(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 3)
(page 113) (Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte à midi et demi. (P.V.)
M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit une lettre par laquelle M. Isidore Fallon, député de Namur, demande un congé de trois semaines pour suivre une affaire importante, et donne sa démission en cas de refus. (J. B., 21 mai.)
- Le congé est refusé. (P. V.)
M. le président observe que ce refus, équivalant à une démission, l'assemblée pourrait accorder un congé à l'honorable M. Fallon, afin de lui laisser le temps de se décider sur sa proposition conditionnelle. (E., 21 mai.)
M. de Robaulx – Le congrès a décidé qu'il ne serait accordé aucun congé, mais n'a pu entendre donner une démission, qui dépend du titulaire seul, auquel il reste cinq jours, d'après le règlement, pour prendre une détermination. (E., 21 mai.)
M. Vandorpe, député de la Flandre occidentale, donne sa démission. (P. V.)
- Pris pour notification. (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes :
M. Antoine Zegers, à Eindhoven, demande des lettres de naturalisation.
M. Gilbert, instituteur à Bruxelles, présente des observations sur l'administration générale des affaires de la Belgique.
L'administration communale de Charneux demande l'abolition de l'impôt sur le sel.
M. de Kerchove, d'Anvers, assure que le prince de Salm-Salm accepterait si le congrès l'appelait au trône de la Belgique.
M. Flameng, à Gand, demande que l'emprunt des 12 millions soit uniquement imposé à la classe aisée de la société.
La veuve de Philippe de Boever, à Gand, demande que la pension dont jouissait son mari lui soit continuée.
Des cultivateurs de la commune d'Ougrée demandent une disposition interprétative du paragraphe 8 de l'article 7 du décret du 6 mars dernier sur les barrières.
M. Caymackx, à Verlée, rappelle au congrès qu'aucun rapport n'a été fait jusqu'à ce jour de sa pétition du 21 décembre dernier.
M. Adolphe Raikem, à Grivegnée, présente un projet de décret ayant pour objet d'ordonner aux curés de lire au prône, tous les dimanches, quelques articles du Code pénal.
M. Bourcier donne au congrès quelques renseignements relatifs à sa demande en naturalisation.
M. Leroy, sergent-major dans la légion belge-parisienne, demande des lettres de naturalisation. (J. B., 21 mai, et P. V.)
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. Le baron de Terbecq, rapporteur de la commission chargée de la vérification des pouvoirs des députés et suppléants élus par le Brabant, propose l'admission de M. Deswert en remplacement (page 114) de M. Peemans, député de Louvain, démissionnaire. (I., 21 mai.)
- Cette admission est prononcée. (P. V.)
M. Barthélemy, ministre de la justice, présente deux projets de décret : l'un sur les délits politiques et de presse ; l'autre sur l'organisation judiciaire.
- Ces projets seront imprimés et distribués. Le congrès en ordonne le renvoi aux sections. (P. V.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt adresse une interpellation à M. le ministre, qui s'empresse d'y répondre. (E., 21 mai.)
Il s'élève un débat sur les projets arriérés. (E., 21 mai.)
M. le président cite plusieurs projets de décret dont la discussion a été ajournée. (J. B., 21 mai.)
M. Van de Weyer dit qu'à l'égard des pétitions, le travail est distribué entre différents membres, qui seront bientôt à même de présenter leurs rapports. Quant au manifeste, toutes les pièces sont prêtes, et trois rédactions sont sur le point d'être achevées ; elles seront soumises avant peu au congrès. L'honorable membre signale une lacune fâcheuse dans les projets qui viennent d'être énumérés ; elle est relative à une loi sur les récompenses nationales, loi trop retardée, puisque les communes qui ont montré le plus grand enthousiasme à marcher au secours de Bruxelles sont désappointées d'un tel retard ; elles n'ont pas encore reçu les drapeaux d'honneur qui leur ont été promis, les blessés de septembre attendent encore ce que la patrie leur doit pour leur noble dévouement. Il est surprenant que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas encore déposé un projet. (E., 21 mai.)
- De toutes parts – Appuyé ! appuyé ! (E., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Il vous sera présenté demain. Je l'avais préparé depuis longtemps et je comptais le présenter le lendemain du jour où le congrès s'est séparé. (J. B., 21 mai.)
M. de Robaulx – Messieurs, nous avons entendu hier un rapport de M. le ministre des affaires étrangères, on nous a distribué aujourd'hui celui de M. le ministre de la guerre ; je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il doit aussi nous faire un rapport sur les affaires de son département. (I., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Je n'ai pas préparé de rapport, une raison toute simple : c'est que mon département embrasse un si grand nombre de choses, que pour faire connaître au congrès tous les détails qui peuvent être intéressants, il faudrait se livrer à un long travail. (I., 21 mai.)
M. de Robaulx – Si c'est parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes à savoir que vous refusez de nous les communiquer... (I., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Je ne refuse pas, car si le congrès désire que je fasse un rapport (voix nombreuses : Non ! non !), je m'empresserai de le préparer. (Non ! non ! Agitation.) (I., 21 mai.)
M. de Robaulx – Messieurs, il est cependant bien des choses qu'il serait nécessaire de faire connaître au congrès. Je n'en citerai qu'une seule : la garde civique, par exemple. Où en son organisation et son armement ? Vous sentez que dans l'état où nous nous trouvons, lorsque la guerre est imminente, il est très essentiel d’être fixé sur ces points. Si le ministre n'a pas préparé de rapport à cet égard, il me semble que nous devrions le prier d'en faire un. (I., 21 mai.)
M. Van de Weyer – J'ai demandé la parole pour appuyer l'observation que vient de faire l’honorable M. de Robaulx. Je me proposais moi-même d'adresser quelques questions à M. le ministre de l'intérieur touchant la garde civique. Certains conflits qui existent entre les gouverneurs de provinces et les états-majors de la garde paralysent son organisation. Il règne sur plusieurs points essentiels une grande incertitude, Je demanderai donc à M. le ministre si, conformément à la loi, les chefs de légions ont été nommés, si les gardes civiques sont organisées dans toutes les communes ; quel est le nombre d'hommes qui sont armés et équipés ; quel est l'état matériel de l'artillerie et de la cavalerie de la garde civique. En ma qualité d'officier d'état-major, je dois déclarer que la plus grande confusion règne sur tous les points de l'organisation, et que la cause principale de cette confusion vient de l'obligation où l'on est de correspondre tantôt avec les gouverneurs de province, tantôt avec le ministre, et de ne pas trouver toujours ces autorités d'accord. Je désire donc que M. le ministre réponde aux questions que je viens de poser. S'il le désire, je les mettrai par écrit, il pourra les examiner avant d'y répondre, car je ne demande pas que la réponse ait lieu incontinent. (I., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – (page 115) Si l'honorable préopinant veut bien mettre ses questions par écrit, je me ferai un devoir d'y répondre. (I., 21 mai.)
M. Van de Weyer – Je vais les écrire. Je prie du reste l'assemblée de croire que je ne suis pas guidé par un esprit d'hostilité (rumeurs), mais par le seul intérêt de la chose publique. (I., 21 mai.)
- Le comité général de demain, dans lequel M. Lebeau, ministre des affaires étrangères, donnera communication des .pièces et renseignements sur l'élection future du prince de Saxe-Cobourg, est fixé à midi. (E., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, monte à la tribune et présente un projet de loi sur l'organisation municipale.
- L'assemblée, en ordonne l'impression et la distribution ; elle le renvoie à l'examen des sections. (P. V.)
M. Pirson – Messieurs, il me semble que le projet dont vous venez d'entendre la lecture n'est pas tellement urgent qu'on n'en pût ajourner la discussion au moins pendant quelque temps. Un projet plus urgent et qui aurait dû être présenté avant celui-là, c'est celui qui doit régler l'organisation des conseils provinciaux. L'organisation actuelle est due à un ordre de choses qui n'existe plus. Ces conseils ont été nommés sous l'ancien gouvernement, ils ont été nommés en vertu de lois abrogées pour jamais ; ils ont été nommés en vertu de lois qui consacraient une inégalité choquante, par la distinction des ordres des villes et des campagnes. Ces conseils sont composés en général d'hommes hostiles au nouvel ordre de choses ; il me semble, donc qu'on aurait dû commencer par l'organisation provinciale. Je demande qu'un projet de loi nous soit présenté à ce sujet, qu'il soit discuté avant ou au moins en même temps que celui qui vient de nous être présenté. (Marques générales d'assentiment.) (I., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur, reconnaît la justesse des observations présentées par M. Pirson. Il déclare qu'il a déjà préparé un projet d'organisation provinciale, et qu'il espère pouvoir le présenter dans cinq ou six jours. (I., 21 mai.)
M. Alexandre Rodenbach – J'approuve tout à fait la proposition de l'honorable M. Pirson. Lorsque des lois rendues par le congrès sont adressées aux conseils provinciaux, plusieurs commissaires de district m'ont affirmé que leur exécution était presque toujours entravée par les membres de ces conseils, qui ne sont composés que d'orangistes. (Rires et rumeurs. Bravos dans les tribunes.) (I., 21 mai.)
M. Alexandre Gendebien fait observer que puisqu'on a reconnu qu'on ne pouvait s'occuper demain dans les sections, et sitôt après leur distribution, des projets présentés par M. le ministre de la justice, on pourrait examiner un des projets qui depuis longtemps sont en retard. (E., 21 mai.)
M. Van Snick est entendu à ce sujet. (E., 21 mai.)
M. Alexandre Rodenbach – Il est parvenu à ma connaissance que dans les communes de plusieurs provinces, les états provinciaux ont voulu supprimer les traitements alloués à des instituteurs. Je demande à M. le ministre de l'intérieur une explication sur ce point. (E., 21 mai.)
M. le chevalier de Sauvage, ministre de l'intérieur – Il est très vrai que j'ai reçu une plainte ou deux de la nature de celles dont vient de parler le préopinant. J'ai répondu que les députations n'avaient plus le droit de forcer les communes à s'imposer. Toutes les fois que de semblables plaintes me seront adressées, elles recevront le même accueil. (I., 21 mai.)
M. Alexandre Rodenbach – Le conseil provincial des Flandres a violé la liberté d'enseignement. La constitution est décrétée à peine, et on la viole déjà, (Agitation prolongée.) (I., 21 mai.)
- Un membre – Aux observations faites par le préopinant, j'ajouterai que l'on envoie dans les communes, pour inspecter l'instruction primaire, les mêmes inspecteurs que sous l'ancien gouvernement. Nous nous sommes battus pour la liberté d'enseignement et contre ces inspecteurs ; je déclare, en ma qualité de bourgmestre, que s'ils viennent dans ma commune, ils n'y seront pas reçus. (Nouvelle agitation.) (I., 21 mai.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances, présente, un projet de décret relatif à l'impôt sur le sel.
- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution du projet, et le renvoie à l'examen des sections. (P. V.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – (page 116) Je ne quitterai pas la tribune, sans vous entretenir un moment des distilleries. Depuis longtemps, on désirait que le gouvernement soumît au congrès un projet de loi sur les distilleries. Je m'en suis occupé ; j'ai profité de l'intervalle des deux sessions pour réunir à Bruxelles un distillateur de chaque arrondissement du royaume. D'accord avec l'administration financière, ces messieurs ont adopté, à l'unanimité, un projet qui vous sera soumis dès le moment que j'aurai pu réunir les matériaux nécessaires pour vous le présenter, et je suis heureux de pouvoir espérer que nous aurons une loi fiscale qui satisfera la grande majorité des imposables. (E., 21 mai.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt demande à M. le ministre à quelle époque il se propose de présenter le budget. (I., 21 mai.)
M. Charles de Brouckere, ministre des finances – Il ne dépend pas de moi de fixer l'époque à laquelle je pourrai présenter le budget général. Celui de mon département est prêt, celui de la justice l'est également. Il en reste encore trois, qui doivent m'être remis, et qui ne le sont pas encore. On m'a promis celui des affaires étrangères pour ce soir. Quand j'aurai reçu ces divers budgets, il faudra encore que je les examine, pour me préparer à les soutenir. Cela demandera quelque temps. Cependant, comme le budget de chaque département ne forme qu'un chapitre distinct et séparé du budget général, si le congrès le désire, je lui soumettrai le budget de mon département. (I., 21 mai.)
- De toutes parts – Appuyé ! appuyé ! (I., 21 mai.)
M. le baron Osy – Je désire faire une question au ministère. Nous avons appris que M. le régent a envoyé à Anvers MM. le général Belliard et Abercrombie, pour forcer les Hollandais à rendre le fort dont ils s'étaient emparés. Je désirerais savoir si le fort a été rendu et si les Hollandais avaient le droit de s'en emparer. (I., 21 mai.)
M. Charles de Brouckere, ministre de la guerre, ad interim – Messieurs, vous savez qu'en vertu de la convention signée en novembre dernier, nous devions nous tenir à trois cents mètres du glacis de la citadelle, depuis et compris le quai Saint-Laurent. La lunette dont s'est emparé le général Chassé est celle qui porte le nom de Saint-Laurent et qui est en avant de la citadelle. Depuis quelque temps l'ennemi fait sur ce point des travaux de défense ; mais, de notre côte nous ne sommes pas restés oisifs, et des travaux d’attaque ont été faits activement et sans relâche. Le général commandant la citadelle a déclaré au général Belliard qu'il consentait à évacuer la lunette Saint-Laurent et à n'y laisser qu'une garde de police, si de notre côté nous voulions suspendre nos travaux. Quant à la lettre écrite par Chassé au général Belliard, elle a été communiquée, et sans doute en ce moment les journaux l'ont publiée (Oui ! oui !). Elle explique parfaitement le fait, et elle suffit pour vous prouver de quel côte est le bon droit. (I., 21 mai.)
M. Van de Weyer – C'est pour soutenir la question faite par M. Osy que j'ai demandé la parole, dans ce sens que si la Belgique doit reprendre les hostilités, il importe qu'aujourd'hui, si le gouvernement fait cesser les travaux, la nation sache que le gouvernement n'agit ainsi que par esprit de justice, et pour laisser entièrement le bon droit de son côté. On sait l'agitation qui règne dans les esprits, il importe qu'on sache partout que si la Belgique est capable de faire la guerre avec force, avec énergie, elle veut aussi la faire avec justice. (I., 21 mai.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Je demanderai à M. Charles Rogier, qui a été sur les lieux et qui est l'un des signataires de la convention conclue en octobre avec le commandant de la citadelle, s'il ne pourrait pas nous donner des éclaircissements sur le fait dont il est question, et si les prétentions du général Chassé ne sont pas dans les termes de la convention, et conformes au sens que M. Charles Rogier y attache. (I., 21 mai.)
M. Charles Rogier – De retour à Bruxelles depuis hier au soir seulement, je ne suis pas au courant de la question. Ce matin j'ai eu à peine le temps de parcourir les journaux, en sorte que je ne pourrais émettre une opinion ; j'examinerai la question avec soin, et demain, si on le désire je ferai part de mon opinion au congrès. (I, 21 mai)
M. Van de Weyer – Il importe cependant (page 117) que nous ayons à cet égard des éclaircissements le plus tôt possible. (I., 21 mai.)
M. d’Hanis van Cannart – J'appuie très fort l’opinion de M. Van de Weyer. On sait la fermentation qui a été la suite de la prise de la lunette Saint-Laurent, et le courage et l'ardeur qu'ont montrés nos volontaires. Il est à craindre, si on ne donne pas des explications promptes, que cette ardeur n'augmente encore, et qu'on ne puisse empêcher les volontaires de se jeter sur la lunette ; alors nous nous trouverions décidément en guerre avec la Hollande. Si l'on suspend les travaux, il est donc bien essentiel de faire connaître à nos troupes, par un ordre du jour, les causes de cette suspension. Des idées de trahison circulent dans les rangs de l'armée : ces soupçons sont injustes, je le crois, mais enfin ils existent ; il faut avoir soin de ne pas leur donner un nouvel aliment par une démarche qui peut être utile, mais qu'il faut bien expliquer. (Appuyé !) (I., 21 mai.)
M. Charles de Brouckere, ministre de la guerre, ad interim – Des ordres supérieurs et partis d'en haut ont ordonné la cessation des travaux. (I., 21 mai.)
M. Lebeau, ministre des affaires étrangères – Pour bien saisir le point de la difficulté, il ne faut pas perdre de vue que l'état de nos positions, à l’égard de la citadelle et réciproquement, est lié par un traité particulier, et non par le traité du mois de novembre, réglant les conditions de l’armistice. Il faut donc, pour se bien fixer, combiner le traité du mois d'octobre avec les clauses du traité du mois de novembre. (I., 21 mai.)
M. de Robaulx et M. Jottrand demandent la parole, elle est accordée à M. de Robaulx. (E., 21 mai.)
M. de Robaulx – Messieurs, il me semble que nous examinons la question sur un terrain rétréci. Je ne crois pas que nous puissions être en guerre par la citadelle d'Anvers, et que nous ne le soyons pas par Maestricht et par les polders. Et ici il ne s'agit pas d'examiner les clauses d'un armistice qui n'existe pas, car la Hollande n'a jamais envoyé les commissaires voulus par le traité du mois de novembre, et dans le fait il n'existe qu'une suspension d'armes que nous pouvons rompre quand il nous plaira ; or, messieurs, les Hollandais l'ont rompue pour leur part bon nombre de fois, non seulement à Anvers et à Maestricht, mais encore en inondant les polders, inondations qui ont occasionné des pertes immenses aux propriétaires. de ces polders dont quelques-uns siègent dans cette assemblée. Il ne faut pas, parce que Chassé n'aura voulu que faire des travaux de défense pour répondre aux travaux que nous faisions de notre côté, s'empresser de nous reconnaître dans notre tort, et renoncer à nos travaux parce qu'il offre de renoncer aux siens. Il faut, si l'on veut être en paix avec nous, que la Hollande fasse des réparations plus complètes, qu'elle cesse ses usurpations et ses voies de fait, non seulement pour ce qui a rapport à la lunette, mais encore quant aux polders et aux autres infractions qu'elle s'est permises. Si elle refuse., je demande non seulement qu'on ne cesse pas les travaux devant Anvers, mais encore que les hostilités recommencent à l'instant sur toute la ligne et que nous marchions sur Maestricht. (La tribune publique accueille ces paroles par des bravos et des applaudissements prolongés.) (C., 21 mai.)
M. le président – J'avertis les spectateurs que les signes d'approbation et d'improbation sont défendus. Je rappelle les spectateurs au silence et au respect qu'ils doivent à l'assemblée. (I., 21 mai.)
M. Jottrand – C'est pour appuyer les observations faites par M. d'Hanis que j'avais demandé la parole, mais comme le préopinant a porté la question sur un autre terrain, je lui répondrai quelques mots, et en même temps je répondrai à un de messieurs les ministres qui a parlé d'ordres venus d'en haut pour faire cesser les travaux. Je ne doute pas, si nous devions faire la guerre, que nous ne dussions reprendre les hostilités tant du côté de Maestricht que du côté d'Anvers, mais je ferai observer au préopinant, qu'avant de déclarer la guerre, le congrès doit s'occuper de communications importantes à propos d'une négociation qui mettrait fin à tout débat, et qu'il faut nécessairement ne rien entreprendre avant quelques jours encore ; c'est un court répit, qui doit être dans les vœux du congrès et dans ceux de la nation. Mais si l'on cesse momentanément les travaux, je crois devoir faire observer au ministère, qui parle d'ordres venus d'en haut, qu'il ne suffit pas que les ordres viennent d'en haut, mais qu'il faut encore que ces ordres soient donnés à propos ; sans cela, nous en avons l'expérience, des ordres venus d'en haut gâtent souvent les choses au lieu de les arranger. Je n'en citerai pour exemple que ce qui s'est passé à Gand. Là aussi des ordres étaient venus d'en haut, et l'on sait quel en a été le triste résultat. (Sensation.) Il faut donc, si des (page 118) ordres sont donnés, qu'ils le soient convenablement et à propos ; il faut surtout les faire comprendre au public et à la nation. Si vous faites cesser les travaux à Anvers pour conserver le calme dans cette ville, il faut s'expliquer au public et catégoriquement, afin que tout le monde comprenne vos ordres et s'y soumette. En agir autrement, c'est risquer le salut de l'État et celui de l'Europe. (Assentiment général.) (I., 21 mai.)
M. Devaux, ministre d’Etat – Je répondrai quelques mots aux deux discours que vous venez d'entendre. Je crains que le premier préopinant ne soit dupe d'une influence à laquelle le public semble céder depuis quelque temps. Je le demande, messieurs, au moment où nos affaires sont près de se conclure par une combinaison qui fixerait à jamais le sort de la Belgique, qui doit désirer la guerre ? Qui ? la Hollande, les orangistes, les partisans de la réunion à !a France. Il faut que le congrès, il faut que la nation, il faut que l'Europe l'apprennent : de l'argent a été distribué en même temps à Gand, à Bruxelles, à Anvers. Il a été distribué par ceux que je viens de signaler ; ces hommes désirent la guerre, car la guerre détruirait notre espoir en comblant les vœux de nos ennemis. Qu'on lise les journaux hollandais, on y verra dans quel état d'irritation est la Hollande contre les grandes puissances. C'est que, depuis quelques jours, les grandes puissances s'occupent de nous, et abandonnent la Hollande. Ce serait une haute imprudence que de provoquer la guerre aujourd'hui que nous touchons à un dénouement heureux. Il ne peut y avoir que des hommes imprudents et coupables (non que je veuille regarder le préopinant comme tel, car je pense qu'il agit sous l'influence dont il est la dupe) qui, par des hostilités prématurées, s'exposent à compromettre la Belgique aux yeux des puissances. Nous ne demandons que quelques jours de calme pour arriver à une fin : quelle ne serait pas la responsabilité de ceux qui, en poussant à la guerre, nous jetteraient dans de nouveaux malheurs ! J'adjure tous les membres de l'assemblée d'user de leur influence pour empêcher pendant quelques jours encore la reprise des hostilités. Conservons vis-à-vis de nos ennemis une attitude imposante sans doute, mais calme. (Bravo !) (I., 21 et 23 mai, et E., 21 mai.)
M. le comte Duval de Beaulieu – La question dont il s'agit est très simple, il faut être juste envers tout le monde, même envers nos ennemis. Donnons l'exemple de la justice et observons jusqu'au bout les traités, pour que le bon droit soit sans cesse de notre côté. (I., 21 mai.)
M. de Robaulx – Ne pensez pas, messieurs, que je me croie touché des reprochés adressés par M. le ministre d'État qui vient de parler, contre ceux qu'il traite d'orangistes et de réunionistes. Je suis au-dessus de pareilles imputations. Il y a aujourd'hui une espèce de polémique déplorable qui a pris naissance dans les journaux, et par suite de laquelle chaque parti se jette à la tête les qualifications odieuses d'orangistes et de réunionistes, etc. C'est ainsi que, dans le temps, on se traitait d'aristocrate, d'anarchiste ou de républicain. Aujourd'hui si vous ne voulez pas de tel prince pour roi des Belges, Orangiste ! vous dit-on (on rit) ; vous voulez la guerre, vous êtes dupe des orangistes. Car je suis dupe aujourd'hui, on me fait cette grâce. Eh bien, messieurs, je le déclare, dussé-je être encore appelé dupe, je me prononcerai pour la guerre, parce que je crois que nous n'avons pas d'autre moyen d'en finir, et que par la guerre nous mettrons fin à des négociations honteuses. Les négociations ont toujours mal tourné pour nous ; je désire qu'il n'en soit pas ainsi de cette dernière, mais je ne l'espère pas. Il y a dans tout cela un fait positif et incontestable, c'est que la nation souffre, elle est fatiguée du long provisoire qu'ont entraîné les négociations. Qu'on dise que la nation est orangiste, si l'on veut, je le serai comme elle. (Bravos et applaudissements dans la tribune publique.) (I., 21 mai.)
M. le président – Si on se permet de nouvelles marques d'approbation ou d’improbation, je ferai évacuer les tribunes, (I., 21 mai.)
M. Trentesaux – L'incident qui nous occupe a une grande connexité avec les communications qui seront faites demain en comité général. Je demande que la discussion actuelle soit jointe à celle qui aura nécessairement lieu demain et qu'il soit passé aujourd'hui à l'ordre du jour. (I., 21 mai.)
- L'assemblée, consultée par M. le président, passe à l'ordre du jour. (I., 21 mai.)
M. Van de Weyer – J'adhère pleinement à la décision de l'assemblée, mais je demande que les ordres donnés pour la cessation des travaux à Anvers reçoivent la plus grande publicité. (Appuyé.) (I., 21 mai.)
- Il n'y a plus rien à l'ordre du jour. (I., 21 mai.)
La séance est levée à trois heures. (P. V.)