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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 mars 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 751) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. Cornesse. - Je prends la parole pour une rectification aux Annales parlementaires qui me prêtent une observation saugrenue et toute différente de celle que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre.

A l'article 110, l'honorable M. Sainctelette, au nom de la commission, proposait de substituer dans le dernier paragraphe aux mots « pour l'un des endosseurs » ceux-ci : « pour quelqu'un des intéressés, » à l'effet d'y comprendre le donneur d'aval. J'ai eu l'honneur de faire observer que la rédaction serait plus correcte si l'on disait « par l'un des intéressés. »

D'après le compte rendu, j'aurais demandé que l'on rédigea l’article dans les termes mêmes employés par la commission, ce qui eût été une distraction ou un non-sens.

M. le président. - La juste observation de M. Cornesse, qui figurera dans les Annales, servira de rectification.

Il y a d'autres inexactitudes dans le compte rendu de la séance d'hier et qui me concernent, mais elles sont peu importantes.

- Le procès-verbal est ensuite adopté.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« L'administration communale de Basècles demande une modification aux lois sur la police du roulage pour que la circulation des voitures à trois roues ne soit pas interdite en temps de fermeture des barrières. »

M. Lelièvre. - J'appuie la pétition et je demande qu'elle soit renvoyée à la commission spéciale avec prière de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Dominique Degros, journalier à YVarnach, province de Luxembourg, né à Walrange (Grand-Duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Par message en date du 20 mars 1872, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion aux projets de lois :

« 1° qui ouvre au département des travaux publics un crédit spécial de 300,000 francs, pour l'extension des lignes et des appareils télégraphiques ;

« 2° qui alloue au département de la guerre un crédit spécial de 450,000 francs, pour l'installation de l'académie militaire à la Cambre.

« 3° qui ouvre au budget de la dette publique de 1871 des crédits s'élevant ensemble à la somme de 2,314,955 fr. 18 c.

- Pris pour notification.


« Les agriculteurs, pépiniéristes et horticulteurs à Binche prient la Chambre de mettre le plus tôt possible à son ordre du jour les pétitions qui lui ont été adressées pour la conservation des oiseaux insectivores. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. le président a reçu la lettre suivante :

« Bruxelles, le 21 mars 1872.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous adresser une traduction de la loi et des ordonnances qui régissent l'accise des bières en Prusse.

« Quelques brasseurs m'ayant entretenu de la législation de ce pays, j'ai pris l'engagement de faire publier ces documents avant la discussion du projet de loi soumis à la Chambre. Ils sont suivis de renseignements intéressants que je viens de faire recueillir dans les Pays-Bas, par un fonctionnaire de mon département.

« Ces pièces forment une annexe au projet de loi : la Chambre voudra bien, je l'espère, en ordonner l'impression.

« Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

« Le ministre, J. Malou. »

M. le président. - La Chambre jugera sans doute convenable de faire imprimer ces documents qui lui sont transmis par M. le ministre des finances.

- Adopté.


«M. Hochsteyn adresse à la Chambre :

« 1° Un plan de l'exposition universelle à ouvrir à Bruxelles en 1874, sur la plaine des Manœuvres, d'après son projet, remis au gouvernement le 15 juin dernier, par le collège échevinal de Bruxelles ;

« 2° Un plan de la partie qui resterait au gouvernement après la clôture de l'exposition pour le subside de 5 millions qui serait alloué à l'entreprise ;

« 3° Une note explicative à l'appui des plans. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre premier)

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - J'ai annoncé, hier, le dépôt d'un certain nombre d'amendements au titre des Sociétés. J'ai l'honneur de les déposer et je prie la Chambre d'en ordonner l'impression.

M. Pirmez. - J'ai eu connaissance de ces amendements ; il s'agit de choses très importantes. Je crois qu'il serait bon de renvoyer ces amendements à la commission, pour qu'on puisse les examiner avant la discussion.

M. le président. - M. Pirmez propose de renvoyer ces amendements à la commission.

- Cette proposition est adoptée.

Discussion des articles (titre II. Des conventions matrimoniales des commerçants)

Article 12

« Art. 12. Tout contrat de mariage entre époux dont l'un sera commerçant sera transmis par extrait, dans le mois de sa date, au greffe du tribunal de commerce du domicile du mari ou, à défaut de tribunal de commerce, au greffe du tribunal civil, pour y être transcrit dans un registre tenu à cet effet.

« L'extrait énoncera si les époux sont mariés en communauté, en indiquant les dérogations au droit commun, ou s'ils ont adopté le régime exclusif de communauté, celui de la séparation des biens ou le régime dotal.

« Le registre, suivi d'une table alphabétique, sera communiqué sans frais à toute personne qui en fera la demande. »

M. Lelièvre. - Je désire obtenir quelques explications sur la portée de cette disposition. Je pense qu'il est bien entendu que l'extrait doit contenir seulement les dispositions relatives au régime régissant le mariage, la communauté ou tout autre.

Il ne peut être question d'insérer dans le document les stipulations de survie et les donations entre les époux, à cause de mort ou autres.

J'émets cette observation, afin de bien préciser la signification de notre article et les formalités qu'il prescrit.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Il ne s'agit évidemment que des clauses qui peuvent intéresser les tiers créanciers et non pas des clauses qui (page 752) ne reçoivent leurs effets qu'après que les tiers créanciers sont désintéressés, telles que les donations en cas de survie dont vient de parler l'honorable membre. Ces donations ne peuvent s'exécuter qu'après liquidation du passif des communautés ou successions sur lesquelles elles devraient se prélever.

Article 13

« Art. 13. Le notaire qui aura reçu le contrat de mariage sera tenu de faire la remise ordonnée par l'article précédent, sous peine de vingt-six francs à cent francs d'amende, et même de destitution et de responsabilité envers les créanciers s'il est prouvé que l'omission soit la suite d'une collusion. »

M. Lelièvre. - J'estime que le tribunal compétent pour appliquer l'amende est le tribunal civil, comme cela se pratique dans tous les cas prévus par la loi du 25 ventôse an XI. Il s'agit ici d'un fait de charge à raison duquel il ne peut être exercé qu'une poursuite civile ex causa civili. Ce principe admis sous la législation actuelle doit être maintenu.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - L'article n'apporte aucune modification aux règles de compétence existantes. Il est évident que le code de commerce n'a pas à s'occuper de cette matière.

- L'article 13 est adopté.

Article 14

« Art. 14. Tout époux marié sous un régime autre que celui de la communauté légale, qui embrasserait la profession de commerçant postérieurement à son mariage, sera tenu de faire pareille remise, dans le mois du jour où il aura ouvert son commerce ; à défaut de quoi, il pourra, en cas de faillite, être puni comme banqueroutier simple. »

- Adopté.

Article 15

« Art. 15. Tout jugement qui prononcera une séparation de corps ou un divorce entre mari et femme, dont l'un serait commerçant, sera soumis aux formalités prescrites par le code de procédure civile ; à défaut de quoi, les créanciers seront toujours admis à s'y opposer pour ce qui touche leurs intérêts et à contredire toute liquidation qui en aurait été la suite. »

M. Jottrand. - L'article en discussion dit que tout jugement qui prononcera une séparation de corps ou un divorce entre mari et femme... sera soumis aux formalités prescrites par le code de procédure civile.

C'est dire une chose banale ou s'exprimer d'une manière trop peu précise. L'ancien code de commerce disait d'une façon formelle que le jugement qui prononce une séparation de corps ou un divorce entre mari et femme est soumis aux formalités prescrites par l'article 872 du code de procédure civile. Cela déterminait d'une façon nette et claire le sens de la stipulation.

On a fait disparaître cette mention spéciale de l'article du code de procédure civile auquel on renvoie ; je ne sais pas pourquoi. Je suppose que c'est parce qu'on ne sait pas si, quand le code de procédure civile sera révisé, la disposition à laquelle on entend renvoyer portera encore le n°872.

Je crois qu'on ferait chose utile en disant nettement, sans citer d'article, quelles sont les formalités du code de procédure civile que l'on a en vue. Mon but serait atteint par la modification de texte que voici.

Je propose de remplacer les mots : « sera soumis aux formalités prescrites par le code de procédure civile » par ceux-ci : « sera publié dans les formes prescrites par le code de procédure civile. »

En effet, c'est d'une publication spéciale qu'il s'agit dans l'article 872 du code de procédure civile, auquel le code de commerce actuel a renvoyé et auquel on a encore certainement l'intention de renvoyer sans le dire.

M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je préfère la rédaction du gouvernement, d'abord parce que la généralité des expressions « formalités prescrites par le code de procédure » est claire et précise, elle ne laisse rien à désirer.

En second lieu, ne perdons pas de vue que le code de procédure civile actuel doit être révisé. Or, il peut arriver que l'article prescrivant les formalités à suivre ne soit plus l'article 872 actuel. Il est donc préférable de se référer purement et simplement au code de procédure civile d'une manière générale.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - L'honorable membre a compris très bien pourquoi on ne renvoie plus à un article déterminé du code de procédure civile.

Il propose de substituer à la rédaction proposée une rédaction qui dirait : «... sera publié dans les formes prescrites par le code de procédure civile. »

Je ne vois pas l'avantage qu'il y aurait à ce changement de pure forme. J'ajoute que je n'y vois cependant pas d'inconvénients graves.

M. Jottrand. - Messieurs, le motif de ma proposition est celui-ci. C'est dire une banalité que de dire que tout jugement de séparation de corps est soumis aux formalités prescrites parle code de procédure. Tout jugement quelconque est soumis a ces formalités. Mais le jugement spécial qui nous occupe est soumis à des formalités spéciales.

L'ancien code de commerce renvoyait d'une façon nette et déterminée à l'article 872 du code de procédure. Aujourd'hui, on ne veut plus citer cet article. Soit, mais qu'on dise au moins quelle est la nature des formalités exceptionnelles, spéciales, auxquelles l'article 15 renvoie, pour éviter de paraître parler pour ne rien dire, puisque l'on veut dire réellement quelque chose et quelque chose d'utile.

Je n'y attache pas une grande importance, mais il est clair pour moi que l'article 15 sera mieux rédigé et rendra mieux la pensée de l'auteur, si l'on emploie la formule que je préconise, que si on laisse subsister la formule vague et banale que l'on vous propose.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement que propose M. Jottrand et qui consiste à remplacer les mots : « soumis aux formalités du code de procédure civile » par ceux-ci « sera publié dans les formes prescrites par le code de procédure civile ».

- L'article ainsi amendé est adopté.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Guillery. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la commission des naturalisations sur une demande en naturalisation ordinaire.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et l'objet qu'il concerne mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre premier)

Discussion des articles (titre III. Des livres de commerce)

Personne ne demandant la parole, la discussion spéciale sur le titre est close.

Articles 16 et 17

« Art. 16. Tout commerçant est tenu d'avoir un livre-journal qui présente, jour par jour, ses dettes actives et passives, les opérations de son commerce, ses négociations, acceptations ou endossements d'effets, et généralement tout ce qu'il reçoit et paye, à quelque titre que ce soit ; et qui énonce, mois par mois, les sommes employées à la dépense de sa maison : le tout indépendamment des autres livres usités dans le commerce, mais qui ne sont pas indispensables.

« Il est tenu de mettre en liasse les lettres missives qu'il reçoit et de copier sur un registre celles qu'il envoie. »

- Adopté.


« Art. 17. Il est tenu de faire, tous les ans, sous seing privé, un inventaire de ses effets mobiliers et immobiliers et de ses dettes actives et passives, et de le copier, année par année, sur un registre spécial à ce destiné. »

- Adopté.

Article 18

« Art. 18. Les livres dont la tenue est ordonnée par les articles 16 et 17 seront cotés et parafés soit par un des juges des tribunaux de commerce, soit par le bourgmestre ou un échevin, dans la forme ordinaire et sans frais. »

M. Dansaert. - Messieurs, je demande à présenter une observation sur cet article.

Dans la pratique, les livres qui sont présentés au visa du tribunal sont cotés par ceux qui les présentent ou par l'imprimeur qui fait les livres. Ce n'est évidemment pas aux juges qu'on laisse le soin de numéroter les pages.

Le juge vise la première et la dernière page. Sa signature est précédée d'une déclaration indiquant le nombre de feuillets que contient chaque registre. Il parafe tous les feuillets ; aujourd'hui l'obligation de parafer est devenue une impossibilité matérielle. Ainsi, à Bruxelles, deux mille registres sont présentés, tous les ans, au visa du tribunal de commerce. Evidemment on ne peut pas imposer aux juges la tâche de parafer tous les ans les feuillets d'un pareil nombre de livres de commerce. Ce n'est pas là une besogne à donner à des magistrats. Je proposerai donc de rédiger l'article 18 comme suit :

« Les livres dont la tenue est ordonnée par les articles 16 et 17 seront cotés. Ils seront visés et parafés, soit par un des juges des tribunaux de commerce, soit par le bourgmestre ou un échevin, dans la forme ordinaire et sans frais. »

Et je proposerai d'ajouter le paragraphe suivant :

« Le parafe pourra être remplacé par le sceau du tribunal. »

De cette façon le juge signera le premier et le dernier feuillet, et les autres feuillets recevront l'empreinte du sceau du tribunal. C'est une besogne que l'on pourra faire faire dans la chambre du conseil par un employé.

(page 753) M. Van Humbeeck, rapporteur. - La disposition dont il s'agit est des plus importantes. Elle a pour objet d'assurer la sincérité des écritures commerciales.

Je comprends les inconvénients pratiques que peut présenter la disposition. Mais je ne sais si la proposition de l'honorable M. Dansaert supplée entièrement aux garanties qui existent aujourd'hui. Ainsi, je n'ai pas bien compris si l'intention de l'honorable membre est d'exiger que le sceau du tribunal, à défaut de parafe, soit placé sur chacun des feuillets.

M. Dansaert. - Evidemment.

M. Van Humbeeck. - Dans ces conditions, le sceau du tribunal donne la garantie qu'aucune page ne peut disparaître ; c'est un grand avantage.

Mais ne suffirait-il pas de maintenir l'article en y ajoutant un paragraphe qui dirait :

« Le parafe peut être remplacé par le sceau du tribunal. » ?

M. Dansaert. - C'est ce que j'ai proposé,

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Vous rétablissez aussi le mot « visé », qui a été supprimé.

Je pense que le parafe suffit.

M. Dansaert. - A la première et à la dernière page, on constate le nombre de feuillets et on vise. Les autres pages sont parafées.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - C'est là ce que vous appelez viser ? (Interruption.) Alors, il faut modifier la rédaction.

Je demande le renvoi de l'article à la commission.

M. Dansaert. - Si la Chambre préfère au sceau du tribunal la griffe, je ne m'y oppose pas. Cependant la contrefaçon du sceau du tribunal entraînerait une peine très sévère, beaucoup plus sévère, je pense, que celle qui frapperait la contrefaçon d'une griffe.

Dans tous les cas, j'accepte le renvoi à la commission.

- Le renvoi est ordonné.

Article 19

« Art. 19. Tous les livres seront tenus par ordre de dates, sans blancs, lacunes ni transports en marge.

« Les commerçants sont tenus de les conserver pendant dix ans. »

- Adopté.

Article 20 et article 20bis (ancien article 13)

« Art. 20. Les livres de commerce, régulièrement tenus, peuvent être admis par le juge pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. »

M. Lelièvre. - Je pense qu'il est bien entendu que, d'après notre disposition, les livres ne font preuve qu'entre commerçants et pour faits de commerce. En conséquence, toutes annotations énoncées dans les registres et étrangers à des actes commerciaux ne feraient pas preuve.

C'est ainsi que des conventions entre maîtres et domestiques que des commerçants consigneraient dans leurs livres ne seraient pas régulièrement prouvées par cette seule transcription. Il en est de même de tous payements et annotations étrangers au commerce du négociant ; en un mot, les livres ne sont destinés qu'à constater des négociations commerciales.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Messieurs, j'avoue que je n'ai point compris les observations que vient de faire l'honorable M. Lelièvre ; je n'ai pas même entendu l'honorable membre. Mais je désire présenter moi-même quelques observations sur l'article 20.

Cet article 20 correspond à l'article 12 du code de commerce actuel. Après cet article venait dans le code de 1808 un article 13 ainsi conçu :

« Art. 13. Les livres que les individus faisant le commerce sont obligés de tenir, et pour lesquels ils n'auront pas observé les formalités ci-dessus prescrites, ne pourront être représentés, ni faire foi en justice, au profit de ceux qui les auront tenus ; sans préjudice de ce qui sera réglé au livre îles faillites et banqueroutes. »

Dans le premier projet de révision soumis à la Chambre, l'article 13 était maintenu avec un petit changement de rédaction. Au lieu de dire à la fin : « des faillites et banqueroutes, » on disait : « des faillites, banqueroutes et sursis. »

La commission de la Chambre maintenait également l'article.

Le ministre de la justice d'alors, l'honorable M. Bara, a déposé un amendement, sur lequel aucun rapport n'a été fait ; cet amendement entraînait la suppression de l'article.

Après des négociations entre la commission et le ministre de la justice, cette suppression a été adoptée par la commission. La Chambre, lors de la première discussion publique, a voté également cette suppression.

Depuis lors, la commission du Sénat s'est demandé pourquoi cet article avait été supprimé ; elle n'en a trouvé qu'une seule raison : c'est que l'article avait été considéré comme inutile en présence de celui qui le précède immédiatement.

C'est aussi la seule raison que me représentent aujourd'hui mes souvenirs.

La commission du Sénat ne l'a pas jugée suffisante. Selon elle « l'article supprimé, s'il défend d'invoquer les livres non revêtus des formalités voulues au profit de ceux qui les ont tenus, permet au contraire à l'adversaire de les invoquer contre le marchand qui se trouve en faute. » Elle ne voit aucun motif d'enlever ce mode de preuve au commerçant de bonne foi.

Partant de ces idées, elle propose de rétablir l'article 13.

Je ne me rends pas à l'argument de la commission du Sénat. En supprimant l'article 13 ancien, on reste, à l'égard des livres de commerce non régulièrement tenus, sous l'empire des dispositions générales du code Civil, notamment sous l'empire de l'article 1330 qui dit « que les livres des marchands font preuve contre eux, » sans distinguer entre les diverses façons de les tenir.

Cependant, si la suppression de l'article devait faire l'objet de nouvelles observations du Sénat et entraîner un renvoi des titres à la Chambre, je crois que le dissentiment, par son importance restreinte, ne justifierait pas ce retard.

Dans la prévision de cette éventualité et pour permettre à la Chambre de la prévenir, je propose le rétablissement de l'article 13 du code de commerce, en changeant simplement les mots de la fin. Au lieu de dire « faillites et banqueroutes » on dirait « faillites, banqueroutes et sursis. »

M. Bara. - C'est avec raison que la Chambre a supprimé l'article dont M. Van Humbeeck vient de donner lecture. Dans la pratique, cet article est complètement tombé en désuétude, et quand le commerçant était honnête alors même qu'il produisait des livres tenus irrégulièrement au point de vue du code de commerce, les tribunaux de commerce faisaient grand état de ces livres et la décision à intervenir était évidemment influencée par leur production.

On a même été jusqu'à considérer la cote comme une cause de défaveur, parce qu'on disait que les commerçants qui faisaient coter leurs livres étaient de ceux qui avaient souvent des contestations judiciaires et qui prenaient toutes ces précautions en vue des procès qu'ils pouvaient avoir à soutenir.

Aussi l'article 12 du code de commerce était considéré comme suffisant ; cet article dit que les livres régulièrement tenus font foi.

Il ne s'explique pas sur ce qu'il faut entendre par livres irrégulièrement tenus. Le magistrat, usant d'un pouvoir en quelque sorte discrétionnaire, aurait le droit de décider si les livres sont régulièrement tenus.

Que ferait l'article que le Sénat se propose de reproduire ? Cet article empêche, de la part de celui à qui ils appartiennent, toute production de livres non tenus conformément aux indications du code de commerce. Actuellement les tribunaux de commerce, par des détours passent au-dessus de cette prescription. Ils disent « qu'il résulte, de l'ensemble des faits, des présomptions acquises au procès. »

Ils puisent néanmoins souvent leurs convictions dans les livres irréguliers produits devant eux. Voici un commerçant, connu pour son honorabilité, qui produit un livre non coté, non parafé. Croyez-vous que les tribunaux de commerce hésiteront à lui donner raison si les éléments de la cause, correspondant avec ses livres, prouvent qu'il a raison ? Evidemment non.

Voici ce qui se passera. Les tribunaux ne pourront pas dire que les livres font foi, puisqu'ils violeraient l'article 13 du code de commerce.

Mais ils tournent la difficulté comme je viens de le dire.

Je crois donc que le meilleur système, c'est de laisser les magistrats libres d'apprécier si les livres sont régulièrement tenus, comme le veut l'article 12 du code de commerce. Le Sénat dit que l'on prive les tiers d'invoquer les livres irrégulièrement tenus, que cela résulte de la suppression de l'article 13.

C'est une erreur manifeste.

Si, aux termes de l'article 12, le demandeur qui produira les livres peut les invoquer, les tiers qui sont au procès pourront les invoquer au même titre. Donc, l'observation faite au Sénat n'est pas fondée.

Nous ne demandons qu'une chose : c'est que les livres ne soient pas nécessairement exclus, non seulement pour les tiers, mais pour ceux à qui ils appartiennent, quand ils ne sont pas tenus conformément au code da commerce ; en d'autres termes, nous demandons que les tribunaux aient le droit de puiser, dans des livres non absolument conformes aux prescriptions du code de commerce, des éléments d'appréciation.

La décision première de la Chambre avait une très grande portée ; c'était de donner raison à la pratique contre l'article 13 du code. Cette disposition était trop rigoureuse et elle était injuste en ce qu'elle excluait (page 754) tout livre de commerce auquel aurait manqué l'accomplissement d'une formalité exigée. Aussi les tribunaux ne tenaient-ils aucun compte de cette prescription. C’est pourquoi nous en avons demandé et obtenu la suppression.

En Hollande, messieurs, on a été plus loin que nous ne l'avons proposé : on a supprimé la formalité de la cote et du parafe ; et les tribunaux apprécient le degré de sincérité des livres qui leur sont soumis.

J'ajoute que je crois que le Sénat ne connaissait pas les considérations qui nous avaient fait proposer la suppression de l'article 13.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - En effet, on ne trouve rien, ni dans le rapport ni dans la discussion.

M. Bara. - Une série d'amendements ayant été proposée par M. Bischoffsheim, ces amendements ont été renvoyés a la commission, et la dissolution n'a plus permis de discuter le code.

Si le Sénat avait connu nos motifs, il est probable qu'il n'eût point persisté dans son désir de rétablir l'article 13 du code de commerce. Je ne crois donc pas que nous devions nous arrêter à la crainte manifestée par l'honorable M. Van Humbeeck.

Au surplus, il est probable que l'ensemble du code ne passera pas au Sénat sans amendement sur l'ensemble du projet de loi et il n'y a pas grand-chose à craindre d'un retour du projet de loi à la Chambre,

Je pense que la Chambre pourrait maintenir son premier vote qui implique la suppression de l'article 13, suppression qui existe en fait et qui est sanctionnée par la pratique.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Messieurs, mon devoir était d'appeler l'attention de la Chambre sur un dissentiment qui s'était produit autrefois.

Personnellement, je ne suis pas convaincu de l'utilité de rétablir l'article, et les considérations nouvelles présentées aujourd'hui par l'honorable M. Bara me confirment dans mon opinion.

Je maintiens cependant ma proposition, afin que la Chambre se prononce sur le point de savoir si elle croit utile d'aller au-devant du petit conflit qui pointait se produire.

M. le président. - Je remets aux voix l'article 13 de l'ancien code, ainsi conçu et proposé par l'honorable M. Van Humbeeck :

« Les livres que les individus faisant commerce sont obligés de tenir, et pour lesquels ils n'auront pus observé les formalités ci-dessus prescrites, ne pourront être représentés ni faire foi en justice, au profit de ceux qui les auront tenus, sans préjudice de ce qui sera réglé au titre : Des faillites, banqueroutes et sursis. »

Cet article deviendrait l'article 20bis.

- L'article n’est pas adopté.

L'article 20 est adopté.

Articles 21 à 23

« Art. 21. La communication des livres et inventaires ne peut être ordonnée en justice que dans les affaires de succession, communauté, partage de société et en cas de faillite. »

- Adopté.


« Art. 22. Dans le cours d'une contestation, la représentation des livres peut être ordonnée par le juge, même d'office, à l'effet d'en extraire ce qui concerne le différend. »

- Adopté.


« Art. 23. En cas que les livres dont la représentation est offerte, requise ou ordonnée, soient dans des lieux éloignés du tribunal saisi de l'affaire, les juges peuvent adresser une commission rogatoire au tribunal de commerce du lieu ou déléguer un juge de paix pour en prendre connaissance, dresser un procès-verbal du contenu et l'envoyer au tribunal saisi de l'affaire. »

- Adopté.

Article 24

« Art. 24. Si la partie aux livres de laquelle on offre d'ajouter foi refuse de les représenter, le juge peut déférer le serment a l'autre partie. »

- Adopté


M. Bara. - Je ferai remarquer qu'au Sénat M. Bischoffsheim avait présenté une série d'amendements sur les livres de commerce ; ces amendements ont été renvoyés à la commission du Sénat. Il y avait, autant que je me souviens, dans ces amendements des propositions admissibles et d'autres que le gouvernement ne pouvait accepter.

Je crois que la commission ferait bien d'examiner ces amendements, parce que, en définitive, il est probable qu'ils seront représentés au Sénat, et comme il y a dans ces amendements peut-être des améliorations, il serait utile d'en tenir compte.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Messieurs, j'ai appelé l'attention de la Chambre sur un amendement proposé par une commission du Sénat, mais non sur les amendements présentés par un membre de cette assemblée et qu’aucune commission n’a encire examinés.

Votre commission ne se refuse évidemment pas d'une manière absolue à examiner les amendements de M, Bischoffsheim. Seulement si la Chambre nous donne cette mission, il y aura évidemment un retard.

Quelques articles nous ont été renvoyés hier ; on vient encore aujourd'hui de nous en renvoyer.

La commission se réunira demain et sera en mesure, au moment de la séance, de présenter à la Chambre un rapport sur les différents articles renvoyés ; mais elle ne pourrait présenter un rapport sur les amendements de M. Bischoffsheim.

Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'adopter la proposition de l'honorable M. Bara.

Il est plus rationnel de laisser reproduire ces amendements par leur auteur, de les laisser examiner par la commission du Sénat.

Article 23

M. Lelièvre. - Je dois faire une observation sur l'article 23. Les juges peuvent adresser une commission rogatoire au tribunal de commerce du lieu. Il est bien entendu que ce tribunal pourrait déléguer l'un de ses membres à l'effet de prendre connaissance des livres, et qu'il n’est pas tenu lui-même de se livrer à cette opération.

La commission rogatoire me paraît comprendre nécessairement le droit de délégation appartenant au tribunal auquel la commission est adressée.

M. le président. - L'article 23 a été voté.

Maintenez-vous votre proposition, M. Bara ?

M. Bara. - J'ai fait une observation pour que la Chambre soit avertie. Je demanderai au gouvernement s'il a examiné les amendements de M. Bischoffsheim.

M. le président. - La Chambre n'en est pas encore saisie ni la commission non plus,

M. Bara. - C’est très vrai ; mais quand on s'occupe d'un code, il faut tenir compte de tout ce qui s’est produit dans la discussion. Les amendements de M, Bischoffsheim ont été présentés au Sénat ; ils ont été renvoyés à la commission. Il est évident que le gouvernement devra se prononcer. Il est possible qu'ils aient échappé à l'attention de M. le ministre de la justice ; mais s'ils avaient été étudiés, il vaudrait mieux les examiner dès maintenant.

M. Drubbel. - Si vous les croyez fondés, présentez-les.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Il vaut mieux, me semble-t-il, laisser à l'honorable membre du Sénat qui a proposé ces amendements le soin d'apprécier s'il convient de les reproduire.

Il n’est pas régulier que la Chambre s'en saisisse d'office. Quant au gouvernement, il n'a pas cru devoir les faire siens.

M. Cornesse. - Je ne comprendrais pas que la commission se saisît d'office des amendements présentés au Sénat par l'un de ses membres.

Le gouvernement a tenu compte, dans le projet qui vous est soumis, des discussions des commissions spéciales et de celles qui ont eu lieu à la Chambre et au Sénat ; il n'a pas cru devoir faire siens les amendements de l'honorable M. Bischoffsheim.

Personne dans cette Chambre ne reprend la paternité de ces amendements. L'honorable M. Bara lui-même ne les propose pas.

Je crois donc que nous ne pouvons pas nous en occuper ni prier la commission de les examiner.

M. Bara. - Ce que vient de dire l'honorable M. Cornesse n’est pas tout à fait exact : le gouvernement a présenté le projet tel qu'il avait été adopté par la Chambre et par le Sénat, mais il s’est réservé de présenter des amendements ; j'ai demandé s'il avait tenu compte des amendements de M. Bischoffsheim, et l'honorable M. De Lantsheere m'a répondu qu'il en avait tenu compte, mais qu'il n'avait pas cru devoir les faire siens.

Dans un travail pareil, il fallait nécessairement examiner toutes les propositions qui avaient été faites, et l'honorable M. Van Humbeeck l'a très bie;n compris lorsqu'il a parlé d'un amendement présenté par la commission du Sénat. (Interruption.) La commission n'a pas plus de droits qu'un membre du Sénat.

Du reste, je désirais seulement savoir si le gouvernement avait examiné les amendements de M. Bischoffsheim.

Il déclare qu'il l'a fait et qu'il n'admet pas ces amendements. C’est tout ce que je voulais savoir. Le gouvernement les repoussera au Sénat si M. Bischoffsheim les reproduit.

M. le président. - L'incident est clos.

Discussion des articles (titre IV. De la preuve des engagements commerciaux)

Article 25

« Art. 25. Indépendamment des moyens de preuve admis par le droit (page 755) civil, les engagements commerciaux pourront être constatés par la preuve testimoniale, dans tous les cas où le tribunal croira devoir l'admettre, sauf les exceptions établies pour des cas particuliers,

« Les achats et les ventes pourront encore se prouver au moyen d'une facture acceptée, sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale. »

M. Jottrand. - Messieurs, l'article 25, qui vient d'être mis en discussion, est très important, puisqu'il constitue à lui seul un titre, le titre IV du code de commerce.

Il faut donc qu'on n'y laisse subsister rien de trouble ou d'incomplet. Or, je dois dire que, tel qu'il est proposé, il fait naître, dans mon esprit, certains doutes sur l'intention qui a présidé à sa rédaction.

L'article 25 est ainsi conçu :

« Indépendamment des moyens de preuve admis par le droit civil, les engagements commerciaux pourront être constatés par la preuve testimoniale, dans tous les cas où le tribunal croira devoir l'admettre, sauf les exceptions établies pour des cas particuliers.

« Les achats et les ventes pourront encore se prouver au moyen d'une facture acceptée, sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale. ».

C'est ce dernier membre de phrase : « sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale », qui porte le trouble dans mon esprit.

Il semble, au début de l'article, que son rédacteur a eu pour unique intention de constater d'abord que tous les moyens de preuve admis en matière civile sont également admis en droit commercial, et ensuite, qu'outre ces moyens généraux, il y a deux modes de preuve spéciaux à la loi commerciale que l'on croit devoir stipuler avec netteté.

Ces deux modes sont : le premier, la preuve testimoniale recevable dans tous les cas où les juges croiront devoir l'admettre, c'est-à-dire l'abaissement de toutes les barrières élevées devant la preuve testimoniale, par le code civil ; le second, un mode de preuve relatif exclusivement aux achats et ventes commerciaux, la preuve par la simple existence d'une facture et de l'acceptation de cette facture.

Mais la fin de l'article semble vouloir autre chose.

Prétend-on réellement dire quelque chose de plus ? Y aurait-il encore d’autres modes de preuve spéciaux en matière de commerce que ceux que je viens d'indiquer, qu'on les expose, qu'on les détaille ; mais s'il n'y en a pas, comme je suis porté à le croire, que l'on s'abstienne de renvoyer à la fin de l'article, à propos des achats et ventes, à d'autres modes qu'on laisse dans le vague et qu'il faut rechercher je ne sais où.

Me résumant, je dirai qu'il faut, d'après moi : ou bien biffer la fin du paragraphe final de l'article qui nous est proposé et par là constater qu'en dehors des moyens de preuve admis en matière civile, en dehors de l'extension donnée à la preuve testimoniale, en dehors du mode de preuve par facture, tout spécial aux achats et ventes de marchandises, il n'y a rien.

Ou bien, si l'on croit qu'il y a encore des modes de preuve spéciaux à la matière commerciale autres que les deux que j'ai indiqués, je demande qu'on les énumère.

Dans l'ancien code de commerce, l'article 109 fait cette énumération ; il ne s'appliquait, il est vrai, spécialement qu'aux achats et ventes, mais la jurisprudence a étendu le sens de cet article à tous les engagements commerciaux.

Je demande pourquoi, à moins que l'on ne soit pas dans l'ordre d'idées dans lequel j'ai cru qu'on se plaçait, on n'a pas reproduit une énumération analogue prévoyant tous les cas et les faisant connaître au public pour qui, en définitive, les codes sont faits.

Que l'on s'explique donc, mais si l'on ne me fait pas connaître d'autres modes de preuve en matière commerciale que ceux dont il s'agit dans l'article 25 qui nous occupe, je propose formellement la suppression de dernier paragraphe de cet article, c'est-à-dire la suppression des mots : « sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale. » Ils sont une superfétation.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Il est évident qu'il existe en matière commerciale, pour des objets déterminés, d'autres modes de preuve que ceux mentionnés dans la règle générale de l'article 25. Il suffit de rappeler l'endossement en matière de lettre de change ; le transfert aux livres en matière d'actions de société ; la nécessité de l'acte écrit, même de l'acte authentique pour certains contrats tels que le contrat de société, les assurances, etc., etc.

La règle formulée dans l'article 25 est complète et les restrictions que l'article mentionne à la fin tant du premier que du second paragraphe trouvent leur raison d'être et leur justification dans la circonstance que je viens de relever.

La seule question qui puisse surgir est celle de savoir s'il est utile de placer à côté de la règle une énumération analogue à celle que fait le code actuel. Semblable énumération me paraît tout à la fois inutile et dangereuse.

Elle est dangereuse parce que l'on s'expose à commettre des erreurs, des omissions.

Elle est inutile parce qu'il convient mieux aux commentateurs et à la jurisprudence qu'au législateur de coordonner et d'appliquer les règles que la loi a pour objet de tracer.

C'est cette considération qui a déterminé la commission de la Chambre à ne point procéder par voie d'énumération dans le projet qu'elle a élaboré.

L'article peut donc être maintenu tel qu'il est sans aucun inconvénient.

M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je pense qu'il est préférable de maintenir la disposition telle qu'elle est énoncée au projet. En effet, on se réfère d'une manière générale aux différents modes de preuve admis par la loi commerciale. Eh bien, celle disposition satisfait à toutes les exigences, elle fait cesser les difficultés que présentait la rédaction de l'ancien code de commerce et résultant de ce que la loi avait fait une énumération de divers modes de preuve, d'où l'on avait quelquefois conclu que les autres moyens de preuve étaient exclus. On a décidé toutefois que l'énumération n'était pas limitative. Eh bien, c'est précisément pour prévenir tout doute que l'article 25 a été rédigé dans sa teneur actuelle.

Maintenons donc une disposition qui est claire et précise et ne reproduisons pas une prescription de l'ancien code qui avait donné lieu à des difficultés.

M. Jottrand. - Si l'on entend, dans l'article unique du titre qui nous occupe, viser, en général, d'une façon globale, tous les modes de preuve spéciaux dont l'honorable ministre a rapporté quelques-uns, alors il faut le faire d'une façon plus complète qu'on ne le fait dans le texte dont nous sommes saisis.

En effet, dans cet article 25, on ne vise certains modes de preuve admis spécialement par la loi commerciale qu'à propos des achats et ventes ; et encore ! de quelle catégorie d'achats et de ventes ? Mais d'achats et ventes d'une nature spéciale, de ceux-là seuls qui peuvent se prouver par une facture acceptée, c'est-à-dire des achats et ventes de marchandises.

Il est évident qu'on n'a pas entendu parler, au début du paragraphe 2 de l'article 25, d'autres achats que d'achats de marchandises. On n'y a pas eu en vue des achats et ventes de fonds publics ou d'effets de commerce. Pareils achats en effet ne se constatent jamais par une facture acceptée ; il ne s'y agit, je le répète, que des achats et ventes de marchandises.

Eh bien, c'est après avoir dit spécialement de ces « achats et ventes qu'ils se constatent par une facture acceptée » que l'on dit : « sans préjudice des autres preuves admises par la loi commerciale. » N'est-ce pas dire que l'on n'invoque les modes spéciaux de preuve de la loi commerciale que pour les achats et ventes de marchandises ?

L'interprétation me paraît évidente, il faut l'éviter si c'est au sujet de tous les engagements commerciaux dont l'honorable ministre a fait l'énumération au moins partielle qu'on veut rappeler qu'il y a des modes spéciaux de preuve.

Il faut s'exprimer au moins clairement à cette fin ; qu'on le dise à un autre endroit de l'article ; qu'on le dise au moyen d'une énumération ou d’un paragraphe spécial exprimant un principe général, mais qu'on ne laisse pas subsister le texte proposé.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je ne suis pas certain d'avoir bien compris l'honorable M. Jottrand, mais il me semble que la partie finale du paragraphe 1er répond à son observation. On dit, en effet, en rattachant ceci à la règle générale ; « sauf les exceptions établies pour les cas particuliers. »

M. Van Humbeeck, rapporteur. - Je crois qu'il n'y a pas lieu de modifier l'article.

La commission avait proposé une disposition plus générale traduite littéralement du deuxième paragraphe de l'article premier du code de commerce hollandais. Mais cette rédaction présentait une lacune. On ne pouvait faire rentrer dans ses termes les factures acceptées, qui sont un mode spécial de preuve pour les achats et les ventes en matière de commerce. On a voulu combler cette lacune par le deuxième paragraphe. La phrase par laquelle celui-ci se termine a pour but d'empêcher que la facture ne soit considérée comme un mode spécial et exclusif de prouver les ventes commerciales. On a voulu bien préciser que ce mode de preuve se cumule avec les autres (page 756) modes admis par le code de commerce et compris dans le premier paragraphe de l'article,

M. Bara. - La disposition du paragraphe 2 est indispensable, parce que c'est une dérogation à la loi commerciale.

Comme vient de le dire très bien mon honorable ami, M. Van Humbeeck, la commission avait adopté un mode plus général et avait emprunté cet article au code hollandais.

Des modifications y ont été introduites, sur la proposition du gouvernement, parce que la rédaction était incorrecte, et n'était pas conforme à des dispositions spéciales du code de commerce qui exigent des actes écrits, sans prescrire un mode spécial de preuve, à l'exclusion de tout autre,

Ainsi, par exemple, le contrat à la grosse doit se prouver par un acte écrit, ce qui n'exclut ni l'aveu, ni la délation du serment.

Mais il y a un autre contrat qui ne peut se prouver, ni par le serment ni par l'aveu, c'est la société anonyme ; il faut un acte public, notarié.

La loi est formelle ; il faut un acte public. Il restait une autre question, celle de savoir si, pour les achats et pour les ventes, on ne pouvait pas aller plus loin et admettre un autre mode de preuve que ceux qu'on venait d'admettre dans le paragraphe premier de l'article : la preuve par facture acceptée. Sur ce point, il y avait une controverse ; on disait que la facture acceptée était un mauvais mode de preuve, parce que souvent les commerçants introduisaient dans leurs factures une foule de conditions, même imprimées, qui n'étaient réellement pas dans les intentions des parties. Quelques auteurs voulaient donc supprimer le paragraphe 2 de l'article et ne pas admettre le mode de preuve par facture acceptée.

Mais, messieurs, la commission a pensé et le gouvernement aussi que pour les achats et les ventes on pourrait maintenir la preuve par facture acceptée. Maintenant ce n'est pas une raison parce que ce mode de preuve est admis, de rejeter tous les autres modes, et c'est pourquoi on a voté la finale critiquée par M. Jottrand.

Si vous supprimiez cette finale, voici ce qui pourrait arriver : les achats et les ventes, dit le paragraphe 2, pourront encore se prouver par facture acceptée. Mais on pourrait croire qu'on ne peut plus prouver les achats et les ventes par la correspondance, et par tous autres moyens admis en matière commerciale. Or, cela n'était pas dans les intentions du législateur.

Je reconnais que le mot « encore » est inutile ; on pourrait donc supprimer ce mot et dire : « Les achats et les ventes pourront se prouver au moyen d'une facture acceptée sans préjudice..., etc. » c'est-à-dire qu'outre les moyens de preuve admis par le code civil et le code de commerce on peut encore prouver les achats et les ventes par facture acceptée.

Voilà la portée du paragraphe 2. Je crois que, moyennant ces explications, il n'y a aucune difliculté de maintenir cet article, sur la portée duquel tout le monde doit être d'accord.

M. Lelièvre. - Remarquez qu'en jurisprudence l'on discutait si l'acceptation d'une facture pouvait être considérée comme une preuve de ce qui y était énoncé. Sur ce point, sont intervenus plusieurs arrêts. Eh bien, c'est précisément pour faire cesser cette difficulté que le paragraphe 2 de notre article a été rédigé. On convertit en loi la doctrine des arrêts qui ont, statué en ce sens. Je pense donc qu'il faut maintenir purement et simplement la disposition en discussion ; disposition parfaitement conforme à la jurisprudence en matière commerciale, et en harmonie avec les véritables principes.

M. Demeur. - Il me semble que les objections de l'honorable M. Jottrand se justifient par la contradiction entre l'interprétation donnée à l'article par M. le ministre de la justice, et celle donnée par l'honorable M. Bara. La signification du paragraphe 2 a été indiquée d'une façon entièrement différente par ces deux orateurs.

M. le ministre de la justice vous a dit que les achats et les ventes peuvent se prouver non seulement au moyen d'une facture acceptée, mais aussi par les autres moyens de preuve que consacre la loi commerciale, tels que l'endossement, le transfert sur les livres d'une société, etc.

Voilà l'interprétation de M. le ministre de la justice.

L'honorable M. Bara dit tout autre chose. Selon lui, la seconde partie de l'article n'a d'autre portée que celle-ci : « Les achats et les ventes pourront encore se prouver au moyen d'une facture acceptée, plus les modes ordinaires de preuve, tels que l'aveu, les modes acceptés par le droit civil, etc., en un mot les modes rappelés à l'alinéa premier de l'article 25, etc. »

Je constate que c'est là une interprétation entièrement différente de celle qu'a donnée M. le ministre de la justice.

J'ajoute que la mauvaise rédaction du second alinéa de l'article m'avait frappé. Je n'ai pas saisi du tout ce que signifie sa partie finale ; et j'appelle l'attention de la Chambre sur la comparaison de cette partie finale avec l'intitulé du titre IV dont l'article 25 est l'unique disposition. Le titre IV est pompeusement intitulé : « De la preuve des engagements commerciaux » ; et l'article se termine par ces mots : « Les achats et les ventes peuvent encore se prouver au moyen d'une facture acceptée, sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale ; » de telle sorte que, d'après l'intitulé, on croit trouver dans l'article la solution d'un problème, tandis que la partie finale de l'article ne fait que poser le problème lui-même.

M. Bara. - L'honorable membre dit que l'entête du titre que nous discutons est très ambitieux, qu'il semble devoir donner tous les moyens de preuve des engagements commerciaux et qu'il ne satisfait pas à ce qu'il promet.

Cela est exact. Mais ce que veut l'honorable membre est impossible. Il ne voudrait sans doute pas que pour avoir la preuve des engagements commerciaux en matière de lettres de change, on prît dans le titre de la Lettre de change, pour l'insérer dans ce titre, tous, les moyens de preuve de la Lettre de change, dans le titre des Sociétés, les moyens par lesquels on prouve la société, dans le titre des Assurances, le mode de preuve de ce contrat.

Il faut donc, pour tous les contrats spéciaux, insérer dans ces contrats le mode spécial de preuve.

On ne peut donner dans ce titre qu'une règle générale et c'est ce qu'on a fait.

Il restait un point, c'est la question de savoir si, conformément à l'article 109 du code de commerce, on admettrait la preuve de l'achat et de la vente par une facture acceptée.

On s'est prononcé pour l'affirmative.

Mais on a craint que si l'on disait que la preuve peut se faire par une facture acceptée, on n'en déduisît qu'il ne pourrait pas être employé d'autres moyens de preuve et c'est pour cela qu'on a ajouté les mots : « sans préjudice, etc. »

Maintenant, l'honorable M. Demeur dit que je ne suis pas d'accord avec M. le ministre de la justice ; c'est une erreur : M. le ministre de la justice a parlé de l'endossement, du transfert ; ce sont des modes de preuve admis par la loi commerciale.

Maintenant, je le reconnais, le mot « encore » est inutile, on pourrait le supprimer.

L'honorable M. Lelièvre a dit qu'une controverse existait s'appuyant sur des arrêts divers, sur la question de savoir si la preuve des achats et des ventes peut résulter de factures acceptées. Je ne comprends pas comment pareille controverse ait pu exister.

L'article 109 du code de commerce est formel ; il dit :

« Les achats et les ventes se constatent par une facture acceptée. »

C'est clair et je ne crois pas qu'un arrêt ait pu dire le contraire.

M. Lelièvre. - J'ai fait allusion aux difficultés qui se sont élevées en jurisprudence. Il s'agissait d'examiner jusqu'à quel point les énonciations de la facture faisaient foi entre parties et devaient être considérées comme obligatoires entre elles.

Ainsi, lorsque les factures faisaient mention que le prix était payable au domicile du créancier ou contenaient d'autres énonciations relatives à la vente, on se demandait si cela suffisait pour faire preuve d'une convention à cet égard. C'est à semblables difficultés que se réfère ce que j'ai eu l'honneur de dire dans mon discours précédent.

M. le président. - M. Jottrand, insistez-vous sur votre amendement ?

M. Jottrand. - Je n'insiste pas si l'on supprime le mot « encore » dans le deuxième alinéa.

- La discussion est close.

Le mot « encore » est supprimé dans le deuxième paragraphe de l'article 25.

L'ensemble de l'article 25, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Projet de loi allouant des crédits supplémentaires au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Magherman. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant des crédits supplémentaires au dépôt des travaux publics, jusqu'à concurrence de 3,461,887 fr. 58 c.

- Sur la proposition de M. le président, la Chambre met le projet de loi à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre premier)

Discussion des articles (titres X et XI)

M. le président. - Nous arrivons aux titres X et XI du livre premier.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - M. le président nous propose (page 757) de passer aux titres X et XI ; je dois faire remarquer à la Chambre que nous ne nous sommes occupés jusqu'ici que de titres qui ont déjà subi dans cette Chambre l'épreuve d'une discussion publique et dont quelques-uns même avaient fait l'objet d'un rapport au Sénat.

Le titre X traite des assurances en général, et le titre XI, de quelques assurances terrestres en particulier ; ils n'ont pas encore été discutés dans cette Chambre ; il n'y a qu'un simple rapport de la commission ; jusqu'ici, le gouvernement n'a pas déposé d'amendements, ni fait connaître son intention d'en déposer.

Ces titres ne font pas immédiatement suite à ceux qui sont déjà votés.

Il s'agit, en outre, d'une matière qui ne fait en ce moment l'objet d'aucune législation, nous devons faire du neuf, et notre tâche ici est beaucoup plus difficile qu'à propos des matières que nous avons déjà traitées.

Dans ces conditions, je demande si la Chambre se trouve suffisamment préparée à une discussion qui vient plus tôt qu'on ne s'y attendait.

Pour lui donner l'occasion de se prononcer, quoique me tenant à sa disposition comme rapporteur, je fais la proposition de remettre la discussion des titres X et XL

- Cette proposition est adoptée.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - Il convient de fixer l'ordre du jour de demain. La Chambre entend-elle passer au vote définitif de quelques-uns des titres du code de commerce ?

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Peut-être vaudrait-il mieux remettre ce vote à samedi. Je ne pense pas que la commission pourra se réunir demain. (Interruption.) S'il en est autrement, mon observation tombe.

M. Van Humbeeck, rapporteur. - La commission se réunira demain et les auteurs des amendements seront invités à se rendre à la séance. Seulement je ferai remarquer que la Chambre n'aura pas le texte sous les yeux.

Peut être conviendrait-il que M. le ministre de la justice voulût bien assister lui-même à la séance de la commission pour se mettre d'accord avec elle sur les questions de rédaction. Il est plus facile de se mettre d'accord dans une conversation que dans une discussion publique.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je suis à la disposition de la commission.

M. le président. - Le vote définitif aura donc lieu demain sur le titre de la Lettre de change et les premiers titres du livre Ier.

Je propose à la Chambre de se réunir demain à trois heures au lieu de deux. (Adhésion.)

On me fait remarquer qu'il sera impossible de faire réimprimer tous les titres votés pour demain.

La Chambre entend-elle maintenir néanmoins sa résolution de passer demain au vote définitif de ces titres ?

- De toutes parts. - Oui, oui !

M. le président. - Il en sera donc ainsi.

Rapports sur des pétitions

M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants de Burton demandent la remise de la contribution foncière pour cette année.

Même demande des fermiers à Niverlé et des habitants du canton de Durbuy.

Une proposition de loi due à l'initiative de notre honorable collègue, M. De Lexhy, si elle était adoptée, donnerait satisfaction aux griefs formulés dans cette pétition.

Votre commission a l'honneur de vous en proposer le renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.

- M. Schollaert remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Flamand prie la Chambre de dispenser de l'impôt foncier de l'année courante les cultivateurs de Tourinne-la-Grosse.

La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Hoyoux, milicien congédié pour infirmité contractée par le fait du service, demande un secours.

La Chambre étant incompétente pour statuer sur le mérite de la demande faite par le pétitionnaire, voire commission vous propose l'ordre du jour

- Adopté,


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Bercheux, en juillet 1871, des habitants de Bercheux demandent la construction d'une route de Bercheux à Wideumont-Bercheux.

Les pétitionnaires font ressortir, dans leur requête, le mauvais état des chemins aujourd'hui impraticables ; la voie nouvelle dont ils réclament la construction imprimerait un grand mouvement commercial à la station de Bercheux, appelée à devenir une des plus importantes de la ligne de Libramont à Bastogne.

Cette route, d'une longueur de trois kilomètres environ, aurait l'avantage de fournir une communication directe avec celle de Neufchâteau à Bastogne.

Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition a M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Huldenbergh, le 10 juillet 1871, des propriétaires, industriels, agriculteurs et commerçants à Huldenbergh prient la Chambre d'accorder à la compagnie Stevens un chemin de fer direct de Bruxelles à Wavre.

Même demande des propriétaires, agriculteurs, industriels et commerçants à Isque et Dion-le-Mont.

Messieurs, les pétitionnaires exposent les avantages résultant, pour leurs communes, de la construction du chemin de fer dont il s'agit.

Conformément à tous les précédents, la commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Géronville, le 14 novembre 1871, le sieur Fronville, soldat au 8ème régiment de ligne, prie la Chambre de lui faire obtenir son congé.

La commission des pétitions propose habituellement l'ordre du jour sur des pétitions analogues. En cette circonstance, cependant, elle croit pouvoir se départir de cette habitude.

Le soldat Fronville se plaint de ne pouvoir obtenir un congé afin de recueillir la petite succession que ses parents lui laissent.

Une lettre de son colonel, jointe au dossier, témoigne de la sollicitude du chef pour le soldat.

La commission des pétitions propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Wasmes, le 12 décembre 1871, le sieur Bernard demande la rétrocession de la partie du terrain qu'il avait cédée pour l'emplacement de la station de Wasmes et qui n'a pas reçu de destination.

Voici le fait : Le pétitionnaire a été en quelque sorte forcé de céder son terrain à l'Etat pour l'emplacement d'une station à Wasmes.

Par suite de modifications au projet primitif, partie de ce terrain est inoccupée et inutile. Le pétitionnaire demande qu'il lui soit rétrocédé.

Il est indubitable que l'Etat ne peut équitablement peser sur un citoyen pour lui faire vendre son bien, en vue d'utilité publique, pour profiter de la plus-value du terrain pour le revendre. Le motif d'acquiescement du vendeur étant évidemment la certitude qu'il a d'être exproprié en vue de l'intérêt général, qui seul peut loyalement motiver la conduite de l'Etat.

Sans rien préjuger quant au fait soumis à l'attention de la Chambre, les éléments d'appréciation lui manquant à cet égard, votre commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Courtrai, le 16 décembre 1871, le sieur Crudenaire demande, une loi interdisant aux cabaretiers de donner à boire aux personnes âgées de moins de vingt et un ans, qui ne seraient pas accompagnées de leurs parents, et qu'il soit pris une mesure pour que les maisons de danses ne puissent, sans autorisation des administrations communales, arborer le drapeau national.

Le pétitionnaire est, sans doute, mû par d'excellents sentiments, mais le but qu'il désire ne peut évidemment être atteint par la promulgation d'une loi.

Votre commission propose l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 9 avril 1870, le sieur Laurent demande que le droit d'ordonner la fermeture des débits de boissons soit retiré aux administrations communales et que les cabarets puissent rester ouverts toute la nuit.

Messieurs, cette pétition est en quelque sorte la contrepartie de celle que je viens d'avoir l'honneur d'analyser : l'un demande la répression, celui-ci la liberté absolue.

Le pétitionnaire défend sa thèse avec assez de verve et prend la défense des cabaretiers, considérés bien à tort comme formant une classe à part (page 758) frappé» de la réprobation publique et demandant des mesures répressives spéciales.

Néanmoins, votre commission des pétitions a pensé qu'il y aurait quelque inconvénient à laisser à l'arbitraire du premier venu la faculté de tenir un cabaret ouvert toute la nuit.

Elle propose, en conséquence, l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 21 juin 1871, le sieur Delmol demande qu'il soit pris des mesures pour empêcher la publication des journaux qui glorifient les actes ignobles de la commune.

Cette pétition ne tend à rien moins qu'à soumettre la presse à des mesures préventives, c'est-à-dire à la censure.

Enoncer une telle proposition dans une Chambre belge suffit pour qu'elle soit unanimement rejetée.

Votre commission vous propose donc l'ordre du jour.

- Adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 21 juin 1871, le sieur Duval, soldat volontaire au 11ème régiment de ligne, demande remise de la peine de la privation de la cocarde à laquelle il a été condamné, le 21 mars 1870, par le conseil de guerre de la province de Flandre occidentale.

Il s'agit d'une requête en grâce. Le pétitionnaire est un ancien soldat du Mexique dont les antécédents ne paraissent pas défavorables.

Votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 18 décembre 1871, des blessés de septembre, pensionnés mais non décorés de la croix de Fer, prient la Chambre de rétablir l'égalité des pensions entre les blessés et les décorés.

Les sentiments qui ont déterminé l'Etat à doter les décorés de la croix de Fer sont évidemment applicables aux blessés qui eux portent la preuve trop évidente de leur coopération à l'œuvre de 1830.

Le nombre des pétitionnaires est assez restreint, l'acte de munificence que poserait le gouvernement n'imposerait donc qu'une charge assez minime au trésor.

Votre commission vous propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bergé. - Messieurs, j'appuierai vivement la pétition dont il s'agit.

En 1830, les dons en argent et de toute nature qui furent envoyés par l'Europe entière s'élevaient à un chiffre très considérable. Ces dons étaient destinés à venir en aide soit aux blessés, soit à leurs veuves ou à leurs orphelins. Les blessés reçurent, dès l'origine, une pension. La croix de Fer ne fut instituée que cinq années plus tard ; la croix de Fer devait être une distinction purement honorifique, il ne devait pas y avoir de pension attachée à cette distinction.

En 1834, les décorés de la croix de Fer furent pensionnés, malgré les termes de l'arrêté qui, je le répète, considérait la croix de Fer comme une distinction honorifique. Quant aux blessés de septembre, ils ne firent, à cette occasion, aucune réclamation ; ce n'est qu'en 1871, à l'occasion du budget de l'intérieur, que les réclamations se produisirent dans la presse et dans la Chambre.

Le budget de l'intérieur portait que le maximum de la pension pouvait s'élever jusqu'à 1,200 francs pour les décorés, tandis qu'il ne pouvait s'élever qu'à 400 francs pour les blessés. Cette disposition provoqua les pétitions dont nous nous occupons.

Ainsi, après être restés quarante années dans d'excellents termes avec les décorés, les blessés de septembre en sont arrivés à batailler avec leurs anciens confrères.

Evidemment, il y aurait injustice à placer les blessés de septembre dans des conditions moins bonnes que les décorés. Les blessés de septembre ont incontestablement autant de droits que les décorés. Car si l'on consulte la liste des décorés de la croix de Fer, on s'aperçoit qu'il y en a beaucoup parmi eux qui, tout en ayant rendu des services à la révolution de 1830, n'ont pas payé de leur personne, comme ceux qui ont été placés dans la catégorie des blessés de septembre.

M. Dumortier. - L'honorable préopinant me semble être complètement dans l'erreur. Les blessés de septembre proprement dits n'avaient aucune espèce de droits à la pension. Ils avaient la même faculté que tous les autres : celle de faire valoir leurs droits devant la commission des récompenses qui statuait sur les demandes. Beaucoup d'entre eux ont fait des demandes qui ont été repoussées ; par conséquent, ils n'avaient pas de droits.

Maintenant la croix de Fer a été accordée en vertu d'un décret proposé par le gouvernement provisoire et sanctionné par une loi de 1835.

La croix de Fer a été décernée par la commission des récompenses unie aux membres du gouvernement provisoire. Cette commission a examiné toutes les demandes.

Elle a fait des appels réitérés, chacun a eu le temps de présenter sa demande et toutes les demandes ont été examinées avec le plus grand soin.

Maintenant, plusieurs années après, la Chambre a décrété une pension de 100 francs pour les décorés nécessiteux et il n'y a pas eu la moindre réclamation ; mais quand la pension fut arrivée à 200 ou 300 francs, on a vu surgir de tous côtés des personnes qui se disaient blessés de septembre et qui arrivaient avec des certificats plus ou moins authentiques.

Il a bien fallu les éconduire. Cependant l'honorable M. Rogier, dans une intention réellement patriotique, sachant qu'il y avait quelques blessés qui n'avaient pas fait valoir leurs droits en temps opportun, l'honorable M. Rogier a fait à cet égard ce qu'il était possible de faire ; lorsqu'il s'est agi de fixer le chiffre de la pension des décorés de la croix de Fer, il a proposé d'y adjoindre les blessés dont je viens de parler ; mais l'honorable membre ne soupçonnait pas du tout qu'il devait arriver un si grand nombre de solliciteurs.

Beaucoup de personnes dont on n'avait jamais entendu parler comme blessés sont arrivées avec des certificats qu'il était facile de se procurer quarante ans après les événements de la révolution. Ces gens-là sont venus manger le capital dû aux décorés de la croix de Fer.

Des réclamations se sont élevées ; la Chambre a décidé, sur la proposition de la section centrale, qu'il ne sera plus accordé de pensions à l'avenir.

Cette proposition de la section centrale a été votée à l'unanimité par la Chambre ; elle est devenue une loi et nous ne pouvons pas revenir là-dessus..

M. Bergé. - Messieurs, l'honorable préopinant n'admet pas les réclamations des blessés de septembre qui désirent que leur pension soit mise en rapport avec celle des décorés de la croix de Fer.

Sans doute, parmi les décorés de la croix de Fer, il en est qui ont donné des preuves de bravoure, qui ont été blessés et qui, par conséquent, ont droit à la pension. Mais il en est d'autres à qui on a donné la croix et qui certainement ont moins mérité du pays que les blessés de septembre pensionnés et non décorés.

Ainsi on a accordé la croix de Fer non seulement aux personnes qui ont pris part aux combats de septembre et aux événements qui ont suivi, mais aussi à des écrivains qui ont stimulé le zèle patriotique à cette époque, à des auteurs de chansons patriotiques ; on l'a même accordée à ceux qui ont mis ces chansons en musique.

Je ne vois pas de mal à décorer les musiciens, mais incontestablement quand des blessés de septembre viennent demander qu'on les traite avec bienveillance dans cette assemblée, je crois qu'on ne doit pas repousser leurs réclamations.

M. De Lehaye. - Il y a trois catégories de personnes qui ont droit à des subsides ou à une pension : les décorés, les blessés, et les personnes qui reçoivent des subsides.

L'honorable M. Bergé vient de dire qu'il y a des blessés qui ont rendu de plus grands services que des décorés.

M. Bergé. -Aussi considérables...

M. De Lehaye. - Mais tous ceux qui ont été blessés ont été décorés. Quelque temps après la révolution, une commission a été nommée ; c'est M. Rogier qui en était le président et je suis heureux de pouvoir ici lui rendre hommage,

Cette commission s'est montrée juste et bienveillante pour tous ceux qui avaient rendu service au pays. C'est ainsi que tous les blessés qui ont fait valoir leurs droits à cette époque ont été décorés.

Mais quand cette commission a eu terminé son travail, il est encore survenu un grand nombre de personnes qui prétendaient avoir été blessées ; ces personnes ont été comprises parmi celles qui avaient droit à la pension.

M. Vandenpeereboom, voulant mettre un terme à ces réclamations, a déclaré qu'après 1864, il n'y aurait plus personne qui serait porté sur la liste pour la pension. Mais, pour ne pas laisser dans l'embarras ou la misère, des gens qui avaient rendu service au pays, on a porté au budget une somme de 20,000 francs sur laquelle on accorde des subsides à ceux qui, n'ayant pas droit à la pension, sont dans le besoin.

Mettre tous les blessés de septembre indistinctement sur la même ligne que les décorés de la croix de Fer, ce serait un fâcheux précédent.

(page 759) A deux reprises, la Chambre a déclaré, avec raison, que l'on établirait une distinction entre les blessés et les décorés. M. Rogier s'est montré très conciliant à cet égard ; il a accordé la croix de Fer à tous les hommes qui y avaient des titres. Je crois donc qu'il faut faire une distinction entre les blessés de septembre et les décorés de la croix de Fer.

La pension de chaque blessé s'élèvera à 400 francs; celle des décorés pourra être de 1,200 francs.

La distinction établie doit être maintenue ; on ne peut pas dire que les blessés de septembre non décorés ont rendu au pays les mêmes services que les décorés de la croix de Fer.

M. Rogier. - Je tiens à dire un mot sur la portée du renvoi. Si M. le ministre de l'intérieur rencontre encore d'anciens volontaires qui justifient de blessures reçues ou de services marquants, il peut, à l'aide du fonds spécial qui figure à son budget, accorder les indemnités qu'il trouverait méritées par des citoyens qui ont négligé dans le temps de faire valoir leurs droits, soit qu'ils n'eussent pas besoin d'indemnités, soit pour tout autre motif.

En ce qui concerne le plus grand nombre des blessés, je crois qu'ils n'ont pas à se plaindre. Ceux dont les blessures plus ou moine graves ont été constatées ont reçu une pension à ce titre, et comme, au même titre, ils ont reçu la croix de Fer, une seconde pension leur est attribuée de ce chef ; ils jouissent donc de deux pensions : celle de la croix de Fer peut s'élever à 1,200 francs. Or, il s'est trouvé qu'un certain nombre de blessés n'avaient pas reçu de pension ni de croix, parce qu'ils avaient omis de faire valoir leurs droits, ou que ceux-ci avaient été trouvés insuffisants.

Plus tard, on les a assimilés aux décorés de la croix de Fer afin de les indemniser, dans une juste mesure ; mais on a décidé que pour les blessés de cette catégorie le maximum de la pension ne serait que de 400 francs ; voilà la distinction qui a été établie. Le moment approche où ce maximum sera atteint.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'année prochaine.

M. Rogier. - On examinera alors s'il faut maintenir ou dépasser le maximum de 400 francs ; quant à ceux qui, sans être blessés, ont rendu des services constatés, on peut leur accorder, je crois, une indemnité sur le fonds spécial.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Une observation du même genre a déjà été faite l'année dernière. Mon honorable prédécesseur avait pris l'engagement de l'examiner ; il avait promis de rechercher s'il ne serait pas possible de revenir au principe d'égalité entre les décorés de la croix de Fer et les blessés de septembre. A mon tour, et en présence de la promesse faite par l'honorable baron Kervyn, je me suis demandé si la décision prise par les Chambres, dans la loi du budget de 1871, n'était pas trop rigoureuse. Comme la réduction de la pension des blessés de septembre, ne devait se produire qu'en 1874, je n'ai point préparé d'amendement en 1872, mais j'ai cru que je répondrais au vœu de la Chambre, en proposant, au budget de 1873, de revenir, en faveur des blessés de septembre, à la règle admise avant le budget de 1871, c'est-à-dire à un principe d'égalité. Nous discuterons cette question plus tard ; elle se présentera au budget de. l'intérieur. Si la Chambre ne croit pas devoir accorder aux blessés de septembre une pension égale à celle qui est accordée aux décorés de la croix de Fer, j'espère au moins qu'elle ne se refusera pas à améliorer leur position.

M. De Lehaye. - Messieurs, le mode indiqué par l'honorable M. Rogier s'applique en principe. Les individus blessés ou qui ont rendu des services à la révolution et qui n'ont pas de pension, obtiennent un subside sur le fonds spécial qui figure au budget.

Quant à l'intention exprimée par l'honorable ministre de l'intérieur, je la crois contraire aux deux résolutions prises antérieurement par la Chambre et il faudra qu'on me donne des arguments bien péremptoires pour que je consente à modifier ces décisions.

Mettre sur la même ligne tous les blessés et les décorés de la croix de Fer, c'est, selon moi, entrer dans une voie vicieuse.

En 1873,1e fonds spécial sera épuisé. Je crois que le gouvernement ferait bien de porter au budget une somme plus forte pour les blessés, mais assimiler les blessés aux décorés de la croix de Fer serait, selon moi, une injustice.

M. Dumortier. - Je partage complètement l'opinion de l'honorable M. Delehaye. Je pense, comme lui, qu'assimiler les blessés de septembre aux décorés de la croix de Fer, ce serait une grande et criante injustice.

Les décorés de la croix de Fer ont été désignés par la commission des récompenses et par le gouvernement provisoire.

II y a eu là un examen sérieux et approfondi et les décorés de la croix de Fer ont des titres incontestables.

En est-il de même pour la pension des blessés de septembre ? Cette pension a été accordée sans garanties.

C'est le chef de division chargé de cette branche de service au ministère qui a déclaré qu'il y avait ou qu'il n'y avait pas lieu d'accorder la pension. Et vous direz que c'est la même chose ! Il y a entre les décorés de la croix de Fer et les blessés de septembre celte différence que le gouvernement provisoire, uni à la commission des récompenses, a examiné les titres des décorés de la croix de Fer, tandis que nous ne savons pas et personne sans doute ne sait comment a été fait le travail pour les blessés de septembre ; et j'ai souvent entendu signaler qu'on avait admis comme blessés des personnes qui n'avaient jamais été blessées et qui étaient arrivées avec des certificats de complaisance.

Ce serait donc, comme vient de le dire l'honorable M. De Lehaye, une injustice criante de mettre sur la même ligne les décorés de la croix de Fer et les blessés de septembre. Il y a, je le répète, une différence totale entre les décorés de la croix de Fer et les blessés de septembre : les décorés de la croix de Fer ont eu leurs titres reconnus par la commission des récompenses et, comme l'a dit l'honorable M. Rogier, ils ont été pensionnés en 1832 à cause de leurs blessures. Là il y a des titres ; mais quant à ceux qui n'ont jamais réclamé, ni en 1832, ni en 1834, on est en droit de considérer leurs blessures comme étant singulièrement équivoques.

Il y a eu quelques cas, je le veux bien, mais ils étaient très peu nombreux : il y en avait peut-être huit ou dix et pas davantage, et vous êtes arrivés aujourd'hui à avoir cent ou cent cinquante personnes qui demandent à prélever une part sur le bien des décorés de la croix de Fer. Mais, messieurs, si vous admettiez les demandes des personnes dont les titres n'ont jamais été contrôlés, les décorés de la croix de Fer ne profiteraient jamais du bénéfice que M. Rogier a voulu leur faire obtenir. Voilà 42 ans que la révolution est faite et au lieu d'une pension de 1,200 francs, les décorés de la croix de Fer n'ont encore qu'une pension de 350 francs, ce n'est que l'année prochaine qu'ils auront 400 francs.

M. Muller. - On a donné aux uns au détriment des autres.

M. Dumortier. - Précisément.

C'est un fait positif : on a donné aux uns au détriment des autres et si l'on continue ce système, vous verrez que les véritables titulaires, ceux qui ont des titres sérieux et qui ont mérité la croix de Fer, ne parviendront jamais au chiffre que l'honorable M. Rogier a voulu leur accorder.

L'honorable M. Bergé est venu dire que l'on avait décoré des personnes qui n'avaient pas été au combat. Moi, je me range à l'appréciation du gouvernement provisoire ; il faut avoir vécu à cette époque, avoir connu les immenses services rendus par des personnes qui n'ont pas été au combat, pour savoir que ces services valaient bien une blessure.

Comment ! les écrivains dont vous parlez et qui ont provoqué la révolution, n'ont-ils pas risqué leur tête ? Quand nous avons fait notre révolution ce n'est pas seulement avec le fer, c'est d'abord avec la plume que nous l'avons faite.

Si la révolution n'avait pas réussi, ces écrivains, ceux au moins les plus compromis, n'avaient qu'une chose à faire, aller manger le pain de l'étranger et respirer l'air de l'étranger. Ce sont ces écrivains qui nous ont donné la patrie ; ne soyez pas injustes envers eux.

M. Bergé. - Je ne suis nullement injuste envers les décorés de la croix de Fer. Mais l'honorable M. Dumortier déplace la question ; c'est lui qui est injuste envers les blessés de septembre.

En 1859, les décorés de la croix de Fer furent mis exactement sur le pied d'égalité avec les blessés. Ils recevaient la même pension.

M. Dumortier. - Parce qu'ils étaient décorés.

M. Bergé. - Si les blessés de septembre n'ont pas réclamé alors contre la création de cette pension destinée à des gens décorés, qui avaient obtenu la récompense à laquelle ils avaient droit, une récompense honorifique, ils ont fait preuve de bienveillance à l'égard de ces décorés.

Il pouvait être certainement louable en 1830 de faire des articles en faveur de la révolution ; il pouvait y avoir du mérite à faire des chansons et à les mettre en musique. Mais ce n'est pas parce qu'on a fait preuve de patriotisme, parce qu'on a défendu sa manière de voir, parce qu'on a fait quelques vers en faveur d'une cause qu'on défend ou qu'on a imaginé de les mettre en musique, que l'on peut dire que ces personnes ont droit à une pension. La distinction pour ces personnes doit être honorifique. Ce qu'on doit vouloir en accordant une pension, c'est venir en aide à ceux qui, par suite même de leurs blessures, ont vu leurs moyens d'existence plus ou moins compromis.

(page 760) C'est a ce titre que j'appuie la pétition des Messes de septembre,

M. Rogier. - Je pense que l'honorable M. Bergé ne se rend pas bien compte des faits.

Il trouve qu'il est injuste que les blessés ne soient pas récompensés comme les décorés ; mais les citoyens atteints de blessures sérieuses n'ont pas à se plaindre. Ils ont été pensionnés comme blessés d'abord, puis comme décorés ; ils jouissent de deux pensions.

Maintenant, messieurs, en dehors des combattants et en dehors des blessés, il est beaucoup de citoyens qui ont rendu des services et qui ont reçu la croix de Fer ; la plupart des membres du Congrès ont reçu la croix de Fer ; les écrivains et les hommes politiques qui ont défendu les droits de la Belgique avant la révolution, ceux-là ont été également décorés.

J'avais mis un certain nombre de blessés non pensionnés sur la même ligne que les décorés ; plus tard, à la suite, probablement, de certains abus, on a décidé que ces pensions spéciales ne pourraient pas excéder 400 fr., c'est peut-être un peu rigoureux et j'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre de l'intérieur.

Il a été décidé aussi qu'on n'admettrait plus les blessés qui feraient valoir leurs titres après une certaine époque. J'ai vu encore, il y a peu de temps, un blessé qui n'avait pas fait constater ses titres. Je recommande cette dernière catégorie de blessés à M. le ministre de l'intérieur ; il pourrait les indemniser sur le fonds spécial, ainsi que quelques autres qui ont rendu des services spéciaux.

- Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Gand le 18 juin 1871, le sieur De Vos demande que M. le ministre des travaux publics étudie la question des cartes-correspondance à 2 centimes.

Les raisons que le pétitionnaire fait valoir sont les mêmes qu'on a invoquées quand on a discuté dans cette enceinte la question des cartes-correspondance à 5 centimes et elles sont sérieuses. Mais un point important, le côté financier de la question, n'est pas traité et c'est celui cependant sur lequel les éléments d'appréciation sont le plus nécessaires ; la commission vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics sans rien préjuger.

M. de Baets. - Messieurs, ainsi que vient de le dire l'honorable rapporteur, la question financière est le côté important de la question. Je présenterai une simple observation : je demanderai à MM. les ministres des finances et des travaux publics de vouloir bien, avant la discussion du budget des travaux publics, étudier la question de savoir s'il ne conviendrait pas de substituer un timbre de 5 centimes à la carte-correspondance.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'examinerai la question.

- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics est ordonné.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Jalhay, le 22 juillet 1871, les sieurs Dcbot, ancien sous-lieutenant, Geubelle et Dehaes, anciens sous-brigadiers, et d'anciens préposés des douanes, à Jalhay, demandent une augmentation de 20 p. c. sur le montant de leur pension.

Par pétition datée de Namur, le 1er mars 1871, d'anciens fonctionnaires civils pensionnés et des veuves pensionnées demandent une augmentation de 10 p. c. sur le taux de leurs pensions.

Par pétition datée d'Anvers, le 3 décembre 1871, les sieurs Martin et Stevens demandent une augmentation de pension pour les employés de la douane.

Par pétition datée de Basècles, le 12 décembre 1871, le sieur Delville, ancien sous-lieutenant des douanes, demande une augmentation de pension.

Par pétition datée de Basècles, le 17 septembre 1871, le sieur Maisière, ancien préposé des douanes, demande une augmentation de pension.

Par pétition datée de Limes, le 8 février 1872, les sieurs Lebrun et Liégeois prient la Chambre d'améliorer la position des employés des douanes.

Même demande de préposés des douanes.

Par pétition datée de Bruxelles, le 27 janvier 1872, le sieur Beaudouin prie la Chambre de voter un crédit pour augmenter les traitements des douaniers et des commis des accises.

Messieurs, la commission des pétitions a cru devoir s'éclairer auprès de M. le ministre des finances sur la position des employés inférieurs des douanes dont les traitements sont réellement peu élevés. Une note nous a été remise, elle est très complète, je prie la Chambre de m'autoriser à en donner lecture;

« Avant 1846 l'emploi de préposé des douanes était divisé en deux classes : la première, au traitement de 710 francs; la seconde, au traitement de 640 francs.

« L'organisation décrétée par l'arrêté du 31 décembre 1846, R. 6, et celle du 24 avril 1810, R. 68, n'ont admis qu'une seule classe de préposés au traitement uniforme de 700 francs. Celle du 30 avril 1857, R. 616, tout en maintenant une classe unique, a établi deux catégories de traitements : un traitement général fixé à 800 francs et un traitement spécial fixé à 900 francs ; ce dernier traitement a été accordé à 800 préposés (sur 3,000 que comportaient les cadres) qui se distinguaient par le zèle et le dévouement à leurs devoirs, et qui, à défaut de vacances, ne pouvaient obtenir de l'avancement.

« En 1862 (arrêté du 20 décembre, R. 910) le chiffre de 800 francs a été maintenu comme minimum du traitement des préposés, mais il a été créé une troisième catégorie de traitements fixés à 1,000 francs, et les cadres ont été modifiés de la manière suivante :

« 900 préposés à 800 francs.

« 900 préposés à 900 francs.

« .700 préposés à 1,000 francs.

« De sorte qu'au lieu d'attendre 15 à 20 ans comme précédemment pour recevoir une augmentation, ils en obtiennent une, en moyenne, tous les 4, 5 ou 6 ans. Cette augmentation s'accorde à l'ancienneté, à moins que le candidat n'ait laissé à désirer dans l'accomplissement de ses devoirs.

« D'un autre côté, comme le nombre de sous-brigadiers n'est que de 500, de même que celui des brigadiers, il s'ensuit que les préposés se trouvent dans des conditions relativement avantageuses sous le rapport de l'avancement.

« Indépendamment de leur traitement, ces agents reçoivent une indemnité annuelle de cent à deux cents francs, lorsqu'ils sont appelés à remplir leurs fonctions dans des résidences exceptionnelles sous le rapport de la nature du service, de la cherté de la vie animale, etc. Environ 850 préposés de toutes catégories répartis dans 40 communes jouissent de cette indemnité.

« Ils obtiennent aussi des suppléments de traitement dans les cas suivants :

« A, Lorsque, par suite de maladies, dé malheurs de famille ou d'autres circonstances semblables, ils se trouvent dans une position exceptionnelle ; (les frais de maladie et, le cas échéant, les frais funéraires indispensables sont remboursés intégralement) ;

« B. Lorsqu'ils ont donné des preuves de zèle, de courage et d'un dévouement extraordinaires et qu'il n'est pas possible de leur accorder de l'avancement;

« C. Lorsqu'ils sont chargés de surveiller les fabriques de sucre de betterave. De ce dernier chef, environ 600 préposés touchent, en moyenne, pendant quatre ou cinq mois de l'année, une indemnité mensuelle de 35 francs.

« En cas de changement de résidence ordonné dans l'intérêt du service, ceux qui sont mariés ou veufs avec enfants reçoivent une indemnité de 50 francs pour frais de déplacement. (R. 911 et 1320.)

« Chaque année on répartit entre les employés du service actif une certaine somme prélevée sur le fonds réservé du contentieux. En 1871, environ 200 préposés ont participé à cette répartition.

« S'ils constatent des contraventions aux lois fiscales, ils ont droit comme verbalisants, à une part de 45 p. c. ou de 65 p. c. du produit des amendes ou confiscations qui ne sont pas dévolues au trésor. (R. 110). Il leur est accordé aussi une prime en cas d'arrestation de fraudeurs (IR 456). De plus, les contraventions qu'ils constatent pour transport frauduleux de correspondances leur donnent droit à la moitié du produit des amendes. (R. 544.)

« On fait observer, en outre, qu'en vertu d'une autorisation de M. le ministre de l'intérieur, les préposés peuvent obtenir l'admission gratuite de leurs enfants dans les écoles communales instituées par la loi du 23 septembre 1842. (R. 686.)

« Enfin, lorsqu'ils ont atteint 65 ans d'âge ou qu'ils ne peuvent plus supporter les fatigues du service, ils obtiennent une pension de retraite qui varie de 400 à 700 francs, suivant qu'ils ont plus ou moins d'années de service. Il y en a même qui, en cas de maladie ou d infirmités graves, conservent l'intégralité de leur traitement pendant au moins quelques années.

« On voit, par l'exposé qui précède, que la position de cette catégorie (page 761) d’employés de l'Etat n'est rien moins que désavantageuse, et que, depuis vingt-cinq ans elle a été sensiblement améliorée. »

Néanmoins, l'on ne peut contester que le traitement de 800, 000 ou 1,000 francs qui leur est accordé les astreint à un service très actif et souvent très pénible, et que le chiffre des pensions n'est pas tel qu'il puisse mettre à l'abri du besoin de modestes employés, ayant consacré leur vie au service de l'Etat.

Malgré les observations fournies par l'honorable ministre, la commission vous propose donc de soumettre de nouveau la question à son bienveillant examen ; elle conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Adopté.

M. Lelièvre. - Je recommande les pétitions à l'examen du gouvernement, elles signalent un état de choses qui doit être modifié. J'estime que les réclamations sont fondées et qu'elles sont appuyées sur des motifs d'équité qui doivent être pris en considération.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée de Namur, le 16 novembre 1871, le sieur Leclerc, commis des accises de première classe, prie la Chambre d'allouer, pour l'année courante, une indemnité aux fonctionnaires inférieurs du département des finances.

Aux considérations que j'ai eu l'honneur de présenter â propos des précédentes pétitions, vient se joindre cette circonstance toute spéciale que, pendant l'année 1871 plus qu'à d'autres époques, les petits fonctionnaires ont eu de grandes difficultés à subvenir aux besoins de leurs familles.

La commission conclut également au renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances.

M. Lelièvre. - Je ne puis assez appuyer cette réclamation qui est parfaitement fondée.

Le pétitionnaire est un homme digne de la bienveillance du gouvernement, il fait valoir des motifs irrécusables à l'appui de sa requête, j'espère que M. le ministre y fera droit.

- Conclusions adoptées.


M. de Macar, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 20 juin 1871, le sieur Dutonneau demande la suppression du régiment des grenadiers et son remplacement par un 13ème régiment de ligne.

Même demande des sieurs Schoeft, président, et Breberslein, secrétaire de la société des Sciences militaires et des sieurs Poulin et Deses.

Le dossier relatif à la suppression du régiment des grenadiers est déjà de date assez ancienne (juin 1871).

Il émane d'Anvers et comprend quatre pétitions, dont l'une d'une réunion qui s'intitule : « Société des sciences militaires. »

Les raisons données à l'appui de la requête sont des moins sérieuses. Votre commission n'a pu y trouver des éléments d'appréciation suffisants pour vous proposer d'autre conclusion que l'ordre du jour.

- Adopté.


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 27 novembre 1871, le sieur Henrard demande que les musiciens des guides soient assimilés, pour la pension, aux musiciens gagistes des régiments d'infanterie.

Cette pétition est digne d'éveiller la bienveillante sympathie de la Chambre. Le Sénat, dans la séance du 14 mai 1870, s'est occupé de la pénible position faite aux musiciens du régiment des guides considérés, à juste titre, comme une véritable phalange d'artistes. Un grand nombre de membres du Sénat ont reconnu le bien-fondé de la réclamation du pétitionnaire. Il s'agirait pour eux de recevoir la même pension que celle accordée aux musiciens gagistes des régiments d'infanterie.

En accordant la faveur qu'ils sollicitent, le trésor sera bien peu grevé, attendu que chaque musicien a droit actuellement à la pension de simple soldat, position dans laquelle ils figurent sur les contrôles du régiment.

La Chambre n'a pas oublié qu'en 1860, sur la proposition de M. le ministre de la guerre, elle a accordé aux soldats de la gendarmerie la pension de sous-officier en considération des services qu'ils rendent.

Les musiciens des guides considèrent à juste titre que la réputation musicale qu'ils ont faite à la Belgique et le concours qu'ils n'ont cessé d'apporter à toute œuvre de bienfaisance sont des titres à la sollicitude bienveillante de la Chambre.

Votre commission a partagé cette manière de voir et elle vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explication.

Je m'aperçois que M. le ministre de la guerre n'est pas présent ; il verra dans les Annales parlementaires les considérations que j'ai fait valoir et j'espère qu'il y fera droit.

M. Houtart. - Messieurs, la pétition que vient d'analyser l'honorable M. Bouvier présente un véritable intérêt. Ce n'est pas la première fois que j'appelle l'attention de la Chambre sur la situation des musiciens des guides.

Les membres de la Chambre connaissent la position d'infériorité qu'on fait à ces militaires, en ce qui concerne la pension, vis-à-vis de leurs camarades de l'infanterie.

M. le ministre de la guerre avait promis d'examiner avec bienveillance cette pétition.

Je regrette son absence, mais j'espère qu'il voudra bien accueillir la pétition favorablement et faire droit à une demande basée sur l'équité et la justice.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Suscot prie la Chambre de faire donner suite à la réclamation qu'il a adressée à M. le directeur général des chemins de fer au sujet d'une expédition enregistrée le 22 octobre dernier à la station de l'Etat à Sombreffe et qui n'est point parvenue au destinataire.

Le pétitionnaire articule le fait suivant : il déclare avoir déposé le 22 octobre dernier, à la station de l'Etat à Sombreffe, un sac contenant 100 kilogrammes de pommes de terre à l'adresse du destinataire domicilié, rue Belliard, 106, à Bruxelles ; il ajoute que cet te marchandise, dont il possède le récépissé, n'étant pas parvenue à destination, il s'est adressé le 29 octobre suivant, sans qu'aucune suite ait été donnée à sa réclamation, à M. le directeur général des chemins de fer, qu'il n'hésite pas à accuser de négligence.

Votre commission aime à croire que le chef du département s'empressera de donner satisfaction au pétitionnaire ; c'est le motif qui l'a déterminé à vous proposer de renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics.

- Adopté.


M. Lelièvre (pour une motion d’ordre). - Je désire adresser une demande à M. le ministre de l'intérieur, c'est celle de savoir s'il n'est pas décidé à proposer quelques mesures pour améliorer la position des secrétaires communaux. De nombreuses pétitions ont été adressées à la Chambre, qui les a accueillies avec une faveur marquée. J'espère que le gouvernement ne laissera pas terminer la session actuelle sans proposer des dispositions équitables en faveur de ces fonctionnaires si utiles et qui rendent à la chose publique des services éminents. Il est digne de M. le ministre de l'intérieur d'honorer son administration par un acte de justice à l'égard duquel je me fais un devoir de faire appel à ses sentiments élevés.

On ne peut refuser plus longtemps de satisfaire à des demandes parfaitement justifiées.

M. de Macar. - Messieurs, la question des secrétaires communaux a été traitée chaque année dans cette enceinte, chaque année le gouvernement a manifesté des intentions bienveillantes, de la sollicitude, mais il faut le reconnaître, toujours de façon assez inopérante.

L'honorable ministre de l'intérieur actuel a émis au Sénat, je pense, le désir de venir sérieusement en aide, cette fois, aux secrétaires communaux. Je ne puis que l'engager à marcher dans cette voie.

Il est certain qu'il est temps de donner satisfaction aux réclamations légitimes et de faire cesser ce pétitionnement perpétuel qui réellement devient peu sérieux.

Je pose en fait qu'il n'est peut-être pas un feuilleton de pétitions dans cette Chambre qui ne contienne des réclamations des secrétaires communaux.

Si, contrairement à mon opinion, le gouvernement ne peut rien faire ou ne veut rien faire, qu'il le déclare, et ces réclamations incessantes, bien et dûment condamnées, devront cesser dès qu'il sera démontré qu'elles ne peuvent produire aucun résultat.

Je désire ajouter un mot sur le fond de la question : je pense qu'il ne faut pas interdire d'une façon absolue le cumul de diverses fonctions administratives.

Je sais que depuis quelque temps des pétitions nous sont parvenues tendant à obtenir cete interdiction, mais je crois que le cumul est un moyen qu'on peut légitimement employer pour améliorer la position des secrétaires communaux, lorsque le service de l'enseignement ne peut en rien en souffrir.

D'une façon générale, je suis depuis longtemps parfaitement d'accord avec l'honorable M. Lelièvre, qu'il y a lieu, pour le gouvernement, d'intervenir en faveur des secrétaires communaux.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, il y a quelques jours, la même question a été posée dans cette enceinte.

(page 762) J'ai eu l'honneur de faire remarquer alors à la Chambre que les secrétaires communaux sont, avant tout et exclusivement, les agents des communes et que, par conséquent, c'est à celles-ci qu'incombe l'obligation de pourvoir à l'amélioration du sort de ces fonctionnaires.

Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire encore, chaque fois que le gouvernement a demandé aux secrétaires communaux des travaux exceptionnels, ils ont reçu de ce chef une rémunération particulière.

J'ai fait remarquer en troisième lieu à la Chambre que la position de ces agents s'est considérablement améliorée depuis quelques années. Je n'ai plus les chiffres sous les yeux, mais je puis rappeler que dans un espace de dix a douze ans, l'augmentation des traitements pour l'ensemble du pays a été d'environ 42 p. c.

Aussi, messieurs, pour répondre à cet accroissement continu et en prévision de nouvelles augmentations, avons-nous encore élevé, dans le budget de cette année, le chiffre de la subvention accordée à la caisse centrale de prévoyance des fonctionnaires dont il s'agit.

Il serait bien difficile au gouvernement de s'écarter de la règle qu'il a suivie jusqu'à présent. Mes honorables prédécesseurs ont plusieurs fois recommandé aux administrations communales l'amélioration de la position des secrétaires.

L'honorable M. Kervyn a adressé aux gouverneurs des provinces une circulaire très pressante dans le même sens. Quant à moi, je ferai tout mon possible pour stimuler davantage encore la bonne volonté des communes, ainsi que le conseillait, dans une précédente séance, l'honorable M. Bouvier.

- L'incident est clos.


M. Bouvier, rapporteur. - Par pétition datée d'Orchimont, le 20 décembre 1870, les membres du conseil communal et des habitants d'Orchimont prient la Chambre d'accorder au sieur Grangier la concession d'un chemin de fer d'Agimont à Athus.

Même demande des membres des administrations communales et d'habitants de Winenne, Ucimont, Louette-Saint-Denis, Javingue-Sevry, Patignies, Louette-Saint-Pierre, Mouzaive et Agimont.

Même demande des membres de l'administration communale et d'habitants d'Alle, sous réserve de l'établissement d'une gare dans celte commune.

Messieurs, j'ai eu l'honneur de faire ressortir, dans une précédente séance et à l'occasion des nombreuses pétitions réclamant l'exécution de la ligne d'Athus à Charleroi, la nécessité pour le gouvernement de prendre enfin une résolution prompte et énergique.

Je me suis permis de lui donner le conseil de concéder, ou mieux encore d'exécuter par lui-même le chemin de fer de la Vire, ayant son point de départ à Ethe pour aboutir sur un parcours de 20 kilomètres à Athus, s'il ne voulait pas donner un coup mortel à une de nos plus grandes industries, la métallurgie.

Je lui ai fait entrevoir que l'Allemagne, la puissante Allemagne, grâce à la construction de deux lignes de chemin de fer et en vue d'établir des communications plus courtes et moins coûteuses entre les contrées productrices et les lieux de consommation, notre métallurgie rencontrerait, dans un délai rapproché, un redoutable concurrent sur le marché producteur.

Je lui ai montré du doigt qu'elle marchait avec persévérance et sans bruit à la conquête pacifique des riches gisements de minerais du Grand-Duché et de l'est de la France.

Je me suis également permis de prédire au gouvernement que, s'il ne sortait pas de son aveuglement et de son apathie, un beau jour, ou plutôt un jour néfaste, il s'apercevrait, un peu tard, à quelles tristes déceptions il s'exposait et avec lui une de nos grandes industries.

Est-il possible, me suis-je demandé, qu'un gouvernement, animé du désir de donner satisfaction au vœu des populations si unanimement exprimé, doué de la prudence la plus ordinaire, puisse laisser improductif et sans débouché les quatre cents hectares de minerai, que possède la riche vallée de la Vire, destinés à porter la vie industrielle dans cette contrée et ouvrir des ressources considérables aux communes de Musson, Baranzy, Ruette, Mussy, Bleid, Latour, etc.?

Est-il convenable, en présence des cris de détresse poussés par les maîtres de forges du bassin de Charleroi, de voir le gouvernement impassible et se renfermer, depuis deux ans, dans des phrases stéréotypées telles que celles qui suivent :

« Impossible de concéder hic et nunc un tronçon qui doit être dans très peu de temps la tête d'une grande ligne.

« Tout le monde sent que, dans les circonstances actuelles, il ne faut pas décapiter une grande ligne qui serait celle du bassin de Charleroi vers Athus, Tout cela dépend de certaines éventualités, du dénouement de négociations pendantes pour le rachat du chemin de for du Luxembourg. »

Voilà la réponse, toujours la même, depuis des mois, depuis des années. On négocie et on subordonne les grands intérêts de la population de trois de nos provinces au caprice et à la fantaisie de la compagnie du Luxembourg, alors qu'il est constant que celle-ci ne peut suffire aux besoins actuels de l'industrie ; en effet, tout le monde sait qu'elle possède des éléments de trafic suffisant pour deux lignes.

J'ai déjà fait ressortir que cette compagnie, outre ses tarifs exagérés, ne possède pas le matériel nécessaire pour satisfaire aux besoins de son service, et que les populations sont sacrifiées par l'abus que cette compagnie fait de son monopole.

Et cependant le temps nous presse, car je ne puis faire au gouvernement l'injure de croire qu'il ignore ce qui se passe chez nos voisins.

Qu'y découvre-t-on ? En France, les conseils généraux usent largement, et, j'ajoute, utilement eles prérogatives de la loi de 1865, et grâce à cette loi, si féconde en bons résultats pour les départements français, ceux-ci, dans le nord et dans l'est, seront bientôt sillonnés de chemins de fer, de telle sorte que l'état de production du fer en France sera dans peu de temps plus avantageux qu'en Belgique.

Ainsi, l'Allemagne et la France nous pressent et nous resserrent des deux côtés, il est vrai que notre bon ministre des travaux publics négocie, négocie toujours, sans se douter que la grande compagnie du Luxembourg continue à le mystifier en gagnant du temps, ce qui lui vaut de l'argent, d'après l'adage anglais : Time is money.

En attendant, ce n'est pas l'Etat qui exploite, mais c'est nous, pauvres Luxembourgeois, qui sommes exploités.

Et cependant, il faut bien le proclamer : si le gouvernement se préoccupait un peu moins des intérêts du fisc, un peu plus des principes d'égalité et de justice et surtout des besoins des populations dont les pétitionnaires sont les organes, populations encore privées de ce grand levier de production et de richesse qu'on désigne sous le nom de chemin de fer, on ne verrait pas se produire dans cette assemblée l'accumulation de pétitions, arrivant de tous les points du pays, que l'on constate ; la Belgique ne se trouverait pas partagée en deux catégories de citoyens : les privilégiés et les parias, ceux qui possèdent ce puissant instrument de travail et ceux qui en sont privés, de telle sorte qu'on peut proclamer cette vérité que chez nous il y a les élus et les exclus, avec cette différence, si révoltante au point de vue de la justice distributive, que les exclus payent pour les élus, sans aucun profit pour eux.

Je me le demande : de quel droit le gouvernement peut-il dire aux pétitionnaires, à ces populations déshéritées sans rime ni raison : La ligne d'Athus à Charleroi qui vous apportera le bien-être et la richesse, vous ne l'aurez pas, parce que je vais probablement racheter la ligne du Grand-Luxembourg ?

Le gouvernement peut-il soutenir un rôle semblable et méconnaître le droit des pétitionnaires à obtenir ce qui constitue l'objet de leurs légitimes et incessantes réclamations ? Quant à nous, nous ne le croyons pas.

Et la meilleure preuve que notre raisonnement est exact, c'est que le gouvernement se trouvera impuissant à arrêter l'explosion du sentiment public qui se révèle dans le grand nombre de pétitions arrivées au bureau de cette assemblée, dont les chambres de commerce et les conseils provinciaux de trois de nos provinces se sont constitués les fidèles organes.

On ne peut méconnaître que ces pétitions, réclamant avec énergie et persévérance la création du chemin de fer d'Athus à Charleroi, répondent à des besoins nouveaux, à des intérêts actuellement en souffrance et qu'il est du strict devoir du gouvernement de soulager sans délai.

Cette ligne est appelée à faire sortir de leur état d'isolement deux cantons de mon arrondissement : celui d'Etalle et celui de Florenville, si pittoresques et si fertiles, qu'arrose la Semois, et à ouvrir à l'industrie leurs riches produits en les versant dans les grands centres de consommation.

Je conjure donc le gouvernement de hâter la solution de la question soulevée par les pétitionnaires. Il fournira, en acquiesçant à leurs légitimes désirs, de nouveaux éléments de prospérité à l’industrie belge tout en sauvegardant les intérêts des habitants des cantons de Florenville et d'Etalle et de la vallée de la Vire.

En conséquence, la commission conclut au renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.

Si M. le ministre des travaux publics était présent, il pourrait nous donner des explications ; mais je vois avec regret qu'il a quitté la Chambre.

- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics est ordonné.

La séance est levée à 5 heures.