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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 avril 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et et lecture du procès-verbal

(page 888) M. Reynaert fait l’appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Hagemans présente l’analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Les sieurs Raeymaekers, président, et Vandevelde, secrétaire de la commission des distillateurs, transmettent les conclusions formulées par la commission en opposition au projet dé loi modifiant la loi sur les distilleries. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui modifie les lois d'accise sur le sucre et sur les eaux-de-vie.


« Le baron de Lafontaine, président, et le sieur Cartuyvels, secrétaire de la Société générale des fabricants de sucre de Belgique, présentent des observations en faveur de la proposition du gouvernement de réduire à 6 fr.50 c. le droit d'accise par hectolitre de matière fermentée dans les distilleries de mélasse. »

- Même renvoi.


« Des distillateurs agricoles demandent que la déduction dont jouissent les distilleries agricoles soit portée de 15 p. c. à 20 p. c.

- Même renvoi.


« Il est fait hommage à la Chambre, par M. Edouard Dusart, de deux exemplaires de sa brochure intitulée : Mémoire sur un projet de distribution d'eau de l'Ourthe dans les villes de Namur, Charleroi, Bruxelles, Malines, Lierre, Anvers, Alost, Gand, Bruges, Ostende et Blankenberghe. »

- Dépôt à la bibliothèque.


« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu pour affaires urgentes, demande un congé de quelques jours. »

Accordé.

Projet de loi autorisant des aliénations domaniales

Rapport de la section centrale

M. Pety de Thozée. - j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à vendre, de la main à la main, les terrains à bâtir qui appartiennent au domaine.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. Royer de Behr. - j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi accordant au département de l'intérieur un crédit de 225,000 francs pour l'exposition de Vienne.

- La Chambre ordonne l’impression et la distribution de ces rapports et met les projets qu'ils concernent à la suite des objets à l'ordre du jour.

Motion d’ordre relative à un projet de subside au profit de la police de la capitale

M. Anspach. - Messieurs, lors de la discussion du budget de l'intérieur, le gouvernement avait proposé un amendement ayant pour objet d'attribuer, en subside, à la ville de Bruxelles, une somme de 100,000 francs pour augmenter la force de la police locale. On a pensé qu'il était préférable de présenter une loi spéciale sur cet objet pour apporter certains remèdes à des difficultés qui étaient nées de la position spéciale de la ville de Bruxelles, environnée de grandes communes-faubourgs.

Ce projet de loi, qui ne touche pas à l'autonomie communale, est excessivement simple et ne porte que sur quelques points, sur lesquels l’accord était intervenu entre la commune de Bruxelles et le département de l'Intérieur.

Je viens demander au gouvernement s'il ne croirait pas utile de déposer dès à présent ce projet de loi, afin qu'il puisse prendre place dans notre législation avant la fin de la session.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je n'ai pas perdu de vue l'objet dont vient de m'entretenir l'honorable préopinant. Avant peu de jours, un projet de loi sera déposé pour régler les conditions dont il vient d'être parlé.

J'espère qu'avant la fin de la session, et peut-être même à la fin de la semaine prochaine, le projet pourra être présenté à la Chambre.

Motion d’ordre relative aux négociations avec la compagnie ferroviaire du Grand-Luxembourg

M. Bouvier. - Je demanderai au gouvernement s'il est vrai, comme le bruit s'en est répandu, que les négociations ouvertes entre lui et la compagnie du Grand-Luxembourg sont définitivement rompues.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Le bruit qui s'est répandu et dont l'honorable M, Bouvier vient de se faire l'écho, n'est pas fondé.

Motion d’ordre relative à l’acceptation d’un legs charitable par le gouvernement

M. Pirmez. - Messieurs, le Moniteur a publié, il y a quelques jours, un arrêté royal qui approuve l'acceptation, par la commune d'Ochamps, d'un legs ayant pour but de faire distribuer entre certains habitants de cette commune de la chaux au moyen du revenu du capital légué.

L'affaire a matériellement une importance fort minime ; mais les principes qui servent de base à la décision, je les considère à la fois comme contraires à notre droit civil et (erratum, page 900) à notre organisation sociale actuelle.

Je me demande,, en constatant et l'insignifiance matérielle de l'affaire et l'importance des principes qu'elle engage, si M. le ministre de l'intérieur n'a pas signé cet arrêté sans y apporter une attention spéciale au milieu du grand nombre d'affaires qu'il doit expédier.

S'il en était ainsi, il suffirait d'une déclaration de M. le ministre pour que cet arrêté perdît tout intérêt ; elle ne pourrait former précédent.

Mais, s'il en était autrement, et si le gouvernement devait maintenir les principes que la décision dont je parle a consacrés, je devrais demander jour pour interpeller M. le ministre de l'intérieur.

(page 889) Je ne veux pas entraver les travaux de la Chambre à la fin d'une session ; et j'accepterais volontiers une remise, même à la session prochaine, à une condition toutefois, c'est que le débat que je devrai provoquer n'ait rien d'urgent.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien déclarer s'il a l'intention d'appliquer ce principe à d'autres affaires qui seraient pendantes. Dans l'affirmative, je demanderais fixation d'un jour prochain, car je ne voudrais pas que le retard apporté à mon interpellation pût avoir pour résultat l'adoption d'autres arrêtés du même genre ; dans le cas contraire, j'attendrai.

J'attendrai donc la réponse de M. le ministre de l'intérieur pour savoir si je dois insister.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'arrêté royal concernant le legs fait à la commune d'Ochamps a été, en effet, contresigné par moi. Je déclarerai à la Chambre que j'ai trouvé l'affaire entièrement instruite et que j'ai même rencontré dans le dossier des engagements formels pris par le ministère précédent. Mon intention, en signant cet arrêté, a été uniquement de décider une question de fait qui me paraissait de nature à devoir être résolue dans ce sens. Mais je puis donner à l'honorable M. Pirmez l'assurance que je n'ai voulu, en aucune façon, inaugurer par là une jurisprudence nouvelle.

C'est donc un arrêté spécial qui repose sur des considérations de fait particulières et, par conséquent, un de ces arrêtés qui ne peuvent être considérés comme inaugurant un régime quelconque.

J'espère que cette déclaration satisfera l'honorable membre. Si, plus tard, la Chambre désire que j'entre dans des détails sur le fond même de la libéralité, je serai prêt à le faire.

M. Pirmez. - Il est évident qu'en présence de la déclaration de M. le ministre je n'ai pas à insister sur ma demande.

Lorsque viendra la discussion du budget de l'intérieur, nous examinerons s'il y a lieu de discuter les principes que me paraît supposer l'arrêté, et contre lesquels ma motion d'ordre aura valeur de protestation.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics pour l’exercice 1872

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées. Bâtiments civils<

Section 5. Frais d'études et d'adjudications
Article 40bis

M. le président. - La Chambre a voté l'article 40 ; il y a lieu de mettre en discussion maintenant l'amendement de M. Simonis, qui, s'il était adopté, devrait former l'article 40 bis.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Art. 40bis. Frais de voyage d'un ou plusieurs fonctionnaires ou ingénieurs du département des travaux publics, envoyés à l'étranger pour se tenir au courant des innovations et améliorations apportées pour tout ce qui regarde les travaux publics et spécialement les chemins de fer : fr. 10,000. »

MtpM.- J'ai déjà exprimé l'avis que cet amendement, qui a pour but d'allouer un crédit de 10,000 fr. pour voyages, n'était pas nécessaire en ce moment.

Je prierai donc l'honorable membre qui l'a présenté de bien vouloir le retirer, sinon je devrai engager la Chambre à ne pas l'adopter.

Je ne pourrais faire usage du crédit.

M. le président. - L'auteur de l'amendement ne se trouvant pas ici, je dois mettre cet amendement aux voix.

- L'amendement de M. Simonis n'est pas adopté.

Section 5. Personnel des ponts et chaussées et des bâtiments civils
Article 41

« Art. 41. Traitements1 des ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées ; frais de bureau et de déplacements : fr. 707,070.

« Charge extraordinaire : fr. 10,000. »

M. le président. - La section centrale propose d'augmenter ce chiffre de 5,000 francs, ce qui le porterait à 712,070 francs.

- L'article 41, ainsi amendé, est adopté.

Article 42

« Art. 42. Traitements et indemnités des chefs de. bureau et commis, des éclusiers, pontonniers, sergents d'eau, gardes-canal et autres agents subalternes des ponts et chaussées : fr. 696,269.

« Charge extraordinaire : fr. 13,000. »

M. le président. - La section centrale a proposé une augmentation de 4,000.francs. M. le ministre des travaux publics propose de la porter à 7,200 francs. Le crédit s'élèverait ainsi à 703,469 francs pour les charges ordinaires et à 13,000 francs pour les charges extraordinaires et temporaires. Sommes-nous d'accord, M. le ministre ?

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Oui, M, le président.

- L'article 42, ainsi amendé, est adopté.

Articles 43 et 44

« Art. 43. Traitements des architectes et autres agents du service spécial des bâtiments civils : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 44. Frais des jurys d'examen et des conseils de perfectionnement ; missions des élèves ingénieurs et conducteurs de l'école spéciale du génie civil : fr. 12,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Mines

M. Van Hoorde. - Dans la discussion générale, j'ai exprimé le désir de voir les carrières, spécialement les ardoisières, assimilées aux mines proprement dites, en ce qui concerne la concessibilité. Le mot est belge, sinon français. Je ne puis me déclarer satisfait de la réponse que m'a adressée sur cet objet M. le ministre des travaux publics. Il m'a objecté, avec certaine hésitation il est vrai, qu'il y a, sans doute, des raisons de différence, mais il n'en a indiqué aucune, ce qui ne m'étonne guère, car on aurait bien du mal à en trouver une seule. Quant à moi, plus j'étudie la question, plus je rencontre de motifs à l'appui de l'uniformité de notre législation sur les exploitations souterraines et je n'en découvre pas qui s'y oppose.

Cette question, en effet, se réduit, en réalité, à savoir s'il faut que des propriétaires de quelques terrains qu'on leur payerait au double de leur valeur aient le droit de paralyser complètement une industrie qui répandrait la richesse à pleines mains dans les localités où elle végète maintenant, et où elle continuera à végéter aussi longtemps que l'état de choses actuel ne sera pas modifié, aussi longtemps qu'elle sera exposée à être arrêtée, à chaque instant, dans les couches les plus productives, et qu'elle restera dans l'impossibilité de se débarrasser des terres, des pierres et des débris de toute nature qui l'encombrent ordinairement.

Je demande donc, pour le cas où il y aurait, contrairement aux apparences, quelque objection sérieuse, de la faire connaître, de la préciser, de la livrer à l'examen et à la discussion publique ; et, s'il en est autrement, comme je le pense, que le conseil des mines et le département des travaux publics ne s'obstinent donc pas dans leur fétichisme de la loi de 1810 !

M. Houtart. - La section centrale émet le vœu que les impôts communaux établis sur les mines soient arrêtés par le gouvernement d'une manière uniforme, notamment dans le cas où le périmètre des concessions s'étend sur le territoire de plusieurs communes.

Dé nombreuses réclamations ont été faites à propos de cet impôt. Le conseil provincial du Hainaut s'en est occupé à plusieurs reprises. D'après le système actuel, c'est la commune où se trouve le siège social de la société charbonnière qui jouît seule du profit de l'impôt communal ; tandis que les communes voisines, dont le territoire est également concédé, qui fournissent une notable partie des ouvriers nécessaires à l'exploitation, qui donnent à ces ouvriers l'instruction gratuite et des secours en cas d'indigence, n'en retirent aucun profit.

La section centrale émet donc le vœu que le gouvernement répartisse le produit de ces impôts d'une manière uniforme et je joins mes sollicitations aux siennes pour que le gouvernement étudie avec la plus scrupuleuse attention cette question d'impôts, toujours délicate, de manière à traiter équitablement toutes les parties intéressées.

M. Vleminckx. - Une loi du 28 mars 1868 porte que « les associations, connues sous la dénomination de caisses communes de prévoyance en faveur des ouvriers mineurs, pourront, comme les sociétés de secours mutuels, être reconnues par le gouvernement. »

Jusqu'ici, il ne semble pas que cette loi ait reçu son exécution.

L'article 8 oblige le gouvernement à adresser un rapport détaillé aux Chambres, sur l'inexécution de cette même loi, au plus tard dans la session ordinaire de 1869-1870.

Cette communication a manqué jusqu'ici.

Pour assurer l'exécution de la loi, et donner son avis sur toutes les difficultés qui se présenteraient dans l'application, l'honorable M. Jamar avait, par un arrêté du 15 juin 1870, nommé une commission de consultation.

Pendant son passage au ministère, l'honorable M. Wasseige a adressé, sous la date du 28 mars 1871, une circulaire aux députations permanentes des provinces minières, ainsi qu'aux commissions administratives des caisses minières.

Les commissions administratives de ces caisses, au nombre de six, se sont occupées aussitôt de leurs statuts, afin de les mettre en harmonie (page 890) avec les dispositions de la loi ; elles ont convoqué des assemblées générales où les statuts modifiés ont été débattus et arrêtés, et transmis pour approbation, conformément à la loi, aux députations permanentes, et celles-ci les ont fait parvenir au département des travaux publics avec leurs observations.

L'objet de la loi de 1868 est de rendre les caisses permanentes, d'en assurer les bienfaits à la classe si nombreuse et si déshéritée des ouvriers mineurs. Les caisses réunies comptent 96,000 ouvriers mineurs qui y sont affiliés. En 1870, les recettes des caisses communes et des caisses particulières de secours se sont élevées à 2,945,948 francs ; leurs dépenses à 2,720,864 francs.

L'encaisse des caisses communes de prévoyance formant le fonds des pensions était, au 1er janvier 1871, de 5,360,547 francs. On voit quels grands intérêts se rattachent à la conservation de ces caisses. Leur établissement, qui date de trente ans, a créé des liens communs entre les patrons et leurs ouvriers ; les exploitants des mines versent dans les caisses communes un montant de cotisation égal au produit des retenues exercées sur les salaires de leurs ouvriers. Ce sont les véritables protecteurs de leurs ouvriers ; en dehors des caisses de prévoyance, ils ont créé en leur faveur des caisses d'épargne, des magasins d'approvisionnement, construit des habitations ouvrières, pourvu à l'instruction et à l'éducation des enfants de leurs ouvriers. Quelques caisses communes de prévoyance ont secondé cette tendance par l'allocation de quelques subventions votées par les assemblées générales qui en déterminent le montant.

Je demande quels sont les motifs qui arrêtent la sanction des statuts des caisses et, par conséquent, l'exécution complète de la loi du 28 mars 1868. Et dans tout état de cause, j'invite le gouvernement à ne pas tarder plus longtemps à autoriser le fonctionnement régulier d'institutions aussi utiles, fécondes en bons résultats.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Messieurs, l'honorable M. Van Hoorde insiste pour qu'on examine la question de savoir si les ardoisières peuvent être assimilées aux mines sous le rapport des concessions,

Il s'agirait d'apporter une modification à la loi de 1810. Cette loi, messieurs, est certainement une de celles qui ont été le plus méditées, et elle a reçu la sanction du temps depuis plus d'un demi-siècle. Cependant je. ne crois pas qu'elle doive faire l'objet d'un fétichisme quelconque et s'il y a des motifs de la réviser au point de vue des ardoisières, je promets à l'honorable membre d'en faire la proposition à la législature. J'ai mis la question à l'étude et j'ai même déjà reçu une partie des rapports qui doivent m'éclairer dans mes investigations.

L'honorable M. Houtart a appelé l'attention du gouvernement sur une autre question qui me paraît neuve : celle de savoir jusqu'à quel point les impôts afférents à une mine doivent profiter à toutes les communes sous le territoire desquelles est sise la concession. C'est là, messieurs, une question qui mérite une attention particulière et qui fera également, de ma part, l'objet d'un examen spécial.

L'honorable M. Vleminckx demande pourquoi les nouveaux statuts des caisses de prévoyance ne sont pas encore approuvés. Messieurs, je crois, comme l'honorable membre, qu'il y a un intérêt très sérieux à approuver ces statuts, parce que les caisses de prévoyance sont une excellente chose ; elles établissent un lien entre les patrons et les ouvriers et aussi entre tous les ouvriers eux-mêmes. S'il y a eu un retard dans l'approbation de ces statuts, c'est qu'une question de droit est venue à surgir relativement à quelques dispositions projetées.

Cette question a été soumise à mon honorable collègue de la justice et son avis vient de me parvenir. Une décision interviendra prochainement.

Première section. Personnel du conseil
Articles 45 à 47

« Art. 45. Personnel du conseil des mines. Traitements : fr. 40,810. »

- Adopté.


« Art. 46. Personnel du conseil des mines. Frais de route : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 47. Personnel du conseil des mines. Matériel : fr. 1,800. »

- Adopté.

Section 2. Personnel du corps

M. Pety de Thozée. - Messieurs, depuis 1830, avant la révolution déjà, le Luxembourg avait un arrondissement minier, bien que l'industrie, privée de moyens de transports convenables, y fût beaucoup moins développée qu'aujourd'hui. Deux fonctionnaires résidaient dans la province : un ingénieur principal à Arlon, un conducteur ou un sous-ingénieur, soit à Marche, soit à Bastogne.

Pour des motifs de convenances personnelles, l'ingénieur principal obtint, en 1859, la faveur de transporter provisoirement ses pénates et son bureau à Namur.

L'ingénieur principal du Luxembourg, devenu Namurois et étranger à notre province, joua bientôt le rôle de la cinquième roue du fourgon administratif.

En décembre 1865, il fut congédié ; son traitement ainsi que les frais de route et de bureau furent appliqués à la province de Hainaut, pour créer un nouvel ingénieur principal à Mons. Namur eut aussi une part du gâteau luxembourgeois ; les émoluments de l'ingénieur principal furent augmentés et les archives du Luxembourg annexées aux archives de Namur. Notre province ne fut plus qu'un district minier, ressortissant à l'arrondissement de Namur. Elle conserva un seul fonctionnaire, un ingénieur ordinaire.

Aujourd'hui, le Luxembourg n'a plus de représentant autorisé du corps des mines, pour renseigner vite, et bien le gouverneur et la députation permanente, sur des matières spéciales et peu connues. Les indemnités pour les tournées nécessaires et les frais de bureau sont insuffisants. Les documents qu'il faudrait avoir sous la main, pour les consulter tous les jours, sont enfouis dans un bureau, à trente lieues du chef-lieu de la province. Les requêtes adressées au gouverneur sont retournées à l'ingénieur en chef de Liège, qui les repasse à l'ingénieur principal de Namur, lequel les expédie à l'ingénieur ordinaire d'Arlon.

Celui-ci fait rapport à son chef de Namur, qui recopie ce travail et l'envoie à l'ingénieur en chef de Liège avec un autre rapport de sa façon ; après quoi, l'ingénieur en chef de Liège répond au gouverneur en lui adressant les copies des deux rapports de ses subordonnés jointes à ses propres observations. Le gouverneur reçoit enfin trois réponses, parfois contradictoires, au lieu d'une qu'il lui fallait. Cependant il ne connaît pas ces matières et réglementairement il ne peut interroger l'ingénieur d'Arlon, son voisin, pour sortir d'embarras.

Ne peut-on se demander enfin, messieurs, si les avis émis par les fonctionnaires de Namur et de Liège sont toujours dictés par les vrais intérêts du Luxembourg ? Au détriment des besoins de l'industrie, des oppositions étranges ne peuvent-elles s'élever contre la concession de mines, l'établissement d'appareils à vapeur, etc. ? On ajourne, les réformes les meilleures, réclamées par les principaux exploitants et par plusieurs membres de cette Chambre, notamment la révision de la loi surannée du 21 avril 1810, pour protéger les ardoisières et introduire dans notre législation minière diverses améliorations dont vient de vous a entretenir mon honorable collègue et ami, M. Van Hoorde.

Pour arrêter tous ces abus, nous demandons avec confiance le retrait de la mesure déplorable qui a frappé notre province en 1865. Nous ne doutons pas qu'après avoir étudié sérieusement cette question, l'honorable ministre des travaux publics décrétera le rétablissement de l'arrondissement minier du Luxembourg.

M. Bouvier. - Je viens appuyer les observations de l'honorable préopinant. Il est impossible que l'on maintienne l'état de choses qu'il vient de désigner avec des détails tels, qu'il est inutile que j'insiste.

Je demande donc à M. le ministre des travaux publics de prendre en sérieuse considération les observations qui viennent de lui être présentées et surtout de prendre des mesures pour qu'il y soit fait droit.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Messieurs, je ne refuse pas d'examiner la question qui vient d'être soulevée. Je dois faire remarquer cependant qu'à ma connaissance le service des mines n'a nullement souffert dans le Luxembourg depuis que l'ingénieur principal chargé de ce service réside à Namur.

Il existe, dans le Luxembourg, des concessions de mines qui sont considérables au point de vue de leur périmètre ; ainsi, j'en connais qui embrassent une superficie de 9,000 hectares ; mais, en somme, le nombre total des concessions est peu important.

Et si le Luxembourg renferme des exploitations de mines de quelque étendue, ce sont des exploitations à ciel ouvert.

Je ne sache pas que le service ait grandement souffert, depuis qu'il y a eu des modifications dans l'organisation du personnel de cette province. Du reste, comme je l'ai dit, la question fera l'objet d'un examen.

- La discussion est close.

Articles 48 à 50

« Art. 48. Traitements et indemnités du personnel du corps des mines et traitements des expéditionnaires employés par les ingénieurs : fr. 224,000. »

- Adopté.


« Art. 49. Frais des jurys d'examen, des conseils de (page 891) perfectionnement, et missions des élèves ingénieurs de l'école spéciale des mines : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 50. Confection de la carte générale des mines ; charge extraordinaire : fr. 15,000. »

- Adopté.

Section 3. Caisses de prévoyance
Article 51

« Art. 51, Subsides aux caisses de prévoyance et récompenses aux personnes qui se distinguent par des actes de dévouement : fr. 45,000. »

- Adopté,

Section 5. Impressions, etc.
Article 52

« Art. 52. Impressions, achats de livres, de cartes et d'instruments ; publications de documents statistiques ; encouragements et subventions ; essais et expérience : fr. 7,000. »

- Adopté.

Chapitre IV : Chemins de fer, postes et télégraphes

M. le président. - La Chambre passe au chapitre IV : Chemins de fer, postes et télégraphes.

La discussion générale est ouverte sur le chapitre IV.

M. de Smet. - Messieurs, je crois devoir engager MM. les ministres des travaux publics et des finances à solliciter de la législature tous les fonds nécessaires pour mettre notre réseau de chemins de fer en rapport avec l'importance toujours croissante de son trafic, en présence surtout de la question de reprise de quelques-unes des principales lignes concédées, pour pouvoir faire face au redoublement d'activité qui en sera la conséquence naturelle et immédiate.

Pour atteindre ce but, il y aura lieu d'établir, dans les stations, des voies de garage qui permettent de faire des manœuvres à l'intérieur des stations sans entraves, en mettant, dans les voies secondaires, tout le matériel roulant qui n'est pas de nécessité dans la journée, ce qui permet évidemment d'en faire le triage, la décomposition et la recomposition des trains sur les voies principales et de faire partir immédiatement tout ce qui doit être réexpédié sans retard.

Pour les stations importantes du réseau, il faut plus que des voies de garage, il faut un emplacement à proximité, espèce de station de dégagement pour évacuer tout le matériel qui peut gêner les manœuvres des stations, comme cela se trouve déjà établi à Meirelbeke, aux abords de la station de Gand.

A cette occasion, j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité d'ouvrir cette station nouvelle de Meirelbeke au service des voyageurs, à cause de l'importance qu'elle est destinée à acquérir par la bifurcation du chemin de fer de ceinture et les besoins des populations des communes environnantes de Meirelbeke, Heusden et Melle. Par dépêche du 15 juin 1871, 4ème direction, E n°654 et n°18,052 de sortie, son honorable prédécesseur, M. Wasseige, a fait connaître aux intéressés les intentions de son département d'organiser à la station de Meirelbeke non seulement un service de marchandises, mais aussi un service de voyageurs aussitôt que les chemins aboutissant à cette station seront pavés ou empierrés. Or, le pont sur l'Escaut à Heusden et l'embranchement vers la grande route de Bruxelles étant terminés depuis longtemps et continués jusqu'au territoire de Meirelbeke, rien ne s'oppose plus maintenant aux installations nécessaires pour le service des marchandises et des voyageurs dans cette station.

Une autre localité, tout aussi importante que celle qui précède, la commune de Ledeberg, sur la ligne de Meirelbeke à Gand, au point de jonction du chemin de fer de ceinture, s'est adressée au département des travaux publics pour obtenir une halte.

Cette commune, limitrophe de la ville de Gand, comprend plus de 8,000 habitants.

Il est généralement reconnu que, par suite de l'exiguïté de nos stations, l'espace manque partout, au point que les waggons refoulés sur les quelques voies dont on dispose s'y trouvent entassés pêle-mêle et que les manœuvres pour les retirer sont tellement laborieuses que, à l'époque des grands transports ou par une circonstance imprévue, des waggons qui auraient pu et dû être réexpédiés dans les vingt-quatre heures y séjournent huit jours et au delà.

On peut dire, sans exagération, que toutes les stations doivent être agrandies et que quelques-unes d'entre elles devront être doublées dans un avenir prochain.

La gêne produite par le manque d'espace est de tous les instants et pèse sur toutes les opérations de l'exploitation ; ce n'est pas au milieu de l'été que l'on peut s'en rendre compte, mais bien en février, mars et avril et à la fin de l'automne jusqu'en janvier, alors que toutes les expéditions industrielles, commerciales et agricoles arrivent simultanément.

A cette époque, on a vu dans nos grandes stations, alors que le matériel y était en quantité suffisante, les expéditions entièrement arrêtées ou suspendues, faute de pouvoir faire les manœuvres nécessaires pour la composition des trains.

Quant au matériel roulant, l'insuffisance en a déjà été suffisamment démontrée dans cette Chambre, au Sénat, dans les journaux et par les réclamations qui ont surgi sur tous les points du pays de la part du commerce et de l'industrie. Il est donc avéré que le matériel roulant ne répond pas aux besoins du commerce et de l'industrie en toutes circonstances.

Faut-il augmenter le nombre de waggons de manière à pouvoir satisfaire tous les intérêts dans les circonstances les plus critiques ? S'il en était ainsi, une grande partie des capitaux absorbés par ce matériel nouveau resteront sans doute improductifs pendant une partie notable de l'année.

C'est là une considération qui mérite un examen approfondi.

Louer le matériel en temps de crise me paraîtrait une mesure sage et économique puisqu'on ne paye le surplus de matériel que pour le temps où il rapporte. Mais sera-t-on toujours à même de le trouver ? Tout porte à croire que non.

La société des Bassins houillers, dont l'Etat a repris une grande partie de ses lignes et de son matériel, louait son matériel à toutes les exploitations qui lui en réclamaient, ainsi qu'il résulte de son compte rendu de l'année 1870.

Ne pourrait-on donc pas favoriser une société qui se formerait dans le but de venir en aide aux chemins de fer en temps de crise ?

Si l'on n'y parvenait pas, il faudrait certainement permettre aux exploitants de l'industrie de construire au moins une partie du matériel qui leur est nécessaire sur le modèle du matériel de l'Etat et de le laisser circuler sur notre réseau moyennant une réductions tarif qu'il ne serait pas difficile d'établir tout en augmentant partiellement notre propre matériel.

Cette mesure, combinée avec des moyens d'action plus actifs pour la réparation de notre matériel, pourrait, sinon empêcher entièrement les embarras que nous éprouvons à l'époque des grands transports, les atténuer dans une large proportion.

Je me demande si nos ateliers de réparation répondent à l'activité de travail qui doit résulter de la reprise du matériel de la Société générale d'exploitation se composant d'environ 157 locomotives, 322 voitures à voyageurs et 7,982 waggons à marchandises, soit donc 157 locomotives en plus sur les 412 que nous possédions à cette époque et 8,300 voitures et waggons formant avec notre matériel un effectif d'environ 23,000 voitures et waggons.

N'y aurait-il donc pas lieu de pousser vigoureusement à l'installation de nouveaux et spéciaux ateliers non seulement à l'arsenal de Malines, mais encore dans d'autres lieux ou stations, là surtout où la circulation du matériel justifierait cette mesure, et sur les lignes où certaines espèces de matériel sont plus particulièrement en usage.

Le matériel d'exploitation pour l'embarquement et le débarquement des marchandises devrait également être mis en rapport avec l'extension du trafic et les rampes de chargement et de déchargement ne. doivent faire défaut nulle part, là, bien entendu, où le mouvement commercial les justifie plus ou moins.

Les approvisionnements en général, tels que les matériaux, pièces de rechange, matières et objets de toute nature ne doivent jamais faire défaut nulle part ni à aucune époque de l'année, de manière à pouvoir parer aux besoins de tous les instants.

Il paraît que, depuis plusieurs mois, on manque un peu de tout, on marche forcément au jour le jour, au point que l'administration doit mettre en œuvre des bois verts faute de bois secs, comme mon honorable collègue, M. Beeckman, nous l'a déjà fait entrevoir dans cette Chambre.

Ce n'est pas d'hier que les objets de toute première nécessité ont manqué constamment et dans les circonstances les plus critiques ; il faut remonter à plusieurs années pour trouver la cause première de l'état d'appauvrissement où se trouvent aujourd'hui les magasins de l'administration.

Il est donc plus que temps de mettre un terme à un état de choses qui ne s'est que trop prolongé et qui constitue une source d'embarras et de dangers de tous les instants.

J'ai été informé que des études sérieuses se font actuellement pour des demandes en concession dans les Flandres, ayant pour but l'établissement de tramways dans certaines localités déshéritées de chemins de fer, entre autres de Deynze par Nevele, Landegem et Meerendré à Somergem, et de Thielt par Ruysselede, Loo-ten-Hulle, Aeltre et Ursel à Eecloo.

Ces nouveaux moyens de transport deviendront des affluents vers le chemin de fer de l'Etat dont ils contribueront à augmenter le trafic.

(page 892) Je prie donc M. le ministre de vouloir, dans l'intérêt de ces localités, favoriser l’établissement de ces voies si des demandes en concession lui étaient adressées.

L'honorable M. Cruyt a réclamé en faveur de la commune de Somergem un bureau télégraphique. J'appuie cette demande et engage M. le ministre à étendre, dans un délai rapproché, les communications télégraphiques à tous les chefs-lieux de cantons.

M. de Kerckhove. - Messieurs, le gouvernement nous a demandé, l'année dernière, un crédit de 500,000 francs pour commencer l'exécution du plan qu'il venait d'adopter pour l'agrandissement et la transformation de la station de Matines.

Je suppose, je suis même convaincu, que les intentions du gouvernement n'ont pas changé ; mais je regrette de devoir dire qu'il ne paraît pas fort pressé de les réaliser ; en effet, j'ai beau regarder, je ne vois pas qu'on ait, jusqu'ici, commencé le moindre travail d'agrandissement ou de transformation dans la station de Malines.

En attendant qu'on s'y mette, nous sommes plus encombrés que jamais ; la station commerciale, dont j'avais signalé, l'année dernière, tous les inconvénients, reste, à peu de chose près, ce qu'elle était alors ; enfin, la petite station qui a été si souvent réclamée pour le commerce de bétail de Neckerspoel ne se construit pas.

Je sais bien que tout cela se trouve dans le beau plan dont je viens de parler et que tout Malines a admiré avec moi ; je sais aussi que le gouvernement est engagé envers nous et qu'il ne peut pas ne point réaliser son plan. Mais quand ? Voilà la question.

Je voudrais que, pour y répondre, on entamât sérieusement la besogne ; que l'on commençât à travailler pour Malines comme on travaille pour d'autres villes.

Je fait dit l'année dernière,, et je dois le répéter, il est temps que la station de Malines sorte enfin du détestable provisoire où elle se trouve depuis l'origine de nos chemins de fer, depuis quarante ans ! Malines a évidemment, sous ce rapport, un droit de priorité sur la plupart des autres villes.

J'espère que l'honorable ministre des travaux publics ne se refusera pas à le reconnaître et qu'il agira en conséquence.

Puisque je parle stations, je me permettrai de recommander également à l'honorable ministre celle de Duffel. Il y a dans cette localité un mouvement industriel sérieux qui se développe de jour en jour. Depuis quelques années, plusieurs fabriques s'y sont établies, et de là résultent de nombreuses expéditions dont le chemin de fer et le trésor profitent largement, mais qui se font très péniblement pour les industriels, à cause de l'exiguïté de la station et de l'insuffisance des aménagements.

Il serait juste que le gouvernement tînt compte de cette situation et qu'il s'occupât de doter sans retard la station de Duffel des améliorations que cette commune a si souvent réclamées.

Il y a longtemps aussi qu'on sollicite pour Wavre-Sainte-Catherine une voie d'évitement.

Cette localité n'a pas sans doute le mouvement et l'activité de Duffel ; pourtant, c'est un point assez important pour l'expédition de nos produits agricoles, Et puis, ce que nous demandons est bien modeste : l'honorable ministre serait trop rigoureux s'il nous refusait cette satisfaction.

A propos de chemins de fer, je me permettrai de rappeler à M. le ministre deux lignes d'une grande importance pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter. D'abord, la ligne à créer entre Malines et Aerschot.

La Chambre n'ignore pas que, depuis dix ans, plusieurs demandes sérieuses de concession ont été présentées pour cette ligne, et mon honorable ami, M, Wouters, est encore revenu sur cette question il y a quelques jours, avec une insistance dont je dois le remercier.

Il serait temps que le gouvernement voulût bien prendre une décision. Non seulement il y a là des intérêts engagés, mais il y a de grandes espérances à concevoir pour le succès de cette ligne ; et le nombre même des demandes de concession suffit à prouver que la ligne doit être considérée comme bonne.

Du reste, l'administration communale de Malines a, dans ces derniers temps, joint ses instances à celles de toutes les localités que le chemin de fer en question est appelé à traverser.

Je me permettrai aussi de rappeler à M. le ministre le chemin de fer à petit écartement entre Malines, Heyst-op-den-Berg et Herenthals, chemin que j'ai déjà eu l'honneur de lui recommander.

Je ne puis, d'ailleurs, me dispenser de remercier M. le ministre de la bienveillance avec laquelle il a accueilli ma recommandation ; seulement, je serais heureux que cette bienveillance fit un pas de plus et allât jusqu'à accorder, sans plus de retard, la concession demandée.

Je termine par un vœu, et ce vœu doit, je pense, obtenir l'assentiment de tous les hommes qui s'intéressent à la prospérité du pays. Je viens de parler du chemin de fer à petit écartement que j'ai recommandé à M. le ministre des travaux publics, c'est-à-dire d'un véritable chemin vicinal.

L'établissement d'une pareille voie de communication constitue un progrès que personne ne contestera. Ce progrès, je voudrais le voir s'étendre et se populariser dans la Belgique entière ; seulement, comme en toute chose, il faut, si l'on veut réussir, rester dans les limites du possible ; on se verra souvent arrêté par la question des frais, et il faudra, dans la plupart des cas, se contenter d'un chemin de fer américain. Mais ce serait déjà beaucoup pour une foule de localités qui sortiraient ainsi de leur isolement. Or, ce sont précisément celles-là qui, en général, ont le plus besoin d'être aidées.

Je demanderai donc à l'honorable ministre des travaux publics de vouloir inscrire à son budget de l'année prochaine un crédit spécial destiné à favoriser, dans toutes les parties du pays, l'établissement de chemins de fer américains.

Je crois n'avoir pas besoin de démontrer l'utilité d'une pareille mesure ; il est évident que ce serait de l'argent bien placé et que le trésor serait le premier à profiter de l'établissement de ces chemins ; car ils créeraient des affluents précieux pour les lignes de l'Etat. Et, messieurs, quant au commerce, les avantages qu'il en retirerait sont tellement manifestes qu'il est parfaitement inutile d'en parler. Je n'en dirai donc pas davantage.

M. de Dorlodot. - Il fallait deux ans pour construire la ligne de Bruxelles à Châtelineau par Luttre, et le département des travaux publics mettra six ou huit ans pour la construction de cette ligne qui, lorsqu'elle sera terminée, manquera probablement encore de matériel.

Je ne voterai pas encore cette année le budget des travaux publics, parce que M. le ministre nous refuse tout ce que nous lui demandons, même les choses les plus justes.

Les ouvriers qui ont le malheur de devoir travailler le dimanche payent leur parcours plus cher que pendant la semaine, cependant les hauts fourneaux et les verreries ne peuvent pas chômer pendant les jours de fête.

Si M. le ministre persiste dans cette résolution arbitraire, je le préviens que je crains une grève.

Dans quelques mois, nous aurons encore, comme l'année dernière, une désorganisation dans les chemins de fer, parce que l'on ne prévoit pas les besoins des sucreries et que l'on ne fait pas rentrer les waggons qui sont à l'étranger.

(page 899) L'honorable membre, M. de Dorlodot, vient de faire une déclaration que je ne puis accepter.

Qu'il me soit permis d'y répondre quelques mots. Il a dit que les ouvriers qui ont le malheur de devoir travailler le dimanche payent leur parcours plus cher que pendant la semaine et que cependant les hauts-fourneaux et les verreries ne peuvent chômer les jours de fêtes.

L'honorable préopinant se trompe en ce qui touche les verreries. Son observation ne saurait être générale ; la preuve, c'est que les verreries de Namur chôment les dimanches et les jours de fêtes et que la manufacture de glaces de Floreffe fait de même. Je crois que les verreries dépendant de Sainte-Marie-d'Oignies ne travaillent pas non plus les jours fériés.

Maintenant j'aurai l'honneur de présenter à M. le ministre des travaux publics quelques observations sur le chapitre IV du budget.

La station de Namur est, comme on le sait, le point de convergence de cinq lignes importantes.

Cette situation exceptionnelle exige que l'on cherche, par tous les moyens possibles, à faciliter les manœuvres des trains.

A un point de vue général, des plaintes nombreuses se sont produites depuis quelques années sur le mode d'exploitation des chemins de fer.

Mais l'on n'a pas assez remarqué que les mesures qu'il convient de prendre consistent plutôt à augmenter le nombre des voies destinées au service intérieur des stations qu'à augmenter le matériel ; généralement c'est vrai, mais surtout évident, lorsque l'on considère la situation particulière de la station de Namur.

Les manœuvres y sont excessivement compliquées et difficiles par suite des dispositions à l'entrée et à la sortie de la gare, et du peu de développement des voies de garage.

Je puis affirmer qu'il est arrivé déjà que des waggons sont restés dix jours à manœuvrer, sans pouvoir être mis en place pour le déchargement.

Ce fait est assurément très étrange, mais il n'est que trop exact. Des waggons ne faisant que passer à la station sont restés colloques indéfiniment.

Le service régulier des abonnements, service si utile à l'industrie et notamment à l'industrie charbonnière, est devenu presque impossible.

Les waggons plaqués ne pouvant être placés pour le déchargement et conséquemment déchargés dans le temps prescrit, il faut les remplacer par des waggons non plaqués qui ne remplissent plus le but de l'abonnement. Ces waggons, en effet, ne présentant plus le caractère du service particulier d'abonnement, sont souvent employés et pris sur le parcours pour d'autres besoins que ceux auxquels ils étaient destinés.

Ces difficultés dans la manœuvre et le déchargement, créent non seulement des retards, mais rendent stérile une bonne partie du matériel.

Les industries locales sont, dès lors, mal approvisionnées.

Elles ne peuvent obtenir, suivant leurs besoins, les waggons vides destinés au chargement de leurs produits, ce qui est la source de pertes et de dommages notables.

Mais critiquer n'est rien : je veux essayer de dire, en quelques mots, quels seraient, selon moi, les moyens de modifier cet état des choses dans la station de Namur :

Des travaux d'appropriation et d'agrandissement sont indispensables.

L'entrée et la sortie de la station sont trop étroites.

II faudrait élargir les ponts (viaducs) de la Sainte-Croix et de la route de Louvain, de manière à faire passer, sous chacun d'eux, un plus grand nombre de voies.

Des travaux ont déjà été exécutés du côté de la Meuse ; plusieurs voies nouvelles de garage y sont établies, et ces travaux, c'est une justice à rendre à l'administration, ont marché rondement.

Mais il est utile de les compléter. Il faudrait prolonger les voies de l'autre côté des voies principales du chemin de fer de Namur à Liège.

Les travaux d'agrandissement du côté de l'ancien cimetière sont entrepris. Il est à désirer qu'ils soient poussés activement.

Une pétition, signée d'industriels et de commerçants de Namur, a été adressée, il y a quelque temps, au département des travaux publics pour obtenir le rétablissement de la station de la Meuse, ou plutôt l’établissement d'une station de chargement et déchargement vers la Meuse.

Je forme le vœu que satisfaction soit donnée aux pétitionnaire».

Il en résulterait des facilités considérables pour le commerce et l'industrie et, ce qui est d'une importance énorme, un dégagement de la station principale.

Il avait été question de frapper d'une taxe supplémentaire les marchandises qui seraient chargées ou déchargées à la station de la Meuse.

Cette taxe ne saurait se justifier, puisque, en fait, la mesure que je réclame n'entraînerait aucune charge pour l'Etat, et que bien au contraire, cette mesure créerait une facilité pour l'exploitation de la station de Namur proprement dite.

Il existe, dans l'un des faubourgs de Namur, à Herbatte, un passage à niveau, sur le chemin de fer de Liège. Cinquante convois, au moins, passent journellement en cet endroit.

Or, plus de 1,500 ouvriers parmi lesquels on compte 200 enfants sont forcés de traverser, plusieurs fois par jour, ce passage à niveau.

Des accidents sérieux sont à redouter.

Il y aurait un moyen bien simple de les prévenir.

Ce serait l'établissement d'une passerelle. Je demande instamment que cette mesure soit prise sans retard, et je dégage dès à présent ma responsabilité des accidents qui pourraient arriver. Cette responsabilité je la laisse au gouvernement, s'il ne prend la mesure que je réclame.

Depuis environ trois mois, des inconvénients sérieux pèsent sur l'industrie chaufournière, dont la haute importance est connue à Namur. Malgré des réclamations, sans cesse réitérées, présentées à la station de Namur, il a été à peine possible d'obtenir des waggons en chargement pour les deux tiers de la production de cette industrie. De là des pertes considérables ; et, ce qui est plus sérieux encore, la dépréciation pour l'avenir de l'industrie chaufournière de notre province. Ce fait mérite toute l'attention de M. le ministre des travaux publics.

Si quelques dépenses doivent résulter des mesures dont je réclame l'exécution, ces dépenses se justifient aisément.

Depuis 1815, la ville de Namur est frappée de servitudes militaires. C'est là une charge considérable que d'autres villes n'ont pas eu à supporter. Namur peut donc revendiquer une compensation, et je demanderai à l'honorable ministre des finances de vouloir bien ne pas oublier, à ce propos, les légitimes réclamations qui lui ont été présentées par le conseil communal de Namur, pour la reconstruction des casernes de cette ville.

J'ai eu l'honneur dé vous parler longuement de la station de Namur ; un mot maintenant sur celle de Tamines :

Celle-ci est, comme celle de Namur, absolument trop exiguë.

Quatre-vingt-cinq trains traversent, chaque jour, cette station.

Les manœuvres deviennent de plus en plus difficiles, et entravent, à chaque instant, la circulation sur la route de Ligny à Denée et dans la rue principale de Tamines.

Le gouvernement devrait, ce me semble, prendre des mesures définitives en ce qui concerne la station de Tamines et non des demi-mesures, contre lesquelles il faudrait bientôt réclamer encore.

L'administration communale de Tamines et les habitants de cette commune importante, ont souvent pétitionné pour obtenir une solution favorable, et j'espère que M. le ministre des travaux publics ne tardera pas à la leur accorder.

Je quitte les stations de chemins de fer, pour me lancer en pleine voie. Je voudrais voir l'Entre-Sambre-et-Meuse en possession du chemin de fer dont il attend l'exécution depuis tant d'années.

Ce chemin de fer est concédé.

Si, contre toute attente, la compagnie concessionnaire ne remplit point ses engagements, je demanderai la construction de cette ligne par l'Etat. Pour ne pas abuser des instants de la Chambre, je la prie de me (page 900) permettre d'insérer an Moniteur, les considérations de nature à démontrer l'opportunité et l'utilité de doter enfin la belle et riche contrée de l'Entre-Sambre-et-Meuse du chemin de fer dont elle attend un accroissement de prospérité.

Note de M. Royer de Behr sur le chemin de fer de Gembloux à la Meuse

Le chemin de fer tel qu'il est concédé prend son point de départ dans le bassin houiller de la basse Sambre, dont les produits pénètrent difficilement aujourd'hui dans une grande partie de l'Entre-Sambre-et-Meuse. Il traverse une contrée richement dotée en produits minéraux. Mais les mines de fer sont la plupart inexploitées, parce qu'elles ne peuvent être transportées économiquement. De là, des richesses considérables ne sont point utilisées et de nombreux ouvriers se voient forcés de s'expatrier pour trouver de l'ouvrage.

Les carrières sont nombreuses et sont exploitées sur tout le parcours de la ligne projetée.

Le marbre se rencontre dans une foule de localités, particulièrement à Biesme et à Denée. Les seules carrières de Biesme occupent actuellement plus de 600 ouvriers et celles de Dénée ne sont pis de beaucoup inférieures.

A Biesme, on remarque une fonderie de fer en activité, dans d'autres localités des établissements chôment, faute d'avoir à leur portée des moyens de transport faciles et économiques.

A Tamines existent deux établissements savoir : un charbonnage produisant journellement et en moyenne 3,000 hectolitres, et à peu de distance de la station de l'Etat, les vastes usines de Sainte-Marie-d'Oignies, occupant plus de 900 ouvriers.

A Auvelais se trouvent deux grands charbonnages, Aisemont et Saint-Roch, dont l'exploitation fournit au delà de 7,000 hectolitres par jour ; les charbonnages de Jemeppe et de Falisolle sont en pleine activité, ainsi que la fabrique de produits chimiques d'Auvelais.

À ces diverses productions, qui alimenteraient le chemin de fer, il faut ajouter les bois, les grains, la chaux et les marchandises de toute espèce.

La ville de Fosse, enfin, possède sept tanneries, une savonnerie, une saunerie, trois brasseries et six moulins à farine.

(page 892) M. Defuisseaux. - Je ne parlerai pas à M. le ministre des travaux publics du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath, ni de celui de Saint. Ghislain à Erbisœul ,me promettant de présenter les observations que j'ai à faire sur cet important travail lors de la discussion de cet objet, qui figure à notre ordre du jour.

Je ne lui demanderai pas beaucoup de choses pour l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter spécialement dans cette enceinte. Ma principale demande a trait à l'achèvement de l'importante station de Quaregnon. L'année dernière, j'ai demandé l'achèvement de cette gare, à laquelle il manque peu de chose pour être complètement aménagée.

Je ne sais vraiment pourquoi les travaux sont restés depuis lors au même point. Cette station est très importante au point de vue de l'immense trafic dont Quaregnon est le centre dans le Borinage.

Je dois faire connaître à la Chambre et spécialement à M. le ministre la façon dont on a concédé à un entrepreneur, pour un chiffre excessivement minime, le transport des charbons par camionnage entre le rivage où il doit être embarqué et l'endroit où ils sont conduits par le chemin de fer. Vous savez qu'en pareille matière l'adjudication publique doit être la règle et que ce n'est que dans des cas excessivement rares et qui doivent être fortement motivés que l'on peut traiter de la main à la main.

Je dois d'abord une explication sur ce que j'entends par ces transports. Les charbons que l'on conduit des fosses d'extraction au canal de Mons à Condé, pour y être embarqués, sont traînés dans de petits waggons, par des locomotives, jusque près des quais d'embarquement ; là ils sont pris par des chevaux qui vont les déposer près de la digue du canal, s'il s'agit d'un chargement immédiat, ou bien près des tas qu'on y élève, le long des rivages, quand on est obligé de mettre la marchandise en stock.

L'Etat, ne voulant plus entrer dans les détails de cette traction par chevaux, a cédé ce service moyennant le prix de 10 centimes par tonne.

Or, messieurs, il est constaté que l'Etat, qui a fait lui-même ce service de traction pendant plusieurs années, n'a jamais dépensé plus de 4 1/2 centimes à 6 centimes ; jamais elle n'a excédé 6 centimes ; jamais elle n'est descendue au-dessous de 4 1/2 centimes.

(page 893) Il y a donc une perte évidente, très sérieuse pour le trésor par suite de cette concession qui a été donnée de la main a la main, contrairement, d’ailleurs, aux principes généraux.

De plus, cette concession s'est enrichie de l'abandon de trente-huit chevaux en très bon état, de harnais, de fourrages, d'écuries, etc., valant au moins 80,000 à 100,000 francs ; tout cela, messieurs, a été livré au concessionnaire qui, en échange, n'a donné qu'une garantie de 20,000 francs. Un inventaire a été dressé lors de la livraison ; un autre sera dressé dans dix ans ; mais si, comme cela est fort probable, tous ces objets se trouvent fortement endommagés, l'Etat se trouvera en présence d'un cautionnement de 20,000 francs pour une valeur, livrée par lui, d'une centaine de mille francs. Messieurs, il me reste à prouver combien l'entrepreneur peut gagner en faisant ce trafic.

Je puise mes renseignements dans un document officiel dont personne ne récusera l'authenticité.

Je parle du rapport de la chambre de commerce de Mons de 1867, signé par notre honorable collègue, M. Sainctelette, qui, il vous l'assure lui-même, tenait ses renseignements du chemin de fer.

Les tableaux 44 et 45, annexés au rapport dont je parle, portent dans leur première colonne que le chemin de fer du Flénu a transporté au rivage 1,174,681 tonnes et le chemin de fer de Saint-Ghislain 309,638 tonnes ; total 1,484,310 tonnes ; mais un plan incliné desservant les houillères du Levant du Flénu et la traction y étant faite par cette société, il y a lieu de déduire la quantité transportée aux rivages de cette compagnie, soit 258,988 tonnes pour le Levant et le Haut-Flénu, de manière qu'il reste 1,225,331 tonnes produisant un bénéfice net d'au moins 4 centimes, soit cinquante mille francs tous les ans.

Il est également avéré, messieurs, que plusieurs directeurs dé charbonnages, si on avait eu recours au système des soumissions, auraient soumissionné à 30,000 et à 35,000 francs en dessous des prix auxquels le département des travaux publics a donné la concession.

On ne me dira pas, messieurs, que la personnalité de celui qui doit faire ce trafic à une importance. Moyennant un bon cautionnement, la traction, qui est une chose matérielle, peut être assurée par l’un comme par l'autre et elle doit se faire aux meilleures conditions possibles pour le trésor.

Le trésor à donc perdu environ 50,000 francs par an, soit un demi-million pour dix ans.

Si M. le ministre pouvait faire gagner au trésor un demi-million, le temps de la Chambre ne serait pas perdu.

M. Delaet. - Messieurs, je ne profiterai pas de l'espèce de discussion générale qui vient de s'ouvrir, pour parler d'un chemin de fer qui intéresse au plus haut point Anvers et la Belgique tout entière : le chemin de fer de Gladbach. Il est de toute évidence que si la Belgique tient à sauvegarder ses intérêts commerciaux, ce chemin de fer doit être exécuté dans lé plus bref délai possible et récemment, à l'occasion de la prolongation dé concession, le gouvernement s'est engagé à négocier directement avec le gouvernement hollandais et à apporter à cette négociation tout le zèle, toute l'activité et toute l'énergie nécessaires.

Nous comprenons qu'au bout de deux mois le gouvernement ne peut pas avoir abouti ; par conséquent, nous attendrons l'ouverture de la session prochaine, pour interpeller à ce sujet le gouvernement au nom de la ville d'Anvers. Nous espérons qu'il aura abouti avant la fin de 1872.

Je veux entretenir, en ce moment, M. le ministre des travaux publics de chemins de fer moins importants à certains points de vue, mais qui ont pourtant une importance réelle.

Je tiens ici le compte rendu fait récemment par le gouvernement sur la situation des travaux à exécuter par la société des chemins des Bassins houillers du Hainaut aux termes et dans les délais fixés par l'arrêté royal du 30 novembre 1870 et par l'arrêté ministériel du 11 janvier 1871. J'y vois inscrit entre autres : « Embranchement partant de la station de Boom (de la ligne d'Anvers à Tournai) et s'étendant le long de la rive droite du Rupel, entre Rumpst, Niel ou Schelle. »

D'après les arrêtés dont je viens de citer les dates, ce chemin de fer devait être commencé au plus tard le 1er juillet 1872, pour être terminé le 1er juillet 1874. Et, dans la colonne des renseignements je trouve : « La société ne s'est pas encore occupée de ces chemins de fer. »

Ce renseignement, messieurs, si fâcheux qu'il soif, est très exact. La société s'était occupée, il est vrai, il y a quelque temps de ce chemin de fer en faisant les expropriations entre Vieux-Dieu et Contich, mais ces parcelles expropriées sont aujourd'hui livrées de nouveau à l'agriculture et elles sont emblavées ; elles portent des récoltes futures et pas la moindre trace de l’intention d'y établir un chemin de fer.

Pourtant, le centre de Boom, avec les communes de Niel, de Schelle et de Rumpst, est certainement un des plus industriels de la Belgique. C'est un canton briquetier, et les transports entre Boom et les diverses parties du pays, Anvers surtout, sont très considérables. Il y a des transports de charbon, des transports de briques, des transports de toute nature.

Je désire donc savoir si M. le ministre tiendra la main à l'exécution de l'arrêté royal et de l'arrêté ministériel, s'il invitera la société des Bassins houillers à remplir les devoirs qui lui ont été imposés par ces arrêtés et que, naturellement, elle a acceptés lors de la convention faite avec l'Etat.

Cette question, messieurs, est sans doute très importante. Il en est pourtant une autre, qui l'est davantage. S'il y a un retard dans l'établissement de la section d'Anvers à Boom, pour le chemin de fer d'Anvers à Douai, il n'y a là qu'un inconvénient que le gouvernement peut faire cesser quand il le voudra, Je sais qu'il a le pouvoir de bien faire, j'espère qu'il en aura la volonté.

Mais il est un autre chemin de fer d'Anvers à Woensdrecht que, par une loi de 1870, le gouvernement à été autorisé à concéder, et qui devait traverser les terres les plus riches et les plus fertiles de nos polders. Il devait desservir entre autres les villages et les polders d'Astruweel, de Wilmarsdonck, de Stabroeck, d'Oorderen, de Beirendrecht, de Lillo et de Santvliet.

Ce chemin de fer pourtant ne pouvait guère se faire sans l'assentiment du Grand-Central, qui, chose assez étrange, possède à lui tout seul une sortie d'Anvers, là clef d'une porte d'Anvers, porte d'autant plus précieuse que le ministère de la guerre refuse d'en ouvrir une autre. Le Grand Central n'a pas accepté le tracé proposé en premier lieu et qui seul justifiait la demande de concession. Il en a accepté un autre partant d'Eeckeren et allant par Santvliet sur Woensdrecht.

Ce tracé, qui allonge beaucoup la ligne, a un autre inconvénient, c'est de ne traverser que des terres sans valeur, des terres qui ne coûteront presque rien à exproprier. C'est la lisière de nos bruyères et de nos polders qu'il côtoie.

Si ce chemin dé fer était fait, non seulement nos polders ne seraient pas desservis ; mais il y a plus : ils seraient à jamais exclus de toute communication avec nos voies ferrées. Nous aurons, dès lors, établi cette singulière contradiction économique, d'avoir exécuté un chemin de fer pour rapporter à Anvers tous les produits de la Zélande, tandis que nos produits similaires, isolés de tout grand moyen de transport, arriveront à Anvers plus difficilement, plus lentement et à des prix bien plus élevés.

Notez que les produits des polders sont très importants ; nous y avons du grain, des foins, des betteraves, article industriel aujourd'hui très important pour la culture ; nous y avons encore de la chicorée, des pommes de terre, du beurre, du bétail gras et bien d'autres articles de première importance.

je prierai donc, et en cela je suis l'organe de toutes les communes des polders, sauf peut-être Santvliet, je prierai donc instamment le gouvernement de ne pas accepter ce tracé.

Il vaudrait peut-être mieux n'avoir pas de chemin de fer du tout que d'en avoir un qui rend à jamais impossible l'établissement d'un railway mettant en communication directe nos riches polders avec Anvers et le reste du pays. Entre deux maux, il est sage de choisir le moindre, et nos polders préfèrent l'attente à un tracé qui impliquerait l'exclusion perpétuelle et irrémédiable.

M. de Naeyer. - Messieurs, je désire présenter quelques courtes observations sur la nécessité d'augmenter considérablement le nombre de nos stations rurales. J'entends par stations rurales celles où ne s'arrêtent pas les trains de vitesse. Sous ce rapport, des besoins très réels et très nombreux existent, et il est nécessaire de leur accorder une légitime satisfaction, si on veut compléter l'organisation de nos voies ferrées, de telle façon qu'elles répandent leurs bienfaits sur tout leur parcours.

L'honorable M. de Smet vous a parlé de deux nouvelles stations à établir, l'une à Ledeberg-lez-Gand, l'autre à Melle-Meirelbeke. Je connais parfaitement ces localités et je puis déclarer, en pleine connaissance de cause, que la double réclamation de l'honorable de M, de Smet est fondée sur des motifs incontestables de justice, d'équité et d'intérêt public, Aussi j'ai la conviction que l'honorable ministre des travaux publics y fera droit.

Dans l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement, il y a aussi plusieurs communes qui demandent l'établissement de nouvelles stations ; je citerai notamment les communes de Hofstade, Meire et Leeuwergem. Ces communes sont traversées par le chemin de fer, mais elles ne peuvent pas en profiter d une manière sérieuse., parce qu'elles (page 894) sont dépourvues de stations. Je recommande également ces demandes à la bienveillance de l'honorable ministre.

Mais, messieurs, mes observations ne sont pas circonscrites dans tel ou tel arrondissement ; je parle pour le pays en général et j'ai l'intime conviction que partout les mêmes besoins se font sentir, c'est-à-dire qu'il y a partout une foule de localités qui, à juste titre, réclament de nouvelles stations.

M. Bouvier. - C'est vrai.

M. de Naeyer. - Cela n'a rien d'étonnant, car veuillez remarquer qu'il y a une grande différence entre les voies ferrées et les autres moyens de communication ; les canaux, les routes pavées et empierrées sont accessibles sur tout leur parcours et sont partout à la disposition du public. Il n'en est pas de même des chemins de fer ; ceux-ci ne sont accessibles que par les stations.

Une commune a beau être traversée par une voie ferrée si elle est dépourvue de station, elle ne lui sert à rien, si ce n'est à mutiler et morceler son territoire et à rendre beaucoup plus difficiles ses communications intérieures. A la vérité, les habitants verront défiler les locomotives avec une grande vitesse, mais ce sera pour eux une amère dérision, je dirai même que c'est une espèce de cruauté, puisqu'on leur fait endurer quelque chose qui ressemble au fameux supplice de Tantale.

Il faut que le chemin de. fer, comme le soleil, répande ses bienfait» sur tout le monde et pour cela il est nécessaire de multiplier considérablement le nombre des stations rurales.

Quand il s'est agi encore d'établir des stations de ce genre, j'ai entendu faire ici des objections qui consistaient à dire : Vous allez causer des entraves, des retards considérables dans la correspondance entre les grands centres.

Or, ces considérations sont aujourd'hui absolument sans valeur. Pourquoi ? Parce que les trains sont maintenant divisés en deux classes : les trains directs ou de vitesse et les trains de banlieue, autrement dits trains omnibus. C'est une excellente mesure qui permet d'accorder satisfaction à tous les besoins et de contenter tout le monde.

Les trains directs sont pour les centres les plus importants de population.

Je n'entends pas du tout entraver ces trains dans leur marche. Au contraire, si cela dépendait de moi, je leur imprimerais encore une plus grande rapidité. Mais les trains de banlieue, les trains omnibus sont destinés spécialement et principalement aux communes rurales, et pour qu'ils puissent remplir d'une manière efficace ce but de leur destination éminemment juste et utile, il est indispensable de multiplier autant que possible les stations qui ont pour objet de desservir toutes les localités échelonnées le long de nos voies ferrées ou situées à une faible distance.

Il est donc évident que les stations rurales, dont je prie instamment le gouvernement d'augmenter beaucoup le nombre, sont une conséquence nécessaire, obligée de la création des trains de banlieue ou trains omnibus.

Je sais parfaitement que ce que je demande pourra donner lieu à une dépense et même à une dépense assez considérable ; il s'agira peut-être d'un million ou quelque chose de plus. Mais veuillez remarquer que nous avons dépensé des millions et des millions pour les stations de nos principaux centres de population et pour toutes les installations qui en sont la conséquence ; ajoutez à cela que nous aurons encore bien des millions à dépenser. Je n'ai pas fait un calcul détaillé de toutes ces dépenses passées et futures ; mais je ne serais pas étonné qu'elles s'élèvent de 50 à 100 millions. Veuillez remarquer que je ne viens pas critiquer tout cela ; j'ai voté toutes les sommes qui nous ont été demandées par nos principales stations et je voterai également celles qui nous seront demandées à l'avenir : mais, dans un pareil état de choses, peut-on nous objecter sérieusement les dépenses à faire pour l'établissement d'un nombre même assez considérable de nouvelles stations rurales ? Ne perdons pas de vue, messieurs, que les populations rurales, dont les intérêts sont ici en cause, forment à peu près les trois quarts de la population du pays.

Je ne me dissimule pas qu'il arrive que les stations dont je parle donnent au commencement des résultats assez faibles.

Mais ce que je sais aussi, c'est que cet état de choses ne tarde pas à s'améliorer sous l'influence bienfaisante et féconde des voies ferrées, et c'est chose fort naturelle.

Les chemins de fer ne sont pas seulement destinés à desservir les relations existantes, ils sont destinés aussi, ils sont destinés surtout à créer de nouvelles relations.

- Plusieurs membres. - C'est cela !

M. de Naeyer. - Et cela en développant énergiquement les éléments de la prospérité et de la richesse des contrées qu'ils traversent.

M. Bouvier. - C'est ce que le gouvernement ne veut pas comprendre.

M. de Naeyer. - Vous êtes donc d'accord avec moi en ce qui concerne la nécessité de multiplier les stations rurales ?

M. Bouvier. - Oh ! parfaitement.

M. de Naeyer.- J'en suis d'autant plus heureux, mon cher collègue, que nos idées ne se rencontrent pas tous les jours.

Les chemins de fer, messieurs, sont doués d'une véritable puissance créatrice.

Eh bien, cette grande puissance, il ne faut pas la concentrer dans les principaux centres de population ; il faut faire en sorte qu'elle agisse partout, dans toutes les parties du pays, d'où la nécessité absolue d'augmenter considérablement le nombre des stations rurales.

C'est là, messieurs, le véritable objet de mes observations. Je les recommande à l'attention bienveillante de l'honorable ministre des travaux publics et j'espère qu'il ne tardera pas, s'il le faut, à demander le crédit nécessaire pour accorder une large satisfaction aux besoins que j'ai tâché de faire ressortir.

M. Le Hardy de Beaulieu. - J'ai demandé la parole pour obtenir une explication de M. le ministre des travaux publics.

Lors de la discussion générale, je me suis plaint de ce que la Chambre ne fût pas mise en possession des résultats du compte rendu de l'exploitation pendant l'année 1871, ni même pendant l'année 1870.

Il y a deux jours, nous avons tous reçu l'exposé de la situation générale du trésor public au 31 décembre 1871. Hier, j'ai voulu m'assurer, par l'examen de cette situation, si M. le ministre des finances était mieux renseigné que nous ne le sommes.

J'ai cherché, à l'article « recettes », l'état des produits des chemins de fer au 31 décembre 1871, et, à mon grand étonnement, j'ai constaté que M. le ministre des finances n'était pas mieux renseigné que nous. Il est même probable que M. le ministre des travaux publics est dans la même situation, car, je ne doute pas que, s'il en était autrement, il ne se fût empressé d'en faire part à son collègue.

Voici, messieurs, ce que je trouve et c'est sur ce point que je désire obtenir une explication.

Aux pages 38, 39 et suivantes de la situation au 31 décembre, je trouve un tableau portant l'état de la situation des recettes au 31 décembre 1871.

Toutes les recettes effectuées à cette date sont renseignées par francs et centimes, sur tous les chapitres on donne la recette effectuée au 31 décembre, plus ce qui reste à recouvrer si tout n'est pas rentré.

Il n’en est pas de même pour les recettes qui sont faites par le ministère des travaux publics, postes, chemins de fer, télégraphes et Moniteur. Là, on ne consigne que des chiffres ronds, savoir 4,425,000 francs pour les postes, 56,000,000 tout juste pour les chemins de fer ; 1,800,000 fr. pour les télégraphes et 45,000 francs pour le Moniteur.

Je le demande, messieurs, est-ce, possible, est-ce même probable ? Comment peut-on admettre qu'au 31 décembre les recettes effectives, c'est-à-dire les sommes encaissées à cette date se soient élevées exactement aux chiffres que je viens de citer ? Messieurs, cela n'est pas possible, cela n'est même pas probable, cela ne se réaliserait pas une fois en un million d'années.

Messieurs, j'ai voulu m'assurer si, dans les comptes rendus de la situation générale du trésor public des années antérieures, on avait suivi la même marche.

J'ai trouvé qu'il n'en était pas ainsi ; qu'antérieurement on rendait compte de la recette au jour indiqué telle qu'elle se trouvait exactement à un centime près. Je trouve, en effet, dans un état de situation du trésor au 1er septembre 18064, distribué aux Chambres en octobre ou novembre de la même année, que la recette effectuée par le chemin de fer au 31 août 1864 s'élevait à 21,858,108 fr. 88 c. On renseignait donc la recette effectuée jusqu'au dernier centime et il s'agissait là, non d'un exercice terminé comme au 31 décembre, mais d'un exercice en cours au 31 août.

Je demanderai donc à l'honorable ministre des travaux publics comment et pourquoi ces renseignements sont donnés d'une façon aussi incomplète et, je dois le dire, aussi inexacte. Car, je l'ai déjà dit, il est mathématiquement impossible qu'une recette, qui s'effectue par petites et par grosses sommes, se clôture à la fin de l'année par une somme ronde.

Mon observation, messieurs, est plus importante qu'elle ne le paraît au premier abord. Si on laisse à une administration aussi vaste, aussi importante que l'administration des chemins de fer, six mois, huit mois, un an (page 895) pour fournir et établir ses comptes, les plus grands abus peuvent avoir lieu. Il faut que, jour par jour, la recette exacte soit connue et renseignée ; il ne faut pas laisser le temps d'arranger les comptes a des administrations aussi difficiles à surveiller.

J'appelle donc sur ce point, non seulement l'attention de M. le ministre des travaux publics, mais aussi celle de M. le ministre des finances et surtout celle de la Chambre entière.

M. Boulenger. - Messieurs, depuis le vote du dernier budget, un fait très important s'est passé. Je veux parler de l'arrêté ministériel du 18 septembre 1871 qui a modifié complètement le tarif de transport des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat.,

L'examen de cet arrêté, qui a une très grande importance, peut être fait à un double point de vue. 1Ilpeut être fait au point de vue économique : envisager quels sont les avantages que cette réforme peut produire et les inconvénients qu'elle peut occasionner ; au point de vue du droit, et c'est celui dont je veux m'occuper, au point de vue de sa forme : envisager comment l'année dernière le gouvernement a apporté au public la réforme qui nous régit actuellement.

Je n'aborderai pas le premier point de vue que j'ai signalé, le point de vue économique, parce que je comprends qu'à l'heure qu'il est, la discussion du budget est tellement avancée et la question est tellement vaste, qu'il est impossible d'aborder une discussion qui pourrait prendre beaucoup de temps. Mais le second point de vue que j'aborderai, s'il est moins long à traiter, est plus important, parce que, en réalité, il s'agit de savoir si la forme dans laquelle la réforme a été faite est légale et si elle est constitutionnelle et si ces tarifs ont une force obligatoire.

J'élargirai même, jusqu'à certain point, la question en disant que j'ai l'intention d'examiner en même temps si les tarifs qui régissent le transport des marchandises ne sont pas entachés du même défaut et ne méritent pas le reproche que j'adresse au tarif du 18 septembre 1871.

Messieurs, vous savez tous qu'en matière de finances les articles 110 et 111 de la Constitution sont formels : les impôts ne peuvent être établis que par la loi. Il est certain que la perception dé péages des chemins de fer doit être envisagée comme la perception de tous les autres impôts. Aucun doute ne peut exister à cet égard. Ils sont placés sous le même régime que les impôts ordinaires, et si l'on pouvait avoir la moindre appréhension, il suffirait de lire la loi organisatrice des chemins de fer de 1864 dont l'article 5 dit formellement que les péages seront établis par la loi et qu'ils sont établis annuellement comme le veut la Constitution.

La loi organique laissait donc au pouvoir législatif le soin de voir de quelle façon seraient fixés les péages ; mais, en 1835, le législateur se trouva en présence de la difficulté de savoir quelle serait immédiatement l'exécution de la loi en ce qui concerne les péages, tant pour les marchandises que pour les voyageurs.

L'exploitation des chemins de fer commençait en Europe, elle était donc peu connue chez nous, et la question était grave. Le gouvernement et la Chambre, de commun accord, prirent un biais qui fut la loi du 12 avril 1835 dont l'article premier est ainsi conçu :

« Provisoirement, en attendant que l'expérience ait permis de fixer d'une manière définitive les péages à percevoir sur la route susdite, conformément à l'article 5 de la loi du 1er mai 1834, ces péages seront réglés par un arrêté royal. La perception s'en fera, en vertu de cet arrêté, jusqu'au 1er juillet 1836. »

La Chambre, très sagement, avait donc confié provisoirement au gouvernement la mission de fixer les péages ; on entrait dans une période expérimentale, et je comprends très bien que l'on ait donné au gouvernement cette délégation momentanée du pouvoir législatif.

La loi de 1835 a parfaitement fonctionné pendant quelques années. Des arrêtés royaux ont été pris successivement par les ministres qui ont occupé le département, et le texte de la loi de 1835 a été religieusement observé.

La période expérimentale n'était pas finie en 1840, mais le gouvernement d'alors, désireux d'y mettre un terme, recourut à un moyen temporaire, passager, qui devait permettre de fixer d'une manière plus nette et plus régulière les péages du chemin de fer.

C'était alors l'honorable M. Rogier qui occupait le département.

Sur son initiative, voici l'arrêté royal qu'obtint le gouvernement. Cet arrêté porte la date du 2 septembre 1840.

« Vu la loi du 12 avril 1835, prorogée en dernier lieu par celle du 21 juin 1840 ;

« Art. 1er. Notre ministre des travaux publics est autorisé à apporter des modifications provisoires aux tarifs du chemin de fer.

« Art. 2. Ces modifications ne deviendront définitives que par notre approbation.

« Art. 3. Il nous sera rendu compte de trois mois en trois mois des mesures prises relativement aux tarifs du chemin de fer. »

Savez-vous l'usage qui fut fait de cet arrêté du 2 septembre 1840 ? M. Rogier fit choix d'une commission et il chargea cette commission, concurremment avec des fonctionnaires du département des travaux publics, de rédiger les tarifs en matière de marchandises et de voyageurs afin de créer la situation provisoire décrite dans l'article premier de la loi de 1835.

Le caractère de cet arrêté est très délicat ; le gouvernement, par un arrêté qu'il prend, délègue au chef du département des travaux publics une délégation qu'il a reçue lui-même de la loi.

Il me suffit de signaler cette situation pour en montrer toute la gravité. Est-ce que constitutionnellement une délégation pareille peut se produire ; est-ce que le gouvernement peut déléguer le pouvoir législatif qui lui est délégué formellement dans des conditions déterminées ? Si cela était admis, ne devrait-on pas admettre logiquement que le membre du gouvernement qui a reçu cette délégation personnelle peut à son tour déléguer son droit de telle façon qu'en réalité de cascade en cascade le pouvoir législatif arriverait jusqu'au dernier échelon de la hiérarchie administrative. Faut-il insister davantage pour mettre en lumière que cet arrêté est illégal et inconstitutionnel ?

Je ne m'occuperais pas de cet arrêté royal en lui-même, qui par son texte paraît évidemment peu important, si cet arrêté n'avait servi qu'au but qu'il a atteint, c'est-à-dire s'il n'avait eu que la durée passagère et momentanée que son esprit et sa lettre lui attribuent ; je dois reconnaître, du reste, que son auteur n'en a fait qu'un très loyal usage.

Cet arrêté de 1840 a été suivi de travaux très importants qu'il annonçait ; le 22 mars 1842 un arrêté royal du ministre d'alors fixa, conformément à la loi de 1835, les péages et les tarifs en matière de marchandises et de voyageurs.

Cet arrêté royal du 2 septembre 1840 a donc produit l'arrêté royal du 22 mars 1842, qui était une satisfaction complète de la loi de 1835. Mais ce qu'il y a de fâcheux dans la situation que je signale, c'est que cet arrêté du 2 septembre, qui ne devait avoir qu'une existence éphémère, qu'on aurait dû considérer comme éteint le lendemain du 22 mars 1842 quand il en fut fait usage, cet arrêté s'est perpétué ; il est entré dans la jurisprudence de l'administration des travaux publics.

Aujourd'hui, à chaque heure on l'exhume, on s'en sert et comment ? Les conditions n'en sont plus même respectées, il n'y a plus ni rapports au roi de trois mois en trois mois, il n'y a même plus d'approbation royale pour couvrir les actes, les arrêtés ministériels, si l'on s'avisait un seul instant de contester le caractère en quelque sorte précaire de cet arrêté du 2 septembre 1840, je me placerais sous l'égide de celui qui l'a contresigné.

L'honorable M. Rogier a lui-même caractérisé l'arrêté du 2 septembre 1840. Il est inutile que je dise qu'il n'entre pas dans ma pensée d'attribuer à l'honorable M. Rogier d'avoir commis sciemment l'inconstitutionnalité, l'illégalité que je prétends exister dans l'arrêté royal du 2 septembre 1840.

Voici donc comment s'exprimait à ce sujet l'honorable M. Rogier :

« Il a été question un jour d'un arrêté royal du 22 mars 1842 ; cet arrêté, disait-on, constituait un tarif définitif ; une commission avait été nommée pour proposer à Sa Majesté les bases d'un tarif définitif. Ce tarif avait été l'objet de mûres délibérations, de profondes méditations, à ce qu'on disait, et un arrêté royal pris en conséquence ne pouvait être qu'une mesure définitive. Que reste-t-il de cet arrêté royal ? Où est-il ? Il est, a-t-on dit, affiché à la porte des bureaux. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le tarif du 22 mars n'est pas sérieux, ce n'est que l'ombre d'un tarif, une ombre trompeuse ; le tarif du 22 mars est mort le lendemain de son apparition ; un ordre de service l'a tué. Un mois après, le 21 avril, on a vu apparaître un arrêté ministériel soi-disant pour expliquer l'arrêté définitif : eh bien, l'arrêté ministériel du 21 avril est une restauration complète, le contre-pied de l'arrêté royal du 22 mars. Je n'exagère pas. Si on le contestait, je fournirais la preuve. » (Moniteur de 1843, n° 12.)

Et, messieurs, l'année suivante, je crois, l'honorable M. Rogier revenait sur cette idée, sur cette portée de l'arrêté de septembre 1840. Il protestait contre l'usage que l'administration faisait de cet arrêté parce que, selon lui, cet arrêté avait cessé d'être le lendemain du 20 mars 1842. Voici en quels termes l'honorable M. Rogier, alors qu'on lui demandait de renouveler la loi de 1853, cette loi que nous renouvelons encore tous les ans et en vertu de laquelle avait été pris l'arrêté de septembre 1840, voici comment s'exprimait l'honorable M. Rogier :

« Je voterai, mais pour la dernière fois, la prorogation de cette loi qui (page 896) accorde au gouvernement le pouvoir de fixer les tarifs administrativement. Quand je parle du gouvernement, j'entends le gouvernement du Roi, et pas le gouvernement des administrations inférieures. » (Moniteur de 1844, n° 175.)

L'honorable M. Rogier avait raison ; il comprenait l'abus qu'on pouvait faire de l'arrêté royal et c'était, je crois, sous la préoccupation de ces abus qu'il parlait ainsi. Il lui appartenait, du reste, à lui surtout qui était l'auteur de l'arrêté royal du 2 septembre 1840, de le caractériser justement, de dire quelle en était la véritable portée, et je dirai même que l'honneur lui revient d'en avoir, le premier, signalé les abus.

Voilà quelle était la situation de nos tarifs en 1842.

Nous avons vécu jusqu'en 1851 sous ce régime issu de l'arrêté royal de 1840 et prétendument en vertu de l'article premier de la loi du 12 avril 1855.

En 1851, le gouvernement a soumis un projet de loi que les Chambres ont voté établissant des tarifs définitifs pour les voyageurs et les bagages.

La loi du mois d'avril 1851 a donc mis fin, sur ce point, à l'état provisoire dans lequel nous avions vécu jusqu'alors ; elle a satisfait aux prescriptions des articles 110 et 111 de la Constitution.

En 1852, le gouvernement comprenant que, pour les autres transports par chemin de fer, il était temps de faire cesser la période d'expérimentation qui avait duré quinze à seize années, déposa un projet de loi destiné à régler les tarifs en matière de marchandise.

Mais l'année suivante, nous voyons que la Chambre, sur la motion du ministre des travaux publics, M. Van Hoorebeke, consent à laisser retirer le projet présenté en 1852. L'honorable ministre d'alors annonça qu'il allait procéder à de nouvelles recherches pour arriver à améliorer les tarifs de marchandises ; que, dès lors, la période expérimentale devait continuer.

En 1860, 1861, 1862 et les années suivantes, on fit successivement des arrêtés royaux qui, conformément à la loi de 1835, fixèrent provisoirement mais régulièrement les tarifs de marchandises.

Il resta néanmoins dans le pouvoir discrétionnaire du ministre de régler par arrêté ministériel une quantité de questions qui doivent rentrer dans le domaine de la législation.

Ainsi, vous vous rappellerez très bien comment, il y a quelques années, les députés de Charleroi vinrent réclamer devant la Chambre contre les tarifs qui favorisaient les transports de rails vers Anvers, au grand préjudice du centre métallurgique de Charleroi.

Ces tarifs avaient été établis par arrêté ministériel, conformément et en vertu de l'arrêté royal du 2 septembre 1840.

C'est dans le même ordre d'idées que nous voyons, continuellement et journellement, des abonnements dénoncés aujourd'hui, rétablis demain ; ces transports par abonnements, tantôt frappés d'un droit de 20 centimes par tonne, tantôt dégrevés. En un mot, c'est l'arbitraire absolu du ministre se fondant sur l'arrêté royal du 2 septembre 1840. On va même plus loin, au mois de novembre dernier, en pleine crise de transports, un simple ordre de service signé Fassiaux, a fait cesser tous les abonnements existant entre les charbonnages du Couchant de Mons et la plus grande partie des Flandres.

L'hiver pouvant être rigoureux, quelle aurait été l'horrible situation de ces contrées si populeuses ! Quelles entraves imprudentes créait-on en outre à notre commerce et à notre industrie !

Eh bien, messieurs, tout cela ne se fait que par l'abus de l'arrêté royal que j'ai indiqué tout à l'heure et que je crois avoir le droit de qualifier d'inconstitutionnel.

Pour me résumer, je constate donc qu'en général les tarifs des transports de marchandises, bien que provisoires, sont réguliers ; que cependant nombre d'entre eux et beaucoup de mesures administratives sont illégales, sont irrégulières.

Voyons ce qui se passe en matière de transports de voyageurs ; la situation, je vous l'ai dit tout à l'heure, était régulière, légale en 1851 ; elle est aujourd'hui absolument irrégulière.

Je vais le démontrer en peu de mots :

En 1865, l'honorable M. Vanderstichelen, l’éminent ministre des travaux publics qui avait fait l'année précédente une réforme qui marque dans les annales du commerce et de l'industrie, qui avait décrété ces tarifs décroissants, à la distance qui sont la gloire de son administration, l'honorable M. Vanderstichelen crut qu'il serait aussi utile pour le pays d'appliquer et qu'il obtiendrait des résultats aussi glorieux s'il appliquait aux transports des voyageurs des tarifs analogues à ceux qu'il avait inaugurés pour le transport des grosses marchandises ; il s'adressa à la Chambre, lui fournit les explications les plus complètes de ses idées, en fit un examen lumineux, les discuta ; son système obtint l'assentiment de la Chambre, qui vota une loi portant abolition de la loi de 1851 et faisant revivre, avec la période des essais, la loi du 12 avril 1835.

En conséquence, le gouvernement fut régulièrement autorisé à faire de nouvelles expériences sur les tarifs pour le transport des voyageurs.

C'était donc très loyalement que l'honorable M. Vanderstichelen, l'année suivante, quelque temps après, prenait les arrêtés ministériels du 9 décembre 1865 et du 20 mars 1866, qui ont fixé les prix de transport des voyageurs sur les chemins de fer de l'Etat.

Evidemment, l'honorable M. Vanderstichelen a eu le tort grave, à me yeux, de recourir, pour faire sa réforme, ses essais, si vous le voulez, à des arrêtés ministériels, à un moyen que je déclare et que je prétends inconstitutionnel. C'est une mauvaise forme dans laquelle M. Vanderstichelen a appliqué sa libérale et excellente idée.

Mais l'honorable M. Vanderstichelen avait certainement une excuse très plausible et des circonstances très atténuantes : l'arrêté du 2 septembre 1840 s'était invétéré dans les précédents de l'administration. Je suis même convaincu qu'on n'en consultait plus le texte ; le ministre suivait les errements établis et il les croyait si solides qu'il se laissait entraîner à les suivre, sans examiner leur valeur.

Telle était la situation de 1865. Cette situation est aujourd'hui modifiée par l'acte que je vous ai signalé tout à l'heure, par l'arrêté du 17 septembre 1871.

Eh bien, messieurs, les faits que je viens d'indiquer et les circonstances atténuantes que j'ai relatées couvraient jusqu'à un certain point l'honorable M. Vanderstichelen. L'honorable M. Wasseige pourrait-il les invoquer ? La Chambre a demandé maintes fois à l'honorable M. Wasseige qu'il lui fît connaître quelles étaient ses intentions, quel était son but, quels étaient les changements qu'il projetait en matière de tarifs des voyageurs.

L'honorable M. Wasseige a toujours refusé de fournir ces renseignements à la Chambre ; indépendamment de cela, un événement important, que l'honorable M. Wasseige connaissait, s'était passé après la mise en vigueur des tarifs de l'honorable M. Vanderstichelen ; c'est la dénonciation qu'en a faite l'honorable M. Malou à l'opinion publique au point de vue même auquel je me place aujourd'hui. L'honorable M. Malou avait dénoncé l'inconstitutionnalité, l'illégalité des tarifs des voyageurs fixés par arrêté ministériel. L'honorable M. Wasseige ne pouvait donc pas en ignorer. Car, lorsque l'honorable M. Malou prenait la plume pour écrire ces lettres qu'il adressait au Moniteur des intérêts matériels et qui ont fait événement, lorsque l'honorable M. Malou signalait l'inconstitutionnalité de l'arrêté ministériel de 1865, et l'illégalité de l'arrêté royal de 1840, il ne peut pas être admis un instant que ce côté de la question a été perdu de vue si l'on songe que M. Malou et M. Wasseige ont accepté le pouvoir simultanément.

Du reste, tout le monde sait qu'à côté de la question économique traitée par l'honorable M. Malou, à côté de l'intérêt des sociétés concessionnaires du pays qu'il prétendait défendre, il y avait aussi un intérêt politique. L'honorable M. Malou se faisait l'organe de son parti lorsqu'il attaquait le tarif de l'honorable M. Vanderstichelen ; et cela est si vrai qu'une des préoccupations du parti catholique fut d'opérer une réforme des tarifs en arrivant au pouvoir.

Il est donc certain que l'honorable M. Wasseige agissait en connaissance de cause et qu'en prenant l'arrêté ministériel du 18 septembre 1871, il était sans excuse et qu'il commettait sciemment ce que M. Malou, comme moi, appelle une inconstitutionnalité.

Mais ce n'est pas le procès de l'honorable M. Wasseige que je veux faire ; ce serait perdre le temps de la Chambre et le mien ; l'intérêt de la question que je soulève est tout autre.

Je demande au gouvernement actuel ce qu'il a l'intention de faire ; je demande au gouvernement actuel s'il reconnaît cette illégalité et cette inconstitutionnalité des tarifs ; je demande au gouvernement actuel s'il entre dans ses idées de donner à nos tarifs la force obligatoire que M. Malou leur a contestée pour quelques-uns d'entre eux, et de mettre fin, pour les autres, au système provisoire dans lequel nous vivons. Je ne crois pouvoir mieux faire ni mieux dire que l'honorable M. Malou lui-même, en 1867 ; la situation d'alors est singulièrement aggravée en1872.

Voici le langage de l'honorable M. Malou ; il est extrêmement clair, et il résume parfaitement les points que j'ai traités et sur lesquels j'interroge le gouvernement actuel.

« Pour les chemins de fer de l'Etat, les Chambres ont délégué le pouvoir législatif ; le contrôle préventif, le seul vraiment efficace, le seul constitutionnel, n'existe plus. Le ministre des travaux publics, sans contrôle et sans contre-poids, dispose d'intérêts immenses ; il engage l'Etat pour un terme plus ou moins long ; il peut détruire l'équilibre des budgets et (page 897) réduire à son gré, d'un trait de plume, la ressource la plus précieuse pour nos finances, à raison de l'importance du chiffre et de la nature même de cette partie du revenu national. Il peut, par une réaction inévitable, stériliser les millions engagés par des particuliers dans les chemins de fer.

« Cette délégation si étendue du pouvoir législatif a été donnée au gouvernement, et renouvelée successivement. Comme si elle ne suffisait pas, le ministre des travaux publics (M. Rogier) a obtenu en 1840 une sous-délégation d'après laquelle, encore aujourd'hui, son successeur se croit dispensé de la peine d'obtenir un arrêté royal. En principe, il paraît certain qu'un pouvoir politique délégué ne peut, a moins d'une autorisation expresse, être transféré. Les Chambres ont conféré des droits au gouvernement.

« Ceci n'est point une subtilité ou une querelle de mots ; l'intervention du pouvoir royal offre des garanties que l'action spontanée du ministre agissant seul et sans contrôle ne présente pas ; le Roi peut exiger que des mesures importantes soient délibérées en conseil des ministres sous sa présidence ; il peut exercer son action modératrice et prévoyante.

« Je ne fais pas au ministre actuel un grief au sujet d'un acte passé en 1840 ; je signale l'inconstitutionnalité pour interrompre la prescription trentenaire. »

Eh bien, messieurs, je félicite M. Malou d'avoir interrompu la prescription trentenaire. Mais quand on interrompt une prescription, c'est qu'on a l'intention de revendiquer un droit. Eh bien, je demande à M. Malou s'il a l'intention de revendiquer le droit que je revendique pour le pouvoir législatif ; je demande à M. le ministre des travaux publics s'il est d'accord avec son collègue sur ce point et s'il va nous restituer les prérogatives dont il semblait alors si jaloux ; je demande au gouvernement, dont l'honorable M. Malou est la plus haute et la plus éloquente personnification, s'il va mettre ses actes d'accord avec ses théories ; s'il va nous faire sortir du provisoire et s'il va donner à nos tarifs de voyageurs, notamment, la force obligatoire qui, de son aveu, leur fait défaut.

- M. Tack remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.

M. Guillery. - L'honorable M. Vleminckx a déjà entretenu la Chambre du chemin de fer de Luttre à Bruxelles et du chemin de fer de ceinture.

M. le ministre lui a répondu dans la séance du 17 de ce mois. Mais je crois devoir à mon tour présenter des observations sur cette réponse ; le chemin de fer de Luttre s'exécute avec une bien grande lenteur, et ce qui est assez singulier, c'est qu'on semble vouloir exécuter en dernier lieu la partie près de Bruxelles.

Les principaux travaux d'art entre Bruxelles et Uccle sont exécutés depuis longtemps ; il y a même de magnifiques viaducs qui étaient terminés dans la campagne dernière, mais près de Bruxelles on a laissé 1 ou 2 kilomètres non exécutés, ce qui empêche l'exploitation partielle du chemin. Il eût été bien simple cependant de commencer par là et de livrer à l'exploitation le chemin de fer entre Bruxelles et Uccle, comme on avait livré autrefois à l'exploitation le chemin de fer de Luxembourg entre Bruxelles et Boitsfort. Pour remonter plus haut, on a exploité le chemin de fer entre Bruxelles et Vilvorde avant qu'il fût construit jusqu'à Malines.

Je ne m'explique pas le système qu'on suit. Il semble qu'on ne veuille livrer ce chemin de fer à l'exploitation que quand il sera fini entièrement.

Je sais fort bien que M. le ministre des travaux publics, dans la séance de mercredi, en promettant que le chemin de fer serait terminé dans la campagne prochaine, qu'il serait livré à la circulation le Ier juillet 1873, s'est engagé à faire tous ses efforts pour qu'une exploitation partielle se fît d'abord entre Bruxelles et Uccle.

Si je me permets d'insister, c'est parce qu'il me semble que cette exploitation pourrait se faire rapidement si l'on voulait mettre immédiatement la main à l'œuvre pour les travaux qui environnent Bruxelles. Il y a là de très grands intérêts en cause ; il y a une population qui s'élève à 10 ou 12,000 âmes et qui pourrait être reliée à la ville de Bruxelles d'une façon très avantageuse pour tous les intéressés et je dirai même pour les recettes du trésor, puisque cette exploitation serait évidemment fructueuse.

Quant au chemin de fer de ceinture, la Chambre doit être fatiguée d'en entendre parler ; mais nous sommes, nous, encore plus fatigués de réclamer. Il y aura bientôt dix ans qu'il est commencé. C'est un chemin de fer malheureux ; sa construction aura exigé plus de temps que le siège de Troie.

Je comprends qu'à l'époque du siège de Troie, alors que l'art de l'ingénieur était encore peu perfectionné, on ait dû consacrer un temps fort long à cet ouvrage important et, du reste, plus considérable que le chemin de fer de ceinture.

Mais ce malheureux chemin de fer a déjà tué quatre ministres sous lui. Les ministres ont beau se succéder, et chaque ministre naturellement avec ses promesses, le chemin de fer ne peut pas être mis en exploitation. Après avoir construit le chemin de fer, on s'est aperçu un beau jour que l'on avait oublié les stations.

On n'y a pensé que lorsque la ligne a été terminée. Après avoir pensé aux stations, on a sans doute réuni une commission pour savoir quels plans on adopterait et quelle architecture on choisirait.

Je ne sais s'il faudra un nouveau siège de Troie, je veux dire un nouveau délai de dix ans pour arrivera la construction des stations. On dirait vraiment qu'il s'agit du percement du mont Cenis ou de la création d'un tunnel entre l'Angleterre et le continent.

En attendant que les stations soient établies, pourquoi n'élève-t-on pas des bâtiments provisoires en planches ? Il ne faut pas tant de matériaux pour avoir un bureau de recettes qui permette aux voyageurs de se servir du chemin de fer de ceinture.

Et si l'on ne peut pas faire cela, pourquoi au moins n'utilise-t-on pas ce chemin de fer pour les voyageurs qui arrivent par la ligne du Nord et qui doivent se rendre au Midi, et vice-versa ? Il est plus difficile aujourd'hui d'aller de Vilvorde à Hal ou de Forest à Malines, que d'aller de Bruxelles à Paris. D'abord, on ne donne pas de coupons pour ces destinations ; ensuite il faut s'arrêter à Bruxelles et y prendre une voiture pour aller d'une station à l'autre, retirer ses bagages, les transporter et les enregistrer de nouveau. Ne serait-il pas infiniment plus simple d'utiliser le chemin de fer qui est construit ? Sa construction a duré assez longtemps pour qu'il soit enfin permis de demander qu'on l'utilise pour le transport des voyageurs.

Il semble vraiment que Bruxelles doive rester à perpétuité une barrière infranchissable entre les localités qui l'entourent. Il est plus que temps de mettre un terme à cette situation et j'insiste de nouveau auprès de M. le ministre des travaux publics pour qu'il fasse tous ses efforts afin que, tout au moins, une exploitation partielle ait lieu très prochainement sur le chemin de fer de Luttre et que de nombreuses populations puissent jouir des bienfaits du chemin de fer, de ce grand moyen de transport qui, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. de Naeyer, a véritablement une puissance créatrice.

Ensuite, je demande, et ceci est tout à fait d'intérêt général, que le chemin de fer de ceinture soit immédiatement ouvert à la circulation entre les deux stations de Bruxelles.

M. de Lexhy. - Puisque la discussion du chapitre IV semble être la continuation de la discussion générale, je me permettrai de présenter quelques courtes observations en réponse à celles que l'honorable M. Moncheur a faites dans la discussion générale à propos des chemins de fer de Hesbaye-Condroz.

Mon honorable ami, M. de Macar, a développé d'une façon complète toutes les raisons qui militent en faveur de la reprise par l'Etat de l'exploitation de ce chemin de fer.

Se plaçant à un point de vue plus général, il a démontré qu'il était d'intérêt public de reprendre l'exploitation de cette ligne, à cause de son caractère international qu'on ne peut méconnaître.

En effet, il suffit de jeter les yeux sur la carte, pour remarquer qu'à l'aide d'une soudure à établir entre Landen et Diest, on peut faire de cette voie une ligne internationale destinée au trafic entre le grand-duché de Luxembourg, les provinces allemandes et le port d'Anvers. Il y a donc un intérêt de premier ordre à ce que l'Etat reprenne l'exploitation du chemin de fer de Hesbaye-Condroz.

J'appelle sur ce point l'attention très sérieuse et spéciale de l'honorable M. Moncheur, qui n'a pas répondu à mon honorable ami, M. de Macar.

Je me place maintenant à un point de vue plus restreint et plus local et je dirai que les populations de l'arrondissement de Huy ont un droit égal aux faveurs et aux bienfaits de l'administration. Nous avons aussi, à ce point de vue, des raisons très sérieuses de demander que l'Etat exploite notre ligne, à cause de la modicité des tarifs et de l'excellence de l'exploitation par l'Etat.

J'espère donc que le gouvernement se décidera à examiner la question de la reprise par l'Etat de la ligne de Hesbaye-Condroz. Je dirai encore un mot du tronçon de Landen à Diest. L'honorable M. Moncheur nous a fait entendre des paroles d'espoir. Nous sommes fatigués d'être bernés d'espérances.

Il a dit qu'il avait mis la compagnie en demeure. Je voudrais savoir quelle est la valeur comminatoire de cette mise en demeure ! Si elle est dépourvue de sanction, il faut convenir que ce sera la prolongation de la comédie à laquelle nous assistons depuis huit ans.

(page 898) J'ai eu soin d'indiquer à l'honorable M. Moncheur un moyen très sérieux de forcer la compagnie à s'exécuter.

L'honorable M. Jamar avait eu soin de stipuler dans la convention du 9 avril 1869 le droit pour l'Etat d'obliger la compagnie à employer le nombre d'ouvriers jugé nécessaire par l'ingénieur du gouvernement.

Ce moyen est excellent et je le soumettrai à l'honorable ministre.

Je voudrais obtenir une réponse sur trois points. Est-il disposé à forcer la compagnie à employer le nombre d'ouvriers nécessaire, quelle est la valeur de la mise en demeure et l'Etat a-t-il l'intention de reprendre l'exploitation de cette ligne ?

Messieurs, il y a une loi à exécuter, et nous attendons le bénéfice de cette loi depuis longtemps. Je revendique un droit et j'adjure le gouvernement d'accomplir son devoir.

Ordre des travaux de la Chambre

M. David (pour une motion d’ordre). - Messieurs, notre ordre du jour n'est pas seulement très chargé, mais parmi les objets qui y figurent, il y en a d'extrêmement importants et qui exigeront d'assez longues discussions. Nous n'avons plus longtemps à rester réunis ; je demande donc, afin de pouvoir épuiser l'ordre du jour, que la Chambre siège les lundis à partir de lundi prochain. Sinon on nous demandera des séances du soir et on nous fera voter sans examen une masse de projets.

M. Bouvier. - J'appuie vivement la proposition de M. David. Je crois que d'ici à trois semaines nous ne siégerons plus. Or, notre ordre du jour est très chargé ; il y a des projets de lois de la plus haute importance et qui donneront lieu à des débats très approfondis.

Je demande donc que la proposition de l'honorable M. David soit mise aux voix et je l'appuie de toutes mes forces.

M. le président. - M. David propose à la Chambre de siéger le lundi jusqu'à la fin de la session.

- Voix nombreuses. - Non ! non !

- Voix à gauche. - L'appel nominal !

- La proposition de M. David est mise aux voix par appel nominal.

59 membres seulement répondent à l'appel. La Chambre n'est plus en nombre.

En conséquence, la séance est remise à mardi à 2 heures.

Etaient présents ;

MM. Bara, Bergé, Berten, Biebuyck, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Defuisseaux, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lexhy, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, de Smet, de Theux, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Guillery, Hagemans, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jottrand, Julliot, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Royer de Behr, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbrugghen, Léon Visart, Vleminckx et Wouters.

Etaient absents avec congé :

MM. d'Andrimont, Drubbel, Kervyn de Lettenhove et d'Hane-Steenhuyse.

Etaient absents sans congé :

MM. Allard, Ansiau, Anspach, Balisaux, Beeckman, Brasseur, Bricoult, Coomans, Coremans, Cornesse, Couvreur, Crombez, Cruyt, Dansaert, de Baets, de Dorlodot, De Fré, de Haerne, de Lhoneux, de Liedekerke, de Macar, de Montblanc, de Rossius, Dethuin, Drion, Dupont, Funck, Gerrits, Jamar, Janssens, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lelièvre, Lescarts, Magherman, Mascart, Mouton, Notelteirs, Orts, Piedboeuf, Puissant, Rembry, Reynaert, Santkin, Tesch, Thibaut, Thienpont, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Amédée Visart, Warocqué et Wasseige.

- La séance est levée à 4 heures et demie.