(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 1101) M. Reynaert procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Hagemans présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres de l'administration communale de Villers-la-Tour réclament l'intervention de la Chambre pour que le département de la guerre accorde au milicien Théodulc Anuset, de la levée de 1871, incorporé dans le régiment du génie, un congé illimité ou du moins un congé temporaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs au conseil de prud'hommes demandent la révision des articles 6, 7, 8 et 9 de la loi du 7 février 1859. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Courtrai prient la Chambre de s'occuper, pendant la session actuelle, de la proposition de loi relative à l'administration de la justice dans les parties flamandes du pays. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi.
« Par dépêche en date du 18 mai 1872, M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Ducatillion, François-Hubert. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. Elias demande un congé pour la séance de ce jour. »
- Accordé.
M. Wouters, M. Pety de Thozée et M. Reynaert, au nom de la commission des naturalisations, déposent sur le bureau des rapports sur cinq demandes de naturalisation ordinaire.
- Impression et distribution.
M. Sainctelette. - Messieurs, je regrette de devoir entretenir de nouveau la Chambre des infortunes administratives de l'école normale de Mons.
La loi qui a autorisé la création de quatre nouvelles écoles normales date de 1866 ; nous voici en 1872, et, après six ans, nous ne savons même pas si le projet de l'une de ces écoles, celle destinée à Mons, sera définitivement arrêté cette année.
L'architecte chargé de faire un projet d'école normale et de rédiger un cahier de charges pour adjudication sur bordereau de prix, a terminé son travail au mois de juillet 1870. Mais il a eu la malchance de tomber dans les mains de l'honorable M. Kervyn de Lettenhove.
Le projet a dû être remanié deux fois, une première fois parce que M. Kervyn éprouvait le besoin d'avoir l'avis de ses messieurs de l'enseignement primaire et que l'un d'eux s'est, fort malheureusement, trouvé indisposé.
De là un retard de plusieurs mois ; quand enfin la commission a pu se prononcer, M. le ministre de l'intérieur, d'accord avec quelques-uns de ses subordonnés, a fait supprimer la salle de gymnastique... (interruption) - le ministre de l'intérieur d'alors, évidemment, je ne confonds pas. Sur les représentations qui furent faites, la salle de gymnastique a été rétablie,
De là, de longs remaniements de projets. Bref, on en est aujourd'hui au cinquième avant-projet. Celui-ci est donc complet.
Il a été déposé avec devis et cahier des charges. Malheureusement un des collaborateurs de M. le ministre, de l'intérieur, après trente années de services, a fait subitement cette lumineuse découverte que les écoles normales ne pouvaient pas être adjugées sur bordereaux de prix, mais en forfait absolu.
Si la doctrine de ce fonctionnaire devait prévaloir, ce n'est pas en 1872 que nous verrions lever la première pelletée de terre ; car pour convertir les projets et devis d'adjudication sur bordereau de prix en projets et devis à forfait absolu, il faut tout un nouveau travail. L'architecte en aurait au moins pour trois mois, la commission, les inspecteurs et les bureaux du ministère de l'intérieur pour trois autres mois.
Cependant l'adjudication sur bordereau de prix a été appliquée à des travaux d'une bien plus grande importance que les écoles normales, aux travaux d'Anvers, par exemple, et, ce qu'il y a de particulier, c'est qu'il a été appliqué à l'école normale des institutrices à Liège, et qu'il a été stipulé sous l'administration de M. Pirmez, dans les conventions avec les architectes. J'observe, en passant, que ce fonctionnaire de génie qui, après trente ans a découvert que ce système ne pouvait être appliqué aux écoles normales, a cependant, en 1870, laissé passer sans observation les conventions avec les architectes.
En résumé, je demande qu'on en finisse une bonne fois de l'école normale de Mons ; autrement nous serons forcés de croire qu'il y a là une sorte de parti pris et d'arrière-pensée.
J'attends donc de M. le ministre, avec une entière confiance, la déclaration qu'on ne perdra plus de temps, qu'on se tiendra au système adopté par la convention, adopté dans d'autres circonstances encore, appliqué en ce moment même à Liège et que nous verrons enfin l'école normale de Mons sortir de terre.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je suis heureux de pouvoir annoncer à l'honorable M. Sainctelette que les infortunes administratives de l'école normale des institutrices à Mons sont à la veille de finir. Il est vrai, comme vient de le dire l'honorable membre, on a soulevé au département de l'intérieur une difficulté sur la légalité de l'adjudication sur bordereaux de prix ; on s'est demandé si ce mode d'adjudication est conforme à l'article 21 de la loi sur la comptabilité générale de l’Etat. Cette question étant soulevée - et remarquez qu'elle l'a été tout récemment car c'est au commencement du mois d'avril seulement que la question a été soumise à mon examen, - j'ai cru qu'il était de mon devoir de consulter le département des travaux publics.
Les observations de ce département étant conformes au doute qui avait été soulevé au ministère de l'intérieur, j'ai voulu consulter le comité consultatif de législation.
Le comité s'est réuni d'urgence ; son rapport, qui porte la date du 10 mai justifie, au point de vue légal, le mode d'adjudication sur bordereaux de prix et confirme la décision prise par l'honorable M. Pirmez. C'est dans ce sens que la question sera résolue ; je me propose d'approuver le cahier des charges, et dans quelques jours, l'adjudication des travaux pourra avoir lieu.
- L'incident est clos.
M. Defuisseaux. - J'ai annoncé à la Chambre, il y a quelque temps déjà, que j'interpellerais M. le ministre de la justice au sujet de la réglementation des maisons d'aliénés. Aujourd'hui que le jugement a été rendu sur l'affaire qui préoccupait l'opinion publique, j'espère que la Chambre ne refusera pas de m'entendre.
(page 1102) Du reste, je ne veux pas ressusciter dans cette assemblée l'émotion si légitime provoquée par les épouvantables malheurs dont les tribunaux ont récemment retenti. Je me propose d'examiner, au point de vue de la responsabilité des fonctionnaires nommés par le gouvernement, la situation faite aux aliénés par notre législation, d'apprécier ensuite les modifications à apporter a la loi, de voir enfin ce que nous pouvons, ce que nous devons faire pour que de pareils malheurs ne puissent plus jamais se représenter dans notre pays.
J'aborde donc, messieurs, l'examen de la loi.
L'article 21 confie la surveillance des maisons d'aliénés à une commission composée de trois inspecteurs. J'y vois ensuite que cette surveillance trouve sa sanction dans un rapport qui doit annuellement être fourni à cette Chambre par le gouvernement. J'y vois enfin, en ce qui concerne les aliénés indigents,- et ceci est un point capital sur lequel j'appelle votre attention à raison de sa portée réellement sociale, - j'y vois enfin, dis-je, que le gouvernement doit approuver par arrêté royal le taux auquel les indigents doivent être reçus et entretenus dans les maisons d'aliénés.
Eh bien, messieurs, la surveillance du gouvernement a-t-elle été efficace ? La commission permanente instituée, payée par le gouvernement pour exercer sur les maisons d'aliénés une surveillance de chaque instant, de chaque heure, a-t-elle accompli son devoir ?
Voilà les questions que je me propose d'examiner.
Le procès qui vient de finir a révélé à toute évidence qu'il y avait insuffisance et irrégularité dans le régime médical ; que l'entretien des locaux était tout à fait défectueux ; que les conditions hygiéniques étaient déplorables. Il a révélé enfin que des faits graves, des faits inouïs, tels que la mutilation horrible de deux hommes par défaut de soins ; la mort de deux autres succombant dans une lutte épouvantable entre ces pauvres insensés livrés à eux-mêmes, ont pu se produire à la faveur de l'incurie gouvernementale. Les inspecteurs n'ont donc pas fait leur devoir.
Ils n'ont rien inspecté, rien vu, rien signalé ; M. le ministre de la justice entend-il couvrir de sa responsabilité les fonctionnaires infidèles à leur mandat ?
De deux choses l'une : ou bien ils ont transmis au département des documents, des correspondances, des rapports ; dans ce cas je prierai M. le ministre de les déposer sur le bureau de la Chambre ; ou bien ils n'ont rien fait et méritent un blâme sévère pour avoir méconnu leurs devoirs.
Il y a plus, messieurs, il est avéré, après ces tristes débats, que le registre cellulaire n'avait été vérifié que six fois en huit années !
Vous savez tous ce que c'est que le registre cellulaire. Lorsqu'un aliéné, après sa collocation, jouit encore d'une liberté relative dans l'établissement, la mise en cellule confisque ce reste de liberté précaire. C'est l'incarcération absolue, la séparation la plus complète du reste du monde, mesure grave, messieurs, tellement grave que la plupart des aliénistes la considèrent comme souvent inutile et toujours dangereuse.
Le registre cellulaire doit constater les motifs et la durée de cet emprisonnement. Il doit être soumis à l'inspection la plus sévère. Cependant, dans le cas qui nous occupe, il n'a été examiné que six fois en huit années, moins d'une fois par an. Que faisaient donc vos fonctionnaires et n'ai-je pas le droit de vous prier de leur demander compte de la manière dont ils ont rempli leur mandat ?
J'aborde le second point. Le régime des aliénés constitue une question si importante, que la loi appelle sur ce régime le contrôle et la sollicitude du pouvoir législatif. Le devoir du gouvernement est de nous mettre à même d'exercer ce contrôle de la façon la plus complète.
Eh bien, le rapport que nous devons recevoir chaque année n'a plus été déposé depuis 1866.
J'ai donc le droit ici de m'adresser au gouvernement lui-même et de lui infliger un blâme qui, bien entendu, ne doit pas atteindre le ministre actuel.
M. Sainctelette. - A qui infligez-vous donc ce blâme ?
M. Defuisseaux. - A ceux qui ont négligé de déposer ce rapport, à M. Cornesse qui aurait dû déposer le rapport l'année dernière et à M. Bara.
Mais j'ai voulu savoir ce qu'étaient ces rapports et j'ai trouvé qu'en 1862 on avait fourni un rapport pour trois années ; j'en ai pris connaissance et à ma grande stupéfaction, voici ce que j'ai lu. Ceci est textuel : « Province de Brabant. La situation des aliénés de cette province n'a éprouvé aucun changement depuis notre précédent rapport. »
Ainsi, messieurs, non seulement pendant six années on ne nous a pas fourni le rapport auquel nous avions droit ; mais remontant au dernier rapport date de 1862 et qui est fait pour trois ans, je trouve cette mention pour le Brabant : « La situation des aliénés de cette province n'a éprouvé aucun changement depuis notre précédent rapport. «
Certes, ce n'est pas du défaut de semblables rapports que je me plains. Ce que je veux, c'est la sérieuse et complète exécution de la loi.
Je termine sur ce point, en demandant au gouvernement de s'engager à nous fournir désormais régulièrement le rapport auquel nous avons droit, et je déclare que, pour ma part, chaque année je le réclamerai.
Je demande ensuite que ce rapport ne soit pas un rapport dérisoire et banal, mais un rapport sérieux, un rapport qui contienne tous les détails relatifs aux maisons d'aliénés, et qui peuvent intéresser notre contrôle.
J'arrive au point le plus important. Il s'agit, messieurs, de l'approbation par arrêté royal du taux auquel on doit recevoir, dans les maisons d'aliénés, les aliénés indigents. Eh bien, voici ce que je trouve dans le rapport de la commission, page 43 : Pour l'année 1862, le prix de la journée d'entretien des aliénés indigents a été fixé à 65 centimes dans un établissement, de 72 à 79 centimes dans 9, de 80 à 86 centimes dans 6, de 90 à 95 centimes dans 6, à 1 fr. dans 7, de 1 fr. à 1 fr. 15 dans 5, à 1 fr. 30 dans 1, à 1 fr. 10 dans 2 et enfin à 1 fr. 50 dans 4 établissements.
Ces chiffres, messieurs, sont assez éloquents pour rendre tous commentaires inutiles. N'est-ce pas une véritable mise en adjudication des malheureux aliénés ? Ne semble-t-il pas, en réalité, qu'on a été inspiré plutôt par le désir de se débarrasser de ces misérables que par celui de les faire soigner et guérir, d'adoucir, dans la mesure du possible, leur douloureuse situation ?
Pour croire à ce honteux marchandage, il faut réellement qu'on le trouve constaté par des documents officiels.
Oui, le gouvernement a commis une faute grave, cette faute impardonnable d'admettre qu'on pouvait se débarrasser des malheureux aliénés moyennant le prix dérisoire de 1 fr. 40 c. et un minimum de 90 centimes.
Je ne puis m'empêcher de faire ici un rapprochement.
Il y a quelques jours, nous votions des questions comportant un nombre de millions qui nous donnait le vertige.
Nous abandonnions à la Banque Nationale 15 à 20 millions de plus que l'intérêt du trésor ne semblait le permettre. J'ai vu voter d'enthousiasme des sommes considérables pour des dotations princières et des ameublements royaux.
Et ce même gouvernement, si généreux pour la Banque et les palais des princes, accorde 90 centimes par jour pour soigner et entretenir de malheureux aliénés !
Je demande à M. le ministre de rapporter immédiatement le dernier arrêté royal et de le remplacer par des dispositions moins inhumaines.
Je veux qu'il soit démontré que la Chambre, dont la sollicitude est tardivement éveillée, ne veut pas supporter, un jour de plus, un pareil état de choses.
Il y a plus, messieurs, certaines communes, renchérissant sur cette parcimonie de la province et de l'Etat, parvenaient à se défaire de leurs aliénés moyennant le prix dérisoire de 65 centimes par jour.
Sur cette somme, les entrepreneurs de maisons d'aliénés devaient encore prélever un bénéfice. N'était-ce pas placer ces entrepreneurs entre le crime et la faillite ? N'est-il pas certain que les communes se rendaient moralement complices des faits que cette honteuse parcimonie devait entraîner ?
Messieurs, un détail encore. Non seulement ce prix misérable était alloué par les communes et par la province pour l'entretien des aliénés, mais il résulte d'une note qui m'a été fournie par M. l'avocat Spli-gard, l'éloquent défenseur de Hugo Van Leeuw, qu'il y avait, dans l'établissement d'Evere, 157 aliénés, 53 comptes étaient en retard, tous à la charge des communes. Il résulte de ces documents que les hospices de Bruxelles, qui ont, je n'hésite pas à le dire, assumé une lourde responsabilité dans cette affaire, que les hospices de Bruxelles, dis-je, ont payé pour l'entretien des aliénés, pendant le premier trimestre, 1 fr. 40 c. et que la rémunération est immédiatement tombée au minimum de 90 centimes.
La commune de Coninxheim ne payait que 78 centimes.
Parmi les comptes en retard, on remarque :
La commune de Schepdael, redevable de 1,599 francs.
La commune de Woluwe-Saint-Pierre, qui doit, depuis le 1er avril 1869, 1,152 francs.
(page 1103) La commune de Freux qui doit, depuis le 16 mai 1871, 867 francs.
Un inconnu (on suppose que ce sont les hospices de Bruxelles) doit à la faillite pour le sieur Rues, la somme de 1,692 fr. 60 c.
Ainsi, non seulement on abandonnait les aliénés moyennant ces misérables rémunérations, à des soins incertains et mercenaires ; non seulement on marchandait jusqu'au dernier centime la vie de ces infortunés, mais encore ces sommes dérisoires n'étaient pas payées, les inspecteurs n'inspectaient pas, l'Etat ne voyait rien et ne nous mettait à même de rien voir !
Il y a plus : lorsque les événements d'Evere soulevaient déjà la conscience publique, le bourgmestre ne faisait aucune espèce de diligence ; personne ne présentait de rapport ; et ce n'est que trois mois après la mort des deux infortunés qui ont succombé dans la lutte nocturne que vous savez, que le procureur du roi en a été fortuitement informé.
Voilà l'état misérable dans lequel se trouvaient les maisons d'aliénés.
Ai-je suffisamment prouvé qu'un pareil régime ne peut et ne doit pas durer ?
Je me résume.
Je demande à M. le ministre de la justice quelles mesures il compte prendre à l'égard des fonctionnaires qui ont manqué à leur devoir, inspecteurs, procureur du roi, bourgmestre, gouverneur ?
Je passe maintenant à l'examen de la loi elle-même ; et ici j'invoquerai l'opinion de M. Guislain, le plus grand aliéniste de l'Europe peut-être, opinion qui, d'après moi, doit inspirer M. le ministre de la justice pour l'élaboration du projet de loi qu'il doit nous présenter pour la réglementation des établissements d'aliénés.
Voici ce que disait ce praticien si distingué :
« Les frais d'érection et de premier établissement des hôpitaux de traitement pour les aliénés curables seraient supportés pour deux tiers par l'Etat, et pour un tiers par les provinces. La répartition de ce dernier tiers serait faite au prorata de la population de chaque province.
« La dépense totale serait répartie entre quatre ou cinq exercices. En évaluant cette dépense à 2,700,000 francs pour les quatre hôpitaux, et en admettant le partage par cinquièmes, on aurait annuellement à porter de ce chef au budget de l'Etat la somme de 500,000 francs, et aux budgets réunis des neuf provinces la somme de 180,000 francs ; en moyenne, par conséquent, en cas d'égalité de partage, la somme modique de 20,000 fr. par province...
« Pour faciliter aux provinces l'exécution des obligations dont il s'agit, elles seraient autorisées à traiter avec les communes ou les administrations des hospices, ou même avec des particuliers, pour le placement des aliénés incurables de la province dans tels ou tels établissements qui seraient d'ailleurs autorisés par le gouvernement.
« La commission n'ignore pas que la question d'argent, dans l'état actuel des ressources disponibles du pays, peut devenir la pierre d'achoppement du projet. Mais au lieu de reculer devant cette difficulté, pourquoi ne pas la tourner habilement ? Qu'est-ce qui empêcherait, entre autres moyens, de décréter un emprunt spécial pour l'érection des nouveaux hôpitaux ? »
Vous le voyez, messieurs, M. Guislain était partisan de la construction et de l'entretien des maisons d'aliénés par l'Etat ; il fixait aux 2/3 la part contributive de l'Etat, et comme il parlait à une époque où nos ressources étaient moindres qu'aujourd'hui, il proposait de faire un emprunt pour couvrir la dépense. Cet emprunt ne serait plus nécessaire aujourd'hui à cause de la modicité de la somme réclamée.
Je termine donc en invoquant l'opinion de cet homme célèbre et en demandant à M. le ministre de nous présenter promptement un projet de loi d'après lequel les maisons d'aliénés seront soumises à l'action directe de l'Etat.
C'est un service public s'il en fut jamais, c'est une question sociale de premier ordre.
Comment ! les prisonniers, les coupables seraient logés, nourris, entretenus par l'Etat et aux frais de l'Etat, et ces autres prisonniers sur lesquels non le crime mais le malheur appesantit sa main, ces prisonniers innocents seraient vendus à l'encan, livrés à la spéculation publique et l'on méconnaîtrait le devoir de les soigner, de les entretenir, de les nourrir !
Eh bien, ce que l'autorité de M. Guislain n'a pas pu faire, la triste leçon de l'expérience le fera aujourd'hui.
J'insiste donc avec énergie pour que d'abord le gouvernement présente un arrêté royal qui interdise de remettre les aliénés dans des maisons de détention pour des sommes que je vous ai signalées ; ensuite pour que M. le ministre nous présente, dans le plus bref délai, un projet de loi qui sanctionne le principe que je viens de défendre,
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - C'est la troisième fois que je suis appelé à m'expliquer au sein de la Chambre au sujet des faits d'Evere. Je ne m'en plains pas. Ces faits ont jeté dans tout le pays une émotion profonde et cette émotion était légitime ; moi-même je l'ai partagée et je puis dire avec vérité que, depuis que je suis au ministère, il ne s'est guère passé de jour sans que je me sois préoccupé des questions qui se rattachent au régime des aliénés. Cependant, comme il arrive d'ordinaire, l'émotion publique s'est immédiatement laissé entraîner à de regrettables exagérations.
Les horreurs d'Evere ont cessé, aux yeux d'un grand nombre, d'être des crimes heureusement isolés. Toutes les maisons d'aliénés sont mises en suspicion et l'on semble vouloir étendre à tous les agents de l'administration une responsabilité qui ne doit peser que sur quelques hommes.
M. Defuisseaux. - C'est malheureusement possible.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Et tout d'abord, quant à la généralité de l'abus ; aussitôt que les faits d'Evere m'ont été connus, j'ai ordonné une inspection minutieuse de foules les maisons d'aliénés du royaume.
Pour avoir les garanties les plus complètes, j'en ai chargé les agents qui devaient naturellement inspirer au ministre de la justice la plus grande confiance.
J'en ai chargé les procureurs du roi ; je leur ai donné des instructions sévères ; je leur ai enjoint notamment d'interroger individuellement tous les aliénés.
Les rapports me sont parvenus et j'ai la satisfaction d'annoncer à la Chambre que dans toutes les maisons d'aliénés du pays il n'a pas été découvert un seul fait qui soit de nature à motiver une poursuite. En règle générale, les maisons sont régulièrement tenues ; les conditions qui intéressent la liberté individuelle sont rigoureusement observées et les aliénés sont traités avec les soins que commande leur position.
Le fait d'Evere est donc un fait isolé, déplorable, mille fois déplorable, sans doute ; mais la responsabilité n'en doit pas rejaillir sur les établissements si nombreux qu'une direction intelligente et dévouée recommande à la confiance des familles.
Je suis loin de dire, assurément, qu'il n'y ait rien à réformer, que tout soit parfait. Je veux constater seulement que l'inspection la plus vigilante, la plus minutieuse, a constaté que la maison d'Evere était la seule en Belgique où la liberté individuelle reçût des atteintes, la seule où la sécu« rite des malades ne fût pas assurée.
Quelle est maintenant la part de responsabilité des agents de l'administration ? Y a-t-il des inspecteurs permanents, des gouverneurs, des commissaires d'arrondissement, des procureurs du roi, qu'il faille blâmer, qu'il faille punir ?
Je vais, messieurs, faire à la Chambre l'exposé des faits. Elle jugera elle-même sur qui et dans quelle mesure doit peser la responsabilité. Elle verra que ce ne sont ni les membres de la commission permanente, ni l'honorable gouverneur du Brabant, ni le commissaire d'arrondissement de Bruxelles, ni le procureur du roi, que le moindre reproche peut atteindre.
M. Defuisseaux. - Qui est-ce alors ?
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je vais vous lire les pièces ; vous jugerez vous-même.
M. Defuisseaux. - Mais non ; donnez-nous vos conclusions.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je ne veux pas, messieurs, remonter à l'origine de la maison d'Evere. Je prends les faits à partir de 1869.
En 1869, le directeur de rétablissement d'Evere demande l'autorisation d'augmenter le nombre de ses pensionnaires.
Le 25 mars 1870, la commission permanente adresse au ministre de la justice un rapport dans lequel, après avoir critiqué l'organisation des divers services, après avoir signalé la malpropreté des locaux, l'insuffisance des vêtements et du couchage, les vices du classement, le défaut de surveillance, elle conclut au rejet de la demande.
Aussi, le 4 avril 1870, le ministre de la justice refuse-t-il l'autorisation demandée et invite-t-il le sieur Van Leeuw à se mettre immédiatement en mesure de donner aux différents services de sa maison l'organisation qu'ils réclament. Mais à peine le ministre a-t-il pris cette décision, qu'une délibération de l'administration communale d'Evere lui est adressée, délibération dans laquelle on fait le plus pompeux éloge de l'établissement et des modifications qui y sont introduites.
« Sous tous les rapports, dit l'administration communale, l'établissement peut rivaliser avec tous les établissements du même genre du royaume. »
(page 1104) Cette appréciation du bourgmestre d'Evere ne fut heureusement partagée ni par le procureur du roi, ni par le comité de surveillance, ni par le commissaire d'arrondissement.
Tous, dans des rapports datant des mois de novembre et de décembre 1870, signalent l'état déplorable dans lequel se trouve l'établissement d'Evere.
« Il est démontré, dit l'honorable gouverneur du Brabant en transmettant ces rapports au ministre, le 24 décembre 1870, que toutes les représentations faites à la direction n'ont servi de rien, que les aliénés sont traités à Evere contrairement aux lois de l'humanité, que ces infortunés y sont privés des soins qu'ils méritent et qui leur sont nécessaires plus qu'à tous autres.
« Et cependant, M. le ministre, le taux de la journée d'entretien est suffisamment rémunérateur à Evere.
« L'état de choses signalé dans les documents ci-joints ne peut, à mon avis, se maintenir plus longtemps, et si des mesures efficaces ne sont pas prises immédiatement pour remédier à la situation déplorable de l'établissement, il ne restera qu'à examiner la question de savoir s'il ne convient pas d'appliquer les dispositions de l'article 4 de la loi du 18 juin 1830. »
Le gouvernement donna immédiatement suite à l'avertissement qu'il venait de recevoir.
Le 19 janvier 1871, l'honorable M. Cornesse fit notifier à M. Van Leeuw que si, pour le 1er mars, son établissement n'était pas mis sur un pied entièrement irréprochable sous tous les rapports, la fermeture en serait immédiatement ordonnée.
Mais la fermeture d'un établissement d'aliénés ne dépend pas de la volonté arbitraire du ministre. Il y a des intérêts importants à sauvegarder.
Les directeurs ont le droit d'être entendus dans leur défense. Aussi la loi ordonne-t-elle qu'une enquête préalable ait lieu et que l'avis de la députation permanente soit demandé.
Ces mesures s'imposaient donc à l'honorable M. Cornesse et vous allez voir comment les mesures d'instruction même que prescrit la loi faillirent l'induire en erreur, en lui permettant de croire que les reproches articulés contre la maison d'Evere étaient exagérés.
Le 16 septembre 1871, il reçoit, par l'entremise de la députation permanente, un avis signé Uytterhoeven et Carlier. Je ne le lirai pas en entier, mais j'en extrais quelques passages qui donnent une idée suffisante de l'ensemble :
« Disons tout d'abord, écrivent ces messieurs, que la plus grande partie des aménagements ont subi de notables et radicales améliorations. L'ordre et la propreté règnent surtout dans la division des femmes et si le résultat n'est pas encore évident dans celle des hommes, c'est qu'un grand nombre d'ouvriers y déploient tous les moyens d'arriver à une appropriation complète. »
Je passe à la conclusion :
« En résumé, nous avons pu nous assurer que l'amélioration constatée par la commission permanente était efficacement poursuivie par la direction de l'établissement d'Evere. Dans peu de temps et au moyen surtout des réformes dont il vient d'être question, cet établissement où 175 aliénés, dont 135 indigents, reçoivent annuellement des soins médicaux, parviendra à occuper le rang que la direction tend à conquérir dans l'arrondissement de Bruxelles. »
M. Defuisseaux. -- Par qui est-ce signé ?
M. de Lantsheere, ministre de la justice.- Par MM. Uytterhoeven et Carlier.
M. Defuisseaux. - Des inspecteurs ?
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Des membres du comité d'inspection de l'arrondissement.
M. Defuisseaux. - Ils se trompaient radicalement ; ils étaient incapables.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Ce sont des hommes dont les noms sont connus et le ministre de la justice devait avoir confiance dans leurs rapports.
Je ne dis pas qu'il n'y ait eu ni négligences ni erreurs. Seulement, je soutiens que les négligents et les coupables ne sont pas ceux que vous accusez.
Ce ne sont, je le répète, ni les membres de la commission permanente d'inspection, ni le gouverneur du Brabant, ni le commissaire d'arrondissement, ni le procureur du roi actuel, ni, je me fais un devoir de le proclamer, son honorable prédécesseur, M. Hody.
A ce rapport de MM. Uytterhoeven et Carlier était joint un rapport de la députation permanente du Brabant dont l'avis était indispensable avant qu'un arrêté de fermeture pût être pris,
La députation permanente envoie d'abord un de ses membres et ce membre résume les résultats de son inspection de la minière suivante :
« En résumé, je suis loin de prétendre qu'il n'y ait plus d'améliorations à introduire dans cet établissement, mais, si j'en puis juger par la visite que je viens d'y faire, l'état de choses actuel ne justifie pas les plaintes graves qui ont été articulées contre la maison d'Evere. »
M. le gouverneur du Brabant était malheureusement en congé à cette époque ; M. Fizenne, membre de la députation permanente, le remplaçait.
Il ajoute dans le rapport de son collègue :
« En présence de la gravité des plaintes qui s'étaient fait jour, j'ai cru devoir me rendre compte par moi-même de l'état des choses et je me suis, en conséquence, rendu à Evere le 9 de ce mois. »
Il rend ensuite un compte détaillé de sa visite et termine en disant : « Je dois dire, d'ailleurs, M. le ministre, que la tenue de l'établissement est convenable et, qu'au moyen de quelques modifications et améliorations nécessaires, il se trouvera en état de répondre aux exigences de sa destination.
« En résumé, M. le ministre, la députation a émis l'avis, que je partage, qu'il y a lieu de maintenir l'établissement d'Evere, mais qu'il est nécessaire de prescrire au sieur Van Leeuw l'exécution des travaux et l'adoption des mesures nécessaires pour assurer aux malheureux que renferme sa maison un traitement convenable et en rapport avec leur situation. Il conviendrait surtout de fixer un terme endéans lequel les améliorations et les changements prescrits devront être exécutés. »
Si, en présence de ces rapports, l'honorable M. Cornesse avait sursis à toute mesure de rigueur, aucun reproche ne pourrait lui être adressé. Il est évident qu'il avait le droit de compter sur la fidélité du rapport signé par MM. Carlier et Uytterhoeven, qu'il avait le droit aussi de se reposer sur l'appréciation faite par un membre de la députation permanente et confirmé par l'honorable M. Fizenne, qui faisait fonctions de gouverneur.
Et cependant, messieurs, l'honorable M. Cornesse crut devoir pousser ses investigations plus loin. Il chargea le comité permanent de faire une enquête nouvelle et un rapport lui fut adressé par M. l'inspecteur Oudart, qui maintenait et précisait tous les griefs qu'il avait depuis longtemps signalés. M. Oudart concluait à la fermeture de l'établissement tout au moins comme asile pour les indigents. Ce rapport, l'honorable M. Cornesse le reçut le 28 novembre dernier.
On conçoit que les événements qui signalèrent les derniers jours de novembre détournèrent momentanément l'attention de l'honorable M. Cornesse de l'établissement d'Evere.
J'arrivai au ministère... (Interruption de M. Bara.) J'ai parlé tout à l'heure des actes posés sous votre ministère et j'ai dit qu'ils ne pouvaient donner lieu à aucune critique. J'entrai au ministère le 7 décembre 1871 et immédiatement je m'informai du point de savoir si d'autres mesures d'instruction étaient encore nécessaires pour permettre la fermeture non seulement partielle, mais complète, de l'établissement.
Ma note date du 13 décembre ; quelques devoirs durent encore être remplis et le 25 la fermeture de l'établissement fut prononcée.
M. Defuisseaux. - Pourquoi la Chambre n'a-t-elle pas eu des rapports annuels ?
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Les faits que je viens d'exposer à la Chambre prouvent qu'aucun reproche ne peut être adressé à mes honorables prédécesseurs, ni à M. Bara, ni à M. Cornesse, qu'aucun reproche ne peut être adressé aux agents du ministère de la justice.
M. l'inspecteur Oudart notamment a rempli son devoir avec une énergie et une intelligence à laquelle je suis heureux de rendre ici un public et légitime hommage.
Voilà pour la responsabilité des faits qui se sont passés à Evere.
Maintenant l'honorable membre m'interrompt pour me demander pourquoi les rapports annuels n'ont pas été déposés ; il a bien voulu reconnaître tout à l'heure, que ce reproche ne pouvait m'atteindre ; il l'a adressé à mes honorables prédécesseurs ; ils voudront bien dire pourquoi aucun rapport n'a été fait pendant les années qu'ils ont passées au ministère depuis 1866.
Vient un dernier point : Les sommes payées pour l'entretien des indigents aliénés sont insuffisantes. Je reconnais que ces sommes sont très faibles ; et cependant il ne manque pas d'établissements dans le pays où, moyennant ces rétributions, si faibles qu'elles soient, les aliénés sont tenus parfaitement.
Mais là où il n'existe aucun sentiment d'humanité ; là où le dévouement (page 1105) fait défaut ; là où l'on ne rencontre qu'esprit de lucre et de spéculation ; là évidemment quelle que soit la journée d'entretien, des abus et des scandales comme ceux d'Evere sont toujours à redouter.
Je crois cependant qu'il faudra arriver à augmenter partout la rémunération. Pourquoi ? Parce qu'il importe qu'à l'avenir nous ayons partout à côté de l'œil intéressé du directeur, l'œil vigilant du médecin devenu l'agent du gouvernement et que nous devons veiller à ce que cet agent reçoive une rémunération équitable ; parce que, encore, nous avons le devoir d'imposer à tous les établissements un régime qui satisfasse complètement les plus sévères exigences de l'humanité.
Mais toutes ces questions ont besoin d'être mûries. Elles touchent à de nombreux intérêts. On ne peut songer à les débattre à propos d'une interpellation, et dans un moment où la Chambre a d'autres travaux qui réclament son attention.
Quant aux modifications que la loi aura à subir, je ne puis dire à l'honorable membre qu'une chose : c'est que cette question fait au département de la justice l'objet d'une étude attentive et dont j'espère pouvoir apporter le résultat à la Chambre dans un avenir prochain.
M. Defuisseaux. - Un seul mot comme conclusion du débat. Je ne demande que deux minutes.
La question est de savoir si l'on veut continuer, ne fût-ce que pendant quelques mois encore, à livrer des aliénés à l'avidité des spéculateurs, moyennant la rétribution de 90 centimes par jour ?
M. le ministre de la justice ne paraît pas vouloir me répondre, et je compte prier la Chambre d'émettre formellement un vœu dans le sens de ma motion.
C'est la conclusion pratique de mon interpellation.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - J'ai répondu tout à l'heure à la question de l'honorable membre ; j'ai dit que, moyennant cette somme de 90 centimes, si insuffisante qu'elle paraisse, on parvient dans la plupart des établissements à obtenir des résultats satisfaisants. (Interruption.) On aurait beau le contester, les rapports sont là et nous n'avons reçu aucune plainte à cet égard.
Je répète ce que j'ai dit : je crois qu'une augmentation sera nécessaire, seulement cette augmentation ne sera pas immédiate ; elle accompagnera la réforme que nous aurons à faire et la réorganisation du service médical.
- Des voix. - La clôture !
M. Defuisseaux. - J'ai l'honneur de présenter l'ordre du jour suivant :
« La Chambre invite M. le ministre de la justice à formuler un arrêté royal augmentant le prix d'entretien des aliénés indigents. »
M. Vleminckx. - Je demande la parole.
- Des voix à droite. - La clôture !
M. le président. - La clôture est demandée.
M. Bara. - Je demande la parole.
M. de Baets. - Je l'ai demandée aussi.
M. le président. - Avez-vous demandé la parole sur la clôture ?
M. de Baets. - Oui, monsieur le président. On a attaqué les établissements d'aliénés en général ; on attaque donc aussi ceux qui ont été créés par l'homme illustre que M. Defuisseaux lui-même a nommé, par M. Ghislain.
J'aurais voulu protester en quelques courtes paroles contre les accusations qu'on a lancées contre tous les établissements d'aliénés. J'aurais voulu défendre les établissements de l'éminent aliéniste et ses dignes élèves et successeurs.
M. Bara. - Je pense que la Chambre ne peut pas clôturer le débat sur une question aussi importante ; je dirai même qu'il ne serait pas convenable de le clore. Il y a quelque chose à faire pour les établissements d'aliénés. On n'a pas voulu entendre M. Defuisseaux lorsqu'il a présenté la première fois sa motion. On a eu raison, parce que le jugement n'était pas rendu.
- Un membre. - Il y a appel.
M. Bara. - C'est possible, mais la Chambre a écouté sa motion. Eh bien, c'est un sujet très grave, et je ne crois pas que nous devions le traiter avec dédain et précipitation et prononcer immédiatement la clôture.
D'abord cela n'est pas possible. On me dit que M. Defuisseaux m'a blâmé.
M. Defuisseaux. - J'ai blâmé le gouvernement de ne pas avoir publié de rapports.
M. Bara. - Je désire m'expliquer et dire quelques mots sur la question qui a été discutée. Je crois donc qu'il ne ferait pas convenable de prononcer la clôture et de décider qu'après les explications de M. le ministre de la justice, plus personne ne pourra prendre la parole,
M. Dumortier. - Il n'y a aucune espèce d'urgence dans l'interpellation qui vient d'être faîte. Par contre, il y a quelque chose d'excessivement urgent, c'est de voter les projets de lois qui figurent à notre ordre du jour.
- Des membres. - Nous reviendrons la semaine prochaine.
M. Dumortier. - L'immense majorité de la Chambre à le désir de finir aujourd'hui ses travaux.
M. Muller. - Ce n'est pas un argument cela.
M. Dumortier. - Voilà une heure que nous traitons cette question ; je crois donc qu'il est urgent de mettre un terme à ce débat suffisamment long et dépasser sans autre délai à notre ordre du jour.
M. le président. - La demande de clôture est-elle maintenue ?
- Voix à droite. - Oui ! oui !
- Voix à gauche. - L'appel nominal !
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je crois qu'il n'est pas possible de clore le débat, sans permettre à l'honorable M. Bara de répondre au reproche qui a été articulé contre lui, alors surtout que moi-même j'ai refusé de donner des explications sur un grief qui ne s'adressait point à mon administration et que j'ai laissé à mes honorables prédécesseurs le soin d'y répondre eux-mêmes.
M. le président. - On paraît ne pas insister sur la demande dé clôture. (Non ! Non !) Alors, si M. de Baets y consent, j'accorderai la parole à M. Bara.
M. de Baets. - Sous réserve de mon droit.
M. Bara. - On m'assure que l'honorable M. Defuisseaux m'a blâmé de n'avoir pas déposé chaque année un rapport sur les établissements d'aliénés.
Effectivement, messieurs, l'article 23 de la loi du 18 juin 1850 dispose que le gouvernement présentera chaque année aux chambres législatives un rapport sur la situation des établissements d'aliénés du royaume.
Eh bien, messieurs, je n'ai pas méconnu cette disposition de la loi. J'ai déposé des rapports pour les années 1863,1864 et 1865, c'est-à-dire pour une période triennale,
M. Jacobs. - Vous n'étiez pas ministre en 1865.
M. Bara. - Qu'est-ce que cela fait ? Ainsi, quand un ministère change, les fonctions ministérielles ne doivent plus être exercées ! Ainsi, l'honorable M. De Lantsheere, succédant à l'honorable M. Cornesse, ne devra pas déposer de rapport ayant trait à l'administration de son prédécesseur ?
M. Jacobs. - Mais ce sont des rapports annuels que vous avez déposés.
M. Bara. - Qu'importe ? Ne fallait-il pas rendre compté des faits antérieurs à mon entrée au ministère ?
Voici ce qui est arrivé. Les rapports annuels ne contenaient que peu de renseignements ; c'est pourquoi on s'est décidé à présenter désormais des rapports triennaux afin de pouvoir y fournir des renseignements plus complets. Si je suis en faute, bon nombre de mes prédécesseurs et mes successeurs le sont également.
Pourquoi M. Cornesse n'a-t-il pas déposé le rapport triennal pour les années 1866, 1867 et 1868 ?
M. Cornesse. - J'ai suivi vos traditions.
M. Bara. - Aussi, je ne vous blâme pas.
Il est impossible au gouvernement d'être responsable, à aucun titre, des faits qui se sont passés dans les maisons d'aliénés. Autant dire que le ministre est chargé personnellement de la visite des maisons d'aliénés.
L'honorable M. Defuisseaux dit : Pourquoi n'avez-vous pas déposé de rapport ?
Mais à quoi cela aurait-il servi si l'on y voyait que les établissements sont dans d'excellentes conditions ?
M. Defuisseaux. - Aussi je demande des rapports sérieux.
M. Bara. - Blâmez donc le fait de n'avoir pas déposé de rapports sérieux, mais non celui de ne pas avoir déposé de rapport quelconque. Alors cela regarde les fonctionnaires et non les ministres.
Le ministre serait coupable s'il n'avait pas déposé des rapports révélant des délits.
Mais jamais, à aucune époque, sous mon ministère, on ne m'a signalé aucun fait relatif à la maison d'Evere, jamais on ne m'a demandé la fermeture de cette maison.
(page 1106) Il y a cependant quelque chose à faire pour les aliénés.
M. le ministre de la justice a dit que son intention était de faire nommer le médecin par le gouvernement.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - C'est une idée.
M. Bara. - Cela existe déjà pour l'établissement de Froidmont. Mais cela sera impossible d'une manière générale, parce qu'il y a d'autres établissements auxquels il est impossible d'attacher d'une manière définitive et à poste fixe un médecin.
Ainsi, pour la maison d'Evere, le grand défaut était que le directeur avait un traité avec un médecin qui n'habitait pas l'établissement.
Il n'y a qu'un seul moyen de remédier à cette situation, c'est que le gouvernement se charge de l'entretien des aliénés pauvres, qu'il ait pour eux des maisons spéciales, qu'il ne les abandonne pas à l'industrie privée.
Je suis convaincu que les établissements pour aliénés pauvres, tenus par des particuliers, sont mauvais, essentiellement mauvais. Vous aurez beau nommer des inspecteurs qui iront de temps en temps voir ce qui se passe dans ces établissements, vous n'aurez jamais rien de bon et de convenable. Ce qu'il faut, c'est que le gouvernement supprime tous les établissements d'aliénés tenus par des particuliers, sauf pour les riches, et reprenne lui-même cet important service. C'est le seul remède, selon moi, au mal qui est signalé. Le gouvernement aura alors tous les aliénés pauvres sous sa surveillance ; il saura si le prix de 90 centimes pour une journée d'entretien est suffisant et quand il y aura tout un corps de fonctionnaires intéressés à surveiller à chaque instant ces établissements, il n'y aura plus d'abus possibles. Dans les établissements particuliers, au contraire, ces abus se renouvelleront tous les jours et nos commissions spéciales et nos inspecteurs ne produiront aucun résultat.
Il y a, au département de la justice, deux inspecteurs : l'un est médecin d'un établissement d'aliénés à Gand, l'autre est un fonctionnaire du département. Eh bien, voulez-vous rendre ces deux personnes responsables de tout ce qui se passe dans toutes les maisons d'aliénés du pays ? Ils ne sont pas à même de vérifier à tout instant ce qui s'y passe et du reste, ils sont nécessairement trompés.
C'est plutôt aux autorités locales, messieurs, qu'incombe le devoir d'exercer sans cesse une surveillance sévère des établissements. Mais encore une fois, je dis que ce contrôle et cette surveillance sont insuffisants et que le seul moyen pour l'Etat de remédier au mal qui existe, c'est de supprimer les établissements particuliers et de créer de grandes maisons d'aliénés où se trouveront des médecins et des fonctionnaires nommés par le gouvernement.
Quant à la question d'intervention pécuniaire, le gouvernement verra quel est le prix que les communes devront payer pour la journée d'entretien de leurs indigents ; c'est là une question qui pourra être facilement débattue.
Je crois que M. le ministre de la justice ne peut pas laisser les choses dans la situation actuelle ; il doit apporter un remède immédiat à cette situation et, s'il veut bien examiner comment est organisé le service médical dans les établissements particuliers, il arrivera à cette solution qu'il n'y a qu'un moyen d'assurer complètement le service des insensés, c'est, pour l'Etat, de fermer ces maisons et de faire ce qui a été fait pour l'établissement de Froidmont.
M. Vleminckx. - Je demande la parole.
- Des membres. - Non ! non ! La clôture !
- La clôture est demandée par plus de dix membres.
M. le président. - La clôture étant demandée par plus de dix membres, je dois la mettre aux voix.
- Des membres. - L'appel nominal !
M. Pirmez. - La discussion sera finie en moins de temps qu'il n'en faudra pour faire l'appel nominal.
- La clôture de la discussion est mise aux voix par appel nominal.
93 membres prennent part au vote.
47 volent pour la clôture.
46 votent contre.
En conséquence, la clôture est prononcée.
Ont voté pour la clôture :
MM. Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Reynaert, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, L. Visart, Wasseige, Wouters, Berten, Biebuyck, Coremans, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, de Smet, de Theux et de Zerezo de Tejada.
Ont voté contre la clôture :
MM. Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Houtart, Jottrand, Julliot, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Mouton, Muller, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Thienpont, Vandenpeereboom, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bricoult, Cornesse, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baets, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, d'Hane-Steenhuyse et Thibaut.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'ordre du jour proposé par M. Defuisseaux.
M. Pirmez. - II est absolument impossible que la Chambre aille aux voix sans qu'on se soit expliqué sur la portée du vote.
A défaut d'explications, on pourrait croire que le rejet de l'ordre du jour signifie qu'il n'y a rien à faire. (Interruption.)
Je voterai contre l'ordre du jour de M. Defuisseaux, mais je désire faire connaître le motif de mon vote.
La proposition est inconstitutionnelle ; la Chambre n'a pas d'injonctions à faire aux ministres ; elle attend leurs actes pour les approuver ou les blâmer ; mais elle ne peut imposer au pouvoir exécutif, pouvoir indépendant, la ligne de conduite qu'il a à suivre.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je ne puis accepter l'ordre du jour. Je ne le puis par les raisons qu'a données l'honorable M. Pirmez et par celles que j'ai indiquées moi-même tout à l'heure.
Ce n'est pas en augmentant de quelques centimes le prix de la journée d'entretien que l'on préviendra le retour des abus que nous avons à déplorer.
Je promets à l'honorable membre, je promets à la Chambre une étude sérieuse et immédiate de la question.
Mais il est impossible que la Chambre prétende m'imposer l'obligation de soumettre au Roi un arrêté en vue d'augmenter le prix de la journée d'entretien des aliénés.
M. Defuisseaux. - Je serais très curieux de savoir quel article de la Constitution j'ai violé. Je ne m'attendais pas à cette accusation de la part de M. Pirmez ; je l'aurais à peine comprise de la part de M. Dumortier.
Je ne veux pas, ne fût-ce que pendant quelques mois, que les aliénés indigents soient encore traités sur le pied de 90 centimes par jour.
Je maintiens donc mon ordre du jour, et je demande l'appel nominal ; j'espère qu'il y aura bien quatre de mes honorables collègues qui voudront bien s'associer à moi pour réclamer l'appel nominal.
- L'appel nominal est régulièrement demandé.
Il y est procédé.
Voici le résultat de cette opération :
96 membres répondent à l'appel nominal.
72 répondent non.
8 répondent oui.
16 s'abstiennent.
En conséquence, l'ordre du jour proposé par M. Defuisseaux n'est pas adopté.
Ont répondu non :
MM. Dumortier, Frère-Orban, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, ; Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Mulle de Terschueren, Müller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Rembry, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, (Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Anspach, Bergé, Berten, Biebuyck, Coremans, Cornesse, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse et Thibaut.
Ont répondu oui :
MM. Guillery, Hagemans, Houtart, Le Hardy de Beaulieu, Boucquéau, David, Defuisseaux et de Lexhy.
Se sont abstenus :
MM. Jottrand, Lescarts, Van Humbeeck, Vleminckx, Balisaux, Bara, Boulenger, Bricoult, d'Andrimont, Dansaert, de Baets, de Macar, Demeur, Descamps, Dethuin et de Vrints.
(page 1107) M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Jottrand. - Je n'ai pas voulu voter l'ordre du jour de mon honorable ami M. Defuisseaux, parce que j'ignore complètement s'il est réellement impossible d'entretenir un aliéné pour 90 centimes par jour ; je connais des hospices où des vieillards sont entretenus à peu près pour ce prix et convenablement ; il se peut qu'il y ait des aliénés qui ne peuvent l'être, mais je croîs qu'il y en a pour lesquels, dans certaines localités, le prix de 90 centimes peut être suffisant.
Au surplus, c'est là une question que l'administration seule peut élucider ; nous n'avons aucune espèce d'éléments pour décider la question dans un sens ou dans l'autre.
Je ne pouvais donc pas m'associer à une injonction adressée à l'honorable ministre d'avoir à augmenter hic et nunc le prix maximum d'entretien.
D'un autre côté, je n'ai pas voulu voter contre l'ordre du jour parce qu'il est dicté par un sentiment généreux auquel je rends hommage et que je ne voulais pas avoir l'air de blâmer.
M. Lescarts. – Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. Van Humbeeck. - L'ordre du jour ne me paraissait pas conforme aux saines pratiques parlementaires ; les raisons en ont été exposées par l'honorable M. Pirmez. Mais en votant contre, je voulais protester de ma sympathie pour les sentiments dont l'auteur de la proposition s'est inspiré.
Je me suis abstenu pour retrouver l'occasion d'exprimer cette appréciation, ce qu'une clôture précipitée m'avait empêché de faire pendant la discussion.
M. Vleminckx. - Je me suis abstenu pour les motifs invoqués par M. Van Humbeeck et, en outre, parce que je suis convaincu, ainsi que M. Defuisseaux, qu'il est impossible, quoi qu'en ait dit M. le ministre de la justice, d'entretenir convenablement un aliéné indigent pour 90 centimes par jour.
M. Balisaux. - Je me suis abstenu pour les motifs invoqués par M. Jottrand.
M. Bara. - Je n'ai pas voté pour la proposition de M. Defuisseaux parce qu'elle est inconstitutionnelle ; nous n'avons pas à enjoindre au gouvernement de prendre des arrêtés royaux et nous avons encore moins à le prier de le faire ; nous avons le droit de remontrance ou de blâme quand le gouvernement n'agit pas conformément à ses devoirs. Mais nous n'avons pas d'injonctions à lui faire et de prières à lui adresser comme pouvoir législatif. (Interruption.) Nous n'avons pas plus le droit de dire au gouvernement : Vous prendrez tel arrêté royal, que nous n'avons le droit de dire au pouvoir judiciaire : Vous rendrez tel arrêt.
M. Defuisseaux. - On peut inviter le gouvernement.
M. Bara. - Pas à prendre un arrêté royal... La Chambre peut certainement faire tout ce qu'elle veut ; mais la question est de savoir si la chose est conforme à la Constitution. Je n'ai pas voté contre la proposition,. parce que j'ai voulu profiter de l'abstention pour prendre acte des paroles de M. le ministre de la justice, qui a dit qu'il s'occupait d'un projet de loi sur les établissements d'aliénés et qu'il prendra des mesures à l'effet d'arriver à éviter le triste spectacle dont la Belgique a été le témoin depuis quelque temps. Je prie M. le ministre de la justice de persévérer dans ses intentions et de déposer un projet de loi dans la prochaine session.
M. Boulenger. - Pour les motifs allégués par MM. Jottrand et Van Humbeeck.
M. Bricourt. - Pour les mêmes motifs.
M. d'Andrimont. - Pour les mêmes motifs.
M. de Baets. - Je me suis abstenu, parce que la clôture m'a empêché de protester contre les accusations générales dont les établissements d'aliénés ont été l'objet. J'aurais voulu particulièrement démontrer que les établissements gantois sont tenus d'une manière irréprochable.
M. Dansaert. - Pour les mêmes motifs que l'honorable M. Van Humbeeck.
M. de Macar. - Je crois qu'une protestation énergique de la Chambre contre le renouvellement possible d'horreurs comme celles qui ont été commises à Evere doit se faire jour. J'aurais donc volontiers voté la proposition de l'honorable M. Defuisseaux ; des scrupules constitutionnels m'ont seuls empêché de le faire.
M. Demeur. - Pour les motifs indiqués par MM. Vleminckx et Van Humbeeck.
M. Descamps. - Pour les mêmes motifs que M. Van Humbeeck.
M. Dethuin. - Pour les mêmes motifs.
M. M. de Vrints. - Pour les mêmes motifs que M. Jottrand.
La discussion générale est ouverte.
M. le président. - M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à l'amendement de la section centrale ?
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Je ferai connaître mon opinion lorsque la Chambre arrivera à l'article auquel se rapporte l'amendement.
M. le président. - La discussion s'ouvre donc sur le projet du gouvernement.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Je m'étonne de ce que l'honorable ministre de la guerre ne se rallie pas à la proposition de la section centrale, car elle constitue une transaction, provisoire il est vrai, mais très acceptable entre les diverses opinions qui ont surgi à l'occasion du projet de loi.
Le projet de loi a été présenté, à la suite de l'arrêt que chacun connaît, dans les tout derniers temps de cette session.
Il est venu grossir encore l'ordre du jour, déjà excessivement chargé, à un moment où il était facile de prévoir qu'une discussion approfondie des questions qu'il soulève, et des questions qui s'y rattachent, ne serait plus possible.
D'un autre côté, il était évidemment utile de mettre, sans retard, aux mains du gouvernement l'arme qui lui manque pour assurer l'exécution des dispositions relatives aux logements militaires. Qu'a donc fait la section centrale ?
Elle a reconnu cette utilité et elle a donné au gouvernement tout ce qu'il désire. Elle le lui a donné sans marchander, sans s'arrêter aux difficultés pratiques signalées, ni aux répugnances manifestées dans plusieurs sections, sans même demander la réforme immédiate d'une autre loi qui se lie cependant très intimement au projet actuel, la loi de 1862 fixant le taux de l'indemnité.
Mais si la section centrale a fait cette concession ; si elle a consenti, à raison des circonstances, à ce que l’on diffère l'examen complet de la législation sur les logements militaires, elle n'a pas consenti à faire à l'urgence le sacrifice définitif d'une amélioration que presque toutes les sections ont recommandée, ni de l'étude des vœux exprimés par l'une ou l'autre.
Elle a voulu, au contraire, donner à la Chambre l'occasion de se prononcer sur cette amélioration et sur ces vœux, à une époque où elle le pourra sans précipitation, avec calme et maturité.
Tel est le but qu'elle a eu en vue en ajoutant au projet un article 3, qui rend la révision de la loi nécessaire dans le cours de la session prochaine.
Il n'y a en cela rien d'exorbitant, et je ne comprends pas que l'on y trouve le moindre inconvénient.
La loi aura une force obligatoire limitée à un laps de temps déterminé, mais elle ne sera pas seule dans ces conditions. Elle aura cela de commun avec d'autres lois qui n'en fonctionnent pas moins bien. La loi du contingent, par exemple, la loi relative aux étrangers, la loi sur les jurys combinés et l'enseignement supérieur, sont-elles moins efficaces parce qu'elles sont soumises à un nouveau vote, après une ou plusieurs années ?
Je prie, en conséquence, l'honorable ministre de la guerre d'accepter et la Chambre de voter l'amendement de la section centrale.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - La section centrale ayant approuvée le projet de loi, mon intention était de prendre la parole, à propos de l'article additionnel qu'elle propose, pour faire remarquer à la Chambre ce qu'il y a d'extraordinaire dans une sanction pénale provisoire qui se rattache à une obligation dérivant d'une loi permanente ; l'obligation pour les habitants de loger les soldats en marche ou en cantonnement est une obligation légale, qui subsistera jusqu'à ce que la loi soit rapportée.
Or, on ne conçoit pas qu'une obligation formelle et permanente n'ait qu'une sanction temporaire.
Je voulais simplement attirer l'attention de la Chambre sur ce qu'il y aurait d'étrange à inscrire une pareille disposition dans une loi.
M. Guillery. - Messieurs, je suis bien désolé de voir la Chambre aussi pressée d'en finir.
(page 1108) Sans méconnaître en rien l'agrément de prendre des vacances et sans contester que nous ayons droit au repos, je dois bien cependant céder à la nécessité, au devoir qui m'impose l'examen d'un projet de loi des plus importants.
Jusqu'à présent, nous avons vécu sous l'empire d'une législation mauvaise réglant les logements militaires.
L'arrêté hollandais, contemporain de cet affreux code pénal militaire que nous avons abrogé, il y a peu d'années, doit, comme on l'a dit maintes fois dans cette enceinte, être révisé.
Toutefois, il y avait à cette mauvaise loi une compensation, c'est qu'elle n'avait pas de sanction.
Dès 1834, la cour de Bruxelles avait décidé qu'aucune loi régulièrement publiée en Belgique n'infligeait aucune peine contre ceux qui ne remplissaient pas l'obligation de loger les troupes à domicile.
Néanmoins, on a vécu sous l'empire de cette législation et, jusqu'à présent, le gouvernement n'avait pas cru devoir demander à la législation une loi nouvelle. On a toujours hésité à soulever de pareilles questions.
En 1836 une enquête fut faite par le gouvernement, les parquets furent consultés et l'état de la législation fut, dès lors, parfaitement établi.
Personne n'a cherché à émettre le moindre doute sur ce point. Notons en passant que M. le procureur générai près la cour de Gand, frappé de l'idée que la répression est difficile en pareille matière, conseillait des mesures administratives. Ces mesures auraient pour but le logement des militaires en cas de refus de la part des habitants, et de recouvrer les frais sur les récalcitrants.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas examiné cette question ? Un exposé des motifs devrait être le résumé des différents systèmes qui peuvent être admis, et des causes qui ont fait préférer celui qui est proposé à la législature. Au lieu d'un travail de ce genre, on nous a soumis le projet de loi en discussion, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.
Le projet de loi, messieurs, a causé, dans les sections, une émotion très vive et très profonde. Vous pouvez en juger par le rapport de la section centrale, ou se trouve le résumé des observations des sections.
Ainsi la première et la cinquième sections demandent qu'on écarte toute sanction pénale entraînant l'emprisonnement. La quatrième et la cinquième sections pensent qu'il convient de restreindre aux époques de guerre et de troubles l'obligation de loger et de nourrir les troupes en marche. Plusieurs sections ont encore présenté d'autres observations. On peut, en effet, se demander aussi si la loi qui impose aux habitants l'obligation de loger de la troupe malgré eux est constitutionnelle, ensuite si elle est nécessaire.
On peut se demander si elle est constitutionnelle en présence de l'article 10 de la Constitution qui proclame l'inviolabilité du domicile et on peut se demander si elle est nécessaire lorsqu'on voit des pays possédant des armées bien plus nombreuses que la nôtre et qui n'ont point eu recours à une législation semblable.
L'article 10 de la Constitution porte que le domicile est inviolable et qu'aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.
Or, les cas prévus par la loi ne se rapportent qu'à des instructions judiciaires ; les visites domiciliaires sont faites par des magistrats, et avec toutes les garanties que prescrit la législation criminelle. Mais l'article 10 de la Constitution ne prévoit aucune autre espèce de violation de domicile. L'inviolabilité du domicile est le premier de tous les droits constitutionnels, celui sans lequel on peut dire que la liberté et les lois qui sont destinées à la protéger ne sont qu'un vain mot.
Aussi, nous pouvons constater que la dérogation qu'on nous propose de consacrer n'existe point chez les peuples libres. C'est encore une lacune à constater dans l'exposé des motifs que tout ce qui concerne les législations étrangères.
Nous n'avons pu, en quelques jours, combler cette lacune par nos recherches.
Je dois donc me borner à quelques renseignements pris à la hâte.
L'Amérique a récemment eu à faire mouvoir des masses d'hommes tellement considérables que nous n'en verrons probablement jamais autant. Elle a eu à faire mouvoir des centaines de mille d'hommes et jamais (en dehors du terrain qui constituait le théâtre de la guerre, bien entendu), les troupes de passage n'ont été logées chez les habitants : la législation américaine ne le permet pas.
Il a passé par la ville de New-York plus de 500 mille hommes, peut-être un million d'hommes ; jamais aucun d'eux n'a été logé chez l'habitant. On a construit en quelques jours des baraques en planches pour loger les troupes. L'Américain n'admet pas qu'on entre dans son domicile malgré lui.
En Angleterre, si mes renseignements sont exacts, je n'ai pas eu le temps de vérifier le fait, l'obligation de loger les militaires n'existe pas. On obtient de la bonne volonté des habitants, lorsqu'il y a des mouvements de troupes pour les revues, des logements dans des maisons particulières et les habitants sont rétribués convenablement, comme sont rétribués tous les particuliers à qui l'on demande un service. Il faut que ce soit ceux à qui on rend ce service qui le payent, et lorsqu'on demande un service pour la nation, la nation doit en faire les frais : cet impôt, comme tous les autres, doit être réparti entre tous les contribuables.
Evidemment, je n'ai pas besoin de développer cette idée, que méconnaître la liberté de domicile, c'est méconnaître un droit plus précieux encore que le droit de propriété. Or, je le demande à la Chambre, si, lorsqu'il s'est agi de construire les chemins de fer, on avait dit que les immeubles seraient expropriés sans indemnité ou sans indemnité préalable, n'y aurait-il pas eu un tollé général contre une loi semblable, et les chemins de fer eux-mêmes n'eussent-ils pas été ajournés ? Or, ce que je blâme, ce n'est pas que le militaire soit logé chez l'habitant ; mais c'est que l'on puisse, en vertu d'une loi quelconque, faire entrer un militaire, un homme armé, chez un habitant qui ne le veut pas, qui s'y refuse ; c'est qu'on n'essaye pas d'un système qui réussit ailleurs.
Des hommes pénètrent chez vous et y passent la nuit, alors que l'autorité judiciaire elle-même n'a pas le droit d'entrer, pendant la nuit, dans la maison d'un citoyen, si ce n'est dans le cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation venant de l'intérieur de la maison.
Un homme armé peut entrer dans la maison d'un homme qui n'est pas armé pour se défendre. On introduit dans le domicile des citoyens, des soldats qui ne sont pas sous l'œil de leurs chefs, qui ne sont pas soumis à la discipline.
Je comprends très bien que l'autorité militaire cantonne les soldats dans une ville, dans une commune, parce qu'ils sont sous la surveillance de leurs chefs, qui répondent de la discipline ; mais il n'existe rien de semblable pour les soldats logés chez les habitants.
Et quels soldats va-t-on envoyer en logement ? Sont-ce des soldats d'élite, des soldats choisis ? Sont-ce ces braves et honnêtes miliciens qui quittent le service avec un livre de punition en blanc ? Non, ils sont envoyés tous, indistinctement.
Or, depuis quelques années, nous recevons très fréquemment des brochures écrites par des officiers supérieurs et même des officiers généraux et dans lesquelles on fait d'une partie de notre armée des peintures à faire dresser les cheveux sur la tête, et je déclare que je ne souhaite point à mes concitoyens de voir loger chez eux deux ou trois militaires de cette catégorie.
Voici ce que je lis dans une brochure émanée de l'un de nos officiers généraux les plus autorisés :
« De là, ce nombre toujours croissant de vagabonds, de gens tarés et sans aveu, qui encombrent aujourd'hui les armées, qui finissent par peupler les prisons ; et, ce qui est plus grave, qui corrompent souvent par leurs conseils, par leurs mauvais exemples, les enfants du pays que la loi force à marcher, et qui, par suite de la pauvreté de leurs parents, n'ont pu se soustraire à cette obligation... »
S'il est regrettable de voir ces mauvais sujets corrompre leurs camarades, en dépit de la surveillance des chefs, que direz-vous, messieurs, de la crainte qu'ils doivent inspirer dans les familles ?
« Militaire depuis 40 ans, j'ai pu apprécier combien nos miliciens sont d'honnêtes et loyales natures, et le cœur m'a souvent saigné en songeant aux dangers auxquels les exposent leurs relations forcées avec des gens de mauvaise vie, querelleurs, sans foi ni loi, piliers de cabarets et de mauvais lieux et qui, pour la plupart, n'ont remplacé que pour se procurer les moyens de continuer une vie de débauche et parce qu'aucune famille honnête n'eût voulu les accepter, soit comme ouvriers, soit comme serviteurs. »
Ainsi, voilà des gens qui sont indignes d'être reçus comme ouvriers ou comme serviteurs, et qui seront cependant là dans la dépendance de leurs maîtres, puisqu'ils dépendent du salaire que celui-ci leur donne et qu'ils ne vont pas dans la maison de leurs maîtres avec un sabre-baïonnette et avec un fusil.
Et voilà qu'on laisse entrer chez les particuliers des soldait qui ne sont pas sous la surveillance de leurs chefs !
C'est la violation la plus inouïe, la plus incroyable, la plus inexplicable qui puisse exister !
Et cela en pleine paix : pour des changements de garnison, pour une revue !
(page 1109) Je comprends que, quand il s'agit du salut du pays, on ne se montre pas si scrupuleux. En temps de guerre, on mit bien le feu à des maisons, à des quartiers entiers ; le salut de la patrie l'exige. Mais le salut de la patrie ne dépend pas d'une revue qui doit compter un plus ou moins grand nombre d'hommes ; et quand le pays est sillonné de chemins de fer et que, grâce à ce moyen rapide de communication, on peut faire parcourir le pays par les troupes en quelques heures, je demande s'il est nécessaire d'imposer a l'habitant l'obligation des logements militaires et surtout de sanctionner cette obligation par quelques jours d'emprisonnement ? Voila ce que je ne puis pas admettre.
Rappelez-vous, messieurs, les immenses masses d'hommes qui ont parcouru l'Amérique lors de la guerre de la sécession, et l'habitant n'était pas soumis aux logements militaires ! Et ici, sans qu'il y ait le moindre danger pour le pays, nous ne pouvons pas faire le moindre mouvement de troupes sans recourir à l'emploi d'une mesure que nous ne voyons pas dans les pays les plus guerriers du monde.
Et pour sanction on introduit des peines véritablement exorbitantes :
« Ceux qui n'obtempéreront pas aux réquisitions faites en vertu de l'article précédent seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et d'un emprisonnement d'un à quatre jours ou d'une de ces peines seulement. »
Ainsi, parce qu'il ne plaît pas à un particulier de recevoir chez lui un homme qui lui est suspect, qui l'effraye peut-être ; parce qu'en quittant sa maison un bourgeois aura défendu d'y laisser pénétrer des étrangers pendant son absence, il sera condamné à quatre jours d'emprisonnement ! Or, messieurs, en France, depuis quarante ans on vit sous une législation qui n'offre rien de semblable.
Savez-vous quelle est la peine comminée contre celui qui refuse déloger des soldats ? De 1 franc à 5 francs !
En 1832, lors de la modification du code pénal, on a introduit à l'article 471 un n°15, où il est dit que ceux qui auront contrevenu au règlement émanant de l'autorité seront condamnés à une amende de 1 à 5 francs, et c'est cet article qui, par une jurisprudence constante (et en dernier lieu par un arrêt du 11 février 1853 de la cour de cassation), a été déclaré applicable au cas de refus d'accorder le logement militaire.
Sous le règne de Louis-Philippe, sous la République, sous le second Empire, on a vécu sous la protection de cette législation.
Et l'on n'a pas demandé à la loi d'autre peine que : 1 franc à 5 francs d'amende ! Et il faut, qu'après quarante années où nous nous sommes si bien passés d'une sanction pénale, alors que tous les gouvernements ont reculé devant l'idée de la réclamer de la législature, il faut que, le dernier jour d'une session, en lâchant les derniers millions que les ministres demandent toujours au dernier moment, sans doute comme prix de notre liberté, il faut que nous improvisions une loi semblable ! Cela n'est pas possible.
Qu'on soumette aux délibérations de la Chambre un travail complet, étudié, puis un projet de loi concernant les logements militaires, concernant les pénalités qui doivent être imposées, s'il y a lieu, je le comprends ; cette question doit être traitée avec maturité.
Prenons notre temps et ne votons qu'après un mûr examen. La section centrale nous déclare elle-même qu'elle n'a pas eu le temps nécessaire pour examiner les questions soulevées par les sections, car les sections ont toutes fait des observations. D'après les rapports des sections, on peut dire que cette loi inspire la plus vive répugnance à la Chambre.
Mais la section centrale nous propose une mesure provisoire : celle de voter la loi pour un an. Je n'aime pas beaucoup ce système de nous envoyer en prison, pour un an, provisoirement. Si l'on veut prendre la loi française, avec une amende provisoire, je n'y verrais pas grand mal, tout en protestant contre le principe.
Mais, je n'admettrai jamais, si on récuse l'Amérique et l'Angleterre, qu'on nous impose même provisoirement une législation plus rigoureuse que celle de la France.
Je me résume en disant que je crois que la loi est inconstitutionnelle en principe.
Nous devons imiter les Anglais et les Américains lorsqu'il s'agit de liberté individuelle, d'inviolabilité du domicile.
Je crois ensuite que la loi n'est pas nécessaire puisque d'autres peuples s’en passent.
En tous cas, si elle est nécessaire, on ne doit jamais la demander que pour les temps de guerre ; elle ne peut pas être nécessaire en temps de paix dans un pays sillonné de chemins de fer.
Si le gouvernement et la majorité croient devoir prendre une mesure transitoire, je demande qu'on n'aille pas au delà de la loi en vigueur en France depuis 1832, c'est-à-dire l'article 471, n°15 du Code français.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Messieurs, je ne partage pas les scrupules constitutionnels de l'honorable M. Guillery.
A mon avis, les lois sur les logements militaires ne blessent pas plus l'article 10 de la Constitution, que le service militaire lui-même ne viole l'article 7, qui garantit la liberté individuelle. Mais, à part cette réserve, le discours que vous venez d'entendre justifie pleinement la disposition que l'honorable ministre a qualifiée d'étrange. Les arguments s'y pressent en foule, pour lui démontrer que nous sommes en présence de difficultés qui demandent à être mûries, comme je l'ai dit tantôt, en expliquant la portée du vote de la section centrale.
Je dois ajouter que le motif principal de sa résolution, bien qu'il puisse paraître à quelques-uns le petit côté de la question, a été d'assurer, dès l'année prochaine, la révision de la loi de 1862. Qu'on ne dise pas qu'elle n'a aucun rapport avec le projet qui nous est soumis aujourd'hui. Elle s'y rapporte tellement, que beaucoup d'entre nous hésiteront probablement à admettre n'importe quelle sanction pénale, si nous ne pouvons pas espérer voir bientôt le tarif augmenté, de manière que ce qui est maintenant un véritable impôt, d'autant moins légitime qu'il frappe, inégalement, devienne une indemnité réelle.
La somme de 1 fr. 25 c. par jour n'est plus une indemnité. Ce qui le prouve, c'est que dans bien des localités les aubergistes qui hébergent les hommes envoyés en logement réclament non cette somme majorée de 40 ou 50 p. c, ce qui serait leur bénéfice, mais 2 ou 3 francs, outre le billet.
Il est à remarquer, du reste, que la loi oblige à fournir la nourriture qu'elle détermine : il n'est pas permis de traiter les hommes le plus économiquement possible. Il faut leur donner de la viande, et en cela la loi a raison. Or, un individu doué d'un appétit robuste comme celui dont jouissent la plupart de nos soldats ne consomme guère moins d'une livre. Ajoutez tout le reste et le couchage, et vous verrez que partout, absolument partout, le chiffre est nécessairement dépassé.
M. Defuisseaux. - Alors il faut plus de 90 centimes pour nourrir un aliéné ?
M. Van Hoorde. - Parfaitement, nous sommes d'accord, et j'aurais accepté votre idée si elle n'avait pas été présentée sous une forme insolite.
Je sais que l'écart entre l'indemnité allouée et la dépense imposée n'est pas le même dans tout le pays ; qu'il varie d'une localité peu importante à une grande ville. Mais pourquoi n'établirait-on pas un tarif différentiel, comprenant des catégories ayant la population pour base, le prix des choses nécessaires à la vie étant, en général, en rapport avec la population ? C'est un point à étudier et un travail à faire : c'est aussi une raison de plus pour adopter l'amendement de la section centrale, lequel est, en définitive, l'ajournement de toutes les difficultés.
M. Vleminckx. - Il est évident, d'après les observations présentées au sein des sections, que le projet de loi a été considéré comme ayant une très haute importance. La section centrale n'a pas cru devoir s'occuper de ces observations pour deux motifs : le premier, c'est que le temps lui a manqué ; le second, c'est qu'elle a voulu rendre la loi essentiellement provisoire.
Il est cependant certaines observations des sections sur lesquelles je dois appeler l'attention de M. le ministre de la guerre. On a demandé notamment pourquoi, en dehors des temps de guerre ou de trouble, les habitants peuvent être tenus de loger des soldats. Cette question peut être envisagée à divers points.de vue.
Il est d'abord à remarquer que le gouvernement pourrait très bien faire en sorte que, dans les villes de garnison surtout, il y eût, dans les casernes, des locaux suffisants pour recevoir les troupes de passage ; ce qui serait avantageux non seulement à l'habitant, mais encore au soldat.
Il importe, messieurs, de savoir ce qui se passe fréquemment en fait de logements militaires.
Ordinairement les soldats sont envoyés par les habitants dans des logements désignés d'avance. Eh bien, j'ai ici sous les yeux un mémoire qui vient d'être publié par un officier de santé de l'armée et dans lequel je trouve le passage suivant, relativement aux logements militaires :
« Pour connaître ce qui se passe dans ces bouges infects où on loge les soldats qui voyagent isolément ou en corps, il faut y avoir pénétré. Personne mieux que le médecin militaire ne peut être juge dans cette circonstance. J'ai vu, de mes yeux vu, de ces maisons où le moindre des dangers que l'on courait en y pénétrant, était d'en sortir couvert de vermine.
« Le gouvernement n'a-t-il donc pas le pouvoir d'empêcher qu'on loge les soldats dans les clapiers humains où hommes, femmes, veuves et filles grouillent jusqu'au moment où l'obscurité de la nuit devient le signal des obscénités les plus dégoûtantes ? N'est-ce pas après avoir logé, dans de (page 1110) pareils taudis et qu'ils sont arrivés en garnison que nos soldats fournissent le plus grand nombre de galeux et de vénériens ? S'il en est ainsi, que l'on remédie au mal, il est signalé ; y mettre fin est un devoir. »
Celui qui a écrit ces lignes est un des médecins les plus distingués de l'armée. (Interruption.)
C'est à Anvers.
Eh bien, messieurs, ce qui se passe à Anvers se passe indubitablement dans d'autres localités.
Voici ce qui a lieu encore pour les soldats que les habitants doivent loger chez eux parce qu'il ne leur a pas été assigné à l'avance un logement.
Il leur est donné, pour aller chercher un logement, quelques francs qui sont dépensés, Dieu sait où !
Quand les soldats ont fait ainsi certains séjours, ils arrivent au camp de Beverloo, par exemple, ou dans leurs garnisons infectés de maladies qui les retiennent pour plus ou moins de temps dans les hôpitaux.
Il me semble qu'il ne doit pas être impossible que, dans les grandes villes surtout, on prépare dans les casernes des locaux pour les militaires de passage. Cela a lieu du reste pour les prisonniers.
Il y a, dans les prisons, des salles ou chambres de passage pour les prisonniers que l'on transporte d'un lieu à un autre.. Ce serait un grand avantage, non seulement pour l'armée, mais encore pour les habitants.
Il vient d'être nommé une commission de casernement ; je ne sais quelles sont ses attributions, mais je lui recommande cette idée. Je suis convaincu que les bourgmestres qui en font partie rendraient de grands services à leurs administrés, s'ils parvenaient à établir, dans les casernes, des salles où les soldats en passage pourraient être colloques pour une ou deux nuits
Je soumets également ces observations à M. le ministre de la guerre, et j'aime à croire qu'il en tiendra compte.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, les considérations qui ont été développées par l'honorable M. Guillery sont fort intéressantes et' viendraient très à propos, je crois, s'il était question de faire la loi qui impose aux habitants l'obligation de loger les militaires en marche ou en cantonnement. Mais ce n'est pas de cette loi qu'il s'agit dans ce moment.
Cette loi existe, elle est bonne ou elle laisse à désirer, peu importe ; elle est en vigueur, elle est obligatoire et les cours et tribunaux qui ont rendu des arrêts qui ont forcé le gouvernement à présenter le projet qui en ce moment est soumis à vos délibérations, ont reconnu eux-mêmes la parfaite légalité de la loi qui impose aux habitants l'obligation de loger les soldats en route ou en cantonnement. Seulement cette loi manque de sanction pénale.
Je crois donc, messieurs, que les observations présentées par l'honorable membre ne pourraient venir utilement que si l’on croyait nécessaire de présenter une loi abrogeant la loi qui' est en vigueur et dont personne ne peut contester la légalité.
Je n'aborderai pas, messieurs, la question de savoir si la loi est constitutionnelle, je laisse ce soin à mon honorable collègue de la justice.
L'honorable M. Vleminckx a appelé mon attention sur des abus qui, selon lui, se produisent, dans certaines villes, à propos des logements militaires.
D'abord, je dirai que l'administration de la guerre s'étudie à rendre les logements militaires le moins fréquents possible.
Les difficultés qui viennent de surgir et qui ont amené le gouvernement a proposer la loi en discussion ont pris naissance à l'occasion du séjour de la troupe sur la frontière pour prévenir l'invasion de la peste bovine. Quelques habitants, contrariés par la présence des militaires, ont imaginé de refuser le logement.
Depuis quarante ans, ce cas ne s'était pas présenté en Belgique, ou s’il s'était présenté par exception dans quelques localités, les tribunaux avaient condamné les récalcitrants qui avaient refusé de loger les militaires.
En général, les troupes en marche ne logent pas chez l'habitant, mais dans le cas qui nous occupe, il n'y avait pas moyen de loger les troupes dans les casernes, les localités où elles se trouvaient n'ayant pas de bâtiments militaires. Il faut faire une exception pour les troupes de cavalerie et d'artillerie lorsqu'elles voyagent par étapes ; pour se rendre au camp de Beverloo, par exemple, il faut bien qu'on les loge chez l'habitant ; c'est la une nécessité impérieuse, et si la loi qui oblige les habitants à loger les troupes en marché n'existait pas, il faudrait la faire, car il y a là une raison de force majeure.
L'honorable M. Vleminckx a dit aussi que parfois on logeait les soldats dans des bouges où il se passait des choses fort peu convenables. Je le déplore. Je ne crois pas, d'ailleurs, que le tableau soit aussi fâcheux que l'a présenté l'honorable M. Vleminckx.
M. Vleminckx. - Ce n'est pas moi, c'est un médecin militaire.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Il a pu se tromper ou exagérer. Toujours est-il qu'il est défendu de loger des militaires dans des endroits peu convenables et, si ces choses arrivent, c'est l'administration communale qui est répréhensible. La règle est que le militaire doit loger là ou son billet l'indique. Il n'a pas le droit de s'entendre lui-même avec le particulier pour aller loger ailleurs ; l'habitant qui ne veut pas loger de soldats doit s'adresser à l'administration communale et indiquer le logement où il veut placer les militaires qui lui sont destinés.
Messieurs, je ne me suis pas prononcé d'une manière absolue contre l'article additionnel que propose la section centrale. Je me suis borné à faire remarquer ce qu'il y a d'étrange, je le répète, à rendre temporaire l'obligation de se soumettre à une loi permanente.
Il me semble que tous les bons citoyens doivent obéir à la loi, qu'il n'y a que les mauvais citoyens qui cherchent à s'y soustraire, s'ils peuvent le faire impunément. Par conséquent, si vous rendez temporaire une loi comme celle-ci, vous paraissez faire quelque chose en faveur des mauvais citoyens qui refusent d'obéir à la loi.
Cependant si la Chambre, malgré ces observations, croit devoir passer outre, je ne m'y oppose pas ; (erratum, page 1125) il me suffit d'avoir appelé son attention sur une disposition qui certes est tout au moins inutile.
M. Le Hardy de Beaulieu. - J'appartiens à une localité qui est très souvent visitée par les logements militaires, qui peut par conséquent en apprécier le poids et qui, certainement, demande que cette obligation soit allégée autant que possible.
L'honorable ministre qui vient de se rasseoir prétend que c'est en vertu d'une loi que les citoyens belges sont astreints aux logements militaires.
Je crois que l'honorable ministre se trompe complètement. Il n'existe qu'un arrêté du prince souverain des Pays-Bas, rendu à l'époque où il n'existait ni chambres, ni pouvoir législatif quelconque.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Il y a des lois de 1790, 1791 et 1792.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Du reste, je montrerai que cet arrêté n'est pas même appliqué et ne peut être appliqué. Il suffit, pour s'en assurer, d'en lire quelques articles. Ainsi je vois l'article 75 qui prescrit ce qu'il faut servir à un lieutenant général en voyage.
Je voudrais savoir si cette partie de la loi est encore applicable en Belgique et comment elle peut se concilier avec l'article 10 de la Constitution, qui déclare le domicile inviolable.
Je voudrais bien savoir comment on pourrait permettre à' un officier ou à un ministre de la guerre de décider arbitrairement que telle ville ou tel village sera soumis aux logements militaires pendant dix jours, quinze jours, un mois peut-être.
Il n'existe aucune règle à cet égard, et pendant tout le temps qu'il plaira à l'autorité militaire, les habitants verront leur domicile violé, chose très grave, j'espère que M. le ministre de la guerre le reconnaîtra ; ils seront frappés d'un impôt qui n'a pas été voté par les Chambres, impôt extrêmement variable et qui ne pèse pas également sur tous les citoyens.
Cette loi, qu'on nous propose de voter pour un an, a donc pour effet de sanctionner non seulement les violations de domicile, mais encore un impôt établi sur un simple ordre du ministre de la guerre ou d'un commandant militaire.
. La section centrale propose de limiter la durée de la loi à un an. Mais, messieurs, nous nous sommes passés de cette loi pendant 40 ans ; nous pouvons bien nous en passer pendant douze mois. Il n'y a rien qui fasse prévoir de très grands mouvements militaires dans le courant de cette année ; et je pense que nous pouvons nous donner tout le temps pour examiner la chose.
M. David. - L'honorable ministre de la guerre vient de se mettre en contradiction flagrante avec la loi qui règle l'objet dont nous nous occupons ; il a prétendu que le militaire, ayant un billet de logement, doit nécessairement rester dans la maison qui y est désignée et qu'il ne pourrait pas accepter de se loger ailleurs, sans commettre une infraction à la discipline.
Voici ce que je lis dans le rapport de la section centrale : « La section centrale a reconnu la valeur des observations résumées ci-dessus, à l'exception de la première, qui semble être sans objet. »
(page 1111) La première section avait demandé si celui qui voudrait donner un logement convenable en dehors de son domicile, au soldat qui lui est envoyé, pouvait le faire.
La section centrale continue :
« L'article 90 de l'arrêté-loi du 30 juin 1814 portant que les habitants qui désireront loger les militaires hors de chez eux seront obligés de le faire dans leur voisinage, et ils en informeront l'administration communale, qui en tiendra note. La faculté demandée existe donc déjà. »
Donc ce droit du citoyen reste absolument intact.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Je parais avoir été mal compris par l'honorable M. David : j'ai dit et je persiste à dire que le soldat ne peut pas aller se loger ailleurs que dans la maison qui lui est désignée dans son billet ; si l'habitant désire que le soldat soit logé ailleurs, il doit s'adresser à l'administration communale, et si l'administration communale désigne une autre maison, elle donne un autre billet et c'est là que le soldat doit aller se loger.
S'il en était autrement, si chaque soldat pouvait aller se loger où bon lui semble, toute surveillance de la part des officiers et des sous-officiers serait absolument impossible.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Messieurs, je désire répondre deux mots aux critiques qui viennent d'être faites par l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
Chaque fois qu'il s'est agi de logements militaires dans cette Chambre, la question de légalité et de constitutionnalité a été soulevée ; mais jamais la Chambre ne s'y est arrêtée. Depuis 1830, tous les budgets allouent des sommes pour indemnités de logements militaires et reconnaissent ainsi implicitement la légalité et la constitutionnalité de l'obligation. Mais il y a plus : par deux lois successives, en 1862 et en 1869, la Chambre a formellement reconnu la constitutionnalité des dispositions que nous voulons sanctionner. Ces lois renvoient même expressément à cet arrêté du 3 août 1814, auquel M. Le Hardy refuse de reconnaître toute autorité quelconque.
L'an dernier encore, la Chambre, sur le rapport de M. Guillery lui-même, a voté le code pénal militaire qui frappe d'une peine spéciale le militaire qui se rend coupable de violences contre le citoyen chez lequel il est logé. A ce sujet, la question' de constitutionnalité à été soulevée de nouveau. Mais les arguments produits à ce sujet n'ont trouvé aucun écho dans l'assemblée.
Mais M. Le Hardy va plus loin. Ce n'est plus de constitutionnalité qu'il s'agit. Il va jusqu'à nier l'existence de toute loi et ne connaît qu'un arrêté de prince souverain de Pays-Bas, auquel il refuse toute force obligatoire.
La thèse n'a qu'un mérite, c'est celui d'être absolument neuve. Il y a mieux qu'une seule loi. J'en puis citer trois, tout d'abord, et elles sont mentionnées dans l'exposé des motifs même. Les voici : loi des 23 janvier-7 avril 1790, loi du 8 juillet 1791 et loi du 23 mai 1792.
Personne n'a contesté, que je sache, l'existence et l'application de ces dispositions légales. Elle a été reconnue expressément ou virtuellement par tous les arrêts qui sont intervenus sur la matière, notamment par l'arrêt de la cour de cassation en date du 10 septembre 1869 et par les arrêts de la même cour du 18 mars 1872, qui a nécessité la présentation de la loi.
Permettez-moi de rappeler en terminant, messieurs, que nous avons été mis en demeure d'agir comme nous le faisons par la Chambre même.
A peine la cour de cassation eut-elle décidé, non que les dispositions légales relatives au logement n'existaient point, mais qu'elles étaient dépourvues de sanction pénale, qu'un membre de la gauche, M. De Fré, s'est levé pour inviter le gouvernement à présenter le plus tôt possible une loi qui mît fin à un état de choses qui pouvait présenter les plus sérieux inconvénients et faire naître de regrettables conflits.
La Chambre, sans doute, ne repoussera pas un projet de loi dont elle-même a provoqué la présentation.
M. Hayez. - Je dirai quelques mots seulement sur un point qui a déjà été touché en partie par M. Vleminckx. Il a parlé des militaires qui voyagent et sont logés chez l'habitant. On doit reconnaître qu'il y a toujours des inconvénients à abandonner les soldats à eux-mêmes, à les soustraire à la surveillance de leurs chefs. Mais il faut reconnaître aussi que ces militaires, revêtus de l'uniforme, sont, par ce fait même, soumis à une surveillance, soit de la part de la police locale, soit des patrouilles militaires souvent requises, lorsque les corps en marche sont nombreux.
Mais je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de la guerre sur ce qui se passe dans les grandes villes lorsque des miliciens nouvellement incorporés sont appelés sous les armes. Presque toujours, du moins à Bruxelles, ces miliciens sont logés chez l'habitant pour deux jours et un très grand nombre d'entre eux reçoivent une somme plus ou moins forte des habitants qui ne peuvent ou ne veulent pas loger ces miliciens chez eux. Cette indemnité, jointe au petit pécule que le soldat a reçu de ses parents, lors de son départ, lui permet de mener joyeuse vie, d'autant plus à l'aise qu'il ne porte aucun uniforme ; il résulte presque toujours des désordres de cet éttl de choses, et beaucoup de miliciens commencent leur carrière militaire par un séjour plus ou moins prolongé à l'hôpital.
Je crois, dans l'intérêt de l'armée et dans celui des habitants, devoir prier M. le ministre de la guerre de prendre des mesures pour que les miliciens, arrivant au corps, surtout dans les grandes villes, soient logés dans les casernes. Je ne pense pas qu'il y ait de grandes difficultés à obtenir ce résultat, puisque l'arrivée des miliciens est presque toujours le signal du renvoi dans leurs foyers du même nombre de soldats exercés.
Messieurs, je déclare que, si la pénalité de l'emprisonnement n'est pas supprimée, je ne pourrai voter le projet de loi.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Les habitants peuvent être requis de loger et de nourrir les troupes en marche ou en cantonnement, ainsi que de fournir les moyens de transport et autres prestations mentionnées dans l'arrêté du 3 août 1814, moyennant les indemnités fixées par la loi. »
M. Guillery. - Cet article a le grand tort, selon moi, de rafraîchir une loi ancienne.
L'honorable rapporteur de la section centrale fait remarquer qu'aux termes de l'article 90 de l'arrêté-loi du 30 juin 1814, les habitants qui désirent loger les militaires hors de chez eux seront obligés de le faire dans leur voisinage et ils en informeront l'administration communale, qui en tiendra note.
L'honorable rapporteur invoque cet article pour en conclure que les habitants peuvent se soustraire à l'obligation du logement lorsqu'ils veulent en supporter les frais. Mais l'article premier du projet de loi ne reproduit pas du tout cette disposition : il rajeunit l'arrêté-loi de 1814, ce qui fait supposer que les doutes émis par l'honorable M. Le Hardy ne manquent pas de fondement, et que la Chambre fera chose utile en supprimant cet article premier. Nous n'aurions dès lors plus à voter que sur l'article 2 et nous laisserions la législation telle qu'elle est avec des tempéraments qui existent dans la loi de 4814.
- L'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Ceux qui n'obtempéreront pas aux réquisitions faites en vertu de l'article précédent seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et d'un, emprisonnement d'un à quatre jours ou d'une de ces peines seulement.
« Le juge pourra, en cas de récidive, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de sept jours. »
M. Van Humbeeck. - Messieurs, je crois qu'il y a lieu de voter sur cet article par division afin de sauvegarder la liberté de tous les votes.
Il faudrait voter d'abord sur l'amende ; puis, si elle est adoptée, sur l'emprisonnement dont il est question dans la seconde partie du premier paragraphe et enfin sur le deuxième paragraphe qui permet de prononcer, en cas de récidive, l'emprisonnement outre l'amende.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour justifier la peine d'emprisonnement comminée par l'article.
Nous avons cru que cette disposition est nécessaire, de crainte que les personnes riches ne parviennent à se soustraire à l'obligation des logements militaires à l'aide d'un sacrifice insignifiant pour elles et devant lequel d'autres, moins favorisés de la fortune, seraient forcés de reculer.
La peine de l'emprisonnement nous permet d'atteindre ceux qui ne reculeraient pas devant un sacrifice d'argent.
- La discussion est close.
M. le président. - Nous allons donc procéder par division.
- Il est procédé à l'appel nominal sur cette première partie de l'article.
83 membres y prennent part.
63 répondent oui.
20 répondent non.
En conséquence, cette première partie est adoptée.
Ont répondu oui :
MM. Dumortier, Frère-Orban, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, (page 1112) Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Anspach, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boulenger, Cornesse, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Macar, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Boucquéau, Bricoult, Coremans, Couvreur, Dansaert, David, Defuisseaux, Delaet, de Lexhy, Demeur, Descamps, Dethuin et de Vrints.
M. le président. - Je mets aux voix la deuxième partie de l'article, qui est ainsi conçue : « et d'un emprisonnement d'un à quatre jours ou d'une de ces peines seulement. »
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal, qui donne le résultat suivant :
81 membres y prennent part.
61 répondent non.
13 répondent oui.
En conséquence, cette partie de l'article n'est pas adoptée.
Ont voté l'adoption :
MM. Moncheur, Tack, Van Cromphaut, Van Hoorde, Van Overloop, Léon Visart, Wasseige, Biebuyck, Delcour, De. Lehaye, de Liedekerke, de Theux et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Maille de Terschueren, Notelteirs, Nothomb ; Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Thienpont, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Vleminckx, Wouters-, Anspach, Bara, Bergé, Berten, Boucquéau, Boulenger, Bricoult, Coremans, Cornesse, Couvreur, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Haerne, Delaet, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet, Dethuin, de Vrints et de Zerezo de Tejada.
M. le président. – Je mets aux voix l'article 3 nouveau présenté par la section centrale :
« Le juge pourra, en cas de récidive, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement de sept jours. »
- Ce paragraphe n'est pas adopté.
M. le président. – Je mets aux voix l'article 3 nouveau présenté par la section centrale :
« Art. 3. La présente loi ne sera obligatoire que jusqu'au 1er mai 1873. »
- Cet article est adopté.
La Chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du projet de loi.
Les amendements introduits dans le projet de loi sont successivement mis aux voix et définitivement adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
81 membres sont présents.
63 adoptent.
18 rejettent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Ont voté l'adoption ;
MM. Funck, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Anspach, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boulenger, Cornesse, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Haerne» Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Macar, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Guillery, Hagemans, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Boucquéau, Bricoult, Coremans, Couvreur, Dansaert, David, Defuisseaux, Delaet, de Lexhy, Demeur, Descamps, Dethuin et de Vrints.
- Des membres. - A mardi !
M. Dumortier. - Je demande qu'il y ait séance ce soir pour que la Chambre en finisse avec les projets de lois qui doivent nécessairement être votés avant sa séparation.
Nous sommes presque à la veille du renouvellement intégral des conseils provinciaux ; nous pouvons légitimement désirer de rentrer sans retard dans nos foyers. Dans tous les cas, les autres projets de lois qui sont à l'ordre du jour devront être remis à la session prochaine.
Je demande donc que la Chambre se réunisse ce soir à 8 heures.
M. Malou, ministre des finances. - Je me rallierais à la proposition de l'honorable M. Dumortier, s'il était possible d'épuiser ce soir l'ordre du jour ; mais cela n'est pas possible. Je crois donc qu'il vaut mieux, par égard pour ceux qui ont compté sur une séance pour mardi, d'avoir une séance ce jour-là.
- La Chambre, consultée, décide qu'elle se réunira mardi prochain, en séance publique, à 2 heures.
- La séance est levée à 5 heures.