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« Histoire
de la révolution belge de 1830 », par Charles White, (traduit de
l’Anglais, sous les yeux de l’auteur, par Miss Marn Corr).
Bruxelles, Louis Hauman et Cie, 1836
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TOME 3
CHAPITRE
SIXIEME
L'armée française quitte la Belgique. - Résultat de l’expédition. -
Négociations renouées par lord Palmerston et le prince de Talleyrand. - Projet
de convention. - Contre-projets. - Interruption des négociations. - Le cabinet hollandais réitère son ordre du 17 novembre. - Rappel de
M. Van Zuylen. - M. Dedel arrive à Londres. - Proposition du gouvernement hollandais. - Convention du 21 mai. - Levée de l'embargo. - Interruption
des négociations définitives. - Convention
de Zonhoven. - Question du
Luxembourg. - Situation
générale de la diplomatie. - Situation
financière et commerciale de la Belgique. - Conclusion.
(page 263) De
toutes les assertions sans fondement et de toutes les prédictions sinistres
auxquelles avait donné lieu l'exécution des mesures coercitives, aucune ne se
vérifia. Au contraire, vingt-quatre jours de tranchée ouverte suffirent pour
réduire la citadelle, sans que la ville eût a souffrir. La Russie, la Prusse et
l'Autriche restèrent spectateurs (page 264)
passifs d'une entreprise exécutée en vertu d'un traité, dont elles étaient
parties contractantes. L'union des cabinets anglais et français se resserra,
sans nuire à leurs rapports de bonne intelligence avec les autres cours. A
l'exception d'une tentative sans résultat qu'ils firent pour détruire et
inonder quelques fermes, les Hollandais n'essayèrent pas de venir au secours de
leurs concitoyens. L'armée française n'eut pas plus tôt remis la forteresse au
pouvoir de ses légitimes propriétaires qu'elle se retira, donnant ainsi une
preuve frappante du désintéressement et de la bonne foi de Louis-Philippe, et
ajoutant aux titres qu'il avait déjà à l'appui de l'Angleterre et à la
confiance des puissances du Nord. La paix, ce but principal de tous les
efforts, ayant résisté à ce choc violent, fut plus assurée
que jamais, et le vote unanime des chambres belges accorda une épée d'honneur
au commandant et des remerciements à cette armée, dont l'entrée dans le pays
avait été présentée comme le résultat d'un système déplorable de politique, et
féconde en malheurs pour les intérêts belges.
L'émancipation de la première cité commerciale
du pays et la perspective de la prompte réouverture de l'Escaut, produisirent
sur les esprits une impression des plus favorables ; la prise de la citadelle
eut les mêmes résultats. A l'exception des forts Lillo et Liefkenshoek,
qui (page 265) n'avaient qu'une influence très secondaire sur la navigation du fleuve,
puisque les navires sont obligés de passer sous les canons de Flessingue, Batz,
etc.,
Malgré ces avantages, la position militaire de
la Belgique, qu'on la considère sous le rapport de l'attaque ou de la défense,
est moins favorable que celle de ses adversaires ; car si les Hollandais
étaient les agresseurs et qu'ils eussent le dessus, il n'y aurait aucun
obstacle pour les arrêter dans leur marche sur Bruxelles. Il n'y a au sud des
deux Nèthes aucune forte position, où une armée
puisse se reformer en cas de défaite, puisqu'il est facile de tourner les
positions de la Dyle et de la Demer, par les routes de Tongres, (page 266) Jodoigne et Wavre (On a l'intention
de protéger cette frontière par l'érection d'une forteresse à Zamel, et de fortifier d'autres points, entre autres,
Lierre, Diest et Hasselt). D'un
autre côté, en supposant les Belges victorieux. deux
marches dans le Brabant septentrional les jetteraient sur Berg-op-Zoom, Bréda, Bois-le-Duc et Tilbourg,
où ils seraient arrêtés par les inondations qui couvrent ou peuvent couvrir en
un instant tout le pays compris entre ces places et le Moerdyck.
Mais la neutralité de la Belgique atténue ces désavantages.
Quoique le refus, fait par le cabinet
néerlandais, de livrer Lillo.et Liefkenshoek, fût
favorable aux intérêts de la Belgique, il embarrassait la France et
l'Angleterre ; car il rendait impossible la cessation des opérations maritimes,
sans agir contre la lettre et l'esprit de la convention d'octobre, dont le seul
but était l'évacuation complète du territoire. Aussi longtemps que l'une des
causes qui avaient amené cette convention subsistait, il était évident que la
convention même devait tout entière rester en vigueur, et que l'on ne pouvait
lever l'embargo et le blocus, sans s'écarter des résolutions que l'on avait
prises et reconnaître virtuellement qu'elles étaient injustes et impolitiques.
Cependant, ces mesures coercitives étaient si (page 267) gênantes pour le commerce de
la Grande-Bretagne ; elles répugnaient tellement au monde commerçant, ainsi
qu'aux gouvernements français et anglais, que la nouvelle de la prise d'Anvers
ne fut pas plus tôt connue à Londres, que lord Palmerston et le prince de
Talleyrand essayèrent de renouer les négociations. C'est dans cette intention
qu'un projet de convention fut rédigé, et envoyé à
Le ministre des affaires étrangères de Hollande
répondit que les mesures prises récemment contre la Hollande, étant en
opposition avec les principes consignés dans le 9è protocole, par lesquels la
navigation de l'Escaut devait dépendre (page 269) de la cessation des hostilités de part et d'autre, le
gouvernement hollandais avait résolu, par mesures de représailles, de ne pas
admettre les bâtiments français et anglais ; mais quoique la navigation fût par
là interdite à ces deux nations, elle restait ouverte aux autres peuples ; car
ce n'était que lorsque le pavillon hollandais avait été repoussé de l'Escaut
supérieur, que l'on avait adopté ces mesures pour l'Escaut inférieur. Néanmoins
(continuait le ministre des affaires étrangères), quelques motifs plausibles
que pût avoir le gouvernement hollandais de fermer l'Escaut dans ce moment, en
vertu des droits que lui réservait sa déclaration du 25 janvier 1832, il ferait
en sorte de les concilier avec les intérêts de la navigation et du commerce.
Cependant, en même temps que le roi était résolu de ne renoncer ni à ses droits
ni aux autres dont l'investissait le 9e protocole, c'est-à-dire d'établir un
droit sur l'Escaut, il ne s'opposerait pas à la liberté temporaire de ce
fleuve, à la condition pour les puissances, de lui rendre les prisonniers et de
discontinuer les mesures coercitives. Mais jusqu'à l'exécution de cette
dernière condition, les dispositions émanées du cabinet en date du 17 novembre
resteraient en vigueur, en ce qui regardait la France et l'Angleterre. » (Dépêche
du baron Verstolck van Soclen,
en date du 25 janvier 1833).
(page 270) Quoique
cette note donnait à la 12e clause du 9e protocole une
interprétation qu'elle ne pouvait avoir, elle fut considérée par la France et
l'Angleterre comme prouvant que les Hollandais avaient adopté des mesures de
représailles comme un acte temporaire et exceptionnel, et non dans l'intention
d'enfreindre définitivement les traités qui assuraient la liberté générale de
la navigation. Cette manière d'envisager le cas fut dans la suite corroborée
par l'arrivée à Anvers de plusieurs bâtiments neutres, sans autre obstacle
qu'une simple visite de forme à Flessingue. Des négociations furent en
conséquence renouées, et amenèrent, en peu de jours, quatre projets et
contre-projets qui, n'ayant pas atteint le but, furent résumés dans une note
adressée par lord. Palmerston et le prince de Talleyrand au baron van Zuylen, le 14 février.
Il résultait de ce document clair et précis
que, si la Hollande était sérieusement disposée à terminer les matières en
discussion, elle pouvait profiter des dispositions des deux puissances sans
compromettre ses intérêts ; car, tout ce qui était demandé, c'était que la
question territoriale demeurât dans le statu quo, les deux parties
conservant pour un temps donné le territoire dont elles étaient en possession ;
qu'un armistice formel fût conclu, sans autre garantie spéciale, pour le
maintien de la paix et le désarmement, que la reconnaissance (page 271) de la neutralité belge, et
enfin que la Meuse et l'Escaut fussent réouverts, la
première d'après les bases de la convention de Mayence, et le dernier sur le
pied où il se trouvait de janvier 1831 au mois de novembre 1832 (La convention de Mayence, ratifiée le 31 mars 1831,
réglait le tonnage et les droits de navigation sur le Rhin).
Moyennant quoi, les mesures maritimes coercitives seraient interrompues, et les
troupes hollandaises rentreraient avec armes et bagages.
Quoique ces propositions ne préjugeassent
nullement la question ultérieure, et n'imposassent aucune conclusion définitive,
« elles étaient propres à amener un soulagement immédiat pour la Hollande et la
Belgique, et contenaient des sûretés pour le maintien de la paix, qui pouvaient
amener un arrangement direct et définitif. » II y fut répondu par un
contre-projet « inadmissible dans son contenu, et susceptible d'objection par
ses omissions. » (Note du 14
février 1833) Car, tandis que la Hollande demandait la
cessation de l'embargo et la délivrance des prisonniers, elle proposait de
soumettre tous les bâtiments au paiement de droits de tonnage, et par
conséquent, de les visiter et de les retenir à Batz ou à Flessingue, sans
offrir la moindre garantie pour le pilotage dans les eaux de l'Escaut ou
l'ouverture de la Meuse, et ainsi, quoique de (page 272) tels péages n'eussent jamais été
exigés auparavant, excepté pendant la courte période de 1814, entre l'expulsion
des Français des Pays-Bas et le traité de Paris, ils ne pouvaient être
considérés que comme un acte arbitraire d'un côté, et comme un malentendu, ne
pouvant en aucun lieu établir un précédent ; car quelque prétention que la
Hollande pût avoir de remettre en pratique le système de la barrière, en
soumettant la navigation à des droits et à des visites, ces prétentions
n'avaient jamais été admises par les grandes puissances ; elles avaient été au
contraire formellement désavouées par le traité de Vienne, et par un traité
secret de la même époque, par lequel le roi des Pays-Bas s'était engagé pour
lui, ses héritiers et successeurs, à maintenir la liberté de l'Escaut.
La
demande d'un paiement annuel de 8,400,000 fl. n'était
pas moins sujette à contestation ; car il était évident qu'une partie de cette
charge était imposée à la Belgique, non comme un équivalent pour des avantages
passés, mais comme faisant partie d'un arrangement futur et général, qui devait
lui procurer divers avantages communs. Ce point était clairement établi par le
48e
protocole et le mémorandum y annexé le 7 octobre, dans lequel la
totalité des différentes dettes belges était portée à 7,800,000 florins,
c'est-à-dire à 5,050,000 francs, pour la moitié des intérêts de (page 273) tous les engagements
contractés pendant l'union, 750,000 pour l'intérêt de la dette dite
austro-belge, et enfin 200,000 florins, total des intérêts de l'augmentation de
la dette belge pendant son incorporation à la France. Mais, en considération
des avantages du commerce et de la navigation que
La note du
14 février amena une réponse de la part de M. Van Zuylen
van Nyevelt, le 26. Après avoir dénoncé les, mesures
coercitives, comme un acte de politique internationale arbitraire et sans
précédent, comme un système d'hostilités entreprises au milieu de la paix, qui
tendait à détruire les bases de l'indépendance des Etats et les principes
fondamentaux des droits des nations, et à substituer le droit de la force à
celui de l'équité, les plénipotentiaires hollandais proposèrent néanmoins d'entrer
dans une convention, pour la cessation des blocus mutuels et la reddition des
prisonniers. Mais le ton âpre et peu conciliant, pris par le baron Van Zuylen, dans cette occasion comme dans d'autres occasions
antérieures, ayant donné de l'ombrage à Londres, son rappel fut demandé et les
négociations furent encore interrompues jusqu'à l'arrivée de M. Dedel, qui, le
23 mars, présenta un nouveau projet de convention à lord Palmerston et au
prince de Talleyrand.
Il serait superflu d'analyser les différentes
notes et propositions que furent opiniâtrement (page 275) mises en avant et habilement défendues par l'une des
parties, et vigoureusement et logiquement repoussées par l'autre, jusqu'à ce
qu'enfin, le 16 mai, le gouvernement hollandais, vaincu par l'effet des mesures
coercitives, ordonna à son plénipotentiaire de proposer que, « aussi longtemps
que les relations entre la Hollande et la Belgique ne seraient pas réglées par
un traité définitif, le roi des Pays-Bas s'engagerait à ne pas renouveler les
hostilités contre la Belgique, et que la navigation de l'Escaut demeurerait
libre. » Cette proposition, la seule qui offrît l'espoir d'un
rapprochement et qui, si elle était adoptée, mettait les deux pays dans la
position de réduire leur dispendieux état de guerre, non seulement délivrait la
France et l'Angleterre d'une partie de leurs embarras, mais ouvrait la voie à
des conclusions plus directes. Elle fut l'avant-coureur de la convention du 21
mai, et donna lieu à la réunion de la conférence.
Par cette convention, acceptée par la Belgique
le 10 juin, la question territoriale demeura dans le statu quo, ou
plutôt fut placée sur la base de uti
possidetis jusqu'à la conclusion d'un traité
définitif. La cessation des hostilités s'étendit jusqu'au Luxembourg qui n'avait
pas été compris dans le premier armistice. La liberté de l'Escaut fut rétablie
sur le pied antérieur. Les mesures coercitives maritimes cessèrent des deux
côtés. (page 276) Les prisonniers furent mis en
liberté. La Meuse fut réouverte au commerce. Les communications
entre Maastricht et le Brabant septentrional, ainsi qu'Aix-la-Chapelle, furent
déclarées libres, et les cabinets de Saint-James et des Tuileries s'engagèrent
à s'occuper aussitôt d'un traité définitif, et à
inviter la Russie, l'Autriche et la Prusse à s'unir à eux pour arriver à
ce but.
Telle était la substance de la convention du 21
mai, qui plaça la Belgique dans une position plus avantageuse que celle qui
pourra résulter peut-être d'un traité définitif. Car, tandis qu'elle recueille
tous les avantages émanant du traité de novembre, sans en souffrir les
inconvénients, il en résulte pour la Hollande des désavantages territoriaux et
financiers, et elle n'a en retour que l'occupation inutile des forts de Lillo
et Liefkenshoek, et le stérile honneur de maintenir
des principes au prix de si grands sacrifices.
Par suite des engagements contractés dans la
convention du 21 mai, la conférence se rassembla en juillet. Cependant, pour
simplifier ses travaux, et pour éviter d'ajouter à la multitude des protocoles,
dont le nom même était en défaveur en Europe, elle résolut que les négociations
seraient, autant que possible, conduites verbalement ; que les parties,
directement intéressées, seraient admises à plaider leur cause, mais non à
participer aux délibérations ; que le traité de (page 277)
novembre, devenu le Palladium de la Belgique, et formant même une partie
de la constitution belge, serait la base de la négociation, et le seul point de
modification qui pourrait résulter des réserves de la Russie, de la Prusse et
de l'Autriche, ou qui serait nécessaire pour rendre le texte du traité moins
obscur, et son accomplissement facile. La conférence continua ses travaux dès
le 15 juillet jusqu'au milieu de septembre, avec espérance de succès. Déjà
dix-neuf des 24 articles avaient été mutuellement admis par les
plénipotentiaires hollandais et belges. Mais les 9e, 11e, 12e, 13e et 14e
sections donnèrent lieu à des discussions si invétérées, qu'on ne put parvenir
à un arrangement. En conséquence, les négociations furent de nouveau
interrompues, la conférence définitivement dissoute, et la question tomba dans
l'oubli, où elle est restée jusqu'à présent.
Les motifs qui portèrent les plénipotentiaires
à rompre les négociations, et le mécontentement que leur inspira la conduite du
gouvernement hollandais, furent consignés dans un mémorandum confidentiel.
Ce document ayant été fondé sur les observations que les plénipotentiaires
belges adressèrent à la conférence, le 30 septembre, peut être considéré comme résumant
de bonne foi les causes qui amenèrent la rupture. Il paraît qu'au moment où la
conférence se (page 278) croyait sur le
point d'arriver à une solution définitive, des difficultés nouvelles et
insurmontables furent élevées par le cabinet de La Haye, qui s'abstenait de
toute tentative pour obtenir l'agrément des agnats de la maison de Nassau et de
la confédération, en ce qui avait rapport aux stipulations contenues dans les
différents articles du traité de novembre, pour lesquelles leur agrément était
un préliminaire indispensable à toute négociation. Il déclara que ces matières
n'étaient pas suffisamment mûres pour être autorisé à faire cette demande, et
dans le fait que leur intention était de subordonner ce point à des
négociations ultérieures, et de s'en occuper seulement. à
l'époque qui pourrait être avantageuse à leurs intérêts et dans leurs
convenances, ou, en d'autres termes, qu'ils s'arrogeraient la puissance de
neutraliser les négociations par l'absence de ce consentement qu'ils savaient
être essentiel à l'arrangement des points en discussion. Les choses étant
ainsi, et la conférence ayant en outre découvert que le cabinet de La Haye
avait négligé de donner à ses plénipotentiaires les pouvoirs nécessaires pour
arriver à un arrangement définitif, quoiqu'ils eussent consenti à contresigner,
dans des vues de déception, les dix-neuf articles dont nous avons parlé, et
étant finalement convaincue qu'il n'existait aucune disposition imposant à la
Hollande l'obligation de conclure un (page
279) traité définitif, la conférence déclara que des négociations
ultérieures étaient inutiles et, comme nous l'avons dit plus haut, elle déclina
toute nouvelle médiation.
Tandis que les cinq cours employaient ainsi
leurs efforts pour arriver à la solution désirée, une négociation particulière,
tendant à compléter la convention, provisoire du 21 mai, se concluait entre le
duc de Saxe-Weimar pour la Hollande et le général baron Hurel
pour la Belgique (Le général
français, baron Hurel, remplaça le générai Desprez comme chef d'état-major général). Cette
négociation qui se termina par la convention militaire de Zonhoven, fut
ratifiée le 25 novembre (Zonhoven,
petite ville de la province du Limbourg, au nord de Hasselt, où des
commissaires subalternes se réunirent pour discuter les conditions, dont la
principale était que chaque détachement ne pouvait excéder 800 hommes par jour,
et serait annoncé, 24 heures d'avance, quand le nombre devrait excéder 12
hommes). Par cette convention, la Hollande obtint un droit de passage pour les
troupes et convois du Brabant septentrional à Maestricht, par la route de
Lanaken, Brée et Valkens-Waard, et entre Maestricht et Aix-la-Chapelle, par celle de
Galoppe. En même temps, la navigation de la Meuse, à
travers Maestricht, fut déclarée réouverte, sous
certaines restrictions légères que le général Dibbets
considérait comme essentielles à (page
280) la sécurité de la forteresse (Déclaration
du gênerai Dibbets du 10 novembre 1833) : on peut dire que c'est ici que les négociations se terminèrent. Depuis
lors la tâche de la diplomatie est devenue insignifiante. La question semble
être tombée dans l'oubli ; elle est arrivée au point où elle se trouve sans
aucune concession de la part de
Les impulsions variées, qui influencèrent les
parties contendantes et les puissances arbitres, pendant le cours de ces
longues et inextricables négociations, ayant été développées avec quelque
étendue, il ne nous reste qu'à jeter un coup d'œil sur l'aspect général de la
question, que nous résumerons rapidement.
Nous avons déjà démontré qu'une série d'erreurs
politiques, contraires à la réputation de sagesse et de justice du roi des
Pays-Bas et à la réputation d'habileté de ses conseillers, avait donné
naissance à des mécontentements séditieux en Belgique, et occasionné la révolte
du mois d'août à (page 281) Bruxelles. Une persévérance fatale dans ces erreurs, combinées avec une
réunion d'événements malheureux, avait rapidement converti cette révolte en une
révolution ouverte, et amené la dissolution d'une union mal combinée, dont les
éléments hétérogènes rendaient une fusion impossible. Malgré sa sympathie
avouée pour un ancien allié, et son aversion pour reconnaître les droits de
l'insurrection qu'il avait sanctionnés, en reconnaissant la révolution de
juillet, le ministère Wellington, de 1830, ne put résister au torrent des
événements dans les Pays-Bas, pas plus qu'il n'avait résisté à ceux de Paris.
En conséquence, il rejeta la demande faite par le gouvernement hollandais d'une
intervention à main armée (Note du baron Falck à lord Aberdeen,
le 5 octobre 1830, et réponse de lord Aberdeen du 17 du même mois); et, considérant les intérêts dynastiques de la Hollande comme
subordonnés au maintien de la paix de l'Europe, il se décida sagement à
poursuivre le système de négociations dont les protocoles du 4 et du 17
novembre 1830 furent les premiers fruits. Les principes pacifiques, posés par
le duc de Wellington, ayant été admis par lord Grey, et reconnus par
Louis-Philippe et les grandes puissances, amenèrent l'élévation du roi Léopold
et le traité de novembre. Ainsi les Belges, qui déjà jouissaient d'une
indépendance de facto, (page 282) obtinrent leur
nationalité de jure, qui fut consacrée par un traité solennel et
consolidée par la présence des envoyés de toutes les puissances contractantes,
excepté la Russie. Car, par une singulière espèce de duplicité politique,
l'Autriche et la Prusse envoyèrent des représentants auprès du roi Léopold,
comme pouvoir individuel, tandis qu'ils refusaient de le reconnaître comme
membre de cette union fédérale, dont les moindres éléments sont soumis à leur
volonté.
Admise comme membre de la grande famille
européenne, protégée par le traité de novembre, appuyée par les conventions de
mai et de Zonhoven, non moins confiante dans la bonne foi et la garantie des
grandes puissances, que dans la supériorité de ses forces, dans son crédit
toujours croissant et sa prospérité naissante, encouragée par la conviction que
des convulsions extérieures ou l'administration intérieure la plus déplorable
pourraient seules compromettre sa nationalité, la Belgique se détermina à
répondre à l'indomptable ténacité avec laquelle la Hollande soutenait ses
principes par une confiante adhésion aux faits consommés.
Quoique l'état de uti possidetis ne
fût pas de son choix, son gouvernement résolut de s'y attacher jusqu'à ce qu'il
fût remplacé par un traité définitif, et de repousser tous les efforts qu'on
pourrait tenter pour l'entraîner dans une position (page 283)
intermédiaire. Il déclara en conséquence que le sine qua non des
négociations ultérieures devait être l'adhésion des agnats de la maison de Nassau
aux projets d'arrangements territoriaux, et que jusqu'à ce que cette adhésion
eût lieu, la question ne pouvait ni avancer ni reculer.
Dans
la détermination de la Belgique de ne pas dévier de sa ligne de politique, et
dans la répugnance du roi grand-duc, de ses agnats, et de la confédération au
consentement du principe des échanges territoriaux, réside toute la difficulté
de la solution. Le principe de la conduite de la Belgique a été expliqué ; pour
elle c'est une question de vie ou de mort. Ceux qui agissent sur la monarchie
hollandaise sont si strictement renfermés dans son aversion non déguisée pour
renoncer à ses prétentions sur
En
premier lieu, en ce qui regarde les agnats (page 284) de la maison de Nassau, leurs intérêts personnels en sont
aussi indépendants que ceux du duché de Brunswick le sont des matières
concernant les arrangements de la Grande-Bretagne. Il est notoire que la moitié
de la portion orientale ou allemande du Luxembourg est plus qu'équivalente en
population et en ressources aux quatre principautés de Nassau cédées à la
Prusse en 1815, et que la moitié du Limbourg cédée à la Hollande est supérieure
en importance financière et territoriale à la moitié wallonne ou occidentale du
Grand-duché cédé à la Belgique. Ainsi les agnats de la maison de Nassau feront
un marché, doublement avantageux, en abandonnant leurs possessions héréditaires
allemandes ; et il est évident qu'il leur sera encore plus avantageux en
renonçant à la moitié de leurs propriétés acquises dans le Luxembourg, en
échange de ce qui leur est offert. En second lieu, en ce qui regarde la
confédération germanique, on peut affirmer que, quoiqu'en cédant la moitié du
Grand-duché, la confédération voit ses frontières limitées de Longwy à Mézières,
frontières de peu d'importance militaire ; elle conserve les forteresses de
Luxembourg et la clef des grandes routes qui conduisent directement de la
Prusse rhénane au cœur de la France. Et tandis que cette barrière contre cette
puissance ne s'est nullement affaiblie sur les rives du Semoy et du Chiers,
elle obtient une forte position (page 285) militaire sur ceux de la Meuse ; le flanc gauche appuyé
par Maestricht, le droit appuyé sur Venloo, et même sur Grave, et le centre sur
Ruremonde, susceptible d'être converti en une formidable tête de pont.
L'utilité de la portion occidentale du Luxembourg pour l'Allemagne, sous un
point de vue stratégique, ne peut être comparé avec
celle du Limbourg ; car dans l'événement d'une guerre agressive, le flanc droit
d'une armée française, destinée à opérer sur le duché de Juliers, devrait
s'avancer directement de Givet par Namur et Liége, et non faire un circuit de
Sedan et Longwy, par Bouillon et Neufchâteau. Ainsi, tandis que la route de Coblenlz, par Trèves, serait protégée par le Luxembourg,
celles de Düsseldorf et Cologne le seraient par ses possessions sur la rive
droite de la Meuse, qui pourraient être converties en une barrière défensive
pour les provinces rhénanes, au lieu de servir de point de concentration
offensive contre elles. En ce qui concerne l'intégralité des statuts fédéraux,
on peut observer que, quoique ces statuts interdisent l'aliénation d'une
portion du territoire, dans cette occasion, il n'est pas question d'aliénation
ni d'échange, et la récente cession de St.-Wendel prouve la légalité de ces
négociations (Le petit territoire, connu sous le nom de principauté
de Lichtenberg, fut cédé à la Prusse par le grand-duc de Saxe-Cobourg,
le 23 septembre 1834, pour une rente annuelle de 80,000 dollards
(443,600 fr.). Il a une étendue de 11 1/2 milles, et contient 26,000 habitants.
Il est situé à environ 5 lieues au nord de Sarrebruck, dans la régence de
Trêves).
(page 286) On a demandé, en ce qui regarde
la Belgique, si la moitié du Limbourg (dont la totalité, excepté les enclaves
hollandais, est reconnue avoir fait partie intégrante de son territoire) est
d'une valeur supérieure à la moitié du Grand-duché, réclamée par la maison de
Nassau, pourquoi elle persiste à demander l'échange, pourquoi elle veut
sacrifier la meilleure partie, qui lui appartient incontestablement, pour une
partie moindre, à laquelle elle convient n'avoir aucun titre (On a déjà observé que dès le
temps de Philippe-le-Bon, en 1460, jusqu'au traité de Vienne, en 1815, le
Luxembourg avait invariablement été considéré comme formant partie intégrante
des provinces belges. Il était considéré ainsi lors de l'incorporation de la
Belgique à la France, en 1795 ; et cette interprétation fut encore sanctionnée
par les traités de Lunéville et de Campo-Formio). On peut répondre à cela que les Belges contestent le juste titre de
droit de possession du Luxembourg, et que l'option ne leur est pas abandonnée ;
car l'objet avoué du traité de Vienne était de rendre la position militaire du
royaume des Pays-Bas aussi forte que possible, en appuyant ses frontières par
des forteresses, et en les plaçant comme (page
287) elles le furent sur la Meuse, l'Escaut, la Moselle et l'Ourcq, et que
le but secret du traité de novembre et des négociations qui l'accompagnèrent,
était d'affaiblir la position stratégique de la Belgique en détruisant les
forteresses, et en la privant du double avantage de ses fleuves, de manière à
la réduire à une situation plus en rapport avec la neutralité à laquelle on la
destinait ; s'il est jamais possible de réaliser un projet si peu d'accord avec
la position géographique, qui semble destiner ses armées à être l'avant-garde
de celles de France ou d'Allemagne, et, comme nous l'avons déjà dit, son
territoire à être l'arène de leur première rencontre.
Les
choses étant ainsi, c'est une haute question de savoir si la demande pour la
cession entière du Luxembourg et la rétention de tout le Limbourg pourrait être
accordée ; car, par ce moyen, la Prusse et la Hollande se trouveraient privées de
leur barrière sur la Meuse, et la Belgique non seulement serait mise en contact
avec la partie la plus vulnérable de la Hollande, par Grave et Nimègue, mais
pourrait arriver sur le Rhin en deux jours de marche. Mais il en fut autrement
; la France elle-même était intéressée au maintien des arrangements proposés ;
car, quoique la possession de la moitié occidentale du Luxembourg pût être
considérée comme plus importante pour la diète germanique que la rive (page 288) droite de la Meuse, il était
évidemment avantageux pour la France que la Belgique obtînt la plus grande
partie possible du Luxembourg, par lequel sa frontière contiguë à la
confédération est diminuée d'à peu près quinze lieues, et ses rapports avec une
puissance amie augmentés d'autant.
Tel
est l'aspect de la question diplomatique. Nous devons maintenant consacrer
quelques lignes à décrire les résultats que tire
«
Les causes et les motifs des séditions sont des innovations en religion, des impôts,
le changement dans les lois et dans les coutumes, le mépris des privilèges,
l'oppression générale, l'avancement des personnes qui en sont indignes, des
étrangers, et enfin tout ce qui en offensant le peuple l'unit dans une cause
commune (Essai de Bacon).
Si ces lignes eussent été écrites exprès pour la Belgique, elles ne lui
seraient pas plus applicables ; car les griefs, dont se plaignaient les
provinces méridionales, non seulement embrassaient toutes ces innovations, mais
étaient de telle nature qu'ils finirent par unir dans un même lien les hommes
professant les doctrines les plus opposées, et les entraînèrent à exiger par la
violence l'exécution juste et équitable des lois qu'on avait refusée à leurs
pétitions ; de telle sorte qu'un combat opiniâtre (page 289) s'ensuivit, envenimé par toutes les haines individuelles,
les préjugés nationaux, et par plus d'un de ces actes d'une violence effrénée
qui sont le résultat trop fréquent des convulsions populaires. Le peuple
triompha, et sa victoire inattendue résolut la première partie du problème de
l'insurrection, c'est-à-dire le redressement des griefs. » Mais la seconde
(savoir les améliorations financières et commerciales qui ne dépendent que du
temps et d'une administration judicieuse) est encore incertaine.
Avec
l'indépendance et la nationalité qu'ils désiraient depuis si longtemps, les
Belges avaient obtenu une constitution si éminemment libérale, qu'elle demande
plutôt des modifications, en ce qui regarde l'extension des droits du pouvoir
exécutif. Ils avaient établi le jugement par jury, augmenté considérablement le
nombre des électeurs, et détruit les privilèges de l'aristocratie. Ils avaient
enlevé toute restriction à la liberté de la presse, de l'instruction, garanti
la publicité des débats judiciaires, et le droit d'association politique,
littéraire et commerciale. Des réformes importantes eurent lieu dans
l'administration de la justice, dans le régime des prisons, dans le mode de
perception des impôts, et dans le système municipal. On décida que le code
pénal serait révisé, la peine de mort rendue applicable seulement à quatorze
cas déterminés, la marque (page 290)
et l'exposition abolies (M. Lebeau, avant de quitter le
ministère de la justice, en août
D'un
autre côté, quoique les fabriques de draps, d'armes, les houillères, les
forges, les raffineries de sucre, les savonneries et les distilleries soient
dans une grande activité ; quoique les octrois d'Anvers et d'Ostende, pour
1834, aient augmenté de 459,000 francs sur l'exercice 1829, il est admis que le
commerce colonial est réduit à une insignifiance comparative, que les
importations excèdent les exportations de près de 4 millions, que quelques
branches d'industrie, spécialement l'industrie cotonnière, languissent (L'industrie
cotonnière entreprise sous l'empire, dut sa prospérité d'abord au système
continental et ensuite au million de l'industrie. On peut dire, en conséquence,
que cette prospérité a été en grande partie artificielle) ; que plusieurs grandes maisons de commerce et des armateurs qui
faisaient le commerce des Indes avaient quitté Bruges et Anvers pour la
Hollande, qu'il existe une grande abondance de capitaux qui ne peuvent trouver
d'emploi, que le mouvement des ports pour 1833 et 1834 est moins considérable
que (page 292) celui de 1829, que
les crimes ont augmenté (Il est prouvé, par l'intéressant
ouvrage de M.E. Ducpétiaux (Justice sociale), que les crimes capitaux ont
diminué : le total des condamnations capitales de 1830 à 1834 inclusivement
étant de 58, dont une seulement a été mise à exécution),
ainsi que le nombre des indigents, et finalement, en comparant les budgets des
six dernières années, il paraît qu'aucune amélioration directe n'a eu lieu,
malgré l'abolition des taxes ci-dessus mentionnées (Budget de 1830, 84,000,000
(part de la Belgique) ; - 1831, 112,000,000 ; - 1832,
203,000,000 ; - 1833, 119,000,000 : - 1834, 84,000,000 ; - 1835,
92,000,000. Desquels 295,000,000 francs ont été
absorbés par les dépenses de la guerre, depuis le 1er janvier 1831).
Il est nécessaire d'observer, cependant, que
ces symptômes défavorables sont les conséquences inévitables des circonstances
passées et présentes ; car, quoique la perte en hommes et les dépenses en
argent aient été proportionnellement insignifiantes, on ne peut pas supposer
que la Belgique ait pu changer son état de vasselage contre une liberté
illimitée, sans des sacrifices temporaires considérables, et que les premiers
temps de cette transition puissent réaliser l'espoir général. Ainsi, (page 293) nonobstant une addition de 20
pour cent sur certaines parties du revenu public, et quoique les recettes aient
constamment dépassé les prévisions, les voies et moyens des quatre dernières
années étant tout à fait insuffisants pour répondre aux exigences
extraordinaires de la crise, des emprunts montant à 116 millions, y compris 15
millions de francs en bons du trésor, furent en conséquence nécessaires(Emprunts
faits par la Belgique et la Hollande depuis la révolution : 1) Par la Hollande
518,000,000 fr. Il a été remboursé sur cette somme 119,000,000.
Reste 399,000,000. 2) Par la Belgique 162,000,000. II a été remboursé sur cette somme 46,000,000. Reste 116,000,000. Les
dépenses totales pour la guerre, en Hollande, pendant les 5 dernières années,
sont estimées à 346,000,000 fr. La dette publique en
Belgique, votée pour 1835, non compris la liste des pensions, etc., montait à
7,798,000 fr., et tout compris, à 11,640,883 francs),
dont les intérêts ajoutés de 8,400,000 fl. (17,777,760 fr.), et les arrérages
éventuellement dus à
En
offrant ce tableau succinct de l'état actuel de la Belgique, nous n'avons pas
eu l'intention de pénétrer plus avant dans l'avenir, ou de nous livrer à des
prophéties hasardeuses dont le développement ne peut résulter que de l'action
du temps et de l'union favorable de l'impulsion intérieure et extérieure. Car
il serait difficile d'indiquer le moyen de remédier à la langueur qui afflige
le commerce, de même que de calculer les avantages qui pourraient résulter de
l'accomplissement des travaux nationaux destinés à unir l'Escaut avec le Rhin (La
route en fer belge commençant à Anvers, avec des embranchements vers Bruxelles
et Ostende, traversera Malines, Louvain, Tirlemont, Liège et Verviers, et
entrera en Prusse, dans le voisinage de Eupen (ville de manufactures
à 5 lieues au-dessus d'Aix-la-Chapelle). Elle devra s'étendre alors sur une
ligne presque directe par Bergheim jusqu'à Cologne.
Les dépenses de construction sont évaluées à 35 millions de francs). Il suffit de dire que les Belges sont (page 295) sans appréhensions sur l'avenir du commerce et qu'ils
fondent beaucoup d'espérances sur le succès du chemin de fer destiné à donner à
Anvers une supériorité décidée sur Rotterdam et, Amsterdam, en détruisant le
monopole du transit dont elles n'ont joui jusqu'à présent que par le manque de
communications plus rapides et plus économiques entre Cologne et la mer. Ces
espérances semblent fondées ; car il tombe sous les sens que si les commerçants
et les manufacturiers allemands, spécialement ceux du Rhin et ses tributaires,
peuvent importer ou exporter les produits plus économiquement et plus
rapidement par terre que par eau, et cela sans craindre l'interruption des
saisons, ils n'hésiteront pas entre les deux modes de transport (Les
importations de la Hollande en Allemagne, par le Rhin, montaient en 1834 à
86,500 ; les exportations à 248,131 tonneaux évalués à environ 4 fr. 50 par
tonneau, exigeant à peu près 8 jours pour être rendus à Cologne. Les dépenses,
calculées par la route en fer, s'élèvent à environ 3 fr. 75 c. par tonneau, et
le transport n'exigera que 24 heures). La question qui mérite la
plus sérieuse attention de la part des économistes politiques belges, n'est pas
tant cependant de savoir si (page 296)
leur commerce se ranimera, et si leur route en fer réussira, mais s'il est plus
avantageux d'étendre leurs relations politiques et commerciales avec la France,
et de considérer presque exclusivement ce pays comme leur soutien, ou s'il ne
leur convient pas de tâcher de se soustraire graduellement à l'ascendant de la
France et de s'unir plus étroitement avec l'Allemagne.
Sans
prétendre entrer dans des détails, on peut affirmer que, tandis que les
sympathies politiques et morales de la Belgique l'attirent vers la France, ses
intérêts matériels sont inclinés vers l'Allemagne. Car, d'un côté, quelque
intime que puisse être son alliance avec la France, c'est une erreur de
supposer que le gouvernement français veuille jamais faire des concessions
commerciales importantes à
Quelle
que puisse être l'opinion des chambres belges sur cette question, les hommes
d'Etat de l'Angleterre et de l'Allemagne admettront certainement que, comme la
position particulière de la Belgique tend à la soumettre à l'action constante
des influences étrangères, il est d'une saine politique de la soustraire,
autant que possible, à celle de la France. Cela ne peut s'obtenir que par des
concessions libérales et par des traités d'amitié et de protection. Il est
évident que plus les Belges ont de motifs d'éloignement pour l'Allemagne, plus
ils tendent à se rapprocher de la France ; tandis que, s'ils étaient soutenus,
encouragés, enrichis, et surtout si leurs intérêts matériels s'amélioraient par
leurs rapports avec l'Allemagne, on ne peut douter que, dans un cas d'urgence,
on ne la trouvât prête à s'appuyer sur le Nord, autant qu'elle l'est maintenant
à s'appuyer sur le Sud. Car les sympathies des nations, comme celles des
individus, sont subordonnées à leur intérêt et à leur conservation.
(page 298) Il est ordinaire d'entendre
accuser les Belges d'une tendance exclusive vers la France, et cette accusation
est jusqu'à un certain point fondée. Mais, en admettant que cela soit vrai,
quoi de plus naturel ? Indépendamment de leur conformité de langage, de
religion, de législation, d'organisation civile et militaire, de littérature,
de modes et d'usages, indépendamment des rapports privés et publics d'une
contiguïté géographique et de mille autres causes tendant à resserrer leurs affections
internationales, les Belges savent bien qu'ils doivent principalement à
l'amitié de la France et à la prudente modération de Louis-Philippe, leur
existence comme nation. Non seulement ce prince a rejeté les offres de réunion
qui lui furent faites par quelques-uns de ceux qui avaient, en premier lieu,
saisi les rênes du gouvernement révolutionnaire à Bruxelles ; mais s'élevant
au-dessus de toutes les séductions d'agrandissements pour sa famille, il refusa
le trône pour son fils, parce que son acceptation eût entraîné la guerre et la
destruction de la nationalité belge, tandis qu'avec un égal désir pour le
bien-être du peuple qui aspirait à son alliance, il lui donna sa fille pour
reine avec empressement, non seulement comme un lien d'amitié entre les deux
pays, mais comme un moyen de confondre les deux dynasties. Non contente de
prêter l'immense poids de son assistance au gouvernement belge, la France (page 299) a été également prompte à le
soutenir de ses armes. Deux fois, ses armées entrèrent dans le pays pour le
délivrer ou le défendre, et ayant accompli leur mission se retirèrent aussitôt,
prenant pour elles tous les risques et les dépenses de ces deux expéditions, et
sans autre récompense que celle d'avoir acquis de nouveaux titres à la
confiance de l'Europe, et à la reconnaissance du peuple qu'elles avaient
secouru.
Ces
procédés devaient produire une impression d'autant plus favorable sur l'esprit
des Belges, qu'ils contrastaient avec ceux des Etats transrhénaux.
qui, sans être ouvertement hostiles, avaient un caractère fait pour augmenter
l'influence qui avait été l'occasion de tant de jalousies. Si l’action de cette
influence est un mal, s'il est d'une importance politique d'y remédier, la
confédération germanique n'a qu'à le vouloir. Qu'elle abandonne la ligne de
politique mystérieuse et équivoque qu'elle a suivie jusqu'à présent, et tout en
surveillant les intérêts et en écoulant les justes réclamations de la maison de
Nassau, qu'elle concoure franchement à consolider cette indépendance, sur laquelle
la force des événements, plus que le poids des hommes, a apposé son sceau.
L'impolitique du gouvernement hollandais a hâté le renversement de la barrière
qui, pendant 15 ans, fut considérée comme le boulevard de l'Allemagne. S'il est
nécessaire de la remplacer, ce ne sera pas en affaiblissant (page 300) les ressources, ou en jetant
du discrédit sur ceux qui doivent la reconstruire et la garder qu'on y réussira
; et pourtant tel paraît être le système avoué par la diète germanique (Nous
pouvons citer ici une autorité remarquable à l'appui de noire opinion ; ce
n'est pas moins que le prince d'Orange lui-même, qui, dans son manifeste du 11
janvier s'exprime ainsi : « Je me confie dans l'assistance des grandes
puissances, dans leurs vœux sans cesse dirigés vers le maintien de l'équilibre
européen, et la consolidation de la paix générale. Rendre la Belgique
indépendante, forte et heureuse, est leur intérêt commun. La sécurité générale
en dépend essentiellement.)
Terminons cette esquisse en disant que la
Belgique, prospérant sous l'influence d'institutions monarchiques régénérées,
et sous le sceptre paternel d'un prince qui s'est généreusement associé à ses
destinées, et qui a exposé sa vie pour son indépendance, peut maintenant
considérer la somme de ses libertés comme complète, et que, tandis que le
commerce et l'industrie n'attendent que la paix et des traités équitables pour
revenir à leur ancienne vigueur, les arts et les sciences se raniment de
manière à redevenir dignes de leur ancienne réputation. Ce progrès doit être
principalement attribué à son émancipation politique, et à l'extension de cette
liberté si nécessaire au développement des ressources individuelles et
nationales.
Enchaînés
pendant un long espace de temps sous le sceptre de fer de maîtres étrangers,
les Belges avaient perdu le titre, mais non pas le sentiment de leur
nationalité. Leur révolution leur en a rendu la jouissance, sous un roi sage et
tolérant qui règne sur eux, exclusivement pour eux.
Les
Belges peuvent maintenant rappeler l'histoire du passé et parler avec orgueil
de ces illustres patriotes dont les noms sont cités dans les pages de
l'histoire de l'Europe. Ils peuvent maintenant renouer les liens brisés des
traditions nationales, et montrer qu'ils ne sont pas sans souvenirs honorables
dans le passé, ni sans espérances d'un avenir brillant.
Et
quel pays a des titres plus illustres dans l'histoire que celui qui, dans le 15e
siècle, était le premier en Europe pour sa richesse, son industrie, sa
civilisation et son savoir, que le pays où naquit Charles-Quint et tant
d'autres généraux illustres et tant de vaillants soldats ; que celui où
d'Egmont, Horne et autres nobles victimes tombèrent martyrs de la cause de la
liberté ; que la patrie de Sculiger, Ortelius, Lipsius, Vésale, Van Eyck et Rubens ; le pays qui combattit vainement pour ses
droits et ses privilèges contre l'oppression de l'Espagne, et résista avec non
moins de
(page 302) courage aux empiétements
du despotisme autrichien, quoique peut-être avec moins de justice que
lorsqu'elle secoua en dernier lieu le joug de la Hollande ?
Satisfaite
des richesses de son sol, et de tant d'autres avantages naturels, dont la
Providence l'a favorisée, essentiellement industrieuse et morale, désireuse
d'entourer son territoire d'une haie d'oliviers, plutôt que d'une barrière de
fer, la Belgique ne demande maintenant à l'Europe que de jouir librement de son
indépendance dans des limites qui concilient sa vitalité et les droits des
autres états : la politique et la justice exigent qu'on lui fasse ces
concessions. Si elles lui étaient refusées, si quelque attentat était commis
contre leur nationalité, les Belges seraient aussi prompts à courir les hasards
de la guerre, qu'ils sont maintenant désireux de jouir des bienfaits de la
paix. On les verrait alors aussi prodigues de leur sang et de leurs trésors
pour défendre une liberté raisonnable, contre les attentats du despotisme,
qu'on les voit disposés à concourir avec les gouvernements modérés à arrêter
les progrès de la licence.
Ayant
reconquis parmi les nations ce rang qui est son juste héritage, le vœu le plus
ardent de la Belgique n'est pas de troubler les institutions de l'Europe, mais
de s'y conformer. Pacifique mais armée, patiente mais résolue, elle est préparée (page 303) à toutes les vicissitudes
politiques qui pourraient l'assaillir du dehors, tandis qu'augmentant en
puissance et avec l'espérance de diminuer sa dette, elle poursuit
tranquillement son œuvre d'amélioration intérieure, et se dévoue à la culture
des arts libéraux et utiles, qui sont la gloire des nations civilisées.