(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)
(page 204) (Présidence de M. de Gerlache, premier vice-président)
La séance est ouverte à une heure (P. V.)
M. Liedts, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)
- Un des secrétaires présente l'analyse des pétitions suivantes :
Trente-neuf habitants de Bruxelles présentent le duc de Leuchtenberg pour chef de la Belgique.
M. Els, ancien officier français, établi à Bruxelles, offre de servir sans solde dans l'armée belge.
M. Fréderic Gerste, entrepreneur de travaux publics, prie le congrès de donner les ordres nécessaires pour que les entrepreneurs des ouvrages de l'État soient payés dans le plus bref délai possible.
Plusieurs habitants de Westrem demandent que leur commune soit séparée de celle de Massemen, à laquelle elle fut réunie sous la république française.
M. Van Ruymbeke, officier de santé à Dixmude, demande la médaille qu'il croit avoir méritée pour avoir vacciné gratis, en 1828, un grand nombre d'indigents.
M. Robert présente le roi Louis-Philippe pour souverain de la Belgique.
Le général de division Daywaille émet le vœu que les sous-officiers et soldats pensionnés soient payés un trimestre d'avance, et les officiers à l'échéance de chaque trimestre.
M. Robert Bigg, de Bruges, se plaint de ce que le commissaire du gouvernement près le tribunal de Bruges laisse sans poursuites une dénonciation qu'il lui a remise.
M. Jean Douven, propriétaire à Mertert, demande que les bateaux étrangers, dont il a besoin pour faire un transport de marchandises en Belgique, soient exempts du droit de patente.
M. Pavot, cuirassier au 5èm régiment au service de France, écrit de Paris que tout le peuple français viendrait à notre secours, si l'on osait nous attaquer.
MM. le comte Vandermeeren, le baron Vandersmissen et un grand nombre d'autres habitants de (page 205) Bruxelles, émettent le vœu que le duc de Leuchtenberg soit élu chef de l'Etat. (U. B., 21 janv. et P. V.)
- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)
M. le baron de Liedel de Well demande un congé de quinze jours.
- Accordé. (P. V.)
L'ordre du jour appelle le rapport de la section centrale sur les propositions de MM. Constantin Rodenbach, le comte Duval de Beaulieu, et Zoude. (U. B., 21 janv.)
M. Raikem fait le rapport de la section centrale sur les propositions de MM. Constantin Rodenbach, le comte Duval de Beaulieu et Zoude, relatives au choix du chef de l'État. Il conclut à ce qu'il soit procédé demain à cette élection, toutes affaires cessantes. (Une grande agitation suit la lecture de ce rapport.) (U. B., 21 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, lit la proposition suivante :
« J'ai l'honneur de proposer au congrès national le décret constitutionnel dont la teneur suit :
« Art. 1. Le congrès national appelle au trône de la Belgique, sous le titre d'Auguste Ier, roi des Belges, le duc Auguste de Leuchtenberg.
« Art. 2. Le duc de Leuchtenberg sera proclamé roi des Belges, et en exercera les pouvoirs et prérogatives aussitôt qu'il aura prêté, dans le sein du congrès national, le serment d'observer la constitution.
« Art. 3. Une députation composée de cinq membres du congrès national se rendra immédiatement auprès du duc de Leuchtenberg pour lui notifier le présent décret, pour lui communiquer les articles déjà adoptés de la constitution, les décrets sur la garde civique, et pour s'assurer de la détermination du prince.
« J. LEBEAU. » (U. B., 21 janv. et A. c.)
- Cette proposition est appuyée par un grand nombre de députés. (C., 21 janv.)
M. Lebeau – Messieurs, des affaires urgentes m'avaient appelé dans le sein de ma famille, où ma présence eût été nécessaire et où je croyais pouvoir rester quelques jours ; mais, ayant appris qu'une question aussi grave que celle du chef de l'État était à l'ordre du jour, je me suis hâté de revenir à mon poste pour prendre part à vos travaux ; j'ai passé la nuit en voiture, et je réclame votre indulgence, car je suis extrêmement fatigué.
Messieurs, pendant mon séjour à Liége, j'ai été témoin des réclamations vives et générales pour que le congrès procédât promptement au choix du chef de l'État. Je me suis assuré qu'à Liége, au moins, un fort parti, pris dans les diverses classes de la société, se prononce en faveur du duc de Leuchtenberg. Je n'ai pas besoin de vous signaler les dangers d'une longue temporisation pour le choix du chef de l'État ; la célérité avec laquelle vous avez désiré que la section centrale procédât sur la proposition de M. Zoude et sur celles de MM. Rodenbach et Duval, et l'ordre du jour de la séance actuelle, m'avertissent assez que je n'ai pas besoin d'insister auprès de vous pour vous prouver la nécessité de donner un roi à la Belgique.
Vous le savez, messieurs, grâce à la générosité du congrès national, des tentatives audacieuses sont faites pour ramener une famille odieuse à la nation, et qui arriverait avec le cortège de la guerre civile et d'affreuses réactions. Dans plusieurs provinces, l'audace de ses partisans s'accroît en proportion de la générosité du congrès ; à Liége même, le parti orangiste a osé lever la tête, et il n'a fallu rien moins que l'explosion d'une indignation générale pour le faire rentrer dans la poussière. Dans le sein même du congrès, des membres n'ont pas craint d'élever la voix pour le prince d'Orange ; les uns sont restés parmi nous, les autres sont partis en nous faisant un plaidoyer en sa faveur. Voilà où nous en sommes, et si quelqu'un conservait encore la pensée que la Belgique pût jamais avoir la bassesse de subir un joug ignominieux, voyez la proclamation du prince d'Orange contenue dans les journaux français : vous verrez qu'elle est un vrai manifeste de réaction. (Note de bas de page : Nous la reproduisons ci-après : « AUX BELGES, Les derniers événements de la Belgique ont attiré sur moi, sur ma famille, et sur la nation, des malheurs que je ne cesserai de déplorer.
« Cependant, au milieu de ces calamités, je n'ai jamais renoncé au consolant espoir qu'un temps viendrait où la pureté de mes intentions serait reconnue, et où je pourrais personnellement coopérer à l'heureuse entreprise de calmer les divisions, et de faire renaître la paix et la prospérité d'un pays auquel m'unissent les liens à jamais sacrés du devoir et de la plus tendre affection.
« Le choix d'un souverain pour la Belgique, depuis sa séparation d'avec la Hollande, a été accompagné de difficultés qu'il est inutile de décrire.
« Puis-je croire sans présomption que ma personne présente aujourd'hui la meilleure et la plus satisfaisante solution de ces difficultés ?
« Nul doute qu'après avoir uni leurs efforts avec tant de désintéressement pour terminer les malheurs qui pèsent sur nous, les cinq puissances, dont la confiance est si nécessaire à acquérir, ne voient dans un tel arrangement le plus sûr, le plus prompt, le plus facile moyen de raffermir la tranquillité intérieure, et d'assurer la paix générale de l'Europe.
« Nul doute que les communications récentes et détaillées, venues des villes principales et de plusieurs provinces de la Belgique, n'offrent la preuve frappante de la confiance que m'accorde encore une grande partie de la nation, et ne m'autorisent à nourrir l'espoir que ce sentiment pourra devenir unanime, quand mes vues et mes intentions seront suffisamment comprises.
« C'est dans ce but que je désire entrer dans une explication de ces intentions et de ces vues.
« Le passé, en tant qu'il me concerne sera voué à l'oubli. Je n'admettrai aucune distinction personnelle, motivée sur des actes politiques ; et mes constants efforts tendront à unir au service de l'Etat, sans exclusion et sans égard à leur conduite passée, tous les hommes que leurs talents et leur expérience rendent le plus capables de bien remplir des devoirs publics.
« Je vouerai mes soins les plus assidus à assurer à l'Église catholique et à ses ministres la protection attentive du gouvernement, et à les entourer du respect de la nation. Je serai prêt en même temps à coopérer à toutes les mesures qui pourraient être nécessaires pour garantir la parfaite liberté des cultes, de telle sorte que chacun puisse exercer sans obstacle celui auquel il appartient.
« Un de mes plus vifs désirs, comme un de mes premiers devoirs, sera de joindre mes efforts à ceux de la législature, afin de compléter les arrangements qui, fondés sur la base de l'indépendance nationale, donneront de la sécurité à nos relations au dehors, et viendront, à la fois, améliorer et étendre nos moyens de prospérité intérieure.
« Pour atteindre ces grands objets, je compte avec confiance sur l'aide des cours, dont toutes les vues sont dirigées vers la conservation de l'équilibre européen, et vers le maintien de la paix générale.
« Rendre la Belgique indépendante, forte et heureuse, doit être leur commun intérêt. De là dépend essentiellement la sécurité universelle. Tout ce qui pourrait tendre à ajourner un arrangement final ne manquerait pas d'en diminuer, si ce n'est d'en détruire, les salutaires effets ; et plus on considère les moyens d'assurer à la Belgique, avec l'établissement de son indépendance, les bienfaits d'une paix longue et solide, plus on reconnaît l'indispensable nécessité des mesures qui, dans les circonstances du moment, semblent le moins exposées aux difficultés croissantes et au danger d'un délai ultérieur.
« Je viens ainsi, avec toute la franchise et la sincérité que réclame notre commune position, me placer devant la nation belge.
« C'est sur les lumières qui la guident dans l'appréciation des besoins du pays, c'est sur son attachement à la liberté que repose mon principal espoir.
« II ne me reste plus qu'à l'assurer que, dans ma démarche d'aujourd'hui, j'ai rien moins consulté mon propre intérêt, que mon vif et invariable désir de voir des mesures de paix et de conciliation mettre à jamais un terme à tous les maux dont la Belgique est encore affligée.
« Londres, 11 janvier 1831.
« GUILLAUME, PRINCE D'ORANGE. » (C., 21 janv.))
Prenez garde, messieurs, que ces tentatives, impunies et méprisées parmi nous, ne donnent lieu (page 206) de croire que la division règne en Belgique, et qu'on ne prenne prétexte de cette division pour nous faire imposer par les baïonnettes étrangères un prince dont nous n'accepterons jamais le joug, car il serait avilissant. Je n'hésite pas à dire que nous, Belges patriotes, nous nous ferions tous immoler avant de le subir.
Je l'ai déjà dit, à Liége on désire le duc de Leuchtenberg, et cette candidature est loin d'être repoussée par la capitale. Les motifs de ce choix ne sont pas de pures chimères. On n'a pas oublié que le duc de Leuchtenberg est le fils d'un prince qui, au plus grand courage militaire, a réuni toutes les qualités civiles et privées, d'un homme qu'on aurait pu appeler le chevalier sans peur et sans reproche, d'un homme qui fut le martyr de la foi jurée. D'autres souvenirs doivent nous rallier encore au fils du prince Eugène ; qui lui-même fut le fils adoptif du plus grand capitaine des temps modernes. Toutefois ce n'est pas dans cette circonstance que je puiserais les motifs de mon affection, mais dans le souvenir des vertus de son digne père. Il faut à l'armée autre chose qu'un être collectif, autre chose qu'un être moral ; il faut un prince qui inspire de la confiance au soldat, un prince qu'il juge digne et capable de le commander : et sous ce rapport, il n'est pas de choix plus convenable que celui du duc de Leuchtenberg.
Une autre considération me déterminera encore en sa faveur : je ne veux pas un roi de par la diplomatie. Je veux un roi choisi par la nation ; il faut que nous ayons aussi notre Louis-Philippe. Nous n'avons besoin de personne pour faire ce choix ; imitons à cet égard l'exemple de la France. Quand, après la révolution de juillet, la France a voulu se constituer, elle n'a pas consulté les nations étrangères : elle avait dans son sein un citoyen irréprochable, un prince qui avait donné des gages de son amour pour le pays et pour les libertés publiques ; elle l'a choisi pour son roi, elle a bien fait ; car, au lieu d'avoir un roi de par la diplomatie, elle a un roi citoyen, l'élu de la nation. Les puissances n'ont pas tardé à le reconnaître, et la Russie elle-même, après un dépit mal déguisé, a fini par faire comme les autres. (page 207) Faisons comme nos voisins. Je veux qu'un roi nous doive tout, et rien à la diplomatie, parce qu'un roi que nous devrions à des notes officieuses ou officielles se croirait l'élu de la diplomatie, et non de la nation. Si nous avions choisi le prince de Bavière, il aurait cru devoir le trône à une intervention diplomatique, et il en eût été de lui comme des Bourbons, qui disaient tenir leur couronne de Dieu, des puissances alliés et du prince régent d'Angleterre.
Après que nous avons repoussé le prince de Bavière, si je m'en rapporte à quelques sourdes rumeurs parvenues jusqu'à moi, la diplomatie voudrait aujourd'hui nous donner pour roi un Bourbon de Naples, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus décrépit dans la famille décrépite des Bourbons. (Mouvement, rumeurs.) Certes, messieurs, quand pour nous donner un roi on semble s'efforcer de jouer à la baisse, j'ai le droit de dire : Veillons à la hausse.
Il y a dans cette proposition une chose qui m'étonne. Quoi ! on veut placer un Bourbon aux portes de la France. tandis que le parti carliste s'agite dans son sein ? Où est donc cette prévoyance de gens qui tremblaient du choix du duc de Leuchtenberg, qui ne tient à la France que par un fil, et qui ne craindraient pas aujourd'hui de faire de la Belgique le foyer du carlisme ? Il y a là quelque arrière-pensée, quelque tactique perfide dont je me défie : vous la déjouerez, messieurs, et vous ne balancerez pas entre le fils de Caroline et le fils du prince Eugène.
Le duc de Leuchtenberg est le neveu de l'empereur d'Autriche, il est aussi le neveu du roi de Bavière ; il est le beau-frère de l'empereur du Brésil, et le beau-frère de l'héritier présomptif des couronnes de Suède et de Norwége : toutes ces alliances ne sont pas à dédaigner. Remarquez que si l'élection du duc de Leuchtenberg était un motif de guerre, l'Autriche, la Bavière, la Suède et le Brésil viendraient peser de tout leur poids dans la balance politique.
Mais, dit-on, reconnaîtra-t-on le duc de Leuchtenberg ? Voici ce que je réponds à cette question. Si les hommes qui pendant quatre jours formèrent le gouvernement provisoire de la France, au mois de juillet, avaient cru devoir consulter les puissances étrangères sur le choix du duc d'Orléans, croyez-vous que toutes n'auraient pas répondu négativement ? Vous n'en doutez pas, messieurs ; aussi la France s'est-elle bien gardée de leur demander leur avis, elle s'est demandé si Louis-Philippe lui convenait, et elle l'a choisi pour roi sans se mettre en peine de ce qu'en penseraient les puissances. Suivons cette marche, et croyez que nous n'aurons pas à nous en plaindre. Craignez-vous que le choix que je vous propose entraîne la guerre ? Eh ! messieurs, si on avait voulu vous faire la guerre, l'occasion était belle au commencement de la révolution. Nous avions déchiré effrontément, j'ose le dire, les traités de 1814 et 1815, et on ne nous a pas fait la guerre. Nous avons expulsé les Nassau, et on ne nous a pas fait la guerre. Pourquoi nous la ferait-on si nous choisissions pour roi le duc de Leuchtenberg ? serait-ce à cause du sang plébéien qui coule dans ses veines ? mais ce sang plébéien est mêlé de sang royal. Mais d'où viendrait d'ailleurs la répugnance des autres rois de l'Europe ? n'ont-ils pas tous pactisé avec un maréchal de France, qui avait débuté par être caporal ? et j'ai nommé le roi de Suède. Le duc de Leuchtenberg jettera parmi nous les racines d'une dynastie durable. Voyez la Suède : son roi fut l'élu du peuple, son indépendance a été reconnue de tout le monde, il est encore debout sur son trône, tandis que Napoléon a été renversé de tous les siens, parce que telle ne fut pas la source de son pouvoir. C'est que, dans ce siècle, le plus solide fondement des trônes, c'est l'élection populaire.
Quant aux répugnances de la France, j'y trouve un vernis de quasi-légitimité qui me déplaît, ou une crainte mal fondée du bonapartisme. Le bonapartisme en effet n'a plus de force en France ; je n'en veux pour preuve que l'issue de la révolution de juillet. La révolution avait fait table rase, le peuple était entièrement le maître de se donner un chef ; le duc d'Orléans fut choisi, il fut porté sur le pavois avec le consentement unanime de la capitale et des départements. Si le parti bonapartiste avait conservé une grande influence, lorsque la révolution, comme je viens de le dire, avait fait table rase, on eût proclamé le duc de Reichstadt ou le duc de Leuchtenberg. On ne l'a pas fait. Cela prouve que le parti bonapartiste n'est plus rien qu'un souvenir religieux pour quelques-uns, pour tous le souvenir d'une gloire immense. Mais ces souvenirs n'ont rien de dangereux ni même d'inquiétant pour la France. Du reste, pour calmer ou plutôt pour prévenir jusqu'à la moindre de ses inquiétudes à cet égard, ne serait-il pas possible que nous fissions une loi comme on l'a fait en 1816, par laquelle le sol de la Belgique serait interdit, pour quelque temps du moins, aux membres de la famille Bonaparte ?
Il me semble, messieurs, que ce serait faire une insulte à la famille d'Orléans que de s'autoriser de son nom pour s'opposer à ce que le duc de Leuchtenberg (page 208) devînt roi de la Belgique : ce serait lui supposer des craintes sur la solidité de son pouvoir, et donner lieu de croire qu'elle ne pense tenir à la nation française que par de faibles liens ; suppositions gratuites s'il en fut jamais, car il est certain que la nation française a un véritable attachement pour son roi ; et vous avez remarqué comme moi que, si une opposition s'est manifestée, elle n'est jamais arrivée jusqu'au trône ; elle s'est arrêtée aux chambres et au ministère. La France a besoin de paix et de liberté, elle a dans la famille régnante des gages de l'une et de l'autre, et si la dynastie d'Orléans continue à marcher, comme elle l'a fait jusqu'ici, dans les voies constitutionnelles, elle n'aura rien à craindre des partis. Si nous élisons un roi qui soit pour nous ce qu'est Louis-Philippe pour la France, nous verrons, au lieu d'une guerre, s'établir une émulation entre les deux dynasties, qui feront à qui donnera le plus de liberté aux peuples, et cette émulation sera profitable à tout le monde.
Je ne conçois pas l'opinion de certaines personnes qui ne voient dans l'élection du duc de Leuchtenberg qu'un signal de guerre, et qui cependant voulaient offrir le trône à Louis-Philippe, malgré ses refus, et quoique ce fût un moyen certain de faire naître une conflagration générale en Europe. Pourquoi, d'un côté, si fort craindre la guerre, tandis que, de l'autre, on se fait en quelque sorte un jeu de la provoquer ? Je voudrais que quelqu'un se chargeât de concilier cette contradiction.
Messieurs, si nous voulons conserver la France pour amie, ce n'est pas au cabinet français, très mobile de sa nature, qu'il faut nous adresser ; c'est à la nation française elle-même ; et de tous les choix que nous pourrions faire, il n'en est aucun pour qui la France éprouvât une plus grande sympathie, et qui présentât moins de dangers.
Oh ! s'il s'agissait d'un prince anglais, du prince de Saxe-Cobourg par exemple, la répugnance de la France irait jusqu'à l'exclure. Pourquoi ? parce que la France redouterait ou l'influence anglaise ou l'influence allemande ; tandis qu'avec le duc de Leuchtenberg il ne peut exister de répugnance, car ce choix n'a rien d'hostile à la France.
Mais, dit-on, avec le duc de Leuchtenberg, vous n'aurez pas de traité de commerce : tant que ce ministère durera, peut-être ; d'ailleurs, messieurs, il me semble qu'on attache trop d'influence au chef de l'État sur les intérêts commerciaux. Mais doutez-vous que l'opinion en France n'ait assez d'influence pour forcer un ministère à traiter avec vous ? Lisez le Temps, et vous verrez comment le journal des soixante et onze députés traite la question. Vous verrez qu'il donne à M. Sébastiani un démenti formel, sur ce qu'il a dit que la France ne ferait pas de traité de commerce avec nous, et comment il prouve que ce sont les chambres et non le ministère qui feraient ces traités, parce que ces traités sont un besoin pour les intérêts matériels du pays.
D'ailleurs, messieurs, nous pouvons nous-mêmes forcer la France à traiter avec nous. Nous avons aussi quelque moyen de faire du mal à la France, et notre tarif pourrait jeter le cabinet français dans de graves embarras ; nous avons aussi quelques financiers habiles, qui sauront se rendre compte de la situation commerciale de la France et la forcer à nous faire des concessions.
Un ministère ne saurait se soutenir en France s'il s'opposait à ce que la nation croirait devoir nous accorder ; et remarquez, messieurs, par quelle réaction violente l'opposition a forcé le ministère à se rétracter sur ce qu'il avait dit relativement au choix du duc de Leuchtenberg.
Messieurs, si par suite de ce choix la France devait redouter la Belgique, ce serait une raison de plus pour le faire, car on tend la main pour pactiser avec qui peut nous nuire ; et je soutiens que si, je ne dis pas la famille de France, mais le cabinet français est bien conseillé, il ne s'opposera pas au choix que je propose.
Je me résume : le choix du duc de Leuchtenberg est le meilleur que nous puissions faire, d'abord à cause de la personne du prince en lui-même ; en second lieu à cause de ses alliances. Proclamons-le donc pour notre roi, car par là nous nous assurons des relations de famille, des protections puissantes, et nous étouffons l'orangisme, qui nous placerait sous un joug avilissant et qui déshonorerait notre glorieuse révolution. (Bien ! très bien !)
- Ce discours, écouté avec un silence en quelque sorte religieux, a paru faire dans presque toutes ses parties une vive impression sur l'assemblée. (U. B., 21 et 23 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Je demande le renvoi de cette proposition à l'examen d'une commission. (U. B., 21 janv.)
- Plusieurs membres – Non ! non ! aux sections. (C., 21 janv.)
M. le comte Duval de Beaulieu – Pourquoi voulez-vous interrompre l'ordre naturel des choses ? (U. B., 21 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Je n'interromps pas l'ordre naturel des choses, et je le prouve par le règlement, qui permet qu'une (page 209) proposition soit renvoyée ou aux sections ou à une commission. (U. B., 21 janv.)
M. le baron de Stassart – La section centrale nous propose de procéder, demain, au choix du chef de l'État. Si ses conclusions, messieurs, sont adoptées, chacun pourra se pénétrer des motifs que M. Lebeau vient, avec un talent si remarquable, de faire valoir en faveur du prince de Leuchtenberg, sans qu'ils soient préalablement examinés dans les sections ; cette candidature d'ailleurs n'est pas nouvelle, et nous avons eu tout le temps de bien nous pénétrer des nombreux avantages qu'elle nous présente ; chacun, dans la grande élection qui se prépare, se pénétrera sans doute des véritables intérêts et de la dignité de son pays. Eh ! pourquoi nous montrerions-nous moins soigneux de notre indépendance et de notre gloire que les cabinets étrangers eux-mêmes ? car, remarquons-le bien, ils ne nous ont présenté jusqu'ici personne, et certes ils auraient été mal reçus à le faire.
- L'orateur se livre à quelques autres considérations encore, et s'attache à démontrer l'urgence d'adopter l'avis de la section centrale. (U. B., 21 janv.)
M. Devaux propose de s'occuper de la proposition de la section centrale, avant celle de M. Lebeau. (U. B., 21 janv.)
M. le comte Duval de Beaulieu demande que la proposition de M. Lebeau soit renvoyée aux sections. (U. B., 21 janv.)
M. Van Snick et M. Devaux demandent la priorité pour la proposition de la section centrale. (U. B., 21 janv.)
- L'assemblée décide qu'on remettra la question du renvoi de la proposition après la décision sur les conclusions de la section centrale. (C., 21 janv.)
M. le président – La discussion est ouverte sur les conclusions du rapport de la section centrale. (U. B., 21 janv.)
M. Le Grelle – Messieurs, ma situation a quelque analogie avec celle de M. Lebeau ; moi aussi je m'étais rendu auprès de ma famille, où je croyais pouvoir demeurer quelques jours, lorsque, au premier bruit de ce qui se passait ici, j'ai quitté Anvers pour me rendre auprès de vous.
Moi aussi j'ai sondé les intentions de la nation, et je puis dire que ses vœux ne sont pas pour le duc de Leuchtenberg (agitation) ; je ne dis pas qu'ils y soient contraires, mais on pense généralement qu'il faudrait consulter les grandes puissances. (Ces mots, qui excitent des murmures dans l'assemblée, donnent lieu dans la tribune publique à une explosion de huées, telle qu'on n'en avait jamais entendu de semblable, A ce manque de respect pour l'assemblée, elle se lève en masse ; presque tous les députés parlent à la fois,) (U. B., 21 janv.)
M. Forgeur – M. le président ! M. le président, maintenez le public dans le silence ! (U. B., 21 janv.)
M. Destouvelles – Si un pareil scandale se renouvelle, je me retire. (U. B., 21 janv.)
- Plusieurs voix – Veut-on comprimer nos opinions. (U. B., 21 janv.)
- D’autres voix – Les opinions sont libres. (U. B., 21 janv.)
M. De Lehaye, le comte Cornez de Grez, M. Lardinois et d’autres – M. le président, faites évacuer les tribunes. (U. B., 21 janv.)
M. le président agite longtemps la sonnette sans pouvoir obtenir le silence ; enfin, le calme étant rétabli, il dit – Je préviens le public que toutes marques d'approbation ou d'improbation sont défendues, et que s'il n'observe pas le silence respectueux qu'il doit à l'assemblée, je donnerai ordre de faire évacuer les tribunes. (Profond silence.) (U. B., 21 janv.)
M. Le Grelle – Il me semble que cette opinion doit être respectée comme toutes les autres, et je crois que le congrès ne peut que l'approuver (oui ! oui !) ; je répète qu'on croit généralement qu'il serait dans notre intérêt de consulter les puissances, et pour moi, je crois que, dans tous les cas, nous devrions attendre l'effet que le protocole du 9 janvier produira sur la Hollande.
- L'orateur termine en disant qu'il veut le bien de son pays, qu'il faut lui procurer des débouchés pour son commerce, et que ce n'est pas le moyen d'en trouver que de se mettre à dos les puissances étrangères. (U. B., 21 janv.)
M. le baron de Sécus (père) – J'appuie fortement ce que vient de dire le préopinant. La Belgique a besoin de l'assistance de ses voisins pour se maintenir indépendante et prospère. Qui concevra qu'une nation de quatre millions d'habitants peut se soustraire à ce que lui commandent (page 210) ses relations politiques et ses intérêts ? Qu'une nation de trente millions d'hommes parle de faire seule toutes ses affaires intérieures, je le conçois ; mais la Belgique n'a pas cette puissance. La Belgique a besoin de ses voisins pour son commerce ; ces voisins, il faut les ménager. Je vote contre les conclusions de la section centrale. (C., 21 janv.)
M. Jottrand – On parle sans cesse de l'obligation où nous sommes de ménager les puissances voisines. Eh ! messieurs, ces ménagements consistent, dans notre position, à tenir toujours en échec la jalousie mutuelle de ces puissances. Comptons sur la France, quand l'Angleterre ou l'Allemagne menacent de nous être hostiles. Comptons sur l'Angleterre et l'Allemagne, lorsque la France voudra nous menacer à son tour. Ainsi, messieurs, nous n'avons besoin de nous mettre à la merci de personne.
On parle d'aller consulter les cinq puissances sur le choix que nous avons à faire du chef de l'État. Cette démarche est parfaitement inutile d'un côté, elle est dangereuse de l'autre. L'Angleterre, l'Autriche, la Prusse et la Russie elle-même n'ont qu'un intérêt qu'il nous faille respecter. Elles ont l'intérêt de ne jamais nous voir réunis à la France. Tout choix qui entraînera nécessairement avec lui notre ferme volonté de ne pas être réunis à la France obtiendra, sinon leur haute approbation, du moins leur assentiment. Bâtissons sur cette combinaison ; elle est plus sûre de ce côté que tous les renseignements diplomatiques.
Quant à consulter la France, c'est là que je trouve le danger. La France ne nous offre que des candidats propres à prolonger chez nous le provisoire sous une autre forme. Elle armait d'abord pour sa défense ; elle arme aujourd'hui pour la conquête. J'en atteste ce qui se dit à la tribune de Paris, ce qui se dit dans les journaux. Gagner du temps, voilà sa politique. C'est à notre indépendance qu'elle en veut.
Je vous ai exposé quel était l'intérêt des quatre autres puissances ; je ne prétends pas cependant qu'elles n'aient encore un intérêt accessoire qu'elles songeront à faire prévaloir, mais seulement si elles le peuvent, et si nous nous y prêtons. Leur profession de foi sur les traités de 1814 et 1815 s'accorde parfaitement avec le retour du prince d'Orange dans ce pays.
Si nous voulons nous prêter à ce désir des puissances, alors je ne doute pas qu'il ne convienne de nous mettre en relation avec elles. Mais, messieurs, ne nous souvenons-nous plus de la résolution solennelle que nous avons proclamée il y a six semaines ?
Moi, tout le premier, et je l'ai déclaré assez ouvertement, j'aurais voté pour le prince d'Orange, lorsqu'il nous demandait encore nos conditions, qu'il s'offrait à les recevoir quelles qu'elles fussent, et qu'il nous criait d'Anvers : « Je me mets à la tête de votre révolution. » (Note de bas de page : Proclamation du 16 octobre 1830, par laquelle le prince d'Orange reconnaissait l'indépendance de la nation belge. Cet acte fut blâmé dans un message royal adressé aux états généraux le 20 octobre ; « II ne fit, dit M. de Gerlache, que porter le dernier coup à la puissance expirante du roi Guillaume. Il leva les scrupules d'une foule de gens indécis, qui, par crainte ou par calcul, redoutaient encore de rompre avec les Nassau, et qui, saisissant ce prétexte pour mettre leur conscience et leurs intérêts à couvert, se hâtèrent de déclarer que s'ils étaient appelés au congrès, ou à quelque emploi public, ils accepteraient. » On nous saura peut-être gré de reproduire ici cette proclamation ; nous la donnons telle que l'a publiée l'Union belge, dans son numéro du 20 octobre ;
« Belges !
« Depuis que je me suis adressé à vous, par ma proclamation du 5 du présent mois, j'ai étudié avec soin votre position ; je la comprends et je vous reconnais comme nation indépendante ; c'est vous dire que dans les provinces mêmes où j'exerce un grand pouvoir, je ne m'opposerai en rien à vos droits de citoyens ; choisissez librement, et par le même mode que vos compatriotes des autres provinces, des députés pour le congrès national qui se prépare, et allez y débattre les intérêts de la patrie.
« Je me mets ainsi, dans les provinces que je gouverne, à la tête du mouvement qui vous mène vers un état de choses nouveau et stable dont la nationalité fera la force.
« Voilà le langage de celui qui versa son sang pour l'indépendance de votre sol et qui veut s'associer à vos efforts pour établir votre nationalité politique.
« Donné à Anvers, le 16 octobre 1830.
« GUILLAUME, PRINCE D'ORANGE. »
A peine le gouvernement provisoire eut-il connaissance de cette proclamation, qu'il y fit la réponse sui vante :
« A NOS CONCITOYENS.
« Une proclamation signée Guillaume, prince d'Orange, et publiée à Anvers, vient d'être envoyée au Gouvernement provisoire.
« L'indépendance de la Belgique, déjà posée en fait par la victoire du peuple et qui n'a plus besoin de ratification, y est formellement reconnue.
« Mais il y est parlé de provinces où le prince exerce un grand pouvoir ! de provinces même que ]e prince gouverne !
« Le gouvernement provisoire, auquel le peuple belge a confié ses destinées, jusqu'à ce qu'il ait lui-même déterminé, par l'organe de ses représentants, de quelle manière à l'avenir il se gouvernera, proteste contre ces assertions.
« Les villes d'Anvers et de Maestricht et la citadelle de Termonde, momentanément occupées par l'ennemi, obéiront au gouvernement provisoire seul, aussitôt que la force des choses les aura rendues à elles-mêmes : elles ne peuvent reconnaître de gouvernement ni de pouvoir que ceux qui, en ce moment, régissent la patrie tout entière.
« C'est le peuple qui a fait la révolution ; c'est le peuple qui a chassé les Hollandais du sol de la Belgique ; lui seul, et non le prince d'Orange, est à la tête du mouvement qui lui a assuré son indépendance et qui établira sa nationalité politique.
» Lorsque le gouvernement provisoire aura aidé le brave et généreux peuple belge à tirer de sa régénération sociale tous les avantages qu’il a droit d'en attendre, ses membres seront fiers de se confondre de nouveau dans les rangs du peuple, pour jouir avec lui de la liberté qu'il a reconquise au prix de son sang. »
« Bruxelles, le 18 octobre 1830.
« Le comite central,
« DE POTTER, COMTE FÉLIX DE MÉRODE, SYLVAIN VAN DE WEYER, CH., ROGIER, A. GENDEBIEN.
« Par ordonnance,
« Le secrétaire, J. VANDERLINDEN. » (B. A., n°167) (fin de la note).
Alors le prince ( ) d'Orange était peut-être encore un moyen de la clore sans honte, cette révolution. Cependant du jour où une menace de l'extérieur a paru vouloir appuyer la requête de ce prince, tous les Belges amis de cette indépendance si chèrement acquise se sont prononcés contre lui.
Et aujourd'hui qu'il reviendrait ouvertement, poussé par les puissances, et parlant du ton de cette proclamation que vous avez lue dans les journaux français de ce matin ; aujourd'hui qu'il vous apporterait encore sa constitution, celle des puissances alliées, au lieu de venir recevoir et jurer la vôtre, des Belges souscriraient à un pareil marché !
Messieurs, rappelez-vous notre révolution de 1789, qui commença aussi sous l'étendard de la liberté, mais qui finit si honteusement que nous sommes obligés d'en cacher les annales à l'étranger et à nous-mêmes. La révolution de 1830 est-elle destinée de nouveau à une pareille conclusion ? Je ne puis le croire ; et jamais je ne coopérerai à couvrir mon pays d'une pareille honte.
Mais les puissances n'insisteront pour le prince d'Orange qu'autant que vous paraîtrez par votre irrésolution favoriser ce dessein. Elles ne vous feront pas la guerre pour un refus à cet égard, parce que notre séparation de la France est le seul point exclusif de leur politique, et que tous les autres points sont des avantages trop peu considérables à leurs yeux pour les acheter ou les maintenir au prix d'une guerre générale.
J'ai parlé jusqu'ici de tout autre chose que de ces intérêts matériels qu'on nous conjure sans cesse de ménager dans notre politique. Sans doute il faut les ménager, ces intérêts. Mais la Belgique est-elle donc un pays qui ne puisse vivre sans la permission authentique d'un traité conclu au congrès de Londres ? Quel pays plus que le nôtre a jamais forcé ses voisins à venir sur ses marchés ? La France n'y vient-elle pas, même aujourd'hui que son tarif nous est le plus hostile ? La Hollande, qui lève successivement toutes les entraves de ses douanes, n'y vient-elle pas même pendant la guerre, n'y viendra-t-elle plus à la paix ? La Belgique a moins besoin des peuples qui l'entourent, que ces peuples n'ont besoin d'elle. Laissez-lui son indépendance, et les peuples traiteront avec elle pour des motifs plus sûrs et plus durables que ceux qui résulteront des alliances personnelles de son chef avec telle on telle famille du voisinage. Je vote pour que nous nous occupions sans crainte et sans délai du choix du chef de l'État. (Applaudissements.) (C., 21 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire – Voici un amendement :
« Je propose de fixer au 1er février l'ouverture de la discussion sur le choix du chef de l'État. »
« J. DE BAILLET. » (U. B., 21 janv.)
- L'amendement est appuyé. (C, 21 janv.)
M. le comte de Baillet, développant son amendement – Messieurs, je désire que la paix générale soit maintenue et que notre décision ne soit pas la cause d'une guerre générale ; car, comme l'a dit M. Sébastiani, la guerre compromet presque toujours la liberté. D'ici au 1er février nous aurons le temps de recueillir des renseignements et de sonder les intentions des puissances ; nous en avons besoin, quoi qu'on en dise, car nous ne pouvons vivre sans elles. (U. B., 21 janv.)
M. Charles Coppens – Comme député de la Flandre, je suis de l’avis de M. de Sécus, père, qu'il faut envoyer des députés aux puissances ; mais je veux que ce soit seulement pour leur dire que nous ne voulons pas d'une famille exclue à perpétuité du trône de la Belgique. (U. B., 22 janv.)
M. d’Hanis van Cannart (page 212) vote comme M. de Sécus, père, et il pense qu’en fixant la délibération à un terme un peu éloigné, on obtiendrait un résultat plus satisfaisant. (U. B., 22 janv.)
M. Van Snick – Messieurs, dans une autre séance j'ai eu l'honneur de faire connaître au congrès mon opinion sur la prétendue utilité de nos relations diplomatiques.
J'ai dit dans cette séance qu'il importe à notre dignité, à notre véritable intérêt, de finir et de clore à nous seuls notre révolution.
Nous n'avons consulté personne pour la commencer...
Quel a été le résultat de toutes nos communications diplomatiques ? J'en appelle à vos consciences : ont-elles été d'aucune utilité ? Ont-elles produit un autre effet que d'entraver chaque jour davantage notre marche, de la rendre tous les jours plus incertaine, plus embarrassée ?
Plus vous les consulterez, les puissances, plus notre situation politique intérieure empirera. C'est là que tendent tous leurs vœux.
Connaissent-ils bien le cœur humain, ceux qui proposent d'aller consulter le roi de Prusse, beau-frère du roi déchu, sur le point de savoir quel choix lui serait agréable ? y a-t-il plus de raison à aller soumettre cette même question à l’empereur de Russie, beau-frère du prince d'Orange ?
Pouvez-vous attendre mieux de l'empereur d'Autriche, ce premier appui de la légitimité ?
Espérer une réponse favorable de l'une ou de l'autre de ces puissances, n'est-ce pas espérer qu'elles vont reconnaître dans les peuples le droit de choisir leur roi ? Nous donneront-ils jamais une réponse qui prête à de pareilles inductions ?
D'ailleurs n'y aurait-il pas là une contradiction bien manifeste entre nos protestations journalières et notre conduite ?
Vous ne voulez pas que les puissances interviennent dans nos affaires, et vous iriez leur demander quel roi nous nous donnerons !
N'est-ce point là les associer à vos délibérations, leurs résultats, et les enhardir dans leurs tentatives d'intervention ?
Je suis donc d'avis que, pour être conséquents avec nous-mêmes, nous cessions de prendre des conseils d'autres que de nous-mêmes et de ce que nous seuls croirons être notre véritable intérêt. Je vote pour l'adoption des conclusions de la section centrale, modifiée par M. de Baillet. (U. B., 22 janv.)
M. Devaux – Messieurs, au moment de décider une question aussi importante, je conçois la timidité qui s'empare de quelques esprits généreux. Ils tremblent devant la tâche immense qu'ils sont appelés à remplir, et moi-même je ne peux me défendre de quelque appréhension. Cependant, messieurs, cette tâche, nous l'avons acceptée ; il faut examiner si le moment est venu de l'accomplir.
Messieurs, il faut aujourd'hui des faits ; nous ne devons plus nous contenter de paroles. La diplomatie est habile, elle nous enlace de toutes parts. Quand nous lui avons opposé des faits, quand nous avons déchiré les traités de 1814 et de 1815, quand nous avons prononcé l'exclusion de la famille des Nassau, elle s'est résignée. Aussitôt qu'elle a vu de l'hésitation dans notre marche, elle a repris courage, elle s'est enhardie ; et aujourd'hui que notre hésitation continue, elle cherche à nous dominer. Voulons-nous déjouer ses projets, opposons-lui des faits, et elle fera ce qu'elle a fait il y a deux mois. (Mouvement.)
La diplomatie est habile, surtout quand elle lutte contre la franchise belge et contre notre inexpérience des affaires. La diplomatie est habile, mais elle n'est pas forte. Est-elle forte cette diplomatie française qui, après avoir formellement exigé l'exclusion du duc de Leuchtenberg, se croit obligée de le désavouer à la tribune ? Messieurs, quand je vois la diplomatie française à Bruxelles, et quand je la vois à Paris, quelle confiance voulez-vous que j'accorde à des hommes qui se contredisent si formellement ? Ne les consultons pas, nous serions encore trompés. Mais, dit-on, les agents de la France se retireront ; et moi je dis qu'ils ne se retireront pas, ou, s'ils se retirent, ils seront remplacés par d'autres. Croyez-le bien, messieurs, quand la diplomatie a reculé devant l'exclusion des Nassau, elle reculera devant la guerre.
Du reste, que la diplomatie ne se plaigne pas de nous. Qu'elle ne dise pas que nous n'avons pas voulu l'entendre. Nous l'avons écoutée, nous avons voulu l'écouter, et pendant trois mois elle a eu le temps de nous dire sa pensée. Que nous a-t-elle offert pendant tout ce temps ? Que nous offre-t-elle encore ? Ce qu'elle est sûre que nous ne pouvons pas accepter : une minorité d'abord, et aujourd'hui un prince de Naples. Elle n'a pas su trouver d'autres combinaisons ; elle n'a pas même osé nous offrir le prince de Saxe-Cobourg. (Nouveau mouvement.)
Messieurs, ma franchise belge me met au-dessus de ces duplicités, et je me demande ce que veulent les puissances. Je crois pénétrer leurs intentions. D'une part, la France veut retarder, (page 213) nous tenir dans une position précaire, afin de profiler d'un moment favorable pour obtenir la réunion ; d'autre part, les puissances temporisent pour nous imposer le prince d'Orange, et peut-être la France elle-même ne reculerait-elle pas devant ce parti. La France n'a pas vu avec plaisir notre révolution. Non, messieurs, notre révolution a dérangé ses projets ; j'en trouve la preuve dans les efforts faits en France pour décréditer notre révolution : lisez un journal, devenu depuis plusieurs mois le confident du cabinet français ; que dit-on de nous ? On dit que nous voulons la théocratie, quand, posant les bases d'une large liberté, nous déclarons que les prêtres ne prendront point part aux élections comme citoyens, il y a là une arrière-pensée, on veut préparer la nation française à nous abandonner. (Mouvement prononcé, légère interruption.) Ne nous laissons pas abattre par cette prévision ; marchons à notre but avec persévérance, nous avons autre chose à voir que ce que veut la France : s'il lui importe peu de voir s'accomplir notre révolution, il nous importe à nous de savoir comment la terminer ; s'il lui importe peu que nous subissions le joug du prince d'Orange, il nous importe à nous de le repousser. Ah ! si nous n'avions irrévocablement prononcé son exclusion, il faudrait se hâter de le faire. Lisez aujourd'hui sa proclamation dans les journaux français, voyez quel langage on ose y tenir ; on n'y parle plus du congrès, on s'adresse à la nation, parce qu'en pareil cas la nation ce n'est personne. Messieurs, le danger est là. (Assentiment.)
Nous avons consenti à un armistice, c'est une duperie ; aujourd'hui le prince d'Orange est à La Haye, il prépare une expédition contre la Belgique : qui vous a dit que, pendant que nous sommes ici à délibérer ; qui vous a dit que, profitant de notre sécurité, il ne viendra pas nous subjuguer par les armes, et qu'alors les puissances ne s'empresseront pas de le reconnaître ?
Messieurs, tout ce que je viens de vous dire doit nous déterminer à prendre et à prendre vite un parti définitif. N'espérez rien de la diplomatie, de ses ruses ni de ses lenteurs, et si vous redoutez les cabinets, fondez votre espoir sur les chambres de France et d'Angleterre ; là nous trouverons des défenseurs, pour paralyser les intentions funestes des cabinets diplomatiques. Je vote pour les conclusions de la section centrale. (U. B., 22 janv.)
M. Alexandre Rodenbach – J'ai dit il y a quelques jours dans cette enceinte que l'ennemi était à nos portes ; je ne vous dirai plus qu'il est à nos portes. il est à Bruxelles même. Je vous le demande, messieurs, le prince d'Orange n'a-t-il pas fait distribuer partout des proclamations séditieuses ? mais le brave peuple de Bruxelles en a fait prompte justice.
Je voterai en faveur des conclusions de la section centrale, afin de n'entendre plus parler de la race des Nassau que j'exècre. (Rumeur et applaudissements dans les tribunes. ) (C., 21 janv.)
M. le président – Je répète aux tribunes mon avertissement de tout à l'heure, et je prie les orateurs de s'abstenir de tout ce qui peut exciter du tumulte. (C., 21 janv.)
M. Lardinois – Je ne viens pas, messieurs, réfuter tout ce qu'un préopinant (M. Lebeau) vous a dit à cette tribune ; ses propositions sont la plupart des hypothèses qu'il a avancées, des fantômes qu'il a créés pour les combattre. Il a traîné dans la boue la famille des Bourbons, et cependant Louis-Philippe, le roi par excellence, l'émule de Henri IV, est un Bourbon. Il a fait, par un contraste, un éloge pompeux du prince Eugène, qui, je l'avoue, était éminemment distingué par ses vertus et ses qualités : je me rappelle néanmoins que c'était le même prince Eugène qui vint, à l'occasion du divorce de Bonaparte, au sein du sénat demander l'affront de sa mère !
Lors de la discussion pour l'envoi des ambassadeurs à Paris et à Londres, vous avez reconnu qu'une forte minorité croyait que c'était le moyen de s'éclairer sur le choix à faire du chef de l'État. Maintenant, messieurs, il paraîtrait que vous n'avez plus besoin de renseignements pour procéder à cette élection. La demande de notre honorable collègue M. Lebeau, et les conclusions de la section centrale vous le disent assez. Peut-être même qu'une fraction de cette assemblée a son candidat tout prêt. Quant à moi, j'ai besoin de me recueillir, d'interroger ma conscience, de pénétrer ma conviction, pour ne pas sacrifier le bien de la nation aux intérêts d'un parti.
Dans cette combinaison, les avantages à procurer à l'agriculture, au commerce et à l'industrie doivent entrer en première ligne. Vous ne voulez pas sans doute asseoir un trône sur un volcan, et cependant c'est ce qui arriverait si vous négligiez de pourvoir aux besoins des branches de l'économie politique dont la prospérité publique dépend.
C'est la crainte, vous dit-on, de retomber sous la domination hollandaise qui commande de choisir sans délai le chef de l'État : sous la domination hollandaise ! oui, mais alors le voyageur étonné cherchera les lieux ou existaient jadis nos villes patriotes...
(page 214) Je finirai par déclarer que nous n'avons pas le droit de frustrer nos collègues absents de la possibilité de concourir à l'acte le plus solennel et le plus important de notre mandat. Je ne m'associerai pas à cette surprise, et je vote pour l'amendement de notre honorable collègue M. de Baillet. (C., 21 janv.)
M. le comte d’Arschot – Personne ne peut se dissimuler que c'est une question de guerre que vous voulez décider. Je ne redoute pas les tribunes : je crois que celui-là aime le peuple qui est avare de son sang. Il importe à tous les sentiments de convenance que nous appelions tous nos collègues à ce vote important. 140 membres seulement sont présents. Je demande que le choix dont vous voulez vous occuper soit remis à un plus long terme que celui demandé par la section centrale afin que tous nos collègues puissent être avertis. (C., 21 janv.)
M. de Robaulx – Je voudrais que l'on s'abstînt de rappeler en cette enceinte le nom d'une famille à laquelle nous avons refusé tout droit de revenir chez nous. Parler trop souvent des Nassau, c'est leur donner une importance qu'ils n'ont plus. J'entre dans la question. Je demande que l'on retarde de quelques jours, de quelques heures, la discussion qu'on veut ouvrir demain. Nous sommes indépendants, j'en conviens ; mais nous avons des intérêts voisins à ménager pour que les nôtres soient ménagés. La France a notre politique, elle a nos mœurs, nos sympathies ; c'est la France qu'il faut consulter. Le congrès de Londres, je refuserai de l'entendre : c'est le foyer de tout mal pour la Belgique. Mais je dirai à la France : « J'ai fait une révolution comme vous ; je demande à m'associer à vous pour en sauver les principes. » La politique française a changé depuis quelques jours ; je désirerais donc que nous allassions lui demander chez elle sur quel plan commun de défense nous devons nous régler et si un choix du chef de l'État ne contrarierait pas ce plan. On a dit que la question du commerce n'était que secondaire ; je pense, moi, que les intérêts commerciaux doivent être en première ligne, et qu’il faut les ménager dans ses relations politiques. Je voudrais savoir si la France exclut du trône de la Belgique un fils de la famille du roi Louis-Philippe. Les relations personnelles des princes entre eux influent sur les traités entre les peuples. Voyez ce qui s'est passé entre l'Angleterre et la Belgique sous l'ancien régime. Les traités et les obligations personnelles du roi Guillaume avaient influé sur les traités de la nation. Si cependant la France s'exclut, comme elle a le droit de le faire, alors je me rallierai au duc de Leuchtenberg.
La diplomatie française a, dit-on, des arrière-pensées. Je n'en crois rien ; si le gouvernement français nous abandonne, la nation nous soutiendra. Je vote pour un ajournement, et je désire que la France seule soit consultée, mais non pas obéie, si nos intérêts s'y opposaient. (C., 21 janv.)
M. le chevalier de Theux de Meylandt – Après avoir fait partie de la majorité lorsque cette assemblée a deux fois déclaré l'urgence de s'occuper du choix du chef de l'État, je ne reculerai certainement pas aujourd'hui devant les conclusions de la section centrale.
Deux principaux motifs ont dominé les discours des honorables membres qui se sont opposés à ces conclusions : le désir de faire un choix agréable aux puissances étrangères, et la crainte de la guerre. Je ne puis partager aucun de ces motifs.
Un fait récent et solennel doit nous servir de leçon pour ne pas consulter l'étranger..
Une combinaison nous a été offerte comme devant nous assurer la protection de la France et de l'Allemagne.
Eh bien, cette combinaison, appuyée par le ministre de France, de l'assentiment du roi, loin d'être appuyée de la proposition de quelque traité avantageux, est aussitôt abandonnée.
Une conclusion prononcée en même temps est aussitôt désavouée par le même ministre.
A cette première combinaison en succède une autre, non pas dans l'intérêt de la Belgique, mais dans un intérêt purement domestique de la famille régnante. Je parle d'un prince de Naples.
Messieurs, je n'entends me prononcer sur aucun candidat, mais je le déclare, nous devons renoncer à consulter l'étranger, parce que nous ne pouvons rien en attendre de salutaire pour la patrie ; que si nous, intéressés que nous sommes au bonheur de la patrie commune, nous différons de vues sur ce point important, comment pourrions-nous attendre un accord de la part de puissances rivales ! Ne savons-nous pas d'avance que le candidat agréable à la France portera ombrage à l'Angleterre, et réciproquement ; que la Russie et la Prusse auront aussi le leur ?
Ainsi traînés d'informations en informations, nous consommerons le temps précieux et opportun pour consolider le bonheur de la nation.
Craindrions-nous la guerre à cause de notre choix ? mais cette crainte n'a aucun fondement.
Le choix de notre chef est une affaire purement intérieure, elle est la conséquence nécessaire de l'indépendance que nous avons conquise et de la nécessité de la séparation d'avec les provinces du (page 215) Nord que les puissances ont solennellement proclamées ; aussi, loin d'intervenir dans ce choix, elles ont déclaré que nous étions libres à cet égard.
Mais, messieurs, si nous blessions les affections de l'une ou de l'autre famille régnante, serait-ce une raison pour elle de nous déclarer la guerre ? Non assurément, une telle prétention serait réprouvée par la voix de tous les peuples.
Les puissances dont la prudence a concouru au maintien de la paix dans les temps les plus critiques, n'ont aucun intérêt de la laisser troubler aujourd'hui ; l'élection de notre chef, loin de donner occasion à la guerre, doit en ôter tout prétexte. Il nous reste donc à accomplir notre devoir tracé dans le mandat que nous avons reçu de la nation, ce devoir est impérieux : il s'agit de consolider notre indépendance en donnant au peuple un chef capable de rallier ses opinions divergentes, et à l'armée, un chef capable de la conduire à la victoire, si la nécessité s'en présente.
Craignons seulement la division intestine, et la guerre étrangère qui pourrait en être la suite ; craignons que les puissances, qui ont les regards fixés sur nous avec anxiété, ne nous reprochent enfin de reculer indéfiniment la constitution de notre État, de les tenir en suspens.
Les conséquences d'une telle conduite peuvent être graves, j'en abandonne la responsabilité à ceux qui veulent l'assumer sur eux, tandis qu'ils craignent des dangers secondaires ; pour moi, j'exprime mon opinion parce que je désire qu'elle soit connue.
Il me reste à parler des membres absents ; leur devoir est d'être présents, le nôtre est de ne pas les attendre ; du reste un de nos honorables collègues vient de nous déclarer qu'il est revenu expressément aujourd'hui pour cette discussion importante ; il en arrivera sans doute beaucoup d'autres demain, et d'ailleurs les discussions sur le choix du chef se prolongeront assez pour donner à tous le temps d'arriver et d'y prendre part. (C., 21 janv.)
M. Deleeuw – Il est étrange de voir accuser de précipitation ceux qui désirent qu'on s'occupe du choix du chef de l'État ! A-t-on négligé les moyens de s'instruire sur ce point ? Nous avons des renseignements français, des renseignements de Londres, et le cours de diplomatie qu'on nous a fait faire a porté ses fruits. La diplomatie veut amener le prince d'Orange. Nous avons eu le temps de réfléchir, il faut agir maintenant. Mais pour appeler le plus de membres possible dans cette enceinte, nous pouvons ajourner la discussion à vendredi. (C., 21 janv.)
M. le comte Duval de Beaulieu – Je ne me hasarderais pas à choisir un chef comme à l'improviste. Ce n'est pas un nom qu'il faut à la Belgique, ce sont des choses. Le prince de Leuchtenberg a été proposé. Que nous amènera ce prince ? Je ne le vois pas trop. Si je consultais mes affections seulement, je voterais pour lui ; car j'ai beaucoup connu son père. Je n'aime ni n'exècre personne, messieurs ; c'est de la mission de rendre le peuple belge heureux que je suis chargé comme vous. Je n'aime ni n'exècre personne, je le répète, et ce n'est pas parce que les Nassau ont été exclus que je veux dès demain élire un chef. Je considère que le peuple seul payerait la guerre que nous ferons naître, et je ne veux pas assumer une pareille responsabilité sans y réfléchir plus d'un jour. (C., 21 janv.)
M. Lebeau – Messieurs, je conçois difficilement le reproche de précipitation adressé à ceux qui veulent accélérer une opération à laquelle tôt ou tard il faudra bien procéder. Je crois avoir assez manifesté ma répugnance pour la guerre, je crois avoir fait assez violence à la sympathie qui m'entraînait vers Louis-Philippe : la réunion de la Belgique à la France, sous ce roi populaire, fut pour moi le plus beau des rêves ; j'ai reculé devant ce projet, parce qu'il menait droit à la guerre. J'ai assez prouvé que le choix du souverain n'était pas pour moi une œuvre de sentiment, mais une œuvre de calcul dans l'intérêt de mon pays, œuvre qu'il convenait de peser et de mûrir avec soin. Quelques orateurs, qui nous accusent de précipitation, n'hésitaient pas, il y a quelques jours, à élire Louis-Philippe ou le duc de Nemours ; je voudrais qu'ils se donnassent la peine de concilier leur impatience d'alors avec la prudence et la réserve qu'ils affectent aujourd'hui à mes yeux. Messieurs, leur prudence et leur impatience sont pour eux deux moyens différents pour arriver au même but. En diplomatie, les personnes ne sont rien, les choses sont tout. La France, le continent tout entier, l'Angleterre même, sont intéressés à ce que la Belgique soit forte, et, quelque soit le choix que vous ferez, il sera approuvé si les puissances n'y voient pas un acheminement vers la réunion à la France.
- Après avoir reproduit quelques arguments de son premier discours et réfuté quelques orateurs, M. Lebeau fait remarquer ce qu'il y a de contradictoire dans la manière d'agir de M. de Robaulx, qui n'a pas voulu voter de subsides pour la diplomatie et veut maintenant qu'on entame des relations diplomatiques à Paris ; puis, passant de la question politique à la question relative aux intérêts (page 216) commerciaux, il prouve qu'il ne faut rien craindre de ce côté, parce que la France a été et sera toujours intéressée à traiter avec la Belgique. (U. B., 22 janv. et C., 21 janv.)
M. de Robaulx – On a cru trouver une espèce de contradiction entre ma manière de voir sur notre diplomatie à laquelle j'ai refusé des subsides, et les commissaires que je voudrais voir envoyer à Paris. Mais, messieurs, mon vote sur le budget était la manifestation de ma désapprobation de la conduite du comité diplomatique. Cela était constitutionnel. Aujourd'hui, je n'ai pas demandé que la diplomatie fût chargée d'aller à Paris, mais bien des commissaires particuliers. (C., 21 janv.)
- La clôture de la discussion générale est prononcée. (C., 21 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de l'amendement de M. le comte de Baillet, qui propose de fixer au 1er février la discussion sur le choix du chef de l'État. (U. B., 22 janv.)
M. Deleeuw propose de la fixer au 24 janvier. (U. B., 22 janv.)
M. le comte Duval de Beaulieu demande que l'on mette sa proposition aux voix. (U. B., 22 janv.)
M. Forgeur et M. Fleussu appuient cette demande. (U. B., 22 janv.)
M. Raikem, M. Devaux et M. le baron de Stassart demandent la priorité pour les conclusions de la section centrale. (U. B., 22 janv.)
M. Destouvelles, avant qu'on aille aux voix, prend occasion de la position de la question pour soutenir qu'il est utile d'aller prendre des renseignements à Londres et à Paris avant de se décider, et qu'il est utile aussi de connaître quelles sont les qualités du nouveau candidat que la France nous offre en la personne du frère cadet du roi de Naples et neveu de Louis-Philippe. (C., 21 janv.)
M. d’Omalius est d'avis qu'il faut voter d'abord sur les propositions primitives, avant d'aller aux conclusions de la section centrale. (C., 21 janv.)
M. Raikem, rapporteur, démontre que les conclusions de la section centrale ont été régulièrement prises, et que c'est à ces conclusions qu'il faut donner la priorité. (C., 21 janv.)
M. Charles Le Hon partage l'avis de M. Raikem ; mais il pense que les conclusions de la section centrale n'empêchent pas qu'on mette aux voix les propositions spéciales de MM. Duval, Rodenbach et Zoude... (Aux voix ! aux voix !) (C., 21 janv. et U. B., 22 janv.)
- La clôture est prononcée, et la priorité est accordée à la proposition de M. le comte Duval de Beaulieu. (P. V.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de cette proposition :
« 1° Les commissaires belges envoyés auprès de la conférence à Londres sont chargés de prendre et de transmettre au congrès, dans le plus bref délai, des renseignements positifs sur tout ce qui peut être relatif au choix du chef de l'État en Belgique, soit sous le rapport du territoire, soit sous le rapport des intérêts commerciaux, soit sous le rapport des alliances.
» 2° Ils s'assureront en outre, et spécialement, si un accroissement de territoire, au moyen d'échange, soit avec le roi de Saxe, soit avec le duc de Brunswick, soit par d'autres combinaisons, ne pourrait pas satisfaire à l'objet indiqué au protocole du 20 décembre dernier : Un juste équilibre en Europe et assurer le maintien de la paix générale. » (U. B., 22 janv. et A. C.)
M. Trentesaux et M. Forgeur en demandent la division. (J. B., 21 janv.)
- L'assemblée décide qu'on votera séparément sur chaque partie de cette proposition. (P. V.)
La première partie est mise aux voix. Deux épreuves sont douteuses. (Bruit.) (E., 21 janv.)
On procède au vote par appel .
151 membres répondent à l'appel.
89 votent contre.
62 votent pour.
En conséquence la première partie de la proposition est rejetée ; ce rejet emporte celui de la seconde partie. (P. V.)
M. Forgeur propose d'admettre la proposition de M. le comte Duval de Beaulieu en substituant les mots ; de Paris, aux mots : auprès de la conférence de Londres.
- Une vive opposition se manifeste. (U. B., 22 janv.)
M. Devaux et M. Deleeuw soutiennent que c'est une proposition nouvelle, et qu'il faut la renvoyer aux sections. (U. B., 22 janv.)
M. Forgeur prononce un discours pour soutenir la priorité de sa proposition sur les conclusions de la section centrale. (Aux voix ! aux voix !) (Ù. D., 22 janv.)
M. Devaux répond. (Aux voix ! aux voix !) (E., 21 janv.)
- La priorité demandée par M. Forgeur est mise aux voix ; l'épreuve et la contre-épreuve sont douteuses. (Sensation.) (U. B., 22 janv.)
On procède à l'appel nominal, au milieu d'une agitation extrême.
155 membres répondent à l'appel.
79 votent pour la priorité.
76 contre.
En conséquence la priorité est accordée à la proposition de M. Forgeur. (U. B., 22 janv. et P. V.)
Ont voté pour : MM. Forgeur, de Selys-Longchamps, le baron de Woelmont, Baugniet, Charles Coppens, Gendebien (père), Peemans, Pirmez, de Lehaye, Le Grelle, Collet, Nalinne, le vicomte Desmanet de Biesme, Frison, Henry, Maclagan, de Rouillé, l'abbé Vander Linden, Henri Cogels, Domis, le baron de Terbecq, Bosmans, Watlet, le baron de Leuze, le baron de Pélichy van Huerne, le comte de Baillet, Roeser, d'Omalius, Bredart, Huysman d'Annecroix, le baron Beyts, Speelman-Rooman, le comte de Bergeyck, Coppieters, Thonus, Claus, le baron de Viron, Olislagers de Sipernau, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Du Bois, le vicomte de Bousies de Rouveroy, le baron Joseph d'Hooghvorst, Goffint, d'Hanis van Cannart, de Langhe, de Waha, d'Martigny, Gustave de Jonghe, Fendius, de Thier, le comte Cornet de Grez, de Labeville, Lardinois, Serruys, Fleussu, Blargnies, Delwarde, Destriveaux, David, de Robaulx, Lefebvre, le baron Frédéric de Sécus, Barbanson, le comte d'Arschot, Vandenhove, de Ville, le baron Van Volden de Lombeke, le baron de Sécus (père), Albert Cogels, Dams, le comte Duval de Beaulieu , l'abbé Boucqueau de Villeraie, Destouvelles, le comte de Quarré, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Charles de Brouckere, de Gerlache, Alexandre Gendebien, Charles Le Hon.
Ont voté contre : MM. Van Meenen, Defacqz, Berger, Van Hoobrouck de Mooreghem, Hennequin, Liedts, de Behr, de Schiervel, Beaucarne, le vicomte Charles Vilain XIIII, Lebeau, de Tiecken de Terhove, Gelders, Le Bon, Vandorpe, Buylaert, le chevalier de Theux de Meylandt, Jacques, Fransman, Le Bègue, Morel-Danheel, Vergauwen-Goethals, Joos, l'abbé Verbeke, l'abbé Wallaert, l'abbé Van Crombrugghe, Zoude (de Saint-Hubert), Lesaffre, Blomme, Teuwens, Van Innis, de Coninck, Eugène de Smet, Annez de Zillebeecke, Ooms, le baron de Meer de Moorse1, Allard, Thienpont, Masbourg, l'abbé Pollin, Van der Belen, l'abbé Corten, Devaux, Deleeuw, Alexandre Rodenbach, Leclercq, Cauvin, Jottrand, François, Mulle, Du Bus, le marquis de Rodes, Claes (d'Anvers), Wannaar, le baron de Stassart, l'abbé Dehaerne, Peeters, Jean Goethals, Trentesaux, Marlet, de Nef, l'abbé Andries, Lecocq, Van Snick, Raikem, Meeûs, Pettens, Goethals-Bisschoff, le comte Félix de Mérode, le comte Werner de Mérode, Charles Rogier, de Man, le baron de Coppin, Helias d'Huddeghem, Dumont, l'abbé de Foere. (J. F., 22 janv.)
M. le vicomte Charles Vilain XIIII, secrétaire, donne lecture de la proposition de M. Forgeur, qui est ainsi conçue ;
« Les commissaires belges, envoyés à Paris, sont chargés de prendre et de transmettre au congrès, dans le plus bref délai, des renseignements positifs sur tout ce qui peut être relatif au choix du chef de l'État en Belgique, soit sous le rapport du territoire, soit sous le rapport des intérêts commerciaux, soit sous le rapport des alliances. » (U. B., et J. F., 22 janv.)
On passe au vote par appel nominal sur cette proposition.
155 membres répondent à l'appel.
80 votent pour.
75 votent contre.
En conséquence la proposition est adoptée. (Agitation.) (U. B., 22 janv. et P. V.)
Ont voté pour : MM. Forgeur, Van Hoobrouck de Mooreghem, de Selys Longchamps, le baron de Woelmont, Baugniet, Charles Coppens, Gendebien (père), Peemans, Pirmez, de Lehaye, Le Grelle, Collet, Nalinne, le vicomte Desmanet de Biesme, Frison, Henry, Maclagan, de Rouillé, l'abbé Vander Linden, Albert Cogels, Domis, le baron de Terbecq, Bosmans, Watlet, le baron de Leuze, le baron de Pélichy van Huerne, le comte de Baillet, Roeser, d'Omalius, Bredart, Huysman d'Annecroix, le baron Beyts, Speelman-Rooman , le comte de Bergeyck, Coppieters, Thonus, Claus, le baron de Viron, Olislagers de Sipernau, le vicomte de Jonghe d'Ardoie, Du Bois, le vicomte de Bousies de Rouveroy, le baron Joseph d'Hooghvorst, Goffint, d'Hanis van Cannart, de Langhe , de Waha, d'Martigny, Gustave de Jonghe, Fendius, le comte Duval de Beaulieu , l'abbé Boucqueau de Villeraie, Destouvelles, le comte de Quarré, le marquis Rodriguez d'Evora y Vega, Charles de Brouckere, de Gerlache, Alexandre Gendebien, Charles Le Hon, de Thier, le comte Cornet de Grez, de Labeville, Lardinois, Serruys, Fleussu, Blargnies, Delwarde, Destriveaux, David, de Robaulx, Lefebvre, le baron Frédéric de Sécus, Barbanson, le comte d'Arschot, Vandenhove, de Ville, le baron Van Volden de Lombeke, le baron de Sécus (père), Henri Cogels, Dams.
Ont voté contre : MM. Vander Belen, l'abbé Corten, Devaux, Deleeuw, Alexandre Rodenbach, Leclercq, Cauvin, Jottrand, François, Mulle, Du Bus, le marquis de Rodes, Claes (d'Anvers), Wannaar, le baron de Stassart, l'abbé Dehaerne, Peeters, Jean Goethals, Trentesaux, Marlet, de Nef, l'abbé Andries, Lecocq, Van Snick, Raikem, Meeûs, Goethals-Bisschoff, le comte Werner de Mérode, Charles Rogier, Pettens, de Man, le comte Félix de Mérode, le baron de Coppin, Helias d'Huddeghem, Dumont, l'abbé de Foere, Van Meenen, Defacqz, Berger, Hennequin, Liedts, de Behr, de Schiervel, Beaucarne, le vicomte Charles Vilain XIIII, (page 213) Lebeau, de Tiecken de Terhove, Gelders, Le Bon, Vandorpe, Buylaert, le chevalier de Theux de Meylandt, Jacques, Fransman, Le Bègue, Morel-Danheel, Vergauwen, Goethals, Joos, l'abbé Verbeke, l'abbé Wallaert, l'abbé Van Crombrugghe, Zoude (de Saint-Hubert), Lesaffre, Blomme, Teuwens, Van Innis, de Coninck, Eugène de Smet, Annez de Zillebeecke, Ooms, le baron de Meer de Moorsel, Allard, Thienpont, Masbourg, l'abbé Pollin. (C., 22 janv.)
M. Van Snick propose une disposition additionnelle ainsi conçue.
« Dans tous les cas, le congrès national fixe au 1er février au plus tard, la discussion relative au choix du chef de l'État. » (Tumulte extraordinaire.) (U. B., 22 janv. et P. V.)
M. Alexandre Rodenbach propose de substituer le 25 janvier au 1er février. (P. V.)
M. Alexandre Gendebien – Je demande qu'on fixe la discussion au 28 janvier, que l'on ait reçu des instructions ou non. (U. B., 22 janv. et P. V.)
- Plusieurs voix – Appuyé ! appuyé ! (U. B., 22 janv.)
M. Van Snick se rallie au sous-amendement de M. Gendebien. (U. B., 22 janv.)
M. de Rouillé reprend l'amendement de M. Van Snick. (J. F., 22 janv.)
- Une discussion tumultueuse s'élève sur la question de priorité entre ces amendements. (C., 21 janv.)
L'assemblée, consultée sur la proposition et sur les deux amendements, accorde la priorité à l'amendement de M. Alexandre Gendebien. (P. V.)
Cet amendement est mis aux voix et adopté.
Par conséquent la proposition de M. Van Snick est adoptée avec la substitution du 28 janvier au 1er février. (P. V.)
M. le président annonce qu'il reste à s'occuper du projet de décret relatif au duc de Leuchtenberg, présenté par M. Lebeau. (P. V.)
- Plus de dix membres en ayant demandé le renvoi aux sections, ce renvoi est ordonné. (P. V.)
La séance est levée à six heures. (P. V.)