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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 17
décembre 1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi portant organisation de
l’instruction publique (de Robaulx, Seron)
3) Motion d’ordre relative à une somme due par
la société générale (Pirson, de
Robaulx, Barthélemy)
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre
(de Robaulx)
5) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à la taxe des barrières (Jamme, de Robaulx, Goethals, Verdussen, Pirson, Gendebien, Jonet), au conseil des
mines (Leclercq), à la mise à la charge des budgets communaux
des dégâts occasionnés à des particuliers lors des journées révolutionnaires (de Nef, Jamme, de
Robaulx, Legrelle, Jullien,
A. Rodenbach, Jullien, Jamme, d’Elhoungne, Poschet), aux indemnités dues aux jurés de la cour d’assises
(A. Rodenbach, Van Meenen, Pirson), à une mesure d’expropriation par le génie
militaire (de Terbecq, Goethals)
à la confiscation de cocardes orange chez un particulier (Gendebien,
de Theux, Van Meenen, Gendebien, de Theux, Dumortier, F. de Mérode, Jonet, Gendebien), au monopole de
la navigation sur l’Escaut (H. Vilain XIIII)
6) Proposition de loi tendant à faire restituer
les chemins nationalisés lors de la période française (Barthélemy) (Verdussen, Fallon, Verdussen, Barthélemy, de Theux, d’Elhoungne)
(Moniteur belge n°187, du 19 décembre 1831)
M. Destouvelles, vice-président,
occupe le fauteuil.)
La séance est ouverte
à midi et demi.
M. Jacques fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal,
qui est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Jacques analyse ensuite
quelques pétitions qui ont été renvoyées à la commission.
PROPOSITION DE LOI
PORTANT ORGANISATION DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE
M. le président. - Il a été déposé
sur le bureau une proposition signée par MM. de Robaulx et Seron. Elle sera
renvoyée en sections.
MOTION D’ORDRE
RELATIVE A UNE SOMME DUE PAR LA SOCIETE GENERALE
M.
Pirson. - Je demande la
parole pour faire une motion d’ordre.
En parcourant le
budget des voies et moyens, qui nous a été remis par M. le ministre des
finances, j’ai cherché en vain une allocation de 250,000 florins, si point de 500,000,
que doit payer la banque de Bruxelles, à compte de la liste civile. En effet,
messieurs, vous savez tous qu’en 1822 le roi Guillaume… (Interruption.)
M. le président. - Mais on ne
s’occupe pas encore du budget des voies et moyens.
M. de Robaulx. - M. Pirson se
plaint de ce que les 500,000 florins, pour lesquels le roi Guillaume dota la
banque de Bruxelles des domaines qu’il s’était fait assigner par la majorité de
la représentation nationale, ne se trouvent pas même portés au budget des voies
et moyens.
M. le président. - Les sections ont
examiné le budget des voies et moyens. Lorsque la section centrale fera son
rapport, M. Pirson pourra faire sa motion d’ordre.
M.
Barthélemy. - Je ferai observer,
d’ailleurs, qu’on plaide avec la banque pour cet objet. C’est parce que c’est
une chose litigieuse qu’on ne la porte pas.
FIXATION DE L’ORDRE
DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président. - L’ordre du jour
est le rapport des pétitions ; mais je désirais qu’avant, la chambre, pour la
régularité de ses travaux, voulût bien fixer l’ordre dans lequel les
différentes propositions et projets de loi, qui sont déposés sur le bureau,
seront examinés par les sections. (Oui ! oui !)
Voilà quels sont les
projets et la date de leur présentation :
1° le 19 septembre,
le projet de loi sur l’organisation judiciaire ;
2° le 3 octobre,
celui sur les droits consulaires ;
3° le 12 octobre,
celui sur les mines ;
4° le 8 novembre, la
proposition de M. Jonet, relative aux droits de barrières ;
5° le même jour,
celle de M. Nothomb, qui a été ajournée indéfiniment ;
6° le 24 novembre, le
budget du ministre de la guerre ;
7° le 1er décembre,
le budget de la dette publique, des dotations, etc. ;
8° le 2 décembre, le
projet sur l’organisation provinciale ;
9° le 6 décembre,
celui sur les naturalisations ;
10° le 10 du même
mois, celui sur le transit des sucres ;
11° le même jour, le
budget des voies et moyens ;
12° le même jour
encore, celui sur l’aliénation des bois et domaines ;
13° le 13 décembre,
celui sur les conseils de milice ;
14° le même jour,
celui sur la prolongation du service du premier ban de la garde civique
mobilisée ;
15° et enfin le
projet de loi relatif à l’échange des récépissés de l’emprunt.
_______________
La chambre fixe
l’ordre suivant :
1° Le projet de loi
sur la prolongation du service du premier ban de la garde civique mobilisée ;
2° celui sur les
conseils de milice ;
3° celui sur le
transit des sucres ;
4° celui sur
l’échange des récépissés de l’emprunt ;
5° celui sur
l’aliénation des domaines ;
6° les budgets ;
7° le projet de loi
sur les droits consulaires ;
8° celui sur l’organisation
judiciaire ;
9° celui sur
l’organisation provinciale ;
10° sur les
naturalisations.
Sur la proposition de
M. de Robaulx, la chambre décide
que cette classification sera imprimée.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
Ensuite, M. Helias
d’Huddeghem monte à la tribune et
fait, au nom de la commission des pétitions, le rapport de celles qui suivent :
« Le sieur Walt,
à Schyn, énumère les services qu’il a rendus à la cause de la révolution,
réclame de ce chef quelques avances faites par lui, et attend la récompense de
ses services. »
- Sur la proposition
de la commission, la chambre renvoie la pétition au ministre de l’intérieur.
_______________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Par pétition
non datée, plusieurs officiers du bataillon des tirailleurs de la Meuse,
commandés par le major Lecharlier, demandent à être replacés dans l’armée avec
leurs grades primitifs. »
- Cette pétition est
ajournée à huitaine.
_______________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Les sieurs
L. Letot, lieutenant de l’ex-premier bataillon des tirailleurs de l’Escaut,
Kensier et Wallin, capitaines au même bataillon, demandent de l’activité ou la
demi-solde. »
- Cette pétition est
également ajournée jusqu’au 23.
_______________
M. Helias
d’Huddeghem, rapporteur. - « Les
officiers du 3ème régiment des chasseurs à pied demandent la solde qu’ils
prétendent leur être due légitimement. »
- Le renvoi au
ministre de la guerre, demandé par la commission, est ordonné.
M. Jonet, autre rapporteur de la commission, rapporte les suivantes :
« Par pétition
non datée, huit maîtres de carrières de l’arrondissement de Tournay demandent
une modification de l’article 7, lettre I, de la loi du 6 mars 1831, relative à
la perception de la taxe des barrières, qui ne dispense du droit que les
voitures exclusivement chargées d’engrais. »
La commission propose
le renvoi à la commission d’industrie et au ministre des finances.
M.
Jamme et M. de Robaulx demandent l’ordre du
jour ; M. Goethals, le renvoi au
ministre de l’intérieur ; M. Verdussen, le dépôt au bureau des renseignements.
- Après une légère discussion
dans laquelle (deux ou trois mots sont illisibles) autre M. Pirson, M.
Gendebien et M.
Jonet, rapporteur, la chambre ordonne le renvoi au bureau
des renseignements.
______________
M. Jonet, rapporteur. -
« Marie-françoise Uttenhove, veuve Daninck-Smerghem, demande que, lors de
la discussion d’une loi sur les pensions, sa proposition soit prise en
considération. »
- La chambre, sur la
proposition de la commission, passe à l’ordre du jour.
______________
M. Jonet, rapporteur. -
« L’administration communale de Macter, district d’Audenaerde, demande
que, lors de la nouvelle organisation judiciaire, on réunisse cette commune au
canton de Horrebeke Sainte-Marie. »
- La commission
propose le dépôt au bureau des renseignements, qui est ordonné.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Louis
Artmer, passementier à Bruxelles, se plaint de ce que la police a saisi chez
lui, le 9 du mois de novembre, six écharpes et environ deux douzaines de
cocardes oranges. Il demande que la chambre lui en fasse payer le prix, qu’il
porte à 121 fl. 84 c. »
- La commission
conclut à l’ordre du jour, qui est adopté par la chambre.
M.
Gendebien demande la pétition et en prend lecture.
M. Jonet, rapporteur. - « Frédéric
Braconnier adresse à la chambre des observations sur la loi du 24 avril 1810
sur les mines. »
La commission demande
le renvoi à la commission des mines.
M.
Leclercq propose le dépôt au bureau des renseignements, qui
est adopté.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Louis de
Liuxe, ancien expert du cadastre, à Bottelaer, demande que la chambre lui fasse
payer son salaire, pour les expertises qu’il a faites en 1828 et 1829. »
- Le renvoi au
ministre des finances, proposé par la commission, est ordonné.
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétition du 3 décembre, la régence de Gand demande que les indemnités à payer
par la ville aux particuliers, du chef de pillages et dévastations, lui soient
remboursées par l’Etat. »
M. de Nef. - Les pillages et
dévastations dont il est question ont eu lieu sous l’empire de la loi du 10
vendémiaire an IV, et dès lors je demande l’ordre du jour sur la pétition, en tant
qu’elle a pour objet de provoquer une nouvelle loi, à laquelle serait attaché
un effet rétroactif.
Comment ! messieurs,
des personnes (par exemple, dans la ville que j’habite, et que, par convenance,
je ne nommerai pas) ont fait tous leurs efforts, conformément à l’esprit de la
loi du 10 vendémiaire an IV, pour empêcher les pillages, et leurs efforts ont
été couronnés de succès ; et maintenant ces villes, ces communes, qui ont fait
leur devoir d’après la loi en vigueur, seraient obligées à concourir encore au
paiement de dégâts commis en d’autres communes, peut-être par négligence ?
Mais, messieurs, je vous le demande, ne verrais-je pas là une bien grande
injustice ? Je demande donc l’ordre du jour.
M. Jamme. - Je m’oppose de tout
mon pouvoir à ce que l’on passe à l’ordre du jour ; je demande le renvoi de la
pétition de la régence de Gand au ministre de l’intérieur.
Messieurs, la grande
question de savoir par qui seront supportées les indemnités à payer aux
victimes des émeutes populaires qui ont eu lieu pendant le cours de la
révolution ne peut pas être ajournée plus longtemps. Ce n’est pas parce que
cette question semble à certains membres de la chambre difficile à résoudre
qu’il faille fermer les yeux : de cette manière on ne résout rien, et le mal
augmente. Jusqu’à présent, les communes ont pu faire opposition aux actions qui
leur sont intentées, et elles ont gagné du temps ; mais les poursuites se
multiplient, et le malaise devient intolérable : il faut une solution.
Je demande donc le
renvoi de la pétition au ministre, parce qu’il y a urgence ; que, d’ailleurs,
une pétition identique a reçu la même destination, et que d’autres, ayant
également pour objet la question des indemnités, vont encore être adressées à
la chambre.
M. de Robaulx. - Notre collègue, M.
Jamme, croit que la question est difficile à résoudre ; mais il se trompe. Il
n’y a aucune difficulté sur la loi de vendémiaire an IV, et, d’après ses
dispositions, il est certain que les communes sont responsables des dégâts qui
sont causés par leurs habitants. S’il s’agissait de faire une loi sur cet
objet, je concevrais qu’on examinât si les dévastations doivent être faites à
la charge des communes en particulier ; mais elle est toute faite. Et pourquoi
voudriez-vous, s’il y a eu des dégâts dans quelques communes, que celles qui
ont été assez heureuses, ou dont les autorités ont été assez sages et assez
fermes pour éviter toute dévastation et maintenir la tranquillité chez elles ;
pourquoi voudriez-vous, dis-je, que celles-là payassent aussi bien que celles
qui ont été pillées ? Dans bien des localités, c’est à la négligence, à
l’impéritie et à la faiblesse des fonctionnaires que ces événements déplorables
peuvent être attribués. Il y a plus, messieurs, on pourrait citer des personnes
qui se sont fait piller par spéculation. Eh bien ! tous les habitants de mon
pays se sont tenus tranquilles chez eux : faudra-t-il qu’ils soient punis des
excès des autres ? Un autre motif encore. Ces dégâts s’élèvent à 7 ou 8
millions de florins, et M. de Muelenaere, que j’ai interpellé à cet égard, m’a
déclaré que les dévastations occasionnées par l’inondation des polders et par
la guerre ne sont pas moindres de 15 millions. Je crois qu’il faut bien
réfléchir avant d’admettre l’indemnité comme un droit.
M. Legrelle. - La question, selon
moi, est très grave, et je n’oserais pas la décider ; mais je crois devoir
répondre à une certaine observation que j’ai entendue. On a dit que les dégâts
et les pillages avaient eu lieu par la faiblesse et la négligence des autorités
locales. Il y a pourtant des localités où les fonctionnaires ont rempli
fidèlement leur devoir, et n’ont pu empêcher ces dégâts. On sait que le pillage
était organisé ; le pouvoir fermait les yeux et ne prenait aucune mesure (il
manque quelques mots) croyez-vous que la loi de vendémiaire est ici
applicable ? Il est impossible qu’il en soit ainsi.
M.
Jullien. - Je ne m’attendais pas à prendre la parole
sur cette pétition, parce que je ne pensais pas qu’on ferait difficulté de la
renvoyer au ministre de l’intérieur, après avoir vu la chambre ordonner ce
renvoi pour une autre pétition de même nature ; nous ne devons le faire que
lorsque M. le ministre nous aura fourni ses explications. Je viens demander
seulement que la chambre ne se prononce pas en cette occasion par un dédaigneux
ordre du jour : car la question concerne un grand nombre de nos villes les plus
importantes, Bruxelles, Liége, Verviers, Bruges, etc. Ces villes fondent leurs
réclamations sur ce que les pillages ont été amenés par un motif politique.
Puisque c’est dans l’intérêt de la révolution que les pillages ont été faits,
et qu’elles en ont profité, il est juste que ce soit la révolution qui les
paie. (Murmures.) Messieurs, il serait facile de prouver que ces
pillages ont eu lieu dans un but politique. Par exemple, à Bruges, ils ont
commencé par la maison de M. Sandelin, à cause de sa conduite parlementaire.
Ceux qui s’y opposaient étaient regardés comme les
ennemis de la révolution. Un honnête citoyen, père de famille, vit même
dévaster sa demeure de fond en comble, parce que son fils avait tâché
d’empêcher le pillage. Un honorable membre a dit que tout était resté
tranquille dans sa commune, dont je ne connais pas la consistance. Il est
certain que, s’il s’y avait eu des désordres de même nature que ceux dont il
s’agit, l’autorité ne serait pas parvenue à les étouffer. Je citerai encore un
autre exemple. Dans la ville d’Ypres, un colonel et plusieurs autres personnes,
suspectées d’orangisme, ont vu leurs maisons envahies par la populace ; ils ont
appelé la force armée. Eh bien ! la force armée est venue et a pillé aussi.
Lorsque le grand jour de la discussion sera arrivé, j’aurai beaucoup d’autres
observations à présenter : aujourd’hui je pense qu’il est raisonnable, et de
toute justice, de renvoyer la pétition à M. le ministre de l'intérieur.
M.
A. Rodenbach. - Je partage le
sentiment de mon honorable collègue M. de Robaulx, que l’indemnité à payer aux
particuliers, du chef de dévastations, ne doit point être remboursée par
l’Etat, mais bien par la ville, en vertu de la loi de vendémiaire, si les
gardes civiques ou bourgeois n’ont point empêché le pillage et la dévastation ;
j’appuie d’autant plus l’opinion du député qui siège près de moi, qu’il est
parvenu à ma connaissance que des hommes en place, contraires à la révolution,
ont provoqué le pillage par spéculation. Je citerai un exemple. Dans une
commune de la Flandre, un fonctionnaire public a fait dresser un inventaire,
sur lequel il portait qu’on lui avait volé 4,000 bouteilles de vin, tandis
qu’il était de notoriété publique que l’individu n’en avait jamais eu 100 en
cave. (On rit.) Il prétendit également qu’on lui avait enlevé une somme
de 20,000 francs ; personne n’ignorait cependant, dans la commune, que le
susdit spéculateur n’avait jamais possédé 100 francs.
Je répondrai aux observations de mon collègue
M. Jullien, que, si les gardes nationaux de Bruges ont, comme je n’en doute
pas, employé tous leurs efforts pour empêcher le pillage de la maison de
Sandelin, les tribunaux rendront à la ville de Bruges toute justice. Je
n’ignore pas que, dans cette ville, les gardes bourgeoises ont fait leur devoir
; car, si j’ai bonne mémoire, je crois qu’elles ont même fait feu sur la lie du
peuple qui pillait et incendiait l’habitation de l’ex-président du tribunal de
Bruges.
M.
Jullien. - M. A. Rodenbach ne connaît pas la loi de
vendémiaire.
M.
Jamme. - Je m’attendais peu à voir traiter
aujourd’hui le fond de la question. Cette marche n’est pas (manque deux ou
trois mots) : je ne suis pas conséquemment préparé pour cette discussion,
qui est de la plus haute importance. Au reste, en attendant qu’elle soit
régulièrement entreprise, je dois combattre les opinions de quelques-uns des
honorables préopinants.
Je n’admets
nullement, messieurs, que la loi du 10 vendémiaire an IV puisse être invoquée
par les victimes des dévastations ; cette loi est une loi de circonstance, dont
l’application directe et rigoureuse ne peut pas avoir lieu et ne serait pas
même praticable.
Ces dévastations ont
été organisées par un pouvoir caché ; elles ont eu lieu simultanément sur
divers points de la Belgique. Les communes n’ont pas pu s’y opposer ; une force
irrésistible a paralysé leurs efforts : ces dévastations étaient l’œuvre de la
révolution.
Je ne cherche pas à
m’expliquer plus clairement sur les causes de ces désastres déplorables : que
l’on admette le principe de rigoureuse justice qui décharge les communes des
indemnités à accorder, et je me tais ; mais si on m’y oblige, j’en chercherai
l’origine : la chose ne sera pas difficile, et je la signalerai hautement.
Les pillages sont incontestablement un fait de la
révolution ; donc ils sont une charge de l’Etat ; j’en appelle à la conscience
des trois quarts de mes collègues. Dès lors où serait la justice que des
communes qui ont tout souffert, Liége par exemple, Liége qui a fait tous les
genres de sacrifices possibles, qui a donné jusqu’au sang de ses concitoyens
pour assurer le succès de la révolution ; où serait la justice, dis-je, que
Liége fût encore chargée isolément des dommages que cette révolution lui a
causés, et que des districts entiers, paisibles spectateurs d’événements
remplis pour elle de troubles, d’affreux désordres, et finalement couverts du
deuil de ses enfants, viendraient recueillir sans frais, sans embarras, sans
avoir souffert, les avantages de la révolution ? Non, j’en appelle, messieurs,
à votre conviction ; il n’est peut-être pas un seul d’entre vous qui, dans ce
moment, ne sente la vérité de mes arguments.
Je le répète, je
demande le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.
M. d’Elhoungne. - Je crois que nous
perdons beaucoup de temps en discutant ainsi sur le fond de la pétition ; mais
on a touché une question délicate sur laquelle je dois dire quelques mots. On a
prétendu que tout le pays devait être responsable des dégâts, tandis que la loi
de vendémiaire an IV les met à la charge des communes où ils ont eu lieu. Je ne
me fait pas le défenseur de la loi de vendémiaire ; mais si on veut l’examiner
de près, on verra qu’elle est fondée sur des motifs assez plausibles. Je ne
pense pas qu’on puisse rendre toute la nation responsable des désordres qui ont
eu lieu dans quelques communes. On a dit, d’un autre côté, que les pillages
avaient eu lieu dans l’intérêt de la révolution, et que c’était à elle à les
payer. J’avoue que je ne connais pas, messieurs, l’intérêt que la révolution
avait à laisser commettre des crimes ; je pense, au contraire, que cela lui a
fait le plus grand mal en éloignant d’elle des hommes d’honneur. Ainsi le
pillage serait, en quelque sorte, le prix auquel nous aurions acquis notre
indépendance ! Prenons garde, messieurs ; la révolution n’a pas été assez
heureuse pour qu’elle le payât aussi cher. Les fruits en sont, sinon
entièrement perdus, du moins gravement compromis. Puissions-nous même ne pas
perdre bientôt toutes nos illusions et nos espérances sur la révolution ! Je
désire me tromper, mais je crains bien que le temps nous prouve que je n’ai pas
été mauvais prophète. D’ailleurs, messieurs, il s’agit ici de l’argent des
contribuables. Ils sont déjà bien assez surchargés sans leur imposer encore une
telle obligation.
M.
(nom illisible). - Je pense, messieurs, qu’il faudrait renvoyez la
pétition au bureau des renseignements, pour qu’on (un mot illisible) une
disposition législative sur cet objet. Depuis 18 mois, la Belgique s’est vue
dans des situations extraordinaires, des situations où la Vendée ne s’était pas
même trouvée, et la loi de vendémiaire a été faite pour la Vendée. Mais, dans
la Vendée, s’est-il rien vu de pareil à ce qui s’est passé ici ? Bruxelles a
été assiégée pendant quatre jours. Les Hollandais s’étaient emparés d’une
maison, il la quittent bientôt ; le peuple y rentre, il trouve trois ou quatre
cadavres horriblement mutilés : ce spectacle l’irrite. Les Hollandais avaient
mis le feu à la maison, et l’on avait d’abord engagé le peuple à éteindre
l’incendie ; mais il se porta dans les caves, s’enivra, et bientôt toute la
maison fut dévastée. Eh bien ! je le demande, qui aurait pu s’opposer à ce
pillage ? Aucune force humaine n’eût été capable de l’arrêter. Certes, la loi
de vendémiaire an IV n’avait pas prévu ce cas. Dans la même cité, par la
faiblesse du pouvoir, la force armée a été insultée, et, ne pouvant s’opposer
au pillage, elle a pillé avec le peuple. C’est encore un cas que ne prévoir pas
la loi de vendémiaire. Vous voyez donc que c’est une question à examiner. Eh
bien ! il s’agit de ne pas passer à l’ordre du jour, c’est-à-dire de ne pas
décider qu’il n’y aura pas examen.
M.
Poschet. - Messieurs, il y a toute nécessité de
maintenir la loi de vendémiaire an IV. (Interruption.)
Plusieurs voix. - Personne ne parle
de l’abolir. (La clôture !)
- La chambre ferme la
discussion.
L’ordre du jour
demandé par M. de Nef est rejeté. Après l’épreuve et la contre-épreuve, la
chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre
de l’intérieur.
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétitions du 2 décembre, plusieurs jurés de la Flandre occidentale, domiciliés
hors de la ville de Bruges, demande que, par une loi, on accorde une indemnité
de logement, de table, etc., à tout juré qui est obligé d’abandonner son
domicile pour remplir ses fonctions. »
M.
A. Rodenbach. - J’appuie fortement
cette pétition ; il est de toute justice que l’on accorde une indemnité à tout
juré qui abandonne son domicile pour remplir ses fonctions. Dans le district de
Roulers, un cri d’indignation s’est élevé parmi la classe des citoyens aptes à
faire partie du jury. En effet, messieurs, vous conviendrez qu’une absence de
plusieurs semaines que chaque juré est tenu de faire forcément, et ce, à peine
de payer 1,500, 1,000 ou 500 francs d’amende, n’est pas un bon moyen pour faire
aimer cette institution vraiment libérale. Un père de famille, souvent sans
fortune, doit abandonner sa maison, laisser languir son négoce pour se rendre
dans le chef-lieu où il doit siéger gratuitement pendant quinze, vingt, trente
et jusqu’à quarante jours ; tandis que, d’autre part, on remarque que quand les
généraux, les intendants et les inspecteurs de la haute bureaucratie voyagent,
on leur paie grassement leurs frais de séjour, et scandaleusement leurs frais
de route !
La loi sur le jury réclame donc une prompte
révision ; il faudrait que le même juré ne soit point tenu de siéger plus de
quinze jours consécutifs, et que celui qui ne réside point dans le chef-lieu
reçut la modique indemnité de 2 ou 3 fl. par jour. On rendrait par là la place
de juré supportable, et on ferait cesser le mécontentement général qui s’élève
à ce sujet.
M. Van Meenen. - Je crois devoir
informer la chambre que, sous peu de jours, il sera probablement déposé sur le
bureau un projet de loi qui portera que les jurés ne pourront être distraits de
leurs affaires plus de dix jours. Ce projet obvierait à toutes difficultés et
rend inutile la pétition. Cependant cela n’empêche pas qu’on la renvoie au
ministre de la justice, et qu’on la dépose au bureau des renseignements.
M. Pirson appuie le renvoi au ministre de la justice.
- Le double renvoi
est ordonné.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Onze négociants
et fabricants de Bruxelles donnent à la chambre des renseignements sur divers
objets de commerce et d’industrie, et font des vœux pour qu’une bonne loi sur
les primes d’exportation soit bientôt en vigueur. »
La commission propose
le renvoi à la commission d’industrie et au ministre des finances.
- Ordonné.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétition du 1er décembre courant, divers voituriers prétendent que la route que
l’on construit de Dinant à Neupont par Vignée sera inutile au roulage ; ils
demandent que l’on achève celle de Falmignoul à Beauraing, ainsi que celle de
Beauraing Lomprez. »
- La chambre adopte
les conclusions de la commission, qui demande le renvoi au ministre de
l’intérieur, et le dépôt au bureau des renseignements.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « M. P.
Henry, de Dinant, adresse à la chambre des observations sur le système
métrique, et notamment sur les unités de mesure de longueur et
monétaire. »
- Sur les conclusions
de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétition du 6 décembre, des ancien employés aux taxes municipales de Liége
sollicitent l’intervention de la chambre, pour obtenir une pension de
retraite. »
- La chambre passe à
l’ordre du jour proposé par la commission.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Pa
pétition du 5 décembre, le sieur Geeraert, receveur des barrières dans le
district de Tournay, propose des changements à la loi relative à la perception
de ce droit.
- Le dépôt au bureau
des renseignements, demandé par la commission, est ordonné.
M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition
du 7 décembre, le sieur Verrassel, de Bruxelles, se plaint de ce que le
commandant du génie mililaire à Termonde, s’est permis de faire couper à son
insu les arbres et bois de raspe qui se trouvaiet sur ses propriétés, sises
près de la ville de Termonde, sans expertise contradictoire, et sans préalable
indemnité ; il demande l’intervention de la chambre pour obtenir
justice. »
La commission propose
l’ordre du jour.
M. de Terbecq demande le renvoi au
ministre de la guerre.
M. Goethals. - Le
minisre de la guerre a promis de faire droit à la demande du pétitionaire quand
il produirait des titres en règle ; je demande en conséquence l’ordre du jour.
- L’ordre du jour est
mis aux voix et adopté.
M.
Gendebien. - Je désirerais que l’on suspendît le
rapport, parce que j’ai une interpellaiton à faire à M. le ministre de
l'intérieur relativement à une pétition sur laquelle la chambre vient de passer
à l’ordre du jour ; c’est celle du sieur Artmer, passementier. Je viens de lire
attentivement cette pétition, et je m’aperçois que M. le rapporteur ne l’a pas
examinée sous toutes ses faces. Le pétitionnaire signale des abus fort graves.
Il se plaint d’une violation de domicile, sans ordonnance de juge et sans
formalités préalables. Je demanderai au ministre de quel
droit on viole ainsi la demeure d’un citoyen. Qu’il ait des cocardes couleur
orange ou rouge, etc., peu importe ; ce n’est pas une raison pour forcer son
domicile, protégé par la loi. Certes la couleur orange ne n’est pas agréable,
j’en ai donné des preuves ; mais je ne voudrais pas que ce fût une cause de
confiscation ou de séquestration arbitraire. S’il y a des poursuites à faire
contre le sieur Artmer, à la bonne heure ; que l’on conserve ces cocardes comme
pièces de conviction ; mais, s’il n’y a pas de pouruites, il faut lui restituer
ces objets, car autrement ce serait une odieuse confiscation. Je demande que la
chambre revienne sur sa décision, et qu’elle ordonne le renvoi au ministre de
l’ntérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - La violation de domicile dont vient de parler
l’honorable membre ne fait pas l’objet de la pétition. Le sieur Artmer demande
seulement la restitution des objets saisis chez lui. Au surplus, comme c’est un
fait antérieur à mon administration, j’ignore entièrement ce qui s’est passé.
Je ne m’ocuperai donc de répondre que sur la restitution demandée par le
pétitionnaire. Il résulte des renseignements que j’ai pris, et de l’aveu même
du sieur Artmer, que les cocardes et écharpes couleur orange, saisies chez lui,
étaient destinées à l’armée hollandaise. On a trouvé des lettres dans
lesquelles se trouvaient de nombreuses commandes de cocardes et même de schakos
militaires ; Je demande si c’est à la Belgique à fournir ces objets à ses
ennemis… (Rires et interruption.) Je ne le pense pas, messieurs, et je
crois que la chambre reconnaîtra que le gouvernement a prudemment agi en cette
occasion.
M. Van Meenen. - Il me semble que
si le sieur Artmer a à se plaindre d’une violation de domicile et d’une
confiscation injuste, ce n’est pas à nous qu’il doit s’adresser ; car nous ne sommes
pas les redresseurs de tous les torts. D’un autre côté, je ne suis pas d’accord
avec M. le minitstre, qui s’effraie de commandes de cocardes oranges faites par
les Hollandas. Je crois, moi, que si nous pouvions fournir toute l’armée
hollandaise, il faudrait le faire ; car ce serait une preuve que nos ennemis
trouvent notre industrie préférable à la leur.
M. Gendebien. - Sans être
redresseurs de torts, nous pouvons renvoyer la pétition à M. le ministre de
l'intérieur, pour qu’il fasse cesser cet abus. Quant aux commandes de cocardes
faites par nos ennemis chez nos fabricants, je me félicite aussi que les
Hollandas trouvent notre industrie meilleure que la leur. Je crois, d’ailleurs,
qu’on aurait beau faire pour rétablir les couleurs de l’ancien gouvernement, on
n’y parviendrait pas. On a fait maintes fois des tentatives. Le peuple a
toujours dit non, et dira toujours non. Laissez donc fabriquer des cocardes
oranges, laissez-les circuler ; le peuple ne s’en occupera que pour s’en
moquer. Du reste, je ne tiens pas au renvoi à M. le ministre de l'intérieur ;
car la discussion qui vient d’avoir lieu l’a éclairé sur mon intention, et mon
but est rempli.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Ce n’est pas sans surprise, messieurs, que j’ai
entendu M. Van Meenen déclarer que nous devrions fournir des cocardes à toute
l’armée hollandaise, si elle le demandait. En abondant dans son sens, on pourrait
aussi dire que nous devrions aussi lui fournir des armes… (Dénégation.)
M. Dumortier. - J’approuve ce qu’a
fait le gouvernement ; car si quelqu’un allait promener dans les rues un
drapeau orange, faudrait-il laisser ce fait impuni… ? (Interruption.)
M. F. de Mérode. - On a dit que nous
devions nous réjouir de ce que les Hollandais commandaient chez nos fabricants
des écharpes et cocardes oranges, parce que cela favorisait notre industrie.
Croyez bien qu’il n’en est pas ainsi. Si la Hollande commande ici ces objets,
c’est pour s’en servir au besoin, et dans notre pays.
M.
Jonet, rapporteur. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Gendebien a dit que je n’avais pas rapporté exactement la pétition.
Messieurs, j’ai raconté tout ce qui s’était passé. J’ai dit que le
pétitionnaire, interrogé sur la question de savoir s’il n’avait pas reçu de
commande de la part de la Hollande, a répondu : Oui ; et qu’après son
interrogatoire par M. le commissaire de police, il avait été relâché, et c’est
ce qu’il déclare lui-même. D’ailleurs, il ne demande rien relativement à sa
détention ; il ne réclame que le paiement des objets saisis chez lui. J’ai
proposé, au nom de la commission, l’ordre du jour, sur le motif que les
tribunaux étaient saisis de la question. Je crois que M. Gendebien n’avait pas
le droit de m’adresser aucune espèce de reproche à cet égard.
M.
Gendebien. - J’ai dit que M. le rapporteur n’avait pas
examiné la pétition dans toutes ses faces. Il n’y a là rien de dur, et ce n’est
pas un reproche que j’ai voulu lui faire. J’ai fait cette observation, parce
que le pétitionnairre se plaint d’avoir été arrêté illégalement chez lui, et
conclut, indépendamment de la restitution des objets saisis, à ce qu’on mette
désormais sa personne à l’abri des vexations.
- La chambre
maintient l’ordre du jour sur la pétition.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétiton du 1er décembre, les héritiers C.-J. Van de Nieuwenhuysen, de Malines,
demandent que, par une loi, on déclare les ventes faites en 1794 et 1795, pour
satisfaire aux contributons militaires, valides et inattaquables. »
- La commission
conclut au renvoi à M. le ministre de la justice et au dépôt au bureau des
rensienements, qui sont ordonnés par la chambre.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétition du 4 décembre, Jean-Mathieu Delsape, médecin-chirurgien à Dalhem,
signale des abus qu’il dit exister dans la composition des administrations
communales. »
- Sur la proposition
de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par
pétition du 15 octobre, le sieur Vincent Pourbaix, de Soignies, ancien
chirurgien-major, à gé de 76 ans, demande une pension. »
La commission propose
le revoi au ministre des finances.
M. Duvivier demande le renvoi au
ministre de la guerre, parce qu’il faut avant tout examiner la durée du service
du pétitionnaire.
- Le renvoi au
ministre de la guerre est ordonné.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Par pétition
du 7 décembre, la régence de Bruges demande que les dommages occasionnés par
les pillages et les incendies, pendant la révolution, soient supportés par
l’Etat. »
- Sur les conclusions
de la commission, la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements et
le renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Jonet, rapporteur. - « Des
patrons et propriétaires de navires, et des négociants de Gand, se paignent de ce
que les habitants de Wetteren s’attribuent le droit exclusif de conduire les
bateaux qui descendent ou remontent l’Escaut. »
La commission demande
le renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des rensiegnements.
M. H. Vilain XIIII. - Je ne puis
qu’appuyer le double renvoi au ministre de l’intérieur et au bureau des
renseignements ; le sujet de plaintes de quelques patrons de navires de Gand
est un objet dont plus que tout autre, je puis donner des renseignements. Cette
difficulté entre quelques riverains de l’Esacut sur le droit de conduite et de
pilotage ne s’élèvent point seulement envers les habitants de Wetteren, mais
aussi envers d’autres communes le long du même fleuve. A Tournay, à Audenaerde,
à Gand même, les pilotes et les tireurs de bateaux prétendent avoir le droit
exclusif de conduite les navires jusqu’aux contrées de leur territoire. A Gand,
le corps de pilotage est organisé en espèce de corporation, et là, comme
ailleurs, ces pilotes refusent aux étrangers le droit de guider la navigation.
Je suis loin de condamner entièrement le droit d’exclusion, puisque nul ne peut
mieux connaître les embarras et les écueils du fleuve que le marin qui le fréquente
le plus habituellement. C’est là aussi le motif que font valoir les habitants
de Wetteren ; mais, enfin, ce droit, qui ne repose sur aucune législation
existante, porte atteinte à lalibre concurrence et à la franchise des rivières.
Cependant des rixes s’élèvent chaque jour entre les marins, et des jalousies de
commune à commune prennent ainsi naissance. On ne peut assez tôt les faire
cesser ; et, en demandant le renvoi au ministre de l’intérieur, on espère que
celui-ci provoquera, au plus vite, soit une mesure réglementaire pour toutes
les provinces où semblables difficultés ont lieu, soit une loi générale sur le
droit de pilotage dans toutes les rivières navigables du royaume.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « Le sieur
Conrard Raikem, fils, de Grivegnée, près de Liége, demande que l’on introduise
des hommes de lois dans les tribunaux de commerce. »
- Le dépôt au bureau
des renseignements, demandé par la commission, est ordonné.
______________
M. Jonet, rapporteur. - « La régence
de Neufchâteau, fait connaître à la chambre que la supplique qu’elle a adressée
au Roi, le 24 août dernier, pour faire cesser les travaux de la route de
Neupont à Dinant, n’est que l’effet de l’erreur. »
- La chambre ordonne
le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre de l’intérieur.
_______________
M. Lardinois demande
un congé de huit jours pour les affaires de son district.
- Accordé.
PROPOSITION DE LOI
TENDANT A FAIRE RESTITUER LES CHEMINS QUI ONT ETE NATIONALISES LORS DE LA
PERIODE FRANCAISE (PROPOSITION BARTHELEMY)
L’ordre du jour appelle la discussion sur la prise
en considéraiton de la proposition de M. Barthélemy, tendante à restituer aux
provinces, aux communes et aux particuliers, les routes et canaux qui leur
appartenaient en 1794.
M.
Verdussen fait remarquer que la discussion sur la prise en
considration ne saurait s’ouvrir aujourd’hui, puisque la liste des routes appartenant
à l’Etat en 1794, qu’on avait demandée au ministre de l’intérieur, n’a pas été
distribuée aux membres de la chambre.
(Moniteur belge n°188, du 20 décembre 1831) M. Fallon. - Messieurs, il n’est
pas de projet de loi qui mérite plus les honneurs de la prise en considération
que celui de l’honorable M. Barthélemy.
Ce projet a pour
objet de mettre en action deux principes : un principe de stricte justice, et
un principe d’économie évidente.
Plusieurs villes ont
été injustement spoliées des routes qu’elles avaient fait construire à leurs
frais, pour lesquelles elles avaient levé des capitaux considérables, et dont
elles paient encore les intérêts.
Il s’agit de savoir
si justice leur sera enfin rendue, ou si la spoliation sera consommée sous
l’empire d’une constitution qui proclame les principes les plus libéraux.
Il s’agit de savoir
si ces routes leur seront rendues, ou bien si elles obtiendront les indemnités
dont la liquidation était presque achevée, lors des événements de septembre de
l’année dernière.
Tout le monde
reconnaît que le personnel du waterstaat est trop nombreux, et qu’il existe là
un luxe ruineux.
Il s’agit de savoir
si cette administration sera supprimée, ou bien si son personnel sera au moins
réduit.
Une question de haute
administration se rattache à ce système d’économie, c’est de savoir s’il faut
continuer à centraliser l’entretien des routes de première classe.
Je ne dis pas que je
partagerai en tous points l’opinion de l’auteur du projet, dans l’application
qu’il fait de ces principes ; mais il est une vérité qu’on ne peut méconnaître,
c’est que ce projet livre à notre examen des questions d’une haute importance
que nous ne pouvons nous refuser d’examiner, sauf à y faire les amendements qui
seront trouvés convenables.
Je supplie, en
conséquence, la chambre de le prendre en considération.
Cependant, avant de
l’envoyer aux sections, je pense qu’il conviendrait de leur fournir tous les
documents propres à en faciliter l’examen.
Sur la question de
savoir s’il vaut mieux conformer l’expropriation des routes dont il s’agit et
payer la juste indemnité de la dépossession, plutôt que de les rendre à leurs
anciens propriétaires, il importera de savoir quelles sont ces parties de
routes et quelles sont les indemnités auxquelles elles pourront donner
ouverture.
Sur ce point, il
existe au ministère des renseignements certains, puisque la liquidation était
presque achevée au moment de notre révolution.
Sur la question d’économie dans l’administration du
waterstaat, il sera nécessaire d’avoir le tableau du personnel de cette
administration, des traitements qui y sont attachés, et de ses différents
services, tant dans l’administration des provinces que dans l’administration
générale de l’Etat.
Tous ces renseignements ne pourront être
fournis aux sections que par les soins d’une commission spéciale.
Je propose donc de
nommer cette commission, sur le rapport de laquelle le projet pourra alors être
renvoyé, avec fruit, à l’examen des sections.
(Moniteur belge n°187, du 19 décembre 1831) M.
Verdussen renouvelle son insistance.
M.
Barthélemy soutient qu’il est inutile d’attendre la liste
dont on parle, car il n’en existe pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) combat la prise en considération, par des motifs que
nous aurons occasion de reproduire plusieurs fois, et dont il serait inutile
aujourd’hui d’entretenir nos lecteurs.
M.
Barthélemy lui répond.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, la
question est telle grave, et la chambre manque tellement de renseignements qui
lui seraient indispensables pour l’examiner mûrement, qu’il me semble
indispensable d’ajourner indéfiniment la discussion, même sur la prise en
considération.
Il ne s’agit de rien
moins que d’enlever à l’Etat toutes les communications du royaume. Poser ainsi
simplement une telle question, c’est en faire sentir toute la gravité. On dit
que les communes ont été dépouillées de leur propriété par des lois injustes.
Eh ! messieurs, depuis quarante ans, combien de propriétés ne reposent-elles
pas sur des lois que l’on pourrait taxer d’injustice ! Voulez-vous nous faire
remonter à quarante ans tout d’un coup, et nous remettre dans l’état où nous
étions en 1794 ? Allons-nous entrer dans un système d’indemnité comme on l’a
fait en France pour les émigrés ?
On ne peut pas
traiter de semblables questions sans renseignements. Je demande donc
l’ajournement indéfini de la discussion. En attendant, le bureau de la chambre
pourra se procurer les documents nécessaires pour en faire la distribution, et
nous discuterons plus tard en connaissance de cause. (Appuyé ! appuyé !)
- La proposition de
M. d’Elhoungne est adoptée.
La séance est levée à
3 heures et demie. Il n’y aura pas de séance lundi.