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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 4 août 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 1361) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à 1 heure et demie.

M. Vander Stichelen donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des négociants et cultivateurs à Hompré demandent que la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg construise l'embranchement de Longlier à Bastogne. »

« Même demande des membres du conseil communal de Champion et du conseil communal de Hompré. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Arrivabene et Le Docte, président et secrétaire du conseil administratif de la Société centrale d'agriculture, prient la Chambre de porter à deux millions de francs le crédit demandé pour l'amélioration de la voirie vicinale. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Les membres du conseil communal d'Amberloup demandent la construction d'une route de Libramont à Houffalize par Amberloup, et de l'embranchement du chemin de fer sur Bastogne par Amberloup et Saint Hubert. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. de Baillet-Latour demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Ce congé est accordé.


M. le président. - Nous avons, en première ligne, à l'ordre du jour le tirage des sections ; mais je pense qu'il entre dans les dispositions de la Chambre de remettre cet objet après le vote, s'il y a lieu, du projet de loi en discussion.

- Cette motion est adoptée.

Projet de loi relatif à l’exécution de divers travaux d’utilité publique (fortifications d’Anvers)

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. Coomans.

M. Coomans. - J'y renonce.

M. le président. La parole est à M. H. de Brouckere.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, la discussion me semble être bien près de son terme. Aussi, ce n'est pas un discours que je viens prononcer : je n'ai demandé la parole que pour dire quelques mots sur la motion d'ajournement.

Je connais trop bien et depuis trop longtemps l'extrême bonne foi et la parfaite droiture de l'honorable M. Veydt, pour ne pas être certain que quand il a présenté sa motion d'ajournement il a voulu faire une chose sérieuse et loyale ; que ce n'est point de sa part une tactique parlementaire ; qu'il ne cherche point à amener le rejet du projet de loi par des moyens indirects et détournés.

C'est pour cela, messieurs, que je vais répondre quelques mots à ce qui a été dit à l'appui de cette motion.

J'avoue sincèrement que je m'attendais à la voir surgir ; je dirai plus : je la trouve fort logique venant de la part de ceux qui, trouvant le projet du gouvernement insuffisant, soit au point de vue de la défense du pays, soit au point de vue des intérêts d'Anvers, veulent la démolition des fortifications actuelles et la construction d'une enceinte nouvelle. De leur part, je le répète, la proposition d'ajournement est fort logique.

En effet, vous l'avez vu, malgré toutes les études auxquelles ils se sont livrés et bien que les connaissances spéciales ne leur aient point fait défaut, ils sont restés dans l'impuissance de s'entendre sur cette grande enceinte qu'ils préconisent, de formuler un système, de rédiger une proposition qui puisse être mise aux voix en opposition à celle du gouvernement.

Qu'avaient-ils à faire, dans cette impuissance si souvent constatée ? Une seule chose : gagner du temps. Ils se sont dit : D'ici à quelques mois, nous aurons recueilli des renseignements nouveaux ; nous aurons obtenu une instruction plus complète ; et, qui sait ? peut-être alors pourrons-nous nous entendre sur un système de fortifications nouvelles et donner en quelque sorte un corps à notre opinion. Cependant, messieurs, je ne puis m'empêcher de trouver que, même de la part de ces membres, il manque quelque chose à leur proposition ; car, enfin, ajourner la discussion au mois de janvier, si, d'ici au mois de janvier, le gouvernement n'est chargé de rien faire, à quoi bon ?

Nous nous trouverons dans les mêmes conditions que celles où nous nous trouvons aujourd'hui. Vous voulez, de la part du gouvernement, une nouvelle enquête, et pourquoi ferait-il cette nouvelle enquête ? Dans l'espoir probablement de trouver de nouveaux contradicteurs. Mais cela n'est pas possible. Le gouvernement vous dit : Je vous présente mon projet ; ce projet a été mûrement étudié ; je le crois bon, je le crois complet ; que demandez-vous au gouvernement ? Vous n'avez rien à lui demander.

Voter contre ce projet, je le conçois, mais demander un ajournement à quatre ou cinq mois, sans le charger de faire quelque chose de spécial, de déterminé d'ici là, sans le charger d'un soin particulier, je vous avoue, messieurs, que c'est, selon moi, mettre le gouvernement dans une position singulière.

Quoi qu'il en soit donc et sauf à ces honorables membres à ajouter à cette motion d'ajournement ce qui semble y manquer, je trouve de leur part la proposition logique.

Mais j'ajoute bien vite qu'il me semble qu'il n'y a que les partisans quand même d'un nouveau système de fortifications à établir à Anvers, qui puissent accepter l'ajournement.

Or, messieurs, il n'y a pas que ceux qui ont défendu cette opinion qui au fond s'opposent au projet du gouvernement. Nous comptons parmi nous diverses catégories d'opposants.

Il y a d'abord les honorables membres qui, ayant dans les traités qui tendent à garantir notre indépendance une foi entière et complète, une foi aveugle, si j'ose le dire, trouvent fort inutile que nous nous occupions de nous garantir contre des dangers qui sont chimériques. Ces honorables membres ne craignent rien pour la Belgique. Quelles que soient les éventualités qui viennent à surgir en Europe, ils ne craignent rien, non pas seulement des gouvernements réguliers, mais même dans les cas très malheureux pour tout le monde, où l'un ou l'autre de ces gouvernements réguliers viendrait à être de nouveau débordé par les passions mauvaises, dangereuses qui peuvent être comprimées aujourd'hui, messieurs, mais qui ne sont pas éteintes.

Je laisse à ces honorables membres leur sécurité, je déclare seulement que je ne la partage pas. Mais enfin ils me paraîtraient être singulièrement en contradiction avec eux-mêmes, si, après s'être expliqués comme ils l'ont fait, ils votaient l'ajournement. Qu'est-ce qu'ils saurons de plus au mois de janvier, par exemple, que ce qu'ils savent aujourd'hui ?

J'espère du moins que les événements ne leur apprendront rien de nouveau. Ils ne veulent faire aucune dépense pour augmenter notre état militaire. Mais alors ne vaut-il pas mieux pour eux se prononcer dès aujourd'hui par un vote positif, par un vote au moyen duquel ils en finissent de cette question ? Cela ne vaut-il pas mieux pour eux que d'ajourner et la discussion et le vote, alors que, prononçant cet ajournement, ils n'en seront pas plus avancés ?

Aussi je n'ai aucun doute que ces honorables membres se prononceront contre l'ajournement.

M. de Perceval. - Je demande la parole.

M. H. de Brouckere. - Il y a parmi nous une autre catégorie d'opposants ; et je n'hésite pas à le reconnaître, leur opinion reflète assez exactement l'opinion qui prédomine dans une grande quantité de localités du pays.

Ces honorables membres, sans partager tout à fait l'aveugle confiance de ceux dont j'ai parlé tout à l'heure, pensent cependant que les dangers que peut courir la Belgique sont si problématiques, si incertains, si éloignés surtout, que nous aurions tort de nous en tant préoccuper. Attendons les événements ; pourquoi irions-nous, dans le but de nous prémunir contre des dangers éventuels, qui, peut-être, ne se réaliseront jamais, pourquoi irions-nous dépenser des sommes considérables auxquelles nous pouvons donner un meilleur emploi ?

Voilà, messieurs, la pensée de quelques-uns d'entre nous et, je l'ai dit, elle reflète l'opinion de beaucoup de localités, car il faut bien le dire, on ne gagne rien à cacher la vérité, le projet n'est pas très populaire.

Mais, messieurs, le projet a le sort de tous les projets de cette nature. Est-ce que vous croyez qu'un gouvernement présentera jamais un projet qui soit populaire alors qu'il a pour but de demander des fonds considérables dont l'emploi ne doit point produire immédiatement un avantage quelconque ! Messieurs, un pareil projet sera toujours impopulaire dans le pays.

Le projet de loi d'organisation de l'armée que nous avons voté il y a quelques années, ce projet de loi, messieurs, était souverainement impopulaire : je l'ai reconnu moi-même à l'ouverture de la discussion, car n'oubliez pas que le gouvernement, à cette époque, avait toute la section centrale contre lui, comme le gouvernement a la section centrale contre lui dans cette occasion. Eh bien, à l'ouverture de la discussion, j'ai déclaré moi-même que le projet était impopulaire, mais je l'ai dit (page 1362) tout de suite et je le répète aujourd'hui, nous devons rester indifférents à cette impopularité. Notre position de représentants doit nous mettre au-dessus de toute crainte de cette nature.

D'ailleurs, messieurs, cette impopularité si éphémère s'évanouit si rapidement ! Le projet de loi le plus impopulaire, voté, si réellement il a un but national, un but utile au pays, un but qui n'est pas intéressé de la part du gouvernement seul, un pareil projet entre bientôt dans les mœurs du pays et l'impopularité en est oubliée au bout de quelques semaines. Je fais un appel à ceux d'entre vous qui ont voté le projet de loi d'organisation de l'armée ; ce projet, messieurs, entraînait une dépense qui allait à plus de 33 millions, eh bien, je fais un appel à ceux qui ont voté ce projet, sont-ils plus impopulaires dans leur pays, dans leurs provinces, dans leurs arrondissements, sont-ils plus impopulaires depuis leur vote, qu'ils ne l'étaient auparavant ? Evidemment non, et je suis convaincu que ceux qui ont voté ce projet de loi (et ils étaient nombreux, car le projet a passé à une majorité très considérable), je suis convaincu que pas un seul de ceux qui ont voté ce projet de loi ne regrette son vote ; quant à moi, je déclare que je me fais honneur d'avoir coopéré à son acceptation.

Eh bien, les honorables membres dont je viens de représenter plus ou moins exactement les impressions, ces honorables membres repousseront sans doute aussi l'ajournement, car ils arrivent à peu près à la même conclusion que ceux dont je parlais en première ligne ; ils ne veulent pas de dépenses nouvelles pour rendre notre défense plus énergique, plus efficace.

Or, s'ils ne veulent pas de dépenses nouvelles, qu'ils le disent dès aujourd'hui, qu'ils émettent leur opinion quand nous arriverons au voie du projet présenté par le gouvernement.

Mais, je les en conjure, qu'ils ne commettent pas l'inconséquence de voter l'ajournement de la loi, décidés qu'ils sont à voter contre tous les projets au mois de janvier prochain, comme ils voteraient aujourd'hui contre tous les projets.

En réalité, donc, l'ajournement ne peut avoir d'autres partisans que ceux d'entre nous qui veulent décidément la suppression de l'enceinte actuelle d'Anvers et la construction d'une enceinte nouvelle ; et si quelques membres, ne professant pas cette opinion, votaient aujourd'hui l'ajournement, puis dans quelque temps, se prononçaient et contre le projet du gouvernement et contre le projet que formulerait une nouvelle section centrale, tout le monde reconnaîtra que ces honorables membres qui auraient ainsi voté, s'exposeraient au reproche fondé d’inconséquence.

Messieurs, je n'ai pas pris la parole sur le fond de la question. Dès le jour où le projet du gouvernement a paru, je m'en suis déclaré partisan, je l'ai défendu dans ma section et je me suis expliqué dans le même sens avec toutes les personnes avec lesquelles je me suis entretenu du projet de loi. Si j'ai gardé le silence, messieurs, c'est par suite de circonstances toutes personnelles, c'est surtout à cause d'anciens souvenirs qui, pour dater de loin, n'en sont pas moins vivaces dans mon cœur.

Pendant quatre ans, messieurs, j'ai été le représentant du gouvernement dans cette ville d'Anvers où je n'ai reçu que des témoignages de sympathie, dans cette ville d'Anvers que je vois aujourd'hui si émue, si inquiète, si effrayée.

Messieurs, je l'avoue, cette émotion, cette inquiétude me paraissent singulièrement exagérées, et je ne crains pas de me tromper en disant que ces sentiments s'affaibliront avec le temps.

C'est, messieurs, une chose bien fâcheuse et bien regrettable que d'avoir montré aux habitants d'Anvers comme une mesure possible et très praticable même, cet agrandissement gigantesque qui doit quadrupler, quintupler leur ville, qui doit en faire la plus grande cité de la Belgique, une des cités les plus considérables de l'Europe.

Cette idée a souri aux Anversois ; elle devait leur sourire. Je ne saurais leur donner tort, lorsqu'ils emploient tous leurs efforts pour arriver à la réalisation de cette idée.

Mais si elle avait toujours été repoussée, permettez-moi cette hypothèse, par les hommes du gouvernement surtout, et l'on sait que l'idée daté de loin, il n'est pas l’œuvre du cabinet actuel, si cette idée avait toujours été repoussée, croyez-vous que nous rencontrerions l'opposition qu'on fait aujourd'hui ?

Mais, messieurs, je me suis vingt fois fait cette question ; je suppose que pendant que j'habitais Anvers quelqu'un fût venu nous dire : Vous étouffez dans votre ville d'Anvers, vous êtes étranglés par cette ceinture de fortifications trop restreinte ; nous avons reconnu cela, nous allons vous donner de l'air et de l'espace, nous allons reculer les fortifications d'un côté de la ville, elle sera à peu près doublée. Si on avait ajouté : Vous subissez avec une extrême rigueur les servitudes qui pèsent sur un grand nombre d'entre vous, qui sont excessivement onéreuses ; nous allons, sinon lever entièrement ces servitudes, du moins les adoucir considérablement.

Dans l'état de choses actuel, si une guerre venait à surgir, vous avez un bombardement en perspective ; ce bombardement, vous n'y sauriez échapper ; mais nous allons prendre des mesures pour vous soustraire à ce terrible malheur autant que cela dépend de nous ; à vos fortifications actuelles nous allons en ajouter de nouvelles à plusieurs mille mètres en avant de votre ceinture de fortifications que nous avons singulièrement élargie ; en avant, nous allons à grands frais construire quelques forts nouveaux, des forts capables d'une longue résistance ; et avant que vous ayez à éprouver les malheurs d'un bombardement, il faudra que l'ennemi se soit d'abord emparé de ces forteresses, de ces forteresses qui présenteront une résistance plus grande encore que vos fortifications actuelles, et vous mettront à l'abri d'un bombardement, quelles que soient les circonstances politiques qui puissent se présenter.

Je me demande quel accueil eussions-nous fait à un pareil langage ? Nous n'eussions pas eu dans le cœur assez de remercîments, assez de bénédictions pour témoigner de notre reconnaissance à l'ange bienfaiteur qui serait venu nous trouver porteur d'un tel message. Je défie qui que ce soit de me donner un démenti.

Les choses sont aujourd'hui comme elles étaient quand j'habitais Anvers. D'où vient que passé quinze ans, dix ans, très peu d'années même, ce qu'on eût considéré comme le plus signalé des bienfaits, soit regardé aujourd'hui comme un malheur qui doit mettre toute une population en émoi ? Comment cela se fait ? C'est assez naturel.

On a fait entrevoir aux habitants d'Anvers un plan magnifique, et tout ce qui n'est pas conforme à ce plan, leur paraît déception. Un projet de loi qui ne réalise pas ce que je ne veux pas appeler un rêve, mais au moins une idée précoce, anticipée, mais tout ce qui ne réalise pas cette idée est détestable ; il faut le repousser. Nous ne voulons pas d'améliorations partielles ; nous voulons tout ou rien. Voilà littéralement le langage que l'on tient. J'espère cependant, sans blâmer ce langage, en le comprenant même parfaitement, j'espère que plus tard les habitants d'Anvers rendront une pleine justice et au gouvernement actuel, auteur du projet, et à ceux d'entre nous qui, obéissant à leur conscience, rien qu'à leur conscience, ne pourront pas s'associer entièrement à eux.

Moi, messieurs, je suis un de ceux qui s'en réjouiront le plus, si le projet actuel du gouvernement réalise toutes les conséquences favorables que j'y vois. S'il n'en est pas ainsi, eh mon Dieu ! l'avenir nous est ouvert. On a dit que nous ne reconnaîtrions l'insuffisance de ce que je suis, pour ma part, prêt à voter, qu'après une cruelle expérience, celle d'un bombardement. Mais il n'en est rien. Une fois les constructions qu'on veut faire établies, tout le monde pourra les juger, tout le monde jugera s'il faut le compléter, tout le monde pourra démontrer alors qu'il y a autre chose à faire, qu'il y a davantage à faire, car personne ne conteste l'utilité des constructions qui font l'objet du projet de loi, tout le monde sera mis à même de reconnaître s'il faut compléter les travaux établis, et si cette nécessité est constatée, ce n'est pas une Chambre patriotique comme celle qui représente les habitants de la Belgique qui reculerait devant un nouveau sacrifice.

Messieurs, je vous demanderai la permission de dire encore un mot. J'ai très souvent entendu, et vous l'avez entendu comme moi, j'ai très souvent entendu critiquer, blâmer, censurer, dans les termes les plus amers et les plus énergiques, le système de défense nationale adopté par le gouvernement.

Ce système le moins de mal qu'on en puisse dire, c'est qu'il sera complètement inefficace ; mais aux yeux de beaucoup de monde, il est ridicule, il est absurde.

Il est évident, aux yeux de ceux qui tiennent ce langage qu'un petit pays comme le nôtre ne peut résister ni à l'un ni à l'autre de ses puissants voisins qui auraient la tentation de l'envahir ; si cette éventualité se réalisait, nous n'aurions plus qu'à courber la tête. Messieurs, je ne sais pas du tout de cet avis et je vous déclare, dans mon âme et conscience, que je regarde le système de défense adopté par le gouvernement comme pouvant sauver la Belgique dans toutes les éventualités.

Je ne vais pas, vous le comprenez, messieurs, me livrer ici à des considérations stratégiques ni à des développements qui seraient fort mal placés dans ma bouche et qui seraient fort peu convenables. Mais je vous dirai en peu de mots quelle est ma pensée ou plutôt quelle est mon espérance. J'ai la conviction que si le système de défense présenté par le gouvernement, système, qu'il me soit permis de le dire, qui a été adopté par tous les cabinets qui se sont succédé depuis dix ans, que si, dis-je, le système de défense adopté par tous les gouvernements du pays et dont le projet actuel est en quelque sorte le couronnement, est bien appliqué, bien exécuté, il prépare, remarquez-le bien, il prépare à ceux qui seraient tentés d'envahir la Belgique, de quelque côté qu'ils vinssent, des embarras très sérieux, des difficultés très grandes et très longues et j'ai l'espoir que la perspective de ces difficultés et de ces embarras, qui sera bientôt palpable pour tous, arrêtera ceux qui pourront être tentés d'entrer chez nous.

Mais, dit-on, que parlez-vous de difficultés et d'embarras ! Vous abandonnez une partie de nos provinces, vous livrez la capitale elle-même ! Et à quoi donc servirait l'occupation de deux ou trois de nos provinces et même l'occupation de la capitale ? A quoi servirait cette occupation dans le cas d'une guerre européenne ? A rien du tout.

En supposant qu'on doive s'arrêter là, croyez-vous qu'en cas de conflagration européenne, une armée quelconque irait s'amuser à prendre quelques villes pour y mettre des garnisons alors que cette démonstration de sa part n'aboutirait a rien autre chose ? Eh bien, je ne le dois pas, et je le répète, j'ai l'espoir, et cet espoir est fondé sur une profonde conviction, j'ai l'espoir que si vous adoptez le projet du gouvernement, et si ce projet s'exécute convenablement, et si tout le plan de défense (page 1365) du pays s'applique d'une manière sage et convenable, j'ai l'espoir que la Belgique sera préservée des malheurs de l'envahissement et que la ville d'Anvers sera à l'abri de ce bombardement qu'elle redoute avec tant de raison.

M. Vervoort. - Je me propose de répondre aux observations de l'honorable membre qui vient de parler. Mais j'ai le devoir d'entrer encore dans le débat de ces derniers jours, et puisque j'ai demandé la parole samedi pendant le discours de l'honorable M. Dolez, je veux m’attacher d'abord à relever les paroles qui ont alors spécialement attiré mon attention.

L'honorable M. Dolez a cru devoir donner une préface aux éloges qu'il a distribués à MM. les ministres, éloges, du reste, très justement mérités. Cette préface consistait en observations critiques dirigées contre quelques-uns de ses collègues. L'honorable M. Dolez a dit qu'il ne voulait parler ni d'escarpes ni de contre-escarpes et qu'il n'aurait pas l'outrecuidance de s'ériger en juge du débat ; et cependant l'honorable membre s'est chargé de soutenir que les grands forts proposés par le gouvernement pourraient offrir une résistance de 6 à 8 mois et il s'est permis de décider qu'Anvers obtient par le projet du gouvernement une position de faveur.

Comme l'honorable membre s'est adressé spécialement à moi, ce qui résulte des souvenirs de barreau qu'il a rappelés dans son discours, j'ai quelques mots à ajouter à ce que disait hier à ce propos l'honorable M. Dumortier.

Il est vrai, messieurs, que j'ai parlé d'escarpes et de contre-escarpes, et que je me suis permis d'examiner la valeur des deux systèmes de fortifications dont parle le projet de loi.

Mais, lorsque j'ai eu l'honneur de vous en parler, j'ai apporté à l'appui de mon opinion des autorités importantes, j'ai invoqué des exemples irrécusables. Je ne vous ai pas présenté mes idées comme venant exclusivement de moi, mais comme adoptées par moi, par les motifs que j'ai eu l'honneur de soumettre à votre appréciation.

Comment ! La Chambre me fait l’honneur de m'investir d'un mandat spécial, de l'examen minutieux d'une loi considérable. Membre de la section centrale, je demande les plans, les devis ; pendant de longues et nombreuses séances j'examine, j'étudie, et l'honorable membre trouvera déplacé que je prenne part à une discussion dans laquelle m'entraînent mon devoir de député et mon devoir de membre de la section centrale.

Eu France, à la chambre des députés, lors de la discussion des fortifications de Paris, on avait parlé aussi de l'incompétence de la plupart des membres de cette chambre ; que répondait M. Thiers, chargé de défendre le projet des fortifications de Paris ?

Il disait : « Tous les jours on doit résoudre des questions que les ingénieurs seuls sembleraient pouvoir traiter devant une assemblée d'ingénieurs. Comment faites-vous ? Vous appliquez à ces questions spéciales les lumières du bon sens, vous saisissez les raisons principales, décisives, et vous votez d'après elles.

« C'est par des raisons saillantes, saisissables pour toutes les intelligences qu’on se décide. »

Et plus tard M. Thiers ajoutait dans le débat :

« Si vous n'êtes pas compétents pour apprécier la question, comment seriez-vous compétents pour la résoudre ?

« La compétence, messieurs, est donc hors de doute. »

L'honorable M. Dolez, après avoir préconisé une doctrine qui tendrait à rétrécir la discussion et à nous faire aveuglément accepter tout ce que présente le génie militaire, a émis à l'appui de son opinion, du reste fort consciencieuse, je suis le premier à le croire, je suis le premier à rendre hommage à son caractère pour lequel j'ai la plus grande estime ; l'honorable M. Dolez a émis à l'appui de son opinion un motif sur lequel je dois revenir.

Il nous a dit : Je soutiens le projet, parce que la présence de mes amis au pouvoir est une garantie de la valeur de ce qu'ils proposent, et je m'abandonne avec confiance à la direction qu'ils prennent pour conjurer le danger.

Notre dévouement, messieurs, à la politique du cabinet ne saurait être mis en doute par personne ; nous avons, dans les faibles limites de nos moyens, contribue à préparer l'avènement du cabinet libéral.

Tous nous rendrons pleine justice à ses capacités. Mais est-ce une raison pour accepter de confiance tous les projets qu'il croit devoir nous présenter ? Est-ce un motif pour nous incliner, même dans le doute, sans contrôler librement ce qu'il nous demande ?

Pour ma part, je sens l'entraînement des sympathies auxquelles l'honorable M. Dolez nous invitait à nous abandonner. Mais je crois que ceux-là sont les véritables amis des ministres qui n'acceptent pas aveuglement ses actes et qui exercent leur examen et leur contrôle avec une pleine indépendance sans sacrifier leurs devoirs à leurs sympathies.

Cette doctrine a été défendue avec chaleur et talent par l'honorable ministre de l'intérieur.

Lors de l'incident que souleva la lettre de M. Wanderpepen, M. le ministre s'écriait alors nul ne met ici au service du ministère un dévouement entier et sans réserve. Et en effet, messieurs, les majorités perdraient leur prestige et leur force, le jour où elles abdiqueraient leur indépendance et leur libre examen, pour se laisser aller aux entraînements du cœur.

C'est par la fidélité aux principes, par l'indépendance dans leur vote, par l'asservissement au devoir que les majorités obtiennent et conservent la confiance du pays.

Et dans cet ordre d'idées, j'ai vu avec un profond regret l'association de ce projet des fortifications d'Anvers au grand projet de travaux publics.

J'ai vu avec douleur la résolution prise par le cabinet de résister à toute division et la nécessité pour la Chambre d'approuver le système de défense proposé pour arriver à la discussion et au vote des autres travaux publics. Il y a là une fausse position pour la plupart d'entre nous et le pays ne s'y méprendra pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous offensez vos collègues.

M. Vervoort. - Mes observations n'ont rien de blessant pour eux. Plusieurs membres, messieurs, ont invoqué la responsabilité du ministère. Ils nous ont dit : Le ministère est responsable de son projet et nous ne devons pas déplacer cette responsabilité. Ils se laissent entraîner vers le système du gouvernement parce qu'il est couvert par la responsabilité ministérielle.

Lors de la discussion dont j'ai eu l'honneur de vous parler, M. de Lamartine disait devant la Chambre française : « La question n'est pas purement militaire, elle est nationale, patriotique, politique et, sous ce rapport, nous avons tous une responsabilité. »

Rien n'est plus vrai, n'avons-nous pas la responsabilité de nos votes ? Ne partageons-nous pas la responsabilité du ministère en votant ses projets ? En 1846, le ministère présentait un projet qui avait pour objet la construction d'un grand fort près de la ville d'Aerschot. Alors aussi, il prenait la responsabilité de son projet et cela n'a pas empêché une grande majorité de le rejeter.

L'honorable M. de Brouckere a reconnu que le projet actuel est impopulaire, mais cela n'est pas étonnant, a-t-il ajouté. Le peuple n'aime pas les dépenses dont il n'aperçoit pas l'utilité matérielle et qui ne lui donnent pas un profit immédiat.

J'ai pour ma part une toute autre opinion du peuple belge. Je lui crois un profond bon sens, et un grand patriotisme. Je crois que si le peuple belge était bien éclairé sur la nécessité d'une grande dépense à faire dans l'intérêt du pays, il ne reculerait pas devant le sacrifice, dût-il n'en résulter de profit que dans certaines éventualités.

Lorsque le gouvernement piémontais a présenté le projet des fortifications d'Alexandrie, cette mesure onéreuse n'a pas été impopulaire, et n’a pas nui, que je sache, à la popularité de M. de Cavour.

Si, messieurs, le projet actuel est impopulaire, ce n'est pas par les motifs invoqués par l’honorable M. de Brouckere. Il en est d'autres. Il en est un surtout dont j'ai parlé déjà dans mon premier discours. J'avais dit : En créant à Anvers un immense boulevard militaire vous augmentez les chances d'amener les conflits des nations étrangères sur notre sol.

M. le commissaire du Roi a répondu à cette observation : En doublant mon coffre-fort j'écarte les voleurs.

Dans mon opinion, messieurs, en augmentant l'importance militaire d'Anvers, on .augmente le danger de voir cette ville attaquée.

M. le commissaire du Roi a indiqué lui-même les motifs de ce danger.

« Les Anglais, a-t-il dit, ne souffriront à aucun prix Anvers entre les mains de la France, et la France ne souffrira jamais que les Anglais s'y établissent. »

Il considère cette situation comme heureuse pour la Belgique. C'est fort bien, si nous occupons seuls cette forteresse et c'est sur cette supposition que l'honorable général fonde son appréciation ; mais il suppose aussi les alliances, il dit à ce propos :

« Au point de vue militaire et quelles que soient les alliances que l'avenir nous réserve, Anvers bien fortifié et occupé prêtera un appui également efficace à la nation qui nous prêtera le sien... Pour l'Angleterre, cela n’a pas besoin de s'expliquer. L'Angleterre par ses flottes pouvant toujours approcher d'Anvers, trouverait dans notre camp une excellente base d'opération... Quant à la France, il est positif que la position d’Anvers, bien tenue, bien occupée, est pour elle dans la défensive d'un énorme avantage. »

Or, l'honorable général avait dit antérieurement dans son discours : t Dès l'instant qu'une puissance entrera en Belgique, une autre suivra et la guerre se déchaînera fatalement sur nos provinces. »

Vous le voyez, messieurs, je n'avais pas tort de dire que rendre les fortifications d'Anvers si puissantes, c'est créer un danger plus menaçant, en cas de conflit européen.

La guerre a été détournée du Danube et portée en Crimée à cause de la puissance de Sébastopol.

Je redoute de pareilles éventualités pour la Belgique. Mes craintes n'ont point cédé devant les objections de M. le commissaire du Roi et je lui dirai, pour me servir de sa propre comparaison : Vous doublez votre coffre-fort pour éloigner les voleurs, c'est bien contre des voleurs d'argent ; mais prendriez-vous la même précaution contre des voleurs de coffre-fort ?

Le cabinet prétend, messieurs, que l'augmentation successive des travaux d'Anvers a été occasionnée par les réclamations de la ville. Cela est-il bien exact ?

On a établi en 1851 un camp retranché et on le croyait assez fort pour nous protéger.

(page 1364) Le 27 avril 1855, dans l'exposé des motifs de son projet de loi, M. Greindl disait : « Des moyens insuffisants donnent une sécurité trompeuse, » et il demandait quelques millions pour donner plus de consistance aux travaux de défense.

L'agrandissement nord, qu'a invoqué l'honorable ministre des finances ne devait pas se faire en 1856 aux frais de la ville, mais par une société.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit sans frais pour l'Etat.

M. Vervoort. - Oui, et je lis dans le rapport de la section centrale de 1855 :

« M. le ministre et la section centrale ont appris avec satisfaction que l'industrie privée a conçu un plan ingénieux, d'après lequel tous les avantages que nous venons d'indiquer pourraient être obtenus sans frais pour l'Etat. »

C'était l'industrie privée qui donnait à l'Etat la chance d'échapper aux dépenses portées plus tard dans le projet de loi présenté au mois d'avril 1856.

Le ministre de la guerre revendiquait alors pour le département de la guerre l'honneur d'avoir le premier attiré l'attention sur la nécessité d'agrandir l'enceinte actuelle, et dans son exposé des motifs, à l'appui de la loi qui nous est proposée, le cabinet reconnaît que depuis 1836 le génie militaire a spontanément appelé l'attention du gouvernement sur la nécessité d'agrandir Anvers au nord. Ce n'est donc pas uniquement l'intérêt d'Anvers qui a provoqué cet agrandissement.

En 1854 le général Anoul admet que pour porter remède au préjudice causé par les servitudes il faut une grande enceinte. Dans une réunion tenue dans la même année à l'hôtel de ville, le général de Lannoy, délégué par le gouvernement, reconnaît qu'un agrandissement est nécessaire et promet de dresser le plan.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans l'intérêt de la ville d'Anvers.

M. Vervoort. - Et dans l'intérêt de la défense. (Interruption.) Donnez les notes postérieures du général de Lannoy et l’on verra que je ne me trompe pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le rapport de la section centrale déclare en toutes lettres que l'agrandissement nord, loin d'être un avantage, est plutôt un inconvénient, au point de vue militaire ; voilà ce que dit votre propre rapport.

M. Vervoort. - Lé rapport demande l'agrandissement général. Mais je le répète, en 1856, M. le ministre de la guerre disait que le génie militaire avait indiqué l'agrandissement au nord.

Son département se flattait d'avoir le premier attiré l'attention du gouvernement sur la nécessité de cet agrandissement.

Et lorsque en 1856 cette mesure fut proposée par le ministère, la ville d'Anvers élevait-elle des objections non justifiées ?

La ville d'Anvers disait : « Vous couvrez la cinquième section de servitudes ; je ne puis me développer : L'enceinte actuelle a perdu sa valeur défensive et elle ajoutait : « Votre défense manque de force. »

L'honorable M. de Brouckere, se reportant au temps de son administration, s'écriait il y a quelques instants : « Si à cette époque on vous avait promis ce que le projet vous accorde aujourd'hui, il n'y aurait pas eu assez de bénédictions pour le messager d'une pareille nouvelle.

L'honorable M. de Brouckere ne tient pas compte de l'œuvre du temps et de la marche des événements et des idées ; la position est changée depuis l'époque à laquelle la province d'Anvers avait l'honneur d'être administrée par l'honorable membre.

Les faubourgs se sont développés dans une proportion considérable ; des milliers de maisons se sont élevées depuis quelques années. La position n'est donc plus la même. Le temps, l'examen et la discussion ont donné de la maturité à des idées qui, dans le principe, étaient moins praticables.

Au surplus, messieurs, la preuve que la prétention d'Anvers n'est pas déraisonnable, c'est qu'en 1856 la section centrale a adopté à l'unanimité l'agrandissement général dans l'intérêt de la défense du commerce et de la population.

Cette opinion n'est donc nullement déraisonnable. Elle avait l'appui d'hommes considérables et c'était à la suite d'un long examen qu'ils la soutenaient. Aujourd'hui le gouvernement reconnaît lui-même que la difficulté est réduite à une question financière.

Je lui dirai en dernière analyse si les prétentions d'Anvers sont déraisonnables, comment demandez-vous 20 millions pour créer un système qui implique l'agrandissement général ?

Ah ! certes il ne faut point se laisser aller à des caprices, à des fantaisies, mais est-il question ici de fantaisies dispendieuses ?

Messieurs, il est un principe incontestable, c'est qu'il faut concilier les grands intérêts de la défense avec ceux du commerce et de la population.

M. le ministre de l'intérieur disait l'autre jour en répondant à l'honorable M. Crombez : Il faut qu'à l'égal des individus les nations sentent leurs devoirs d'honneur et de dignité. Eh bien, c'est un devoir national de prendre un système de défense qui mette d'accord les intérêts de la défense nationale avec ceux du commerce et avec la sécurité des habitants.

Le gouvernement l'a si bien compris qu'il a fait étudier la question. Or, nous trouvons que les généraux du génie et le général d'artillerie qui ont fait partie de la commission se prononcent pour la grande enceinte.

Les deux Revues militaires rédigées en Belgique par des hommes de talent soutiennent le même système. Des généraux étrangers d'un mérite éminent se sont prononcés dans le même sens. La section centrale de 1856 a été unanime à adopter cette opinion. La régence de la ville d'Anvers, le conseil provincial, la chambre de commerce demandent l'agrandissement général. La section centrale de 1858 est également unanime à cet égard.

L'honorable général Renard a demandé lui-même l'agrandissement du côté de Borgerhout lorsqu'il siégeait à l'hôtel de ville de Bruxelles dans la commission dont il a été souvent question.

L'honorable M. Rogier était du même avis. M. le général de Lannoy, dont tout le monde reconnaît le mérite, a dressé un plan d'agrandissement général et a rédigé une note à l'appui de ce plan.

Et l'on vient nous dire aujourd'hui que ce système est déraisonnable, que la ville d'Anvers n'y voit qu'un moyen de se développer outre mesure ; que c'est une idée ambitieuse.

Mais je dirai au gouvernement : A cette idée ambitieuse se sont associés les hommes du métier ; à cette idée ambitieuse se sont associés une section centrale en 1856 et une autre section centrale en 1858 ; à cette idée ambitieuse s'est associé le général qui commande l'arme du génie.

Et dès lors que signifient les observations que faisait l'honorable M. H. de Brouckere ?

Je suppose que la ville d'Anvers n'ait pas toujours eu la pensée d'un agrandissement général, et qu'elle y ait été amenée par les constructions, par les travaux de défense qui se sont élevés autour d'elle ; ses réclamations en auront-elles moins de valeur ?

En 1851, le gouvernement disait qu'il ne fallait que quelques redoutes à gorge ouverte pour son camp retranché ; plus tard il a fallu quelques forts et ensuite des citadelles avancées.

La question a donc fait du chemin. Comme le disait fort bien l'honorable général Gteindl dans l'exposé des motifs de son projet de loi, une sécurité trompeuse donne lieu à des mécomptes.

Eh bien, nous soutenons que les moyens qu'on propose aujourd'hui donneraient une sécurité trompeuse à la ville d'Anvers et au pays.

On s'est appuyé sur l'avis émis par le conseil de défense, et j'ai été surpris de voir que cette pièce, qui semblait destinée à rester secrète, ait été produite ici, alors qu'on nous a refusé divers autres documents, une note rédigée à l'appui d'un plan qui nous était communiqué, et les procès-verbaux d'une commission dont l'opinion est invoquée dans la note de 1857 et dans la discussion du projet actuel. Je reviens sur ce point ; je regrette qu'on m'oblige à le faire.

Quoi qu'il en soit, ce conseil de défense, composé d'officiers d'un mérite incontesté, ne repousse pas la grande enceinte ; il donne son appui au projet du gouvernement ; mais le conseil repousse si peu l'agrandissement que nous voyons dans son sein tout au moins un officier qui, à coup sûr, ne verrait pas avee déplaisir l'agrandissement général d'Anvers, au point de vue même de la défense.

Les membres de la commission ont donné un avis sur lequel le gouvernement s'est appuyé.

Mais ils ont pris avant tout en considération les intérêts militaires.

Or, nous avons à nous placer aussi au point de vue des intérêts généraux du commerce et des habitants.

Pour écarter les nécessités d'une grande enceinte, on a dit que les forts éloignés préviendraient le bombardement et pourraient, pendant six ou huit mois, tenir l'ennemi éloigné. Cette appréciation est arbitraire ; surtout si elle s'applique au cas où la garnison serait seule à défendre ces forts et ces nombreuses citadelles.

A cet égard, je dois dire qu'on a donné beaucoup d'exagération à la portée du tir. S'il est vrai que certains instruments de guerre lancent leurs projectiles à quatre mille mètres, je crois qu'il n'y a de précision dans le tir qu'à une distance beaucoup moins éloignée ; qu'au siège de Saint-Jean d'Ulloa, sur 302 bombes lancées à une distance de 2,300 mètres, six seulement sont tombées dans le fort. Il faut une distance plus rapprochée que celle indiquée par l'honorable commissaire du Roi, pour rendre le tir dangereux. La grande enceinte mettrait donc la majeure partie des habitations d'Anvers à l'abri du péril.

A Paris, les forts, sauf ceux de St-Nogent, du mont St-Valérien et de la Couronne du nord, sont en moyenne à une distance de 1,800 mètres. Si le danger était aussi grand que le prétend M. le commissaire du Roi, on aurait eu soin d'établir ces forts à une plus grande distance.

Si l'enceinte n'est pas construite, les faubourgs seront, en cas de siège des forts, menacés de destruction par notre propre armée.

Mais je suppose la prise des forts ; et je dois bien me mettre en présence du désastre, car M. le commissaire du Roi raisonne sans en tenir compte.

Si l'on enlève les forts, les faubourgs seront exposés à être détruits par l'armée ennemie. Voilà le sort que vous leur réservez.

Ainsi, en temps de paix vous leur donnez des servitudes onéreuses qui diminuent la valeur des terrains, et une fausse sécurité ; et en temps de guerre, vous les vouez aux inondations et à la destruction. Voilà ce qui est réservé aux faubourgs.

(page 1365) L'honorable M. Dolez a appelé ce sort une position de faveur. Je comprends que, si le projet est voté, il en résultera une position de faveur pour quelques villes destinées à être démantelées ; par exemple, pour la ville de Mons ; mais il m'est impossible d'admettre que la ville d'Anvers, fortifiée comme on propose de le faire, soit considérée comme ayant acquis une position favorable et digne d'envie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans une position favorable relativement à celle d'aujourd'hui. Voilà ce que nous soutenons.

M. Dolez. - Répondez à cela.

M. Vervoort. - On dit que la position serait relativement meilleure. Eh bien, je dis que s'il en était ainsi, ce que je conteste, cela ne suffirait pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ah !

M. Vervoort. - D'abord je ne puis l'admettre, mais s'il en était ainsi, je le répète, cela ne suffirait pas ; parce que si cette position est plus dangereuse que celle que j'indique, il est du devoir de la nation de préserver la population d'Anvers tout entière par tous les moyens qui sont en son pouvoir.

Mais je méconnais que la position d'Anvers soit améliorée par votre système de défense.

Sa position sera changée, mais non améliorée. Vous donnez à Anvers une destination nouvelle, vous en faites le boulevard national, un grand établissement militaire. Aujourd'hui la ville d'Anvers est une simple forteresse, elle court les chances ordinaires de la guerre. Mais vous lui faites un sort plus dangereux, je l'ai démontré déjà ; vous travaillez au profit de la concurrence dont elle est menacée et vous appelez sous ses murs les luttes éventuelles des grandes puissances européennes.

M. le commissaire du Roi a maintenu son blâme contre la grande enceinte, et cependant dans les documents parlementaires le gouvernement déclare que dans l'intervalle des sessions il a fait dresser le plan de l'enceinte générale avec forts détachés et que les forts seront placé de manière à se combiner avec cette enceinte. Ce qui implique l'idée que le plan a été étudié. M. le commissaire du gouvernement, tout en reconnaissant qu'à la pointe qu'il critique le génie militaire a accumulé tous les obstacles que la science indique pour arrêter l'ennemi, déclare que la place ainsi fortifiée devient une place de troisième ordre, qu'aucun général ne consentira à défendre. Mais peut-on admettre qu'un pareil boulevard défendu par 8 citadelles avancées et 60,000 hommes puisse être assimilé à une forteresse de troisième rang, non susceptible de défense ? Je suis convaincu qu'au jour du danger M. le commissaire du gouvernement n'hésiterait pas à se mettre au premier rang des défenseurs d'une pareille place de guerre

On oublie, messieurs, que le gouvernement, dans une note de 1856, a déclaré que les forts existants venant en seconde ligne perdront de leur importance après la construction des citadelles et n'auront plus besoin de revêtement en maçonnerie. Ce raisonnement doit à plus forte raison s'appliquer à la grande enceinte qui présente d'immenses fronts d'attaque précédés de larges fossés.

L'honorable M. Orts se déclare en faveur du système du gouvernement parce qu'il craint que la grande enceinte n'entraîne la nécessité d'augmenter l’armée. M. le ministre de la guerre nous a rassurés à cet égard.

Il a écrit à la section centrale, le 4 juin 1858, « que l'armement de la position d'Anvers est à peu près aussi considérable dans le système de l'agrandissement général que dans le système proposé aux Chambres, et que les deux systèmes peuvent être rangés sur la même ligne sous le rapport de la valeur défensive. »

Dans son second discours, l'honorable ministre a parlé d'une augmentation de 2,600 hommes ; ce qui est peu considérable, et comme jamais Anvers ne sera attaqué sans que l'armée doive se trouver dans le camp retranché, cette augmentation de la garnison ne saurait exercer aucune influence sur l'organisation de notre état militaire.

S'il n'en était pas ainsi, M. le général Renard n'aurait pas manqué de se servir de cet argument pour combattre la grande enceinte et il a soutenu au contraire, mais à tort, que le système de la section centrale tendait à diminuer l'armée.

Le système de la section centrale ne tend ni à diminuer l'armée ni à grever considérablement le budget par les travaux qu'elle indique.

Dans son relevé de 1857 le gouvernement évalue ces travaux à 45,000,000 et déduit 19,600,000 francs pour la valeur des terrains. MM. Keller et Cie offrent d'effectuer tous les travaux pour 28,000,000 de fr.

J'ai indiqué une économie considérable de 3 à 4 millions à opérer sur l'agrandissement nord, j'ai signalé l'exagération des frais imprévus portés dans l'état de 45,000,000 de francs à 2,600,000 francs, et la ville d'Anvers fait une offre illimitée.

Si donc on voulait sérieusement, sincèrement, régler l'intérêt pécuniaire qui arrête l'agrandissement général, la solution de la difficulté ne se ferait pas attendre.

L'honorable M. de Brouckere a dit qu'il ne comprendrait pas comment les adversaires qui ne veulent pas de la grande enceinte seraient opposés à voter l'ajournement. Les indications que j'ai données font voir que les vœux de la ville d'Anvers peuvent être réalisés, et en outre qu'il y a lieu de réduire la dépense. Si l'accroissement au nord était seul décrète j'ai démontré qu'au lieu de faire un grand circuit vers la campagne, il suffirait de tirer une courbe, ou une ligne droite derrière les nouveaux bassins, et on n'a rien répondu à cette observation.

Il existe donc des raisons qui doivent faire désirer un nouvel examen, et la poursuite des négociations par les adversaires mêmes de la grande enceinte. Mais il est une raison décisive en faveur de l'ajournement pour ceux qui désirent la conciliation de tous les intérêts et pour ceux qui ne veulent que des dépenses dont l'application soit bien connue et définitivement arrêtée.

La grande enceinte est repoussée par M. le commissaire du Roi, à cause de la place que doivent occuper les forts. Cet emplacement, d'après lui, n'est pas compatible avec les exigences du campement des troupes devant l'enceinte ; de sorte que si on élevait les forts à l'endroit indiqué aujourd'hui, la grande enceinte deviendrait impossible et les officiers du génie seraient obligés de s'y opposer. Il est donc important « que ce point soit étudié de nouveau et que l'on arrête pour les forts un emplacement qui puisse se combiner à coup sûr avec la grande enceinte. »

Au reste ce sont deux choses indivisibles. La section centrale l'a reconnu en 1856 ; elle l'a reconnu également en 1857 (p. 6 du rapport)

Elle déclarait en 1856 qu'elle « considérait les forts et l'enceinte comme ne formant qu'une seule et même combinaison. » Et, en 1857, « que les forts ne peuvent être admis que pour autant qu'ils soient combinés avec une grande enceinte. »

Le cabinet actuel déclare, dans son exposé des motifs « que l'emplacement des forts a été combiné de manière à faire système avec la grande enceinte. »

Et, à entendre M. le commissaire du Roi, rien n'est arrêté, rien n'est déterminé ; l'emplacement des forts et l'enceinte seront, dit-il, mûrement étudiés plus tard !

Pour ma part, je ne veux les grands forts que soutenus par une enceinte nouvelle et placés à une distance qui soit à l'abri de toute critique.

Sinon ils deviennent les pivots d'un système dangereux de défense auquel je m'opposerai de toutes mes forces.

Mais souvenons-nous donc de la destination militaire que M. le commissaire du Roi donne à la ville d'Anvers.

Désormais elle serait l'accessoire du camp, un réduit, un refuge !

On oublie le développement du commerce et de l'industrie dans notre pays.

On oublie l'influence d'Anvers sur sa prospérité croissante et l'influence de la prospérité du pays sur celle de son grand port de commerce.

La population d'Anvers est à peu près doublée depuis quarante ans et elle a dû en partie se réfugier au-delà des remparts. Si la ville s'étend à l’est et au midi, c'est le résultat forcé d'une prospérité dont le pays doit se réjouir.

En 1856 tous les organes du libéralisme proclamaient Anvers la tête de pont de l'Allemagne sur l'Océan, notre grenier d'abondance, la grande artère commerciale de la Belgique, la reine de l'Escaut !

Et il fallait à cette reine non pas la triple cuirasse dont on la menaçait, dont on la menace encore, mais le libre développement de ses forcer et de sa puissance.

Voilà ce que tous disaient à l'envi. Alors on la soutenait contre la concurrence dangereuse des autres ports de l'Europe occidentale. Alors, il fallait son agrandissement général.

Aujourd'hui c'est un autre langage. Anvers devient le réduit, le refuge où se terminera la défense, on l'assimile à une simple citadelle destinée à l'agonie d'une armée vaincue.

Le bombardement que l'on craint pour les troupes en campagne n'a rien d'effrayant quand il s'agit de la ville d'Anvers. Bruxelles n'a-t-il pas été bombardé sans succomber ?

Voilà le sort que l'on réserve à la ville d'Anvers ! le général Goblet l'a dit :

« On aura beau imaginer des principes et des aphorismes pour les besoins de la cause. Une vérité restera debout, évidente pour tous, c'est que l'on ne défend pas une enceinte en avant et en arrière de laquelle se trouve une population, agglomérée dans les bâtisses, qui masquent le canon de la place et dans lesquelles les projectiles de l'ennemi propagent l'incendie.

« A Anvers, la population extra muros refoulée dans l'étroite enceinte en même temps que l'armée, présenterait bientôt le spectacle désolant qui amollit le courage des défenseurs de Lérida. »

L'expérience nous fait comprendre ce sage avertissement.

L'honorable M. Dolez a évoqué un souvenir d'enfance. Il a vu des murs s'élever autour de la ville de Mons, et il en a gémi. Nous avons nous vu aussi dans un temps déjà reculé un bombardement. Nous avons assisté au spectacle navrant de la désolation et du désordre qu'il jette dans une ville vouée à un pareil malheur.

J'ai vu, messieurs, à la lueur des flammes qui dévoraient nos richesses commerciales, une population alarmée, éperdue, fuyant la mort et l'incendie pour se soustraire aux désastres du bombardement. Et quelques jours après cette nuit horrible, j'ai vu affichés aux coins des rues des placards qui ne sont point sortis de ma mémoire.

M. le comte de Robiano, gouverneur de la province d'Anvers, frappé de la terreur sous laquelle étaient encore tous les esprits, effrayé des dangers que quelques heures de bombardement venaient de révéler, (page 1366) faisait au gouvernement une proportion précédée de ces considérations : « Messieurs, considérant l'état déplorable où se trouve en ce moment la ville d'Anvers, par suite d'un bombardement qui pourra toujours se renouveler impunément par quiconque occupera la citadelle...

« Considérant qu'il importe à présent dans l’intérêt de notre cause et pour toujours dans l'intérêt de notre patrie, de rassurer complètement le commerce plongé dans la stupeur et la consternation la plus profonde, et de retenir plusieurs riches maisons étrangères qui se disposent à quitter une place où leur fortune peut se trouver si cruellement compromise ;

« Le gouverneur de la province d'Anvers se trouve heureux de pouvoir, le premier, prier le gouvernement de permettre la démolition entière de la partie de la citadelle qui regarde la ville, en conservant intacts les ouvrages qui défendant l'Escaut ; »

Et, au bas de cette proposition se trouvait l'approbation du gouvernement provisoire, et le nom d'un homme déjà célèbre, celui de M. Charles Rogier.

Le gouvernement provisoire pénétré alors d'un sentiment que je voudrais réveiller aujourd'hui, décrétait la destruction des murs intérieurs de la forteresse que depuis des temps reculés avaient été une menace permanente pour la ville.

J'étais jeune encore ; je crus à la réalisation de la promesse et de la décision du gouvernement. Je croyais que je verrais tomber ces murs, mais ils existent encore. Et quand aujourd’hui j'entends dire : Acceptez nos propositions, vous aurez votre enceinte et vos remparts seront abattus, plus expérimenté que je ne l'étais alors, je ne m'abandonne plus aux entraînements d'une aveugle confiance, et je reste convaincu que si nous n'obtenons rien, maintenant que les négociations sont ouvertes, et que la ville a offert d’épuiser ses ressources, nous n'obtiendrons plus l'exécution de ces promesses si le système du gouvernement venait à être consacré par l'achèvement de son camp retranché.

Je repousse énergiquement ce système tout en me ralliant à la proposition d'ajournement, parce que s'il était voté je concevrais l'espoir de voir le gouvernement entrer franchement dans la voie des négociations, et se pénétrer mieux de la situation.

J'admets et comprends la pensée patriotique de donner un asile bien gardé au drapeau national, à notre dynastie, à nos institutions.

Mais je ne comprends pas un patriotisme qui, ne songeant qu'aux jours éloignés, incertains, improbables d'un grand danger, considère froidement les besoins des temps ordinaires et qui mêle ainsi, sans compensation, sans pitié, à la vie paisible de chaque jour un élément de gêne, d'inquiétude, de dépréciation.

Le vrai patriotisme s'attache avec une égale sollicitude à tous les grands intérêts qui concourent au bonheur du pays.

Je voterai l'ajournement parce qu'il me donne l'espoir de la conciliation de ces divers intérêts et parce qu'il présente le moyen de conjurer les dangers que je redoute.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je crois que la question du fond est complètement épuisée. Je me bornerai donc à dire quelques mots sur la question d'ajournement.

Messieurs, l’ajournement a été prôné par l'honorable M. Malou, et proposé par l'honorable M. Veydt. On comprend parfaitement que, quoique le but soit le même, les raisons qui ont déterminé les deux honoraires membres soient différences. En effet, il peut être peu agréable à l'honorable M. Malou de s'expliquer sur un projet que, probablement il ne trouve pas mauvais en soi, mais qu'il trouve inadmissible parce qu'il vous a été présenté par un cabinet libéral.

M. Malou. - Je demande la parole.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Quant à l'honorable M. Veydt, ce sont d'autres raisons qui le déterminent. Ces raisons, il vous les a dites avec beaucoup de franchise. Il avait espéré, au début de cette discussion, obtenir de la Chambre la grande enceinte. Il espérait que la Chambre adopterait le principe de la section centrale, principe exclusivement favorable à Anvers.

Il paraît, messieurs, que les illusions de l'honorable M. Veydt ont disparu, que son espoir s'est évanoui ; et c'est parce qu'il n'a plus aucune confiance dans le vote de la Chambre quant à la grande enceinte qu'il demande l’ajournement, c'est à-dire qu'il propose cette mesure pour forcer en quelque sorte le gouvernement à passer sous les fourches Caudines d'Anvers. (Interruption )

J'espère que j'ai le droit d'exprimer ici mon opinion, opinion fondée sur le discours de l'honorable M. Veydt. L'honorable M. Veydt nous a dit que n'espérant pas en ce moment que la Chambre votât la grande enceinte, il demande l'ajournement, et il a ajouté que de cette manière le gouvernement aurait le temps de négocier avec la ville d'Anvers.

M. de Naeyer, rapporteur. - Où sont les fourches Caudines ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais sans doute, c'est là le but de l’honorable M. Veydt. C'est pour arriver à faire consacrer par la Chambre les prétentions de la ville d'Anvers qu'il a fait sa proposition. Voilà la vérité. Je ne sais pas ce qui peut effaroucher dans ces mots.

M. Veydt. - Avec des conditions nouvelles, M. le ministre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Veydt a dit qu'il désirait arriver à une négociation afin de faire voter par la Chambre la grande enceinte.

M. Veydt. - Avec le concours le plus large de la ville d'Anvers ; ajoutez cela. Cela a une grande valeur.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne sais pas la valeur que vous lui attribuez. Mais j'ai écouté votre discours très attentivement, je l'ai relu, c'est là évidemment le but que vous et vos collègues, vous poursuivez.

Eh bien, je trouve que l'on pourrait y mettre plus de franchise. On veut arriver à faire négocier le gouvernement pour la construction de la grande enceinte tout en lui reprochant de n'en vouloir à aucun prix. Mais il me semble qu'il y eût eu de la part de nos honorables adversaires et de la section centrale une ligne plus droite à suivre, qu'il y avait une position beaucoup plus nette à prendre, c'était de provoquer un vote sur la grande enceinte.

Aujourd'hui on nous dit : Nous ajournons parce que nous voulons pousser le gouvernement à des négociations. Mais ces négociations, à quoi peuvent-elles aboutir ? Je comprendrais l'ajournement si la Chambre avait décidé qu'elle voulait d'une grande enceinte. Mais commencer des négociations avec Anvers qui, si elles aboutissaient, seraient peut-être condamnées par la Chambre elle-même, commencer des négociations dont la Chambre n'accepterait pas le résultat, parce qu'elle ne veut pas de la grande enceinte, ce serait gratuitement exposer le gouvernement à se faire désavouer.

Ce qu'il y a, à mon avis, de plus logique dans la situation et dans la position de nos adversaires, c'est de provoquer de la Chambre un vote sur la grande enceinte. Nous saurons alors au moins quels sont les désirs les volontés de la Chambre, et nous saurons aussi quelle ligne de conduite nous avons à suivre. Mais se borner à un ajournement sans rien indiquer, sans rien préciser, sans rien décider, c'est chose inadmissible.

Dans une question aussi grave, dans une question où l'intérêt national est engagé à un aussi haut degré, il faut mettre de la franchise, il faut commencer par faire décider par la Chambre si elle veut ou si elle ne veut pas d'une grande enceinte.

Je dis que si j'étais partisan de la construction actuelle de la grande enceinte, si je désirais qu'immédiatement on commençât ce travail, je provoquerais un vote de la Chambre sur la question. Car si vous ne supposez pas que la Chambre soit décidée à accepter une grande enceinte, qu'elle soit partisan de la grande enceinte, je demande ce que vaut l'ajournement, à quoi il peut aboutir ?

M. Manilius. - A connaître quelle serait l'intervention d'Anvers ; nous avons intérêt à le savoir.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous n'avez pas besoin d'attendre pour cela. Il est évident que dès aujourd'hui la Chambre est fixée sur la question de savoir si, dans l'intérêt du pays, il faut démolir l'enceinte actuelle et en construire une autre. Cette question est parfaitement claire, et dès aujourd'hui la Chambre peut la décider ; et je répète que l'ajournement serait sans utilité aucune, si la Chambre n'a pas l'intention de voter la grande enceinte.

L'ajournement n'aura donc aucun résultat ; mais sera-t-il sans inconvénient, je pourrais dire sans danger ?

Voilà dix ans que cette question est à l'ordre du jour. Elle a été mûrement examinée et les travaux qui sont proposés ont été acceptés par toutes les commissions comme donnant à la forteresse d'Anvers la force, la puissance de résistance que doit avoir cette position militaire.

Il n'est pas un général, sauf ceux qui siégeaient dans la section centrale, qui ait condamné ces travaux, qui ait déclaré qu'ils étaient inutiles ou insuffisants.

Ces travaux, je le répète, ont été approuvés par toutes les commissions et ils ont l'immense avantage de ne pas exclure les travaux qui ultérieurement seraient reconnus utiles ou nécessaires, soit pour la défense, soit pour la position commerciale d'Anvers. Il faut donc que ces travaux s'exécutent ; il est impossible que les travaux destinés à défendre notre nationalité subissent de continuels ajournements et que le pays reste exposée à tous les dangers, à toutes les vicissitudes qui de jour à autre peuvent surgir.

Il faut donc, messieurs, que cette question soit résolue, et le moment est opportun pour le faire. Ce n'est pas au lendemain d'un grand événement, d'un cataclysme qui ébranle l'Europe que l'on peut parer au danger ; c'est en temps de paix, ayant que les événements surgissent qu'il faut prendre ses mesures, sous peine de voir réaliser ces mots : Il est trop tard.

Il est après cela d'autres intérêts dont il faut tenir compte. Tout le monde sait quelle est notre situation financière, tout le monde sait quelle est notre dette flottante, et aujourd’hui qu'il s'agit de contracter un emprunt, aujourd'hui que le crédit se rétablit, il y a danger d'ajourner à une autre époque le moment de rentrer dans une situation normale. Profitons du moment où le crédit se raffermit pour consolider notre dette, qui dans certaines éventualités peut être un danger, et pour nous créer des ressources pour l'exécution de travaux réclamés depuis longtemps.

A côté de tous ces intérêts, messieurs, je place l'intérêt d'Anvers même, et ce n'est réellement que parce que l'on poursuit ce système de tout ou rien que les honorables députés d'Anvers adoptent l'ajournement. L'honorable M. Vervoort a dû reconnaître, lui-même, que ce (page 1367) que le gouvernement propose de faire aujourd'hui crée une situation meilleure pour Anvers, que celle qui existe en ce moment. (Interruption.)

Vous aurez beau nier, cela est la dernière évidence. Votre point de comparaison (et c'est par là que tous les raisonnements de l'honorable M. Vervoort pèchent), votre point de comparaison, vous l'établissez entre la grande enceinte et le système que propose le gouvernement ; c'est en comparant ces deux systèmes que vous donnez à la grande enceinte une valeur de sécurité beaucoup plus grande pour Anvers ; mais, parlons un peu de ce qui existe aujourd'hui et de ce qui continuera à exister si l'ajournement est prononcé : comparons ce que nous proposons avec la situation actuelle.

Supposez l'ajournement voté et les populations des faubourgs sur le sort desquelles vous ne cessez de vous apitoyer, ces populations se trouveront sous les coups immédiats de l'ennemi ; elles seront beaucoup moins garanties aujourd'hui qu'elles ne le seront par des forts établis à 3 ou 4 mille mètres en avant. Je ne pense pas qu'on puisse contester que la ceinture des forts que le gouvernement propose d'établir garantissent beaucoup mieux les faubourgs qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Ainsi, messieurs, l'ajournement, bien loin d'apporter une amélioration à la position des faubourgs, les laissera dans leur situation actuelle, situation qu'on déclare si déplorable, si pleine de danger.

Maintenant, messieurs, à côté de cette sécurité en plus que le projet du gouvernement donne aux faubourgs, il y a les travaux d'agrandissement au nord.

Il y a, en outre, la question des servitudes... (Interruption.) Nous ne pouvons certainement pas inscrire dans la loi l'affranchissement des servitudes ; mais les lois qui établissent les servitudes militaires existent depuis fort longtemps ; vous n'en avez pas moins construit et lorsque vous vous êtes adressés au gouvernement pour savoir quelle était sa manière de voir, pour l'avenir, il a répondu qu'une augmentation de fortifications, que les travaux qu'il propose lui permettraient de continuer à user vis-à-vis de vous de cette tolérance dont il use aujourd’hui.

Si maintenant on refuse au gouvernement cette augmentation de force, ces fortifications qui doivent lui permettre d'user de tolérance envers les constructeurs, pourra-t-il continuer à le faire ? Pourra-t-il continuer à prêter la main à rendre impossible la défense de la forteresse actuelle ? Evidemment non.

Quant à l'agrandissement au nord, le gouvernement pourra-t-il vous livrer passage, pourra-t-il accorder les communications dont le commerce a besoin alors qu'on ne donnerait pas au gouvernement l'argent nécessaire pour construire d'autres murs en remplacement de ceux qui existent aujourd’hui ? Encore une fois cela serait impossible.

Ainsi, pour Anvers, messieurs, la question d'ajournement est fatale, et si Anvers ne poursuivait pas, je le répète, ce système à outrance de tout obtenir ou de tout repousser, évidemment ses représentants se rallieraient au cabinet pour faire voter le projet présenté par le gouvernement.

Enfin, messieurs, je trouve, pour le régime parlementaire, à cet ajournement quelque chose d’infiniment grave. Voilà une question soumise déjà à la Chambre 3 ou 4 fois ; le projet a été présenté par le cabinet actuel il y a 3 ou 4 mois ; la Chambre s'est ajournée pendant des mois entiers afin de pouvoir prendre une décision avant la fin de la session ; et, aujourd'hui, après dix jours de discussion, nous prononcerions l'ajournement, vous vous déclareriez impuissants !

C'est, messieurs, ce que vous ne ferez pas, et j'ai la ferme conviction que la Chambre passera au vote du projet de loi.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. David. - En combattant la demande d'ajournement, l'honorable ministre de la justice a cherché à provoquer un vote sur la grande enceinte ; mais, messieurs, cette question n'est pas encore assez étudiée, éclaircie ; nous ne saurions nous prononcer avant que tous les systèmes de défense aient été mûrement examinés. C'est ainsi que la proposition très sérieuse de mon honorable ami M. Allard n'a pas encore été discutée ; j'y reviendrai tantôt.

Je comprends l'impatience de la Chambre d'en finir, mais l'honorable ministre de l'intérieur ayant demandé au commencement de la discussion que chacun de nous exprimât son opinion, je désire faire connaître la mienne. Je ne serai pas long ; ce n'est pas mon habitude.

Vous comprendrez, messieurs, combien je regrette de devoir me séparer d'une fraction de mes amis politiques dans cette question ; mais elle est tellement importante au point de vue de l'avenir du pays que c'est un devoir pour moi de combattre et la petite et la grande enceinte.

Lorsqu’en 1853 nous avons examiné la loi sur l'organisation militaire, vous savez que j'ai voté contre cette loi ; on nous dit maintenant à propos du projet de loi en discussion que les fortifications d'Anvers sont un complément de cette organisation militaire. D'après moi ce n'est pas un complément, mais bien un véritable développement de cette organisation ; je pense même que si, lorsque nous avons discuté la loi d'organisation militaire, on nous avait parlé de ce développement ou surcroît de dépenses, la loi aurait rencontré plus d'adversaires encore que ceux qui l'ont repoussée et que le nombre des opposants aurait dépassé celui de 31 ou 32 membres qui l'ont rejetée.

Par ce nouveau développement nous serons fatalement amenés à augmenter encore les dépenses annuelles de la guerre et c'est une des raisons qui m'empêchent de voter pour le projet de loi. En exécutant les immenses travaux de fortifications à Anvers, en augmentant, en exagérant notre état militaire, la Belgique neutre de par des traités solennels, change complètement de rôle. Notre rôle doit être franchement pacifique ; il va devenir, au contraire, activement militaire, guerrier, et ce rôle peut nous exposer aux plus grands désastres.

Je ne voudrais pas par mon vote avoir contribué à amener les malheurs que je crains pour mon pays. Supposez qu'une guerre générale éclate, et que nous ayons des établissements militaires aussi importants que ceux en projet, qu'est-ce qui arrivera ? Il nous sera impossible de garder notre belle position de neutralité. Au moment de l'explosion d'une telle guerre, l'un et l'autre parti voudra nous entraîner dans son orbite, vous deviez prendre fait et cause pour l'un ou l'autre de ces partis ; de plus dans ce cas, une partie de notre armée sera appelée à faire la guerre en dehors de nos frontières.

La Belgique devient ainsi puissance militaire, et il est tout naturel qu'après avoir embrassé la cause de tel ou tel de nos voisins, nous devrons subir les chances que notre allié éprouvera lui-même.

Que ces chances soient malheureuses, et notre indépendance, notre nationalité, notre liberté seront compromises, peut-être complètement perdues.

Ce sont ces calamités que je veux épargner à ma patrie. Il y a, pour nous, un rôle beaucoup plus modeste à jouer, un rôle qui va mieux à notre position et à nos ressources financières ; un rôle qui ne peut offusquer aucune puissance du continent.

Pour atteindre ce but désirable, messieurs, nous devons examiner de près la proposition que l'honorable M Allard a soumise à la Chambre. Cette proposition mérite véritablement une discussion approfondie, il ne l'a faite qu'après avoir pris l'avis d'hommes de guerre expérimentés.

Dans ce système, tous les intérêts seraient sauvegardes ; la ville d'Anvers serait débarrassée de son enceinte actuelle et pourrait s'étendre, s'épanouir autant qu'elle le voudrait ; Anvers n'aurait pas à contribuer dans les dépenses. Le trésor public ferait une spéculation, au lieu d'avoir des millions à dépenser.

Le budget de la guerre pourrait probablement être réduit, et la défense du pays serait même mieux assurée.

J'appuie avec confiance la proposition de l'honorable M. Allard parce que, d'après les militaires qui ont écrit sur les camps retranchés, ce système de défense, lorsqu’il est bien établi, présente une immense force de résistance et peut soutenir de très longues attaques.

Je ne parlerai qu'en passant des quelques travaux de campagne que la Suisse a fait exécuter en 1856, lorsqu'elle était menacée d'une attaque d'une puissante armée prussienne. A cette époque on a construit des retranchements en avant de Bâle ; on en a fait d'autres aux bords du lac de Constance. C'étaient des camps retranchés, et la Suisse croyait, au moyen de ces travaux de campagne exécutés au moment du danger, pouvoir repousser l'ennemi.

Je citerai maintenant un exemple qui s'applique mieux à la circonstance.

La ville de Lintz sur le Danube se trouve dans une position topographe identique à celle d'Anvers ; elle est bâtie sur les deux rives du Danube, comme la ville d'Anvers est bâtie sur les deux rives de l'Escaut.

La ville proprement dite de Lintz est d'un côté ; de l'autre, se trouvent des agglomérations de maisons, comme nous en avons à la Tête de Flandre.

Pour défendre cette ville, on a construit 32 tours appelées tours maximiliennes et une forteresse. Voilà en quoi consistent les travaux de défense du camp retranché de Lintz.

D'après l'avis de beaucoup d'officiers compétents, ces tours maximiliennes ont peu de valeur en elles-mêmes pour la défense.

Voici notamment ce qu'écrivait le maréchal Marmont sur le camp retranché de Lintz ; l'avis de cet homme de guerre a une grande valeur :

« Je ne discute pas la force des tours isolées, dit le maréchal Marmont ; je les crois peu capables de résister si elles étaient abandonnées à elles-mêmes. Mais couvrant une armée qui se renferme dans l'espace qu'elles embrassent, elles me paraissent inattaquables. Jamais l'ennemi ne pourra en entreprendre le siège, soutenues qu'elles sont par l'armée, et jamais l'armée placée sous leur protection n’aura rien à redouter. »

A Anvers vous n'avez pas une ligne unique de ces faibles tours maximiliennes, de ces tours que le génie militaire considère comme faciles à prendre ; vous aurez deux lignes de véritables citadelles, des forts détachés, excessivement solides. Il est donc très facile de faire autour d'Anvers un camp inattaquable, comme le dit le maréchal Marmont, et beaucoup plus inattaquable que le camp retranché de Lintz.

Je pourrais encore m'appuyer, pour prouver l'efficacité de ce système, sur ce qu'ont dit presque tous les orateurs qui ont défendu le projet de loi. Tous ont dit : « Les forts détachés tiendront longtemps ; Anvers ne risque pas d'être bombardé, nous serons secourus avant cela. »

D'après M. Dolez : « Les forts détachés tiendront pendant 6 ou 8 mois... »

M. le ministre des finances a ajouté. « Indéfiniment, moyennant qu'ils soient ravitaillés. »

(page 1368) Cette réserve n'a aucune valeur, soit dit en passant ; car il est bien évident que lorsque vous ne pourrez plus ravitailler les forts avancés, vous ne pourrez plus non plus ravitailler la ville d'Anvers elle-même ; vous ne le pourrez plus parce que l'Escaut ne sera plus libre ; les forts avancés seront donc pris en même temps que l'armée ennemie s'avancera sous les murs d'Anvers et le bombardera. Après le bombardement, la malheureuse ville devra se rendre.

L'honorable général Renard confirme lui-même ce que je viens d'avancer. Voici ce qu'il disait, à la séance du 30 juillet :

« Pendant longtemps, dit un officier général allemand de grand renom, le général Clausewitz, pendant longtemps il a été de mode de s'exprimer avec dédain sur le compte des retranchements et de leurs effets ; nais mille exemples tirés de l'expérience prouvent qu'un ouvrage de campagne bien disposé, bien garni, bien défendu, doit être considéré en général comme un point inexpugnable et que l'agresseur le considère est effet comme tel. L'attaque d'un camp retranché est une entreprise très difficile pour l'agresseur et le plus souvent désespéré.

« Si vous considérez que notre camp de fortins sera relié par plusieurs lignes d'ouvrages de campagne, vous vous convaincrez que l'ennemi ne le franchira pas impunément, ni aussi facilement qu'on le prétend. »

Ce passage du discours de l'honorable général Renard vient complètement à l'appui de la proposition de l'honorable M. Allard. Cette proposition doit donc, à tous les points de vue, être considérée comme exactement sérieuse et digne d'un examen approfondi.

Au point de vue de la défense, telle qu'elle existe aujourd'hui, d'après une brochure que j'ai ici, il vous faudrait, pour la citadelle et pour les fortifications existantes maintenant, la petite enceinte donc, à peu près 8,000 hommes.

Eh bien, n'ayant plus votre enceinte actuelle, et laissant 1,500 hommes dans la citadelle, vous auriez 6,500 hommes dont vous pourriez vous servir plus utilement en les destinant à jouer un rôle actif.

Voyons maintenant pour la dépense. D'après le projet de loi, nous allons dépenser pour l'agrandissement au nord et pour les forts à construire une somme de 20 millions ; l'agrandissement au nord seul doit coûter huit millions ; il resterait donc, pour les forts détachés, 12 millions ; eh bien, d’après les documents qui nous ont été distribués, la vente des terrains, des fortifications actuelles, doit produire de 18 à 20 millions ; les forts détachés, déduction faite des 8 millions pour l'agrandissement au nord, ne coûteraient que 12 millions. C'est donc un bénéfice de 7 à 8 millions. Les calculs présentés par M. le ministre des finances sur la démolition d'autres forteresses et le produit de leur surface ne sont pas applicables à Anvers.

Les autres villes qui ont été démantelées ne sont ni commerçantes ni industrielles et ne demandent pas à s'étendre, les nouveaux terrains à bâtir y avaient fort peu de valeur. Il n'en est pas de même pour Anvers les terrains estimés de 18 à 20 millions ne sont pas évalués trop haut.

J'ai une autre raison qui me fait voter pour l'ajournement ; ce sont les paroles prononcées le 31 juillet par M. le général Renard ; il disait que l’emplacement des forts n'était pas encore définitivement déterminé.

Il y a là une question militaire qui doit être résolue avant que la Chambre soit appelée à voter ; il y a lieu d'ajourner.

La Chambre est impatiente de terminer, je le comprends ; je ne dirai donc qu'un mot de l'amendement de M. Dumortier, que je rejette ; les fortifications qu'il demande autour de Bruxelles seraient d'après moi établies contre Bruxelles et non pour Bruxelles.

- Plusieurs voix : La clôture ! la clôture !

M. Devaux. - Je demande la permission de faire connaître les motifs du vote que j'émettrai.

M. Malou. - Je demande qu'on entende M. Devaux et qu'on me permette de dire quelques mots en réponse à M. le ministre de la justice. Je pourrais demander la parole pour un fait personnel, mais je le fais le plus rarement possible.

M. le président. - On n'insiste pas sur la demanda de clôture.

- Un grand nombre de voix : Non ! non !

M. de Perceval. - Je renonce à la parole.

M. Devaux. - Ainsi que je vous le disais, messieurs, mon intention n'est pas de prolonger beaucoup le débat. Je dirai mon opinion d'une manière aussi sommaire que je le pourrai.

Les partisans de la grande enceinte sont injustes avers le gouvernement. Il a fait pour la ville d'Anvers ce qui était parlementairement possible. On oublie à Anvers que le gouvernement ne décide pas seul et qu'il faut qu'il marche d'accord avec les Chambres.

Il y a quelque chose qui peut tromper à cet égard dans la discussion actuelle, comme les partisans de la grande enceinte sont ceux qui s'expriment avec le plus de vivacité et qui ont pris le plus de part à la lutte contre le projet de loi, on pourrait croire au dehors que c'est là l'opposition la plus sérieuse que le projet rencontre ici. Il n'en est rien.

Si l'on mettait la grande enceinte aux voix, elle aurait les suffrages des représentants d'Anvers, mais en dehors de la représentation de cet arrondissement elle n'obtiendrait qu'un nombre de voix bien minime. C'est que le grand nombre de ceux qui sont contraires au projet ne lui reprochent pas de faire trop peu pour Anvers, mais de faire trop.

Ils croient que la plus grande partie de la dépense dont il s'agit est demandée non en faveur de la défense nationale, mais en faveur d'Anvers ; et pour un intérêt local, ils trouvent le sacrifice trop grand. Si le gouvernement avait voulu aller encore plus loin, on aurait fait encore plus de difficultés de le suivre, et la ville d'Anvers risquait davantage encore de rester dans le statu quo au lieu d'obtenir l'incontestable amélioration qu'on lui offre. C'est là ce que je pense sur les intentions du gouvernement à l'égard d'Anvers et de la question de la grande enceinte.

Quant à mon opinion sur le projet qui nous est présenté, je suis toujours dans la même position où j'étais en section. J'ai dit alors que j'étais dans l'impossibilité de me prononcer pour ou contre ce projet, parce que le gouvernement n'avait pas fait examiner à fond une question qui le domine, à savoir si c'est bien à Anvers que cette grande dépense doit être faite, et si la défense de la Belgique doit être concentrée à Anvers ou sur un autre point du territoire, à Bruxelles, par exemple. Tant que cette question n'aura pas été approfondie et qu'on ne nous communiquera pas toutes les raisons de préférence qui peuvent exister en faveur d'Anvers, il m'est impossible d'avoir à ce sujet une opinion définitive.

Je dis que cette question n'a jamais été officiellement examinée en elle-même.

En effet, elle a toujours été tranchée par des fins de non-recevoir. Le rapport de la section centrale nous apprend qu'il en a été ainsi au comité de défense en 1847.

Anvers y a été préféré, non pas parce qu'il importait à la défense du pays que ce point fut choisi pour la concentration de notre défense de préférence à toute autre ; mais parce que tout autre choix aurait été inopportun ; C'est-à-dire que les travaux auraient duré plus longtemps ou auraient coûté davantage, question entièrement étrangère au mérite du système.

Vous pouvez voir à la page 22 des procès-verbaux de la commission de 1851, que là aussi c'est par des fins de non-recevoir analogues que la question a été tranchée, on n'a pas cru qu'aucun système qui s'éloignait des éléments existants eût chance d'être adopté par nous. Mais personne n'y a démontré par quelle raison un camp retranché à Anvers défendrait mieux la Belgique qu'un camp retranché à Bruxelles. Quant à ce qui a été dit dans cette discussion par M. le commissaire du Roi et par un autre honorable collègue contre la concentration de la défense à Bruxelles, malgré le talent des orateurs, ils sont loin d'avoir démontré d'une manière décisive la supériorité d'Anvers. Leurs arguments me paraissent même si peu suffisants que s'il n'y en avait pas d'autres, il me semble que ce ne serait pas à leur système que resterait l'avantage.

Je me bornerai, messieurs, à le faire voir en peu de mots, car je ne veux rien approfondir. Je n'ai pas l'intention d'engager la Chambre à adopter un système nouveau. De telles mesures doivent sortir de l'initiative du gouvernement ou elles devraient tout au moins proposées par quelqu'un qui ait de l'autorité en semblables matières. Cette autorité je ne l'ai ni à nos yeux ni aux miens. Je n'aspire à exercer ici aucune influence sur vos votes ; je veux seulement montrer, parce que cela peut être utile dans l'avenir, que la discussion actuelle n'a rien décidé d'une manière péremptoire contre le mérite du système de la concentration à Bruxelles. Il n'a rien été dit contre l'immense avantage politique que ce système a sur l'autre.

Qui ne sait qu'il y a dans la possession de la capitale d'un pays, une telle force morale que c'est devenu une espèce d'axiome de guerre que dès qu'on le peut, c'est sur la capitale de l'ennemi qu'il faut marcher pour se saisir en quelque sorte du cœur même de son pays ? Abandonner la capitale, ce serait démoraliser le pays au dedans, ce serait lui ôter en même temps sa force morale au-dehors. Voulez-vous une preuve frappante de la différence qu'il y a pour le gouvernement entre la possession de la capitale et celle d'une ville de province ? Vous en trouverez une bien éclatante dans des faits contemporains. Rappelez-vous ce qui s'est passé en 1830. Si la révolution s'était bornée à quelques localités de provinces, elle n'aurait été qu'une émeute ; dès qu'elle s'est déclarée à Bruxelles, c'a été une révolution nationale et de tous côtés on a volé à son secours. Dès qu'elle a eu vaincu les troupes du roi Guillaume à Bruxelles toute la Belgique s'est ralliée à elle.

Ces troupes étaient à quatre lieues de Bruxelles. N'importe, on a créé un gouvernement provisoire qui a été accueilli partout. Pendant que l'armée du roi Guillaume occupait Anvers, on a rassemblée un congres à Bruxelles.

Ce congrès a fait neuf mois durant une constitution, a érigé un trône, pendant que l'armée hollandaise se trouvait toujours à Anvers. Il a inauguré un roi dans la capitale. Le gouvernement de Bruxelles a (page 1369) négocié arec les puissances étrangères et il a fini par les amener à expulser d'Auvers les troupes du roi Guillaume.

Je le demande, messieurs, quelque chose de semblable eût-il eu lieu si nous n'eussions été en possession de la capitale ? Renversez un instant les positions. Supposez le roi Guillaume à Bruxelles et la révolution dans une ville de province ; et je vous demande s'il serait venu à personne l'idée de faire une constitution, d'assembler un congrès, d'ériger un trône ; si vous auriez trouvé en Europe un prince pour s'y asseoir, s'il vous eût été permis de négocier avec les puissances étrangères et surtout si vous auriez pu décider une seule d'entre elles à venir expulser le roi Guillaume de Bruxelles.

Voilà, messieurs, la grande différence entre la force morale d'une capitale et celle d'une ville de province. Si le gouvernement devait quitter Bruxelles, le pays se croirait perdu et on le croirait perdu au-dehors. Aussi longtemps que le gouvernement siégera à Bruxelles, l'enthousiasme national se maintiendra ; de tous côtés on viendra à son secours, comme en 1830 ; il ne lui manquera ni hommes ni argent. Tout ce mouvement patriotique fera place au découragement dès que Bruxelles sera abandonné.

Voilà, messieurs, ce que j'ai à dire de l'avantage politique que présente la concentration à Bruxelles ; on n'a rien dit pour le détruire, on n'a rien dit non plus qui diminue l'importance d'un avantage d'un autre ordre.

Pour investir une place de l'étendue qu'aurait Bruxelles fortifiée, l'ennemi devrait s'étendre sur un cordon d'envahissement de dix ou douze lieues.

II est des autorités militaires, et des plus célèbres, qui sont d'avis que des places fortes de cette importance ne peuvent être bloquées ; si elles pouvaient l'être ce ne serait que par une armée de 200,00 à 300,000 hommes. Or, aucune puissance ne peut envahir la Belgique sans une guerre européenne. Est-il, messieurs, une seule puissance, quelque forte que veut la supposiez, qui, ayant une guerre européenne sur les bras puisse à son début immobiliser 300,000 hommes au siège d'une ville ?

Il n'en est pas, et dès lors, plutôt que d'assiéger Bruxelles, plutôt que d'envahir la Belgique, on se contenterait de sa neutralité et on ferait la guerre dans de meilleures conditions, sur une autre frontière.

Voilà comment la capital de la Belgique convenablement fortifiée peut rendre en quelque sorte l'invasion impossible.

Que si au contraire vous vous concentrez à Anvers comme une grande partie de la défense d'Anvers consiste en inondations qui aident elles-mêmes à bloquer la place et ne laissent entre elles qu'un espace d'une lieue et demie, Anvers peut être bloqué avec 30.000 ou 40.000 hommes et pendant ce temps l'ennemi peut rançonner le pays, et établir dans la capitale tel gouvernement qu'il veut.

Permettez-moi maintenant, messieurs, de dire seulement un mot des objections qui nous ont été produites dans cette discussion contre les fortifications de Bruxelles. Je n'en ai compté que trois : la dépense, la difficulté d'approvisionnement, et l'avantage qu'a Anvers d'être en communication avec la mer par l'Escaut.

La dépense, de la part des adversaires du système, n'a jamais été calculée avec quelque rigueur. On s'est borné à dire qu'elle s'élèverait à la moitié de ce qu'ont coûté les fortifications de Paris, sans examiner si les terrains ne coûteraient pas beaucoup moins autour de Bruxelles, si la main-d’œuvre et les matériaux n y seraient pas moins chers aussi.

On a conclu qu'il faudrait 70 millions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La dépense a été de plus de 140 millions pour Paris.

M. Devaux. - Je puis vous garantir qu'elle n'a coûté que 140 millions, j'ai ici devant moi l’état exact de ce qu'a coûté l’acquisition des terrains, de la somme qui a été consacrée à l'enceinte et de celles qu'ont absorbée les forts.

Si l'on construisait des fortifications à Bruxelles ,il y aurait certainement d'autres fortifications à démolir et en plus grand nombre que dans le système du projet actuel ; eh bien, sans vouloir entrer dans les détails de ce calcul, je crois pouvoir dire que ces démolitions laisseraient vacants des terrains donc la valeur est de 40 à 50 millions.

Cela ne doit pas étonner quand on a entendu l’honorable bourgmestre d'Anvers nous dire qu'il consentirait à donner plus de 25 millions des terrains sur lesquels sont situées les fortifications actuelles d'Anvers.

Les fortifications de Charleroi démolies laisseraient disponibles des terrains pour une valeur d'au moins 5 millions.

Celles de Namur, en conservant la citadelle, donneraient des terrains d'une valeur d'au moins 7 millions. Elevez autant que vous voudrez les frais de démolition, et il restera toujours de quoi diminuer considérablement l'évaluation primitive de la dépense. Et d'ailleurs, regarderiez-vous comme une objection infranchissable qu'une dépense qui doit amener la consolidation de notre indépendance et rendre en quelque sorte impossible l'envahissement de la Belgique, s'élevât à une somme considérable ; nous qui par un seul projet de loi consacrons presque sans objection aujourd’hui, en 1851 et à des époques antérieures, des sommes bien plus considérables encore, à des travaux utiles, je le veux, mais d'une utilité secondaire dont la Belgique s'est passée depuis tant de siècles, et pourrait assurément se passer encore, sans être frappée d'une calamité égale à celle de la perte de son indépendance.

Pourriez-vous dire que ces dépenses sont au-dessus des forces de la Belgique, alors qu'elles se sont faites et se feraient encore sans même augmenter aucune des charges du contribuable ?

La seconde objection qu'on a faite, c'est la difficulté d'approvisionner Bruxelles. Mais on vous l'a dit, 1,300.000 hommes peuvent être approvisionnés dans Paris, pourquoi 300,000 ne peuvent ils l'être dans Bruxelles ?

Depuis 1808 jusqu'en 1840, la question des fortifications de Paris a été étudiée par je ne sais combien d'autorités et de commissions, et la divergence d'opinion n'a point porté sur l'utilité des fortifications, mais sur le choix des moyens, c'est-à-dire sur le choix entre les forts et l'enceinte.

Comment croire que tant d'hommes expérimentés, tant d'illustrations militaires, seraient tombés d'accord sur une mesure aussi absurde que la construction d'une place de guerre qui ne pourrait pas être approvisionnée ? M. le commissaire du Roi ne nous a donné qu'une seule raison pour laquelle Paris pouvant être approvisionné, Bruxelles ne le pourrait pas.

C'est que Paris a un grenier d'abondance et que les boulangers sont tenus d'y avoir des approvisionnements de blés de 45 jours.

Mais, messieurs, si la défense de la Belgique exige que Bruxelles soit fortifiée, qu'y aurait-il de difficile à y faire au besoin un règlement sur la boulangerie ? Si c'est là la seule difficulté qui nous arrête, un règlement en quelques lignes suffira pour la faire disparaître. Obligez les boulangers de la capitale à tenir dans un entrepôt public un certain approvisionnement de grains.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et la Constitution ?

M. Devaux. - L'objection n'est pas sérieuse, on fait bien plus que cela par mesure de police à l’égard de la boulangerie.

Rien donc n'est plus facile que d'assurer l’approvisionnement de pain. Or, le pain est la grande base de l'approvisionnement, et quand une ville forte est suffisamment pourvue de pain, elle ne peut plus être affamée.

On dit qu'Anvers trouvera dans son entrepôt des approvisionnements dont on pourra profiter. On peut en profiter à Bruxelles. Il serait plus facile de transporter des approvisionnements d'Anvers à Bruxelles que de transporter tout un gouvernement de Bruxelles à Anvers.

Les communications d'Anvers avec la mer par l'Escaut, sont, je le reconnais, un avantage ; mais pouvez-vous les garantir ? Le cours de l'Escaut d'Anvers à la frontière à une longueur de cinq lieues.

L'ennemi sera maître du pays, car il aura bloqué l'armée dans Anvers. Pensez-vous qu'il ne coupera pas les communications avec la mer et ne se rendra pas maître de l'Escaut ? L'Escaut, dans la plus grande partie de son cours d'Anvers à la frontière, n'a que 300 mètres de largeur. Pourrez-vous empêcher que l'ennemi ne s'empare d'un point quelconque d'une des rives ou des deux rives, comme il l'a fait en 1852.

M. le général Renard, commissaire du Roi. - Nous y étions.

M. Devaux. - C'étaient les Hollandais qui occupaient les forts de Liefkenhoek et de Lillo.

M. le commissaire du Roi. - Nous étions au Doel.

M. Devaux. - Les Français ont agi ainsi malgré les Hollandais qui occupaient la citadelle et les forts de l'Escaut. Ou a cherché à les déloger et on ne l'a pas pu. Il est venu 3 corvettes hollandaises, une frégate et je ne sais combien de chaloupes canonnières et on n'a pas pu les déloger.

Etes-vous certain de pouvoir garder ces cinq lieues de rives ?

M. le commissaire du Roi. - Nous avons des forts.

M. Devaux. - Les Hollandais en avaient aussi et on s'est établi au-dessous de leurs forts. Vous n'avez pas cinq lieues de forts continus. D'ailleurs les forts ne sont pas imprenables.

On s'est récrié hier, quand on a dit que la communication sur l'Escaut pouvait également être interceptée sur le territoire hollandais ; il est vrai que l'Escaut y est plus large et que, sous ce rapport, la rupture des communications est plus difficile. Mais on a eu tort d'objecter à l'orateur que la Hollande serait avec nous ; car, de deux choses l'une : la Hollande sera avec nous ou elle sera contre nous. Si elle est avec nous, elle sera envahie comme nous ; si elle est contre nous, elle aidera à interrompre nos communications avec la mer.

Vous le voyez, messieurs, les objections qu'on fait au système de la défense concentrée à Bruxelles qui, je le répète, sont jusqu'à présent au nombre de trois, savoir : l'élévation de la dépense, la difficulté de l'approvisionnement et l'avantage des communications d’Anvers avec la mer, par l'Escaut ; ces objections ne sont pas décisives.

Mais n'y en a-t-il pas d’autres ? C'est ce que j’aurais voulu savoir, et c'est pour cela que j’aurais désiré que la question eût été officiellement examinée à fond sous toutes ces faces par des hommes impartiaux et compétents. Aujourd'hui qu'elle ne l'a pas été, je ne veux ni me prononcer d’une manière définitive en faveur des fortifications de Bruxelles, ni voter des fonds considérables pour l'exécution d'un autre système.

Il y a des personnes qui ont une conviction faite. Je ne les empêcherai pas de mettre à exécution leur système, car je reconnais que l'inaction peut être un grand danger et je n'en veux pas prendre la responsabilité. Je laisse faire ceux qui sont convaincus et me borne à page 1370) m'abstenir de voter, comme le règlement m'en donne le droit, soit sur la question principale, soit sur les questions accessoires ou incidentes.

M. Malou. - Je ne prolongerai pas beaucoup ce débat. Je regrette que l’honorable M. Dolez, d'abord, et tout à l'heure l'honorable ministre de la justice aient cherché, non pas à réfuter mes observations, mais à scruter mes intentions et, bien malgré eux sans doute, les aient complètement dénaturées.

Messieurs, je voterai l'ajournement du projet actuel, et si l'ajournement est rejeté par la Chambre, je voterai le rejet du projet.

El pourquoi, messieurs ? Parce que, selon moi. si la Chambre, dans les circonstances actuelles, adoptait le projet de loi, elle aurait, quoi qu'on puisse dire, porté au gouvernement représentatif une atteinte beaucoup plus profonde qu'en prononçant l'ajournement.

On vous propose de voter l'inconnu en finances ; on vous propose de voter ce qui, selon quelques-uns, est impossible au point de vue militaire ; ce qui, selon quelques autres, et le discours remarquable que vous venez d'entendre en est la preuve, est tout au moins discutable au point de vue militaire, sans que jamais les autres côtés de la question aient été examinés.

Je dis qu'on vous propose l'inconnu en finances. Nous avons commencé par de petits fortins autour d’Anvers. On nous convie à l'agrandissement nord. On nous convie à une nouvelle ligne de forts détachés et l'on nous dit en produisant un peu tardivement, mais enfin en produisant un avis du comité de défense militaire : Voilà ce qu'il faut faire aujourd'hui.

Eh bien, je le déclare franchement : jusqu'à présent, sous tous les cabinets qui se sont succédé, parce que, pour moi, ces questions sont au-dessus des questions de parti, (les questions nationales domineront toujours chez moi les questions de parti et toujours aussi je chercherai quel est mon devoir comme représentant de la nation, je songerai que je suis Belge avant de songer que j'appartiens à une des opinions qui divisent la Belgique), sous tous les ministères j'ai voté les dépense militaires. C'est la première fois que je m'arrête dans cette voie. Je m'y arrête, parce que j'ai la conviction qu'il est de l'intérêt du pays, avant de voter les dépenses militaires, de savoir, une fois pour toutes, quelles sont les sommes nécessaires pour construire, soit à Anvers, soit ailleurs, une forteresse qui puisse faire respecter notre nationalité et notre neutralité.

Le comité de défense dit : Faites cela aujourd'hui. Cela ne me suffit pas : je veux savoir ce que le comité de défense nous dira demain. Eh bien, ce qu'il nous dirait, c'est qu'il ne suffit pas de faire deux lignes de forts détachés, si, dans l'intervalle de l'enceinte actuelle et de ces forts, vous supprimez de fait les garanties que partout on a voulu conserver, le libre accès de la place.

Nous votons donc l'inconnu en finances, car à la suite de ces 20 millions, il est impossible, selon moi, que l'on ne vienne pas vous en demander d'autres. Et combien ? Le comité de défense le sait peut-être, mais quant à moi, je n'oserais pas le dire.

Je reviens un instant, malgré la lassitude de la Chambre, sur une question qui est essentielle, celle des servitudes militaires. J'ai demandé si, oui ou non, on permettrait de bâtir dans le rayon stratégique de l'enceinte actuelle d'Anvers et dans l'enceinte stratégique des forts construits et à construire. Si l'on me dit que les servitudes militaires seront abolies à Anvers, je demande qu'on régularise cette position par une loi. Et, en effet, l'opinion qui serait aujourd'hui admise par le gouvernement, pourrait n'être pas admise demain par un autre ministère, et il faut que la population qui peut user de sa propriété d’une certaine manière, toute question de légalité mise à part, sache bien si elle use d'un droit ou si c'est à titre précaire qu'on lui permet de construire aujourd’hui, sauf à l'interdire demain.

Je demande que cette position soit régularisée, qu'elle soit bien définie par une loi. Pour la demander j'ai un autre motif. Il s'est élevé autour d'Anvers des constructions considérables, on dressait procès-verbal chaque fois, et ce procès-verbal n'est pas une vaine formalité, parce que du moment où l'autorité a constaté l'état légal si, en cas d'attaque, la propriété doit être détruite, le gouvernement peut soutenir à bon droit qu'il est à l'abri de toute demande d'indemnité ; mais si aujourd'hui il use de tolérance, s'il ne dresse plus de procès-verbaux et si en suite de l'état de guerre les propriétés sont détruites, de quelle manière pourra-t-il repousser les demandes d'indemnité ?

Il faut donc que cette question des servitudes militaires soit réglée par une loi, comme garantie pour les intérêts privés et comme garantie pour l'intérêt public, c'est-à-dire que chacun doit savoir quel sera son droit, quel sera son devoir.

Si, au contraire, on dit : Nous ne laisserons plus bâtir, je demande ce que deviennent toutes les explications de MM. les ministres et de l’honorable commissaire du Roi. Si on laisse bâtir à Anvers autour de l'enceinte principale, autour de l'enceinte des forts, je demande pourquoi on le défend à Mous, pourquoi on le défend à Charleroi ?

Est-ce que la guerre se fera à Anvers d'une manière particulière, de telle manière que les constructions ne font rien et se fera telle à Mons d'une autre façon, d'une façon telle que les constructions y seront nuisibles ? La question comporte nécessairement une solution par la loi quant à Anvers et une solution logique respectable quant au reste du pays.

On dit, messieurs, que l'ajournement implique le vote de la grande enceinte. Eh bien, je dirai nettement que si la grande enceinte eût été proposée aujourd'hui, j'aurais voté contre.

Messieurs, le projet Keller, de grande enceinte, quand on l'examine bien, n'est pas, ne pouvait être un projet exclusivement ou principalement militaire, c'est un projet d'ingénieur et d'entrepreneur.

Ainsi l'entrepreneur fait un projet qui entraine une grande dépense et qui doit obtenir au moins une chose, l'approbation de tous les intéressés. Si M. Keller avait fait un projet militaire, il ne serait pas arrivé à la grande enceinte et il aurait rencontré beaucoup d'opposition à Anvers. Il paraît même qu'il n'a pas encore englobé assez puisque nous avons eu la pétition de Borgerhout.

Mettons de côté toute équivoque. Je vote l'ajournement parce que je désire qu'on examine dans leur ensemble les dépenses nécessaires pour avoir un instrument de défense complet, et ces dépenses, quand la nécessité n'en sera démontrée, je les voterai de grand cœur, quelles qu'elles soient, mais je n'entends pas les voter par parties sans savoir où je vais, aujourd'hui 20 millions, plus tard peut-être 30 ; je n'entends pas voter aujourd'hui l'enceinte réduite et plus tard une autre enceinte.

Ma conviction est que si la défense doit être concentrée à Anvers on arrivera à un système intermédiaire, combiné par le génie militaire de manière à être bon pour la défense sans être nuisible aux intérêts civils.

Il se passe, messieurs, beaucoup de choses étranges. Au commencement des débats, l'honorable ministre des finances, interrompant l'honorable M. Loos, disait : Faites donc une proposition ; vous avez tous entendu lire la lettre par laquelle la ville d'Anvers dit :

« Taxez-moi ; dites dans quelles proportions je dois contribuer à la dépense pour obtenir le déplacement de l'enceinte. » On ne discute pas cette proposition.

Nous allons voter 20 millions et passe à l'ordre du jour sur la proposition d'Anvers.

Messieurs, je le dis sans détour, il y a pour moi dans ce projet une condition qui n'est pas essentielle, mais qui est éminemment désirable, c'est que nous ayons, outre le concours financier d'Anvers. le concours patriotique d'Anvers. Ne prenons pas une mesure de cette importance ayant contre cette mesure l'unanimité de la population d'Anvers.

Je tiens au concours patriotique d'Anvers et j'y tiens dans l'intérêt national ; car, messieurs, avec ce concours, chacun remplira son devoir avec plus de facilité, avec plus d'énergie ; vous aurez ajouté à la force matérielle la force morale, la plus grande de toutes, quand un peuple, défend ses droits.

Je dis, messieurs, que le projet est impossible dans les conditions où on le présente, comme défense militaire, comme sécurité militaire.

Je ne discute pas des théories de stratégie ; je ne discute pas la question de savoir s'il est de l'intérêt de la Belgique de fortifier la ligne de la Meuse eitde reporter à Namur, malgré les répugnances de l'honorable M. Lelièvre... (Interruption), le camp retranché que nous discutons pour Anvers. Je ne veux pas discuter des systèmes.

J'ai vu cette thèse développée et appuyée par des arguments sérieux dans un ouvrage que nous avons tous reçu. Mais, messieurs, ce que je demande, c’est qu'au point de vue militaire au moins, la Chambre sache ce qu'elle fait, et elle ne le saura pas.

Nous allons déterminer l'emplacement de forts et nous ne savons pas où sera l'enceinte. Il ne faut pas être militaire pour trouver cela très grave ; cela heurte, selon moi, les règles de la prudence la plus vulgaire.

Je croyais que cette incertitude était la seule, il paraît maintenant que le gouvernement ne sait pas même où il va mettre les forts. Ainsi, je lis dans le compte rendu du Moniteur, séance du 31 juillet :

« Lorsqu'il s'agit de constructions semblables, on modifie quelquefois leur emplacement au moment de l'exécution. »

M. le commissaire da Roi. - Un peu à droite ou un peu à gauche.

M. Malou. - Permettez, ce n'est pas à droite ni à gauche, c'est en avant, je lis en effet :

« C'est ainsi qu'on a l'intention de reporter les forts le plus loin possible dans la campagne et autant que le permettra la bonne défense de la position. Il est déjà arrêté que l'un d'eux sera reculé de plusieurs centaines de mètres. »

Messieurs, sans être militaire, je me demande de quoi se compose une position : une position est un ensemble ; il y a un corps, des ouvrages, tout cela est coordonné, tout cela forme ce que j'appellerai un échiquier stratégique. Vous allez établir certaines cases sans savoir quelles seront les autres. Vous ne savez pas encore comment sera établi le champ de bataille, vous le savez si peu, que deux des trois défenseurs du projet admettent, dans un avenir plus ou moins prochain, le déplacement de l'enceinte actuelle par la nécessité stratégique.

J'ai interrogé beaucoup de militaires, je cherche à m'instruire auprès des hommes spéciaux et je n'en ai pas encore trouvé un qui ne me déclarât que, dès à présent, l'enceinte doit être déplacée.

Je voudrais donc savoir où sera l'enceinte. Avant de dépenser 20 millions, il faudrait déterminer ce que coûteront l'enceinte et les forts.

(page 1371) Ainsi, messieurs, je le déclare de nouveau, quel que soit le cabinet qui sera aux affaires lorsque le terme de l'ajournement sera arrivé, je promets mon vote à un projet qui remplira ces conditions : d'être complet, d'être reconnu efficace par des hommes spéciaux, par la majorité au moins des hommes spéciaux ; un projet qui sera présenté à la Chambre, après qu'on aura épuisé auprès de la population à laquelle il s'agit de confier ce dangereux honneur, tous les moyens de conciliation possibles pour obtenir ce double concours, le concours financier et le concours patriotique.

Pour moi je connais cette population, et je suis convaincu qu'on obtiendra ce concours, si on apporte dans la négociation que j'appelle de tous mes vœux un véritable et sincère esprit de conciliation. Anvers est frappé aujourd'hui des dangers auxquels il peut être exposé : mais Anvers comprendra aussi l'honneur qui doit rejaillir sur lui de la position que les représentants du pays voudront lui assigner, et il remplira avec courage les devoirs de cette position.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il serait vraiment désespérant de penser qu'après tant d'années passées à examiner les questions qui intéressent la défense du pays, on en serait réduit à proclamer que tout est mystère, que. tout est incertitude en un pareil sujet, et qu'il n’est pas possible encore de prendre aujourd'hui une résolution..

La question de la défense nationale a été à l'ordre du jour, dès le lendemain de notre constitution politique ; elle a été discutée depuis lors dans des écrits nombreux par les hommes les plus compétents ; elle est entrée enfin dans des phases pratiques, et est devenue, spécialement depuis 1847, l'objet des délibérations du gouvernement. Je cite à dessein cette date de 1847 ; nous étions en pleine paix ; Louis-Philippe était sur le trône, et certes en s'occupant alors du grave sujet qui touche au maintien de notre indépendance, le gouvernement n'avait pas à craindre de voir calomnier ses intentions.

Des commissions multipliées pour ainsi dire à l'infini, trop multipliées peut-être, ont étudié toutes les questions que nous agitons en ce moment ; toutes les opinions se sont produites ; les avis les plus divergents se sont fait jour ; et l'on vient, par de misérables insinuations, essayer de fane entendre que ces opinions auraient été en quelque sorte imposées ; on cherche à faire accroire que le projet soumis aux délibérations de la Chambre n'est pas dû aux résolutions libres et spontanées du gouvernement.

- Une voix. - On n'a pas dit cela.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous n'avez donc pas entendu parler « des influences mystérieuses » qui auraient pesé sur le délibérations du gouvernement ; vous n'avez donc pas entendu parler des influences mystérieuses qui auraient imprimé un caractère particulier à la discussion à laquelle nous nous livrons maintenant ? On n’est pas allé au-delà d’une insinuation ; le courage a manqué pour s'expliquer.

Mais que vaut l'insinuation en présence des faits ? Les comités appelés à examiner la question n'ont-ils pas produit les avis les plus divers ? Toutes les opinions qui se sont fait jour ici, n'ont-elles pas eu un organe dans le sein de ces comités ? Est-ce que par hasard on a omis d'y examiner la question que vient de soulever, à son tour, l'honorable M. Devaux ?

Est-ce que jusqu'à présent on a été aveugle à ce point de ne pas apercevoir les considérations politiques que l’honorable membre invoque à l'appui du système qui tend à fortifier la capitale ? Oui, messieurs, tout cela a été examiné, mais tout cela a été condamné.

Certes, personne n'a contesté qu'au point de vue politique, dans certaines éventualités données, la fortification de la capitale ne pût être que d'un grand intérêt pour le pays. Mais je ne pense pas qu'il y ait parmi les hommes véritablement compétents, pouvant faire autorité en pareille matière, je ne pense pas qu’il y ait une seule personne qui soit d'avis que Bruxelles peut jouer, dans la défense du pays le rôle auquel Anvers est destiné. Et voilà précisément la difficulté qu'il s'agit de résoudre.

Il y a eu dans le sein des comités des membres qui admettaient l'utilité de fortifier Bruxelles ; mais dans cette hypothèse, ils soutenaient encore qu'il fallait donner à Anvers la destination qu'où lui assigne aujourd'hui.

Ce n'est pas de notre propre autorité à nous, membres civils du cabinet, ce n'est pas de la propre autorité de nos prédécesseurs que le gouvernement s'est arrêté au système qui vous est soumis. Voyez les précédents :

« Le comité de défense, institué en 1847, a reconnu, à l'unanimité, dans sa séance du 5 février 1848, « que la fortification de Bruxelles ne pourrait rendre des services qu’à la condition d'être complète et susceptible d'une bonne défense, s

« Il a admis, à la majorité de quatre voix contre une, que, dans certaines hypothèses, la fortification complète de Bruxelles pourrait offrir des avantages réels ; mais il ne croit pas qu'en vue de ces éventualités, on puisse imposer au pays les sacrifices énormes qu'elle exigerait. »

Voilà l'opinion de la commission militaire.

Voici maintenant l'avis de la commission mixte instituée en 1851 :

« La commission mixte, instituée par arrêté royal du 14 octobre 1851, pour examiner l'établissement militaire du pays, a pensé qu'il n'y avait pas opportunité à s'occuper de la fortification de la capitale. »

« Ces commissions ont déclaré, du reste, qu'en toute hypothèse, la place d'Anvers doit recevoir la destination qu'on lui assigne aujourd'hui. »

M. Devaux. - La commission ne s'est donc prononcée contre qu'à raison de l'inopportunité ?

M. Orts. - Parce qu'on lui avait montré l'avis de la commission de 1847 ; j’en parle de science certaine ; j'étais membre de la commission de 1851.

M. Devaux. - On se préoccupait de la question de la dépense !

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'était une considération ; elle devait nécessairement peser dans la balance ; mais il s'agissait surtout d'apprécier le rôle que pouvai1 jouer la capitale fortifiée. Au point de vue politique, je le répète, il est incontestable que si, en cas d'une invasion du pays, le gouvernement pouvait opposer dans la capitale une résistance complète, il y aurait dans ce fait une force nationale qui centuplerait la force matérielle dont nous pourrions disposer.

Mais cette résistance prolongée paraît impossible à beaucoup d'hommes versés dans les sciences militaire- ; et voilà pourquoi on déclare que les fortifications de Bruxelles, bonnes pour certaines éventualités, ne répondraient pas à toutes les exigences de la défense du pays ; voilà pourquoi la même commission, qui approuvait en principe le projet de fortifier Bruxelles, a déclaré qu'en toute hypothèse la place d’Anvers doit recevoir la destination qu'on lui assigne aujourd'hui.

La question qui vous est soumise a donc été approfondie ; elle peut recevoir une solution.

Quelle que soit l'opinion qu'on se forme sur les fortifications de Bruxelles, on ne peut en induire une cause d'ajournement des travaux d'Anvers.

L'honorable M. Malou d'ordinaire très clair, très facile à saisir, ne m'a pas paru cette fois exposer bien nettement sa pensée. Il voudrait bien n’avoir pas à se prononcer sur le fond du débat ; il cherche mille prétextes pour l'ajournement. Il nous parle, à ce propos, de servitudes militaires et ne veut pas se prononcer sans savoir quelles mesures on va prendre quant à la faculté de construire dans la zone stratégique.

Est-ce qu'il faut ajourner pour examiner cette question des servitudes ? L'honorable membre a un autre motif : nous votons l'inconnu en finances ! Nous votons l’inconnu en finances parce qu’il ne lui a pas été démontré qu'il n'y aura pas d’autres dépenses que celles que nous proposons.

Cette question a été posée dans les sections ; on a demandé au gouvernement si toutes les dépenses pour les fortifications d'Anvers étaient comprises dans le projet de loi ? Le gouvernement après avoir consulté les ingénieurs militaires a répondu que toutes les dépenses de fortification pour Anvers sont comptées dans le projet de loi. Que voulez-vous de plus ?

M. B. Dumortier. - Et l'armement ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne parle pas de l'armement ; il suffit de regarder le devis pour voir qu'il ne s'agit que d'élever des fortifications à Anvers ; quand elles seront construites, on les armera ; quand il sera nécessaire de les armer les fonds nécessaires vous seront demandés Du reste, nous démantèlerons un certain nombre de places fortes dans lesquelles nous trouverons une partie de l'armement dont nous aurons besoin.

Nous proposons l'inconnu en finances ! mais chaque fois qu'on présente un projet de travaux à exécuter, bien téméraire serait celui qui viendrait affirmer que les crédits demandés ne seront, en aucun cas, dépassés. Eh quoi ! il faudrait repousser un projet parce que peut-être il y aura des dépenses ultérieures à voter ! Est-ce là, je le demande, un motif d'ajournement ?

Mais, dans son ardeur d'ajournement, l'honorable M Malou a un prétexte plus ingénieux encore : il est l'adversaire de la grande enceinte ; il voterait contre si elle était proposée et il veut qu’on ajourne afin qu'on lui dise où l'on placera cette enceinte !

Eh bien, nous ne plaçons la grande enceinte nulle part ; nous ne reconnaissons pas qu'il y ait lieu d'en construire une actuellement. Le plan est fait de telle sorte qu'il peut être exécuté comme il est, sans être dans l'avenir, si la nécessite en est démontrée, un obstacle à 1 exécution d'une grande enceinte.

- Un membre : Vous ne savez pas où elle devra être placée.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce sera un peu plus en avant ou un peu plus en arrière, qu’importe ! On la placera dans des limites convenables relativement aux forts, si un jour ou l'exécute ; c'est ce qui a été reconnu par tout le monde.

L'un des inventeurs d'une grande enceinte, M. Keller, tout en reconnaissant dans sa brochure que l'agrandissement au nord satisfaisait à tous les besoins du présent et en proposant un plan d’agrandissement général, reconnaissait que l’exécution partielle de ce plan pouvait avoir lieu sans inconvénient.

Messieurs, le cabinet précédent a tenu le même langage. M. le (page 1372) général Greindl a déclaré au nom du gouvernement, et c'est aussi ce que le ministère actuel a fait, qu'il est incontestable qu'on peut exécuter ultérieurement la grande enceinte sans apporter la moindre modification au plan aujourd'hui soumis à la Chambre.

L'honorable M. Malou a enfin un dernier motif pour justifier un ajournement : le gouvernement ne sait pas lui-même où l'on placera les forts. Nouvelle et admirable raison assurément ! Je suis presque honteux d'avoir à répondre à de pareilles pauvretés.

Le commissaire du Roi interpellé sur la question de savoir si l’emplacement des forts indiqués sur le plan était bien exact, répondit affirmativement en faisant observer toutefois qu'il pourrait varier quelque peu, qu'il pourrait être porté un peu en avant, un peu en arrière, à droite ou à gauche, suivant les nécessités qui seraient constatées dans l’exécution et de cette simple observation qui ne fait que rappeler ce qui se présente toujours dans l'exécution de pareils travaux, l'honorable M. Malou se fait un thème d'ajournement. Est-ce sérieux ? Voilà, si j’ai bien retenu, toutes les objections.

Après tant de travaux la Chambre ne viendra pas déclarer à la face de l'Europe son impuissance à se prononcer sur les plans qui lui sont soumis depuis longtemps. La Chambre ferait croire à l’Europe attentive à ces débats qu'elle ne sait pas faire les sacrifices commandés par la défense nationale. Voilà quel sera le sens de votre ajournement.

On ne se laissera pas prendre à l'équivoque derrière laquelle vous voulez vous réfugier ; on ne croira pas que pour les uns c'est afin de permettre au gouvernement de s’entendre avec Anvers sur la grande enceinte, que, pour les autres, c'est afin de se mieux éclairer, que l’ajournement a été réclamé. Non, à l'extérieur on ne croira pas que ce sont là les véritables motifs qui vous auraient déterminés à ajourner la solution d'un question ouverte depuis 1847, soumise à vos délibérations en 1855, reproduite en 1856 ; soumise à un nouvel examen en 1858, mais o pensera que la Chambre belge a reculé devant des dépenses que réclamait la sécurité du pays.

M. le général Goblet, rapporteur. - Je n'abuserai pas des moments de la Chambre, je me bornerai à quelques mots relatifs à la question d'ajournement.

Le gouvernement a déclaré, à plusieurs reprises, que l'adoption de son projet n'excluait pas la réalisation de l'agrandissement général, dans un avenir peu éloigné. D’un autre côté, l’honorable commissaire a trouvé insuffisante la profondeur du camp retranché du projet Keller, dont quelques forts cependant sont éloignés de 2,000 mètres du corps de place de la forteresse.

Or, je suis certain que, sur le plan d'ensemble des travaux, que le gouvernement se propose d’exécuter, les nouveaux fons à construire sont plus rapprochés de la ville que les forts du projet Keller ; la différence est même très notable. Il arriverait donc, si plus tard on exécutait l’agrandissement général, que le camp retranché aurait une profondeur tout à fait insuffisante et l’on pourrait en conclure, dès aujourd’hui, que le gouvernement, en déterminant l’emplacement des forts, ne s’est pas préoccupé de l’exécution éventuelle d’une grande enceinte.

Au reste la question de l'emplacement des forts a été soumise, au mois de mai dernier, à une commission dont nous avons réclamé le travail.

Ce document nous a été refusé, aussi bien que la notice de M. le générai de Lannoy.

Pour ne pas renouveler une demande si énergiquement repoussée, je prierai seulement l’honorable ministre de la guerre de nous faire savoir si la commission dont il s’agit a dû fixer l’emplacement des forts du camp retranché, dans la prévision que l’agrandissement général serait exécuté ?

Cette question est de la plus haute importance, car, ainsi que l'a fait observer l’honorable M. Malou, tant que l’on ne sera pas fixé sur le trace de l’enceinte définitive, il sera impossible d'indiquer, rigoureusement, la position des forts.

Si cette question, comme l'a dit l'honorable commissaire du Roi, doit faire encore l'objet de mûres délibérations, il y a évidemment nécessité d'ajourner la discussion.

Si le projet du gouvernement était défectueux sous le rapport de l’éloignement des forts, il engagerait l'avenir, et, en présence de ce double inconvénient, on ne peut élever aucune objection sérieuse contre l'amendement de l’honorable député d’Anvers. D’ailleurs, l'adoption de cet amendement n'apporterait aucun retard à l’exécution des travaux, si le gouvernement met bien à profit l'intervalle des deux sessions, et. si, au mois de janvier prochain, il nous présente un travail définitif, complet, et de nature à satisfaire tous les intérêts.

Cinq mois suffisent pour arrêter tous les plans et conclure avec la ville d’Anvers tous les arrangements si ardemment désirés. Les fonds seront votés en janvier, l’on aura deux à trois mois pour les expropriations, ce qui est plus que suffisant, puisque, évidemment, les travaux ne commenceront pas sur tous les points à la fois.

J'ai, messieurs, à vous soumettre une dernière observation.

Mes honorables collègues de la section centrale ont soutenu que le projet du gouvernement avait été condamné à la presque unanimité des membres de la commission mixte de 1855 et par cinq officiers supérieurs, dont deux généraux du génie. dans la commission spéciale de 1856 ; ils eu ont conclu que ce projet n'a pas pour lui l'assentiment de nos principales autorités militaires.

Pour détruire l'effet de cette critique fondée, l'honorable commissaire du gouvernement a lu le procès-verbal d'un conseil de défense, réuni au mois d'avril de cette année. Pour que l'opinion des quatre généraux qui composaient ce conseil eût le pouvoir de contrebalancer l'opinion des généraux qui se sont exprimés dans un cas contraire, il faudrait connaître les instructions données à ce conseil, ou bien encore les bases sur lesquelles ont porté les délibérations.

A-t-on laissé à ce conseil la latitude de choisir entre les deux projets, ou plutôt entre les deux systèmes qui nous occupent ?

Cette question est d'autant plus opportune que. parmi les quatre généraux cités, je vois figurer l'honorable commissaire du gouvernement qui, en 1855, soutenait un projet dont la réalisation eût nécessité la démolition des forts de l'enceinte actuelle d'Anvers et un autre général, qui, en 1856, a voté pour le principe de la grande enceinte, qui a même fait un projet d'agrandissement général et un mémoire justificatif de ce projet, mémoire dont on a refusé la communication à la section centrale, parce qu'elle y eut trouvé des arguments décisifs en faveur du rejet de la combinaison proposée par le gouvernement.

Cette combinaison est donc loin d'avoir pour elle l'appui des généraux belges, cet appui spontané, sans réserve, et sans restriction qui, seul, à mes yeux, pourrait inspirer confiance à l’armée et au pays.

- Voix nombreuses : La clôture !

M. le commissaire du Roi. - Je demande la parole pour présenter une simple observation.

- De toutes parts. - La clôture !

- La clôture est prononcée.

Discussion des articles

Article premier. Paragraphe premier

M. le président. - Nous sommes en présence de trois propositions : deux amendements, celui de M. de Renesse et celui de M. Allard, et la proposition d'ajournement, faite par M. Veydt. Aux termes du règlement, cette dernière doit avoir la priorité. Elle est ainsi conçue :

« Je propose à la Chambre d'ajourner le paragraphe premier de l'article premier du projet de loi jusqu'à la première séance que la Chambre tiendra au commencement du mois de janvier prochain. »

- De toutes parts. - L'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal.

A l'appel de son nom, M. Vander Donckt répond faiblement oui.

M. le président. - Comment M. Vander Donckt a-t-il répondu ?

M. Vander Donckt (d'une voix plus forte). - Non !

- Plusieurs membres. - Il a dit successivement oui et non.

M. Vermeire. - Votez pour l'ajournement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut laisser chacun voter comme il l'entend.

M. le président. - Le vote est acquis. M. Vander Donckt vient de dire non.

M. de Naeyer, rapporteur. - Mais il avait dit oui avant.

M. Vander Donckt. - Permettez-moi de m'expliquer.

M. le président. - On ne peut pas parler pendant un vote.

M. Vander Donckt. - J'ai dit d'abord oui, ensuite j'ai dit non.

M. le président. Je demande à M. Vander Donckt quelque chose de sérieux ; est-ce oui ou non ?

M. Vander Donckt. - Je demanderai à M. le président s'il m’est encore permis de voter et de dire oui ou non.

Voix nombreuses. - Oui ! oui !

M. le président. - Evidemment il vous est permis de voter de nouveau, mais d'une manière claire et précise.

M. Vander Donckt. - Eh bien, je m'abstiens. (Interruption.)

- L'appel nominal continue, en voici le résultat :

101 membres y prennent part.

45 votent pour la proposition.

52 votent contre.

4 (MM. Van Overloop, de Renesse, Devaux et Vander Donckt) s'abstiennent.

En conséquence, la proposition d'ajournement n'est pas adoptée.

Ont voté pour : MM. Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Coomans, David, de Boe, Defré, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Goblet, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Loos, Magherman, Malou, Moucher, Notelteirs, Rodenbach, Tack, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth et E. Vandenpeereboom.

Ont voté contre : MM. Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Wala, Allard, page 1373) Ansian, Coppieters ’t Wallant, Crombez, de Bast, de Breyne, de Bronckart, H de Brouckere, Dechentinnes, de Decker, Deliège, de Luesemans, de Moor, de Paul, de Vrière, d'Hoffschmidt. Dolez, Dubus, Frère-Orban, Frison, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau. Lelièvre. Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orhan, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch et Verhaegen.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.

M. Van Overloop. - Je me suis abstenu par les motifs qu'a fait valoir tantôt l’honorable M. Devaux.

M. de Renesse. - Je n'ai pas voté l'ajournement parce que, d'après l’amendement que j'ai eu l'honneur de proposer dans un intérêt de conciliation, je voulais laisser au gouvernement toute la latitude nécessaire pour l’exécution, le plus tôt possible, des travaux de fortifications ; la question de l'agrandissement général était réservée et n'aurait reçu, le cas échéant, sa solution qu'après un arrangement avantageux au trésor avec la ville d'Anvers, pour son efficace concours financier.

J'eusse donc préféré plutôt voir adopter le principe formulé par mon amendement que la proposition ajournant indistinctement tous les travaux de fortification.

Je n'ai pas cependant voté contre l'ajournement, étant résolu de m'abstenir sur le paragraphe premier de l'article premier du projet de loi, parce que je n'ai pas obtenu l’assurance formelle que, dans le futur, le gouvernement cherchera à réduire les dépenses trop considérables du budget de la guerre et à introduire des modifications économiques dans l'organisation actuelle de l'armée. Ces motifs m'engagent à m'abstenir sur tout ce qui a rapport au nouveau système défensif à établir devant Anvers.

M. Devaux. - J’ai donné tout à l'heure les motifs pour lesquels je me suis abstenu sur la question principale, ainsi que sur les questions incidentes.

M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M Devaux.


M. le président. - Nous avons maintenant à voter sur les amendements de MM. de Renesse et Allard.

Le premier est ainsi conçu :

« Ajouter au paragraphe premier l’amendement suivant :

« Dans le cas où le gouvernement recevrait des offres avantageuses au trésor pour l’exécution de l'agrandissement général de la ville d'Anvers et pour la continuation des travaux de défense, il est autorisé à conclure des arrangements dans ce sens, sauf la réserve de l'approbation ultérieure de la législature, en ce qui concerne les terrains ou autres propriétés à céder en échange des travaux ci-dessus mentionnés et sauf, le cas échéant, l'intervention financière de la ville d'Anvers en ce qui a rapport à l'agrandissement général.

L’amendement de M. Allard est rédigé comme suit :

« Pour ouvrages à exécuter pour compléter le camp retranché sous Anvers, 5,850,000 francs.

« Lorsque ces ouvrages seront terminée, l'enceinte actuelle de la ville d'Anvers sera démolie. »

Nous devons, je pense, voter d'abord sur l'amendement de M. de Renesse comme s’éloignant le plus du projet.

M. Malou. - Il devient sans objet par suite du vote qui vient d'avoir lieu.

M. de Renesse. - Je le retire.

M. le président. - Reste donc le second amendement ; M. Allard le maintient-il ?

M. Allard. - Certainement !

- L'amendement est mis aux voix et rejeté.


M. le président. - Nous avons à voter maintenant sur le paragraphe premier de l'article premier du projet du gouvernement.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal.

101 membres y prennent part.

39 votent pour.

53 votent contre.

9 s'abstiennent.

En conséquence le paragraphe premier de l'article premier n'a pas été adopté.

Ont voté pour : MM. Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Vilain XIIII, Wala, Coppieters ’t Wallant, de Bast, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, de Decker, Deliége, de Luesemans, de Moor, de Paul, de Vrière, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Rogier, Saeyman, Tesch et Verhaegen.

Ont voté contre : MM. Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Verwilghen, Veydt, Allard, Ansiau, Coomans, Crombez, David, de Boe, Dechentinnes, Defré, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont de Ruddere de Te Lokeren de Smedt, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, H. Dumortier, d'Ursel. Faignart, Frison, Goblet, Grosfils, Julliot, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem. Loos, Magherman, Malou, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Pirmez, Rodenbach. Sabatier, Tack, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, E. Vandenpeereboom et Vander Donckt.

Se sont abstenus : MM. Van Overloop, de Renesse, Desmaisières, Devaux, B. Dumortier, Janssens, M Jouret, Mascart et Savart.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Van Overloop. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai donnés tout à l'heure.

M. de Renesse. - J'ai donné tout à l'heure les motifs de mon abstention.

M. Devaux. - J'ai fait connaître, dans la discussion générale, les motifs qui m'engageaient à m'abstenir.

M. Desmaisières. - J'ai voté pour l'ajournement parce que j'y voyais le moyen de corriger les vices du projet du gouvernement.

L'ajournement ayant été rejeté, j'ai cru devoir m'abstenir sur le projet en lui-même.

M. B. Dumortier. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Devaux

M. Janssens. - Je me suis abstenu, parce que je n'aurais pas osé prendre sur moi de refuser les sacrifices que l’on jugeait nécessaires à la défense du pays.

Je n'ai pas pu voter pour, parce que je crois un nouvel examen nécessaire.

M. M. Jouret. - Je me suis abstenu parce que, n'ayant pas voté la loi du 11 mai 1853 sur l'organisation de l'armée, je ne puis aujourd'hui en admettre une des conséquences trop onéreuses pour les contribuables.

M. Mascart. - Je n'ai pu voter pour le projet parce que je trouve les dépenses que l'on nous propose pour notre état militaire trop considérables.

M. Savart. - Je n'ai jamais refusé les fonds nécessaires à la défense du pays ; je ne vote pas contre la loi ; mais je pèse les conséquences d'un vote qui se résume en augmentation des charges publiques.

En ce cas j'aime les explications nettes, claires, franches ; je veux me trouver devant un chiffre déterminé.

Dans l'occurrence actuelle je vois combien de millions ou à peu près coûtera la grande enceinte.

Combien de millions coûterait la petite enceinte.

Mais autour ou à la suite de ces millions viennent se grouper des sommes importantes, dont le chiffre reste inconnu.

Ainsi la démolition de Mons, qui s'élèvera à quatre millions, n'est pas portée en ligne de compte.

Les travaux à exécuter à Malines, Lierre et Aerschot, ne sont pas portés en ligne de compte, même éventuellement.

Combien coûtera le complément de la flotte ? Nous l'ignorons. Ce n'est pas tout d’ériger forts et citadelles, il faut aussi les munir de canons.

Il faudra les munir de canons et de tout le matériel nécessaire à la défense.

Quelles sommes seront absorbées pour mettre la place en état de défense rigoureuse ?

Il faut entretenir et ce matériel et les constructions nouvelles.

Quelle sera chaque année le chiffre à ajouter au budget de la guerre pour cet entretien ?

Je me trouve partout en présence de l'inconnu, en présence d'un chiffre indéterminé, et c'est une position dont je me défie. Voilà pourquoi je m'abstiens.

Projet de loi de grande naturalisation

Rapport de la commission

M. Thienpont. - J'ai l’honneur de déposer le rapport de la commission des naturalisations sur la demande de grande naturalisation du sieur Jules Thaden.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pour la facilité de mes honorables collègues, je dois les prévenir que demain la Chambre sera ajournée ou que la session sera close.

M. le président. - La Chambre veut-elle se réunir demain à 2 heures ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si la Chambre veut se réunir pour entendre l'arrêté de clôture, je le veux bien.

M. le président. - La Chambre se réunira demain à 2 heures.

- La séance est levée à 5 heures.