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« Histoire
de la révolution belge de 1830 », par Charles White, (traduit de
l’Anglais, sous les yeux de l’auteur, par Miss Marn Corr).
Bruxelles, Louis Hauman et Cie, 1836
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TOME 3
CHAPITRE
QUATRIEME
Mesures adoptées par la conférence. - Suspension d'armes. - Protocole
relatif à la démolition de certaines forteresses. - Reprise de» négociations. -
Notes de la conférence sur le célèbre traité des vingt-quatre articles. - Discussion
et acceptation de ce traité par les Belges. - Sa ratification par les grandes
puissances. - Réserves de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse. -
Remontrances du cabinet de La Baye qui rejette le traité. - Réplique de la
conférence. - Mesures d'organisation militaire adoptées en Belgique. - Ch. de
Brouckère, Évain, Deprez. - Officiers étrangers admis
au service de la Belgique. - Organisation de la maison du roi Léopold. - Le
baron de Stockmar. - Mesures adoptées par la
conférence pour déterminer le roi de Hollande à se soumettre aux conditions qui
lui sont imposées. - Thème de lord Palmerston. - Mariage de Léopold avec la
princesse Louise d'Orléans.
(page 174) Tandis
que ces événements se passaient en Belgique, la conférence ne perdait pas de temps
pour adopter les mesures propres à arrêter les (page 175) hostilités. La note du 5 août fut
immédiatement suivie du protocole du 6 (n° 31), sanctionnant l'intervention
française par terre, et acceptant l'offre d'une escadre anglaise, destinée à
bloquer les ports hollandais. On stipula cependant que les troupes françaises
concentreraient leurs opérations sur la rive gauche de
La retraite des troupes hollandaises ayant été
communiquée à la conférence, les plénipotentiaires rédigèrent les 32e et 33e
protocoles, attestant cet événement, ordonnant une suspension d'armes de six
semaines et la reprise immédiate des négociations : cette proposition fut
accueillie par
Les puissances n'ayant pas su empêcher la
première agression de la Hollande, on mit naturellement en doute l'efficacité
de leurs garanties. En conséquence, le gouvernement belge crut de son devoir de
protester de la manière la plus forte contre la faculté des parties de
recommencer les hostilités à l'expiration du terme fixé. Cependant quand ce
terme arriva, il accéda formellement à la prorogation de l'armistice jusqu'au
25. Cette période étant expirée, l'armistice ne fut pas renouvelé, et ainsi
chaque partie était libre d'attaquer l'autre, sans la formalité d'une
déclaration préliminaire. En même temps et en vertu du protocole du 10
septembre (n°40), les prisonniers furent échangés, sans égard au rang ou au
nombre, des deux côtés ; circonstance digne de remarque, car le nombre des
Hollandais, détenus en Belgique, excédait de beaucoup celui des Belges captifs
en Hollande.
(page 179) Une
particularité de ce grand drame politique occupait depuis longtemps l'attention
de la Grande-Bretagne et des puissances du Nord, et donnait lieu à
d'importantes négociations qui cependant furent presque abandonnées, non pas
tant à cause d'une hostilité aux principes des négociations que par la
différence d'opinions qui existait sur les détails et le mode d'exécution. Dès
le commencement d'avril, les plénipotentiaires de l'Autriche, de
Ce document ne fut officiellement communiqué au
prince de Talleyrand que le 14 juillet,. et n'était destiné à être communiqué au (page 180) gouvernement belge qu'au dernier moment ; mais une demande pour la production
des pièces relatives à la question belge ayant été faite dans le parlement,
lord Palmerston ne voulut pas que la première nouvelle en fût apportée à
Bruxelles par les journaux. Il envoya, en conséquence, le protocole à M.
Lebeau, le 26 juillet, avec une lettre d'envoi et d'explication. Après avoir
consulté le cabinet français, qui envoya le marquis de La Tour-Maubourg à Bruxelles pour aider le général Belliard et sir Robert Adair à conduire une négociation de
nature à exciter les susceptibilités de la France, le gouvernement belge
chargea le général Goblet de se rendre à Londres au commencement de septembre,
avec une mission spéciale à ce sujet. Malgré les difficultés nombreuses qui se
présentèrent, une convention définitive fut unanimement et cordialement
conclue, le l4 décembre, par laquelle il était stipulé que les fortifications
de Mons, Ath, Menin, Philippeville et Marienbourg
seraient démolies, aussitôt que l'entière indépendance et la neutralité de la
Belgique seraient pleinement établies et garanties par les cinq puissances, de
manière à constituer une connexion identique entre elle et ses forteresses. »
La politique de cette mesure, en ce qui
concernait les parties contractantes, est sujette à contestation. Des arguments
puissants de stratégie et (page 181)
de politique ont été apportés pour démontrer le danger de détruire ainsi un des
résultats les plus glorieux du traité de Vienne. Ces arguments, principalement
fondés sur l'état antérieur du royaume des Pays-Bas, étaient incontestables, en
supposant que le rétablissement de ce royaume et l'union permanente des deux
peuples fussent encore possibles. Mais, sans cela, les avantages de la
conservation des forteresses étaient complètement neutralisés. D'abord, en ce
qui regarde
La convention relative aux forteresses, ayant
été terminée et conclue sans l'assentiment de la Hollande, cette puissance
protesta à ce sujet, dans sa note du 12 décembre 1831, qui déclarait que le
droit du roi de coopérer à cette négociation lui était assuré par le système
des barrières et par le 7e article du traité de Londres qui stipulait (page 184) que ce point intéressait le
salut et l'indépendance de tout le royaume ; mais cette objection ne fut pas
admise par la conférence. Le système des barrières fut déclaré aboli, et
l'article 8 du traité de Londres fut déclaré applicable au royaume des
Pays-Bas, et non aux deux pays, maintenant détachés et indépendants l'un de
l'autre. II fut dit, en outre, que le boulevard élevé primitivement par la
Hollande, par suite du système des barrières, était remplacé par la neutralité
de la Belgique, sans l'obligation dispendieuse de maintenir des garnisons pour
la dépense des forteresses. En résumé, les plénipotentiaires hollandais et
belges, ayant reçu les pouvoirs nécessaires pour traiter définitivement, la
reprise des négociations plaça la conférence dans une situation extrêmement
embarrassante, qui ne pouvait être surmontée que par beaucoup de fermeté et
d'union, en révoquant des résolutions déclarées irrévocables, en interprétant
diverses stipulations dans un sens essentiellement différent des
interprétations antérieures, en annulant les dispositions de 40 protocoles, et
enfin en adoptant un système tendant à modifier la marche parallèle des deux
parties adverses et à les forcer à se joindre. Ces faits étaient difficiles à
accomplir, soit en ce qui avait égard à la consistance de raisonnements passés
ou à la légalité des actes futurs. Les intérêts des deux parties étaient si
opposés qu'on ne pouvait espérer (page
185) de les accorder, à moins que la
conférence n'interposât son autorité avec franchise et sans hésitation ; car,
d'un côté, les Hollandais victorieux, insistaient pour l'exécution des bases de
séparation selon le 12e protocole, tandis que les Belges, non moins exigeants,
malgré leur défaite, demandaient la stricte exécution des dix-huit articles,
auxquels ils avaient adhéré purement et simplement, et avaient une confiance
entière dans la bonne foi des grandes puissances. C'était en effet cette
confiance dans les assurances des cinq cours, qui seule avait engagé Léopold à
cesser toute objection, et à se rendre immédiatement à Bruxelles. « La volonté
des grandes puissances est-elle de me reconnaître immédiatement (dit le prince
aux plénipotentiaires réunis à Malborough-House le 12
juillet) ? leur volonté est-elle de me
reconnaître, si je me rends en Belgique sans attendre l'adhésion du roi de
Hollande ? » - « Oui, quand même (répondit le comte Matuzewiz),
et, s'il refuse, nous trouverons le moyen de le forcer à consentir. »
Toute tentative pour concilier des intérêts
aussi divergents que ceux de la Belgique et de la Hollande, ou même de
concilier les deux systèmes paraissait tout à fait impraticable. Comme cela a
été rapporté à la question des limites, les bases de séparation refusaient
positivement la cession du Luxembourg, tandis que les dix-huit articles, en (page 186) revenant sur cette décision,
admettaient la possibilité d'échanges et de compensations. En ce qui concernait
la dette, l'une, sans égard aux principes ordinaires d'équité, proposait de la
diviser dans la proportion de 16 sur 31, tandis que l'autre, annulant cette
proposition injuste, établissait cette division d'après l'origine des emprunts
antérieurs et des engagements contractés pondant l'union. Cette position des
parties en contestation a été définie d'une manière claire et concise par M.
Nothomb : «
Après six semaines de mûres délibérations, les
plénipotentiaires résolurent de rétracter la plus grande partie de leurs
premières conclusions, en assimilant le principe des limites et de la dette,
c'est-à-dire en fixant le postliminium de
1790, comme point de départ pour l'un et pour l'autre. Cette résolution était
moins défavorable à
Les soussignés (dit le premier de ces
documents), (page 188)
plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de
Russie, après avoir mûrement pesé toutes les communications qui leur ont été
faites par M. le plénipotentiaire belge, sur les moyens de conclure un traité
définitif relativement à la séparation de
« Ne
pouvant toutefois abandonner à de plus longues incertitudes des questions dont
la solution immédiate est devenue un besoin pour l'Europe ; forcés de les
résoudre, sous peine d'en voir sortir l'incalculable malheur d'une guerre
générale ; éclairés, du reste, sur tous les points en discussion par les
informations que M. le plénipotentiaire belge et MM. les plénipotentiaires des
Pays-Bas leur ont données, les soussignés n'ont fait qu'obéir à un devoir dont
leurs cours ont à s'acquitter envers elles-mêmes comme envers les autres États,
et que dans tous les essais de conciliation directe entre la Hollande et la
Belgique ; ils n'ont fait que respecter la loi suprême d'un intérêt européen du
premier ordre ; ils n'ont fait que céder à une nécessite de plus en plus impérieuse, (page 189) en
arrêtant les conditions d'un arrangement définitif que l'Europe, amie de la
paix et en droit d'en exiger la prolongation, a cherché en vain, depuis un an,
dans les propositions faites par les parties ou agréées tour à tour par l'une
d'elles et rejetées par l'autre.
« Dans les conditions que renferment les
vingt-quatre articles ci-joints, la conférence de Londres a été obligée de
n'avoir égard qu'aux seules règles de l'équité. Elle a suivi l'impression du
vif désir qui l'animait, de concilier les intérêts et les droits, et d'assurer
à la Hollande, ainsi qu'à la Belgique, des avantages réciproques, de bon
voisinage, un état de possession territoriale sans dispute, une liberté de
commerce mutuellement bienfaisante, et un partage de dettes, qui, succédant à
une communauté absolue de charges et de bénéfices, les diviserait pour l'avenir
moins d'après des supputations minutieuses dont les matériaux mêmes n'avaient
pas été fournis, moins d'après la rigueur des conventions et des traités, que
selon les principes de cette équité prise pour base de tout l'arrangement, que
selon l'intention d'alléger les fardeaux et de favoriser la prospérité des deux
Etats. »
La seconde note démontre pleinement que la
conférence s'attendait à une plus grande opposition de la part de la Belgique
que de la part de la Hollande ; elle se terminait ainsi : « Les cinq (page 190) cours
se réservant la tâche et prenant l'engagement d'obtenir l'adhésion de la
Hollande aux articles dont il s'agit, quand même elle commencerait par les
rejeter, garantissant de plus leur exécution, et convaincues que ces articles,
fondés sur des principes d'équité incontestables, offrent à la Belgique tous
les avantages qu'elle est en droit de réclamer, ne peuvent que déclarer ici
leur ferme détermination de s'opposer, par tous les moyens en leur pouvoir, au
renouvellement d'une lutte, qui, devenue aujourd'hui sans objet, serait pour
les deux pays, la cause de grands malheurs, et menacerait l'Europe d'une guerre
générale que le premier devoir des cinq puissances est de prévenir. Mais, plus
cette détermination est propre à rassurer
Ce fut le 20 octobre que ce traité célèbre fut
communiqué par le ministère des affaires étrangères aux chambres belges, où il
produisit une sensation profonde de surprise et d'irritation. Le jour suivant,
M. de Muelenaere présenta un projet de loi contresigné par tous les ministres,
portant que le roi serait autorisé à conclure et à signer (page 191) le traité, en déclarant dans le préambule qu'il était imposé
au pays. Le rapport sur ce projet fut présenté le 26, et, malgré les
clameurs de la presse et les efforts de l'opposition, il fut adopté, le 1er
novembre, par une majorité de 59 contre 38 dans la chambre des représentants,
et par une majorité de 35 contre 8, au sénat. Placés entre ces deux systèmes
qui gouvernent l'Europe, ayant à choisir entre la diplomatie ou la guerre, les
Belges choisirent sagement la première, et se soumirent aux sacrifices qui leur
étaient imposés, dont le plus amer était l'abandon de leurs concitoyens dans le
Limbourg et le Luxembourg. Dans cette conduite pacifique, ils suivirent le bon
exemple de la France, qui avait sagement renoncé à la gloire hasardeuse de la
guerre pour les avantages durables de la paix. M. Van de Weyer, qui avait été
chargé par le roi de soutenir la loi dans les chambres, étant retourné à
Londres, le traité, avec trois articles additionnels, fut signé par lui et les
plénipotentiaires des cinq puissances, le 15 novembre. Les ratifications, sans
conditions, du roi des Belges et du roi des Français portent les dates des 20
et 24 novembre 1831 ; celle du roi d'Angleterre est du 6 décembre ; mais les
cours de Berlin, de Saint-Pétersbourg et de Vienne, n'ayant pas envoyé leurs
ratifications dans les deux mois prescrits, les plénipotentiaires demandèrent
que le protocole d'adhésion demeurât (page
192) ouvert (Protocole 55, du 31 janvier 1832). Ce ne fut qu'après que le comte Orloff
eût échoué dans sa mission à La Haye, où il avait été envoyé de
Saint-Pétersbourg pour obtenir l'adhésion du roi de Hollande, et après les
efforts non moins infructueux des deux autres puissances du Nord, pour faire
changer la résolution du roi, que les plénipotentiaires d'Autriche et de Prusse
échangèrent leurs ratifications, le 18 avril, et celui de Russie le 4 de mai.
Les deux premiers, qui avaient été signés par
l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse, le 7 janvier et le 18 mars, étaient
accompagnés des observations suivantes : « Que le traité était pleinement
approuvé, excepté la réserve des droits de la confédération germanique, comme
aussi les articles qui ont rapport à la cession et à l'échange du grand-duché.
» A la ratification russe, signée par l'empereur, le 18 janvier, était jointe
la réserve suivante : « Nous acceptons, affirmons et ratifions le traité, sauf
et excepté tels modifications et amendements qui pourraient être apportés par
l'arrangement définitif entre
Ces ratifications étant dûment échangées, le
protocole du 24 mai (n°59) déclara que le traité du 15 novembre devait
dorénavant être regardé comme la base invariable de séparation, d'indépendance
et de neutralité ; et que la conférence étant résolue de n'épargner aucun
effort pour amener le roi de Hollande et le roi des Belges à consentir à une
transaction définitive « par laquelle le traité devait recevoir sa pleine
exécution, ils étaient également déterminés à s'opposer par tous les moyens
possibles au renouvellement des hostilités entre les deux pays. » Cette
assurance était d'autant plus nécessaire, que lord Palmerston avait été
officiellement informé par le ministre des affaires étrangères de Hollande, que
son souverain lui avait ordonné d'établir « que les puissances étaient libres
de s'armer contre ses mesures ou contre son silence, que S. M. ne se
considérait pas comme forcée de leur déclarer ses intentions, à l'expiration de
l'armistice, et que même, si elle y était invitée, un grand nombre de circonstances
pourraient arriver avant cette époque, qui seraient (page 194) de nature à modifier ses
intentions (Protocole 50, du 21 août 1831). « Le
ton de défi et de dédain que prenait le gouvernement néerlandais, à l'égard de
la conférence, trahissait non seulement sa conviction que la guerre générale
était inévitable, mais prouvait qu'il était secrètement soutenu et encouragé
par quelque grande puissance. La déclaration finale, de la note du comte Orloff même, ne parut pas avoir détruit ses illusions. Au premier
abord cependant, elle paraît rédigée de manière à détruire l'opinion générale
du peu de sincérité du cabinet de St.-Pétersbourg. «
Quoique S. M. I. (disait le comte Orloff) ne veuille
pas s'associer à l'emploi des mesures coercitives ayant pour but de forcer le
roi à souscrire aux 24 articles, elle ne s'oppose pas aux mesures répressives,
adoptées par la conférence, pour garantir et défendre la neutralité belge, si
elle était violée de la part de la Hollande par un renouvellement d'hostilités.
N'étant pas, dans la conjoncture présente, en position d'offrir au roi des
Pays-Bas une preuve plus directe et plus utile d'amitié et d'intérêt,
l'empereur abandonne à la sagesse du cabinet de
Malgré toutes les remontrances, le refus du (page 195) cabinet hollandais fut
péremptoire et sans équivoque. Le mémoire, en réponse à la note de la
conférence, accompagnant le traité, contenait une protestation formelle contre
les vingt-quatre articles, comme étant essentiellement opposés aux. 12e et 13e protocoles, auxquels il déclarait
de nouveau sa résolution d'adhérer. Ce document, comme tous ceux émanant de la
même source, était remarquable par la subtilité et la force de sa dialectique ;
mais il était de tout point incompatible avec le nouvel ordre de choses. Il
commençait par exprimer des plaintes sur la violation du protocole
d'Aix-la-Chapelle (du 25 novembre 1818), sur l'exclusion des plénipotentiaires
hollandais des délibérations de la conférence ; il déclarait qu'il n'était pas
disposé à partager les vues pacifiques des grandes puissances, ou à abandonner
ses droits de renouveler les hostilités, et que les vingt-quatre articles, au
lieu d'assurer des avantages à la Hollande, lui imposaient des sacrifices,
auxquels une nation indépendante ne pouvait jamais consentir. Après avoir
réfuté chaque article en détail, il proposait diverses modifications, qui
n'étaient qu'un retour à l'annexe A. La conférence répondit à cette
communication, dans un mémoire remarquable par son étendue et la logique de ses
raisonnements. Elle s'y défendait contre l'accusation
(page 196) d'avoir violé le
protocole d'Aix-la-Chapelle, en établissant que, quoique ce protocole accordât
expressément le droit de participation des plénipotentiaires des puissances
appelantes, il ne prescrivait pas la forme de cette participation, et que, par
conséquent, il laissait à la conférence la liberté d'adopter le mode de communication
qui lui conviendrait le mieux. Elle profitait, en conséquence, de cette
latitude pour engager les plénipotentiaires hollandais à exposer leurs
communications par écrit. Ce mémoire, après avoir combattu chaque objection en
particulier, faisait observer que tout le traité n'était que le développement «
des bases de séparation » du 27 janvier 1831, que la question du grand- duché
était sanctionnée par l'autorité de la confédération germanique, en vertu des
résolutions de la diète du 9 septembre 1831, annoncées dans son protocole, et
cela, d'après le désir exprimé par le roi de Hollande. Le dernier paragraphe de
ce mémoire, dont la plus grande partie était due à la plume de lord Palmerston,
ne doit pas être oublié ; les arguments qu'il avançait n'étaient pas moins
justes que logiques. Par le 12e protocole, il était établi que le
souverain des Belges devrait accepter les arrangements résultant de ce
protocole ; par le 19e,
dont le gouvernement hollandais invoquait l'autorité, cette acceptation était
limitée à certains arrangements fondamentaux, (page 197) c'est-à-dire aux stipulations territoriales du 12e.
« La lettre adressée à la conférence
par le ministre des affaires étrangères de Hollande, le 12 juillet, déclarait
que S. M. n'avait eu recours aux armes, que dans le but d'obtenir des
conditions équitables de séparation, et qu'il traitait en ennemi le souverain
que les Belges s'étaient choisi, parce que ce souverain n'avait pas accepté ces
conditions, qui, d'après cette lettre, étaient toutes fondées sur les principes
du 12e
protocole, et les dispositions de son annexe A ; que tels étant les engagements
et les devoirs de la conférence, était-il possible, sans violer la foi de ces
engagements, d'éviter la détermination qui en était la suite ? Pouvaient-ils
agir autrement quand telles étaient les déclarations du cabinet de
Entre le 14 septembre (jour auquel la
conférence rédigea le 40e protocole relatif à l'échange des prisonniers)
et le 4 mai, 19 autres protocoles furent rendus publics. De ces documents, celui du 24
septembre (n°42), relatif au Luxembourg, et celui du 6 octobre (n°48).
concernant la dette, sont les plus remarquables. C'était sur ces deux grands
points qu'on peut dire que toutes les difficultés reparurent. Le premier, tout
en admettant l'adhésion de la confédération germanique aux négociations, pour
la cession d'une partie du grand-duché, à la condition expresse que cette
cession ne pourrait renfermer aucune portion du territoire, capable de nuire à
la ligne de défense, protestait formellement, au nom de la diète, contre divers
actes du gouvernement belge, comme étant essentiellement hostiles aux principes
du 36e protocole, et dénonçant la convocation des représentants du grand-duché,
et la nomination d'un gouverneur militaire, comme contraires à l'autorité de la
confédération. Le principal point, contenu dans le 48e protocole,
relatif à la dette, ayant été expliqué dans un précédent chapitre, il serait
superflu de revenir sur ce sujet.
Après avoir
jeté ce coup d'œil rapide sur l'état des négociations durant la période en
question, il est temps de revenir au roi Léopold, et d'offrir le tableau des
arrangements adoptés par lui pour mettre le pays à l'abri de désastres
semblables à ceux du mois d'août.
Ces désastres, qui mirent en évidence
l'insubordination de l'armée, l'extrême disette d'officiers (page 199) capables d'organiser son administration,
contribuèrent à surmonter les répugnances qu'éprouvait la chambre à admettre
des officiers étrangers et l'amenèrent à se confier moins dans les volontaires,
et à protester moins souvent contre ces mesures de rigueur, sans lesquelles la
discipline est impossible. En conséquence, une loi passa à la chambre le 22
septembre, par laquelle le roi était autorisé à prendre à son service autant
d'officiers étrangers qu'il le jugerait convenable pour la durée de la
guerre. En conséquence, les généraux Desprez .
Evain, Billard, Petit et Gründler reçurent l'ordre du
maréchal Soult, de se mettre à la disposition de M. de Brouckère, ministre de
la guerre belge, pour organiser les différents corps de l'état-major, de
l'artillerie, de la cavalerie et du génie. Plusieurs colonels et officiers d'un
rang inférieur furent attachés à ces généraux ou disséminés dans ces différents
corps. Cette mesure ne put s'effectuer sans exciter la jalousie et le
mécontentement des nationaux, qui, malgré la preuve récente et déplorable de
leur manque d'organisation, et quoiqu'ils fussent forcés d'avouer
l'insuffisance et la démoralisation des différentes parties de l'armée, ne
voulaient pas reconnaître la nécessité absolue de la mesure adoptée par le
gouvernement. Cette jalousie fut portée à tel point dans quelques
circonstances, qu'un major français ayant été (page 200) nommé dans un régiment de lanciers, tous les officiers se
déterminèrent à le provoquer en duel, et il aima mieux se retirer, que de
s'exposer à des dissensions continuelles entre lui et le corps d'officiers. Le
nombre des officiers étrangers de tout pays, admis au service, fut de 350. Les
causes qui amenèrent cette nécessité ont déjà été expliquées. Il n'est pas
possible, cependant, de parler de ce sujet sans tenir compte du tact du
maréchal Soult, dans le choix de la plus grande partie des personnes destinées
pour ce service. La réputation du général Evain et celle du général Desprez, sont européennes. Dans le premier, la Belgique fit
une acquisition que son roi éclairé apprécia au plus haut point ; et quand une
mort prématurée priva le pays des services du dernier, la douleur publique ne
put être surpassée que par la douleur de sa famille (Le
lieutenant-général Desprez, mort le 6 août 1833. Le chagrin
que lui causa la perte de sa femme, qui le précéda de quelques mois au tombeau,
contribua, dit-on, beaucoup à sa mort. Desprez ne
laissa qu'une fille, qui fut dans la suite sur le point de se marier avec M.
Baillot, officier de l'état-major de la garde nationale parisienne, tué à Paris
dans l'affaire d'avril 1834. Mlle Desprez
a épousé récemment le marquis de Dalmatie, fils du maréchal Soult). A l'époque de l'arrivée de ces
officiers en Belgique, l'armée était dans l'état le plus déplorable. En moins
de six mois, elle se présenta sous un aspect totalement différent.
(page 201) Le
général de Failly, ayant quitté le département de la
guerre, avait été remplacé, pour quelques jours, par le comte d'Hane. Mais cet officier, qui s'était distingué à l'affaire
de Louvain, ayant été blessé aux côtés du roi,M.Ch. de
Brouckère, qui avait remplacé M. de Sauvage à l'intérieur, consentit à prendre
le portefeuille de la guerre, et à tenter la tâche gigantesque contre laquelle
avaient échoué les efforts de ses prédécesseurs. Quoique cet officier manquât
d'expérience, il était remarquable par son infatigable application aux
affaires, son activité et son énergie : aussi continua-t-il l'œuvre d'épuration
avec une volonté inflexible.
Un nouveau système d'organisation générale fut
adopté. Les bataillons de volontaires indisciplinés furent licenciés, et les
hommes incorporés dans les régiments de chasseurs. Quelques officiers
supérieurs furent mis à la demi-solde, et plusieurs officiers subalternes
démissionnés (« Je dirai plus (dit le ministre de la guerre aux
chambres, en défendant sa conduite relativement à ces démissions). Nous avons
reçu de la Hollande plusieurs hommes condamnés à un emprisonnement perpétuel.
Les portes des prisons leur furent ouvertes, afin qu'ils pussent venir nous
demander des commissions d'officiers. C'est à un colonel qui a eu assez
d'énergie pour faire prendre un bain à tout son régiment, que nous devons
d'avoir découvert la marque sur l'épaule de quelques-uns des officiers. »
28 septembre 1831). Tous
les officiers d'état-major furent obligés de subir un examen. Ceux qui
possédaient des connaissances suffisantes furent confirmés dans (page 202) leur grade ; les autres
furent placés dans des régiments de ligne, ou renvoyés. Une école militaire,
modelée sur celle de France, fut établie. L'artillerie fut réorganisée, et le
nombre des canons de chaque batterie porté de 6 à 8. Un corps de
sapeurs-mineurs et une compagnie de pontonniers furent organisés. Vingt mille
hommes de garde civique du 1er ban furent appelés et organisés ; deux régiments de chasseurs francs
formés au moyen des volontaires licenciés. Les régiments de cavalerie furent
augmentés de 4 à 6 escadrons. La subordination s'établit. En sorte qu'au bout
de quatre mois, les différentes branches du service semblèrent avoir une
nouvelle vie, et l'année commença à présenter une apparence d'amélioration qui
promettait les plus heureux résultats. Ainsi, dès le début de De Brouckère au ministère, une force de 45,000 hommes
d'infanterie, de 3,600 de cavalerie, et de 80 pièces de canon fut prête à
entrer en campagne, non compris la garde civique du 1er ban et les bataillons de réserve.
Reformer une armée révolutionnaire, substituer
la discipline à l'insubordination, l'économie (page 203) et la règle aux désordres et aux dilapidations les plus
scandaleuses, renvoyer les hommes incapables, et les remplacer par d'autres ;
former une armée respectable d'une masse désorganisée et découragée par un
récent désastre ; établir partout la confiance sans bravade, et placer ces
différents corps sur un pied respectable ; mépriser les diatribes des journaux
et les personnalités de l'opposition, poursuivre, enfin, la ligne qu'il s'était
tracée, malgré des menaces et des insultes ouvertes, était une tâche qui ne
pouvait être accomplie que par un homme d'une habileté et d'une énergie plus
qu'ordinaire. de Brouckère possédait certainement
cette dernière qualité au plus haut degré. Mais son caractère ardent, ses
manières brusques, qu'il ne parvient pas toujours à modérer, joints aux
intrigues des ultra-catholiques, aux petites jalousies de ses adversaires
politiques, et par dessus tout les efforts hardis qu'il fit pour purifier
l'armée d'une quantité d'hommes qui la déshonoraient, élevèrent contre lui une
masse d'adversaires violents et sans générosité. Nul effort ne fut épargné dans
les chambres, par la presse, et dans les antichambres du roi, pour lui faire
perdre l'estime et la considération publiques. Tous cependant furent forcés
d'avouer qu'il avait rendu des services importants à son pays, qu'il était
d'une habileté peu commune, qu'il joignait aux talents les plus distingués, (page 204) comme administrateur, un
dévouement sans bornes aux intérêts de son pays. A la fin, fatigué et dégoûté
de la violence de ses adversaires, qui craignaient son influence et ses
talents, et désireux par dessus tout de quitter la cour ; de Brouckère donna sa
démission, et fut remplacé par le baron Evain, général d'artillerie français,
qui, ayant reçu des lettres de grande naturalisation, fut nommé ministre-directeur
de la guerre, mais sans faire partie du cabinet.
Il eût été difficile pour le gouvernement belge
de choisir un officier plus propre à se charger du portefeuille de la guerre,
que l'honorable général dont les services et le mérite avaient été si bien
appréciés par le plus grand capitaine des temps modernes. A une connaissance
intime de tous les détails de l'organisation militaire, à une facilité
extraordinaire pour tirer tout l'avantage possible des moyens mis à sa
disposition, le général Evain joint un amour passionné du travail, un esprit
méthodique, une réputation sans tache, beaucoup d'impartialité, et des manières
douces et affables. Cette douceur peut seule lui être reprochée comme un
défaut, et il eût été plus avantageux à la discipline qu'il eût possédé un
caractère plus sévère et plus résolu. En entrant en fonctions, le général Evain
rendit justice aux travaux de son prédécesseur, et en profita habilement. Ce
que l'un avait ébauché, fut rapidement terminé (page 205) par l'autre ; de sorte que, en peu de mois, l'armée, dont
l'organisation avait déjà fait des progrès essentiels, fut placée sur un pied
respectable, et présenta un total général de plus de 72,000 hommes
d'infanterie, 6,000 de cavalerie et 122 pièces de canon. Le temps et l'instruction
rendront cette armée égale, sous tous les rapports, aux armées les mieux
organisées du continent.
Les efforts de MM. de Brouckère et Evain furent
habilement et judicieusement dirigés par le roi, qui, chaque jour, travaillait
plusieurs heures avec le ministre et le chef d'état-major général, et faisait
de fréquentes visites d'inspection dans les camps et dans les garnisons. Les
divisions et les brigades étaient fréquemment passées en revue par lui, et il
existait à peine un bataillon, un escadron, ou une batterie qu'il ne connût pas
personnellement. Cette conduite eut pour résultat de stimuler le zèle des
officiers et d'encourager les soldats qui se dévouèrent avec zèle à profiter de
l'instruction qu'on leur donnait.
Si l'armée doit beaucoup à de Brouckère pour sa
réorganisation et aux efforts infatigables d'Évain,
pour compléter ce que son prédécesseur avait si habilement commencé, elle ne
doit pas moins au talent du général Desprez, chef de
l'état-major : ce général accompli, ce soldat brave et distingué, avait servi
en cette qualité dans l'armée expéditionnaire d'Afrique ; modéré dans ses (page 206) opinions politiques, poli
dans ses manières, profondément versé dans les théories et la pratique de la stratégie
sur l'échelle la plus étendue, connaissant à fond tous les détails de
l'organisation, d'un esprit élevé et éclairé, courageux, infatigable, Desprez, avec l'aide du lieutenant-colonel Chapelié, parvint à former un bon état-major, et, secondé
par le roi, parvint aussi à organiser les différents corps sur un pied plus
convenable et plus avantageux pour l'ensemble et la rapidité des mouvements
qu'exigent les manœuvres du champ de bataille.
Pour arriver à ce but, les forces militaires
furent divisées en deux armées : une d'observation, l'autre de réserve.
L'armée active consistait en cinq divisions, y compris une division de
cavalerie. La réserve fut formée des 6e et 7e
divisions : la première cantonnait dans les Flandres ; la dernière formait la
garnison d'Anvers et des forteresses environnantes. Le tout donnait un total de
117,000 hommes, y compris la garde civique mobile. Le système des divisions ou
gouvernements militaires fut conservé ; chaque province ayant son commandant
chargé de la police militaire, et de la répartition de la garnison.
Le roi donna aussi son attention à
l'organisation de sa maison, et résolut avec sagesse de l'adapter à la nature
des circonstances et à l'esprit (page 207)
de l'époque. Au lieu de nommer une foule de chambellans et autres officiers
ordinaires des cours, il se borna à nommer un grand-maréchal, un grand-écuyer,
un secrétaire privé et un secrétaire de la liste civile. Il y ajouta quatre
aides-de-camp en service ordinaire, deux aides-de-camp en service
extraordinaires, lesquels sous les ordres du général d'Hane,
composent ce qu'on appelle la maison militaire du roi. Ces officiers reçoivent
les émoluments de leurs grades respectifs, et ne reçoivent pas de double paye,
exemple qui devrait être imité en Angleterre, où les officiers de l'état-major
du roi cumulent sans raison leurs appointements de régiment et d'état-major. Le
reste de la maison du roi fut formé sur un pied convenable (La liste
civile, fixée pour la durée du règne, monte à la somme de 2,741,340
fr. Dans cette somme sont compris les frais d'entretien des palais de
Bruxelles, Laeken et Anvers, ainsi que toutes les dépenses du cabinet
particulier du roi). Sous la
direction du grand-maréchal comte d'Aerschot, dont
les manières courtoises sont en rapport avec la place qu'il occupe, et du
marquis de Chasteler, grand-écuyer, les principales
branches de l'administration de la maison du roi s'organisèrent promptement, et
cependant tout était à faire ; car, peu d'heures avant l'arrivée du monarque,
pas un seul domestique n'était engagé, et il n'y avait (page 208) pas un cheval dans les écuries ; et quoiqu'une partie du linge et des
porcelaines de l'ancien roi fût restée, il n'existait ni argenterie ni aucun
des objets essentiels à la splendeur d'un palais. Le grand-maréchal et le
grand-écuyer furent aidés des conseils et de l'expérience du baron Stockmar : c'est aux talents de cet ami fidèle et éclairé
que le prince Léopold était redevable de ces admirables arrangements qui
rendaient sa maison de Claremont un modèle de splendeur et de comfort, sans faste extravagant. Il lui dut
aussi bien des consolations dans les circonstances affligeantes de sa vie. Les
conseils du baron de Stockmar ne furent pas moins
utiles au prince, quand il fut sur le trône. Ses talents politiques, sa
profonde connaissance du cœur humain, son intégrité, son noble
désintéressement, l'eussent rendu digne d'occuper un poste élevé dans les
conseils du roi. Mais quoique les offres les plus pressantes lui eussent été
faites, il les rejeta toutes, et se contenta du titre honorable et simple d'ami
du roi.
Quoique les Belges fussent mécontents du traité
du 15 novembre, ce traité n'en était pas moins devenu la charte politique du
pays, le cercle étroit dans lequel les relations diplomatiques devaient
maintenant se renfermer. La ratification de la Russie, la moins favorable de
toutes, ayant stipulé que les modifications (page 209) éventuelles devraient s'effectuer par consentement mutuel, les
Belges insistèrent pour que de nouvelles négociations ne pussent être entreprises
sans leur participation directe. Leur première condition, leur sine qua non absolu
était, que le traité recevrait un commencement d'exécution, par l'évacuation
préliminaire d'Anvers et des autres parties du territoire belge. C'était la
base des instructions du ministère à ses envoyés, instructions d'accord avec
l'adresse des chambres et la réponse du roi. Dans le fait, c'était la ligne de
conduite tracée par la conférence elle-même, qui avait déclaré que comme le
traité avait reçu la sanction complète des cinq cours, elles veilleraient à son
exécution ; et avait établi dans la note du 11 juin 1832, en réponse aux
sollicitations pressentes du gouvernement belge, « qu'elle s'était engagée à
obtenir du roi des Pays-Bas, qu'il avisât au moyen le plus expéditif d'évacuer
le territoire belge, d'assurer la liberté immédiate de l'Escaut et de la Meuse,
et qu'elle établirait des négociations pour arriver à un arrangement amical,
quant aux articles du traité qui offrait des difficultés, aussitôt que le
territoire serait évacué ; sanctionnant ainsi d'une manière non équivoque
la demande des Belges.
Non content de ses remontrances pressantes, M.
de Muelenaere envoya de nouveau le général Goblet, avec une mission spéciale, à
Londres, (page 210) pour que, réuni avec
M. Van de Weyer, il cherchât à amener la question à sa solution. En
conséquence, le 29 juin, ils présentèrent une note à la conférence, dans
laquelle ils proposaient : 1° que « dès le 1er janvier dernier jusqu'à la
ratification finale de la paix, les dépenses de guerre de la Belgique,
résultant uniquement du refus de la Hollande, pussent être placées à la charge
de cette puissance, sur le pied de trois millions de florins par mois, somme
qui serait déduite des intérêts arriérés, dus éventuellement à la Hollande ; »
2° que « si le gouvernement hollandais ne jugeait pas à propos d'évacuer le
territoire de la Belgique, ou de consentir à la libre navigation des fleuves,
la conférence donnât instantanément l'ordre d'employer les mesures coercitives
nécessaires pour arriver à ce résultat. » La première de ces demandes, quoique
fondée en équité, ne fut pas adoptée ; mais l'embargo des navires hollandais,
le blocus de leurs ports par une escadre combinée, et le siège de la citadelle
d'Anvers furent le résultat de l'autre.
Une singularité remarquable, à laquelle nous
avons déjà fait allusion dans un chapitre précédent, fut le changement complet
de position des parties contendantes. D'un côté, la Hollande rejeta le traité
des vingt-quatre articles, comme elle avait rejeté celui des dix-huit, et
répondit aux sollicitations et aux remontrances des cinq (page 211) cours, en proposant un
nouveau traité, en méprisant leurs armements, en niant la compétence de la
conférence, et en protestant contre l'emploi des mesures coercitives, quoique
jusqu'à la fin d'août 1831, elle eût sollicité, avec ardeur, une intervention
armée, et cherché à légitimer son agression contre les Belges, en soutenant
qu'elle n'était que le développement des mesures coercitives . annoncées par la
conférence. D'un autre côté,
Les
discussions qui eurent lieu à cette période des négociations, amenèrent la
célèbre proposition, connue sous le nom de thème de lord Palmerston, en même
temps que onze protocoles additionnels. Celui du 11 juin (n°65) contenait six
notes, dont le but principal était de faire cesser la résistance des parties à
une négociation directe, sans laquelle tout progrès (page 212) ultérieur était impossible. On proposa d'ajouter ces
articles supplémentaires au traité original, stipulant que l'évacuation
territoriale aurait lieu avant le 28 juillet 1832, « que cette évacuation étant
effectuée, les deux états députeraient des commissaires à Anvers, pour négocier
et conclure un arrangement amical, relatif à l'exécution des 9e et 12e articles
du traité ; et qu'une autre commission de liquidation se réunirait à Utrecht,
pour discuter un plan de capitalisation de la dette de 8,400,000 florins, à
charge du grand livre de la Belgique. » Les efforts de la conférence, pour
amener les parties à s'entendre, furent infructueux. Les notes, les mémoires,
les thèmes, les propositions échouèrent. Chaque fois que l'une faisait un pas
en avant, l'autre en faisait un en arrière, changeant de position suivant
l'impulsion qu'elle recevait de la conférence. Lorsque le cabinet hollandais
consentait à négocier, ses adversaires s'y refusaient, et aussitôt que
Les embarras qui assiégeaient la conférence,
furent encore augmentés par divers incidents secondaires, qui menaçaient
d'amener des conséquences désastreuses. Le principal de ces incidents fut
l'arrestation inattendue, par
En même temps, une négociation particulière,
d'une importance vitale pour la consolidation de la nouvelle dynastie et le
bonheur domestique du roi, se poursuivait en secret. Un des vœux les plus
ardents de la nation, et qu'elle avait formé dès l'élection du roi, était
l'espoir de lui voir épouser une des filles du roi des Français. Cette
espérance, adroitement mise en avant au moment de la discussion des dix-huit
articles, était sur le point de se réaliser. Désappointés de n'avoir pu amener
Louis-Philippe à permettre à son fils d'accepter le trône, les vœux du peuple
se tournèrent vers une de ses filles. Ce fut, en conséquence, avec une joie
universelle que la nation apprit les préliminaires du mariage entre (page 215) le
roi et l'aimable et intéressante princesse Louise d'Orléans, et la fixation
définitive de la célébration du mariage. Cette cérémonie eut lieu avec beaucoup
de solennité à Compiègne, le 9 août 1832. Le 15, LL. MM. arrivèrent à Laeken,
et, le 20 du même mois, elles firent leur entrée dans la capitale, où elles
furent reçues avec les plus grandes démonstrations de joie et d'enthousiasme (Selon
l'acte de mariage daté du 9 août