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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 mai 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1439) M. Dubus fait l'appel nominal à midi et un quart.

La séance est ouverte.

M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.

« Les habitants et les administrations communales de Mariembourg et des environs réclament l'intervention de la chambre pour que le département de guerre revienne sur la résolution prise de supprimer la garnison de Mariembourg. »

M. de Baillet-Latour. - Messieurs, j'ai déjà eu des explications avec M. le ministre de la guerre sur l'objet de cette pétition. Il paraît que la population est très émue de la mesure fâcheuse de la suppression de la garnison de cette petite ville. Les autorités communales de beaucoup de communes ont signé la pétition : les habitants vivent des produits qu'ils portent à Mariembourg et qui sont consommés par la garnison. Si la garnison devait être en définitive supprimée, il en résulterait le plus grand préjudice pour la population.

Je demanderai le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la guerre.

M. Delfosse. - Il est entendu que cela ne fera pas précédent.

- La proposition de M. de Baillet-Latour est adoptée.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapports de la section centrale

M. Veydt. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a examiné le projet de crédit supplémentaire destiné à des travaux de restauration et à l'ameublement du palais de Liège. Le rapport a été imprimé immédiatement, afin qu'il pût être distribué au commencement de cette séance. C'est ce qui a eu lieu.

M. le président. - Ce projet sera discuté dans le cours de la séance.


M. Rousselle. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'accorder un crédit de 450,000 fr. au département de l'intérieur.

M. le président. - Il faudra lire le rapport.

M. Delfosse. - Au moment d'aborder la discussion.

M. le président. - Le rapport sera lu au moment d'ouvrir la discussion.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l’intérieur, pour dépenses arriérées

Rapports de la section centrale

M. Vilain XIIII. - Messieurs, je suis chargé de vous présenter le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'accorder divers crédits au département de l'intérieur.

La commission a examiné attentivement les détails du projet de loi, et elle en propose l'adoption.

Elle a trouvé cependant qu'il est extrêmement irrégulier de demander un crédit supplémentaire pour l'ameublement d'un hôtel de gouvernement provincial. On demande 5,000 francs pour les frais de matériel de l'administration provinciale de Namur. La commission pense que lorsqu'un gouverneur prévoit une dépense extraordinaire pour le gouvernement provincial, il doit en informer le ministre en temps utile pour que le ministre puisse demander le crédit à son budget, et que la chambre soit à même de discuter le mérite de la dépense. Dans cette occasion-ci cependant, la famille royale ayant été à Namur et y ayant séjourné plusieurs jours en 1849, la section centrale estime qu'il y a lieu d'accorder le crédit demandé.

La commission a d'abord été étonnée de trouver un crédit de 5,700 fr. pour les courses de chevaux.

L'année dernière, la chambre a rejeté le crédit demandé au budget de l'intérieur, pour les courses de chevaux, mais M. le ministre de l'intérieur a fait observer alors, que le gouvernement était engagé pour plusieurs années, quant à la location des terrains. Le gouvernement avait contracté pour six ans; il y a encore trois années de loyer à courir et pendant ces trois années il faudra que le ministère de l'intérieur paye une certaine somme pour satisfaire à ses engagements.

Enfin le crédit de 12,447 fr. destiné à indemniser les professeurs de l'université de Gand, du chef de l'instruction gratuite qu'ils ont donnée aux élèves de l'école spéciale du génie civil, pendant les années scolaires de 1838-1839 à 1844-1845 inclusivement ; ce crédit a été justifié par M. le minisire de l'intérieur. Si le gouvernement a autant tardé à présenter ce crédit à la chambre, c'est qu'il n'avait pas été décidé si c'était le département des travaux publics ou celui de l'intérieur qui devait payer cette dépense : les chefs des deux départements ont été en désaccord sur ce point. Enfin, M. le ministre de l'intérieur s'est chargé de présenter îa demande de crédita la chambre : il est assez indifférent au pays que la dépense soit payée par une main ou par l'autre ; en définitive, la section centrale a l'honneur de proposer l'adoption du crédit.

- Sur la proposition de M. le rapporteur, la chambre décide qu'elle s'occupera du projet de loi de crédits supplémentaires sur lequel il vient d'être fait rapport.

Discussion des articles

Personne ne demandant la parole, on passe aux articles.

Article premier

« Art. 1er. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1848, fixé par la loi du 1er janvier 1848, est augmenté de la, somme de dix-huit mille trois cent soixante francs vingt-deux centimes, (fr. 18,360-22), répartie comme suit :

« Frais de route et de séjour dus à des commissaires d'arrondissement : mille cinq cent cinquante-quatre francs soixante et quinze centimes, pour payer des frais de route restant dus à des commissaires d'arrondissement, pour les années 1847 et 1848 ; fr. 1,554 75.

« Cette somme sera ajoutée à l'allocation portée à l'article 3 du chapitre V du budget de l'exercice 1848.

« Frais en matière de listes électorales : cinq cents francs pour frais résultant des actes et diligences faits en matière de listes électorales en 1848 : fr. 500.

« Cette somme sera ajoutée au chapitre X, article unique du budget de l'exercice 1848.

« Frais d'impression pour la milice : mille cent quatorze francs cinquante-sept centimes, pour payer des frais d'impression pour la milice, restant dus pour l'exercice 1848 ; fr. 1,114 57.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 2 du chapitre XI du budget de 1848.

« Commissions médicales provinciales : cinq mille cent quatre-vingt-dix francs quatre-vingt-dix centimes pour frais de voyage et autres des commissions provinciales médicales, en 1848 : fr. 5,190 90.

« Cette somme sera ajoutée à l'article premier du chapitre XXI du budget de 1848.

« Encouragements à la vaccine : dix mille francs pour frais de médailles à distribuer pour l'encouragement de la vaccine, en 1848 : fr. 10,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 2 du chapitre XXI du budget de 1848.

« Total : fr. 18,360 22. »

M. Osy. - Messieurs, depuis un grand nombre d'années, je n'ai cessé de m'élever contre les crédits supplémentaires; mais, cette année, je trouve qu'on passe véritablement toutes les bornes : on nous présente mercredi dernier un projet de loi supplémentaire qu'on n'a pas même le temps d'examiner; mon honorable voisin vient de faire un rapport verbal ; nous ne pouvons pas l'avoir sons les yeux ; car on ne peut pas l'imprimer.

On nous propose des projets de crédits supplémentaires non seulement par jour, mais même par heure; mercredi, on en a présenté au commencement de la séance, à la fin de la séance et pendant la séance. Aujourd'hui nous devons véritablement voter tout cela en aveugles. Pour ma part, depuis que je siège, dans cette enceinte, j'ai critiqué la marche qui est suivie. Mais véritablement, cette année, je ne puis pas donner mon assentiment aux projets de crédits supplémentaires sans examen.

Pour ma part, je voterai contre tout crédit supplémentaire que je n'aurai pas eu le temps d'examiner. J'engage le gouvernement, quand il aura des demandes de crédit supplémentaire à faire, de les présenter à temps pour qu'on puisse les examiner.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je suis le premier à regretter ainsi que mes collègues qu'il soit nécessaire de voter un peu à la hâte les crédits supplémentaires nécessaires. Nous n'avons aucune espèce de motif pour solliciter ces crédits à la dernière heure. Ces crédits résultent presque tous, d'engagements préexistants: Ce sont les conséquences de lois précédemment votées, d'engagements pris par nos prédécesseurs.

M. Osy fait un signe de dénégation, mais s'il veut relever les crédits, il verra que ces trois millions, en y comprenant les 1,300 mille francs pour le chemin de fer de Namur à Liège, regardent des actes (page 1440) antérieurs consacrés par la chambre. En m'associant à ces regrets, je dois faire remarquer cependant qu'un reproche fondé ne peut être adressé au gouvernement ; il dépend de la chambre de rester à son poste et d'examiner les projets qui lui sont présentés.

- Un membre. - Il fallait les présenter plus tôt.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Est-ce que le terme de la session est fixé à 4 heures aujourd'hui? Si la chambre veut rester réunie jusqu'à la fin du mois, elle aura le temps de tout examiner.

Je reconnais que si l'on pouvait, au début de la session, se présenter à tous les projets à soumettre à la chambre, cela vaudrait mieux ; mais cela est matériellement impossible surtout pour les crédits supplémentaires; il faut que les intéressés aient eu le temps de former leurs demandes; il faut qu'elles soient examinées avant d'être présentées. Si, quand ces projets sont présentés, la chambre veut se séparer, la faute n'en est pas au gouvernement. Tout en regrettant qu'il en soit ainsi, je prie les honorables membres d'être justes et de ne pas trop en faire peser la responsabilité sur le gouvernement.

M. Osy. - Le gouvernement savait bien que la session devait être close aujourd'hui, qu'après cette semaine, il n'y aurait plus moyen de garder les membres de la chambre; j'avais raison de dire qu'en présentant avant-hier des projets aussi importants que ceux qui nous sont soumis, il avait eu tort ; j'étais en droit de faire mon observation. Car il ne s'agit pas seulement des 64,000 francs que concerne le projet de loi que nous discutons ; nous avons encore les crédits demandés pour le chemin de fer, la voirte vicinale et le palais de Liège. Voilà quatre objets qu'il faudrait pouvoir examiner avec attention. On nous fait des rapports sur lesquels on nous fait voter sans nous donner le temps de les lire.

Maintenant je vais faire quelques observations sur les crédits dont il s'agit. J'ai écouté le rapport, et je vois là une dépense qui devrait se trouver dans le budget et non dans une demande de crédits supplémentaires; on a fait une dépense de 5,000 francs à l'hôtel provincial de Namur; c'est dans le budget de 1849 qu'on aurait dû nous proposer ce crédit.

Ce ne sont donc pas des engagements contractés qui ont nécessité la présentation de ce projet de loi. La dépense pouvait être prévue; et elle devait, par conséquent, figurer au budget des dépenses. Il n'y a que les dépenses tout à fait imprévues qui doivent faire l'objet de crédits supplémentaires.

Si nous avions le temps d'examiner avec attention tous les crédits qui nous sont demandés, je pourrais en citer plusieurs autres encore qui se trouvent absolument dans le même cas.

Plus tard, quand nous discuterons le crédit de 450,000 francs, j'en parlerai également, et je ferai voir à la chambre où doit nous conduire le système du gouvernement.

Messieurs, j'ai fait le relevé des divers crédits supplémentaires qui nous ont été demandés depuis quelque temps. Nous avons voté le budget des voies et moyens au mois de décembre dernier, en donnant au gouvernement l'autorisation d'émettre pour 15 millions de bons du trésor. Or, si nous votons tous les crédits qui sont demandés, voici la situation dans laquelle nous nous trouverons :

Nous avons commencé la session avec une émission de bons du trésor pour une somme de 15 millions ; on nous demande, pour des crédits supplémentaires et nouvelles dépenses, des crédits s'élevant ensemble à 3,987,000fr. à couvrir par des bonsdutrésor. En outre, le gouvernement nous a demandé d'autoriser des transferts de sommes qui figurent au budget et sur lesquelles le gouvernement compte toujours; ces transferts s'élèvent à 533,000 fr. ; de sorte que le budget des recettes, qu'on disait se balancer avec le budget des dépenses, présente aujourd'hui un déficit de 4,500,000 fr.

Et cela, messieurs, à la veille de notre séparation ; car, il faut bien le reconnaître, il ne sera pas possible de tenir la chambre assemblée après cette semaine ; déjà beaucoup de nos collègues sont partis et ne reviendront bien certainement plus.

C'est, du reste, ce qui arrive à la fin de chaque session après laquelle des élections doivent avoir lieu.

Je dis donc, messieurs, que la marche suivie par le gouvernement est essentiellement vicieuse. Pour ma part, je ne voterai jamais de crédits supplémentaires que ceux qui sont destinés à couvrir des dépenses tout à fait imprévues et qui ne pouvaient pas être votées aux budgets des dépenses. C'est pourquoi je ne pourrai voter le projet qui nous est actuellement soumis comme tous les projets de même nature que nous aurons encore à examiner,

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je commence, messieurs, par demander formellement, quant à moi, que la chambre ne se sépare pas avant d'avoir examiné mûrement les crédits que le gouvernement sollicite.

En définitive, il est un peu exorbitant de vouloir à toute force accuser le gouvernement, lui faire un grief de ce qu'il présente des projets de loi tardivement, alors qu'il dépend de la chambre de rester assemblée et de les examiner avec toute l'attention nécessaire. Je n'accepte donc pas le reproche qu'on adresse au gouvernement.

Messieurs, aux premiers mots prononcés dans cette chambre pour annoncer l'intention de se séparer, j'ai pris la parole et j'ai déclaré, cela est consigné dans nos Annales, que l'on avait tort de penser qu'on pourrait se séparer immédiatement.

J'ai dit que des projets de lois étaient présentés, que d'autres le seraient encore, que la chambre devait les examiner avant de se séparer. La chambre a donc été dûment avertie; si, après qu'il lui a été déclaré qu'elle avait encore des travaux à terminer, que son ordre du jour était assez chargé, que des projets de lois seraient encore présentés, si après cela la chambre se sépare, elle en est parfaitement libre. Mais on n'aura pas le droit de nous accuser.

Maintenant on aurait fait ce qui ne se pratiquerait pas ordinairement, selon l'honorable M. Osy.

Messieurs, à toutes les époques on a dû nécessairement venir, vers la fin de la session, demander des crédits supplémentaires. Il est impossible de les demander à une autre époque. C'est lorsque les exercices commencent à être apurés, c'est lorsqu'on peut constater la situation, qu'il devient aussi possible de reconnaître quelles sont les sommes qui manquent pour satisfaire aux obligations qui ont été contractées. Il est vraiment dérisoire de demander au gouvernement de présenter des demandes de crédit à une époque où il est matériellement impossible de réunir les documents nécessaires pour justifier ces demandes.

Nous avons demandé, dit-on, des crédits supplémentaires pour des sommes considérables, pour des sommes énormes, plus qu'il n'a été fait précédemment. Je proteste contre une pareille allégation. Elle est complètement inexacte. J'ai eu l'honneur de dire diverses fois que les crédits supplémentaires qui étaient demandés s'élevaient en moyenne à 6 millions par an ; et lorsque j'ai eu l'honneur de le dire, il s'est rencontré quelques membres pour protester contre mon affirmation. Les pièces sont cependant là; chacun peut les vérifier.

J'ai dit tout à l'heure que les crédits qui ont été demandés concernent presque tous l'ancienne administration, et résultent d'engagements contractés. Encore une fois, ce n'est pas pour faire un grief à l'ancienne administration de ces engagements; c'est pour constater uniquement la vérité ; c'est pour démontrer que nous n'avons pas eu de nouvelles dépenses, que nous avons fait tous nos efforts pour nous circonscrire dans les crédits qui ont été accordés. C'est pour cela que je relève l'allégation de l'honorable M. Osy.

Que voyons-nous?

Les crédits pour les canaux des Flandres et pour le canal latéral 1,050,000 fr.; le crédit supplémentaire pour le palais de Liège 165,000 fr.; ne sont-ce pas là des engagements antérieurement contractés ?

Les crédits supplémentaires au département des travaux publics, simple régularisation, 79,200 fr.

Les crédits supplémentaires au département des finances de 628,000 francs concernent la dette flottante; ils résultent en très grande partie de crédits supplémentaires relatifs aux dépenses des années antérieures et qui ont pour conséquence forcée des émissions de bons du trésor que la chambre a décrété.

Il y a, messieurs, 2,687,601 francs de crédits qui sont destinés à être couverts par des bons du trésor, crédits votés, crédits demandés.

L'honorable M. Osy y ajoute 1,300,000 francs pour le chemin de fer de Liège à Namur, et c'est ainsi qu'il parle de 3,987,601 francs de bons du trésor; mais cela est complètement erroné. (Interruption.) L'honorable membre ne connaît pas l'opération à l'aide de laquelle cela se ferait. Il suppose qu'il s'agit ici d'une émission de titres ou d'une émission de bons du trésor. Ce|a n'est pas. Il ne s'agit ni d'émission nouvelle de titres de la dette, ni de bons du trésor. Voilà ce que j'aurai l'honneur d'expliquer dans un instant. Cette somme ne doit pas être comprise parmi les bons du trésor.

Il n'y a donc que 2,687,601 francs. Je demande si cela est exagéré en présence de ce qui s'est passé les années antérieures d'une manière constante, d'une manière permanente où les crédits supplémentaires, je le répète, se sont élevés, en moyenne, à 6 millions par an ! Et dans cette somme de 2,687,601 fr., il y a un crédit de 1,050,000 fr. pour travaux complémentaires aux canaux des Flandres et au canal latéral, travaux prévus, travaux parfaitement connus, qui ne constituent pas une dépense constatée par le cabinet.

Messieurs, y a-t il surprise pour la chambre? Est ce que je ne l'ai pas avertie? Est-ce que je n'ai pas eu l'honneur de dire vingt fois, chaque fois que je lui ai parlé de la situation financière, que ce résultat était inévitable? Et dès lors n'ai-je pas le droit de protester avec quelque énergie contre les accusations dont le gouvernement est l'objet ?

M. Vilain XIIII. - Messieurs, je répondrai à l'appel de M. le ministre des finances, que je suis prêt à rester ici pour examiner et discuter tous les pîojets de loi que le gouvernement présentera.

C'est parce que j'ai examiné le projet de crédit supplémentaire sur lequel j'ai fait rapport tout à l'heure, que j'ai un mot à répondre à l'honorable M. Osy. Il a critiqué avez justesse le crédit de 5,000 francs demandé pour payer des frais de matériel à l'hôtel du gouvernement provincial à Namur.

En effet, dans la vie administrative ordinaire, tous les besoins provinciaux doivent être prévus au budget. Il faut que les gouverneurs quand ils arrêtent leur projet de budget, sachent quels sont les besoins de l'année à laquelle le budget s'applique. Mais, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire dans mon rapport verbal, il est une circonstance qu/on ne pouvait pas prévoir en 1840, c'est le voyage et le séjour de la famille royale à Namur ; il est tout simple que cela ait donné lieu à des dépenses d'ameublement extraordinaires. C'est pour ce motif que la section centrale a adopté le crédit.

M. Dumortier. - Quoi qu'en ait dit M. le ministre des finances, je viens appuyer les observations si judicieuses et si sages de l'honorable M. Osy. Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette chambre, je me (page 1441) suis toujours opposé aux transferts et aux crédits nouveaux qui ne sont que des transferts ; j'ai toujours eu pour système de m'opposer à des projets de cette nature ; pourquoi ? Parce que, en définitive, c'est un moyen de faire voter à la chambre les sommes qu'elle a retranchées du budget, et il n'est arrivé que trop souvent que la chambre, sans le savoir, aux derniers jours de la session, votait par transfert ce qu'elle avait repoussé après discussion dans les budgets. Le système des transferts est un système vicieux, un système dangeieux pour les finances publiques.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il ne s'agit pas de cela.

M. Dumortier. - C'est la même chose. Le mot seul est changé; que vous transfériez d'une dépense aune autre, que vous fassiez voter un crédit supplémentaire, que vous appelliez cela crédit additionnel, crédit supplémentaire, crédit extraordinaire, crédit complémentaire, tout cela est fort indifférent, c'est toujours une addition au budget, c'est refaire le budget après le vote du budget et cela dans un moment où on ne peut plus examiner ni discuter.

Et M. le ministre des finances a beau dire, il sait fort bien ce que nous savons tous, c'est que la chambre était décidée à se séparer aujourd'hui, et c'est parce qu'il le sait si bien qu'il est venu proposer ces crédits au dernier moment. (Interruption.) On vient nous dire, maintenant: Que la chambre reste. Il dépend de la chambre d'examiner avec soin. Belles paroles vraiment! Lorsqu'on sait que la chambre s'en va, on vient lui dire: Rentrez; restez, examinez! Combien sommes-nous? Nous venons d'entrer en séance et nous sommes 60 membres! Vous voyez bien que la chambre se sépare.

Ce qui me frappe le plus, messieurs, dans tous les projets présentés, c'est cette masse de dépenses qu'on propose au moment de la séparation, dans l'intérêt de la ville de Liège. Ainsi on nous propose pour le chemin de fer de Liège 1,300,000 fr.

- Un membre. - Namur !

M. Dumortier. - Ah ! c'est pour Namur; c'est curieux !

- Un membre. - C'est pour le pays.

M. Dumortier. - Bien ! c'est pour le pays. On propose un crédit pour le canal latéral ; c'est encore pour le pays. On propose pour l'hôtel du gouverneur de Liège 163,000 fr. ; c'est toujours pour le pays. Ces diverses dépenses réunies s'élèvent à 2,053,000 fr. Demain, si nous restons encore, on nous demandera 8 à 10 millions pour la dérivation de la Meuse. Mais où donc veut-on aller? Est-ce qu'en définitive la Belgique a été conquise par la province de Liège? Est-ce que la Belgique a été soumise à la rançon? Voilà, messieurs, ce que je voudrais savoir. Il fut un temps où, en parlant de la Hollande, on disait : Notre chère province de Hollande; on pourra bientôt dire : Notre chère province de Liège.

Je demande, messieurs, qu'on nous présente les crédits dort on a besoin, en temps opportun pour que nous puissions les examiner, et non pas au moment où la chambre se sépare.

Je viens de citer le chiffre de 2,053,000 fr., mais ce n'est pas tout ce qu'on nous demande pour la province de Liège; il faudra encore tenir compte du projet de loi sur l'arrangement avec la province de Liège pour le canal de Bois-le-Duc, et vous verrez que là aussi la plus grande part est donnée à la province de Liège.

Et voilà où l'on arrive lorsqu'on présente de semblables projets dans les derniers jours de la session, quand la chambre est fatiguée, quand elle sort d'une longue discussion dans laquelle, aussi, la province de Liège a joué un grand rôle.

Ce système-là, quelles que soit les personnes qui le présentent, que ce soient mes amis ou mes adversaires, je le combattrai toujours ; je l'ai combattu sous toutes les administrations. C'est une spéculation sur la fatigue de la chambre.

Maintenant, messieurs, quant au crédit qui nous occupe en ce moment, d'après les explications que vient de donner l'honorable comte Vilain XIIII, je le volerai, mais je dois déclarer qu'il m'est pénible de voir entrer dans une voie pareille, de voir qu'à la veille de la clôture d'une session le gouvernement vient nous présenter pour 4 millions et demi de crédits, c'est-à-dire une augmentation de dépenses de quatre millions et demi.

L'honrable M. Frère vient nous dire : On a toujours demandé des crédits supplémentaires, on en a demandé, eu moyenne, pour 6 millions par an. Je répondrai à M. Frère : Si des abus ont eu lieu, ce n'est pas une raison pour les continuer. Comment ! vous apportez une politique nouvelle ; vous vous poser en redresseurs de tous les torts; ne rentrez donc pas dans les abus que vous reprochiez aux autres; montrez que vous faites mieux et que vous n'imitez pas la vieille politique justement dans ce qu'elle avait de vicieux. D'ailleurs je ne suis pas convaincu du tout qu'on ait demandé pour 6 millions de crédits supplémentaires par an. N'a-t-on pas compris dans ce calcul les dépenses qu'il a fallu faire dans plusieurs circonstances extraordinaires pour l'armée et celles qu'on a faites dans d'autres circonstances pour le chemin de fer?

Il y a eu une année où par suite de grands travaux publics on est arrivé à un déficit considérable. Quoi qu'il en soit, c'était un abus, et il ne faut pas perpétuer les abus. Les finances de l'Etat doivent être gérées comme celles d'un père de famille; il faut toujours balancer les recettes et les dépenses. Voilà 4 millions et demi de dépenses qu'on nous propose, et où sont les recettes? Quel est le résultat de ce système? Le déficit. Eh bien, le déficit, je n'en veux pas, car je suis opposé à de nouveaux impôts, et la chambre a bien prouvé par ses votes qu'elle ne voulait pas de nouveaux impôts.

Voici maintenant ce qu'il y a de fâcheux dans ce système : Quand? vous votez le budget, vous établissez l'équilibre entre les recettes et les dépenses; mais quand vous votez dos crédits supplémentaires, vous augmentez la dépense sans avoir un accroissementde recettes.Pour ma part, j'aimerais mieux avoir un excédant de recettes de 4 millions et demi que d'avoir un excédant de dépenses de 4 millions et demi; au lieu d'augmenter les bons du trésor, nous pourrions alors diminuer le chiffre de cette émission, qui, comme l'honorable M. Frère l'a reconnu lui-même, est un chancre pour le pays. Nous devrons donc augmenter les bons du trésor, car, pour couvrir les dépenses, il faudra nécessairement recourir à une nouvelle émission de bons du trésor.

Je répète que j'aimerais mieux avoir un excédant de recettes de 4 millions et demi que d'avoir un excédant de dépenses de quatre millions et demi.

- Des membres. - Nous sommes tous d'accord.

M. Dumortier. - Je ne vois pas que MM. les ministres soient d'accord avec nous; s'ils étaient d'accord avec nous, ils ne viendraient pas nous présenter ces projets de loi.

Je ne pense pas que, sous le royaume des Pays-Bas, le gouvernement hollandais ait jamais demandé un crédit supplémentaire; il y avait un budget décennal et un budget annal, et le gouvernement ne sortait pas des limites de ces budgets. (Interruption.)

M. le ministre de l'intérieur me fait une observation plus spécieuse que fondée, juste quant à lui, mais non pas quant à nous. Je sais que nos ministres ne peuvent pas imputer les dépenses sur tel article du budget qu'il leur convient, ce qui est un peu gênant pour les ministres, tandis que le roi Guillaume pouvait imputer les dépenses comme il l'entendait; mais en définitive, nous arrivons au même résultat. Est-ce que tous les crédits que nous votons ne sont pas absorbés à la fin de l'année? Et s'il y a quelques crédits qui ne le sont pas, ne vient-on pas présenter des demandes de crédits supplémentaires pour les absorber ? C'est comme si vous n'aviez rien fait.

Ce système est donc éminemment vicieux, et pour mon compte, je déclare que je ne voterai que ceux des crédits supplémentaires qui ne grèveront pas le budget; mais quant aux crédits de plusieurs centaines de mille francs et même de millions, je demande que ces sommes soient mises en relation avec les recettes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, lorsque j'ai dit à la chambre que les ressources n'étaient pas suffisantes pour faire face à toutes les dépenses, j'ai rencontré ici un contradicteur, et ce contradicteur, c'est l'honorable M. Dumortier. Aujourd'hui, il vérifie ce que j'ai souvent prédit : les recettes ne sont pas à la hauteur de la dépense. L'honorable membre critique alors la dépense, et il la critique, en essayant d'en faire une injure personnelle pour un membre du cabinet. (Interruption.) Mon Dieu! cela est très clair, très net ; personne ne s'est mépris sur votre pensée! La ville de Liège, dites-vous, n'a pas fait la conquête de la Belgique, et cependant la Belgique a l'air de payer une rançon à la ville de Liège! (Interruption.) Vous avez posé la question, dites-vous ; eh bien, je vais la résoudre.

Messieurs, on a demandé des crédits qui se terminent par les mots : « province de Liège ». L'honorable membre déclare que ces dépenses sont le fait du cabinet actuel, et que, grâce sans doute à la pression que j'exerce sur ce cabinet, c'est moi qui provoque le vote de ces dépenses. Examinons donc :

Premier article. Canal latéral de Liège à Maestricht. Est-ce le cabinet actuel qui a fait décréter ce travail d'utilité publique? Je ne critique pas ce travail en lui-même, je me borne à constater le fait. Non, ce n'est pas le cabinet actuel. Cette dépense était faite et il fallait la payer. Nous venons uniquement vous demander les moyens de la payer.

Deuxième article. Ou demande un crédit pour le palais de Liège ; cela se termine encore par le mot « Liége » ! Est-ce que nous avons décrété la dépense de restauration du palais de Liège? Non ; c'est le fait de nos prédécesseurs. Mais en définitive, si vous créez une dépense, si vous contractez des dettes, il faut bien les acquitter ! Nous venons vous demander uniquement de les acquitter. De quel droit nous adresserait-on ici des reproches?

Troisième article. La province de Liège et celle du Limbourg avaient une contestation avec l'Etat, du chef de la construction du canal de Bois-le-Duc à Maestricht ; il y a eu une transaction. Qui a fait cette transaction? Est-ce le cabinet acttuel? Non, c'est l'honorable M. Mercier; la transaction date de 1845.

Quatrième article. On sollicite l'autorisation de prêter certaine somme à la compagnie du chemin de fer de Namur à Liège ; cela se termine encore par le mol fatal « Liège », qui effraye si fort l'honorable M. Dumortier. Mais est-ce la faute de la ville de Liège, si le pont du Val-Benoît présente quelque danger? Qu'importe à la ville de Liège si la circulation est interrompue entre Anvers et l'Allemagne ? Que signifie le nouveau reproche que nous adresse l'honorable M. Dumortier? Ce pont, ce n'est pas non plus le cabinet actuel qui l'a fait construire. S'il faut y faire des réparations, ce n'est pas sa faute, j'imagine. Et puis c'est un prêt de 1,300,000 francs que nous voulons faire ; est-ce une dépense? En vérité, ce n'est qu'un prêt que l'on fait à une compagnie qui a dépensé environ 30 millions de francs dans le pays.

(page 1442) Voilà la situation. Je laisse, messieurs, à votre bon sens à apprécier si c'est sur des faits de cette nature que l'honorable membre pouvait être fondé à élever une accusation que je considère comme peu loyale en .prenant prétexte des crédits demandés, parce qu'ils se terminent par les mots : « province de Liège », et en cherchant à insinuer que des dépenses auraient été créées par le cabinet actuel, sous mon influence, dans l'intérêt de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter.

M. Delfosse. - L'honorable M. Dumortier paraît en vouloir beaucoup à la ville de Liège. Il ne laisse échapper aucune occasion de l'attaquer. Serait-ce parce que la ville de Liège ne partage pas les opinions politiques de l'honorable membre? Serait-ce parce qu'elle est une des plus libérales du pays? Si c'est là la cause, je préviens l'honorable membre qu'elle durera longtemps et que ses griefs ne sont pas sur le point de cesser.

L'honorable M. Dumortier reproche à la ville de Liège les dépenses considérables faites pour le canal. Le canal ne devait d'après les devis primitifs, coûter que 3 1/2 millions, il en coûtera plus de sept ; j'ai été le premier à déplorer et à blâmer cet accroissement de dépense, imputable aux prédécesseurs des ministres actuels, aux amis de l'honorable M. Dumortier.

En quoi la ville de Liège peut-elle être responsable de l'arrangement onéreux conclu avec la Hollande ou de l'imprévoyance des ingénieurs? La ville de Liège aurait désiré, tout autant que l'honorable M. Dumortier, que l'évaluation primitive de la dépense ne fût pas dépassée. Liège a obtenu un canal; mais ce canal, qui n'est pas encore achevé, elle l'aurait en dès 1830, si nous ne nous étions pas, à cette époque, séparés de la Hollande. Mais les autres provinces n'ont-elles rien obtenu? N'a-t-on pas contruit dans les Flandres les canaux de Zelzaete, de Schipdonck et dans celles de Limbourg et d'Anvers le canal de la Campine? Parce que Liège est une des villes les plus libérales du pays, faudrait-il par hasard tout lui refuser? Est-ce là ce que veut l'honorable M. Dumortier?

L'honorable M. Dumortier reproche encore à la ville de Liège l'avance de 1,300,000 francs que l'on se propose de faire à la société concessionnaire du chemin de fer de Liège à Namur. Messieurs, si nous ne consultions que l'intérêt de notre ville, nous voterions contre le projet de loi ; car, en cas de chute du pont du Val-Benoit, chute possible, voyageurs et marchandises devraient s'arrêter à Liège, si le gouvernement ne pouvait se servir de l'embranchement que la société concessionnaire va construire sur la rive gauche, au moyen de l'avance de 1,300,000 francs; si nous votons pour cette avance, c'est dans l'intérêt du pays, c'est que l'interruption des communications, par la voie du chemin de fer, entre la Belgique et l'Allemagne, causerait des pertes énormes au commerce et à l'industrie, c'est que les recettes du chemin de fer seraient fortement compromises. Les pertes, dans ce cas, se compteraient par millions, et qu'est-ce, pour parer à ce danger, qu'une avance de 1,300,000 francs, moyennant garanties et payement d'un intérêt à 5 p. c.? Je n'hésite pas à proclamer cette avance éminemment utile, non à la ville du Liège, mais au pays entier.

J'ai été extraordinairement surpris d'entendre l'honorable M. Dumortier s'élever aussi contre la dépense du palais de justice de Liège. L'honorable membre a été un des premiers à demander la restauration de cet édifice. L'honorahle membre a été jusqu'à s'écrier que ce serait une honte pour le pays de laisser tomber en ruine un monument aussi remarquable. A cette époque, l'honorable membre joignait sa voix à la mienne, et il est étrange qu'il vienne en ce moment nous reprocher des dépenses qu'il a lui-même sollicitées.

Que l'honorable membre soit plus juste et qu'il cesse de poursuivre de ses attaques une ville qui a donné tant de preuves de patriotisme et qui a droit, sinon à ses sympathies, au moins à ses égards.

M. Dumortier. - Je ne veux pas laisser dénaturer mes expressions, ma pensée comme on vient de le faire. Il ne sera plus permis de venir exprimer sa pensée sur les dépenses auxquelles le gouvernement vous convie, sans éire accusé d'hostilité à l'égard de la ville de Liège,

M. Destriveaux. - Pourquoi la mettre en cause ?

M. Dumortier. - Parce que vous demandez des dépenses pour elle, parce que sur quatre millions et demi que nous devons payer il y en a deux pour la ville de Liège. La vérité est là, vous aurez beau l'entourer de belles paroles, vous ne la ferez pas disparaître.

Au reste, ce n'est pas contre la dépense elle-même que je me suis élevé, mais contre la présentation des projets de loi à la veille de la clôture de la session.

Vous dites que j'ai été le premier à appuyer la restauration du palais de Liège, cela est vrai ; et je ne m'en repens pas, je le ferais encore si c'était à faire. Mais il ne s'agit pas ici de restauration du palais, il s'agit d'ameublement comprenant des fauteuils de 200 à 400 fr. la pièce. Quand il s'agira de restauration du monument, on me trouvera prêt à voter les fonds nécessaires; mais je ne veux pas d'un ameublement dont M. Delfosse ne voudrait pas, car lui, qui a toujours eu des sentiments populaires, ne peut pas vouloir que nos gouverneurs soient meublés comme des Sardanapales.

Mais, dit-on, la transaction est de 1845; elle a été ratifiée par la chambre. Comment les choses ont-elles eu lieu? La chambre a repoussé le projet dans les sections, il est venu devant la chambre au dernier jour de la session, nous avons été forcés de le voter.

On dit que la dépense de 1,300,000 francs est faite pour le pont du Val-Benoît. Nous ne voyons pas qu'il s'affaisse davantage.

On vient, au terme de la session, demander des millions pour une localité dont j'ai toujours admiré le patriotisme, mais que je désire m'être chère, non au point de vue de l'argent, mais au point de vue de son patriotisme.

Si nous votons des crédits aussi largement, l'année prochaine on viendra avec la dérivation de la Meuse; je ne veux pas qu'on aggrave la situation du trésor par des dépenses exagérées en faveur d'une localité.

Je ne suis en aucune façon hostile à la ville de Liège; elle est libérale, je l'en félicite; ce n'est pas parce que mes opinions ne sont pas celles de MM. Delfosse et Frère que je dois passer condamnation sur les allocations demandées en faveur d'une localilé. Je ne le ferais pas pour mes amis, je ne le ferai pas pour des hommes d'une opinion contraire. Je n'ai jamais fait de demande semblable pour les localités que je représentais. Je ne suis pas animé de sentiments mesquins, étroits; je ne les prête pas à mes adversaires; mais je crois devoir m'élever contre des dépenses de plusieurs millions au profit d'une localité, proposées au moment de nous séparer.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Quelques-unes des observations critiques de l'honorable M. Dumortier s'adressent au département des travaux publics. En effet, dans les deux millions dont le cabinet dote, selon lui, la ville de Liège, ce département contribue pour une somme de 1,800,000 mille francs. Il m'appartient donc d'examiner la valeur des reproches qui ont été adressés, de ce chef, au gouvernement.

L'honorable M. Dumortier nous a blâmé d'avoir attendu jusqu'aux derniers jours de la session pour vous soumettre le projet de loi ayant pour objet de faire à la compagnie du chemin de fer de Namur à Liège un prêt de 1,300,000 francs, et celui que vous avez récemment voté et qui avait pour objet d'ouvrir des crédits s'élevant à 1 million 50 mille francs pour le canal latéral et les canaux de Schipdonck et de Zelzaete. Ce blâme n'est pas mérité. D'abord, quant au prêt, quelles sont les raisons qui nous ont déterminés à vous le proposer? C'est le danger que présente la situation du pont du Val-Benoît. Avant donc de vous demander les moyens de parer à ce danger, il fallait avoir la conviction de son existence. Or, il paraît que cette conviction n'est pas encore acquise à l'honorable M. Dumortier. Si au premier mouvement du pont, nous étions venu faire la proposition que nous faisons aujourd'hui, à quels reproches ne nous serions-nous pas exposé? C'est alors qu'on nous eût dit, avec raison, qu'une crainte aussi prématurée, un danger aussi hypothétique ne suffisait pas pour légitimer une mesure toute exceptionnelle. Mais lorsque les mouvements se sont reproduits à diverses reprises, à plusieurs intervalles, lorsque les ingénieurs sont venus déclarer qu'il y avait là un danger réel, sérieux, alors nous avons dû songer aux moyens de rétablir les communications qui pourraient être éventuellement interrompues.

Mais ce n'était pas assez, à nos yeux, qu'il y eût danger, pour que le gouvernement intervint. Nous avons cru devoir d'abord épuiser tous les moyens possibles pour faire remplir par la compagnie les obligations qui lui incombaient; et le gouvernement n'a songé à intervenir que lorsqu'il a eu la conviction que la compagnie était dans l'impossibilité la plus absolue d'achever l'embranchement de la rive gauche, avec ses seuls moyens.

Si vous n'aviez pas été à la veille de clore votre session, nous ne serions pas encore venus vous présenter ce projet de loi. Nous aurions cru devoir attendre que nous pussions vous apporter une convention déjà parfaite, en vous demandant de la ratifier. Aujourd'hui nous avons dû nous borner à faire connaître à la commission les bases sur lesquelles nous nous proposons de traiter.

Maintenant notre responsabilité est à couvert!; la chambre avisera.

Quant aux crédits pour le canal latéral et pour les canaux de Zelzaete et de Schipdonck, si nous ne les avons demandés que dans les derniers temps, c'est tout simplement par le désir de pouvoir vous apporter une assurance formelle que les crédits demandés suffiraient pour solder ces travaux.

Répondrai-je maintenant à ce reproche direct ou indirect qu'on nous a adressé, de réserver toutes les faveurs du trésor pour la ville de Liège ?

L'honorable M. Dumortier voudra bien reconnaître que le ministre des travaux publics, en vous faisant ses propositions, n'a pu être déterminé par aucune influence locale.

Que la province à laquelle les travaux ou les crédits profitent s'appelle Liège ou Flandre, pour moi c'est tout un ; un intérêt d'un ordre supérieur, l'intérêt du pays, me sert seul de guide. Si j'avais été assez heureux pour pouvoir vous faire une proposition dans l'intérêt des Flandres, et si cet intérêt avait concordé avec l'intérêt du pays, je l'aurais fait avec la même confiance, avec la même conviction que mes propositions ne vous auraient pas paru suspectes.

Le gouvernement vous a demandé, et vous avez voté le crédit nécessaire pour l'achèvement du canal latéral, non par une bienveillance particulière pour la ville de Liège, mais parce qu'il eût été absurde de laisser ce canal inachevé; et s'il avait été possible de trouver les ressources nécessaires pour l'achèvement du canal de la Campine, je n'eusse point hésité à vous le proposer également, sans me laisser arrêter le moins du monde par la crainte de paraître favorable à la ville de Liège ou à la province d'Anvers.

Quant au projet en discussion, la chambre ne perdra pas de vue qu'il n'a pas pour objet une dépense, mais un prêt, et un prêt que nous espérons bien entourer de garanties suffisantes pour en assurer le remboursement.

(page 1443) Ah! s'il s'agissait d'une spéculation, s'il s'agissait d'un placement de fonds, ou même d'un acte de libéralité envers une compagnie, nous n'y eussions pas songé un seul instant; mais la question sur laquelle vous êtes appelés à délibérer est de savoir si, en présence du danger que les ingénieurs signalent, vous pouvez exposer le commerce aux pertes considérables, qui résulteraient d'une interruption de communication entre la Belgique et l'Allemagne, alors qu'il vous est possible de détourner ces pertes au moyen d'une simple avance, entourée, du reste, de toutes les garanties désirables, et en compensation de laquelle nous imposons à la compagnie des conditions éminemment favorables au pays. Voilà tout simplement comment la question se présente.

J'ajouterai encore un mot au sujet des crédits supplémentaires et transferts que vous avez votés récemment au budget des travaux publics. Il n'est pas exact que ces crédits et transferts absorbent et au-delà les économies que nous avons annoncées. Nous vous prions, en toute confiance, de les examiner de nouveau. Vous remarquerez qu'ils se rapportent, à une différence insignifiante près, à des exercices antérieurs à 1848, et que ces dépenses faites avant nous sont soldées au moyen d'économies que nous avons réussi à réaliser sur le personnel, au-delà de celles que nous avions promises. Vous n'aurez pas perdu de vue, d'ailleurs, que le budget de 1848, malgré ces imputations dont les causes lui sont étrangères, présente encore un boni d'au-delà 1,300,000 francs.

- L'article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1849, fixé par la loi du 6 avril 1849, est augmenté de la somme de trente-deux mille quatre cent quatre-vingt-huit francs soixante et onze centimes (fr. 32,488-71), répartie comme suit :

« Frais de route et de séjour : sept cent trente-six francs quarante centimes, pour payer des frais de route et de séjour restant dus à des fonctionnaires et employés du ministère de l'intérieur pour des voyages faits dans le courant de 1849 : fr. 736 40

« Cette somme sera ajoutée à l'allocation de l'article 4, chapitre premier du budget de l'exercice 1849.

« Pensions à charge du trésor : cinq mille huit cent soixante-sept francs vingt-deux centimes pour payer les quartiers de pensions restant dus, pour 1849, à des pensionnaires ressortissant au ministère de l'intérieur : fr. 5,867 22.

« Cette sommé sera ajoutée à l'allocation portée à l'article 5, chapitre II du budget de l'exercice 1849.

« Frais de l'administration dans les provinces : cinq mille francs pour payer les frais de matériel de l'administration provinciale de Namur : fr. 5,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 37, chapitre IV du budget de 1849.

« Dotation en faveur de légionnaires et pensions de cents francs par personne aux décorés de la croix de Fer, peu favorisés de la fortune; subsides à leurs veuves et orphelins : mille quatre-vingt-quatorze francs cinquante centimes pour payer des pensions restant dues pour l'exercice 1849 : fr. 1,094 50.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 50, chapitre XII du budget de l'exercice 1849.

« Transport d'archives : quarante francs pour frais de transport des archives et du matériel du commissariat d'arrondissement de Virton à Arlon, en 1849 : fr. 40.

« Hôtel occupé par le gouvernement provincial de Liège : treize cents francs pour payer l'augmentation du prix du loyer de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège : fr. 1,300.

« Honoraires d'avocats : quatre cent soixante et quinze francs pour payer les honoraires dus à M. l'avocat Dewandre, à Liège, en cause du gouvernement belge contre les légionnaires de l'Empire : fr. 475.

« Entretien des bâtiments provinciaux : deux mille deux cent soixante et quinze francs cinquante-neuf centimes, pour payer les frais occasionnés par suite de l'écroulement d'une partie du mur d'enceinte du jardin de l'hôtel provincial à Arlon, en 1849 : fr. 2,275 59.

« Ces quatre dernières sommes, soit 4,090 fr. 59 c, sont ajoutées à l'allocation de l'article 115, chapitre XXIV, du budget de 1849.

« Rapport triennal sur l'instruction primaire et rapport sur l'enseignement moyen : dix mille francs pour payer les dépenses occasionnées par les frais de rédaction et d'impression du rapport triennal sur l'instruction primaire et du rapport sur l'enseignement moyen. : fr. 10,000.

« Cette somme formera l'allocation de l'article 115. Chapitre XXIV du budget de 1849.

« Courses de chevaux : cinq mille sept cents francs pour payer les frais de location, en 1849, des terrains ayant servi pour les courses et pour solder quelques dépenses accessoires : fr. 5,700.

« Cette allocation formera l'article 116 du chapitre XXIV du budget de 1849.

« Total : fr. 32,488 62. »

M. Vilain XIIII. - J'ai expliqué tout à l'heure à la chambre comment il se fait que, malgré la suppression au budget du crédit qui y figurait précédemment pour les courses de chevaux, le gouvernement doit nous demander aujourd'hui un crédit supplémentaire pour le même objet. Mais la section centrale m'a, en même temps, chargé de demander à M. le ministre de l'intérieur qu'il prenne l'engagement de porter aux budgets de 1851 et de 1852 la somme nécessaire pour la location des terrains où les courses avaient lieu. Le loyer de ces terrains n'échoit qu'en 1852; il faudra donc qu'un crédit supplémentaire soit porté à ces deux budgets pour solder ce loyer. Nous prions M. le ministre de tenir note de cette observation lorsqu'il présentera les budgets de 1851 et 1852.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lorsqu'on a supprimé le crédit relatif aux courses, j'avais annoncé à la chambre qu'il resterait une somme à payer pour la location du terrain, et qu'il y aurait de ce chef un crédit supplémentaire, si l'on ne portait plus rien au budget. Ce crédit supplémentaire est demandé aujourd'hui.

Il n’y a pas d’inconvénient à porter aux budgets de 1851 et de 1852 la somme nécessaire pendant ces deux années pour la location du terrain.

- L'article 2 est adopté.

Article 3

« Art. 3. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1850, fixé par la loi du 21 juin 1849, est augmenté de la somme de quinze mille deux cent soixante francs trente-neuf centimes (fr. 15,260 39), répartie comme suit :

« Ecole spéciale du génie civil à Gand : douze mille quatre cent quarante-sept francs pour payer les indemnités ducs aux professeurs de l'université de Gand, du chef de l'instruction gratuite qu'ils ont donnée aux élèves de l'école spéciale du génie civil, pendant les années scolaires de 1838-1840 à 1844-1845, inclusivement : fr. 12,447.

« Cette allocation formera l'article 115, chapitre XXIV du budget du ministère de l'intérieur pour 1850.

« Achat d'armes et d'armures pour le Musée royal d'antiquités et d'armures : dix mille huit cent treize francs trente-neuf centimes, pour prix d'achat et de transport de diverses armes orientales : fr. 10,843 39

« Cette allocation formera l'article 116, chapitre XXIV du budget de l'exercice 1850,

« Total : fr. 15,260 39. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Les dépenses portées aux articles 1, 2 et 3, seront couvertes au moyen d'une émission de bons du trésor, en addition de celle autorisée par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1849. »

- Adopté.

id="interieurVote">Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

66 membres sont présents.

61 votent l'adoption ;

5 s'abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer. Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont (G.), Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Moncheur, Orts, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain Xllll, Allard et Verhaegen.

Se sont abstenus : MM. Coomans, de Mérode, de Renesse, Osy et Vermeire.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - Messieurs, je n'ai pas voulu rejeter la loi, parce que la plupart des dépenses proposées me semblent nécessaires. Je ne lui ai pas accordé mon vote, parce que, d'une part, j'aurais voulu voir figurer ces dépenses au budget, et que, d'autre part, je ne veux pas paraître approuver l'exagération imprimée au système vicieux des crédits supplémentairess.

(page 1444) M. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que je suis contraire au système des crédits supplémentaires qu'un pourrait prévoir au budget et qu'on nous demande constamment après le vote des budgets d'une manière très dangereuse pour nos finances.

M. de Renesse. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que les crédits demandés me paraissent assez justifiés ; mais ne pouvant approuver le mode de leurs payements, au moyen de bons du trésor, j'ai cru devoir m'abslenir.

M. Osy. - D'après les explications qui ont été données par l'honorable M. Vilain XIIII, comme rapporteur de la section centrale, j'ai eu mes apaisements sur quelques-unes des dépenses qui nous sont demandées. C'est pour cela que je n'ai pas voté contre le projet.

Je n'ai pas voulu voter pour le projet parce que je ne veux pas, d'une manière très irrégulière, adopter des demandes de crédit sur lesquelles nous n'avons pas même de rapport et que nous n'avons pas eu le temps d'examiner.

M. Vermeire - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l’honorable M. Osy.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du département de l’intérieur

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Au lieu de la somme de 163,803 fr 62 c, la commission propose de n'allouer que celle de 50,000 fr., destinée à payer les travaux d'achèvement de la partie de l'hôtel provincial de Liège destinée au logement du gouverneur.

Le gouvernement se rallie-t il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non, M. le président.

M. de T'Serclaes. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

On vient encore d'intervertir l'ordre du jour. Je dois faire remarquer qu'hier la chambre n'a pu prendre de décision sur une pétition importante, parce qu'elle ne se trouvait plus en nombre. Je crains, si l'on ne suit pas l'ordre indiqué, qu'il n'en soit de même aujourd'hui. J'appelle l'attention de nos collègues sur ce point; j'espère que l'assemblée su trouvera jusqu'à la fin de la séance en nombre compétent pour statuer.

M. le président. - J'espère que chaque membre restera à son poste.

J'ai mis ce projet en discussion, parce qu'on s'en était déjà occupé à l'occasion du projet précédent. La discussion générale est ouverte.

M. Osy. - Messieurs, cette fois je donnerai positivement un vote négatif au crédit qu'on nous demande.

La section centrale vous propose d'accorder au gouvernement nn crédit de 50,000 francs au lieu de la somme de 163,000 francs qu'on nous demande pour le palais de Liège.

Ici encore nous n'avons pu examiner qu'à la hâte la dépense. J'ai eu un instant sous les yeux le dossier de l'affaire, et je dois vous dire, messieurs, comme déjà l'honorable M. Dumortier l'a dit, que l'on veut meubler ce palais d'une manière tout à fait orientale.

Je vous donnerai seulement quelques aperçus. Je vois, messieurs, que pour le grand salon, les dépenses pour garnitures de croisées s'élèvent à 600 francs par croisée. On nous demande pour les fauteuils de salon, 200 francs par fauteuil. On nous demande pour les glaces de l'intérieur, 5,600 francs et 7,600 francs pour des glaces non étamées, dont une partie doit être placée dans les fenêtres donnant sur la cour. Ainsi, pour les glaces seules, 13,000 francs; 600 francs par garniture de croisée, 200 francs par fauteuil. Je crois véritablement que, dans le palais d'un roi, on ne fait pas une dépense pareille. Au lieu de nous soumettre un semblable devis, le gouvernement aurait dû le renvoyer, par retour du courrier, au gouverneur et lui dire de proposer un ameublement plus modeste.

On vous demande ensuite pour décoration des appartements, tentures, plafonds, etc. 57,000 francs.

Je pourrais entrer dans bien d'autres détails:ainsi il y a des prie-Dieu pour lesquels on demande 75 francs !

Messieurs, comme il n'y a rien qui presse, nous devons demander à M. te ministre de l'intérieur de renvoyer cet objet à la session prochaine et, en attendant, de faire faire un devis plus modeste, qui soit en rapport avec la position d'un gouverneur de province, dont le traitement est de 14,000 francs.

Pour ma part, je n'accorderai pas les 50,000 francs proposés par la section centrale, parce qu'en accordant les 50,000 francs, je ne suis pas certain d'empêcher la dépense de se faire. L'année prochaine on viendra nous demander le surplus, et on dira qu'il y a des engagements. Je demande positivement l'ajournement du projet de loi.

M. Veydt, rapporteur. - Il semble que le but que le rapporteur a eu en vue, en faisant imprimer le rapport avant qu'il le déposât au bureau de la chambre, n'a pas été atteint. C'est cependant afin que vous pussiez prendre connaissance de la proposition de la commission spéciale et des motifs qu'elle a eus pour s'écarter du projet de loi et se borner à un premier crédit de fr. 50,000, au lieu de 163,800, que cette distribution a eu lieu. Hier, la commission s'est réunie pendant la séance de la chambre et ses rapporteurs ont dû mettre le temps à profit pour vous apporter les résultats des trois délibérations.

L’honorable M. Osy vient de raisonner comme si la commission proposait d'accorder un crédit pour les n°2 et 3, qui comprennent les dépenses qui sont l'objet de ses critiques. Or, elle a, au contraire, émis l'avis qu'il convient d'ajourner le vote, jusqu'après un examen et un contrôle, que nous engageons M. le ministre de l'intérieur à faire avec soin.

Il sera convaincu alors, comme nous, que de fortes réductions sont possibles, même en décorant et en meublant le palais, suivant le caractère du monument et la destination qu'il doit recevoir.

L'honorable ministre a communiqué tous les devis; il a eu soin de dire que ces dépenses, quelque considérables qu'elles soient, ne sont pas les dernières que le palais de Liège exigera. Il a, pour me servir d'une expression familière, mais juste ici, joué cartes sur table, et c'est précisément à cause de ces communications que la commission a résolu de restreindre le projet de loi au crédit supplémentaire n°1, et de proposer l'ajournement des autres, jusqu'au commencement de la session prochaine.

En effet, le crédit relatif à l'achèvement de la partie du palais, destinée au logement du gouverneur de Liège, devra être accordé dans tous les cas, tandis que pour les autres on peut attendre, et cet intervalle sera, si on a égard à notre recommandation, mis à profit pour soumettre à un examen sévère la série des dépenses pour la décoration et la peinture, et pour l'achat du mobilier, et pour faire un résumé complet, un ensemble de tous les travaux de restauration et de construction. La prudence commande d'en agir ainsi, si on veut éviter d'avoir de grands mécomptes. Il faut un plan, avant de s'engager plus loin. Si vous accordez aujourd'hui 35,000 fr. pour exécuter les travaux d'une façade intérieure, c'est le n°4 du projet, vous serez forcément obligés d'aller plus loin; c'est ce que la commission voudrait éviter.

Déjà, messieurs, cette marche vicieuse a été suivie et c'est d'elle que viennent en partie les difficultés. La législature a voté, en 1845, 400,000 francs, imputables sur trois exercices, pour la restauration du palais de Liège. Alors un avant-projet avail été présenté à la section centrale de la chambre et c'est d'après ce plan qu'elle a entendu voter. Mais on ne l'a pas mis à exécution. On lui a préféré, en 1848, un projet nouveau, dû à M. Delsaux, de Liège.

Il exigeait 481,000 francs. C'était une première augmentation de dépense, qu'il eût fallu faire sanctionner par les chambres avant de passer outre; le projet entièrement modifié devait aussi leur être soumis, puisque le premier l'avait été.

La commission est d'avis qu'il convient de suppléer à ce qui a été omis en faisant préparer, pour le commencement de la session prochaine, un travail d'ensemble, un devis complet des dépenses. En attendant, elle ne propose l'adoption que de la partie qui ne donne lieu à aucune objection.

J'ai cnlendu avec regret M. le ministre de l'intérieur nous dire qu'il ne pouvait se rallier à cette proposition. De mon côté, je ne pourrai le suivre, s'il demande le vote de tout le crédit de 163,800 fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le crédit demandé pour le palais de Liège se décompose en 4 articles. On a combattu le crédit qui est relatif au mobilier de la partie de l'hôtel destinée au logement du gouverneur, mais on n'a pas critiqué les autres dépenses.

Je dirai d'abord quelques mots en réponse à l'honorable M. Osy.

Ainsi qu'on vous l'a dit, messieurs, le gouvernement n'ayant absolument rien à dissimuler dans cette affaire, a soumis à la section centrale les devis fournis par l'architecte à M. le gouverneur de la province de Liège. Ces devis ne sont pas encore approuvés par le gouvernement. Ce sont de simples évaluations. On ne peut donc pas encore les critiquer comme des dépenses définitivement arrêtées; ce sont des propositions de dépenses.

S'il y a, messieurs, quelques objets évalués trop haut, eh bien! le gouvernement prescrira des réductions. Mais je dois déclarer tout de suite que si l'on fait des réductions sur le mobilier, nous n'irons pas jusqu'à supprimer des objets meublants qui doivent appartenir à un hôtel quelconque. On est descendu jusqu'à un prie-Dieu de 75 francs; je vous avoue que je n'aurais pas le courage de supprimer ce meuble, et je suppose que s'il y a dans une chambre à coucher un prie-Dieu de 75 fr., on ne peut pas en faire un grief sérieux. On a critiqué aussi l'achat de matelas : il faut, je présume, des matelas à un gouverneur comme à toute autre personne. Sous ce rapport donc, malgré lout mon désir de faire des économies, il me sera impossible de donner les mains à l'honorable baron Osy,

Messieurs, notre intention ne peut être de meubler orientalemcnt un palais quelconque. Je ne sais pas si l'architecte a été un peu loin dans ses évaluations, mais il s'agit d'un palais qui par lui-même exige un ameublement de luxe. Ce palais a éte autrefois occupé par les princes-évêques; plusieurs des appartements conservent encore les traces d'un grand luxe en peintures et dorure.

Plusieurs de ces anciens restes d'un grand luxe seront maintenus ; il faudra bien que les nouveaux ornements concordent avec les ornements anciens ; sinon, vous auriez une œuvre disparate, au point de vue de l'art.

Frappé, comme vous tous, des frais considérables qu'exige la restauration du monument, j'ai recommandé à plusieurs reprises d'introduire le plus d'économie possible dans la dépense; c'est même la seule cause du retard qu'a éprouvé la présentation du projet de loi; j'ai insisté plus d'une fois pour qu'on ramenât les devis dans les limites du strict nécessaire.

(page 1145) Je le répète, s'il y a, quant au mobilier, quelques dépenses qui peuvent être réduites, nous les réduirons, mais il faut tenir compte du caractère artistique de ce monument, de la destination qu'il peut recevoir. Ainsi, puisque je suis amené à fournir ces détails, deux ou trois appartements sont destinés à recevoir la famille royale dans certaines circonstances, et voilà pourquoi certains meubles doivent avoir plus de luxe que les meubles ordinaires.

La section centrale reconnaît qu'il est utile que le gouverneur puisse entrer le plus tôt possible dans le local qui est aux trois quarts achevé, attendu qu'il y a deux loyers à payer chaque année. Elle veut bien donner la somme nécessaire pour approprier le bâtiment, mais elle refuse la somme nécessaire pour le mobilier .Or, le gouverneurr ne peut pas s'installer dans des chambres vides; il faut qu'il y arrive avec un mobilier; il a bien un mobilier, mais ce mobilier est tout à fait insuffisant.

Je veux bien consentir à une réduction sur les dépensés du mobilier : ce sera un avertissement donné à l'architecte de se modérer dans les devis. Je suis loin de blâmer la sévérité avec laquelle la chambre examine ces sortes de dépenses; mais elle veut sans doute qu'on fasse les choses nécessaires et convenables : c'est tout ce que nous demandons. Je consentirai donc à une réduction pour le mobilier, sauf à revenir, l'année prochaine, demander un crédit supplémentaire pour cet objet.

- Un membre. - Il ne faut pas trop de luxe.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non; mais nous ne pouvons pas non plus meubler d'une manière mesquine un monument pour lequel vous aurez peut-être à dépenser 1,200,000 fr.; car le crédit que nous demandons n'est pas le dernier, j'en avertis la chambre. Vous ne pouvez pas orner et meubler un pareil palais, comme vous feriez d'une simple maison bourgeoise.

M. Vilain XIIII. - Quand M. H. de Brouckere était gouverneur de la province de Liège, la chambre lui a accordé 50,000 fr. pour son mobilier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Plusieurs de vous, messieurs, ont eu occasion de meubler des hôtels; qu'ils fassent un retour sur eux-mêmes, et ils reconnaîtront qu'en fait de meubles les dépenses du gouvernement n'ont rien d'exagéré. Il y a même, en général, beaucoup plus de luxe dans les hôtels des particuliers que dans les hôtels du gouvernement.

Indépendamment des travaux d'achèvement destinés au logement du gouverneur, il y a des travaux indispensables à faire à d'autres parties du palais. Voici ce que contient à cet égard le rapport de l'architecte, en ce qui concerne les travaux à faire à la façade vers l'intérieur de la cour :

« Le moment est venu de restaurer cette partie, d'autant plus que les arcades et les colonnes de la galerie sont hors plomb, déformées et brisées en plusieurs endroits; il y a donc urgence à réédifier le corps de bâtiment dont je parle, au point de vue de la solidité et de la stabilité, car si la partie supérieure qui est en briques se trouve en assez bon état, la base fléchit, les pierres se brisent et, il faut bien le dire, les colonnes ne paraissent pas, vu leur vétusté délabrée, en état de supporter, et la surcharge nécessitée par le toit des nouvelles constructions et les exhaussements en maçonnerie nécessaires pour les élévations des salles destinées au conseil provincial. Je propose donc de restaurer entièrerement la galerie de la grande cour du palais qui longe le nouvel hôtel provincial. De cette manière, on aura achevé cette partie pour ne plus y revenir. Le devis estimatif n°3 pour cet objet évalue la dépense à 69,399 fr. 16 c, y compris le percement des nouvelles arcades nécessaires pour régulariser l'entrée du grand vestibule de l'hôtel provincial. »

Maintenant veut-on ajourner la dépense du n°4, et courir la chance de voir une partie de ce palais s'écrouler ? Je ne sais pas si ce genre d'économies est à l'usage de certains particuliers; mais je crois qu'un pareil système, mis en pratique par le gouvernement, pourrait entraîner de graves inconvénients.

Quand j'ai dit que je ne pouvais pas me rallier aux propositions de la section centrale, j'avais donc des raisons pour cela. Les dépenses que vous supprimez aujourd'hui ne sont qu'ajournées. Il faut bien que la chambre se pénètre, en outre, de la nécessité de faire encore de nouvelles dépenses pour le palais de Liège; on pourrait ne pas mettre la main à l'œuvre et laisser déférer un de nos plus beaux monuments; mais maintenant qu'on a commencé les travaux, il est impossible de s'arrêter.

M. de Mérode. - Messieurs, je distingue, dans les dépenses dont il s'agit, celles qui sont destinées au palais de Liège; ce qui concerne le monument lui-même, la partie historique, dirai-jc, doit être soignée, et il n'y a pas d'économies à faire dans cette partie; mais pour ce qui concerne les glaces sans tain, les ameublements somptueux, il me semble que le gouvernement devrait éviter de pareilles dépenses ; surtout lorsqu'un est obligé d'en faire par la partie vraiment monumentale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous pourrez retrancher là dessus quelques centaines de francs. Au lieu de fauteuils à 50 fr., on en prendra à 35.

M. de Mérode. - Des rideaux ne sont pas des choses monumentales ; et 600 fr. pour des rideaux, je trouve que c'est beaucoup. Si vous dépensez beaucoup pour l'architecture, il faut éviter un luxe inutile dans l'intérieur, précisément parce que vous êtes obligés de faire beaucoup de dépense pour l'extérieur. Oh pourrait encore meubler l’intérieur d'une manière fort distinguée, mais nous n'avons pas les fonds nécessaires pour faire toutes ces dépenses. Il faut se restreindre à ce qui est architectural, historique.

M. Delfosse. - Il est certain que l'édifiée destiné au gouverneur doit être achevé cette année. L'hôtel qu'il occupe actuellement n'est à sa disposition que jusqu'au mois de décembre: il a reçu congé. Si le logement qu'on lui prépare au palais de Liège n'était pas achevé en temps utile, il faudrait louer un autre hôtel; ce serait une nouvelle occasion de dépenses.

Je ne suis pas plus partisan d'un luxe effréné que l'honorable M. Osy, que l'honorable M. Dumortier, que l'honorable comte de Mérode. Le gouverneur est un fonctionnaire d'un rang élevé, qui doit avoir un mobilier convenable, mais il ne faut pas trop de luxe. M. le ministre de l'intérieur vient de faire sur le chiffre destiné au mobilier une réduction qui me paraît de nature à satisfaire les opposants et à rallier toutes les opinions.

Il faudra, messieurs, bien du temps encore avant que le palais de Liège soit entièrement restauré; ce n'est pas en quelques années qu'un aussi grand travail peut s'achever. Une allocation plus ou moins forte devra figurer, chaque année, au budget de l'intérieur pour ce travail qui est digne de toute votre sollicitude et qui a été vivement recommandé au gouvernement par d'honorables membres appartenant aux deux côtés de la chambre, et notamment par l'honorable comte de Mérode, et par l'honorable M. Dumortier. Le palais de Liège est un monument qui fait honneur au pays et, comme l'a dit M. Dumortier, ce serait une honte de le laisser tomber en ruine.

M. Destriveaux. - Je remarque, dans les lignes qui terminent le rapport ces expressions : Et l'honorable M. Desîriveàux avait quitte la séance parce qu'il ne désirait pas prendre part au vote.

Je dois une explication à la chambre sur cette énonciation. J'ai été appelé à la section centrale en remplacement d'un membre qui en faisait partie d'abord et qui avait quitté la séance.

J'étais donc étranger aux discussions qui avaient précédé. Il s'est agi aussi des dépenses que devait entraîner la restauration du palais de Liège. J'étais complètement d'avis qu'il était nécessaire, indispensable que cette restauration fût achevée; mais il a été présenté des devis dont la somme s'élevait très haut.

Etranger jusqu'alors à cet objet, je n'ai pas eu le temps nécessaire pour examiner les pièces et me former une opinion. J'ai craint, dans ma position d'incertitude, d'être à mon insu, contre mon gré, entraîné par ce qu'on appelle de temps en temps l'influence de l'intérêt local. Je ne voulais pas avoir l'apparence d'être la cause qu'une localité a été favorisée, je craignais de contribuer par ma faiblesse à augmenter les faveurs qui tombent comme une pluie d'or sur la ville à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir et sur la province qui ne ressent pas plus l'utilité que le reste de la Belgique.

Ceci me suggère une observation. Nous parlons tous les jours de notre nationalité dont nous sommes fiers et nous avons raison de l'être. Pour ne pas compromettre ce grand principe, qu'on s'abstienne de ces attaques si souvent réitérées contre une localité qu'on présente sans cesse comme favorisée aux dépens des autres, quand c'est le contraire qui est la vérité.

M. Veydt, rapporteur. - L'honorable M. Destriveaux, qui avait pris part à l'examen des deux autres projets envoyés à la commissions vient d'expliquer les motifs qui l'ont porté à s'abstenir au sujet de celui que nous discutons. Je crois pouvoir dire que c'est ainsi que nous avions compris ses motifs.

Nous sommes, messieurs, tous d'accord sur un point, c'est qu'il faut achever l'œuvre commencée. Le palais de Liège doit être restauré d'une manière digne du monument ; je dirai même qu'il doit être convenablement meublé. Mais au moins faites les dépenses en parfaite connaissance de cause; apportez des devis qu'on peut voter sans crainte d'avoir accordé des sommes, qu'un examen suffisamment approfondi aurait pu épargner. Pour cela il faut plus de temps; il faut des renseignements et des calculs auxquels la commission n'a pas pu se livrer.

C'est là ce qui motive très bien, suivant la commission, la proposition restrictive qu'elle est venue apporter à la chambre, et il y a d'autant plus de raison de l'admettre, que le retard ne sera pas préjudiciable. Le gouverneur de Liège doit quitter l'hôtel, loué pour lui, à la fin de l'année. Si les travaux de construction sont achevés en octobre, le crédit de l'ameublement pourra être voté au commencement de la session prochaine et l'installation ne devra pas être différée. D'ailleurs il y a des meubles; tout ne doit pas être renouvelé ni commandé. Commençons, messieurs, par voter le crédit de 50,000 francs.

M. Dumortier. - J'ai toujours considéré le palais de Liège comme un des monuments les plus importants, les plus remarquables de la Belgique. Quand il s'est agi d'accorder des fonds pour le restaurer, je me suis levé pour appuyer les projets de lois. Toutes les fois que des fonds seront demandés pour la restauration d'un monument aussi remarquable, ma voix est apurée d'avance; mais dans le projet qui nous est soumis, la restauration du monument n'entre que pour une part très faible, pour un tiers.

D'après le rapport 48 mille francs seulement sont destinés aux travaux de réparation, mais en revanche la somme demandée pour decors intérieurs est de 57 mille francs, et pour la moitié de l'ameublement 22 mille francs; ainsi les décors et le mobilier auront coûte 100 mille francs.

(page 1446) L'archéologie est tout à fait en dehors de cette dépense. Demandez ce qui est rigoureusement nécessaire pour décorer et meubler l'intérieur, je le voterai; mais on ne peut pas raisonnablement demander pour cet objet 100 mille francs.

Comment ! 57,000 fr. pour les décors de quelques appartements ! 44,000 francs pour le mobilier ! Mais que veut-on faire? En vérité, messieurs, quand je disais tout à l'heure qu'on voulait introduire dans cet édifice un luxe oriental... (interruption), un luxe de Sardanapale si vous le voulez, cela n'était certes pas hors de raison. J'ai vu le Palais-Royal et je puis dire qu'il n'y règne pas un semblable luxe. (Interruption.)

J'ai jeté les yeux sur les devis et j'ai ai vu figurer, entre autres, des fauteuils à 200 fr. pièce, des rideaux à 600 fr. et une foule d'autres objets du même genre. Mais, messieurs, si vous consentez à faire de telles dépenses pour le gouverneur de la province de Liège, vous devrez en faire aussi pour les autres ; car je connais les hôtels des gouverneurs du Hainaut et du Brabant, et je puis dire qu'ils ne présentent par un semblable luxe.

D'ailleurs, messieurs, veuillez-le remarquer, un gouverneur touche 14,000 francs de traitement; il faut que son logement soit en rapport avec ce traitement; on peut donc dire qu'un hôtel de 100,000 francs est hors de toute proportion avec le traitement alloué à cette classe de fonctionnaires. Sans doute on dira, comme M. le minisire de l'intérieur, qu'il est des particuliers qui possèdent des ameublements infiniment plus riches; mais s'ils font de telles dépenses, c'est que leur fortune le leur permet et qu'ils peuvent disposer d'un revenu bien supérieur au traitement dont jouissent les gouverneurs.

- Un membre. - Alors il ne faut pas les loger dans des palais.

M. Dumortier. - On peut fort bien les loger dans des palais, mais il est parfaitement inutile de mettre tant de luxe dans l'ameublement de ces édifices. Allez en Italie, à Venise, par exemple, vous y verrez des palais magnifiques à l'extérieur et dont l'ameublement est loin d’être aussi riche.

Ces dépenses sont donc tout à fait inutiles. Je veux qu'on laisse au palais des princes-évêques de Liège tout son caractère monumental, mais je ne puis consentir à ce qu'on dépense 57,000 francs pour le décorer à l'intérieur.

Cet édifice contient des bâtiments ornés avec beaucoup de luxe, ces bâtiments pourront servir, mais je ne veux pas qu'on en adjoigne de nouveaux, ornés avec la même magnificence pour le gouverneur; car enfin, messieurs, les gouverneurs ne sont pas des princes-évêques. (Interruption.) Le pouvoir esl laïque, il faut donnera ses agents un traitement conforme aux principes que nous admettons tous.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les palais de nos évêques actuels coûtent beaucoup plus cher.

M. Dumortier. - Je ne pense pas que l'on ait dépensé autant pour aucun d'eux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur ; un de mes collègues me dit que les décorations et l'ameublement du palais épiscopal de Liège ont coûté 120,000 fr. en 1829.

M. Dumortier. - J'admets que l'on ait dépensé cette somme pour les restaurations; mais si on l'a affectée à autre chose, je ne sais vraiment ce qu'on a pu faire à cet édifice, et quant à moi, je ne l'eusse certainement pas approuvée.

Il faut donner à nos fonctionnaires publics un ameublement modeste; nos ministres eux-mêmes doivent être logés convenablement mais sans faste. Je le demande à M. le ministre de l'intérieur, ne lui répugnerait-il pas de loger dans un hôtel meublé avec un pareil luxe? Je suis persuadé qu'il ne voudrait pas ; je suis persuadé qu'il me ferait cet aveu qui l'honore à mes yeux.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'ameublement des hôtels ministériels a coûté, je présume, plus de 57,000 fr.

M. Dumortier. - Je ne sais pas ce qu'a coûté cet ameublement ; mais si vous voulez dépenser pour chaque hôtel de gouvernement provincial une somme aussi considérable, vous devrez porter au budget un crédit extraordinaire de 800,000 à 900,000 fr. Je doute que la chambre soit disposée à le voter. Le gouverneur de Liège pourrait, me semble-t-il, se contenter d'un mobilier aussi simple que celui de ses collègues de Mons et de Bruxelles, qui remplissent aussi bien leurs fonctions que si on avait dépensé 57,000 fr. pour décorer leurs hôtels.

Puisqu'on a parlé de restauration, je prie M. le ministre de la justice, parce, qu'il est ici présent, de penser aussi à la cathédrale de Tournay. (Ah ! ah !) Pourquoi pas, messieurs? Je ne demande rien pour son ameublement. La cathédrale de Tournay est un des monuments les plus importants de la Belgique. Nous avons en Belgique quelques monuments qui en font la gloire et l'honneur, et à quelque localité qu'ils appartiennent je désire qu'on les entretienne avec tout le soin qu'ils méritent. Nous en sommes arrivés à ce point, quant à la cathédrale de Tournay, que la commission, privée de ressources, a dû renvoyer les ouvriers qu'elle employait à la restauration de ce monument.

J'espère que M. le ministre de la justice voudra bien nous continuer l'allocation des fonds nécessaires à l'achèvement de ce travail indispensable.

Sous ce rapport, messieurs, on ne pourra pas me reprocher d'être exclusif; car je désire que le gouvernement montre la même sollicitude pour tous les monuments qui font la gloire de la Belgique.

M. le président. - Voici la proposition de M. le ministre de l'intérieur; elle consiste à réunir les n°2 et 3 et à réduire le chiffre à 67,000 fr. ; il y aurait donc une différence de 8,243 fr. à retrancher de 163,803-62, ce qui ramènerait le crédit à 155,560-62.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai qu'un mot à dire relativement au monument qui nous occupe.

Il est bon que vous sachiez, messieurs, que pendant de longues années la province de Liège a soutenu que ce monument était sa propriété. Elle a annoncé l'intention de disposer d'une partie du domaine afin d'en employer le prix à la restauration de l'édifice, qui, comme vous le savez, tombait en ruine de divers côtés.

Le gouvernement est intervenu et a contesté à la province de Liège la propriété de ce monument. Il faisait remarquer qu'un pareil monument devrait être entre les mains de l'Etat; que l'Etat seul pouvait le faire restaurer convenablement.

Un procès a été intenté; la province a gagné en première instance, mais elle a perdu en appel et en cassation.

Voici le mémoire qui a été présenté au nom du domaine dans cette affaire. J'y lis :

« N'est-il pas étrange que le gouvernement belge, voulant conserver à la province un monument aussi précieux et se disposant à demander à la législature les fonds nécessaires pour le restaurer, rencontre de l'opposition chez les mandataires de la province. »

Le domaine a donc gagné son procès ; il est resté en possession du monument, et immédiatement après l'arrêt de la cour de cassation, le gouvernement a demandé aux chambres le premier crédit pour la restauration de l'édifice.

Vers ce même temps l'hôtel du gouvernement provincial a été incendié à Liège. On a fait entrer dans les plans d'appropriation et de restauration du palais la construction d'une habitation pour le gouverneur. C'est dans le palais, et comme faisant partie de'la restauration de l'ensemble de l'édifice, que se trouve l'habitation qu'on doit procurer au gouverneur par suite de l'incendie de l'hôtel qu'il occupait.

Aujourd'hui il s'agit, je ne parle que de la partie de la dépense qui concerne la construction, d'achever cette construction. C'est encore une partie du crédit nécessaire. Car, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, il en faudra bien d'aulres avant que ce monument soit entièrement restauré. Il reste encore beaucoup de parties du bâtiment qui tombent en ruine.

Vient maintenant la question d'ameublement. Je ne suis pas d'avis non plus que l'on fasse un luxe magnifique, un luxe oriental, un luxe de Sardanapale à nos gouverneurs, comme dit l'honorable M. Dumortier.

Cependant il ne faut pas non plus, pour la dignité du gouvernement, que le premier fonctionnaire de l'Etat soit placé dans un hôtel mal meublé, moins bien meublé que ne le serait celui des particuliers dans la ville qu'il occupe. Car vous savez que la considération s'attache aussi à la manière dont savent représenter les gouverneurs de province. C'est quelque chose dans l'intérêt du gouvernement. Après cela qu'on fasse un peu moins pour le luxe des fauteuils, pour le luxe des rideaux, cela est possible. Qu'on ne mette pas autant de glaces sans tain, c'est encore admissible. Mais je crois que de compte fait, et après avoir réduit ce qu'on peut réduire, on n'arrivera, en définitive, qu'à une diminution de quelques milliers de francs sur une dépense de cette nature. On a l'air de citer une dépense de 57,000 fr. pour décors et une dépense de 44,000 fr. pour mobilier comme une chose fabuleuse, extraordinaire, monstrueuse. Ce sont presque les fauteuils de M. de Peyronnet. Mais, messieurs, il est évident pour tous ceux qui ont meublé un hôtel que des dépenses de ce genre n'ont rien d'exagéré. Je concède 100 fr. à diminuer sur les tentures d'une croisée ; mais tous ceux qui ont garni des croisées savent qu'il coûte 400, 500 et 600 fr. pour décorer convenablement une croisée. Cela dépend aussi de la dimension des croisées et de l'étoffe qu'on veut y employer, comme dit l'honorable M. Dumortier. Mais faut-il y mettre du calicot? Je sais très bien qu'on pourrait orner avec beaucoup moins de 600 fr. Mais la question est de savoir si un ornement convenable, en rapport avec le rang du fonctionnaire et avec la grandeur de l'hôtel, ne comporte pas une dépense de cette force. Faites-vous fournir l'état des dépenses faites pour les autres hôtels que vous a cités l'honorable M. Dumortier, et vous trouverez une dépense sinon supérieure, tout au moins égale à celle qu'on vous demande.

- La discussion esy close.

Le chiffre de 152.560 fr. 62 c. proposé par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 50,000 fr., proposé par la section centrale, est adopté.

Article 2

« Art. 2. La dépenses de 163,803 fr. 62c. sera couverte au moyen d'une émission de bons du trésor en addition de celle autorisée par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1849. »

- Par suite de la modification apportée à l'article premier, le chiffre de 163,805 fr. 2 c. doit être remplacé par celui de 50,000 fr.

L'article, ainsi modifié, est adopté.

La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet.

Second vote des articles

Article premier

La discussion est ouverte sur l'amendement apporté à l'article premier.

M. Lesoinne. - Je ferai remarquer à la chambre que la section centrale ne propose qu'un crédit de 50,000 fr. et que, pour continuer les travaux de restauration, il faut 84,560 fr. 3 c. On alloue donc même un chiffre insuffisant pour continuer les travaux de restauration.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je pense, ainsi que je l'ai dit, que la chambre n'a pas été suffisamment éclairée. La section centrale propose l'adoption et la chambre reconnaît l'utilité des sommes demandées pour les travaux d'appropriation de la partie du palais destinée au logement du gouverneur, et, en effet, si cette partie du palais n'est pas appropriée, le gouverneur sera obligé de louer un nouvel hôtel, attendu qu'il doit quitter celui qu'il occupe actuellement. En supposant qu'il trouve un hôtel, il y aura des frais de loyer, le gouverrnement devra s'engager pour un certain nombre d'années, il y aura en outre des dépenses d'appropriation, de déménagement. Et tout cela sera provisoire. C'est donc une mesure d'économie que d'accorder la somme demandée pour approprier la partie de l'hôtel destinée à loger le gouverneur, et la chambre accorde cette somme; mais elle refuse le crédit nécessaire pour l'ameublement.

Qu'on me permette de le dire, ce procédé manque entièrement de logique: il faut que les locaux soient habitables ; pour être habitables il faut qu'ils soient meublés ; il faut donc aussi voter une somme pour l'ameublement. On avait d'abord demandé 22,000 fr. pour la moitié de cette dépense; j'ai fait une réduction de 12,000 fr. il reste donc 10,000 francs pour les premières dépenses d'ameublement de l'hôtel. Cela est insuffisant; il faudra voter un nouveau crédit l'année prochaine où dans deux ans; mais enfin, pour donner satisfaction à ceux qui trouvent la dépense trop forte, j'ai réduit le crédit à 10,000 fr.

En ordonnant la restauration du palais, vous n'avez pas voulu faire un simple objet d'art, vous avez voulu aussi que le palais pût être utilisé. Ce n'est pas seulement une magnifique enveloppe de pierre de taille que vous avez voulu établir. On placera là différentes administrations, à commencer par le gouvernement provincial. Si le palais n'avait pas existé, il aurait fallu construire un hôtel pour le gouverneur, mais on a trouvé le moyen d'utiliser le monument tout en le restaurant. (Interruption.) Si l'on veut ce que l'on annonce vouloir, si l'on donne la somme nécessaire pour achever le local, afin que le gouverneur puisse y entrer et décharger ainsi le budget d'une dépense de 5,500 fr. par an, il est impossible de ne pas lui permettre de s'installer.

Il faut ou supprimer toute la dépense, et tout ajourner aux risques et périls du trésor, ou bien, si vous accordez les fonds nécessaires pour achever le local, il faut aussi voter les sommes indispensables pour l'ameublement. Quant à moi, je refuse tout, si on ne veut pas accorder ce qu'il faut pour que la dépense soit utile.

Ensuite, messieurs, il y a une aile qui menace ruine; voulez-vous laisser cette aile s'écrouler? La chambre en prendra la responsabilité. Quant à moi, je ne suis pas l'auteur de la restauration du palais de Liège; mais j'y applaudis beaucoup ; peut-être eût-on pu y mettre moins de luxe, mais enfin le principe est décidé et il faut accorder dès lors les moyens d'exécution, il faut les accorder sans regret, sans envie, comme les députés de Liège ont accordé sans récrimination aux autres localités les sommes qui leur étaient nécessaires, comme ils ont accordé notamment à la ville de Tournay les moyens de restaurer sa cathédrale. Cette dépense s'élève déjà à 350,000 fr. et les députés de Liège n'ont pas récriminé contre l'ancien député de Tournay qui a pris tout à l'heure la parole.

Je supplie donc la chambre de ne pas émettre un vote que l'on devrait considérer comme peu réfléchi. Je la supplie de bien vouloir accorder tout ou rien, car je déclare que je ne puis faire aucun emploi utile de la première somme, si vous ne votez pas en même temps celle qui est nécessaire pour meubler les appartements que le gouverneur doit occuper.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier. - Je prie la chambre de ne pas prononcer la clôture alors qu'on vient de présenter nos observations comme des récriminations.

- La discussion est close.

M. le président. - Nous sommes de nouveau en présence de la proposition de M. le ministre. La réduction qu'il propose est de 12,245 fr. 59 c, ce qui réduit le crédit à 151,560 fr. 3 c.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal sur le chiffre de 151,560 fr. 3 c.

En voici le résultat :

58 membres répondent à l'appel.

30 répondent oui.

28 répondent non.

En conséquence, le chiffre du gouvernement est adopté.

Ont répondu oui : MM. Anspach, Bruneau, Dechamps, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Mérode, de Pitteurs, De Pouhon, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dumont (G.), Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Manilius, Moncheur, Rogier, Rolin, Sinave, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Van Hoorebcke et Allard.

Ont répondu non : MM. Cans, Clep, Cools, Coomans, David, de Baillet (Hyacinthe), de Haerne, de Luesemans, de Perceval, de Royer, Dubus, Dumortier, Lelièvre, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghm, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII et Verhaegen.

Article 2

« Art. 2. La dépense de cent soixante-trois mille huit cent trois francs soixante-deux centimes (fr. 163,803 62), sera couverte au moyen d'une émission de bons du trésor en addition de celle autorisée par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1849. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à l'appel nominal pour le vote sur l'ensemble du projet de loi.

61 membres ont répondu à l'appel nominal.

31 membres ont répondu oui.

29 membres ont répondu non.

1 membre (M. de Mérode) s'est abstenu.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

M. de Mérode. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que l'article 2 porte que la dépense dont il s'agit sera couverte au moyen d'une émission de bons du trésor en addition de celle qui est autorisée par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1849. Or, je me suis constamment prononcé contre le système des bons du trésor, que j'ai toujours qualifié de mauvais pour le trésor. Je ne puis pas dévier de cette ligne que j'ai suivie sans cesse, parce qu'elle me paraît indispensable, si l'on ne veut pas arriver à un déficit complet dans les finances.

Ont répondu oui : MM. Anspach, Bruneau, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Le Hon , Lesoinne, Manilius, Moncheur, Rogier, Rolin, Sinave, T'Kint de Naeyer.Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Van Hoorebeke et Allard.

Ont répondu non : MM. Cans, Clep, Cools, Coomans, David, de Baillet (Hyacinthe), de Haerne, de Luesemans, de Royer, Dubus, Dumortier, Jacques, Lelièvre, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ern.), Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII et Verhaegen.

Projet de loi accordant un prêt de 1,3 million de francs au concessionnaire du chemin de fer de Namur à Liége

Discussion générale

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à prêter à la compagnie concessionnaire des chemins de fer de Liège à Namur et de Manage à Mons, et ce, aux conditions convenues entre elle et le gouvernement, une somme de treize cent mille francs, qui sera affectée exclusivement à l'exécution des travaux d'établissement de la partie de la ligne de Namur à Liège, comprise sur la rive gauche de la Meuse, entre le point de bifurcation à Flémalle et la station du chemin de fer de l'Etat, dite de Guillemins, à Liège. »

M. Osy. - Messieurs en règle générale, je voudrais que le gouvernement ne se mêlât pas du tout des affaires des compagnies de chemin de fer. Ce que nous allons faire aujourd'hui ne doit pas être un précédent pour les autres compagnies qui pourraient venir demander des secours ou des subsides. Il s'agit ici de l'intérêt général du pays.

Nous savons tous dans quelle situation se trouve le pont du Val-Benoît ; il faut espérer qu'il ne lui arrivera pas malheur ; cependant s'il venait à tomber, il en résulterait les plus grandes pertes pour le pays. Nos communications avec l'Allemagne seraient interrompues, ou on serait obligé de passer par Bruxelles, Namur et Liègc. On sait que toutes nos relations avec l'Allemagne ont pris une grande extension, qu'il nous arrive beaucoup de marchandises; si les communications étaient interrompues, nous perdrions tout le fruit des sacrifices que nous en avons faits pour aboutir au Rhin.

Il ne faut pas considérer l'avance qu'on demande à être autorisé à faire, comme une faveur accordée à la compagnie ; c'est dans l'intérêt général du pays que nous devons adopter la proposition du gouvernement; j'y donnerai mon adhésion, mais je proposerai d'ajouter un article 2 pour déterminer de quelle manière on fera les fonds. Je vois dans le rapport que le gouvernement se propose de donner des obligations 5 p. c. Si cela peut se faire de cette manière, le gouvernement ne ferait pas une mauvaise affaire, mais je ne suis pas certain que cette manière de payer sera acceptée; dans ce cas, il faut indiquer un moyen de faire face a la dépense.

(page 1438) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vais expliquer en deux mots comment se fera l'opération qui déjà a été indiquée, et on verra qu'elle ne sera en aucune façon onéreuse pour le trésor. Cette explication démontrera aussi qu'il n'y a pas lieu d'insérer une disposition pour indiquer par quel moyen on fera face à cette dépense. Ce n'est pas une dépense. Le gouvernement administre la caisse des dépôts et consignations. Cette caisse possède un grand nombre de valeurs; mais le gouvernement qui fait le service de la caisse a fait des avances à cette caisse pour éviter des réalisations à un taux très onéreux; Ainsi le 3 p. c. qu'elle détient a été acheté à 74; s'il avait fallu réaliser, on aurait perdu la différence entre 74 et le cours actuel 62 1/2;

La caisse des dépôts et consignations est donc débitrice de la caisse de l'Etat du trésor d'une somme qu'on peut évaluer à 1,800.000 francs ou deux millions. Le seul avantage que retire la caisse de l'Etat de cette opération, c'est de retirer l'intérêt. Je vais me borner à remettre à la compagnie une somme d'obligations suffisante pour faire un capital de 1,300,000 fr. dont elle payera l'intérêt à 5 p. c. L'Etat ne subira aucune perte; la compagnie lui remettra à l'époque déterminée les mêmes titres à la caisse de l'Etat ou des dépôts et consignations.

Sous ce rapport il ne peut résulter aucune espèce de préjudice possible pour l'Etat.

Cette mesure a un autre avantage, c'est d'éviter l'émission de bons du trésor. Si une émission de bons du trésor était faite, il faudrait la constater, il y aurait une entrée et une sortie de fonds, mais ici il n'y a rien de semblable à faire. Je suis maître des fonds qui sont à la caisse des dépôts et consignations, je pourrais les réaliser si je voulais; je n'ai pas besoin d'autorisation pour réaliser ; la seule autorisation qui m'était nécessaire, c'était pour traiter.

M. Cools. - L'explication, en ce qui concerne les moyens de trouver les fonds, est très claire. Mais je demanderai à M. le ministre une déclaration complémentaire. A mes yeux, il est suffisamment démontré qu'il ne s'agit pas d'une dépense dans la véritable acception du mot, mais simplement d'une avance remboursable à terme. Mais, s'il résulte de la loi, expliquée comme elle vient de l'être par M. le ministre qu'il n'y a pas de dépense nouvelle, il doit être entendu également qu'il n'y aura pas de recette quand la compagnie remboursera ; qu'il n'y aura pas lieu, par conséquent, de décider encore quelque chose quant à l'emploi des fonds qui est déterminé dès ce moment. Vous savez ce qui a eu lieu dans le temps pour le prêt à la Banque de Belgique ; les choses ne se sont pas passées très régulièrement ; quand la banque s'est libérée, les recettes ont passe dans les dépenses courantes.

Les choses ne pourront plus se passer ainsi. Je demande à M. le ministre cette déclaration que, comme il n'y a pas de dépense, il n'y aura pas de recette quand la compagnie se libérera ; sans cela, la comptabilité exigerait qu'on décidât aujourd'hui les voies et moyens pour couvrir la dépense, et que plus tard on portât la somme en recette, s'il n'était pas décidé dès à présent qu’à la rentrée les fonds reprendront l'emploi qu'on leur ôte aujourd'hui, on pourrait plus tard disposer des rentrées, et après cela venir encoie nous demander des crédits pour remplacer les valeurs qu'on enlève momentanément à la caisse des consignations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais pas ce qui s'est passé lors du prêt fait à la Banque de Belgique. Je conçois parfaitement que si, à cette époque, on a créé des ressources pour procurer une somme de 4 millions à la Banque de Belgique, et si ensuite on a fait absorber les rentrées successives par les dépenses courantes, il y a eu là quelque chose d'assez difficile à expliquer. Mais ici cela est matériellement impossible. Que se passe-t-il ? On a prélevé sur la caisse de l'Etat une somme de 2 millions, je suppose; la caisse de l'Etat est donc de ce chef créancière de la caisse des consignations ; par contre, la caisse de l'Etat a des titres qui représentent cette valeur. Aujourd'hui la caisse de l'Etat se borne à percevoir des intérêts du chef de cette avance. Maintenant, je vais disposer des titres en faveur d'un tiers; quand celui-ci restituera ces titres, je serai de nouveau dans la même position qu'aujourd'hui; c'est-à-dire que je pourrai réaliser ces fonds si les circonstances sont favorables; de uiauièrc que, en aucun cas, l'Etal ne peut essuyer la moindre perte. Mais ces fonds doivent passer nécessairement dans les dépenses de l'Etat, puisqu'ils ont été affectés à une dépense de l'Etat. Vous comprenez donc, messieurs, que l'opération à laquelle l'honorable membre fait allusion esi matériellement impossible.

(page 1451) M. De Pouhon. - Je ne parlerai du fond de la question que pour reprocher au gouvernement de ne pas avoir déposé plus tôt le projet de loi. Le danger que présente le pont du Val-Benoît se révéla en août dernier; un second avertissement fut donné en octobre, et si des mesures avaient été prises alors, il n'y aurait plus à redouter l'interruption de la communication entre les deux rives de la Meuse par le chemin de fer, car l'embranchement serait achevé à l'heure qu'il est.

Je demanderai à M. le ministre des finances si le vote du projet de loi l'astreindra d'une manière absolue au mode d'avance qu'il propose, et si, dans l'affirmative, il s'est assuré que la compagnie l'acceptera. J'ai peine à croire qu'elle puisse s'y soumettre.

Si, en vue de la nécessité où elle sera de reproduire le prêt en nature dans six ans, ellee mprunte en donnant les titres 5 p. c. belges en garantie, elle n'obtiendra pas la somme de 1,300,000 fr. qui lui est nécessaire.

Doit-elle réaliser le 3 p. c. pour faire argent?

Elle en retirera 60 p. c, et dans six ans elle sera forcée de racheter cestlitres au pair, car alors, l'amortissement aura absorbé 10 à 12 millions de plus de ce petit emprunt et les détenteurs de titres spéculeront sur la nécessité où sera la compagnie d'en racheter deux millions, et ils les lui feront payer très cher.

Il serait un moyen extrêmement simple de faire l'avance à la compagnie sans lui occasionner de perte et sans mettre le trésor à contribution. Ce moyen consisterait pour elle à créer des obligations portant 5 p. c. d'intérêt et remboursables à six ans de date, obligations que l'Etat garantirait. Les banques prendraient ces obligations au pair, et, à leur défaut, les capitalistes particuliers les rechercheraient avec empressement.

Je recommande ce mode très simple à l'attention de M. le ministre des finances.

(page 1448) M. Osy. - L'explication qu'a donnée M. le minisire des finances me satisfait. Je doute que la compagnie puisse accepter la situation dans laquelle l'honorable M. De Pouhon suppose qu'elle sera placée. Si le gouvernement avait déjà fait une convention, nous n'aurions rien à dire ; mais je crains qu'elle n'éprouve beaucoup de difficulté à négocier sur ce pied, et, sous ce rapport, j'aurais désiré qu'un autre mode fût adopté. Cependant, puisque MM. les ministres des finances et des travaux publics croient que ce mode suffit et que la société consentira, je n'ai aucune objection à faire à cet égard.

Il me reste à dire un mot, au sujet d'une protestation dont a parlé l'honorable rapporteur de la section centrale, et qui est déposée sur le bureau. Cette protestation émane d'un porteur d'obligations, Je suis aussi porteur de semblables obligations ; et, je dois le dire, je suis tout à fait rassuré, malgré cette protestation. Quand les obligations ont été émises pour le chemin de fer de Liège à Namur, il ne s'agissait pas encore de faire un embranchement sur la rive gauche. Maintenant le gouvernement va prêter des fonds pour faire ce travail, de manière que sous ce rapport, les porteurs d'obligations peuvent avoir la sécurité la plus complète.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne me suis préoccupé, moi, que dès intérêts de l'Etat. J'ai dû chercher la combinaison qui présentait le moins d'inconvénients. Nous proposions une mesure qui constituait une faveur pour la compagnie, puisque nous la mettons à même, à l'aide d'une avance, d'exécuter les engagements qu'elle devait accomplir avec ses propres ressources. Ce moyen que nous lui offrons, lui sera-t-il peut être un peu onéreux? Je le regrette, mais je n'ai, quant à moi, à me préoccuper que des intérêts de l'Etat et nullement de ceux de la compagnie.

Pourquoi refuserait-elle le prêt des 1,300,000 francs en titres de la dette? Je trouve que nous faisons déjà beaucoup en donnant nos titres à la compagnie, sauf à elle à les négocier. Mais, dit-on, la compagnie court les chances de devoir racheter ces titres à une somme supérieure à l'émission.

Sans doute, messieurs; mais elle a aussi la chance contraire; elle a aussi la chance que ces titres tombent à un taux inférieur; c'est aléatoire. Si la compagnie a la chance de perdre, elle a aussi celle de gagner considérablement. Quant à l'Etat, messieurs, il ne peut faire ni perte ni gain.

Demander maintenant si nous sommes d'accord avec la compagnie, c'est là une question à laquelle je ne puis répondre d'une manière absolue. J'ai vu fois le directeur de la compagnie, je lui ai exprimé l'intention du gouvernement; je ai lui fait connaître la proposition qu'il était disposé à soumettre aux chambres, et ja n'ai pas rencontré la moindre objection de sa part. Si la compagnie ne veut pas souscrire aux conditions que nous lui poserons, elle cherchera à se tirer d'affaire d'une autre manière; mais je ne pense pas qu'elle élève des difficultés, puisqu'elle a jugé à propos de contracter un emprunt de 12 millions à des conditions infiniment onéreuses, je suppose qu'elle trouvera que le prêt que nous lui offrons est beaucoup plus avantageux pour elle que si elle continuait à émettre les titres de son emprunt de 12,000,000.

Elle a émis cet emprunt, si je ne me trompe, à 83, Ainsi elle a emprunte à un très haut denier.

Elle n'empruntera pas certainement à un aussi haut denier en traitant avec l'Etat aux conditions que je viens d'indiquer.

M. Sinave. - J'ai une interpellation à faire à M. le ministre des travaux publics. Je le prie de nous dire ce qui arriverait si les deux banques refusaient d'avancer les 500,000 francs.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Le gouvernement ne prêtera pas, et on n'exécutera pas les travaux.

M. Sinave. - C'est convenu ainsi.

- La discussion est close.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

60 membres répondent à l'appel nominal.

51 votent pour le projet.

6 votent contre.

3 s'abstiennent.

En conséquence le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, de Haerne, Delfossc, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne Manilius, Moncheur, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputtte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Allard et Verhaeghcn.

Ont voté le rejet : MM. Clep, Dumortier, Jacques, Orts, Peers et Toussaint.

Se sont abstenus : MM. Coomans, de Mérode et Vermeire.

Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - Je me suis abstenu, parce qu'il ne m'est pas démontré qu'on ne peut pas faire un meilleur usage des fonds demandés à l'Etat.

M. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que je ne vois pas de moyens pour subvenir à toutes ces dépenses.

M. Vermeire. - Je n'ai pas voté pour le projet, parce que je ne veux pas poser, par mon vote, un précédent qui permette au gouvernement de s'immiscer dans les affaires particulières.

Je n'ai pas voté contre le projet, parce que je n'ai pu apprécier à leur juste valeur les motifs qui militent en faveur du prêt à faire à la compagnie concessionnaire.

Projet de loi autorisant le gouvernement à apporter des modifications au cahier des charges de la concession du chemin de fer de Liége à Namur

Vote de l’article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Art. unique. Le gouvernement est autorisé, sous telles garantie» et conditions qui lui paraîtront nécessaires : 1° à dispenser la compagnie (page 1449) concessionnaire du chemin de fer de Liège à Namur, de construire les stations spéciales qu'aux termes de l’article premier du cahier des charges de la concession, elle doit établir, l’une aux abords de Namur près de la route de Hannut, l'autre sur la rive gauche de la Meuse, entre cette rivière et la station des Guillemins, à Liège ; 2° à accorder à cette compagnie la faculté de relier le chemin de ter concédé aux stations du chemin de fer de l'Etat, existantes à Liège et à Namur, et de faire usage de ces deux stations. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article unique, qui est adopté par 55 voix contre 5.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau, Bruneau, Christiaens, Clep, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode, de Pitteurs, De Pouhon, de Royer, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont (Guillaume), Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Manilius, Moncheur, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin , Rousselle, Sinave, Thiefry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Allard et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Coomans, de Perceval, Orts, Toussaint et Vermeire.

Projet de loi accordant un prêt de 1,3 million de francs au concessionnaire du chemin de fer de Liège à Namur

Motion d'ordre

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, lorsque M. le président a lu tout à l'heure le projet de loi relatif au prêt de 1,300,000 fr., j'avais pensé qu'il donnait lecture du projet de loi concernant le changement des stations; mon intention était de proposer au premier projet un changement de rédaction, il a été compris par tout le monde, et cela résulte parfaitement des explications qui ont été données qu'il n'y a pas encore de convention faite entre le gouvernement et la compagnie, or, le projet porte :« aux conditions convenues entre le gouvernement et la compagnie. » Au lieu de cela il est entendu que c'est aux conditions à convenir. Je demanderai que cette recliucation soit faite.

M. Rousselle. - Messieurs, je dois déclarer qu'en section centrale M. le ministre avait proposé ce changement et que la section centrale l'avait adopté. J'ai pensé que le projet soumis à la chambre était le projet de la section centrale.

M. Bruneau. - C'est parfaitement exact. Il faut dire : « Les conditions à convenir. »

M. le président. - Le changement sera opéré.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur, pour la voirie vicinale et des travaux d’hygiène publique

Rapport de la section centrale

M. Rousselle donne lecture de son rapport, qui est ainsi conçu :

Messieurs, dans la séance du 8 de ce mois, M. le ministre de l'intérieur a soumis à la chambre un projet de loi tendant à ouvrir à son département un crédit de 450,000 fr. qu'il destine, savoir :

1° A des travaux d'amélioration de la voirie vicinale jusqu'à concurrence de fr. 300,000 ;

2° A des travaux d'assainissement dans les villes et les communes rurales jusqu'à concurrence de fr. 150,000.

Total égal à fr. 450,000.

Ce crédit serait couvert au moyen d'une émission de bons du trésor en addition de celle autorisée par l’article 3 de la loi du 30 décembre 1849.

La section centrale chargée de l'examen du budget de l'intérieur, pour 1851, a qui ce projet a été renvoyé, s'en est occupée d'urgence aussitôt après qu'elle eut été complétée comme commission par le bureau, en suite de la décision de la chambre.

Votre commission ne peut que regretter qu'une demande aussi importante ait été présentée, au dernier moment de la session, alors que la chambre fatiguée d'une très grave et très longue discussion, et réduite à un petit nombre de ses membres, ne peut plus donner une attention assez soutenue aux sérieuses questions qu'elle soulève.

Sans doute, l'amélioration de la voirie vicinale excite, à juste titre, la sollicitude du gouvernement, et votre commission applaudit avec sympathie aux dispositions qu'il annonce en faveur de la viabilité rurale ; mais il est des limites que le législateur, qui vote les impôts, doit bien se garder de franchir, au risque de compromettre l'état financier du pays et d'affecter trop fortement l'intérêt des contribuables. D'ailleurs, une certaine mesure est nécessaire dans l'allocation des subsides de l'Etat pour la voirie vicinale, parce que ces subsides devant se combiner, dans de justes proportions, avec les efforts des provinces et des communes, il convient de contenir même celles-ci dans leur initiative, afin qu'elles n'épuisent pas, au contraire qu'elles ménagent avec discernement leurs propres ressources.

Le budget du département de l'intérieur pour 1850 alloue déjà pour le service de la voirie vicinale la somme de 300,000 fr. ; et sur le crédit ouvert par la loi du 21 juin 1849, il peut encore y être applique environ 100,000 fr. Si donc l'on ajoutait a ces deux sommes celle de 150,000 francs, le gouvernement pourrait prendre des engagements jusqu'à concurrence de 550,000 fr., ce qui comporterait une dépense de 1,650,000 francs au moins pour l'amélioration de la voirie vicinale en 1850. Votre commission pense que, de cette manière, il serait bien permis d'attendre le vote du budget et l'ouverture de l'exercice 1851.

Quant aux travaux d'assainissement dans les villes et dans les communes rurales, votre commission considère que ce serait d'une gravité extrême que de faire passer dans la législation du pays ou simplement dans la pratique administrative que les fonds de l'Etat dussent être employés à aider les communes à assurer la salubrité et la propreté de leur territoire, objet spécialement confié à leurs soins comme étant d'une obligation toute locale.

Les nouvelles demandes dont le gouvernement est assailli prouvent qu'il est toujours dangereux d'ouvrir la voie à de nouvelles charges ; elle s'élargit à mesure que l'on y entre. Votre commission regarde donc comme une nécessite des plus pressantes de s'arrêter, au moins tant que la chambre n'aura pu se livrer à l'examen approfondi dont votre commission n'aurait pu préparer les éléments, et que ne comporte certainement point le moment de la session où nous sommes arrivés.

Toutefois, votre commission est d'avis que si, ce qu'à Dieu ne plaise, de nouvelles épidémies venaient à se manifester dans quelque partie du pays, le gouvernement doit pouvoir disposer de certaines sommes, non pour remplacer l'action des communes et de la charité privée, mais pour la stimuler et porter les secours de la science dans les localités qui en sont privées, et dont les ressources financières seraient insuffisantes. Envisageant la question sous ce point de vue, votre commission pense qu'il y a lieu d'ouvrir au gouvernement un crédit de 50,000 francs.

D'après ces considérations succinctes, votre commission propose l'adoption du projet de loi, mais en en modifiant l’article premier en ces termes :

« Il est ouvert au déparlement de l'intérieur un crédit extraordinaire de 200,000 francs, à repartir ainsi qu'il suit ;

« 1° Pour aider à l'exécution de travaux d'amélioration de la voirie vicinale : fr. 150,000

« 2° Pour le service de l'hygiène publique, en cas d'épidémies, 50,000. »

Cette proposition a été adoptée par six voix contre une abstention. Le membre qui s'est abstenu a expliqué que bien qu'il fût favorable au principe de la dépense, telle qu'elle vient d'être limitée, il ne pouvait cependant donner un vote affirmatif à la loi, attendu qu'il n'y avait pas d'autre moyen de payer la dépense que par des bons du trésor dont l’émission lui paraît déjà trop considérable : à son avis, on ne peut grever l'avenir pour des charges qui, de leur nature, doivent être couvertes par des ressources permanentes.

Discussion générale

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la section centrale propose de réduire à 200,000 fr. le crédit de 450,000 demandé par le gouvernement. Il m'est impossible, messieurs, de me rallier à cette proposition.

Messieurs, les besoins de la voirie vicinale augmentent chaque jour; si je devais demander à la chambre les sommes nécessaires pour faire face aux besoins urgents, aux besoins constatés, c'est une somme de 600,000 francs que j'aurais dû proposer.

Jamais la chambre n'a refusé au gouvernement les subsides nécessaires pour la voirie vicinale; au contraire , le gouvernement a, presque chaque année , à lutter contre les propositions d'augmentations. L'honorable rapporteur de la section centrale lui-même, l'honorable M. Rousselle doit se rappeler que, l'année dernière, il a proposé au budget une augmentation du 200,000 francs, c'est-à-dire qu'il proposait de porter a 500,000 francs le crédit destiné à se renouveler chaque année. Nous pensions alors que c'était aller trop loin que de porter tout d'un coup le crédit annuel aà 500,000 francs, vu l'état de nos finances ; mais nous avons fait la réserve de ne demander des crédits extraordinaires que quand les besoins seraient constatés.

Vient maintenant la somme de 150,000 francs pour travaux d'assainissement dans les villes et dans les communes rurales. La section centrale propose de réduire ce chiffre à 50,000 francs, et encore elle le réserve pour le cas où des épidémies viendraient à se déclarer. Eh bien, nous ne voulons pas du crédit pour une telle éventualité; la dépense a pour but, au contraire, de prévenir les épidémies; il faut faire en sorte que les causes de maladie viennent à disparaître par les efforts combinés du gouvernement et des administrations locales; c'est une des améliorations les plus utiles dont la législature puisse s'occuper. (Aux voix!)

M. Osy. - Messieurs, voici encore un projet important, déposé avant-hier et sur lequel nous devons voter à la hâte, sans avoir de rapport imprimé.

Il y a quelques années, il y avait au budget un crédit de 100,000 fr. pour la voirie vicinale, crédit porté ensuite à 300,000 francs sur la demande de l'honorable M. Eloy de Burdinne; cet honorable membre a même insisté souvent pour avoir une somme de 500,000 fr. que, comme députe et comme ministre, l'honorable M. Rogier n'a pas votée.

Le 18 avril 1848, nous avons mis à la disposition du gouvernement un crédit de 2 millions, sur lequel il a prélevé un peu plus de 550,000 fr. pour la voirie vicinale. Le 21 juin 1849, vous avez vote un nouveau crédit d'un million applicable par moitiés aux deux exercices 1840 et 1850. L'emploi spécial de ce crédit n'a pas été déterminé dans la loi, mais elle portait que la somme était destinée à la voirie vicinale. (Aux voix!)

Il s'agit maintenant d'une somme de 450,000 fr. ; nous n'avons pas de rapport imprimé ; on ne veut pas même nous donner le temps de parler. (page 1450) Je maintiens mon droit à la parole, et je fais observer aux impatients que ce ne sera pas ma faute si la loi n'est pas votée.

Je dis donc qu'en 1849 nous avons mis une somme de 500,000 fr. à la disposition du gouvernement pour l'année 1850, je crois que la moitié de cette somme est destinée à la voirie vicinale. Nous avons encore voté dans le budget de 1850, 300,000 fr. pour la voirie vicinale. Avant que toutes ces sommes soient épuisées, on songe à de nouvelles dépenses.

Mais remarquez, messieurs, que si vous consacrez de si fortes allocations dans le budget de l'Etat à la voirie vicinale et aux travaux d'assainissement dans les villes, vous mettez par là les villes dans la nécessité de s'imposer de très grands sacrifices; car pour le crédit dépensé en 1848, les communes ont dû s'imposer une dépense de 1,400,000 francs. (Aux voix!)

M. Lelièvre. - Si l'on ne vote pas, la chambre ne sera plus en nombre tout à l'heure.

M. Osy. - Ce ne sera pas ma faute, M. Lelièvre, si la chambre n'est plus en nombre; ce sera la faute du gouvernement qui a présenté si tard ce projet sur lequel nous avons sans doute le droit de parler.

Je dis donc que pour le crédit voté en 1848 les communes se sont imposé un sacrifice de 1,400,000 fr.; pour 1849, la quote-part des communes a été de 500,000 fr., et cette année-ci, elle sera de 600,000 fr. Où allons-nous ?

Je ne voterai pas les 150,000 fr. que propose la section centrale pour la voirie vicinale, parce que le gouvernement a encore le crédit de 300,000 fr. alloué au budget de 1850, et qu'il a encore une partie du crédit voté en 1849.

La section centrale propose à la chambre de ne pas admettre le crédit de 150,000 fr. demandé par le gouvernement pour travaux d'assainissement dans les villes et les communes rurale. Je trouve que ce sont des dépenses que les communes doivent faire. La section centrale propose ensuite de mettre à la disposition du gouvernement une somme de 50,000 fr., pour fournir au gouvernement le moyen de pourvoir à tous les besoins, pour le cas où nous aurions le malheur d'avoir une maladie épidémique, comme nous en avons eu une l'année dernière.

Je voterai cette somme de 50,000 francs avec la destination que propose la section centrale.

- La clôture est demandée.

M. Rodenbach. - Messieurs, je demande à pouvoir dire quelques mots en faveur du projet de loi. Comment ! on a voté des millions pour d'autres objets, et maintenant l'on veut se retirer, alors qu'il s'agit d'une allocation de 300,000 francs destinée à donner du travail dans les campagnes et surtout dans la Flandre occidentale, la province la plus malheureuse ! (Aux voix !)

Encore un mot pour une recommandation à M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre se propose de faire accorder des distinctions honorifiques aux médecins, aux chirurgiens et aux personnes qui se sont distinguées par leur zèle et par leur amour pour l'humanité, lorsque le choléra sévissait dans tout le pays, lorsque le typhus décimait les populations flamandes, notamment dans l'arrondissement de Courtray et Roulers. Je sais que M. le ministre est très bien disposé en faveur de ces personnes qui sont dignes d'une récompense nationale ; je sais que le travail est prêt ; je prierai M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien y donner suite.

- La discussion est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

« Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit extraordinaire de 450,000 francs pour aider à l'exécution de travaux d'amélioration de la voirie vicinale et de travaux d'assainissement dans les villes et dans les communes rurales. »

- Adopté.


« Art.2. Le crédit sera couvert au moyen d'une émission de bons du trésor en addition de celle autorisée par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1849.»

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. La chambre ne se trouve pas en nombre.

- La séance est levée à 4 heures et quart.