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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 4 mai 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1027) M. Hagemans procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Wouters fait lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Hagemans présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Le sieur Pieters prie la Chambre de voter, avant la fin de la session, la proposition de loi relative à l'administration de la justice dans les parties flamandes du pays. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi.


« Le sieur Hemelryk demande que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.


« Les conseillers communaux de Beaumont prient la Chambre d'accorder au sieur Closon la concession d'un chemin de fer de Beaumont à Romedenne et Givet et de Beaumont à Bonne-Espérance. »

M. Hagemans. - Je prie la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Accordé.


« Des habitants de Zuyenkerke demandent que la loi réglemente l'usage du flamand ou du français dans les affaires judiciaires et devant tous les tribunaux. »

« Même demande d'habitants de Louvain. »

- Même renvoi.


« Les membres du conseil communal de Kersbeek-Miscom présentent des observations en faveur du tracé d'un chemin de fer de Tirlemont à Diest par Vissenaken, Bunsbeek, Glabbeek-Suerbempde, Kersbeek-Miscom, Cortenaeken, Loxbergen, Haelen et Webbecom. »

- Même renvoi.

Projet de loi révisant le code de commerce (titres I à IV)

Transmission du projet amendé par le Sénat

« Par message du 3 mai, le Sénat renvoie amendé le projet de loi comprenant les titres Ier à IV, livre Ier, du code de commerce. »

M. le président. - Je propose le renvoi à la commission pour la révision du code de commerce.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Le Sénat a introduit deux modifications au projet de loi.

Peut-être la Chambre trouvera-t-elle le temps de s'occuper de l'examen de ces questions, peu compliquées d'ailleurs, dans le cours de la session actuelle.

Je dois cependant faire observer qu'il ne sera possible de promulguer les quatre premiers livres du code de commerce que lorsque le code tout entier aura été adopté.

M. le président. - Dans tous les cas, les modifications adoptées par le Sénat doivent faire l'objet d'un examen par la commission.

- Adopté.


« M. Yan Wambeke, retenu pour affaires administratives, demande un congé d'un jour.

« M. Vleminckx, retenu chez lui par une indisposition, demande à la Chambre un congé de quelques jours. »

- Ces congés sont accordés.

« M. de Haerne, obligé de s'absenter, demande un congé. »

- Accordé.

Ordre des travaux de la Chambre

M. Lefebvre (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je demande que la Chambre décide de se réunir lundi pour examiner les projets de crédits supplémentaires et autres qui n'auront pu être votés aujourd'hui. On pourra ainsi reprendre utilement mardi la question de la Banque Nationale.

Je ferai remarquer à l'assemblée que. si nous ne siégeons pas lundi, il n'y aura que quatre séances la semaine prochaine. La Chambre ne se réunira assurément pas jeudi.

M. Sainctelette. - Je trouve que quelques-uns parmi ceux de nos honorables collègues qui habitent Bruxelles en prennent trop à l'aise, en proposant à la Chambre de siéger le lundi et cependant d'avoir des séances du soir.

La Chambre n'a jamais eu pour habitude de siéger le lundi.

Depuis plusieurs jours nous avons des séances du soir. Il me paraît qu'il serait raisonnable de nous laisser la journée du lundi pour nos affaires privées. La plupart d'entre nous ont engagé leur journée d'après-demain et il leur serait impossible de prendre part à la séance de lundi.

M. David. - J'ai l'honneur de siéger depuis bien des années déja dans cette enceinte, et je crois pouvoir dire à l'honorable M. Sainctelette que, pendant au moins les quinze premières années de mon mandat de député, nous n'avons jamais manqué un lundi de nous réunir. A cette époque, les sections se réunissaient souvent à dix heures du matin et les séances commençaient à midi ou a une heure. Depuis peu d'années seulement, nous prenons congé le lundi.

Il est plus qu'urgent, messieurs, que nous siégions lundi prochain ; la session est très avancée et la semaine prochaine nous aurons quatre séances seulement à cause de la fête de l'Ascension, qui a lieu jeudi ; l'ordre du jour est très chargé et les discussions ne doivent pas être étouffées.

MfM. - Il n'y aura pas de séance ce soir, c'est entendu. Comme on vient de le faire remarquer, la semaine prochaine est coupée par la fête de l'Ascension et nous n'aurons que quatre séances.

Je demande donc que la Chambre veuille bien décider qu'elle se réunira lundi et qu'elle consacrera cette séance au vote de quelques petits projets de loi. (Interruption.) Je ne doute pas que la Chambre sera en nombre.

- La proposition est mise aux voix par assis et levé et elle n'est pas adoptée.

Projet de loi érigeant la commune de Saint-Amand

Discussion des articles

Article premier

La discussion générale est ouverte ; personne ne demandant la parole, l'assemblée passe à la discussion des articles.

M. le président. - Je ferai remarquer à la Chambre que l'article premier, qui comprend plusieurs paragraphes, a été modifié dans sa rédaction par le gouvernement, d'accord avec la commission.

(page 1028) Je vais vous donner lecture de la rédaction sur laquelle la Chambre est appelée a délibérer.

« Art. 1er. Le hameau de Saint-Amand dépendant actuellement de la commune d'Oostaeker, province de Flandre orientale, est séparé de cette commune et érigé en commune distincte, sous le nom de Saint-Amand.

« La limite séparative des deux communes est réglée telle qu'elle est indiquée au plan cadastral annexé à la présente loi par un liséré rose et sous les lettres A2, A1, A, B, C, D, D1, E, E1, F, G, H. Sauf en ce qui concerne la partie comprise entre les lettres D1 et E1, le tracé de cette partie est déterminé tel qu'il est figuré au plan d'ensemble également ci-annexé, par une ligne brisée de couleur rouge et sous les lettres D1, X et E1.

« Sur le terrain, la ligne de démarcation, à partir du territoire de la ville de Gand jusqu'au chemin n°61, une longe, du côté d'Oostaeker, les parcelles, section D, n°647, 648, 649 et 655 ; du côté de Saint-Amand, les parcelles, section D, n°1057, 1054, 1055, 1853 ; à partir du chemin n°61, elle suit l'axe des chemins n°61, 40, 71, 4, 41, 5, 42, 58, 76, et reprend le chemin n°5 pour aboutir à la commune de Destelbergen. »

M. Drubbel. - J'ai demandé la parole pour appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement sur la nécessité qu'il y a de rectifier dans l'article premier le nom du hameau qu'il s'agit d'ériger en commune distincte. C'est par erreur que, dans le projet de loi, le hameau à détacher de la commune d'Oostaeker est désigné sous la dénomination de Saint-Amand tout court. Cette erreur provient de ce que, au conseil provincial, où rapports et discussions se faisaient en français, on s'est servi par abréviation (brevitatis causa) de la dénomination de Saint-Amand tout court.

En fait et en réalité, le hameau s'appelle et a toujours été appelé vulgairement et dans les documents publics « Sint-Amandsberg, » en français « Mont-Saint-Amand. » C'est son nom véritable et historique, car il est emprunté aux prédications, au moyen âge, de l'évêque saint Amand sur la montagne qui se trouve dans ce hameau et au sommet de laquelle se trouve la chapelle, aujourd'hui abandonnée et remplacée par une église érigée au pied de la montagne.

Il n'existe aucun motif sérieux pour débaptiser en quelque sorte ce hameau à l'occasion de son érection en commune distincte ; or, ce serait lui enlever son nom véritable que de lui attribuer, comme le fait le projet de loi, le nom de Saint-Amand, et sans y ajouter au moins, entre parenthèse, la dénomination flamande de « Sint-Amandsberg. »

Et même en ce qui concerne la dénomination française, je ne vois pas le motif qu'on pourrait alléguer pour abandonner la traduction qui en a toujours été faite vulgairement et même dans les actes de l'autorité publique. C'est ainsi que le hameau est, entre autres, désigné sous le nom de « Mont-Saint-Amand, » dans l'arrêté royal du 10 août 1858 (Pasinomie, n°814), qui autorise l'administration communale d'Oostaeker à établir, au Mont-Saint-Amand, une foire annuelle aux chevaux et au bétail.

C'est, du reste, le moyen d'éviter la confusion avec d'autres communes homonymes ; vous n'ignorez pas, en effet, qu'il y a encore d'autres communes du nom de Saint-Amand, notamment dans les provinces d'Anvers et de Hainaut.

J'ai donc l'honneur de proposer par amendement de substituer le nom de Mont Saint-Amand à celui de Saint-Amand et d'ajouter la dénomination flamande de « St-Amandsberg. »

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Drubbel, qui a pour objet de conserver' à la nouvelle commune son nom historique de Mont-Saint-Amand.

M. David. - Je désirerais savoir quelle est la distance entre Mont-Saint-Amand et la commune mère d'Oostaeker. J'ai cherché ce renseignement partout dans l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale, je n'ai pu le rencontrer.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Les renseignements que je trouve dans les pièces du dossier indiquent cette distance. Saint-Amand est éloigné d'Oostaeker d'environ 5 à 7 kilomètres.

- L'article premier, modifié par l'amendement de M. Drubbel, est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Le nombre de conseillers à élire dans ces communes sera déterminé par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »

- Adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

M. le président. - Il y a un amendement ; la Chambre entend-elle procéder, séance tenante, au vote du projet de loi ?

- De toutes parts. - Oui ! oui !

M. le président. - Il en sera donc ainsi. Je mets aux voix l'amendement qui a été adopté au premier vote.

- L'amendement est définitivement adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.

76 membres y prennent part.

71 répondent oui.

5 répondent non.

2 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Crombez, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lhoneux, de Liedekerke, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Thibaut.

Ont répondu non :

MM. De Fré, de Lexhy, de Macar.

Se sont abstenus :

MM. Le Hardy de Beaulieu et Bergé.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître à la Chambre les motifs de leur abstention.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Je me suis abstenu dans le vote de ce projet, parce qu'en principe je suis contraire à la séparation des communes ; déjà elles ne sont pas trop fortes et je vois une tendance malheureuse à les pulvériser en quelque sorte.

Je n'ai pas voulu voter contre, parce que j'aurais voulu motiver mon vote et je n'ai pas voulu prolonger le débat.

M. Bergé. - Je me suis abstenu pour les motifs qui viennent d'être développés par l'honorable préopinant.

Projet de loi autorisant le rachat des concessions ferroviaires de Dendre-et-Waes et de Bruges vers Gand par Alost

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe au vote de l'article unique ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à racheter, à partir du 1er mai 1876, la concession du chemin de fer de Dendre-et-Waes et de Bruxelles vers Gand par Alost, conformément à l'article 20 de la convention conclue, le 1er mai 1852, en exécution de la loi du 20 décembre 1851. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal.

79 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. de-Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Yan Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Thibaut.

Projet de loi autorisant la concession ferroviaire de Saint-Ghislain à la ligne de Mons à Bruxelles

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Sainctelette. - Je me permets de rappeler à la Chambre les conditions dans lesquelles cette affaire lui a été présentée. L'an dernier, à la veille de la clôture de la session, mes honorables collègues de Mons (page 1029) et moi nous avons demandé que le gouvernement fût autorisé à concéder la construction d'un chemin de fer de Saint-Ghislain et Jurbise. Nous avons fait remarquer que Saint-Ghislain et Mons étaient à une égale distance de Jurbise et que par conséquent tout le trafic en provenance de Saint-Ghislain et en destination de Jurbise et des localités au delà et réciproquement avait à faire un détour de 2 lieues et à subir une surtaxe proportionnelle.

C'est un raccourcissement qui est naturellement indiqué et que nous proposions à l'occasion du crédit de 22 millions, voté l'an dernier, sous la rubrique : « Améliorations de chemins de fer. »

Un débat s'est engagé dans la Chambre sur la question de savoir de quelle façon la construction du chemin de fer serait accordée. Plusieurs de mes honorables amis et moi, nous avons réclamé que ce fût par voie d'adjudication publique, et nous nous appuyions sur un précédent posé relativement au chemin de fer de Tirlemont-Gand.

L'honorable titulaire du département des travaux publics à cette époque a déclaré qu'il ne lui suffisait pas d'avoir la faculté de concéder la construction, qu'il voulait avoir le droit de traiter de gré à gré de cette concession.

Plusieurs d'entre vous ont insisté pour le système de l'adjudication publique et la Chambre a dû se séparer sans avoir pris de résolution.

Cette année, quand l'affaire s'est présentée en section centrale, j'ai déclaré qu'il y avait un moyen bien simple de lever toute espèce de difficulté.

Le chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise est une des plus riches parties du réseau national.

Je ne serais pas éloigné de penser que, comme trafic, il valût, recette brute, au moins 100,000 francs par kilomètre.

Mais, à quelque taux que vous fassiez descendre, par la voie, soit de l'adjudication publique, soit du marché de gré à gré, le tantième à accorder à l'entrepreneur pour la construction de ce chemin de fer, vous arriverez à un chiffre au moins égal à 10 p. c. Or, cela fait, pour 100,000 fr. de recette brute, 10,000 francs par an.

Pour le gouvernement, quoi de plus simple que de se mettre à l'abri de toute espèce de chicane en faisant le chemin lui-même ? Il résoudrait ainsi le dissentiment qui s'est élevé entre les adversaires et les partisans de l'adjudication publique.

Je croyais que la question avait été résolue dans ce sens par la section centrale.

Je n'ai pu assister à sa dernière réunion et j'ai été étonné de voir dans le rapport que le gouvernement était autorisé à concéder ou à construire le chemin de fer dont il s'agit.

Je croyais que l'amendement que j'avais proposé à la première réunion de la section centrale avait été voté par elle.

Je reproduis cet amendement. Il est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à construire un chemin de fer partant de Saint-Ghislain, etc. »

Je propose de plus d'ouvrir un crédit de 500,000 francs.

M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, je regrette la proposition de l'honorable M. Sainctelette. L'honorable membre voudrait supprimer dans le projet de loi la faculté pour le gouvernement de concéder ou de construire le chemin de fer.

C'est une simple faculté, et comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire à l'honorable rapporteur, le gouvernement n'étant pas brasseur, ne peut avoir peur d'une faculté qu'on veut lui donner. Je demande donc, messieurs, qu'on maintienne le texte tel qu'il a été proposé par la section centrale.

En effet, messieurs, si nous engageons un débat sur ce point, il est fort à craindre qu'au lieu d'aboutir en ce moment, le projet de loi doive de nouveau être ajourné comme il l'a été à la fin de la session, lorsqu'on a soulevé le même débat.

Il est important que le gouvernement construise ce petit bout de chemin de fer, parce qu'il raccourcit le réseau de l'Etat. C'est là l'idée que nous voulons réaliser. Si néanmoins un système meilleur se révélait, on pourrait avoir recours à la faculté qui est laissée au gouvernement.

L'honorable membre demande pourquoi on ne sollicite pas un crédit. Messieurs, avant de mettre la main à l'œuvre, il y a lieu de compléter l'étude définitive et on imputera la dépense nécessaire sur le crédit ordinaire du budget des travaux publics.

M. Defuisseaux. – J’ai demandé la parole pour expliquer pourquoi je voterai la loi telle que la présente l'honorable ministre des finances. En principe, je suis partisan de la construction du chemin de fer par l'Etat, et si j'étais consulté à cet égard, je demanderais que l'Etat construisît lui-même cette ligne.

J'invoquerais alors les motifs que mon honorable collègue de Mons a développés. Mais comme nous attendons déjà depuis six ans la chemin de fer dont il s'agit, que ce chemin de fer doit desservir une localité très importante et la relier à Bruxelles et au Borinage et que M. le ministre des finances insiste pour avoir la faculté d'option, je crois de mon devoir de me rallier à la proposition de M. le ministre des finances. C'est d'ailleurs ce que j'avais déjà eu l'honneur de dire au sein de la section centrale.

M. Sainctelette. - Je demanderai si, par le mot de concession, on entend concéder la construction seulement ou, en même temps, la construction et l'exploitation.

M. Malou, ministre des finances. - Je m'étonne un peu de cette question. Il s'agit d'un tronçon de 8 à 10 kilomètres. Il est évident qu'on ne peut faire une exploitation distincte pour un chemin de fer de cette étendue. En toute hypothèse, l'Etat se réserverait l'exploitation.

M. Jamar. - Je crois devoir expliquer en quelques mots le vote négatif que je compte émettre sur le projet de loi qui nous est soumis.

Lorsque ce projet nous fut présenté à la fin de la session dernière, à l'heure où nous allions nous séparer, j'ai indiqué à la Chambre l'importance qu'à divers points de vue aurait le vote qu'on sollicitait de l'assemblée.

Le projet de loi fut ajourné.

Il nous est représenté aujourd'hui dans les mêmes conditions.

Les considérations que j'ai présentées dans la séance du 21 juillet 1871 ont conservé toute leur valeur.

Ces considérations me déterminent à ne point donner un vote approbatif à ce projet de loi, d'autant plus que, dans mon esprit, la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Erbisœul est en contradiction avec l'esprit de l'article 54 de la convention du 25 avril 1870.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à concéder ou à construire un chemin de fer partant de Saint-Ghislain et aboutissant à la ligne de Mons à Bruxelles vers Erbisœul, en passant par Baudour. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet de loi.

80 membres répondent à l'appel nominal.

78 votent l'adoption.

1 vote le rejet.

1 s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Janssens, Jottrand, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Thibaut.

A voté le rejet :

M. Jamar.

S'est abstenu :

M. Pirmez.

M. le président. - M. Pirmez est prié de faire connaître à la Chambre les motifs de son abstention.

M. Pirmez. - J'ai demandé, au mois de juillet de l'année dernière, l'ajournement de ce projet, parce qu'il a pour objet de décider des questions très graves, pendantes entre deux sociétés deux chemins de fer rivales et que je n'étais pas éclairé sur les droits respectifs de ces deux sociétés ; l'affaire est, du reste, encore devant la justice.

Depuis lors, je n'ai rien appris qui pût m'éclairer ; aucun renseignement concluant ne nous a été fourni ; j'ai donc dû nécessairement m'abstenir.

Projet de loi allouant un crédit de 152,000 francs au budget du ministère de l’intérieur

Vote de l’article unique et vote sur l’ensemble

Personne ne demandant la parole, l'assemblée passe au vote de l'article unique ainsi conçu : « Il est alloué au département de l'intérieur un crédit de (page 1030) cent cinquante-deux mille francs (152,000 fr.), pour le payement du prix d’acquisition de la bibliothèque et de la collection d'instruments de musique ,[un mot illisible] par M Fétis, directeur du Conservatoire royal de Bruxelles, conformément à la convention conclue le 20 février 1872, entre le ministre de l’intérieur et MM. Edouard Fétis et Adolphe Fétis.

« Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires et il formera l'article 133 du budget de l'intérieur de 1872. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble.

80 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet,. de Theux, Dethuin et Thibaut.

Projet de loi allouant un crédit de 225,000 francs au budget du ministère de l’intérieur

Vote de l’article unique

« Article unique. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit spécial de deux cent vingt-cinq mille francs (fr. 225,000), applicable aux dépenses résultant de la participation des artistes et des producteurs belges à l'Exposition universelle et internationale qui aura lieu à Vienne, en 1873.

« Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires. »

Cet article unique est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 82 membres présents.

Ce sont :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Thibaut.

Projet de loi allouant un crédit spécial de 750,000 francs au budget du ministère de la guerre

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Bergé. - Messieurs, je suis très disposé à donner un vote approbatif au projet de loi, mais à la condition qu'il soit bien entendu que la Chambre se borne à allouer à M. le ministre de la guerre un crédit de 750,000 francs pour l'amélioration du pain de munition, sans que ce vote entraîne son adhésion aux observations faites par l'honorable M. Delaet sur la question de méthode.

S'il en était autrement, je serais obligé de combattre les opinions émises par le rapporteur de la section centrale ; mais si la Chambre entend ne pas tenir compte des idées émises par l'honorable M. Delaet, je voterai le projet.

M. Delaet, rapporteur. - Messieurs, comme personne ne demandait la parole, je m'étais, moi aussi, abstenu d'interpeller immédiatement M. le ministre de la guerre sur la question de savoir quelle méthode il compte suivre pour l'amélioration du pain de munition ; mais les réserves que vient de faire l’honorable M. Bergé m’obligent pour ainsi dire, et oblige la Chambre à entrer dans le cœur de la question. (Interruption.)

Messieurs, il s'agit d'un double intérêt très considérable ; il s'agit d'abord de la nourriture de nos soldats ; de la méthode à suivre pour arriver à leur donner la nourriture la plus saine et la plus agréable.

Il s'agit aussi de savoir si, pour faire du pain moins bon, moins nourrissant, nous inscrirons annuellement 300,000 francs de plus au budget.

J'ai présenté mes conclusions ; si M. Bergé croit qu'elles contiennent des erreurs scientifiques, je le prie de bien vouloir les signaler à la Chambre. Je suis prêt à discuter et les faits que j'ai notés dans mon rapport et les conclusions que j'ai formulées.

M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, il y a, dans la question de l'amélioration du pain de munition, deux séries de mesures distinctes : la première consiste à établir une meunerie, à faire construire des fours perfectionnés, à acheter des pétrins mécaniques, en un mot à se procurer le matériel qu'on peut appeler l'outillage de la fabrication du pain.

C'est uniquement en vue de ces objets qu'une demande de crédit est soumise à la Chambre en ce moment.

Il y a une seconde série de mesures, celles qui concernent la composition du pain ; ceci est une question de budget qui se présentera lorsque le gouvernement aura une opinion faite. Nous nous trouvons en ce moment en présence d'un travail extrêmement remarquable fait par une commission très compétente dont les conclusions ont été discutées, combattues et repoussées par l'honorable rapporteur de la section centrale.

Voilà donc deux opinions très différentes sur la panification. Je pense qu'il y a une troisième opinion à consulter, celle des chefs de l'armée et des soldats. Or, jusqu'à présent, je ne saurais pas dire d'une manière positive s'il faut adopter les propositions de la commission ou se rallier à la critique et aux propositions de l'honorable rapporteur de la section centrale. Mais je répète que le projet en discussion n'a d'autre objet que de faire face aux dépenses de l'outillage nécessaire pour l'amélioration du pain de munition.

Toutes les autres questions restent complètement réservées et pourront être discutées à l'occasion du budget de la guerre pour 1873.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit spécial de sept cent trente mille francs pour la construction d'une grande meunerie militaire à Anvers, et pour l'établissement, dans toutes les boulangeries militaires du royaume, de fours aérothermes et de pétrins mécaniques. »

- Adopté.


« Art. 2. Ce crédit sera couvert par les ressources ordinaires. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des membres présents.

Ce sont :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Simonis, Snoy, Tack, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Thibaut ;

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Projet de loi ouvrant un crédit spécial ay budget du ministère de la justice, pour les travaux d’un palais de justice à Bruxelles

Discussion des articles

Article premier

La discussion générale est ouverte ; personne ne demandant la parole, elle est close ; la Chambre passe à celle des articles.

« Art. 1er. Un crédit spécial d'un million de francs est ouvert au département de la justice pour la continuation des travaux de construction d'un palais de justice à Bruxelles. »

(page 1031) M. le président. - Il y a un amendement de la section centrale ; voici l'article tel qu'elle propose de le rédiger :

« Un crédit provisoire de neuf cent soixante-quinze mille francs, à valoir sur le crédit pétitionné d'un million, est ouvert au département de la justice pour la continuation des travaux de construction d'un palais de justice à Bruxelles. »

M. Le Hardy de Beaulieu. - Notre honorable greffier m'a fait remarquer qu'il y avait dans cet article une faute de style législatif ; le mot « pétitionné » est de trop ; je demande de rayer ce mot de l'article soumis à vos délibérations.

- L'article amendé par la section centrale est mis aux voix et adopté avec cette correction.

Article 2

« Art. 2. Ce crédit sera couvert au moyen des ressources ordinaires et au besoin par une émission de bons du trésor. »

- Adopté.

- M. Tack remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

79 membres prennent part au vote.

77 répondent oui.

2 répondent non.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.

Ont répondu oui :

MM. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dupont, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Boyer de Behr, Sainctelette, Simonis, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Léon Visart, Warocqué, Wouters, Balisaux, Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Coremans, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, De Fré, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin et Tack.

Ont répondu non :

MM. Dumortier et Snoy.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - La Chambre entend-elle continuer l'examen des projets de loi allouant des crédits spéciaux ?

- Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. Demeur. - Si la Chambre ne reprend pas aujourd'hui la discussion du projet de loi portant prorogation de la durée de la Banque, je demande qu'au moins il soit donné lecture d'un amendement que j'ai déposé conjointement avec l'honorable M. Dansaert, afin que cet amendement puisse être imprimé et distribué.

M. le président. - Voici l'amendement : Ajouter à l'article 1er, n°1° :

« Néanmoins l'institution pourra prendre fin ou être modifiée le 1er janvier 1883 s'il en est ainsi ordonné par une loi votée dans une des deux sessions qui précèdent cette époque.

« (Signé) Demeur, Dansaert. »

- L'amendement est appuyé.

Il fait partie de la discussion et sera imprimé et distribué.

M. Malou, ministre des finances. - La Chambre a décidé qu'elle consacrerait une heure de la séance d'aujourd'hui au vote de petits projets.

Cette heure est un peu passée. Je demande donc qu'on reprenne en ce moment la discussion du projet de loi sur la Banque Nationale. (Interruption.)

Messieurs, nous perdrons énormément de temps, si la Chambre, du jour au lendemain, n'exécute pas les décisions qu'elle a prises.

M. le président. - La Chambre a manifesté l'intention de continuer la discussion du projet de loi concernant la Banque Nationale.

M. de Clercq. - Je prie la Chambre de revenir sur sa décision, et puisqu'elle est en si beau chemin, de voter encore les deux crédits qui précèdent, sur l'ordre du jour, le projet de loi portant prorogation de la durée de la Banque Nationale.

M. Malou, ministre des finances. - Ces crédits ne sont pas urgents.

- La Chambre consultée décide qu'elle reprendra la discussion du projet de loi sur la prorogation de la durée de la Banque Nationale.

Projet de loi prorogeant la durée de la Banque Nationale

La discussion générale continue.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, le discours que vous avez entendu hier n'était certainement pas à sa place. Sa place naturelle, logique, j'oserais presque dire sa place constitutionnelle, se trouvait au début de la discussion. Il est évident que si l'honorable ministre - comme, j'ose le dire, c'était son devoir, - avait exposé au commencement de la discussion les principes du projet de loi soumis à nos délibérations, que s'il avait expliqué les parties obscures, et elles sont nombreuses, de ce projet de loi et de son exposé des motifs, obscurités qui n'ont malheureusement pas été éclaircies par le rapport de la section centrale, cette discussion aurait pris une autre tournure, aurait été plus fructueuse et aurait probablement été abrégée.

Tous ceux, messieurs, qui suivent avec un peu d'attention les discussions du parlement anglais savent que, quand les ministres proposent une mesure de l'importance de celle qui nous est soumise, ils commencent toujours par faire ce que l'on appelle le statement, c'est-à-dire l'exposé, et que cet exposé est le guide sûr que suit toujours la discussion.

Si les orateurs, qui, contrairement à la logique, on peut le dire, ont dû commencer par critiquer le projet de loi, avaient entendu les motifs qui nous ont été développés hier et mercredi dernier par l'honorable M. Malou et par l'honorable M. Frère-Orban, ils auraient donné à leurs critiques une autre tournure et une plus grande précision.

D'un autre côté, la demande d'ajournement, qui a été faite au début de la discussion, demande qui, selon moi, a été prématurée et qui, probablement, n'a pas été bien comprise par le public, aurait, je n'en doute pas, eu un meilleur accueil si elle s'était produite après une discussion plus longue ; et comme j'ai voté cet ajournement, je désire, avant d'entrer dans l'examen du projet de loi, donner les motifs de ce vote à mes collègues comme à mes commettants.

Mon vote, dans la question d'ajournement, a eu trois motifs, que je vais exposer aussi brièvement que possible.

Le premier, c'est la tardivité, s'il m'est permis d'employer cette expression, de la présentation, ou plutôt la discussion du projet dans la présente session. Quand le projet a été déposé, je dois dire que j'ai été très satisfait de ce que, trois ans avant l'expiration du contrat avec la Banque Nationale, le gouvernement fût venu soumettre le projet de prorogation à nos délibérations

J'avais pensé que le but que se proposait le gouvernement était de nous permettre d'examiner cette question avec tout le soin, tout le calme et toute la profondeur qu'un pareil sujet réclame. Grand a été mon étonnement, grande a été, je dois le dire, ma déception lorsque j'ai vu que cette matière si importante et, pour employer l'expression de M. Frère-Orban, si redoutable était soumise à nos discussions dans un moment où nous ne pouvons pas délibérer avec le calme qui est nécessaire à une question aussi grave et aussi compliquée.

Messieurs, je comprends qu'on poursuive une délibération nuit et jour en quelque sorte lorsqu'il s'agit de questions urgentes, de questions politiques brûlantes et qu'il faut résoudre à l'instant même ; mais je ne puis comprendre qu'on presse de cette façon dans la circonstance présente.

Et pour montrer comment on a agi dans d'autres pays sur la même question, je vais en deux mots dire ce qui s'est passé au congrès de Washington, lorsque la question du système des banques y fut discutée, il y a une vingtaine d'années.

Après quelques jours de délibération suivie, on a consacré une séance par semaine à cette discussion spéciale sur les banques, et, au bout d'un certain temps, le sénat, usant du droit d'initiative qui lui appartient au même degré qu'à la chambre des représentants, a été saisi du même projet par un de ses membres et a entamé une discussion parallèle. De sorte que les délibérations des deux assemblées se succédant semaine par semaine, une semaine à la chambre des représentants et l'autre semaine au sénat, l'une éclairait l'autre au grand avantage des intérêts publics.

Qu'est-il arrivé de là ? Je signale le fait à l'attention de la Chambre et du pays. Le projet de loi tendait à créer une Banque Nationale unique à peu près dans les principes de la Banque qui existe en Belgique.

Au sortir de la délibération, le Congrès, à la presque unanimité, a voté la liberté et la multiplicité des banques d'émission, et ce vote, lors de la guerre de la sécession, n'a pas peu contribué à sauver le pays.

Car, s'il n'y avait eu aux Etats-Unis qu'un seul établissement financier pour fournir les immenses ressources qui ont été nécessaires à la poursuite de cette guerre qui laissera des traces durables dans l'histoire du (page 1032) monde ; si, dis-je, il n'y avait eu qu'un seul établissement financier, jamais le Nord n'eût pu vaincre, et c'eût été le système barbare de l'esclavage du travail qui l'eût emporté encore, pendant quelques années, sur la liberté et la concurrence du travail.

Vous voyez par là, messieurs, que les longues délibérations dans des questions semblables sont souvent nécessaires, parce qu'en face d'idées quelquefois préconçues, arrêtées, elle peuvent apporter des modifications profondes dans l'opinion publique.

En Angleterre, on suit une autre méthode, on crée des enquêtes et ce n'est qu'après avoir fait examiner une question par une commission choisie dans toutes les opinions, dans toutes les parties des chambres des communes et des pairs que l'on présente cette question aux délibérations du pouvoir législatif. Et remarquez, messieurs, jusqu'où on pousse cet examen !

Dans les questions qui paraissent les plus simples et qui devraient être votées presque sans discussion, comme nous venons de le faire pour un certain nombre de projets, par exemple lorsqu'il s'est agi des dépenses à faire pour la construction du palais de justice à Londres sur des fonds qui n'appartenaient à personne, sur des fonds délaissés ou oubliés par les plaideurs, on a fait une longue et minutieuse enquête dont j'ai sous la main le rapport très étudié et très circonstancié.

Cette question, qui aurait été décidée ici au pas de course, l'argent étant trouvé et disponible, a été, en Angleterre, l'objet de l'examen le plus attentif, et c'est sur ce rapport que la Chambre a pu prendre une décision.

Voilà, messieurs, la première raison pour laquelle j'ai voté en faveur de l'ajournement non de la discussion, mais du vote.

Je crois au contraire la discussion utile, nécessaire, et la preuve en est qu'après plus de huit jours de délibérations aucun des orateurs n'a pu trouver place pour répondre aux critiques ou aux objections dont ses opinions ont été l'objet.

Quant à moi, je le dis maintenant : j'espère que cette réponse pourra être donnée d'une façon complète et que la Chambre ne prendra aucune décision sans avoir entendu tout ce qu'il y a à dire sur le sujet.

La deuxième raison qui m'a fait désirer l'ajournement du vote est une question que j'ai posée lors de la discussion de la loi de 1865 attribuant à l'Etat, comme bénéfice, la part de l'intérêt de l'escompte dépassant le taux de 6 p. c. et qui aujourd'hui est descendue par le projet de loi à 5 p. c. A cette époque, comme aujourd'hui, j'ai demandé à quel titre le gouvernement ou la législature, si vous le voulez, prétend s'adjuger cette part. Est-ce à titre d'impôt ? Est-ce à titre de part de bénéfice ? Si c'est à titre d'impôt, la question est plus importante qu'elle ne le paraît au premier abord.

Si c'est une espèce d'accise sur la macération du crédit que l'on veut essayer, nous avons le droit de discuter, d'amender ou de supprimer cet impôt chaque année ; car la Constitution, dans son article 115, stipule qu'aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens qu'à titre d'impôt au profit de l'Etat, de la province et delta commune, et pour expliquer sa pensée, il ajoute : Il n'est rien modifié quant au régime actuellement existant des polders et des wateringues.

Telles sont la règle et l'exception contenues à l'article 113. Donc si c'est un impôt, donc si les 2,500,000 francs que l'on a fait beaucoup miroiter aux yeux de la Chambre dans cette discussion, sont perçus à titre d'impôt nous avons le droit tous les ans de les examiner, de les amender, de les supprimer ou de les voter.

Je désire donc obtenir une. explication sur ce point, j'espère qu'on pourra nous la donner sérieuse et concluante.

Sî c'est à titre de bénéfices que cette somme doit être perçue, nous tombons immédiatement dans l'association de l'Etat avec la Banque. ; l'Etat devient une moitié ou un quart de banquier ; je demande dès lors dans quel article de la Constitution il puise le pouvoir d'entrer dans cette voie. La Constitution stipule de la façon la plus formelle que l'Etat, dans la personne du chef du pouvoir exécutif, n'a d'autres pouvoirs que ceux qui lui sont formellement donnés par la Constitution et par les lois en vertu de cette même Constitution ; c'est, je pense, à peu près exactement le texte même de l'article 78.

J'ai cherché en vain l'endroit où il est dit que l'Etat pourra se faire banquier ou agent de change, car si le projet est adopté, il deviendra plus ou moins l'un ou l'autre ou tout au moins leur associé.

J'ai cru qu'avant d'examiner le projet, il convenait que cette question fût résolue et j'ai voté l'ajournement afin de permettre de l'étudier, car avant tout nos institutions, comme notre législation, doivent être strictement et sévèrement constitutionnelles.

Le troisième motif, le plus immédiat et le plus sérieux, qui m'a fait voter cet ajournement, c'est la situation toute particulière où se trouve la majorité des membres de cette assemblée et où je me trompe moi-même.

Dans quelques semaines, notre mandat aura cessé d'exister ; je demande donc si, à la fin d'un mandat législatif, dans un moment où nous devrions n'avoir à voter que sur des questions d'administration urgentes, s'il nous est permis d'engager le pays pour trente années dans une question que l'honorable M. Frère-Orban a qualifiée de redoutable, et je pense que tantôt je parviendrai à justifier celle qualification.

Messieurs, je crois devoir appeler votre attention toute particulière sur un des aspects de cette observation.

Evidemment, ni M. le ministre des finances, ni aucun de ceux qui ont préparé le projet actuellement en discussion n'ont pensé, j'en suis certain, à créer, pour une partie des membres de cette Chambre, une situation qui est sortie exclusivement du fait de la discussion de ce projet à la fin de la session et à la veille des élections.

Je veux parler de l'espèce de pression qui s'exerce sur un certain nombre de membres qui sont soupçonnés, à tort ou à raison, d'être hostiles à la loi.

On laisse entendre dans les conversations que l'on fera valoir contre eux soit les opinions qu'ils auront émises, soit leurs votes pour exciter les électeurs contre eux.

M. Muller. - Qui ?

M. Le Hardy de Beaulieu. - Il m'a été dit, à moi-même et par des personnes sur la bienveillance et l'amitié desquelles je puis compter, et il a été dit à plus d'un membre de cette Chambre : Prenez garde ; si vous combattez le projet, vous allez vous créer des hostilités ; il y a beaucoup de gens qui ont besoin de la Banque et qui vous en voudront si vous êtes hostile au projet de loi.

C'est là une situation que, pour la dignité de cette assemblée et pour la dignité de chacun de nous, on n'aurait pas dû créer.

Il est évident qu'un projet comme celui-ci, qui touche à de si grands intérêts, doit être voté librement, et que le pays doit être certain que le vote n'est dû à aucune pression d'aucune sorte.

Messieurs, ces premières observations faites, je vais examiner le projet de loi en lui-même. Je ne suivrai pas l'honorable ministre des finances ni la plupart des orateurs qui m'ont précédé, dans l'appréciation des détails, que j'appellerai techniques, du projet de loi.

Ces détails ont certainement leur importance ; ils sont probablement nécessaires. Beaucoup d'eux appartiendraient plus naturellement à la Banque, à ceux qui sont chargés d'exécuter la loi, qu'au législateur lui-même. Mais, néanmoins, ils ont leur importance et je ne me plains pas de les avoir entendu exposer.

Je me placerai à un point de vue plus général et qui me paraît comprendre les questions de principe touchées par le projet de loi. Je veux parler de l'augmentation du capital et de la circulation. J'aborderai après cela quelques points secondaires qui s'y rattachent.

Est-il nécessaire, est-il utile, est-il bon d'augmenter le capital de la Banque ? Quelles seront les conséquences, quels seront les résultats de cette augmentation ?

Telles sont les questions que je me suis faites et que j'ai cherché à résoudre.

Messieurs, dans une matière aussi importante, il faut non seulement consulter les principes abstraits de l'économie politique, il faut surtout avoir recours à l'expérience des autres, quand on ne peut avoir recours à la sienne propre. Lors donc de la présentation du projet de loi, je me suis hâté d'écrire dans le pays des banques, dans celui où elles sont les plus répandues, à un correspondant qui connaît parfaitement la situation en Belgique, qui a habité longtemps notre pays et qui est, en même temps, un des principaux banquiers de la ville de New-York. Je lui ai formulé une série de questions ; je lui ai demandé une réponse le plus tôt possible. Je regrette de ne pas l'avoir reçue ; je suis convaincu qu'elle aurait apporté quelques lumières sur l'objet de nos discussions.

A défaut de cette réponse, j'ai recherché, dans tous les ouvrages qui donnent quelques renseignements récents, la situation des banques aux Etats-Unis. J'ai ici un document parlementaire qui, malheureusement, remonte à vingt ans et qui ne peut nous servir qu'à une chose : c'est qu'il nous apprend qu'il y a une vingtaine d'années, à l'époque où ce recensement a été fait par ordre de la chambre des représentants des Etats-Unis, il se trouvait 800 et des banques avec un capital de près de 1 milliard, chose que tout le monde peut savoir.

J'ai recherché et j'ai trouvé ensuite, dans un document qui a paru en 1869, une sorte de relevé statistique de la situation des Etats-Unis : The American year book for 1869.

(page 1033) J'y ai trouvé quelques renseignements sur la situation des banques à cette époque et, heureusement, il nous donne ce que je cherchais surtout pour la question que je suis occupé à traiter maintenant, c'est-à-dire des indications précises quant au capital des banques d'émission.

Quel est le capital employé dans les banques de circulation des Etats-Unis, au moins de ceux des Etats dont j'ai trouvé la statistique ? Pour ne pas en donner toute la série, qui serait trop longue, je trouve que dans quelques-uns des Etats du Nord, principalement ceux où le commerce est le plus actif et l'industrie la plus avancée, des renseignements extrêmement importants.

Le Connecticut possède 6 banques d'Etat et cinq banques organisées d'après le principe des banques nationales avec un capital réuni de... en outre 35 banques organisées ou banques nationales, avec un capital de...

En tout 88 banques avec un capital de 25 millions de dollars pour une population de 500,000 âmes, c'est-à-dire que cet Etat de 500,000 âmes a un capital versé dans ses affaires de banque de plus de cent vingt-cinq millions de francs.

Je n'ai malheureusement pas trouvé, dans le recueil que j'ai sous les yeux, quelle était la circulation fiduciaire émise et garantie par ce capital, ni le montant des escomptes, ni celui des dépôts ; ce sont des renseignements qui manquent absolument dans le recueil cité.

Dans l'Etat du Massachussetts, l'un des Etats les plus avancés et peut-être le plus avancé de l'Amérique entière sous tous les rapports, dans cet Etat, qui compte une population de 1,400,000 habitants, il se trouve 207 banques nationales avec un capital versé de 82,032,000 dollars, c'est-à-dire plus de 400,000,000 de francs.

On y trouve, en outre, 108 banques d'épargne (saving banks), avec un capital en dépôt de 80,431,000 dollars. Je dirai en passant que ces banques ou caisses d'épargne sont administrées par les déposants eux-mêmes. Les ouvriers d'une ville organisent ce qu'ils appellent une banque d'épargne et ils l'administrent eux-mêmes ; et pendant que j'étais aux Etats-Unis, il est arrivé ce fait que les fileuses de Lowell ont soutenu l'industrie cotonnière de cette ville, en remettant leurs épargnes à leurs patrons, par l'escompte de leurs valeurs et les ont ainsi sauvés d'une crise formidable et peut-être de la ruine.

Dans l'Etat de New-York, dont la population actuelle est de 3,900,000 âmes environ, il se trouve 299 banques dites nationales en opération avec un capital versé de 116,544,000 dollars, c'est-à-dire plus de 585,000,000 de francs.

Messieurs, ces seuls exemples suffiront pour démontrer que l'augmentation demandée du capital de la Banque n'est pas exagéré ; que ce capital n'est pas en excès, tant s'en faut, eu égard à la proportion que nous trouvons dans les différents Etats que je viens de citer.

On dira que la ville de New-York, par sa position, par l'immensité de son commerce, exige un capital de banque beaucoup plus considérable qu'Anvers ou Bruxelles.

Cela est certain ; mais il n'y a pas de proportion entre un capital de près de 600 millions et les 50 millions qu'on demande à notre unique banque d'émission ; car il n'est question ici que des banques d'émission. Les autres banques ne sont pas comprises dans la statistique que je viens de vous communiquer pas plus que les banquiers privés, très nombreux en Amérique.

J'ai vainement cherché et ils doivent se trouver cependant indiqués dans la statistique publiée par ordre du congrès pour l'année 1870 ; ces renseignements sont la circulation et les autres opérations des banques de New-York ; je ne pourrai donc en parler.

Après avoir démontré par les faits que je viens de citer qu'un capital versé de 50 millions n'est pas exagéré pour une banque d'émission en Belgique, j'aborde un second point de mon examen, qui est l'émission.

L'émission aux Etats-Unis est-elle en proportion des capitaux dont je viens de vous faire connaître l'importance ? Je puis dire que le système des banques nationales, je parle de celles-là seulement, est organisé d'après le système suivant :

En déposant une somme d'un million, par exemple, à une caisse qui correspond à peu près à ce qui est ici la caisse des consignations, ou chez le caissier du trésor, on obtient en échange pour une somme de 800,000, 850,000 ou 900,000 francs de billets au porteur.

Quant à l'encaisse métallique que la Banque doit retenir, etc., le gouvernement ne s'en mêle en aucune façon ; cela est laissé à la responsabilité de la Banque ; si elle faillit à ses engagements, elle tombe en faillite et doit être liquidée, mais les porteurs de billets sont garantis par les valeurs consignées.

J'en conclus que l'émission est inférieure au capital, inférieure de 10 p. c, peut-être davantage.

De cette façon, l'émission est d'abord et spécialement garantie par une valeur correspondante en fonds de l'Etat, de plus par l'encaisse et par les valeurs escomptées, exactement comme cela se passe pour l'émission de notre Banque Nationale ; car en Amérique pas plus qu'en Belgique on ne donne un billet de banque sans en recevoir la contre-valeur, soit en numéraire, soit en valeurs commerciales.

Cette position n'est pas sans devoir attirer votre attention la plus sérieuse. A la suite de crises formidables, à la suite de la guerre dont je vous ai parlé tantôt, et après de longues délibérations comme je vous l'ai dit, et même après des tâtonnements et des essais divers, on en est arrivé au système que je viens d'esquisser.

Vous trouverez à ce sujet des renseignements parfaitement développés dans une brochure qui a été publiée, il y a quatre ou cinq ans, par M. Wells, ancien agent du trésor américain. Malheureusement j'ai prêté cette brochure il y a quelque temps, et, comme il arrive souvent, je ne l'ai pas revue. M. Wells a démontré, à la suite d'une enquête qu'il a faite et qu'il était plus en mesure que personne de faire, que l'excès d'émission avait eu, en Amérique comme ailleurs, pour résultat d'enchérir toutes les choses commerciales et les conditions générales de la vie, quelquefois subitement, immédiatement après l'augmentation de la circulation fiduciaire, quelquefois lentement ; d'après lui, ce résultat d'amener renchérissement de toutes les choses nécessaires à la vie est certain et inévitable ; il est proportionné à l'augmentation de la circulation.

Les loyers s'enchérissent, les vêtements, les vivres, en un mot toutes les choses de consommation usuelle, toutes les choses nécessaires deviennent de plus en plus chères.

Mais, me dira-t-on, ce résultat est bon ; il est même le signe matériel de la prospérité d'un peuple ; il indique un progrès, il apporte des bienfaits, il augmente la richesse ; j'en suis d'accord, s'il ne s'agit que du monde commercial et industriel.

Mais cet enchérissement général laisse aussi derrière lui, souvent, de grandes souffrances, car tout n'augmente pas en même temps ni dans la même proportion. Certains revenus restent stationnaires ou diminuent même alors que la vie matérielle devient plus chère.

Les fonctionnaires, les rentiers, tous ceux qui vivent de revenus fixes voient tout s'élever autour d'eux, tandis qu'ils restent au même revenu.

De là de grandes souffrances. Mais cela ne serait qu'un détail, s'il n'y avait qu'une minime fraction de la population dans cette situation, mais ce qu'il y a de désastreux, ce qu'il y a de mauvais, c'est que les salaires ne suivent pas toujours non plus la progression de renchérissement général, conséquence d'une circulation trop grande de la monnaie fiduciaire.

Ce n'est qu'à la longue que la répercussion se fait sentir sur les salaires.

De là sont nées la plupart des agitations qui, depuis longtemps, ont bouleversé le travail et surexcité les travailleurs en Angleterre et ailleurs, agitation qui est descendue aujourd'hui jusque dans les rangs des ouvriers agricoles, ordinairement si patients et si endurants.

De cette même cause, à n'en pas douter, sont nées, dans notre propre pays, les mêmes souffrances et par suite les mêmes agitations.

Il est donc tout naturel que, discutant aujourd'hui, avant de prendre une décision qui liera le pays pour trente ans, la question de l'augmentation de capital de la Banque, qui permettra un accroissement notable de la circulation, il y a lieu de se demander s'il ne convient pas d'examiner de la façon la plus approfondie et la plus minutieuse s'il n'y a pas moyen de modérer l'augmentation de la circulation, et de permettre ainsi aux salaires de suivre de plus près l'accroissement du prix des choses nécessaires à la vie.

Je dis donc, messieurs, me basant sur l'expérience faite autrefois en Amérique du système d'émission de la monnaie fiduciaire, sans proportion avec le capital versé, et non garantie par lui, que ce système est, sans doute, avantageux pour le monde commercial, mais qu'il présente, incidemment pour les autres fractions de la société, et notamment pour la classe ouvrière, des inconvénients graves qu'il faut évitera tout prix.

Chez nous on s'en félicite ; ce système a été poussé très loin ; l'émission a été portée à dix fois le capital versé de la Banque. En Amérique, d'après le nouveau système, l'émission est représentée en entier par le capital, plus 10 p. c. au moins ; je crois qu'il y a plus, mais je n'en suis pas certain.

Quel est le meilleur système ? C'est ce qu'il importe beaucoup d'examiner.

Quelle est donc la raison de l'augmentation du prix des choses par suite d'une circulation de billets à vue hors de proportion avec le capital versé par les actionnaires des banques. Beaucoup de personnes s'en félicitent ; beaucoup de personnes trouvent que ce résultat est avantageux, et (page 1034) dans toute la discussion qui vient d'avoir lieu ces jours derniers dans cette enceinte, on a cherché surtout à faire ressortir les avantages matériels de ce fait économique. L'honorable ministre des finances l'a fait avec un talent incontestable. Cela m'oblige, et c'est principalement pourquoi j'ai pris la parole, de vous montrer, messieurs, l'autre côté de la question, c'est-à-dire, les conséquences de cette augmentation du prix des choses sur les masses et sur les classes qui ne profitent pas directement et immédiatement de cette augmentation par l'élévation de leurs profits ou de leurs revenus.

Pourquoi les salaires restent-ils longtemps stationnaires tandis que le prix des choses augmente insensiblement ? Je suis presque forcé d'entrer dans cette discussion très aride, je le sens moi-même. Mais la démonstration de la thèse que je soutiens ici ne serait pas complète si je ne disais pas en quelques mots pourquoi les choses augmentent de prix en présence d'une augmentation de circulation fiduciaire très forte.

Hier l'honorable M. Malou, dans une partie de son discours, l'a fait pressentir et j'ai cru un instant qu'il allait en faire la démonstration et conclure comme moi. Mais il s'agissait d'un autre point de vue et il n'a pas été dans la direction de ma thèse.

Le phénomène observé et vérifié partout, c'est que là où la circulation fiduciaire s'établit, se consolide et s'agrandit avec la confiance, la circulation des choses s'accroît en même temps, et par suite l'industrie, la production prennent un développement inconnu jusqu'alors. Il faut plus de maisons, les loyers augmentent ; il faut plus de vêtements, d'ameublements, d'ustensiles divers, tous ces articles enchérissent. (Interruption.)

Les salaires suivent la progression, sans doute et c'est inévitable, parce qu'il faut bientôt plus et de meilleurs ouvriers ; mais cela ne se fait pas toujours sans discussion et sans résistance. (Interruption.)

Messieurs, je suis un peu fatigué et désarçonné, l'interruption a coupé le fil de mes idées à un certain moment et je m'aperçois que je suis sur le point de prendre une direction différente de celle que je me suis tracée. Je demande donc à reprendre la suite de ce discours mardi prochain.

- Plusieurs membres. - A mardi ! à mardi !

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Lefebvre dépose des rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

M. Pety de Thozée, tant en son nom qu'au nom de M. Santkin, dépose des rapports sur des demandes de naturalisation ordinaire.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite de l'ordre du jour.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.