prompte justice. Sous ces rapports la ville de Bruges l’emporte de beaucoup
sur la ville de Gand.
Quant aux moyens
de communication, nous avons déjà démontré à l’évidence que les moyens dans la
Flandre occidentale, pour parvenir au chef-lieu de la Flandre orientale,
contient le double, les voitures y étant payées généralement plus cher, et en
beaucoup d’endroits il n’y en a pas, le chemin étant impraticable et ne servant
à aucun grand passage.
Pour la localité,
nous avons démontré que les extrémités de la Flandre orientale, d’avec la ville
de Bruxelles sont de 18 lieues, tandis que celles de la Flandre occidentale
d’avec la ville de Gand en sont de 20 à 22.
Pour le nombre des
causes, d’après un relevé fait en 1826, le nombre des causes en appel (puisque
ce ne sont que les causes d’appel que nous devons envisager et mettre ici en
rapport) de la Flandre orientale se portaient à 141 et celles de la Flandre
occidentale à 138 ; donc la Flandre orientale l’emportait seulement de six
causes ; mais ajoutez que depuis, la Flandre occidentale a acquis une frontière
de douane de plus, deux ports de mer qui commencent une nouvelle carrière
commerciale, plus de mouvements et de trafics dans les affaires, qui
engendreront des contestations inévitables et porteront les causes d’appel à un
tiers de plus.
Pour le moyen d’y
trouver bonne et prompte justice, cela dépendra beaucoup du personnel dont
seront composées les cours ; mais un moyen accessoire est aussi de pouvoir en
peu de temps être à même de se porter sur les lieux, et de veiller en personne
à ce que les affaires acquièrent l’activité dont elles sont susceptibles.
Les raisons qui
ont milité pour l’établissement du tribunal de Furnes, confirment la nécessité
d’établir la cour d’appel à Bruges plutôt qu’à Gand, et la communication
difficile avec les autres chefs-lieux où sont établis les tribunaux les plus
rapprochés, tels que Bruges et Ypres, on ne parvient qu’après avoir passé une journée
entière à lutter contre le mauvais passage, et les chemins de terre
impraticables et couverts d’eau une partie de l’année, qui force les habitants
à les franchir dans une frêle barquette, souvent au péril de leurs jours, de
sorte qu’en arrivant à Bruges ils ont déjà passés une journée entière pour y
arriver : certes, on les dispensera de faire encore dix lieues pour arriver à
Gand, tandis que ceux de cette province se rendent avec toute la facilité
possible, et sans inconvénient, à Bruges, et s’en retournent chez eux, la plus
grande partie, en 24 heures, et les plus éloignés en 36 heures tout au plus.
Il faut aussi
ajouter que la moitié de l’arrondissement d’Eecloo est plus rapprochée de
Bruges que de Gand, dont les extrémités se trouvent à une lieue et demie des
portes de Bruges, et sont distantes de huit et demie lieues de Gand. Tels sont
les cantons de Maldeghem et de Knesselaere qui, de tout temps, ont été
dépendants du franc de Bruges, et n’en ont été détachés que par la formation
d’un arrondissement composé de la Flandre zélandaise, et dont, après sa
dissolution, les lambeaux ont été joints injustement, quant à cette partie, au
tribunal de Gand, et ainsi incorporé à cette province.
Dans la section centrale,
messieurs, composée je ne sais trop comment de sept rapporteurs, au lieu de six
et d’un membre adjoint, qui y a également pris la parole, et ainsi
malheureusement composée de quatre membres de la Flandre orientale qui, après
avoir fait valoir leur opinion indubitablement par trop en faveur de la ville
de Bruges, ont néanmoins et la délicatesse de s’abstenir d’émettre leur vote.
Les trois autres
étrangers aux provinces des Flandres, dont je suis loin de contester les bonnes
intentions ; mais cependant à en juger d’après le rapport très peu au fait des
connaissances locales, ont jugé de placer la troisième cour à Gand.
Je respecte leur
opinion, mais pas la justesse de leur motif. Ils commencent à raisonner. Pour
la ville de Bruges, on fait valoir que Gand renferme dans son sein de grands
établissements, qui contribuent puissamment à sa prospérité : une université,
une académie de peinture, une maison de force, etc. etc. etc. Certes, le nombre
des avantages pour Gand était trop grand pour pouvoir les énumérer tous. Que
Bruges, au contraire, n’en possède aucun. Sur ce point, je dois dire à celui
qui fait les intérêts de Bruges, qu’il s’est trompé, et que Bruges possède une
académie de peinture, et avant même que Gand connût ce que c’était que la
peinture ; puisque c’est Jean Van Eyck, Brugeois, autrement dit Jean de Bruges,
qui est le père du peintre et le fondateur de l’école flamande de peinture.
A ces
observations, un membre oppose l’intérêt des justiciables, et cet intérêt doit
dominer toute la question, les rapprocher de leurs juges, tel est le but
principal qu’il faut atteindre. En plaçant la troisième cour à Bruges, ajoute
ce membre, on fait sous le rapport de la distance regretter à une partie des
habitants de la Flandre orientale leur séparation de la cour de Bruxelles ; car
dans cette hypothèse, cette partie se trouverait beaucoup plus éloignée de
Bruges qu’elle ne l’est de Bruxelles. Ce raisonnement est sans doute très juste
dans son hypothèse ; mais je demanderai si la cour à établir en Flandre est
seulement pour une partie de la Flandre orientale, ou bien pour les deux
Flandres en général ; si on répond que oui, ce raisonnement déterminant n’est
donc d’aucune valeur.
D’un autre côté,
ajoute-t-on, la facilité des communications milite en faveur de Gand, Je dois
m’arrêter ici, et dire, avec toute l’honnêteté possible, que cela est hors de
toute vérité, et totalement erroné, ce que j’ai eu l’honneur de dire, doit
avoir convaincu la chambre du contraire, il est donc inutile de le répéter.
Voilà donc,
messieurs, les seuls motifs qui ont été déterminé, d’après le rapport, les
quatre membres de la section centrale à placer la troisième cour d’appel à
Gand. Vous jugerez maintenant combien ces motifs vous paraissent fondés, et
j’aime à croire que les honorables membres, qui ont fait partie de la section
centrale, n’hésiteront pas à décider qu’ils n’ont point d’opinion fixée à cet
égard.
Le comité de
conservation de la ville de Gand, prenant fait et cause dans cette discussion,
s’attache à refuser quelques observations du tribunal de Bruges, croyant par là
tout avoir réfuté ; si réfutation il y a, ce que nous sommes loin de croire ;
mais que le comité a plutôt, par ses considérations, démontré que le siège de
la cour, dans l’intérêt de tous, devrait être à Bruges, ceci est hors de doute.
Un examen exact de
ses observations le démontrera à l’évidence,
Il commence par
dire qu’il est vrai que la Flandre occidentale a quatre tribunaux, et que jadis
la Flandre orientale en possédait autant ; mais que par la suppression du
tribunal d’Eccloo en 1814, ordonnée par mesure d’économie, après avoir détaché
la Flandre hollandaise du département de l’Escaut, on a réduit ses tribunaux à
trois, et s’étonne de ce qu’en n’a pas fait la même chose d’un tribunal de la
Flandre occidentale ; mais il n’y a rien d’étonnant dans tout ceci, ni même rien d’injuste, et c’est à tort que
la Flandre orientale se plaint de cette mesure. Il est certain qu’en ôtant de
la Flandre orientale la Zélande, pour laquelle ce tribunal d’Eccloo était principalement
installé, en y joignant même une partie du franc de Bruges, partie qui se
trouve à une lieue et demie de ses portes. Certes, lorsque l’on détache la
Flandre zélandaise de la Flandre orientale, il faut lui ôter ce tribunal ; mais
l’injustice et la seule injustice que j’y trouve, c’est l’incorporation de la
partie du franc de Bruges, située aux pertes de la ville.
Il dit en outre
que leur province l’emporte en étendue et en population sur la province de la
Flandre occidentale. Ici, je crois que ce comité se trompe fortement, lorsqu’il
prétend que la Flandre orientale l’emporte en étendue sur la Flandre
occidentale. (Voyez l’ouvrage de M. Quetelet, tableau n°9). Vous y voyez que la
Flandre occidentale a une étendue de 316,585 hectares, tandis que la Flandre
orientale n’en a que 282,361, et la Flandre occidentale en terres cultivées
296,915 et la Flandre orientale seulement 264,988, et d’après le tableau fourni
à la chambre, par le cadastre, au premier janvier 1832, Vous y voyez le nombre
des bonniers de la Flandre occidentale qui monte à 321,330 et celui de la
Flandre orientale seulement à 300,087, de sorte que c’est là, une erreur
palpable.
Quant à la
population, je conviens qu’elle est tant soi peu plus grande dans la Flandre
orientale. Mais que fait la population pour l’établissement d’un tribunal. Une
ville de 60 mille âmes doit-elle avoir plus un tribunal qu’une ville de 40
mille. Je ne le pense pas. Messieurs, un tribunal suffit pour l’une comme pour
l’autre ; mais ce sont la distance, les localités, le lieu d’où la
communication est la plus facile avec tout le ressort qui exige l’établissement
d’un tribunal. Ainsi vous avez un tribunal à Furnes, vous avez 5 tribunaux dans
le Luxembourg, quoique sa population ne soit pas du quart de celle de l’une des
Flandres. Mais tirez une ligne droite entre les deux principales villes des
Flandres, et vous verrez quelle partie l’emportera et en étendue et en
population. Je vous l’ai déjà dit, messieurs, la lisière de la Flandre
orientale passe à une lieue et demie des portes de Bruges, tandis que celle de
la Flandre occidentale la plus rapprochée de la ville de Gand en est à 6
lieues.
Quant aux autres
moyens, messieurs, je crois qu’ils ne valent pas la peine d’une sérieuse
réfutation ; car pour dire qu’il n’y aura pas de fraude dans la Flandre
occidentale parce qu’il n’y a qu’une grande route de Bruges en Zélande, je ne
sais si cela prouve trop peu ou trop, ou rien du tout ; parce que tout le monde
sait trop bien que ce n’est pas sur et par les grandes routes que la fraude se
fait, mais par les petites traverses et plus souvent par les endroits les moins
connues ; dire qu’il n’y en a pas, ce serait nier l’évidence. Mais nous n’avons
pas seulement une frontière à comparer à la Flandre orientale, mais il y en a
trois, comme nous l’avons déjà fait suffisamment connaître.
Quant aux
communications faciles de la Flandre orientale avec la ville de Bruges, ils en
conviennent ; mais ils ajoutent que ce n’est pas là une raison pour établir la
cour à Bruges, puisque la population elle-même est parvenue à créer ses routes,
aussi bien que les établissements et autres institutions dont elle est
gratifiée doivent leur origine à la munificence des particuliers. La force,
messieurs, de cet argument se trouve tout à fait dans le million Merlin. Tout
le monde connaît la profusion avec laquelle il a été versé à pleines mains dans
la province de la Flandre orientale et quelque origine, d’ailleurs, que vous
donniez à vos routes, il n’est pas moins vrai qu’elles existent, et que les
communications faciles que nous soutenons exister sont prouvées et confirmées
par vos propres allégations.
L’on tire un autre
argument de ce que l’université étant à Gand, il faut également y installer la
cour d’appel pour l’instruction des jeunes gens. Ce n’est point, messieurs, à
la cour d’appel que les jeunes gens doivent s’instruire ; mais si longtemps
qu’ils étudient, ils ont assez d’occupations dans leurs écoles, et une fois
leurs études achevées, s’ils ne veulent en premier lieu fréquenter les bureaux
d’un avocat ou avoué, ils peuvent fréquenter les tribunaux de première
instance, et pour les phénix qui tout d’un coup veulent être avocat d’appel,
ceux-ci pourront se transporter là où la cour sera établie. Ce n’est
certainement pas pour les jeunes gens qui à peine ont passé licence, qu’on
établir les cours d’appel, parce qu’il faudrait les établir partout là où il y
a des universités. Ainsi, il faudra pour pareil motif établir la cour d’appel
du Brabant à Louvain, plutôt qu’à Bruxelles.
Quant à la
rivalité des deux villes, ceci ne mérite pas de réfutation : nous ne sommes
plus à cette époque où les habitants marchaient contre l’un l’autre pour
s’entre-détruire ; s’ils marchent actuellement, ce ne peut être que sous la
même bannière de l’indépendance, et pour se porter aide et assistance l’un à
l’autre.
Maintenant, je
crois avoir démontré, messieurs, que de quelque face possible, sous quelque
point de vue que vous envisagiez la question d’établir une troisième cour
d’appel pour les deux Flandres, on la doit avec justice et convenance, résoudre
en faveur de Bruges, chef-lieu de la Flandre occidentale, tant pour les
communications faciles, commodes et moins dispendieuses pour les habitants des
deux provinces, que pour sa bonne conduite dans la révolution et par un principe
de justice distributive en écartant le cumul et les privilèges formellement
proscrits par la constitution.
Qu’importe à la
chose actuelle l’ancienneté du conseil de Gand, plutôt que les bienfaits
actuels répandus continuellement sur cette ville. Bruges n’a-t-elle pas en son
franc, si respectable par son prompte justice que le conseil de Gand si vanté,
dont les procès ne touchèrent à leur fin qu’après deux ou trois générations, et
de même, le grand conseil n’était-il pas autrefois à Malines, tandis qu’actuellement
on le place à Bruxelles ? Non, messieurs, un principe sage, c’est de
laisser jouir chaque ville, autant que possible, de la munificence royale,
et en donner l’exemple par la chambre,
en leur distribuant les institutions à créer ; vous leur rendez ainsi à toute
la vie si nécessaire dans les temps actuels, tandis qu’en donnant tout à une
même ville, vous créez des privilèges, vous ajoutez une nouvelle source
d’abondance à celles qui en jouissent déjà, et vous plongez les autres dans la
misère à ne plus en sortir sans des secours pécuniaires du gouvernement, et au
détriment de tous ; et pour les mêmes motifs, vous détachez leurs habitants de
la cause sacrée de la révolution et du gouvernement qu’ils ont si hardiment
amplecté, et pour laquelle ils ont si vaillamment combattu.
Nous espérons que
les représentants de la nation ne seront pas sourds à ces actes de dévouement à
la cause nationale, et que réunis à la parole royale, ils sauront rendre à
cette ville trop longtemps abandonnée sa spendeur première et concourront à y
établir et voter une institution qu’elle réclame à juste titre.
- Avant la fin du
discours de l’honorable membre, la chambre n’était plus en nombre. La
discussion est renvoyée à lundi.
La séance est
levée à 4 heures.
Noms des membres
qui n’ont pas répondu à l’appel nominal à la séance du 15 : MM. Angillis,
Barthélemy, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, Brabant, Dautrebande, Ch. De
Brouckere, de Foere, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Robaulx, de Sécus, Desmet, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Elhoungne,
Dugniolle, Dumont, Dumortier, Fallon, Gelders, Gendebien, Lebeau, Legrelle,
Mary, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, C. Rodenbach, Rogier, Seron, Thienpont,
Vandenhove, Vergauwen, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Watlet.
Noms des membres
absents sans congé à la séance du 15 : MM. Angillis, Boucqueau de Villeraie,
Cols, Dautrebande, de Foere, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Sécus,
d’Hoffschmidt, Dugniolle, Dumont, Fallon, Gelders, Pirmez, Pirson, Rogier,
Thienpont, H. Vilain XIIII.