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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 mars 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 727) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance,

M. Demeur. - Je demande à rectifier une erreur qui s'est glissée dans les Annales parlementaires à propos de l'article 37 du projet du code de commerce. C'est à la page 718 des Annales. Il est dit que l'article 37 a été adopté ; cela est vrai, mais préalablement, M. le ministre de la justice avait présenté des amendements et l'article 37 a été adopté avec ces amendements. C'est ce que constate le procès-verbal dont il vient de vous être donné lecture. Je crois qu'il est nécessaire d'introduire en ce point une rectification aux Annales parlementaires.

M. le président. - L'observation que l'honorable M. Demeur vient de présenter est conforme au procès-verbal ; comme elle doit être insérée aux Annales parlementaires, elle servira de rectification.

- La rédaction du procès-verbal est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants d'une commune non dénommée prient la Chambre d'ordonner, le plus tôt possible, la traduction flamande des Annales parlementaires. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative, à la traduction flamande des Annales parlementaires.


« Les époux Ternest, instituteurs communaux à Seveneeken, demandent que le projet de loi relatif à la caisse de prévoyance en faveur des instituteurs primaires contienne des dispositions pour régler les pensions à accorder :

« 1° Aux instituteurs veufs d'institutrices et aux institutrices veuves d'instituteurs et à leurs enfants ;

« 2° Aux enfants orphelins de père et de mère ayant été instituteurs et institutrices. »

M. Lelièvre. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi énoncé en la requête. Je demande que la section soit invitée à faire un rapport spécial sur la pétition dont il s'agit.


« Des brasseurs dans le Limbourg prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à l'accise sur la bière. »

- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi.


« Des habitants de l'arrondissement de Bruges demandent que le gouvernement n'accorde plus l'autorisation de placer des barrières sur les chaussées communales. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Il est fait hommage à la Chambre :

« 1° Par M. J. Bourger, éditeur à Arlon, de 125 exemplaires d'une brochure intitulée : Pourquoi ne concède-t-on pas l'Athus-Givet ?

« 2° Par les président et secrétaire du comité d'action du chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle, de 130 exemplaires d'une brochure contenant les procès-verbaux des meetings tenus dans les localités que doit traverser la ligne ;

« 3° Par M. le directeur de la Banque de Belgique, de 128 exemplaires du compte rendu des opérations de la Banque pendant l'exercice 1871 ;

« 4° Par M. le ministre des finances, de 127 exemplaires du recueil des documents relatifs à la réorganisation de la Banque des Pays-Bas. »

- Distribution aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi autorisant des aliénations domaniales

Dépôt

M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi qui a pour objet d'autoriser le gouvernement à vendre de la main à la main les terrains qui appartiennent aux domaines.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.

Rapport sur une pétition

M. Balisaux. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre le rapport de là commission permanente de l'industrie sur le vœu émis par le conseil provincial du Hainaut de voir la législature prendre des mesures pour arriver à réduire autant que possible les entraves au commerce, à l'industrie et à la liberté individuelle dans le rayon douanier.

Projet de loi allouant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Beeckman. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale sur le projet de loi qui accorde un crédit provisoire au département des travaux publics.

- Ces rapports seront imprimés, distribués, et les objets qu'ils concernent mis à la suite de l'ordre du jour.

Motion d’ordre relative à l’état d’avancement des travaux du chemin de fer de Virton

M. Bouvier. - Messieurs, j'ai eu l'honneur d'avertir M. le ministre des travaux publics que je l'interrogerais sur le point de savoir quelle est la quantité de mètres cubes de maçonnerie et de terrassements exécutés jusqu'à ce jour sur la ligne de Virton, le chiffre de kilomètres pouvant être livrés à l'exploitation ; quels sont les travaux à poursuivre pour achever cette ligne et la livrer au public qui en attend l'ouverture avec la plus légitime impatience ; si les plans et les profils de la troisième section, comprise entre Virton et la frontière française, dans la direction de Velosne, ont été déposés entre ses mains conformément aux clauses du cahier des charges ?

MtpM.—L'honorable M. Bouvier a bien voulu me communiquer d'avance les interpellations qu'il désirait m'adresser, et c'était bien nécessaire, car il s'agissait de le renseigner sur des cent milliers de mètres cubes de terrassements et des milliers de. mètres cubes de maçonnerie exécutés sur la ligne de Marbehan à Virton.

Voici donc la situation au 1er de ce mois.

Le chemin de fer de Virton se compose de trois sections :

La première, de Marbehan à Sainte-Marie ; la seconde, de Sainte-Marie à Virton, et la troisième, de Virton à la frontière française.

La première a 7,746 mètres de longueur.

Il y avait à faire 175,225 m³ de terrassements, On en a exécuté 141,750. Reste 33,475

Quant aux ouvrages d'art et de maçonnerie, on en a exécuté ; en pierres de taille 165m³ et en moellons 4,260 m³.

(page 728) La voie est posée : 6,200 mètres sont définitivement ballastés.

Cette section sera donc bientôt terminée.

La seconde section a 16,250 mètres de longueur.

Le tracé et le profil longitudinal de cette section n'ont pu être approuvés que le 24 janvier dernier, et M. l'ingénieur en chef des ponts et chaussées chargé de la surveillance des travaux n'a pas encore pu déterminer le cube des terrassements à exécuter, mais on travaille activement sur cette section. On y a fait 121,498m³ de terrassements ; environ l,000m³ de maçonnerie.

Près de 500 ouvriers y sont occupés.

J'ai invité depuis longtemps la société concessionnaire à soumettre à l'approbation de mon département les plans et projets pour l'exécution de la troisième section.

La société m'a informé par lettre du 6 février dernier qu'elle espère pouvoir fournir ces projets avant la fin du mois de mars courant.

Le gouvernement est décidé à faire exécuter les travaux dans les délais prescrits par la convention ; mais mon département n'a pas en ce moment les renseignements nécessaires pour déterminer l'époque à laquelle l'ouverture de la partie de Marbehan à Virton pourra avoir lieu.

Je hâterai cette époque autant qu'il sera en mon pouvoir ; mais en outre, je ferai remarquer à la Chambre que l'importance des sommes déjà immobilisées par la société la force nécessairement elle-même à faire en sorte que le chemin de fer soit livré à l'exploitation dans le plus court délai possible.

- L'incident est clos.


« M. Simonis, retenu par une affaire urgente, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.

Projet de loi relatif à la dissolution et à la nouvelle répartition des conseils provinciaux

Discussion des articles

Article 4

M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article 4, ainsi conçu :

« Art. 4. Dans la première session des conseils, il sera procédé au tirage au sort, pour régler l'ordre du renouvellement partiel, tant des conseillers que des membres des députations permanentes, conformément aux articles 93 et 100 de la loi provinciale précitée.

« La première sortie aura lieu le premier mardi du mois de juillet 1874. »

M. Magherman propose, à cet article, un amendement ainsi conçu :

« L'ordre du renouvellement partiel tant des conseillers que des membres des députations permanentes, conformément aux articles 93 et 100 de la loi provinciale, continuera sur le pied existant avant la dissolution.

« La première sortie aura lieu, etc. (comme au projet du gouvernement). »

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je regrette de devoir dire à mon honorable ami, M. Magherman, qu'il m'est impossible de me rallier à l'amendement qu'il a proposé.

Cet amendement repose sur deux motifs : d'abord l'honorable membre espère assurer par ce moyen une égalité parfaite entre les deux séries sortantes des conseils provinciaux.

Un second motif invoqué par l'honorable membre, c'est qu'un système analogue est déjà suivi pour les Chambres législatives, et il croit qu'on pourrait l'appliquer sans inconvénient et même avec fruit aux conseils provinciaux.

Je pense, messieurs, que l'auteur de l'amendement ne s'est pas bien rendu compte de l'économie de la loi provinciale ; ainsi, il applique son principe au renouvellement partiel tant des conseillers provinciaux que des membres des députations permanentes. Or, le système de la loi provinciale n'est nullement le même dans les deux cas.

Lorsqu'il s'agit de procéder au renouvellement des conseils provinciaux, l'ordre est réglé par canton. Quand il s'agit, au contraire, de l'élection des membres de la députation permanente, l'ordre se règle sur les personnes mêmes qui font partie de ce collège : c'est ce qui résulte de l'article 100, combiné avec l'article 93 de la loi provinciale.

Messieurs, l'honorable M. Magherman, qui a en vue d'établir une parfaite égalité dans l'ordre des renouvellements, suppose que le tirage au sort amènera, comme première série sortante des conseillers, celle qui était sortie avant la dissolution. Cela est possible, mais le contraire peut également arriver.

Il me paraît, messieurs, qu'il n'y a pas là de motifs suffisants pour troubler le système de notre législation. La loi provinciale veut que le conseil soit renouvelé par moitié, tous les deux ans. Le conseil provincial détermine lui-même la division des cantons en deux séries, Voilà la règle organique et il est à désirer, je le répète, que nous ne la changions pas pour un point accessoire.

Messieurs, en ce qui concerne le renouvellement des membres de la députation permanente, il est incontestable que l'amendement de l'honorable membre est encore moins acceptable.

Quelles sont, en effet, les prescriptions de la loi provinciale ?

Les membres de la députation permanente sont élus par les conseillers et il s'établit un tirage au sort déterminant l'ordre des sorties.

Ainsi, messieurs, à la différence du renouvellement des conseils qui est réglé par canton, le renouvellement partiel des députations se fait par personne, comme je le disais tantôt, et par arrondissement.

Au surplus, je puis invoquer ici une considération de fait qui est extrêmement importante, à rappeler. En 1848, lorsqu'il y a eu dissolution des conseils provinciaux, la marche indiquée par le projet de loi a été suivie et elle n'a donné lieu à aucun inconvénient.

L'honorable M. Magherman a cru devoir faire une comparaison avec ce qui se pratique pour les Chambres législatives. Mais, messieurs, la dissolution d'un conseil provincial est une mesure exceptionnelle et excessivement rare. Ce droit n'appartient pas au Roi ; il faut une loi pour prononcer la dissolution des conseils provinciaux.

Lorsqu'ils ont été dissous en 1848, il y avait eu une forte réduction dans le cens provincial ; et on propose de les dissoudre aujourd'hui pour une raison analogue.

Au contraire, le droit de dissolution des Chambres appartient au pouvoir royal.

C'est un événement qui peut survenir plus fréquemment, soit à cause d'un désaccord existant entre le gouvernement et la majorité des Chambres, soit dans d'autres situations graves.

On comprend dès lors facilement que le législateur se soit préoccupé de cette éventualité, et que la loi de 1835 règle spécialement le cas.

Je pense donc, messieurs, que la loi provinciale répond à toutes les nécessités, et j'espère que mon honorable ami, M. Magherman, n'insistera pas sur sa proposition, dont l'objet ne présente qu'une utilité très secondaire.

M. Lelièvre. - Je ne puis me rallier à l'amendement de M. Magherman par les motifs suivants.

La loi du 10 avril 1835 a désigné d'une manière expresse les séries sortantes, en ce qui concerne les élections législatives, tandis que quand il s'agit des conseils provinciaux et communaux, les lois de mars et avril 1836 ont prescrit que les séries fussent déterminées par un tirage au sort.

Nous ne voyons aucun motif sérieux de nous écarter de ces prescriptions des lois organiques qui ont été édictées en connaissance de cause, alors qu'un autre principe avait été adopté dès 1835, en ce qui concerne les élections des Chambres législatives.

Il y a plus. L'honorable M. Magherman propose de s'écarter de la marche suivie à cet égard en 1848, tandis qu'alors on se trouvait dans la même position que celle existante aujourd'hui.

Il est, du reste, à remarquer que les dissolutions des conseils provinciaux et communaux n'ont lieu que dans des cas exceptionnels et excessivement rares. Ainsi cet événement ne s'est plus produit depuis un quart de siècle.

On ne voit donc pas à quel titre, pour des hypothèses semblables, on s'écarterait du principe général établi par les lois de 1856.

Au contraire, en ce qui concerne les dissolutions des Chambres législatives, ces mesures sont très fréquentes. On comprend donc qu'on ait pu, en ce cas, adopter une autre règle, justifiée par les convenances et l'équité, pour ne pas donner lieu à des inconvénients réels.

Je considère comme inutile un changement à apporter à nos lois provinciale et communale pour des hypothèses se réalisant très rarement.

Au surplus, le principe de ces lois n'a rien de contraire à la marché administrative.

En 1836, lorsque ont été formés les conseils provinciaux et communaux, c'est le tirage au sort qui a déterminé la série sortante en premier lieu. On a procédé de la même manière en 1848.

Pour être conséquents, nous devons suivre aujourd'hui la même voie et nous ne pouvons appliquer ce qui se pratique à l'égard des Chambres à un ordre de choses entièrement différent.

Il y a plus : la dissolution des conseils provinciaux et communaux crée un nouveau régime établi sur d'autres bases. A quel titre recourrait-on à un état de choses ancien qui n'a plus rien de commun avec celui en vigueur ?

(page 729) Les nouveaux conseils provinciaux et communaux sont des assemblées nouvelles élues par d'autres électeurs ; ce sont des corps nouveaux, à l'égard desquels il est tout naturel de procéder comme il a été fait en 1836, lors de la création de ces corps.

Aussi, c'est en connaissance de cause que la législature a statué en ce sens en 1836, alors cependant qu'en 1835 elle avait admis un autre système pour les Chambres. Une innovation dans le sens de l'amendement me paraît inutile.

Elle est contraire à des lois organiques auxquelles il ne faut toucher qu'avec une extrême circonspection.

Telles sont les considérations qui me déterminent à voter la disposition proposée par le gouvernement.

M. Muller. - Messieurs, je ne pourrai pas non plus adopter l'amendement de l'honorable M. Magherman.

Je prends la parole pour faire valoir des motifs qui n'ont pas encore été énoncés par les deux orateurs précédents et dont la Chambre se constituera juge.

Le projet de dissolution actuelle, ainsi que ceux qui ont été votés en 1848 et en 1860, donne aux conseils provinciaux la latitude de former eux-mêmes les deux séries de sortie qui doivent être tirées au sort ; il est bon qu'ils aient cette faculté, que consacrait déjà l'article 93 de la loi provinciale, et en voici un des motifs.

Il est à désirer que les conseillers provinciaux sortent, par cessation de mandat, autant que possible à peu près en nombre égal, par moitié.

Une nouvelle répartition des conseillers provinciaux peut amener naturellement un changement dans l'ordre établi antérieurement ; il peut y avoir plus de conseillers dans telle série actuelle que dans telle autre. Il y a donc lieu, rationnellement, de rétablir l'égalité, et c'est ce que les conseils provinciaux feront aujourd'hui, s'il va lieu, comme ils l'ont fait autrefois.

Il est d'ailleurs, une disposition que nous ne devons pas perdre de vue ; c'est le paragraphe second de l'article 96 de la loi provinciale ; il est ainsi conçu :

« Un des membres de la députation permanente, au moins, sera pris dans chaque arrondissement judiciaire, parmi les conseillers élus ou domiciliés dans le ressort. »

Conformément à ce paragraphe, les conseils provinciaux ont eu soin de diviser les séries de telle sorte que les arrondissements judiciaires fussent, autant que possible, proportionnellement répartis entre les deux séries, il y a donc toujours des membres de la députation restant en fonctions. Ainsi, dans la province de Liège, nous avons trois arrondissements judiciaires. Des six membres qui composent la députation, un membre doit nécessairement appartenir à chacun de ces arrondissements, et le choix est complètement libre pour les trois autres membres à élire ; mais jamais tous ne sortent à la fois.

Il n'y a pas de motif pour donner lieu à une complication au sein des conseils provinciaux ; on peut parfaitement l'éviter si la loi que nous allons voter leur donne toute latitude à cet égard ; autrement, au lieu de simplifier, vous aurez une confusion.

Un dernier mot : l'honorable ministre de l'intérieur a, je crois, commis une légère erreur en ce qui concerne la sortie des membres des députations permanentes. Ils ne sont pas du tout soumis à un régime spécial, différent de celui qui s'applique aux simples conseillers provinciaux. Ils doivent être soumis à réélection, en même temps que les autres mandataires de l'arrondissement judiciaire dont ils font partie.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Cela est réglé par le sort.

M. Muller. - Oui, mais pour tous les conseillers sans exception. Si donc le mandat de conseiller provincial n'est que de deux ans, le député qui en est revêtu ne peut pas continuer à siéger dans le collège avant d'avoir obtenu une élection nouvelle et double, tant de la part des électeurs que du conseil provincial. Cela résulte formellement de l'article 102 de la loi.

Je crois, messieurs, qu'après ces explications, l'honorable M. Magherman reconnaîtra lui-même que son amendement ne simplifie rien, qu'il crée des difficultés, qui n'existeront pas si les conseils provinciaux ont, comme, par le passé, la faculté de déterminer eux-mêmes l'ordre de sortie de leurs membres.

M. Magherman. - La seule objection faite à mon amendement ayant une apparence de fondement est celle présentée en dernier lieu par l'honorable M. Muller ; mais examinée de près, elle ne présente rien de sérieux.

Les conseils provinciaux sont partagés en deux séries qui sortent alternativement tous les deux ans, Ces séries sont à peu près égales.

Eh bien, j'ai la conviction que le changement qu'apportera la révision d'après le dernier recensement à ces séries ne produira guère d'autre effet qu'un déplacement de très peu de voix.

Or, ce n'est point là un changement assez notable pour qu'une modification sérieuse soit apportée à l'ordre des séries. La loi n'en exige pas la parfaite égalité numérique.

Ce qui me préoccupe surtout, messieurs, c'est que le jeu aveugle du sort peut avoir pour effet d'obliger une partie d'un conseil provincial, dans le court espace de quatre années, à subir trois élections, tandis que d'autres ne subiront ces trois élections que dans un nombre double d'années.

On rompt complètement l'égalité qui doit exister entre les différentes séries sortantes des conseils provinciaux.

La même chose se représente pour les membres des députations permanentes.

L'égalité ne sera pas rompue entre ces membres par l'adoption de mon amendement, et l'objection puisée dans la circonstance que quelques députés sont pris indistinctement dans tous les arrondissements ne doit pas être un obstacle ; ils continueront à voir renouveler leur mandat ou à être élus suivant la votation existante avant la dissolution.

Je sais bien que les conseils provinciaux ne peuvent être dissous qu'en vertu d'une loi, mais quelque rare que soit ce cas, encore faut-il en écarter les inconvénients que je signale.

M. Muller. - L'honorable M. Magherman est complètement dans l'erreur quant aux calculs qu'il nous présente ; il oublie le deuxième paragraphe que j'ai cité tantôt de l'article 96. Comment procède-t-on ? La nomination des membres des députations appartient aux conseils provinciaux. Chaque conseil doit d'abord nommer un membre pour chaque arrondissement. Ainsi, dans la province de Liège, on compte trois arrondissements pour chacun desquels on doit commencer par désigner un membre de la députation. Les autres choix sont libres. Eh bien, cette seule objection suffit à détruire entièrement l'argumentation de l'honorable M. Magherman.

Maintenant le conseil provincial, que va-t-il faire ? Il va régler les séries, comme il l'a fait jusqu'ici, avec intelligence, de manière que les séries des arrondissements judiciaires ne se trouveront pas trop inégales.

En définitive, à qui faut-il s'en rapporter quant au passé ? Ce que vous voulez faire est au moins inutile ; vous dites qu'il n'y aura jamais qu'un ou deux changements par arrondissement judiciaire. Remarquez que ce sont les arrondissements les plus populeux qui obtiennent naturellement un accroissement. Eh bien, vous pourrez avoir, entre des séries de conseil provincial, non pas une différence d'un ou deux, mais une différence de 6 à 8, de manière qu'en laissant aux conseils provinciaux, comme on l'a fait jusqu'ici, la latitude de déterminer la série, vous avez toutes les garanties désirables et pas de complications.

- L'article 4 est adopté.

Article 5

« Art. 5. Les listes triples de candidats à former par les députations permanentes, pour les places de greffiers, seront dressées dans les deux mois qui suivront la clôture de la première session des conseils.

« Les titulaires actuels continueront provisoirement à remplir leurs fonctions. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - Il est parvenu au bureau une disposition additionnelle ainsi conçue :

« Les tableaux de répartition des conseils provinciaux entre les cantons seront révisés et mis en rapport avec la population, au plus tard dans les deux années qui suivront le recensement général. »

M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je crois que je n'aurai pas besoin de faire un long discours pour justifier notre amendement,

Je me suis inspiré des observations faites, dans une précédente séance, par l'honorable ministre des finances.

En effet, l'honorable ministre a dit qu'il serait désirable qu'une loi vînt, après chaque recensement, apporter au tableau de répartition des conseillers les modifications rendues nécessaires par l'accroissement ou la diminution de la population des cantons.

Il me semble qu'il vaut mieux fixer par la loi organique ces changements que de les laisser soit à l'arbitraire du gouvernement, soit à celui des Chambres.

On ne pourra pas alors y introduire l'esprit de parti qui peut quelquefois gâter les meilleures intentions.

Je propose donc que la Chambre veuille bien adopter cet article additionnel, qui trancherait définitivement la question pour l'avenir.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je ne viens pas combattre l'amendement présenté par MM. Le Hardy et Muller.

(page 730) La proposition de ces honorables membres répond à une idée que mon collègue, M. le ministre des finances, a développée lui-même dans le cours de la discussion générale.

L'amendement établit l'obligation de réviser le tableau de répartition des conseils provinciaux dans les deux ans qui suivront le recensement général. Cette idée est praticable et je ne crois pas devoir la combattre.

- La discussion est close. L'amendement est mis aux voix et adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

M. le président. - La Chambre entend-elle passer immédiatement au second vote ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

M. le président. - Il n'y a qu'un seul amendement au projet de loi, c'est l'article additionnel qui vient d'être adopté. Je vais le mettre aux voix.

- L'article additionnel est mis aux voix et définitivement adopté.


Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi.

81 membres répondent à l’appel nominal.

62 votent pour le projet.

16 votent contre.

3 s'abstiennent.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Lescarts, Magherman, Mascart, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Orts, Rogier, Royer de Behr, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Wouters, Ansiau, Anspach, Balisaux, Beeckman, Berten, Biebuyck, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Dorlodot, Defuisseaux, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Gerrits, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Lelièvre et Thibaut.

Ont voté le rejet :

MM. Muller, Sainctelette, Van Humbeeck, Bara, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Couvreur, Crombez, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Lexhy, Guillery et Hagemans.

Se sont abstenus :

MM. Bergé, Demeur et Le Hardy de Beaulieu.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Bergé. - Messieurs, j'aurais voulu que la nouvelle répartition des conseils provinciaux fut faite d'après la population réelle et non d'après le recensement de 1866. Cependant ce motif ne m'a pas paru suffisant pour me prononcer contre le projet de loi.

Je me suis donc abstenu.

M. Demeur. - Je me suis abstenu par le même motif que l'honorable M. Bergé. Je ne pouvais d'ailleurs pas voter contre un projet de loi qui, dans les circonstances actuelles, ordonne le renouvellement des conseils provinciaux et une nouvelle répartition de leurs membres.

M. Le Hardy de Beaulieu. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.

Projet de loi relatif à la révision des états de classification des communes et a la dissolution des conseils communaux

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. Anspach. - Je voudrais que le gouvernement fit pour les conseils communaux la déclaration qu'il a faite dans la dernière séance pour les conseils provinciaux, c'est-à-dire qu'il fît connaître l'époque à laquelle il se propose d'user de la faculté que la loi lui accorde.

M. Bergé. - Messieurs, le projet actuel, comme celui qui vient d'être voté, prend pour base le recensement de 1866, c'est-à-dire l'état de la population d'il y a six ans, et comme il faudra attendre douze années avant de faire une classification nouvelle, voilà donc une situation établie pour dix-huit années et il faudra un temps considérable avant qu'on puisse avoir une classification qui soit en rapport avec le chiffre de la population.

Cette situation peut être grave. Je citerai quelques exemples.

Ainsi la commune de Molenbeek-Saint-Jean appartient actuellement à la cinquième classe, le projet la fait passer à la sixième.

Au 31 décembre 1870, la population de Molenbeek-Saint-Jean était de 29,372 habitants ; par conséquent, c'est 19 conseillers qu'elle devrait avoir.

Depuis lors, nous voyons cette population atteindre le chiffre de 32,529 en 1871, et l'on peut dire sans aucune exagération que la population de Molenbeek-Saint-Jean sera au moins de 35,000 habitants avant la fin de l'année ; par conséquent, cette commune devrait passer à la huitième classe et avoir 21 conseillers.

Voilà donc une commune qui, au 31 décembre 1870, avait atteint le maximum de la population pour appartenir à la septième classe, qui possède les bases pour être rangée à la huitième, et qui possédera, dans quelques mois, la population voulue pour être placée dans la neuvième classe, et cette commune on la met dans la sixième classe ; on ne lui accorde pas même d'être rangée à la septième classe !

Evidemment on doit se mettre en garde contre les erreurs dans le chiffre de la population ; mais, en ce qui concerne certaines communes dont la population surpasse de beaucoup celle qui est, nécessaire. pour leur donner le droit à une augmentation de conseillers, on aurait tort de ne pas avoir recours aux états mêmes de la population.,

J'ai cité Molenbeek-Saint-Jean ; prenons un autre exemple. La commune de Schaerbeek est actuellement de la quatrième classe ; elle n'a que 13 conseillers. Le projet de loi la fait passer à la cinquième classe et lui donne droit à 15 conseillers. Or, la commune de Schaerbeek avait, en 1866, une population de 20,000 habitants ;car, en 1865, la population inscrite aux registres de la commune était de 19,215 habitants ; mais malheureusement le recensement de 1866 ne constate que 18,710 habitants !

Où est la vérité entre la population inscrite aux registres de la commune et le chiffre établi par le recensement ? C'est ce que je ne veux plus discuter.

D'après moi, le recensement n'est pas applicable à la classification des communes.

L'article 19 de la loi communale dit que « tous les douze ans, dans la session qui précédera le renouvellement des conseils communaux, le pouvoir législatif, d'après les états de la population, déterminera les changements à apporter aux classifications précédentes. »

Là, par conséquent, il est question de la classification des conseils communaux d'après les registres de population ; mais il n'y est pas le moins du monde question du recensement.

Il est vrai qu'à cette époque, il ne pouvait être question du recensement qui n'existait pas encore ; mais la loi sur le recensement a-t-elle changé les dispositions de la loi communale ? Non ; en effet, l'article premier de la loi du 2 juin 1856 sur le recensement porte :

« Un recensement général de la population est opéré tous les dix ans dans toutes les communes du royaume.

« Il servira de base à la répartition des membres des Chambres législatives. »

Il n'y est nullement question d'appliquer le recensement à la classification des communes.

Ainsi, le législateur avait en vue le renouvellement des Chambres, il n'avait nullement en vue la classification des communes.

Par analogie, on pouvait faire la répartition des conseillers provinciaux en prenant pour base le recensement, en disant que si la répartition du nombre des représentants est une chose grave parce qu'elle peut amener un déplacement de la majorité politique, dans la classification des conseils provinciaux, le même fait pouvait encore avoir lieu et amener ainsi un déplacement de la majorité.

Pour prévenir les abus qui pourraient résulter dans cet ordre d'idées, je comprends qu'on ait recours au recensement.

Mais, quand il s'agit de classification des communes, cette argumentation tombe complètement ; car ici, il n'y a plus prépondérance de telle ou telle opinion ; il y a un certain nombre de conseillers attribué aux communes ; ces conseillers sont élus par le même corps électoral ; si c'est le parti catholique qui triomphe, tous les conseillers appartiendront à l'opinion catholique ; si c'est l'opinion contraire qui obtient le pouvoir, tous les conseillers seront des libéraux ; mais qu'il y en ait 15, 19 ou 25 peu importe, cela n'exercera aucune influence, si ce n'est que la commune pourra être mieux administrée si elle peut faire appel aux lumières d'un plus grand nombre de personnes.

Je reprends l'exemple de Schaerbeek ; je trouve qu'en 1867, c'est-à-dire une année après le recensement, la population de cette commune dépasse 20,000, et cependant la population venait de subir la défalcation (page 731) provenant du recensement et, malgré cette perte énorme, dès l’année suivante, la population est rétablie au delà de 20,000 habitants. Le 31 décembre 1870, elle est de 253,527 ; le 31 décembre 1871, elle est de 26,716; en 1872, elle aura 29,000 à 30,000 habitants, car la population de Schaerbeek grandit depuis quelques années de 1,500 à 1,800 habitants annuellement.

Ainsi, en réalité, la commune de Schaerbeek devrait avoir dix-neuf conseillers et on ne lui en donne que quinze. Mais il y a une considération plus grave encore, c'est la répartition des échevins ; je comprends qu'il n'y ait pas toujours grande importance à avoir un peu plus ou un peu moins de conseillers, mais il n'en est pas de même des échevins ; dans une commune comme Schaerbeek, confier au bourgmestre et à deux échevins toute l'administration, c'est leur imposer une position impossible et c'est aussi rendre le recrutement du collège très difficile ; car il faut beaucoup de bonne volonté pour consentir à prendre tout le poids de l'administration : travaux publics, voirie, police, instruction publique, état civil. Si l'un des échevins est malade ou doit s'absenter, il ne reste plus qu'un seul échevin pour faire face aux nécessités de l'administration.

Remarquez, messieurs, que nous sommes en présence, non d'une commune ordinaire, mais d'une véritable ville et même d'une ville de certaine importance.

La commune de Schaerbeek réunit donc toutes les conditions requises pour obtenir quatre échevins ; elle possède 7,000 habitants de plus qu'elle ne doit en avoir pour obtenir incontestablement le droit à un pareil collège.

La commune de Schaerbeek a une population plus considérable non seulement que celle de beaucoup de villes du pays, mais cette population dépasse même celle de plusieurs chefs-lieux de province, tels que Namur, Hasselt, Arlon et Mons. Elle est placée dans des conditions tout à fait particulières et qui légitiment cette existence de 4 échevins. Son étendue est de 850 hectares ; l'agglomération schaerbeekoise grandit chaque jour, et il est permis de compter que d'ici à peu d'années elle comptera 50,000 habitants.

Les mutations sont énormes dans cette commune ; cela se comprend ; elle fait partie de la grande agglomération bruxelloise. Tandis qu'à Liège le nombre des mutations ne s'élevait qu'à 8,521 en 1867, celui des mutations était à Schaerbeek de 9,034, soit 500 de plus. Le nombre des électeurs à la Chambre est à Schaerbeek de 1,034 ; le bataillon de gardes civiques s'élève à 763 hommes ; 200 maisons sont construites annuellement dans cette commune ; la population qui s'y augmentait annuellement de 1,500, de 1,800 personnes, croit aujourd'hui de 2,000.

Schaerbeek possède des écoles primaires nombreuses, comptant 1,800 élèves ; des écoles moyennes ; une école de chant, de dessin ; elle a des bâtiments d'école qui peuvent, au point de vue de la construction, lutter avec les plus beaux spécimens des villes ; elle a un édifice servant au culte, qui est l'un de nos plus beaux monuments modernes ; on élève encore une autre église, qui sera également un beau type d'édifice religieux. Schaerbeek a un marché couvert, un abattoir et d'autres établissements communaux.

Ses rues sont généralement convenables ; plusieurs ont même quelque chose de monumental. Les travaux publics prennent chaque année un développement plus considérable, à tel point que la commune a été obligée de faire des emprunts et qu'elle sera sans doute forcée d'en conclure encore d'autres d'ici à peu de temps. Il est donc important que les administrateurs de Schaerbeek puissent se trouver en situation de favoriser le développement de cette commune dans de meilleures conditions encore. Le gouvernement ne peut empêcher les administrateurs de Schaerbeek de se tromper à l'occasion, mais il doit accorder à cette agglomération tous les éléments nécessaires pour que l'administration y soit possible et sérieuse ; sinon, on ne trouverait pas des hommes disposés à accepter un mandat aussi difficile à remplir.

Quelle que soit, d'ailleurs, l'opinion politique qui aura la prépondérance dans cette commune, on doit vouloir que les administrateurs communaux soient mis en position de gérer convenablement les intérêts qui leur sont confiés.

J'attire donc l'attention sérieuse du gouvernement sur la situation toute spéciale dans laquelle se trouve la commune de Schaerbeek.

Il est une autre commune qui, sous ce rapport, présente une grande analogie avec celle de Schaerbeek ; c'est celle de Seraing.

Là aussi il y a aussi un développement considérable de population ; là aussi la position des administrateurs deviendrait impossible si l'on n'augmentait pas le nombre des échevins. Il deviendrait à peu près aussi impossible à l'administration communale de Seraing qu'à celle de Schaerbeek de continuer à gérer convenablement les intérêts qui leur sont confiés.

En résumé, je persiste, dans l'opinion que j'ai émise à l'occasion de la loi relative à la dissolution des conseils provinciaux ; c'est-à-dire qu'il serait rationnel et juste de se baser sur les états de population plutôt que sur les états de recensement.

Dans tous les cas, je rappelle de nouveau l'attention du. gouvernement sur les communes de Schaerbeek et de Seraing ; ces communes sont dans une situation exceptionnelle ; je demande en leur faveur une mesure de justice, dût cette mesure être exceptionnelle. Je dépose un amendement en ce sens.

M. Dumortier. - L'honorable M. Anspach est revenu tout à l'heure sur une question qu'il a posée déjà. Il désire savoir quand auront lieu les élections communales. Je crois, moi, qu'il est très facile de dire quand elles ne doivent pas avoir lieu ; mais qu'il est presque impossible de dire quand elles auront lieu.

Il me paraît impossible qu'on y procède pendant la période des travaux de la campagne. Il est à peu près indifférent pour Bruxelles et d'autres grandes villes que les élections se fassent à telle ou telle époque, mais il n'en est pas du tout de même en ce qui concerne les communes.

Ce qu'il importe avant tout, c'est que tous les citoyens soient mis en position d'exercer leur droit électoral. Par conséquent, il faut que le gouvernement choisisse le moment le plus opportun pour qu'un grand nombre de citoyens ne soient pas empêchés de prendre part aux élections. Nous ne sommes actuellement qu'à la fin de mars ; qui de nous pourrait dire quand pourra se faire la récolte ? Personne ne saurait dire aujourd'hui si l'on fera la moisson en juillet, août ou septembre.

Comment voulez-vous qu'on vienne vous dire : On fera les élections à telle époque ?

Il faut laisser au gouvernement la latitude nécessaire pour se conduire en raison du temps et des circonstances.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - En réponse à la demande de l'honorable M. Anspach, j'ai l'honneur de vous déclarer, messieurs, que l'intention du gouvernement, à l'heure où je vous parle, est de fixer les élections communales à une date aussi rapprochée que possible.

Ainsi, messieurs, à moins que les circonstances ne viennent y faire obstacle, ces élections auront lieu à la fin de juin ou au commencement de juillet.

L'honorable M. Bergé vient d'insister de nouveau sur la situation particulière et anomale qui serait faite à quelques communes par le projet de loi et il a cité les communes de Schaerbeek, de Seraing et de Molenbeek-Saint-Jean.

Je reconnais, messieurs, que si le gouvernement avait pris pour base des classifications proposées les états de population au 31 décembre 1870 au lieu du recensement de 1866, il se produirait un mouvement plus considérable dans le sens de l'augmentation.

Il y aurait, suivant cette base, 75 communes en plus devant obtenir une augmentation du nombre de leurs conseillers.

Je crois inutile de revenir sur les objections de principe qui nous ont déterminé à adopter le recensement de 1866.

M. Rogier. - La loi communale est là.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Mais l'honorable préopinant a invoqué pour les communes de Schaerbeek et de Seraing des motifs spéciaux d'administration qui me paraissent aussi, je dois le dire, assez importants et assez péremptoires pour réclamer une augmentation exceptionnelle du nombre de leurs échevins.

L'honorable M. Bergé pense que pour assurer la bonne administration des nombreux intérêts qui se traitent dans ces deux communes, il est indispensable de porter le nombre des échevins à quatre.

Sur ce point, je dois dire à l'honorable membre que je partage sa manière de voir.

Je suis d'avis que deux échevins ne suffisent plus dans ces communes importantes où le service de la police surtout exige une surveillance incessante et la plus grande activité de la part de l'administration.

Il faut qu'il y ait dans le sein du collège assez d'hommes pour répondre à toutes les nécessités du service. Il y a non seulement la question de la police, mais il y a encore d'autres intérêts majeurs qui ne doivent jamais être en souffrance.

Ainsi, le service de l'enseignement est assez important pour occuper tout le temps de l'échevin qui a cette branche de l'administration dans ses attributions.

Je me résume donc en adhérant à l'amendement de l'honorable M. Bergé, en tant qu'il s'agit d'augmenter le nombre des échevins pour Seraing et Schaerbeek, eu égard aux circonstances et aux besoins particuliers signalés en ce qui concerne ces communes.

M. Lelièvre. - La section centrale a appelé l'attention du (page 732) gouvernement sur la question de savoir s'il n'y a pas d'inconvénients à rapprocher trop l'époque des élections communales de celle fixée par la loi pour les élections générales.

Je crois devoir lui adresser la même recommandation. Il importe qu'on ne procède pas à diverses élections se succédant dans des délais peu éloignés.

En 1848, les élections communales ont eu lieu sur la fin d'août. Il importe de ne pas fatiguer le corps électoral. Sans cela, c'est provoquer l'abstention d'un grand nombre de citoyens et faire naître des inconvénients qu'il est nécessaire de prévenir.

M. le ministre nous annonce l'intention de faire procéder aux élections communales en juillet prochain ; cette époque me paraît trop rapprochée des élections provinciales et législatives. En effet, ne perdons pas de vue que sur la fin de mai auront lieu les élections provinciales ; quinze jours après arrivent les élections pour les Chambres législatives. Eh bien, fixer encore les élections communales trois semaines après, c'est évidemment surcharger les électeurs et, en réalité, donner lieu à un grand nombre d'abstentions.

Il me reste à faire une observation concernant le projet en lui-même. Le gouvernement ayant déclaré qu'il maintiendrait les positions acquises, il est indispensable qu'il soit fait des changements aux états annexés au projet de loi. C'est ainsi que la commune de Namur conservera ses dix-neuf conseillers.

Cet état de choses doit être réglé sur ce pied, soit par une disposition spéciale du projet, soit par des changements effectués aux tableaux qui font partie du projet de loi.

Je prie M. le ministre de prendre égard à cette observation.

M. Anspach. - Messieurs, si j'ai bien compris la déclaration qui vient d'être faite par M. le ministre de l'intérieur, le gouvernement serait fixé définitivement quant à l'époque des élections communales. (Interruption.) Evidemment. Sauf des événements imprévus, il est évident que si une guerre éclatait dans le pays, on ne pourrait pas faire un grief au gouvernement parce qu'il ne tiendrait pas à l'indication qu'il a donnée aujourd'hui. (Interruption.) Mais enfin, messieurs, il s'agit d'obtenir du gouvernement, qui, je crois, est disposé à la donner, une réponse à la question qui lui a été posée, à savoir quelle est l'époque à laquelle se feront les élections communales. J'entendais tout à l'heure avec le plus grand plaisir le gouvernement dire qu'il tenait à faire les élections le plus tôt possible. Je crois, messieurs, que le gouvernement a parfaitement raison et qu'il y a le plus grand intérêt à ce que la réélection des conseils communaux se fasse dans le plus bref délai possible.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire à la Chambre : la vie communale est actuellement suspendue dans presque toutes les communes du pays. Elle continue, sans doute, dans quelques grandes communes où il y a des entreprises qui ne sauraient être interrompues, mais dans toutes les communes il y a, par respect pour le corps électoral nouveau, pour ainsi dire impossibilité aux administrateurs actuels de commencer l'étude de questions même les plus urgentes.

Ils attendent que les élections aient désigné les véritables représentants du corps électoral.

Aussi ma première pensée, lorsque j'ai eu l'occasion d'en parler avec les membres du cabinet, était que la dissolution des conseils communaux devait se faire au 1er mai.

Ce qui est important, c'est que nous sachions quand cette dissolution aura lieu.

Le gouvernement, si j'ai bien compris, a répondu ceci : Quant à l'époque, sauf des circonstances tout à fait exceptionnelles, nous sommes déterminés, ce sera à la fin de juin ou au commencement de juillet. Mais ce que nous ne pouvons dire, c'est le jour où les élections se feront.

Voilà comment j'ai compris la déclaration du gouvernement. Mais autour de moi, sur les bancs de la gauche, on dit : M. le ministre de l'intérieur n'a pas suffisamment précisé sa réponse. Comme il reste un certain doute sur la déclaration de M. le ministre, je lui demande de bien vouloir la renouveler.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. -Messieurs, je croyais m'être expliqué assez clairement sur ce point.

J'ai eu l'honneur de dire que l'intention du gouvernement est de fixer la date des élections communales, soit à la fin du mois de juin, soit au commencement de juillet.

Cette déclaration, je n'ai pas à la retirer ; elle a été méditée et faite en pleine connaissance de cause.

Mais tout le monde comprend que le gouvernement ne puisse, dès aujourd'hui, préciser le jour de l'élection. C'est le motif pour lequel il a inséré dans le projet de loi, une disposition analogue à celle qui se trouvait dans la loi du 1er mai 1848 et d'après laquelle ce point doit faire l'objet d'un arrêté royal d'exécution.

Voici, messieurs, la principale raison qui nous fait désirer que les élections communales se fassent dans un délai rapproché : c'est qu'il y aura lieu de s'occuper des budgets communaux pour l'année 1873 dans le courant de septembre et d'octobre prochains.

Or, il est désirable, à tous les points de vue, que les nouveaux conseillers soient installés en temps utile pour qu'ils se prononcent eux-mêmes sur les budgets ; ce résultat ne serait pas atteint si l'on ne faisait pas procéder au renouvellement des conseils dans un temps assez rapproché et si on ne laissait pas aux députations permanentes le temps de vérifier les opérations électorales.

J'espère que ces explications ne laisseront plus de doute sur les intentions du gouvernement.

M. Van Iseghem. - Je ne puis partager l'opinion de mon honorable collègue, M. Anspach, et je regrette que le gouvernement soit venu nous dire, que, probablement, les élections auront lieu à la fin de juin ou au commencement de juillet.

Si les élections ont lieu à la fin de juin ou au commencement de juillet, il est probable que les conseils communaux seront installés au mois de septembre.

M. Anspach. - Le dixième jour après l'élection.

M. Van Iseghem. - La députation permanente a trente jours pour valider les pouvoirs des membres des conseils communaux.

En 1848 les conseils communaux ont été dissous, les élections ont eu lieu le 22 août et un certain nombre de conseils ont été installés le 5 octobre ; d'autres plus tard, au fur et à mesure que les collèges communaux avaient été nommés.

Si les élections se font au commencement de juillet, les députations permanentes ne seront pas encore installées : les conseils provinciaux ne se réunissent que le premier mardi de juillet ; ils doivent commencer par valider les pouvoirs de leurs membres, puis les députations doivent être élues ; cela prendra quelques jours. Supposez qu'on arrive au 5, il ne restera plus que vingt-cinq jours à la députation permanente ; elle aura beaucoup à faire : ses membres doivent assister aux séances du conseil provincial, préparer les travaux, prendre part à la discussion, et je crains qu'ils n'aient pas le temps voulu pour valider les élections communales.

On ne peut pas oublier non plus que tous les conseils communaux seront dissous et que le nombre des électeurs a été considérablement augmenté ; par conséquent, les députations auront une besogne extraordinaire.

Je dis que si les élections ont lieu vers le commencement de juillet, il est probable que les conseils communaux se réuniront pour la première fois au mois de septembre.

L'honorable ministre de l'intérieur vient de dire que les budgets devront être faits par les nouveaux conseils.

Je crois que cela est impossible : dans les communes, les budgets doivent être discutés le premier lundi de septembre et dans les villes ils doivent l'être le premier lundi d'octobre. Quelques jours avant la présentation du budget, le collège doit présenter le rapport sur la situation des affaires communales.

Comment voulez-vous que le nouveau collège remette le rapport sur les affaires communales au nouveau conseil communal ? Cela est impossible ; tous les comptes de l'exercice passé seront-ils approuvés avant le mois de septembre ?

Maintenant si le budget est présenté par l'ancien collège échevinal et voté par l'ancien conseil, le nouveau conseil communal ne sera pas tenu de dépenser tout ce qui aura été voté par l'ancien conseil communal, il pourra faire des transferts et opérer d'autres modifications dans le ' budget.

Supposez que les élections ont lieu au commencement de juillet, que les membres du collège échevinal ne sont pas réélus, pensez-vous qu'il soit convenable que ces anciens membres présentent un budget ? Il est préférable pour moi que les élections aient lieu après le vote du budget.

Je ne veux pas présenter d'amendement, mais j'engagerai le gouvernement à vouloir bien examiner les observations que je viens d'avoir l'honneur de présenter à la Chambre ; je le prie de voir s'il ne serait pas plus convenable de fixer les élections au mois d'octobre, comme le veut la loi communale.

M. Anspach. - Messieurs, l'honorable préopinant s'effraye des difficultés qui se présenteront, selon lui, si les élections sont fixées à la fin de juin. Mais, messieurs, en pratique, dans les quatre-vingt-dix-neuf (page 733) centièmes des communes, il n'y a pas de réclamations contre les opérations électorales. Les députations permanentes pourront donc facilement statuer après le délai de dix jours.

Il n'y a donc aucun motif pour fixer les élections au mois d'octobre.

Des arrêtés royaux analogues à ceux qui ont été pris en 1848 fixeront les époques d'installation des nouveaux élus ; seulement la date du 5octobre, qui a été celle de l'installation il y a vingt-deux ans, sera avancée de plus de deux mois.

Les considérations que vient de présenter l'honorable M. Van Iseghem ne me paraissent pas assez importantes pour engager la Chambre à ne pas prévenir les inconvénients que j'ai signalés tout à l'heure et l'inconvénient grave présenté par M. le ministre et consistant à avoir un budget voté par l'ancien conseil communal et appliqué par le conseil communal nouveau.

M. le président. - M. Muller a fait parvenir au bureau l'amendement suivant à l'article premier :

« La classification des communes sera établie d'après l'état de leur population établie au 31 décembre 1870. »

M. Muller. - Lorsqu'il s'est agi du projet relatif à la répartition des conseils provinciaux, je ne m'appuyais pas sur un texte formel de loi pour établir qu'il était rationnel que la répartition se fit d'après le dernier état de la population connu, celui de 1870 ; j'invoquais le bon sens et les précédents parlementaires, entre autres, celui qui a présidé à la dernière répartition des conseils provinciaux.

Elle a eu lieu, en effet, à l'unanimité des membres de la Chambre.

Quant à la nouvelle classification des conseils communaux, je considère la proposition du gouvernement comme n'étant pas conforme à la loi du 30 mars 1836.

L'article 19 de cette loi porte dans son second paragraphe : « Tous les douze ans, dans la session qui précédera le renouvellement des conseils communaux, le pouvoir législatif, d'après les états de la population, déterminera les changements à apporter à la classification précédente. »

Or, il est bien positif que dans l'esprit du législateur, par états de population, c'est bien le dernier état connu ayant un caractère officiel qu'il a voulu prendre pour base d'une révision.

Vous aurez beau discuter ; l'application des chiffres du recensement de 1866 que vous invoquez est contraire, non seulement aux faits actuels, nais au texte et à l'esprit de la loi communale, qui n'a pas été modifiée. Que fait-on ? On vous propose indirectement de poser un acte en violation formelle d'un texte de loi dont on ne demande pas l'abrogation !

Je ne crois pas que tel soit le rôle de la législature, et à mon avis, si vous vouliez prendre pour base de la nouvelle répartition des conseils communaux le recensement de 1866, il fallait préalablement réviser la loi de 1856.

C'est pourquoi, quelque malheureux qu'ait été le sort de l'amendement que j'avais proposé à la loi que vous venez de voter, je crois de mon devoir de le reproduire ici.

En fait, je ferai remarquer à la Chambre combien le système du gouvernement, en s'écartant du texte de la loi, est arbitraire.

Pour donner satisfaction à des griefs légitimes, le gouvernement abandonne partiellement son système rationnel ; il propose des inconséquences : la commune de Tournai, par exemple, perdrait deux conseillers par l'application du recensement de 1866 ; on reconnaît que cela serait exorbitant et pour elle, on consent à prendre l'état de population de 1870 ; on lui laissera ses 21 conseillers, contrairement à la pratique suivie dans les lois du 18 avril 1848 et du 29 février 1860.

Pour Seraing, pour Schaerbeek, vous reconnaissez qu'il y a nécessité que ces communes aient un collège échevinal de 5 membres ; vous leur accordez deux échevins de plus et vous laissez le nombre de conseillers tel qu'il est actuellement établi.

Seraing avait 19,500 habitants au 31 décembre 1866 ; cette commune en a aujourd'hui plus de 22,000 ; la chose est incontestable ; on peut s'en assurer à l'aide des registres.

Vous accordez à Seraing, je le répète, deux nouveaux échevins, mais vous maintenez le nombre des conseillers à 15 au lieu de le porter à 17. Ce c'est pas la une manière régulière de procéder. Si vous vous attachiez au texte et a l'esprit de la loi communale, vous prendriez les états de population au 31 décembre 1870 pour faire votre nouvelle classification des conseils communaux.

Je n'en dirai pas davantage, la question ayant été suffisamment débattue.

M. Van Iseghem. - Notre honorable collègue de Bruxelles vous a dit tantôt qu'il pensait que sur le plus grand nombre d'élections communales, il n'y aura pas de contestations et que par conséquent les travaux des députations permanentes, pour valider les opérations électorales, marcheront rapidement et même dix jours après l'élection.

Je ne crois pas qu'il en sera ainsi, c'est même impossible :

Nous aurons une dissolution générale de tous les conseils communaux. Il va y avoir une foule de nouveaux électeurs. Probablement, il y aura de nombreuses réclamations qui exigeront un travail considérable de la part des députations permanentes. Je me rappelle qu'il y a quelques années des députations permanentes ont été obligées d'envoyer certains de leurs membres sur les lieux pour faire des enquêtes sur des réclamations dont elles avaient été saisies. Voilà ce qui arrivera probablement encore.

Je reste convaincu que les députations permanentes ne parviendront pas à valider toutes les élections dans le cours du mois de juillet, surtout qu'il ne s'agit pas ici d'élections partielles, mais d'élections générales.

M. Malou, ministre des finances. - Il y a deux raisons décisives pour devancer l'époque normale de la dissolution des conseils communaux.

L'une de ces raisons a été indiquée par mon honorable collègue ; l'autre, par l'honorable M. Anspach.

Qu'il puisse y avoir pour les députations permanentes un peu plus de travail ; qu'un certain nombre d'élections doivent être annulées, c'est incontestable. Mais voici les deux principaux inconvénients : d'abord, l'incertitude sur l'existence des conseils communaux actuels que peut avoir pour effet de laisser dans beaucoup de communes de grands intérêts en souffrance. Il est à désirer que cette incertitude cesse pour la bonne administration des communes.

L'autre raison, c'est qu'il ne faut pas, sans nécessité absolue, placer les conseils communaux qui sortiront de l'élection nouvelle dans la nécessité de vivre pendant un an d'un budget fait par leurs prédécesseurs.

A mon sens, ces deux raisons sont péremptoires pour hâter l'époque des élections communales.

Mon honorable collègue a indiqué l'époque des derniers jours de juin ou des premiers jours de juillet.

S'il s'agissait d'un déplacement, cette époque pourrait paraître mal choisie ; mais, en définitive, dans le plus grand nombre de nos communes, les élections communales, qui se font sur place, n'exigent pas une absence des travaux de trois à quatre heures.

J'aime à croire que cette absence pourra, sans aucune lésion pour les travaux agricoles, être subie par tous ceux que la loi appelle à concourir à la nomination des conseils communaux.

Autre chose serait s'il s'agissait de procéder, au milieu de la moisson, à des élections générales qui exigent le déplacement des électeurs.

M. De Fré. - Ce sera toujours une journée perdue.

M. Malou, ministre des finances. - Ce sera, puisque vous le dites, une matinée perdue pour la plupart des électeurs ; je suis persuadé qu'ils n'hésiteront pas à faire ce sacrifice à la chose publique.

Messieurs, je répondrai deux mots à l'argument de l'honorable M. Muller. Cet argument n'est que dans les mots, il n'est pas dans les choses.

Lorsqu'on a fait la loi communale, il n'existait que des états de population et l'on dit qu'on se référerait à ces états.

Mais, depuis lors, en 1846, en 1856 et en 1866, on a fait des recensements, qui ont contrôlé et rectifié les erreurs inévitables des états de population.

On nous dit : Vous ne pouvez faire une loi sans modifier la loi communale.

Je comprendrais l'argument s'il s'agissait de toucher à la Constitution ; mais nous pouvons parfaitement dire et reconnaître que la population est mieux représentée par le recensement.

Je laisse d'ailleurs, si l'on veut, cet argument de côté.

Voudrait-on que la Chambre, appelée à voter deux lois, l'une pour la répartition des conseillers provinciaux et l'autre pour la répartition des conseillers communaux, adoptât deux principes différents ?

M. David. - On s'est trompé la première fois. Le Sénat n'a pas encore voté la loi ; il peut la modifier dans le sens de la minorité.

M. Malou, ministre des finances. - On dit : On s'est trompé la première fois.

Mais alors on demande à la Chambre de se déjuger et quel que puisse être le vote du Sénat, la Chambre doit être logique.

La situation n'est pas identique et les raisons qui doivent faire admettre le recensement quant aux communes sont deux fois plus péremptoires que pour les conseils provinciaux.

Voici pourquoi.

Si l'on prend les états de population pour les conseils provinciaux où (page 734) l'unité est le canton, il faut des circonstances extraordinaires pour que la fraction portant sur 10,000 soit formée de plus de moitié.

La classification des communes est : moins de 1,000 ; de 1,000 à 3.000, de 3,000 à 10,000, et puis de 5,000 en 5,000.

Vous voyez, messieurs, dans les tableaux qui vous ont été distribués que quelques unités suffisent pour changer en plus ou en moins le nombre des conseillers communaux ; ce sont les administrations elles-mêmes qui font les états de population ; il a été démontré qu'il y avait dans ces états de population des erreurs par centaines pour les grandes communes.

S'il pouvait y avoir doute quant aux conseils provinciaux, il ne peut donc en exister aucun quant aux conseils communaux ; évidemment c'est le recensement qui doit être pris pour base.

J'ajoute un dernier mot : déjà, lorsque nous avons discuté la question quant aux conseils provinciaux, j'ai fait remarquer que la non-concordance des périodes, c'est-à-dire la période décennale pour le recensement et celle de 12 ans pour les conseils communaux, éloignait sans cesse la révision à chaque renouvellement. Je crois, messieurs, qu'il y a quelque chose de bien simple à faire : c'est de procéder à une nouvelle révision de.la classification des communes, dès qu'on connaîtra les résultats du recensement de 1876 et précisément l'on arrivera alors à l'époque où, par application de la loi communale, la moitié des conseillers qui vont être nommés en 1872 verra cesser son mandat. La seule chose logique à faire est donc de procéder de nouveau à la révision de la classification des communes, non pas après 12 ans, mais après 6 ans, lorsqu'on connaîtra les chiffres vrais du recensement de 1876.

M. Rogier. - Messieurs, la dernière observation que vient de faire l'honorable M. Malou affaiblit l'objection radicale que je voulais opposer à la proposition du gouvernement, telle qu'elle se trouve formulée. L'honorable membre a dit que la nouvelle, classification des communes aura lieu non pas dans 12 ans, aux termes de la loi communale, mais dans 5 ans, après le recensement de 1876. C'est bien ainsi, je pense ?

M. Malou, ministre des finances. - Oui.

M. Rogier. - Il faut donc qu'il reconnaisse que cette base d'un recensement qui date de 1866, et sur laquelle le projet de loi actuel s'appuie, n'est pas bonne.

M. Malou, ministre des finances. - Au contraire.

M. Rogier. - Permettez ; j'admets que le recensement, que je ne combats pas en principe, constate approximativement l'état réel de la population.

M. Muller. - A l'époque où il est fait.

M. Rogier. - Précisément. Mais il faut voir à quelle époque on remonte pour en appliquer le résultat. S'il est fait en 1870 et que vous l'invoquiez en 1871 ou 1872, il y a là une présomption d'exactitude. Mais si vous invoquez le recensement six ans après qu'il a été opéré, il n'y a plus de vérité ; c'est une source d'erreurs.

La loi communale de 1836 n'a pas parlé de recensement ; elle a dit que la classification des communes s'établit sur les états de population.

En 1836, dit l'honorable M. Malou, il n'y avait pas encore de recensement. Mais il y a eu un recensement en 1856, et la classification des communes a été faite par la loi de 1860, non pas en s'appuyant sur le recensement de 1856, mais en s'appuyant sur l'état de population de 1858.

Voilà sur quelle base la classification de 1860 a eu lieu aux termes de la loi communale.

Il y a eu plus ; on s'est appuyé également sur les états de population résultant des registres de l'état civil, pour faire une nouvelle répartition des membres de la Chambre.

Voilà des antécédents parfaitement conformes d'ailleurs au texte formel de la loi communale en ce qui concerne la classification des communes.

Je dis qu'on peut encore, sans inconvénient, appliquer à la loi actuelle Je principe de la loi de 1860 : prendre pour la classification nouvelle la population constatée au 31 décembre 1870. Il n'y a pas une raison sérieuse à opposer à la proposition de l’honorable. M. Muller. D'ailleurs, le changement ne serait pas un bouleversement. Il y a en tout une centaine de communes dont le nombre de conseillers serait augmenté.

Je ne parle pas des communes qui se trouveraient frappées de déchéance, si on leur appliquait le résultat du recensement de 1866. Il en est qui comptent aujourd'hui 3 à 4 mille habitants de plus qu'elles n'en avaient en 1866.

En les soumettant aux résultats du recensement de 1866, elles descendraient d'une classe, alors que leur population actuelle leur donne le droit de rester au moins dans la classe qu'elles occupent aujourd'hui.

Pour ces communes, je crois que nous sommes maintenant d'accord, on ne les frappera pas de déchéance.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - C'est un point acquis.

M. Bouvier. - Ce n'est pas logique.

M. Rogier. - C'est un peu arbitraire, mais le contraire serait complètement injuste.

En résumé, messieurs, je crois que nous devons, non pas nous en référer à l'année 1866 pour introduire une classification plus ou moins arbitraire, mais faire profiter, dès à présent, toutes les communes de l'accroissement de leur population. Cela est beaucoup plus juste et plus logique que le système du gouvernement.

Qu'on applique un recensement à une époque rapprochée de sa date, je le conçois ; mais je n'admets pas qu'on vienne l'appliquer six années après qu'il a été opéré.

Vous ne pouvez pas, messieurs, par la simple, rédaction d'un tableau joint au projet de loi, déroger à un texte formel de la loi communale.

Si vous voulez modifier la classification des communes d'après les résultats du recensement de 1866, il faut une disposition formelle portant dérogation à l'article 19 de la loi communale. (Interruption.)

Les réformes qui ont été introduites dans la classification des communes et les répartitions du nombre de représentants et de sénateurs, ont été basées sur les états de population.

Il n'y a pas ici de question politique, c'est une simple question d'équité ; il est juste que les communes soient représentées dans leur conseil, proportionnellement à leur population.

La loi provinciale ne dit pas que, dans tel ou tel nombre d'années, il sera opéré une nouvelle répartition des conseillers provinciaux ; elle ne dit pas non plus que le nombre des conseillers provinciaux sera réglé d'après les états de population. Donc vous avez pu faire dans le premier vote ce que vous avez fait, sans déroger à la loi provinciale.

Mais quant à la loi communale, elle est formelle ; vous ne pouvez pas, sans une disposition expresse, y déroger. J'appuie donc fortement l'amendement de l'honorable M. Muller.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - L'article premier du projet de loi est ainsi conçu :

« Art. 1er. La classification des communes, telle qu'elle a été déterminée par la loi du 29 février 1860, est modifiée conformément aux états ci-annexés. »

Quatre amendements ont été présentés à cet article.

Le premier amendement a été proposé par M. Muller.

Il est ainsi conçu :

« La classification des communes sera établie d'après l'état de leur population établie au 31 décembre 1870. »

Le second amendement a été présenté par MM. Crombez, Rogier et Bara.

- Il est ainsi conçu :

« Ajouter le paragraphe suivant :

« Toutefois, les communes qui, d'après le recensement de 1866, perdraient un ou plusieurs conseillers, conserveront le nombre de conseillers qu'elles ont actuellement, si elles y ont droit d'après les états de population de l'année 1870. »

Le troisième amendement a été présenté par MM. Bergé et Muller ; il formerait un troisième paragraphe ainsi conçu :

« Les communes de Schaerbeek et de Seraing possédant depuis plusieurs années une population supérieure à 20,000 habitants, seront inscrites aux états joints au projet de loi de classification des communes parmi les communes de la sixième classe ayant droit à 4 échevins et 17 conseillers. »

Enfin, M. le ministre de l'intérieur propose de substituer à ce paragraphe additionnel l'amendement qui suit :

« Les communes de Schaerbeek et de Seraing auront chacune quatre échevins. »

M. Bergé. - Je me rallie à cette proposition.

M. Muller. - Cette proposition est tout à fait subsidiaire.

M. le président. - Votre proposition principale reste.

M. Bouvier. - Est-ce que le gouvernement se rallie à la première proposition de M. Muller ?

M. le président. - Nous votons d'abord sur la proposition de M. Muller qui remplace l'article premier.

- Des membres. - L'appel nominal.

- D'autres membres. - Une nouvelle lecture de l'amendement.

M. le président donne une nouvelle lecture de cet amendement.

(page 765) Il est procédé à l'appel nominal.

88 membres y prennent part.

49 répondent non.

39 répondent oui.

En conséquence, l'amendement de M. Muller n'est pas adopté.

Ont répondu non :

MM. Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Royer de Behr, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Wouters, Beeckman, Berten, Biebuyck, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre et Thibaut.

Ont répondu oui :

MM. Lescarts, Mascart, Mulier, Orts, Rogier, Sainctelette, Tesch, Van Humbeeck, Van Iseghem, Ansiau, Anspach, Balisaux, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Couvreur, Crombez, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Dorlodot, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Lhoneux, Demeur, de Vrints, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu et Lelièvre.

M. le président. - Je mets aux voix l'article du gouvernement, sauf à y ajouter les paragraphes qui sont indiqués comme amendements.

M. Malou, ministre des finances.- Il y a l'amendement de MM. Bara, Crombez et Rogier.

M. le président. - Cet amendement forme un second paragraphe.

MfM. - Dans le système de la loi, il ne doit faire aucun paragraphe. Le principe étant admis de commun accord, il y a lieu de transposer dans le tableau ces six communes qui perdraient des conseillers. Ainsi la commune de Tournai sera classée de manière à conserver les conseillers qu'elle a aujourd'hui. Il en sera de même des autres.

M. Crombez. - Je crois, en effet, qu'en présence des déclarations formelles du gouvernement, déclarations qui maintiennent la ville de Tournai et d'autres communes dans leur position actuelle, nous pouvons retirer notre amendement.

Il est donc bien entendu que la ville de Tournai continuera à élire vingt et un conseillers communaux.

M. Malou, ministre des finances. - Vous votez l'annexe ; le tableau de classification fait partie de la loi ; il faut, par conséquent, que les rectifications sur lesquelles on est d'accord soient faites dans le tableau.

M. Crombez. - C'est ainsi que je l'entends.

M. le président. - On est donc d'accord pour modifier l'annexe conformément à l'amendement présenté par MM. Crombez, Rogier et Bara.

M. Crombez. - Je crois que le gouvernement devrait déclarer que ces modifications ont été faites dans l'annexe afin que le procès-verbal de la séance de la Chambre contînt cette rectification.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Les rectifications ont été faites dans l'annexe que j'ai dans les mains et que je vais avoir l'honneur de remettre au bureau. Il y aurait donc lieu de faire les rectifications d'après ce document.

M. le président. - Le tableau portait : 7e classe, celles de 25,000 à 30,000 âmes ; arrondissement de Tournai ; - Tournai.

Tournai passe à la 8° classe : communes de 30,000 à 35,000 habitants ayant droit à 21 conseillers.

Dans la province de Liège, il y avait : 1ère classe : communes au-dessous de 1,000 habitants (7 conseillers à élire), n° 5, Bois-et-Borsu, population, 989 habitants.

Cette commune est transférée à la seconde classe. Communes de 1,000 à 3,000 habitants ; arrondissement de Huy, n°3bis, qui deviendra le n°1 dans le classement définitif.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il va sans dire que le numérotage devra être rectifié.

MM. le président. - Dans le Limbourg, le tableau renseigne sous la rubrique : Arrondissement de Hasselt ; -1ère classe, communes au-dessous de 1,000 habitants (7 conseillers à élire) ; - n°4 Beverloo ; - 993 habitants.

Cette commune est reportée à la seconde classe et prendra place entre Beeringen et Bourg-Léopold ; avec l'indication d'une population de 1,071 habitants.

Dans le Luxembourg. Arrondissement de Bastogne, la commune de Grand-Halleux avec une population de 980 habitants, disparaît.

Arrondissement de Neufchâteau, le n°67, Cugnon, disparaît également.

Arrondissement de Bastogne, on introduit, sous le n°19, Grand-Halleux, 1,029 habitants.

Arrondissement de Neufchâteau, on introduit, sous le n°49, Cugnon, 1,056 habitants.

Dans la province de Namur, arrondissement de Namur, 6ème classe, communes de 20,000 à 25,000 habitants (17 conseillers à élire), le n°1 disparaît et se trouve porté à la 7ème classe ; communes de 25,000 à 30,000 habitants (19 conseillers a élire), Namur, 25,268 habitants.

Le tableau subira donc les modifications que je viens d'indiquer.

- Le paragraphe premier est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Vient l'amendement de M. le ministre de l'intérieur :

« Les communes de Schaerbeek et de Seraing auront, chacune, 4 échevins. »

- Cet amendement est adopté.

Articles 2 à 5

« Art. 2. Les conseils communaux seront renouvelés intégralement dans le cours de l'année 1872.

« Le Roi déterminera l'époque de la réunion des collèges électoraux à l'effet de procéder à ce renouvellement, et celle de l'installation des nouveaux conseils. »

- Adopté.


« Art. 3. Les bureaux électoraux seront formés et présidés suivant les dispositions de l'article 154 de la loi du 30 mars 1836. »

- Adopté.


« Art. 4. La première sortie de la moitié des conseillers sera réglée par le sort, dans l'année qui précédera l'expiration du premier terme.

« Le tirage au sort aura lieu dans la séance prescrite à l'article 70 de la loi précitée.

« Les échevins appartiendront par moitié à chaque série ; la première comprendra, à Bruxelles, trois échevins.

« Le bourgmestre appartiendra à la dernière série.

« La première sortie aura lieu le 1er janvier 1876.«

- Adopté.


« Art. 5. Les bourgmestres, échevins et membres des conseils actuellement en fonctions continueront à les remplir jusqu'à l'époque de l'installation des nouveaux conseils. »

- Adopté.

Second vote

M. le président. - La Chambre entend-elle passer immédiatement au second vote ?

- Voix nombreuses. - Oui ! oui !

- L'article premier, qui a été amendé, et les changements apportés au tableau sont définitivement adoptés.

Ordre des travaux de la Chambre

M. Jacobs. - Messieurs, je propose à la Chambre de fixer l'ordre du jour de demain avant de procéder au vote et pendant qu'elle est encore on nombre.

Demain le Sénat s'occupe du budget de la justice ; M. le ministre de la justice ne sera pas ici, il nous sera donc impossible de nous occuper du code de commerce. D'un autre côté, les rapports sur les autres projets qui sont à l'ordre du jour ne sont pas encore distribués ; nous ne sommes donc pas dans les termes réglementaires pour discuter ces projets.

Je proposerai à la Chambre de mettre à l'ordre du jour de demain le projet de loi sur les servitudes militaires.

- Voix à gauche. - Ah ! ah !

M. Bara. - Je demande la parole.

M. Jacobs. - Le projet a été déposé le 13 décembre 1870 ; l'honorable M. Drubbel a fait le rapport le 19 avril 1871, il y a environ un an ; un rapport supplémentaire a été déposé par lui le 17 novembre 1871, et le projet figurait déjà à notre ordre du jour au mois de novembre dernier.

Je demande donc à la Chambre qu'elle veuille bien aborder cette question, qui est loin d'être neuve, sur laquelle de nombreux rapports ont été faits et qui, seule en ce moment, est prête à recevoir une solution.

M. Bara. - Il me paraît impossible de discuter à l'improviste un projet de loi aussi important, qui soulève des questions de droit privé et public.

(page 736) On ne peut se préparer à un semblable débat du jour au lendemain. Personne ne s'attendait à cette discussion. La plupart des membres de la Chambre ont étudié le code de commerce, étude qui a pris un certain temps et l'on veut nous faire discuter les servitudes militaires !

L'honorable M. Jacobs ne veut assurément pas que le projet de loi sur les servitudes militaires soit emporté d'assaut dans l'intervalle de deux discussions.

L'honorable M. Drubbel ne paraît du reste pas vouloir se prêter à tant de précipitation. De plus, je ferai remarquer que le gouvernement ne s'est pas prononcé.

Il y a quelque temps, l'honorable membre a demandé de mettre à l'ordre du jour le projet en question. M. le ministre des finances n'était pas ici. J'ai demandé au gouvernement s'il n'avait pas de renseignements à fournir relativement aux réclamations faites à la Chambre par un grand nombre de pétitions au sujet des servitudes douanières.

Dans mon arrondissement, plusieurs communes, et de plus le conseil provincial du Hainaut, nous ont adressé des pétitions très bien motivées, pour réclamer des indemnités pour les personnes qui se trouvent dans le rayon des servitudes douanières.

M. le ministre des finances d'alors, l'honorable M. Jacobs, a donné à la section centrale quelques éclaircissements, qui se trouvent à la fin du rapport de l'honorable M. Drubbel. Mais ces renseignements sont tout à fait insuffisants et incomplets. Je prie donc M. le ministre des finances de bien vouloir examiner les pétitions qui sont émanées de Péruwelz et du conseil provincial du Hainaut et de voir s'il n'a pas à nous donner d'autres éléments que ceux qui nous ont été fournis par l'honorable M. Jacobs.

M. Jacobs. - S'il est un objet connu de cette Chambre, discuté déjà à différentes reprises, ayant fait l'objet de cinq ou six rapports, c'est évidemment le projet de loi dont il s'agit.

Tout' membre qui depuis quelque temps fait partie de cette Chambre, comme l'honorable préopinant, connaît parfaitement la question.

Elle est très vieille déjà, et il est temps que la Chambre la tranche. M. Bara la combattra, s'il le juge convenable ; il n'a pas besoin de remise pour le faire.

Quant à la question des servitudes douanières, si M. Bara entend présenter une proposition de loi, libre à lui ; la Chambre l'examinera.

M. Bara. - C'est un amendement.

M. Jacobs. - En aucune façon.

Lorsqu'on a discuté l'indemnité pour chaque servitude légale isolée, pour celle notamment qui consiste à devoir subir sur sa propriété le placement des poteaux et le passage des fils du télégraphe, est-il venu à l'esprit de quelqu'un de proposer, par voie d'amendement, d'introduire dans la loi la question des servitudes militaires, la question des servitudes douanières ou d'autres ?

Chacune forme un point assez important pour le traiter isolément. Que l'honorable membre présente un projet de loi sur les servitudes douanières, nous l'examinerons impartialement.

Mais voilà un objet dont la Chambre est saisie depuis longtemps ; le rapport date de plus d'un an. La question est prête à recevoir une solution, je demande à la Chambre de vouloir bien la mettre à l'ordre du jour de demain.

M. Bouvier. - M. le ministre de la justice ne sera pas présent pour traiter la question de droit, qui est d'une importance capitale dans le projet qu'on veut voir discuter dans la séance de demain.

M. Bara. - Messieurs, il est impossible de discuter un pareil projet en l'absence du ministre de la justice. Ce projet de loi touche aux questions de droit les plus importantes. (Interruption.)

Messieurs, l'honorable M. Drubbel a été obligé lui-même de traiter la question de droit et il a déclaré, si je ne me trompe, que la proposition de M. Jacobs est contraire aux principes généraux du droit.

L'honorable M. Jacobs dit ; Vous êtes à même de discuter. C'est une erreur : il s'agit des servitudes militaires, des servitudes douanières, des servitudes de toute espèce ; il s'agit des questions les plus difficiles. Bien que l'honorable M. Drubbel ait étudié la question très mûrement, je voudrais bien savoir si, du jour au lendemain, il serait prêt à soutenir la discussion.

M. jacobs veut séparer les servitudes douanières des servitudes militaires, mais le gouvernement sait parfaitement et il savait parfaitement, quand M. Jacobs en faisait partie, que les deux questions sont intimement liées.

L'honorable M. Jacobs dit : Présentez un projet de loi. Pas du tout, je présenterai un amendement et je serai dans mon droit : vous demandez une indemnité pour une servitude déterminée ; j'étends votre principe, je l'applique à une autre servitude. C'est un amendement.

J'appelle l'attention de la Chambre sur un point : c'est l'insuffisance des renseignements que l'honorable M. Jacobs a fournis à la section centrale relativement à la législature sur les servitudes douanières.

Je demande donc à l'honorable M. Malou s'il ne croit pas devoir donner de nouveaux renseignements propres à éclairer la Chambre et à m'éclairer moi-même.

M. Jacobs. - Je ferai remarquer à M. Bara que le projet de loi est contresigné et présenté par le ministre des finances ; la présence de M. le ministre de la justice n'est pas indispensable.

M. le ministre des finances et d'autres membres du cabinet sont jurisconsultes et parfaitement à même de traiter la question au point de vue juridique.

M. Bara prétend que les renseignements que j'ai fournis à la section centrale, au sujet des servitudes douanières, ne sont pas complets.

Il n'en est rien, messieurs ; jamais peut-être travail aussi complet n'a été fourni à une section centrale : il est le fruit d'une enquête faite par l'administration entière dont le résumé est l'œuvre de l’éminent inspecteur général des douanes, M. Fisco. Ce travail est complet et il serait difficile à l'administration des finances d'y ajouter quoi que ce soit.

Non seulement, il y a un rapport principal ; mais il y a un rapport supplémentaire, qui occupe 16 pages du format des documents parlementaires.

L'instruction est donc complète, et le moment est venu d'aborder la discussion.

M. Sainctelette. - Messieurs, il est une observation parfaitement juste qui a été présentée par l'honorable M. Bara et plusieurs autres membres de la minorité, et qui me paraît devoir être prise en très sérieuse considération par la majorité.

Aussi longtemps du moins que les deux partis de la Chambre conserveront l'un pour l'autre quelque égard et quelque convenance.

La minorité se déclare non préparée à traiter la question des servitudes militaires.

A cela, rien d'étonnant.

Le code de commerce a été mis à l'ordre du jour et il est plusieurs titres qui ont exigé, de la part des membres de la minorité, une étude approfondie des documents antérieurs ; je citerai entre autres le titre de la Lettre de change comme ayant donné lieu à une étude très longue.

Je crois qu'aucun de nous ne se refusera à discuter le projet de servitudes militaires à la rentrée des vacances de Pâques. Je propose donc à la Chambre de différer la discussion de ce projet de loi jusqu'à la rentrée des vacances de Pâques.

M. Tesch et M. Bouvier. - Après le code de commerce.

M. Sainctelette. - Il me semble qu'il est impossible de vouloir enlever de force une question de cette importance d'ici à la fin de la semaine. Ce serait une véritable surprise.

J'insiste pour que le projet soit tout au moins reporté après les vacances de Pâques, sauf à la Chambre à fixer alors le rang que cette affaire devra occuper dans l'ordre de ses débats.

M. Bouvier. - Divers titres du code de commerce sont à notre ordre du jour ; le gouvernement, la majorité, comme la minorité, tout le monde a été unanimement d'accord pour les y porter et les y maintenir comme étant des objets les plus importants et les plus urgents à discuter.

Nous avons adopté les titres relatifs au Gage et à ma Commission. M. Jacobs avait insisté pour que l'on examinât ces deux titres et la Chambre a déféré à ce désir. Pourquoi ne pas poursuivre dans cet ordre d'idées ?

Je demande donc que les divers titres du code de commerce restent à l'ordre du jour. (Interruption.)

Je m'étonne que le gouvernement ne dise rien de la proposition de M. Jacobs ; il se renferme dans un majestueux silence. Est-il d'accord avec cet honorable membre pour discuter dès demain le projet de loi sur les servitudes militaires ? J'en doute.

J'insiste donc pour que le code de commerce soit discuté avant tout autre objet et j'en fais la proposition formelle.

Tous ceux qui appartiennent au monde commercial attendent avec une juste et légitime impatience que cette discussion ait un terme très prochain.

M. le président. - Je propose à la Chambre de voter d'abord sur l'ensemble du projet.

M. Jacobs. - Nous pourrions nous mettre d'accord, M. le président. (page 737) Du moment que ce n'est pas un parti pris d'écarter la discussion de ce projet de loi, je déclare que j'accepte la proposition de M. Sainctelette, de fixer les servitudes militaires comme premier objet à l'ordre du jour de la rentrée. (Interruption.) Si l'on s'oppose encore à cette proposition que je crois loyalement faite par la minorité et que j'accepte loyalement, j'insisterai pour le maintien de ma proposition.

M. Malou, ministre des finances. - Je crois que l'incident naît d'une supposition qui peut n'être pas exacte. Voici comment : il y a à l'ordre du jour de la Chambre pour demain un petit projet notamment qui concerne des crédits supplémentaires au département des finances. Le Sénat a, en première ligne, à son ordre du jour, le budget de la justice. Il n'est pas démontré, dès à présent, que l'honorable ministre de la justice ne pourra pas être ici demain, pour continuer la discussion du code de commerce. Pour concilier les opinions, on pourrait adopter le moyen terme que voici : mettre à l'ordre du jour à la rentrée, comme premier objet, la loi sur la Banque Nationale, dont le rapport est fait, et en second lieu le projet de loi dont l'honorable M. Jacobs a parlé.

M. Jacobs. - J'accepte encore.

M. Malou, ministre des finances. - La Chambre demeure au surplus maîtresse de son ordre du jour. Je propose de fixer ainsi l'ordre du jour pour prévenir une discussion qui, en réalité, n'a pas en ce moment de raison d'être.

M. Van Humbeeck. - Je ne voulais que combattre la proposition. de mettre à notre ordre du jour de demain la loi sur les servitudes militaires, parce que je considère cette proposition comme une véritable surprise. Si cette proposition est retirée, je n'ai rien à ajouter.

M. Demeur. - Le rapport sur l'important projet de loi relatif à la Banque Nationale n'est pas encore distribué.

- Des membres. - Il le sera.

M. Demeur. - Sans doute ; il le sera vraisemblablement avant la fin de la séance ; mais je ne pense pas que la Chambre ait l'intention de prendre quinze jours de vacances.

- Plusieurs membres. - Si ! si !

M. Demeur. - Dans ce cas, je n'ai rien à dire.

M. Funck. - Lorsque la Chambre a fixé son ordre du jour il y a trois semaines environ, on a insisté très vivement sur l'urgence de la discussion du code de commerce.

J'avais eu l'honneur de proposer à la Chambre de mettre à la suite de son ordre du jour la discussion du rapport qui a été fait sur ma proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire. Mais on m'a objecté, sans contester l'urgence de ma proposition, qu'il était nécessaire de discuter immédiatement le code de commerce, d'où il était permis d'inférer qu'il était implicitement entendu qu'après le code de commerce viendrait la discussion du rapport de l'honorable chanoine de Haerne sur la question de l'enseignement primaire obligatoire.

Si donc il s'agit de fixer à nouveau notre ordre du jour et de faire disparaître le code de commerce, je demande que la Chambre y porte ma proposition, après les projets les plus urgents et qui ne soulèveraient pas de longues discussions, comme le projet de loi relatif à la Banque Nationale, par exemple.

Je demande, en d'autres termes, que la Chambre exécute l'engagement qu'elle a pris au sujet de ma proposition, de la porter à l'ordre du, jour après le code de commerce.

M. le président. - M. le ministre des finances a proposé tout à l'heure de porter à l'ordre du jour, comme premier objet, après les vacances, la loi sur la Banque Nationale et ensuite la proposition relative aux servitudes militaires.

M. Funck. - Je fais la proposition formelle qu'après le projet de loi sur la Banque Nationale, on mette à l'ordre du jour ma proposition relative à l'enseignement obligatoire.

- Voix à droite. - Non ! non !

M. Malou, ministre des finances. - Je tiens à bien définir la proposition que j'ai indiquée tout à l'heure à la Chambre. L'ordre du jour de demain porterait, en premier lieu, le crédit supplémentaire au ministère des finances ; puis la reprise de la discussion du code de commerce ; et, si les convenances des deux Chambres exigeaient que l'un de nous fût appelé de deux côtés, nous tâcherions de nous suppléer l'un l'autre le moins mal possible ; de cette façon la Chambre continuerait la discussion du code de commerce.

J'avais indiqué une autre proposition : de mettre à l'ordre du jour à la rentrée le projet de loi sur la Banque Nationale, parce que j'ai supposé que le rapport serait distribué très prochainement et que, suivant ses habitudes, la Chambre prendrait une vacance de quinze jours.

Il n'y a donc ni surprise ni déclaration d'urgence en ce qui concerne la question de la Banque Nationale.

Après cela, viendrait la discussion du projet de loi sur les servitudes militaires et puis le budget des travaux publics.

Demain et les jours suivants, nous nous occuperons du code de commerce et peut être aurons-nous encore le temps de finir, cette semaine, le projet pour l'amélioration du pain de munition.

Cette session doit être courte ; il importe d'utiliser le mieux possible le temps qui nous reste.

C'est dans cet ordre d'idées que j'ai fait ma proposition. Je recommande aussi à l'attention de la Chambre le crédit provisoire au département des travaux publics ; on pourrait le mettre à l'ordre du jour de demain.

M. Bara. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Malou, mais je crois devoir l'interpréter.

J'admets qu'aussitôt la rentrée, on discute le projet de loi sur la Banque Nationale, mais il se peut que le code de commerce ne soit pas terminé. Il me semble que cette loi importante doit avoir la priorité, après le vote de la loi sur la Banque Nationale, sur le projet de loi concernant les servitudes militaires, qui ne touche qu'à des intérêts privés.

M. Jacobs. - Dites plutôt qu'on ne le discutera jamais.

M. Bara. - Vous êtes dans l'erreur. Mais l'honorable M. Jacobs a été dix-huit mois au pouvoir. Il avait une très forte majorité qui l'appuyait. Pourquoi n'a-t-il pas fait discuter les servitudes militaires ?

M. Jacobs. - Nous n'en avons pas eu le temps. Le projet était en première ligne à l'ordre du jour, au mois de novembre dernier, quand la crise ministérielle est survenue.

M. Bara. - Soyons francs ; vous avez été pendant dix-huit mois au pouvoir et vous n'avez pas fait voter la loi sur les servitudes militaires. Et aujourd'hui que nous sommes à la veille des élections, vous voulez faire passer ce projet de loi.

Voilà la question. Eh bien, je dis que nous ne sommes pas obligés de payer des indemnités à propos de servitudes militaires à la veille des élections, parce que les députés d'Anvers sont soumis à réélection. Cela n'est pas du tout indispensable. Une discussion s'établira sur le projet de loi ; vous aurez un débat politique, parce qu'en résumé votre proposition a un but politique.

Maintenant, messieurs, la Chambre fera ce qu'elle croira convenable, mais je jugerais qu'elle ferait très mal si elle interrompait une discussion aussi importante que celle du code de commerce pour s'occuper de la loi sur les servitudes militaires. Je suis convaincu que la Chambre n'en agira pas ainsi. Après le code de commerce, pourra venir le projet de loi sur les servitudes militaires ; nous le discuterons, nous ferons chacun nos observations et nos propositions. Je crois, messieurs, que c'est sous réserve de ces explications que la proposition de M. le ministre des finances doit être adoptée.

M. le président. - La proposition de M. le ministre des finances rencontre-t-elle de l'opposition ?

- Elle est adoptée.

Projet de loi relatif à la révision des états de classification des communes et à la dissolution des conseils communaux

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.

80 membres prennent part au vote.

64 votent pour le projet.

16 votent contre.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Il sera transmis au Sénat.

Ont voté l'adoption :

MM. Lescarts, Magherman, Mascart, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Royer de Behr, Tack, Tesch, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Wouters, Ansiau, Balisaux, Beeckman, Berten, Biebuyck, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Lhoneux, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, (page 738) Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Gerrits, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Kervyn de Lettenhove, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre et Thibaut.

Ont voté le rejet :

MM. Muller, Rogier, Sainctelette, Van Humbeeck, Bara, Boulenger, Bouvier, Couvreur, Crombez, d'Andrimont, David, De Fré, de Lexhy, Funck, Hagemans et Jottrand.

- La séance est levée à 5 heures.