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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 mars 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Tack, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 675) M. Wouters fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Borchgrave lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

« Le conseil communal de Rymenam prie la Chambre d'accorder au sieur Heiderscheidt la concession d'un chemin de fer de Malines à Aerschot à condition que cette ligne passe par Bonheyden, Rymenam, Keer-bergen, Tremeloo, Bael et Betecom. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Drion, brasseur à Bouvignes, prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à l'accise sur la bière. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.

M. Lelièvre. - Je demande que la section centrale fasse un rapport spécial sur cette pétition.

- Adopté.


« Le sieur Ch.-Eug. Suttor, ingénieur honoraire des ponts et chaussées, né à Mersch (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« M. Cornesse, empêché par des affaires urgentes, demande un congé d'un jour. »

- Accordé.


« M. Allard demande un congé pour cause de santé. »

- Accordé.

Interpellation relative au projet de chemin de fer de la vallée de la Vire

M. Bouvier. - J'ai eu l'honneur de prévenir M. le ministre des travaux publics que, dans la séance d'aujourd'hui, je lui adresserais une interpellation sur la nécessité de déposer, dans la session actuelle, un projet de loi autorisant le gouvernement à accorder la concession du chemin de fer de la Vire ; c'est, en quelque sorte, un chemin de fer industriel qui doit desservir nos établissements métallurgiques, tant du bassin de Charleroi que du bassin de Liège. Ce tronçon, messieurs, partirait de la commune d'Ethe qui se trouve sur la ligne du chemin de fer de Marbehan à Virton, à 18 kilomètres de la première localité, et se dirigeant d'Ethe vers Athus par Bleid, Latour, Baranzy, Musson, sur un parcours total de 20 kilomètres.

J'attendrai les explications du gouvernement pour y répondre, s'il y a lieu.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - M. Bouvier demande que le gouvernement propose, dans cette session, un projet de loi accordant la concession du chemin de fer de la Vire, c'est-à-dire d'Ethe ou de Virton à Athus.

Je ne conteste en aucune façon l'utilité de ce chemin de fer ou d'une autre voie ayant la même destination ; je crois qu'il devra se faire un jour...

M. Bouvier. - Je demande la parole.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. -... et j'espère que le jour ne sera pas éloigné. Mais je pense que, dans l'état actuel des choses, il serait peu intelligent de ma part de préjuger la question en ce sens que je ne crois pas qu'on doive hic et nunc concéder un tronçon qui, peut-être, doit être dans très peu de temps la tète d'une grande ligne.

En effet, il est dans les éventualités possibles qu'un chemin de fer dit de Givet à Athus ou du bassin de Charleroi à Athus soit concédé ; cela dépendra d'une autre éventualité, je veux parler du dénouement de négociations pendantes pour le rachat du Luxembourg.

Tout le monde sent que, dans les circonstances actuelles, il ne faut pas décapiter, si je puis m'exprimer ainsi, une grande ligne qui serait celle du bassin de Charleroi vers Athus. Je crois donc que le vœu de l'honorable membre devra se réaliser sous peu ; mais, comme la manière dont il sera réalisé dépend encore d'éventualités, je ne puis m'engager en ce moment ni quant au choix de cette manière, ni quant à l'époque précise où elle devra être employée.

M. Bouvier. - Les explications de l'honorable ministre des travaux publics ne me satisfont en aucune façon. Le gouvernement, permettez-moi l'expression, nous berne, nous a bernés et nous bernera encore. C'est ma conviction, je vais m'efforcer de l'établir par quelques courtes observations.

Dans la séance du 16 novembre dernier, j'ai eu l'honneur d'interpeller l'honorable ministre qui occupait à cette époque ce département, et ce ministre m'a répondu dans les termes suivants, qui sont à peu près les mêmes que ceux dont vient de se servir l'honorable ministre des travaux publics :

« Quant au chemin de la Vire et d'Athus, vous savez sans doute que des négociations sérieuses sont entamées entre l'Etat et la compagnie du Luxembourg pour le rachat de sa ligne. Dans cette situation la Chambre comprendra qu'il m'est impossible de donner aucun détail sur les projets du gouvernement relativement aux deux chemins de fer dont on demande la construction..»

Cette réponse nous renvoie aux calendes grecques. De quoi s'agit-il ? D'une question très grave et qui intéresse vivement deux grandes industries de notre pays, nos établissements de charbonnage et de métallurgie. En effet, le bassin de laVYire contient, d'après les calculs d'un ingénieur distingué, M. Clément, quelque chose comme 26 millions de tonnes ou 2,600,000 waggons de 10,000 tonnes d'excellent minerai. Je l'ai déjà dit dans une autre occasion.

Dans cette riche vallée de la Vire, il y a environ 400 hectares de minerai dont la couche s'élève de 1 m 60 à 6 mètres.

Quelle est l'objection que fait M. le ministre actuel des travaux publics ; quelle était celle de son prédécesseur ? C'est que le gouvernement négocie avec la compagnie du Grand-Luxembourg. (Interruption.) Permettez, messieurs ; il s'agit d'une question excessivement grave, et la preuve, c'est que si la ligne de 20 kilomètres que je demande n'est pas concédée, les établissements métallurgiques des bassins de Charleroi et de Liège devront chômer dans un délai très rapproché.

Et, en effet, il ne faut pas oublier, messieurs, ce qui se passe actuellement en Allemagne.

Dans ce pays, on ne se paye pas de mots comme dans le nôtre ; on ne se contente pas de faire des promesses, mais on agit et on agit énergiquement.

En Allemagne, on construit en ce moment deux chemins de fer : un qui part de Coblence, passe par Trêves et Thionville pour relier le grand-duché et la Moselle au Wurtemberg ; un autre qui a son point de départ à Betbourg vers Diekirch. Or, qu'arrivera-t-il ? Aujourd'hui nos 'établissements métallurgiques vont chercher dans l'est de la France et le grand-duché le minerai nécessaire à l'alimentation de leurs hauts fourneaux.

Eh bien, que deviendront nos établissements métallurgiques si ces pays frappent le minerai d'un droit de sortie ? Qu'adviendra-t-il de cette industrie quand les deux lignes en construction en Allemagne seront livrées au commerce, si le chemin de la Vire ne s'exécute pas dans un bref délai ?

(page 676) Je le répète, il s'agit ici d'une question de vie ou de mort pour la métallurgie. Ce sont là des points noirs dont le gouvernement ferait bien de se préoccuper, s'il ne veut pas compromettre les conditions d'existence de nos populations ouvrières qui vivent de cette industrie.

Ce gouvernement nous répète toujours : Nous négocions avec la compagnie du Luxembourg. Mais cette compagnie vous joue en vous leurrant. Votre premier devoir, c'est de lui rappeler les conditions de son cahier des charges.

Partout s'élèvent des griefs nombreux et sérieux sur sa négligence à remplir ses obligations vis-à-vis du public et du gouvernement. Cela est si vrai que la députation permanente du Luxembourg, présidée par M. le gouverneur, s'est rendue chez M. le ministre des travaux publics pour formuler ses griefs contre l'administration du chemin de fer du Grand-Luxembourg. Elle a fait ressortir que sur un réseau de 320 kilomètres, soit 64 lieues, elle ne possède que 101 machines, soit moins de deux machines par lieue ; que le nombre des waggons de marchandises et de toute nature n'est que de 2,565, ce qui ne fait que 40 waggons par lieue ou 8 waggons par kilomètre ; que cette quantité de waggons est tout à fait insuffisante ; que l'Etat, dont les chemins ont un profil plus régulier que la ligne du Luxembourg et qui peut traîner cinq à six cents tonnes avec une machine, a plus de deux machines par lieue et plus de huit waggons par kilomètre, et que le nombre des waggons est d'autant plus insuffisant sur la ligne du Luxembourg, que le trafic vers la Suisse en absorbe une assez grande quantité qui reste dix et quinze jours hors du pays.

La députation a invoqué les différents articles du cahier des charges et de la convention du 7 septembre 1855 pour réclamer l'intervention du gouvernement près de la compagnie. Ces articles donnent au gouvernement le droit de faire saisir toutes les recettes et de faire procéder d'office à la confection d'un matériel suffisant. La députation a aussi réclamé la confection de la double voie. Il est dit, à la vérité, dans le cahier des charges que la construction de la double voie peut être différée jusqu'à l'époque où l'activité de la circulation en fera reconnaître la nécessité aux concessionnaires.

La compagnie se fait largement payer et sert très mal le public, on ne rencontre chez elle ni activité, ni célérité, quoique le cahier des charges l'y oblige. Elle a supprimé les troisièmes classes sur plusieurs trains, de sorte qu'un simple ouvrier, pressé par les besoins du travail ou d'engagements à jour fixe, doit payer son voyage autant qu'un homme riche. Cela est exorbitant. C'est un véritable abus de son monopole.

M. de Dorlodot. - Je trouve ce que M. Bouvier a dit très juste et je ne comprends pas l'obstination du gouvernement à ne pas vouloir accorder immédiatement cette petite concession qui est indispensable pour assurer les minerais de fer nécessaires à la Belgique, tandis que, maintenant, nous devons prendre une grande partie de nos minerais en France.

Il y a une urgence tellement grande à accorder cette concession que, si le gouvernement français venait à frapper les minerais d'un droit de sortie, la métallurgie de Charleroi devrait chômer.

M. Wasseige nous a promis l'année dernière, à M. Descamps et à moi, cette concession.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Ainsi que je l'ai dit en commençant, je ne conteste nullement l'intérêt, l'urgence même qu'il y a d'accorder une concession ou d'exécuter un chemin de fer qui mette les dépôts de minerais d'Athus et des localités voisines en rapport avec le bassin de Charleroi et de Liège. Mais le moment n'est pas venu de m'engager à présenter une proposition à la Chambre sur cet objet.

Je compte cependant qu'avant la fin de la session la position sera parfaitement éclaircie et je ne manquerai pas de profiter de la première occasion pour donner une solution à cette affaire et pour aboutir à l'établissement de ce chemin de fer ou d'un autre chemin de fer répondant au même but ; de même que les honorables préopinants qui le préconisent, je le considère comme une nécessité.

M. Bouvier. - J'ai demandé la parole pour répondre à une objection que j'ai entendu faire par l'honorable M. Malou pendant qu'il circulait dans les bancs voisins du mien, il disait : Mais c'est la tête de la ligne d'Athus à Givet que la concession du chemin de fer de la Vire.

M. Moncheur, ministre des travaux publics. - C'est ce que j'ai dit.

M. Bouvier. - C'est ce que vous avez également dit, je le reconnais ; mais la création de cette tête de ligne est indispensable, quoi qu'il arrive, quoi que vous fassiez, elle est une nécessité, un besoin que vous rachetiez la ligne du Luxembourg ou que vous concédiez Athus-Charleroi.

Il est urgent que vous fassiez la concession. Si elle est accordée, vous aurez soin, dans le cahier de charges de concession, de réserver tous les droits de l'Etat en vue du prolongement de la ligne vers Charleroi, ce seront 20 kilomètres déjà construits qui hâteraient la livraison entière de la ligne Athus-Charleroi à la grande industrie, que l'honorable M. de Dorlodot vient de défendre avec moi dans cette enceinte.

M. de Dorlodot. - M. Wasseige avait si bien compris la chose l'année dernière qu'il nous avait promis la concession à M. Descamps et à moi.

M. Wasseige. - Je suis très peiné de devoir déclarer à l'honorable M. de Dorlodot que sa mémoire ne le sert pas fidèlement. Comme mon honorable successeur, M. Moncheur, j'ai reconnu l'utilité de cette ligne, mais je n'ai jamais pris aucune espèce d'engagement quant à la concession ; j'ai toujours cru qu'il fallait attendre que les négociations avec le Luxembourg aient abouti soit à la reprise de ce chemin de fer par l'Etat, soit à la construction d'un chemin de fer d'Athus vers le bassin de Charleroi, mais dans cette hypothèse même j'ai toujours pensé qu'il serait imprudent de concéder, dès maintenant, une tête de ligne qui pourrait ne pas être la meilleure.

M. Bouvier. - >Verba et voces, voilà ! Pas d'actes. Je proteste.

- L'incident est clos.

Projet de loi révisant le code de commerce (livre I, titre VI : Du Gage)

Discussion des articles

Article 34

M. Cruyt, rapporteur. - Il me paraît résulter de la discussion qui a eu lieu samedi dernier que nous sommes tous d'accord sur le fond de la question. Nous sommes tous d'avis qu'il convient de permettre de constituer désormais, dans l'intérêt du commerce, le gage de la même manière que se contractent les ventes commerciales et autoriser d'autre part la preuve du gage par tous les moyens de preuve qui sont admis en matière commerciale.

Les divergences qui se sont produites portent uniquement sur des points accessoires et des questions de rédaction. Nous avons essayé, messieurs, de nous mettre d'accord sur une rédaction commune qui ferait droit à toutes les observations fondées qui ont été présentées samedi dernier ; nous nous sommes entendus sur cette rédaction avec l'honorable ministre de la justice.

Je propose, en conséquence, au nom de presque tous ceux qui ont pris part à la discussion, la rédaction suivante des articles 34 et 35 :

« Art. 34. Le gage constitué pour sûreté d'un engagement commercial confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose engagée par privilège et de préférence aux autres créanciers, lorsqu'il est établi conformément au mode admis en matière de commerce pour la vente d'objets de même nature et qu'il a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre parties.

« Art. 35. Le créancier est réputé avoir les marchandises en sa possession lorsqu'elles sont à sa disposition dans ses magasins ou navires, à la douane ou dans un dépôt public, ou si, avant qu'elles soient arrivées, il en est saisi par un connaissement ou par une lettre de voiture. »

M. Jacobs. - Je me rallie à cette rédaction.

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à cette rédaction ?

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Oui, M. le président.

M. Jottrand. - Je me proposais d'exposer à la Chambre quelques objections nées dans mon esprit en présence des trois rédactions qui nous étaient soumises.

En présence de la rédaction nouvelle présentée par l'honorable M. Cruyt, les observations que j'avais l'intention de développer sont peut-être sans objet. Il me serait impossible de décider de cette question sans avoir examiné à tête reposée le texte qui vient d'être produit, je crois fort difficile que la Chambre puisse, dans une matière aussi grave, voter sur cette nouvelle rédaction sans avoir pu la méditer et s'en rendre compte.

M. Lelièvre. - L'article 34 en discussion porte : « sans préjudice aux dispositions de l'article 2075 du code civil en ce qui concerne la signification au débiteur du transport, etc. »

Je pense que ces expressions doivent être entendues d'une manière large. Ainsi, quand il s'agira d'une action dans les mines ou de toute action industrielle donnée en gage, la signification devra être faite à la société, en la personne du directeur-gérant. Il me paraît que les termes de notre article ne doivent pas être interprétés d'une manière restrictive, de sorte que c'est dans le sens par moi indiqué que notre disposition doit être appliquée.

M. Pirmez. - Je dois appeler l'attention de M. le ministre de la justice et de M. le rapporteur sur une question qui me paraît avoir une grande importance dans la matière qui nous occupe.

(page 677) Je pose cette question ici parce qu'elle se rattache à la preuve du gage.

Je voudrais savoir comment les honorables membres entendent que sera fixée la date du gage.

On sait, messieurs, que lorsque la faillite est déclarée, la date du nantissement a une portée décisive.

Je suppose que le gage soit constaté par une simple lettre du débiteur au créancier, lettre qui n'est pas enregistrée. Evidemment cette lettre fait preuve complète entre le débiteur et le créancier, mais ici il y a des tiers intéressés ; je demande si cette lettre doit faire foi de sa date vis-à-vis de ces tiers.

Si l'on résout cette question affirmativement, il y a un très grand danger, car si un débiteur, sur le point de faillir, veut avantager un créancier, il lui remettra le gage avec une lettre antidatée.

Si l'on admet donc le principe qu'une simple lettre fait preuve non seulement de l'existence du gage vis-à-vis du débiteur, mais même de la date vis-à-vis des tiers, on crée un puissant moyen de fraude.

Si l'on admet le principe contraire, alors il faut le dire par un texte de loi ; la rédaction actuelle ne comporte pas cette solution.

Remarquez bien qu'on ne parle pas des tiers et qu'ainsi une simple lettre faisant, entre parties, preuve complète, on devra étendre ce principe aux tiers, s'il n'en est autrement disposé.

Je poserai une seconde question qui se rattache à la première.

On admet que le gage se constate par la preuve testimoniale. Evidemment, admettant que le gage se prouve par témoins, on admettra que la date pourra être prouvée par témoins. Je demanderai à qui incombera la preuve de la date du gage. Incombera-t-elle au créancier qui réclame le privilège ou bien, en vertu de cet autre principe, que c'est à celui qui invoque une nullité à l'établir, imposera-t-on le soin de prouver les circonstances qui le font annuler aux tiers intéressés ?

Je pense qu'il serait bon de s'entendre sur la solution à donner à des questions que je considère comme importantes.

M. Van Humbeeck. - Messieurs, la première question que pose l'honorable M. Pirmez se rattache plutôt au titre de la Preuve des engagements commerciaux, qu'au titre que nous discutons en ce moment.

La question de savoir si les articles du code civil, relatifs à la date certaine, sont ou non applicables aux matières commerciales, a été beaucoup controversée. La jurisprudence paraît aujourd'hui admettre que ces articles peuvent être appliqués aux matières commerciales, mais ne doivent pas y être nécessairement appliqués. Les tribunaux ont à cet égard un pouvoir d'appréciation.

Je crois que la même solution doit prévaloir en ce qui concerne le gage ; elle présente ici d'autant moins de danger qu'à mon avis, et ici je résous comme l'honorable préopinant la deuxième question posée par lui, c'est au créancier qui demande un droit de préférence, de prouver la sincérité de la date qu'il attribue au gage, date qui peut être dans certaines circonstances une condition de validité.

Je crois donc que la question, si l'on juge à propos de la résoudre, devrait être rattachée au titre de la Preuve ; mais quand nous examinerons ce titre, j'espère qu'on trouvera suffisantes les dispositions qui déjà y sont insérées, et sur l'interprétation desquelles nous pourrons renvoyer à la jurisprudence.

M. Cruyt, rapporteur. - J'allais faire la même observation que l'honorable M. Van Humbeeck ; il paraît évident, et c'est aussi l'avis de mes corédacteurs de l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer, qu'en cas de contestation, ce doit être au créancier d'établir la preuve de la date. Il doit être bien entendu toutefois, que cette preuve pourra être faite par tous les moyens admis en matière commerciale, la preuve testimoniale non exceptée.

M. Lelièvre. - Il1 me paraît évident que la date fait partie essentielle de la convention, qu'en conséquence c'est au créancier qu'incombe l'obligation de prouver la date, comme il est tenu d'établir l'existence de la convention elle-même.

Il est demandeur et, par conséquent, il doit justifier de toutes les conditions nécessaires pour justifier ses prétentions.

M. Jacobs. - Nous sommes d'accord.

M. Pirmez. - Je crois que la question est plus douteuse que ne le supposent les honorables préopinants.

Certainement c'est à celui qui invoque la validité d'un acte à prouver que l'acte est valide ; mais sa date n'est pas un élément de la validité du contrat ; le contrat de gage existe avec toutes les conditions indiquées par la loi, indépendamment de sa date, Ce que nous discutons, c'est non l'absence d'un des caractères essentiels du gage, c'est une nullité prononcée par la loi, une nullité de droit positif et de droit exceptionnel.

Je suis tenu de prouver le nantissement et la possession de l'objet engagé ; mais le créancier qui demande la nullité du contrat doit prouver cette nullité. Or, les conditions de cette nullité quelles sont-elles. ? C'est que le gage a été fait dans les dix jours qui précèdent l'ouverture de la faillite.

Je crois donc qu'il y a ici un doute très sérieux et je crois qu'il serait très important de décider la question.

L'intention du gouvernement est, je crois, de faire du titre que nous discutons une loi spéciale ; or, nous ne pouvons pas laisser promulguer une loi comme celle-ci sans que la question que j'ai soulevée soit résolue. On se trouverait exposé à avoir une lacune regrettable dans la loi.

Je ferai, du reste, à l'honorable membre une observation qu'il appréciera, j'espère. On va, dans le titre dont il parle, déterminer quels sont les modes de preuve entre commerçants.

Mais ce titre ne contient, je crois, aucune disposition portant sur la preuve des actes ou de leur date vis-à-vis des personnes qui n'y ont pas été parties. Je crois que la matière du gage est à peu près la seule dans laquelle il importe de déterminer quelle est la date des actes vis-à-vis des tiers. On doit donc déterminer spécialement ici comment la date du contrat du gage sera établie vis-à-vis des tiers.

Si nous ne devons pas voter le texte aujourd'hui, puisqu'il y a des amendements, je demanderai que la commission soit réunie et qu'on se mette d'accord sur une matière aussi importante pour le commerce.

M. Drubbel. - La question que vient de soulever l'honorable M. Pirmez est des plus importantes et peut-être plus importante même qu'on ne se l'imagine à première vue. Je me joins donc à lui pour demander que la commission veuille bien s'en occuper spécialement, et qu'elle soit résolue immédiatement et à l'occasion du présent titre.

M. Bara. - Puisqu'on doit s'occuper de cette question, je prierai aussi la commission d'examiner cette autre question : A partir de quand courra le délai des dix jours dont a parlé l'honorable M. Pirmez ? Dans mon opinion, c'est à partir de la livraison de l'objet engagé, mais il importe qu'on soit d'accord sur ce point.

Il ne faut pas se dissimuler que le projet de loi va donner lieu à de nombreuses fraudes, et dans les faillites ce sera là une source de grandes difficultés et de beaucoup de contestations. Il peut se faire que des particuliers fassent entre eux un contrat de gage sans donner pour le moment l'objet en gage. Six ou huit jours avant la faillite, il remet l'objet en gage.

M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Il n'y a pas de contrat.

M. Bara. - Il y a un contrat, puisque le gage a été livré. Je vous donne un cheval en gage ; mais je ne suis pas obligé de vous remettre ce gage aujourd'hui même ; je puis vous le donner demain. Le contrat est parfait lorsque le cheval a été livré. Il peut se faire qu'au point de vue de la loi des faillites on dise que le gage est valable. Ce n'est pas mon opinion, la tradition doit avoir eu lieu avant les dix jours ; mais il importe qu'on soit bien fixé sur ce point.

Si l'on n'admettait par cette manière de voir, des fraudes seraient possibles. Le débiteur consentirait le contrat et ne livrerait pas, pour conserver le plus longtemps possible la disposition de son avoir. Mais quand il se verrait à la veille de faire faillite, il enverrait son gage.

Je crois donc que les dix jours ne doivent commencer qu'à partir du moment où le contrat est complet, quand il y a eu tradition.

M. Tesch. - C'est incontestable.

M. Bara. - Oui, je crois aussi que cela est incontestable ; mais il ne sera pas inutile de voir la conséquence de cette doctrine au point de vue de la preuve.

Qui prouvera la date de la tradition ? Sera-ce le créancier, sera-ce le tiers qui contestera le gage ?

C'est sur cette question que le gouvernement et la commission devraient se prononcer.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Je pense que la question soulevée par l'honorable M. Bara ne présente pas de difficulté sérieuse. Elle' est résolue par la définition même du contrat de nantissement. On oublie toujours que le contrat de nantissement n'est pas un contrat consensuel, mais un contrat réel.

L'article 2071 du Code civil le définit comme suit :

« Le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette. »

(page 678) Il n'y a donc pas de contrat de gage aussi longtemps qu'il n'y a pas eu tradition de la chose donnée en gage.

Il pourra y avoir une promesse de gage, une ébauche, un élément premier du contrat ; mais un contrat de gage parfait sans nantissement ne se conçoit pas. La question soulevée par l'honorable M. Bara, ou bien n'en est pas une, ou bien elle rentre dans celle qu'a posée l'honorable M. Pirmez.

Je conçois qu'on se demande à qui incombera la preuve de la date du contrat de gage ; mais je n'admets pas que l'on divise la question et qu'on la produise pour chacun des éléments qui, dans leur ensemble, constituent le contrat.

M. Jacobs. - Je partage complètement l'avis de M. le ministre de la justice. Il ne me paraît pas qu'il puisse y avoir le moindre doute à cet égard. La question soulevée ne me semble donc pas devoir être soumise à la commission.

Quant à celle posée par l'honorable M. Pirmez, il paraît que nous sommes d'accord pour la résoudre dans un même sens.

Le dissentiment ne porte que sur le point de savoir s'il faut la résoudre textuellement dans la loi ou s'il suffit de l'opinion exprimée ici par tous les orateurs.

Au fond, nous sommes d'accord que la preuve doit incomber à celui qui se prévaut du gage.

D'ici au second vote, nous aurons le temps individuellement, de réfléchir s'il est utile d'insérer dans la loi une disposition à cet égard ; nous pouvons, sans renvoi à la commission, passer au vote de l'article.

M. Lelièvre. - Il me paraît bien entendu que le dernier paragraphe de l'article 35 (non moins que celui énoncé à l'amendement proposé en dernier lieu) n'est pas limitatif.

Ce paragraphe détermine certains modes de tradition ou de délivrance. Ces modes, à mon avis, sont purement démonstratifs. Ils n'excluent pas tous autres moyens de réaliser la tradition.

Ainsi, du moment que le créancier a les objets à sa disposition de quelque manière que ce soit, la délivrance est réputée consommée.

On sait qu'il y a des délivrances qu'on appelait en droit romain brevis manus. Il n'est pas dérogé à ces principes fondés sur la nature même des choses.

Le créancier est réputé nanti du moment qu'il a la faculté de disposer de l'objet mobilier. Ces règles sont maintenues par la disposition que nous discutons ; elles sont du reste conformes à la vérité, comme l'a si bien établi De Savigny dans son savant traité sur la possession. Elles trouvent d'ailleurs leur confirmation dans le code civil en vigueur.

M. Guillery. - Je crois que nous devons nous défendre de la tentation de poser des hypothèses.

Nous pourrions aller très loin dans les cas d'application de la loi que nous examinons. Mais, loin de l'éclaircir, nous nous exposons à la rendre plus obscure, car, dans l'application, on trouve souvent des difficultés dans les différentes opinions émises.

Je ne puis donc, messieurs, mettre mes honorables collègues assez en garde contre la propension très naturelle de soulever des cas d'application.

Ainsi, pour la question soulevée par mon honorable ami, M. Pirmez, il est évident qu'il faut rentrer dans le droit commun, s'en rapporter aux principes auxquels le texte que nous discutons a voulu s'en rapporter.

On sait qu'en matière de faillite, il y aura très souvent des difficultés, mais ces difficultés existent quelquefois aussi pour la vente. Il y a parfois contestation sur le point de savoir si la vente a eu lieu à la date indiquée par l'un ou l'autre des intéressés.

A qui incombera l'obligation de prouver ? Nous nous en rapportons au droit commun. Dans l'hypothèse soulevée, le créancier gagiste a intérêt à faire reconnaître un véritable privilège, car le gage est un privilège, l'article 2073 du code civil le dit : « Le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet, par privilège et par préférence aux autres créanciers.»

Voilà donc un droit exorbitant ; c'est un privilège qui vient nuire aux créanciers du propriétaire du gage ; c'est pour cela qu'on dit au créancier gagiste : Si vous voulez jouir de votre privilège, prouvez que vous êtes dans les conditions requises par la loi.

Vouloir prévoir toutes les combinaisons possibles, c'est s'exposer à rendre les principes moins clairs et à tomber dans les défauts des lois anglaises qui sont minutieuses et qui sont en même temps les plus difficiles à apprécier.

M. Bara. - Messieurs, la question qui est posée est plus importante qu'on ne semble le croire. L'honorable ministre de la justice a dit ;

Il n'y a de contrat de gage que lorsqu'il y a livraison, c’est bien vrai ; c'est ce que j'ai soutenu contre la rédaction du gouvernement et de l'amendement de M. Jacobs. Messieurs, mais le code civil et le code de commerce que vous révisez ne disent pas que la livraison doit avoir lieu au moment de l'acte. Ils disent que le créancier ne pourra exercer son droit que lorsque l'objet aura été mis et sera resté en sa possession, mais ils n'exigent pas, pour que le contrat soit valable, que la livraison de l'objet soit faite immédiatement. Il est valable quand la tradition a eu lieu avant l'exercice du droit.

La difficulté naît quand on rapproche cet article de la loi sur les faillites ; c'est la loi sur les faillites qui vient donner de l'importance à l'observation que je fais.

L'honorable M. Jacobs, d'accord avec d'autres membres, a dit : C'est à celui qui invoquera le droit de gage à prouver. Cette opinion est contestable.

Voici, messieurs, ce qui va arriver : il y a deux choses à prouver : la convention et la remise du gage. Très souvent la tradition n'a lieu qu'après le contrat.

Cela arrive très souvent ; un débiteur vient demander du temps ; il se présente à son créancier. Celui-ci lui dit : Soit. Vous avez des marchandises ; donnez-les-moi en gage. On fait l'acte instantanément et ce n'est que le lendemain ou deux ou trois jours après qu'on livre la marchandise.

Eh bien si je prends la théorie de l'honorable M. Jacobs, l'acte daté du premier, par exemple, ne prouvera rien. Les tiers diront : Prouvez que vous avez reçu le gage le jour du contrat. Et le créancier devra faire la preuve. Il devra prouver que la tradition de l'objet engagé a eu lieu le même jour. Voilà la conséquence de votre théorie.

M. Guillery. - Il s'agit d'un contrat réel, qui n'est parfait que par la remise de la chose.

M. Bara. - Il ne s'agit pas ici de la nature du contrat. Je ne dis pas que le contrat n'est pas réel ; mais il s'agit de la preuve de la date, de la tradition qui peut avoir été effectuée après le contrat. Donc, quand un créancier gagiste posera en justice un acte de gage, je répondrai : Si l'opinion de ceux qui prétendent qu'aux créanciers gagistes incombe la preuve est vraie, prouvez que la tradition a eu lieu le même jour ; prouvez que la tradition a eu lieu en même temps que la confection de l'acte. Or, je dis que, dans le plus grand nombre de cas, l'époque de la tradition ne correspondra pas à la date du contrat, et vous aurez une foule de difficultés.

M. Reynaert. - Comme l'honorable M. Guillery, je ne comprends réellement pas les difficultés que l'on soulève à propos de date ou de tradition.

Une chose certaine, c'est qu'il sera nécessaire de s'en rapporter, pour l'application du projet, aux principes généraux du droit. Et, à ce propos, permettez-moi une réflexion qui rentre dans les idées émises par l'honorable M. Guillery.

Quel est le but que nous nous proposons ?

Ce but est double : c'est d'abord de simplifier la preuve en ce qui concerne la constitution du gage ; c'est ensuite de faciliter la réalisation de la chose engagée.

Nous n'avons pas l'intention de formuler, dans le projet de loi, la définition du gage ni les principes qui devront servir de règles dans l'application de la loi.

Cette définition et ces principes sont tracés dans le code civil qui contient la loi générale, la loi des lois, le droit commun pour toutes les transactions possibles.

Le code de commerce, lui, n'est qu'une loi dérogatoire ou supplémentaire, applicable uniquement à une espèce déterminée de convention, et ne devant, par conséquent, être consulté par la doctrine ou mis en pratique par les tribunaux que lorsque le droit civil se lait ou renferme des dispositions inconciliables avec la rapidité et avec l'extension des affaires commerciales.

Ainsi, pour la vente, pour le louage, vous chercherez vainement dans le code de commerce un chapitre quelconque. C'est à peine si l'on trouve pour ces deux contrais, si importants et si usuels, quelques dispositions isolées.

Pour la commission, je l'avoue, il y a un certain nombre d'articles spéciaux ; mais, là encore, le fond du contrat, les principes généraux du contrat se trouvent formulés et développés dans la loi civile, au titre du Mandat.

Pourquoi donc, messieurs, ferions-nous pour le gage ce que nous ne jugeons nécessaire de faire ni pour la vente, ni pour le louage, ni pour la commission, ni pour la société même, contrais d'un usage autrement important que le gage ?

(page 679) C'est en partant de ces idées que je critique la finale du nouvel amendement présenté par l'honorable M. Cruyt. Je ne comprends pas la nécessité d'insérer dans la loi ce principe fondamental de tout nantissement, que le gage ne serait constitué valablement que pour autant que l'objet engagé aurait été mis et serait resté dans la possession du créancier gagiste.

Ce principe, qui est de l'essence même du contrat de gage, se trouve, en effet, inscrit en toutes lettres à l'article 2076 du code civil.

Il en est de même de l'article 36 du projet qui est emprunté en grande partie à l'article 2081 du même code.

Je ferai une observation identique relativement à l'article 43, qui porte « que toute clause qui autoriserait le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans les formalités prescrites, est nulle. »

Cette disposition est encore une reproduction textuelle du paragraphe 2 de l'article 2078 du code civil.

En conclusion, messieurs, je pense qu'il y aurait lieu de simplifier davantage les dispositions nouvelles et de s'en rapporter au droit commun tant pour les principes que pour les cas d'application.

De cette façon, on serait plus dans la vérité législative, puisque, je le répète en finissant, la loi civile est toujours la règle, la loi commerciale l'exception.

M. Tesch. - Messieurs, l'honorable M. Bara a demandé à quelle époque, en cas de faillite, il fallait faire remonter l'existence du gage ?

Cette question ne me paraît pas douteuse. Je suis de l'avis de l'honorable ministre de la justice : il n'y a pas de gage sans nantissement, sans remise de l'objet donné en gage.

S'il y a simplement un contrat sans tradition, vous avez une convention qui vous oblige, à donner un gage ; mais il n'y a pas de contrat de gage réel. (Interruption.)

Pour la preuve des livraisons, nous rentrons dans les principes généraux. La preuve se fait là par écrit ou par témoins. Il n'y a pas de raison de prescrire d'autres preuves que pour les autres conventions. (Nouvelle interruption.)

L'honorable M. Bara change le terrain de la question. Je réponds à la question qu'il posait tout à l'heure : il demandait à quelle époque il fallait faire remonter l'existence du gage.

J'ai dit que, dans mon opinion, c'est à l'époque de la remise de l'objet et c'est à celui qui invoque un droit de gage qu'incombe l'obligation de faire la preuve, à personne autre ; et pour ma part, je ne vois pas de difficulté dans la question soulevée.

M. Pirmez. - L'honorable M. Reynaert vous a dit qu'il ne comprenait pas qu'on ait soulevé la question que nous discutons.

M. Reynaert. - Je la comprends bien, j'ai dit qu'il y aurait moyeu de la résoudre.

M. Pirmez. - Je vais démontrer à. l'honorable membre qu'il y a là une grave question dont il n'a pas saisi la portée.

L'honorable membre me renvoie au code civil et croit qu'en me renvoyant au code civil il a tout fait, mais c'est parce que nous dérogeons au code civil qu'il y a une matière que nous devons régler.

Le code civil détermine quelles sont les conditions du gage, les conditions du contrat, les conditions de la possession, puis il a un article spécial qui exige que l'acte de gage ait date certaine vis-à-vis des tiers. Il y a donc là une disposition formelle qui détermine comment on saura quand le contrat de gage a été fait. Cette disposition disparaît dans le projet que nous discutons.

Or, je demande à l'honorable M. Reynaert comment il va suppléer à la suppression en matière commerciale de cette disposition du code civil. Sous le code civil, il fallait l'enregistrement ou un autre moyen pour l'acte eût date certaine. Mais aujourd'hui que ces moyens spéciaux ne sont plus exigés, je demande comment l'honorable M. Reynaert va parer à cette lacune pour établir la date du gage.

Le projet dispose que la preuve du gage se fait de la même manière que pour la vente.

Je comprends quels sont les moyens d'établir cet acte entre débiteur et créancier ; il y a la preuve écrite, la preuve testimoniale, les livres de commerce. Mais quand il s'agit d'établir la date du contrat vis-à-vis de tiers, comment fera-t-on ?

Je suppose un contrat sous seing privé non enregistré entre débiteur et créancier, la loi que nous discutons décide que ce contrat est valable et établit le gage entre eux. Mais je demande à M. Reynaert si, par cela seul que le créancier et le débiteur ont fait cet acte régulier entre eux, la date de cet acte s'imposera aux tiers ?

Eh bien, si nous laissons le projet tel qu'il est, il est incontestable qu'on doit décider que cet acte suffit pour établir le gage et que, comme il n'y a pas de distinction quant au fond du contrat et à la date du contrat, on doit décider, par une conséquence logique, que la date du gage est établie par l'acte.

S'il en est ainsi, vous arriverez à cette conséquence que j'ai déjà signalée et qui est incontestable, qu’il appartient à un débiteur sur le point de tomber en faillite, de favoriser un créancier en frustrant tous les autres créanciers. Voilà la conséquence dangereuse que je vous signale de nouveau. Je dis que cette situation est impossible. Il faut déterminer certaines garanties pour que le débiteur et le créancier ne puissent pas porter préjudice aux intérêts de tiers. Voilà mon observation, et j'espère que l'honorable M. Reynaert reconnaîtra qu'il y a là un point grave, sérieux et non résolu par lui.

J'engage mes honorables collègues à bien examiner la question de la preuve, qui paraît si indiscutable à l'honorable M. Tesch. La loi détermine les conditions de la validité du gage. C'est à celui qui réclame un gage d'établir toutes les conditions de la validité de son gage. Mais lorsqu'il existe un contrat régulier de gage, quand même il n'aurait pas de date, le gage est valablement constitué.

Sans doute en cas de faillite il peut être annulé ; mais pourquoi ? Non pas par suite de l'absence d'une condition essentielle, mais en raison d'un fait postérieurement survenu.

On peut invoquer ce fait postérieur pour attaquer l'acte, mais le demandeur en nullité devra le prouver.

Il ne repousse pas mon gage en excipant d'un vice intrinsèque ; il prétend le frapper d'une nullité intrinsèque.

Voilà mon sentiment à première vue ; je n'ai pas la prétention de résoudre cette question séance tenante. C'est pourquoi je demande que la Chambre renvoie cette question à la commission, qui aura à résoudre les difficultés signalées.

M. Lelièvre. - Ne perdons pas de vue qu'il s'agit de droits mobiliers. Or, les droits réels sur des objets mobiliers ne s'acquièrent que par la délivrance. En conséquence, le droit réel sur l'objet donné en gage n'est acquis au créancier que par la tradition effective. C'est ce motif qui me porte à me rallier aux considérations déduites par l'honorable M. Tesch. La date à laquelle droit est acquis au créancier est donc l'époque de la tradition, surtout vis-à-vis des tiers. C'est en cette matière qu'est applicable le principe non nudis pactis sed traditionibus dominia transferuntur. Eh bien, la date « de la tradition » pourra être établie par tous les moyens de droit, même par témoins.

M. Guillery. - La discussion qui se prolonge montre aussi clairement que possible, - et c'est peut-être la seule chose qu'elle démontre clairement - l'impossibilité de résoudre en principe de pures hypothèses.

Quand une contestation se présente devant les tribunaux, la première chose à faire est de bien préciser tous les points de fait dans leurs moindres détails afin que le juge puisse savoir quels sont les principes à appliquer.

Ici, nous raisonnons dans des hypothèses abstraites, modifiées elles-mêmes la plupart du temps par chacun des orateurs qui prend la parole.

Il est absolument impossible de résoudre ces cas particuliers ; et si l'on renvoie la question à la commission, celle-ci ne pourra modifier en rien une situation résultant de la nature des choses.

Il lui sera parfaitement impossible de prévoir tous les cas qui se présenteront et de résoudre par une formule générale et absolue toutes les difficultés éventuelles.

Ainsi, dans les dernières paroles prononcées par l'honorable M. Pirmez, je vois une série d'hypothèses différentes ; ce n'est pas une seule hypothèse, mais une série d'hypothèses qui se produiront successivement et qui exigeront des solutions différentes.

Les principes à consacrer me paraissent extrêmement simples. La matière du gage et du nantissement est régie par le code civil. Nous faisons une loi qui a pour but de déroger à ces principes généraux en matière de gage commercial. Pour plus de simplicité, pour plus de clarté, pour plus de netteté, l 'article 34 du projet s'en rapporte aux principes généraux pour la preuve de la vente en matière de commerce. C’est donc aux principes généraux que nous devons nous rapporter, et lorsqu’il y aura à prouver l’existence d’un acte, il faudra appliquer les principes en matière de preuve.

Quand il s'agira de faillite, quand il s'agira d'examiner si un acte est frauduleux ou ne l'est pas, on se trouvera en présence d'une série de faits, de situations qu'il est, encore une fois, impossible de prévoir.

Le caractère frauduleux d'un acte résulte souvent de présomptions (page 680) graves, précises et concordantes ; on applique à l'acte frauduleux les principes consacrés en matière ordinaire ou spéciaux en matière commerciale.

Quant au gage en particulier, c'est évidemment à celui qui prétendra avoir le privilège sur un objet de prouver que son droit est complet.

C'est une action, une demande. Le demandeur doit prouver la convention qu'il invoque dans tous ses éléments.

Tous les modèles de contrat de gage portent la preuve de la remise. Sans la tradition, il n'y a qu'une promesse.

Je ne conseillerais à personne de faire un contrat de gage sans constater que le gage a été effectivement mis en la possession du créancier gagiste : ce serait un projet de gage et non un contrat de gage.

On dit : Mais s'il y a des fraudes, des causes de nullité ? Cela devient une tout autre question.

Celui qui intente une action en nullité d'un acte n'est pas dans la même position que celui qui est défendeur à une action en reconnaissance d'un privilège.

Celui qui invoque la nullité doit la prouver.

Si nous devons entrer dans l'examen de toutes les nullités, nous serons devant une impossibilité.

Je crois que le renvoi à la commission est inutile.

Il faut que celui qui fera un contrat fasse la preuve complète, la preuve de ces éléments essentiels et c'est à celui qui demandera la nullité d'un contrat en apparence valable, à celui qui prétendra qu'il y a eu fraude, à prouver la fraude.

M. Reynaert. - Messieurs, un seul mot de réponse à l'honorable M. Pirmez.

Je regrette d'avoir été si mal compris par l'honorable membre ; j'avais soulevé une question générale ; il avait traité, lui, une question spéciale, la question de date.

Sans entrer dans l'examen des idées émises à ce sujet par l'honorable membre, j'avais dit que je croyais que les difficultés signalées devaient être résolues et tranchées à la lumière des principes généraux.

Cette opinion, je la maintiens, même en ce qui concerne spécialement la date ; car il me paraît que le paragraphe 2 de l'article 2074 décide jusqu'à un certain point la question soulevée.

D'après ce paragraphe, la rédaction de l'acte par écrit et son enregistrement ne sont prescrits qu'en matière, excédant la valeur de 150 francs.

(erratum, page 690) M. Bara. - Messieurs, je ne prends pas la parole pour rentrer dans le débat, mais pour faire une simple observation, car je ne puis pas admettre la jurisprudence qui semble adoptée par plusieurs membres de cette Chambre.

Ainsi, dans le contrat de gage, il y a deux choses : la convention et la tradition. L'honorable M. Guillery dit que la convention constate la remise réelle de l'objet : cela peut arriver, messieurs, mais cela peut aussi ne pas arriver, de telle sorte que lorsqu'on ne constatera pas la remise, ce sera, comme l'a dit M. Jacobs, à celui qui se prévaudra du gage à prouver la date de la remise, à prouver que le jour où il a passé le contrat de gage, le gage lui a été remis.

C'est là une question importante.

De sorte que, pour des gages n'excédant pas la valeur indiquée, il existe bien certainement des règles consacrées par la doctrine et par la jurisprudence en ce qui concerne ce point spécial de la date.

Eh bien, que faisons-nous, messieurs, sinon appliquer ces règles, par voie législative, à une matière plus vaste. Nous élargissons le texte et nous l'appliquons d'une manière générale à tout gage quelconque, quelle que soit la valeur de la dette.

Maintenant on demande : Pourquoi soulever cette difficulté ? Mais la difficulté est très grave et nous devons précisément la soulever parce que nous faisons une loi qui va rendre très faciles ces opérations de prêts sur gage. On me dit qu'il n'y a pas eu en France de difficultés. Qu'en savez-vous ? Nous ne connaissons pas toutes les difficultés qui ont pu naître au sujet des contrats de gage en France.

Je voudrais avoir un éclaircissement à cet égard, soit de la part des membres de la commission, soit de la part de M. le ministre de la justice.

Je dis que c'est précisément au moment où nous réformons la législation sur le gage que nous devons prévoir les difficultés ; sinon, à propos de tous les contrats de gage, vous devrez avoir des enquêtes sur la date de la tradition, et vous rencontrerez un grand nombre de difficultés.

M. Lelièvre. - Quelques honorables membres demandent le renvoi de notre article à la commission. Si ce renvoi était ordonné, je demanderais que la même disposition fût prise à l'égard de l'article 37, par la raison qu'il serait préférable d'introduire une procédure plus simple et moins compliquée. Si la Chambre le désire, je pourrai déduire à cet égard quelques considérations lorsque nous aborderons l'examen des articles 37, 38 et 39.

M. Jottrand, - Messieurs, j'ai examiné maintenant le texte proposé, au nom de la commission, par l'honorable M. Cruyt. Je dois dire que je ne puis me rallier à ce texte, parce qu'il répète fort inutilement deux principes incontestables, d'abord que quand il y a gage valable, il y a privilège pour le créancier gagiste, et ensuite qu'il n'y a privilège que pour autant que le contrat de gage existe réellement, c'est-à-dire que l'objet du gage ait été remis et soit resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre parties.

Pour moi, l'article 34 doit avoir un objet unique : c'est de constater que nous entendons déroger aux règles établies en droit civil pour la preuve du gage et rien de plus. Nous devons avoir pour objet, dans la rédaction de l'article 34, de constater une chose : c'est qu'en matière de gage constitué pour sûreté d'un engagement commercial, on introduit la réforme suivante : l'existence du gage pourra se prouver par tous les moyens par lesquels pourrait se prouver la vente de l'objet engagé.

Pourquoi dès lors compliquer inutilement ?

D'après moi, messieurs, l'article 34 serait beaucoup plus clair s'il était rédigé de la manière suivante :

« La constitution d'un gage pour sûreté d'un engagement commercial, se prouve, entre toutes personnes, par tous les moyens admis en matière de commerce pour prouver la vente d'objets de même nature que l'objet engagé. »

Rien de plus, rien de moins.

Il me paraît, messieurs, qu'avec cette rédaction, que je crois claire, nous atteignons le but désiré.

Maintenant, si nous avons l'intention de résoudre encore d'autres questions, nous le ferons par des articles subséquents.

Rien n'empêchera, si nous le désirons, de fondre ensuite ces articles en un seul ; mais nous courons droit sur un écueil si nous voulons exprimer plusieurs idées différentes en même temps.

- La discussion de l'article 34 est close.

M. Pirmez. - J'ai demandé le renvoi à la commission. (Interruption.)

M. Van Humbeeck. - L'honorable M. Pirmez propose un renvoi à la commission ; je comprends qu'on renvoie à la commission des propositions, mais non pas une discussion, surtout une discussion très complexe comme celle-ci ; la commission ne saurait pas même au juste quelles questions on lui demande de résoudre.

M. Pirmez. - Je présenterai un amendement.

M. Van Humbeeck. - Si l'honorable M. Pirmez s'engage à présenter un amendement, sa proposition de renvoi prend un corps, devient saisissable ; mais dans ce cas il serait encore plus régulier de soumettre d'abord l'amendement à la Chambre.

M. Pirmez. - Messieurs, si j'avais pensé que le renvoi à la commission ne dépendît que du dépôt d'un amendement, j'en aurais préparé un ; mais je ne puis pas l'improviser hic et nunc ; je me réserve d'en formuler un d'ici à demain.

M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Pirmez tendant au renvoi à la commission.

- Après une double épreuve par assis et levé, la proposition n'est pas adoptée.

M. le président. - Par suite de l'amendement présenté au commencement de la séance par M. Cruyt et auquel M. le ministre de la justice s'est rallié, les trois paragraphes de l'article 34 du projet du gouvernement viennent à disparaître et sont remplacés par cet amendement.

La commission retire le sien et M. Jacobs retire aussi celui qu'il a présenté.

Nous nous trouvons donc en présence de l'amendement de M. Jottrand et du texte proposé en dernier lieu par M. Cruyt.

Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Jottrand.

M. Sainctelette. - Pour pouvoir voter en connaissance de cause, nous devrions d'abord entendre la lecture de la proposition de la commission et ensuite celle de l'amendement de M. Jottrand.

M. Van Humbeeck. - J'entends toujours parler d'amendement de la commission.

Il s'agit d'un amendement convenu entre le rapporteur de la commission et la plupart des membres qui ont pris part à la discussion de samedi dernier, amendement qui a été soumis à M. le ministre de la justice, et qui m'a été soumis également, mais l'amendement n'émane pas de la commission.

(page 681) Présidence de M. le président. - Voici la proposition de M. Cruyt :

« Le gage, constitué pour sûreté d'un engagement commercial confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose engagée, par privilège et de préférence aux autres créanciers, lorsqu'il est établi conformément aux modes admis en matière de commerce pour la vente d'objets de même nature et qu'il a été mis et est resté en la possession du créancier ou d’un tiers convenu entre parties. »

Voici ensuite l'amendement de M. Jottrand :

« La constitution d'un gage pour sûreté d'un engagement commercial se prouve entre toutes personnes par les moyens admis en matière de commerce pour prouver la vente d'objets de même nature que l'objet engagé. »

- L'amendement de M. Jottrand est mis aux voix et n'est pas adopté.

La proposition de M. Cruyt est ensuite mise aux voix et adoptée.

Article 35

M. le président. - Voici la rédaction nouvelle proposée par M. Cruyt à l'article 35 : « Le créancier est réputé avoir les marchandises en sa possession lorsqu'elles sont à sa disposition dans ses magasins ou navires, à la douane ou dans un dépôt public ou si, avant qu'elles soient arrivées, il en est saisi par un connaissement ou une lettre de voiture. »

Nous avons ici deux amendements de M. Demeur qui sont venus à tomber par suite de la rédaction nouvelle.

M. Demeur. - La rédaction nouvelle de la commission a fait tomber mes amendements qui ont été admis par elle.

M. Jottrand. - il y a dans la rédaction de l'article 35, telle qu'elle est maintenant proposée à la Chambre, deux lacunes. La première est celle-ci : On ne parle que du créancier lorsqu'il s'agit d'établir les conditions de la possession de marchandises engagées. On doit évidemment, pour éviter le danger d'une interprétation mauvaise, répéter les mots : « le créancier ou le tiers convenu est réputé... » le reste comme à l'article.

La seconde lacune provient de la suppression dans l'article 34 d'une disposition que jusqu'à présent tout le monde était d'accord de conserver. C'est la disposition destinée à constater de façon à ne pas laisser place au doute que lorsque l'objet engagé est une créance mobilière ordinaire les significations du transport exigées par les articles 2075 et 1690 du code civil continueront à être nécessaires.

L'article 35 a principalement pour objet de constater d'une façon précise quelles sont les conditions d'existence de la possession voulue par les principes généraux du code civil et par l'article 34 qui précède.

On a jusqu'à présent, éprouvé le besoin de dire, en termes explicites et formels, qu'en matière d'engagement de créance mobilière ordinaire, le créancier gagiste ne pouvait être réputé avoir la possession de la créance engagée, en être saisi vis-à-vis des tiers que moyennant les significations voulues par les articles 2075 et 1690 du code civil ; je crois qu'on doit répéter ces stipulations si formelles, reconnues nécessaires jusqu'à présent par toutes les rédactions proposées.

Je ne vois pas le motif pour lequel on croit devoir les supprimer.

En conséquence de ce que je viens de dire, je propose donc d'ajouter à la rédaction de l'article 35 tel qu'il est proposé, d'abord, à la première ligne, après le mot : « le créancier », les mots : « ou le tiers convenu ». Et ensuite d'ajouter à l'article proposé le paragraphe suivant :

« S'il s'agit d'une créance mobilière ordinaire, la possession s'établit, à l'égard des tiers, par une signification au débiteur, conformément à l'article 2075 du code civil. »

M. Cruyt, rapporteur. - Je crois qu'il est inutile de répéter, dans l'article 35, ce qui est dit déjà dans l'article 34. L'article 34 dit d'une manière générale que le gage constitué pour sûreté d'une dette commerciale se constatera de la même façon que la vente d'un objet de même nature. Il en résulte que la signification, nécessaire en cas de vente, est également nécessaire quand il s'agit de donner en gage, une créance mobilière ordinaire.

Quant à l'addition, que propose l'honorable M. Jottrand, de ces mots « ou du tiers convenu », je crois qu'elle est également inutile, puisque le tiers convenu est précisément la personne qui sera elle-même en possession du gage.

Remarquons, du reste, que le tiers convenu ne sera pas moins censé être resté en possession de l'objet donné en gage si, au lieu de le conserver dans son propre magasin, elle le dépose ailleurs, pourvu que l'objet continue à y être à sa disposition ; tout juste comme pour le créancier lui-même.

M. Jacobs. - L'amendement de l'honorable M. Jottrand se rapporte plutôt à l'article 34 qu'à l'article 34. En effet, c'est à 1'aritcle 34 que se trouve insérée la mention de l'article 2075 du code civil, dans la rédaction proposée par le gouvernement et dans la loi française.

On comprend que la loi française et la rédaction du gouvernement, faisant une énumération de tous les cas possibles : l'endossement de la lettre de change, le transfert d'actions au porteur, etc., aient prévu le cas des créances mobilières ordinaires.

.Mais nous avons adopté une rédaction qui proclame un principe général, sans entrer dans les détails. Ne le faisant pas pour d’autres cas, il est illogique d’en citer un en particulier.

Je pense donc que la mention dont parle M. Jottrand devrait être proposée à l'article 34 plutôt qu'a l'article 35 et que la proposition de l'honorable membre ne peut être adoptée par la Chambre.

- L'amendement est appuyé et fait partie de la discussion.

M. Jottrand. - Est-il entendu que le tiers convenu aura la possession des marchandises engagées dans les mêmes conditions que le créancier ?

S'il est entendu que les éléments constitutifs suffisants pour la possession du créancier seront aussi suffisants pour celle du tiers convenu, je n'insiste pas sur la première partie de mon amendement.

Quant à la seconde partie, je dois insister sur l'introduction, dans l'article 35, du paragraphe que l'on avait introduit jusqu'ici, dans toutes les rédactions ; rédactions, il est vrai, de l'article34i, mais, d'après moi, fort abusivement à cet endroit, car les prescriptions de l'article 2075 du code civil se rapportent bien plus aux éléments constitutifs de la possession qu'aux éléments constitutifs de la vente.

Une créance mobilière ordinaire est, en effet, vendue valablement entre le vendeur et l'acheteur sans aucune signification. Ce n'est donc que pour que la tradition soit réputée consommée vis-à-vis de tout le monde que la signification de la vente au débiteur est nécessaire pour constituer la possession, pour prouver la tradition effective de la créance.

Nous sommes en train, à propos de l'article 35, de résoudre les doutes qui peuvent se présenter relativement aux éléments exigés pour constituer certaines possessions. Pourquoi ne pas saisir cette occasion pour compléter l'œuvre et parler comme tout le monde avait, je le répète, le projet de le faire, du mode de possession des créances mobilières ordinaires ?

Tout le monde avait compris la nécessité non seulement de maintenir intact l'article 2075, mais encore de le dire clairement, et tout d'un coup on y renonce.

Je ne comprends pas pourquoi ! On me dit qu'on ne renonce pas aux règles qu'il établit, mais qu'on considère l'article 34 comme s'exprimant d'une façon suffisamment précise pour qu'il soit certain pour tout le monde que le principe de l'article 2075 du code civil est maintenu. Je n'admets pas cela.

Vous avez dit, dans l'article 34, que le gage se constitue et se prouve comme la vente. Je viens de vous faire toucher du doigt cette vérité qu'entre le vendeur et l'acheteur la vente d'une créance mobilière est complète sans aucune espèce de signification.

Voulez-vous qu'il en soit ainsi du gage lorsque c'est une créance mobilière ordinaire qui est engagée ? Si oui, alors gardez le silence et ne vous en référez pas à l'article 2075. Mais si vous voulez maintenir le principe de cet article, parlez. Sans quoi, en présence de l'article 34, il arrivera qu'on pourra soutenir qu'une créance mobilière est valablement engagée sans signification au débiteur... parce qu'elle peut être vendue valablement sans cette signification.

M. Jacobs. - L'honorable M. Jottrand parle des règles de la vente entre parties, mais, en matière de gage, c'est des tiers qu'il faut se préoccuper.

Qu'est-ce que le gage ? C'est un privilège donné à un créancier vis-à-vis des autres créanciers, c'est-à-dire vis-à-vis de tiers. Or, il faut prendre les règles de la vente vis-à-vis des tiers et non pas les règles de la vente vis-à-vis des parties pour faire l'assimilation.

Or, quant au tiers, il faut une signification en matière de vente comme en matière de gage. Tout cela sera maintenu.

La loi française porte cette disposition : « Il n'est pas dérogé aux dispositions de l'article 2075 du code civil. » Nous n'empruntons pas cette disposition à la loi française, parce que, dans notre système, il n'es dérogé en rien, ni à l'article 2075, ni à aucune des autres règles du code civil.

M. Demeur. - Et la nécessité d'un acte enregistré ?

M. Jacobs. - À part les règles de la vente en matière commerciale qui sont appliquées au gage, à part ce que nous disons dans l'article 34, aucune dérogation n'est établie aux principes du code civil, C'est la seule ; aucune autre.

(page 682) M. Lelièvre. - Il est évident que les caractères de la possession attribuée au créancier sont également applicables au tiers convenu. En conséquence celui-ci serait évidemment réputé nanti quand les conditions énoncées en notre possession existeront à son bénéfice. C'est pour ce motif que j'estime aussi qu'il est inutile de faire aucune addition en ce qui concerne les créances, par la raison que par cela seul que nous ne dérogeons pas aux principes du droit commun, nous les maintenons implicitement.

Il est donc évident que nous n'avons pas besoin d'énoncer la disposition proposée par M. Jottrand, qui est de droit, sans que son énonciation dans le projet soit nécessaire.

- La discussion est close.

M. le président. - M. Jottrand, il est entendu que vous renoncez à la première partie de votre amendement ?

M. Jottrand. - Oui, M. le président.

M. le président. - En conséquence l'amendement de M. Jottrand consiste à ajouter à la rédaction propose par M. Cruyt :

« S'il s'agit d'une créance mobilière ordinaire, la possession s'établit à l'égard des tiers par une signification au débiteur conformément a l'article 2075 du code civil. »

- Cet amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 35, rédigé comme l'a proposé M. Cruyt, est adopté.

Article 36

« Art. 36. Le créancier gagiste perçoit aux échéances les intérêts, les dividendes et les capitaux des valeurs données en gage et les impute sur sa créance.

« Si le gage consiste en effets de commerce, le créancier gagiste est soumis aux droits et devoirs du porteur. »

M. Demeur. - Il me semble impossible, messieurs, de dire que le créancier gagiste est soumis aux droits du porteur ; il faudrait dire : « Le créancier gagiste exerce les droits et est soumis aux devoirs du porteur. »

Mais je demanderai si ce paragraphe est bien utile ?

En effet, qu'un créancier ayant en gage un effet de commerce puisse exercer les droits du porteur, c'est-à-dire réclamer le payement de l'effet à son échéance, cela résulte déjà du paragraphe premier. En ce qui concerne les devoirs du porteur, il me semble inutile d'introduire une disposition pour imposer ces devoirs au créancier, car cela résulte du principe que tout créancier gagiste doit donner au gage les soins d'un bon père de famille.

M. Sainctelette. - Messieurs, je désire savoir quelle est la pensée de la commission sur la question de savoir si le gage pourra être transmis par voie d'endossement ? Le créancier gagiste pourra-t-il sous-engager ? (Interruption.) Non, évidemment cela n'est pas possible aujourd'hui, mais cela ne doit-il pas être autorisé par la loi nouvelle ? Le créancier gagiste ne doit-il pas être autorisé à transmettre le gage qui a été constitué en sa faveur ?

Cette question a une très grande importance pratique.

Il arrive très souvent dans la pratique qu'après un emprunt fait et un nantissement en valeurs industrielles constitué, le créancier prêteur éprouve à son tour le besoin de négocier les traites souscrites et les gages constitués. Les uns comme les autres seront-ils transmissibles par la voie de l'endossement ?

M. Orts. - Ce n'est qu'un dépôt.

M. Sainctelette. - M. Orts ne m'a pas bien compris. Je suppose un gage constitué régulièrement par la voie de l'endossement. Je demande si le créancier, ainsi dûment saisi, par la voie de l'endossement, des valeurs industrielles fournies par le débiteur, par exemple d'actions à ordre, transmises par la voie de l'endossement, peut, à son tour, sous-engager ces valeurs. (Oui !)

J'appelle l'attention de la Chambre sur ce point.

Je suis convaincu qu'un des grands avantages que le commerce se promet de la loi en discussion, c'est cette faculté de sous-engager que lui refusent les principes généraux et la jurisprudence actuelle : il est donc entendu que c'est bien refusé.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - M. Demeur a fait sur la rédaction du deuxième paragraphe de l’article 36 une observation évidemment juste : il faut lire : « Si le gage consiste en effets de commerce, le créancier gagiste exerce les droits et est soumis aux devoirs du porteur.

L'introduction de cette disposition n'était pas inutile. Il peut se faire, en effet, que le débiteur n'ait pas, à l'échéance, les fonds nécessaires pour dégager l’effet de commerce qu’il adonné en nantissement. Il faut bien que le créancier détenteur du titre et qui ne peut s'en déposséder à peine de perdre son gage, ait le droit de recevoir le capital et ait aussi le devoir de remplir les obligations ordinaires que la loi impose aux porteurs.

Le paragraphe premier ne le disait pas d'une manière claire et précise, il ne le faisait entendre que relativement aux droits : nous avons pensé qu'il valait mieux, pour éviter tout doute, ajouter le paragraphe 2 qui exprime la pensée d'une manière nette.

Quant à l'observation de M. Sainctelette, la réponse est dans l'article 2079 du code civil qui porte :

« Jusqu'à l'expropriation du débiteur, s'il y a lieu, il reste propriétaire du gage, qui n'est, dans la main du créancier, qu'un dépôt assurant le privilège de celui-ci. »

Cet article exclut évidemment toute faculté de sous-engager.

M. Orts. - Je voulais faire à M. Sainctelette l'observation par laquelle M. le ministre de la justice vient de terminer.

Le créancier qui a reçu un effet en gage ne peut pas l'engager à un autre sans perdre son propre droit de gage, parce que l'on ne peut conserver de gage que sur ce que l'on possède réellement.

Il est d'ailleurs dépositaire et le dépositaire ne peut engager la chose d'autrui dont il a la garde.

Quant à donner en gage en abdiquant son propre droit, l'idée, je pense, n'en viendra à aucun créancier.

M. Lelièvre. - Je crois qu'il serait préférable de substituer au mot « devoirs » l'expression « obligations ». M. le ministre sait qu'en terme juridique le mot « obligations » est le terme technique, d'autant plus que l'inexécution des formalités à remplir entraîne la déchéance.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Le code de commerce actuel, en parlant des obligations du porteur, les appelle les devoirs du porteur.

M. Lelièvre. - Je n'insiste pas.

M. Sainctelette. - Je sais parfaitement que le créancier gagiste ne devient pas propriétaire, d'après le droit commun, de la chose qui lui est donnée en gage. Une controverse sérieuse a surgi sur la question de savoir si le créancier gagiste a capacité pour sous-engager et la solution donnée par la jurisprudence a été négative. Voulez-vous y persister ?

Mais alors pourquoi M. le ministre de la justice fait-il précisément pour les commissionnaires ce que j'indique pour les créanciers gagistes ? Prenez, en effet, l'article 49, amendements du gouvernement, et vous y lirez ce qui suit :

« Tout bailleur de fonds qui fournit au commissionnaire en espèces ou valeurs commerciales les sommes nécessaires aux prêts, avances ou payements dont il est parlé au paragraphe premier de l'article 47 ci-dessus, jouit, pour garantie du remboursement des sommes fournies et des intérêts, du même privilège sur les mêmes objets. »

Ainsi là on admet la cession du privilège. Pour moi, la question n'est pas de savoir si, d'après le droit commun, cela est possible ; la question est de savoir s'il n'y a pas lieu de déroger ici aux principes du droit commun et de rechercher si l'on peut accorder cette faculté de sous-engager qui peut, en certaines circonstances, avoir une grande portée. Vous allez voir se fonder en Belgique de grands établissements financiers qui auront pour principale opération de faire des prêts sur nantissements de fonds publics. Cela provoquera en province une foule d'opérations de ce genre d'une importance secondaire.

A un moment, donné, les banquiers de province peuvent être gênés ; ils seront dans l'impossibilité de négocier les valeurs de leur portefeuille en même temps que la sûreté de leur portefeuille.

Je demande à la commission si son attention s'est portée sur ce point et si elle ne croit pas qu'il y ait lieu de modifier les principes de droit en matière commerciale quant à la faculté de sous-engager, comme on les a modifiés dans l'article 48 pour les commissionnaires. Je me borne, du reste, à poser la question et ne présente point d'amendement.

M. Jacobs. - II n'y a aucune espèce d'analogie entre le cas que vient de citer l'honorable M. Sainctelette et celui qui nous occupe. De quoi s'agit-il dans l'article 48 ? Il s'agit d'étendre le privilège du commissionnaire à celui qui a fourni les fonds avancés par l'intermédiaire du commissionnaire au propriétaire de la marchandise consignée ; il ne s'agit pas de permettre à qui que ce soit de disposer d'un objet qui lui a été confié à titre de dépôt. C'est une simple extension du privilège. (Interruption.)

M. Bara. - Vous donnez votre nantissement.

M. Van Humbeeck. - Mais il n'y a jamais qu'un privilège.

(page 683) M. Jacobs. - Il ne s'agit pas de transférer un gage, un dépôt, mais un connaissement essentiellement transférable ; il s'agit d'étendre le privilège du commissionnaire à celui qui a prêté les fonds au commissionnaire.

On demande de permettre à un créancier gagiste de céder son gage. Or, messieurs, ce serait là une espèce de stellionat. C'est, en matière de gage, ce qu'est le stellionat en matière d'hypothèque.

L'article 1930 du code civil porte : « Le dépositaire ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du propriétaire. »

Il faut donc que le créancier gagiste obtienne la permission du propriétaire pour céder son gage. Celui-ci ne l'a pas reçu pour en disposer, mais pour le garder ; il n'en peut disposer sans permission.

La loi est suffisante puisqu'elle permet à celui qui a remis un dépôt à un autre, d'autoriser le créancier dépositaire à en disposer ; il faut une convention car l'on ne peut se faire justice à soi-même en disposant d'un gage sans le consentement du propriétaire.

M. Van Humbeeck. - Je crois pouvoir répondre, au nom de la commission, qu'il serait impossible d'admettre un amendement dans le sens des observations de l'honorable M. Sainctelette.

Le but des dispositions que nous discutons est de faciliter la preuve du gage en matière commerciale et d'en faciliter également la réalisation à l'échéance.

Mais les idées de l'honorable membre vont plus loin.

Le gage, tel qu'il le modifie, ne serait plus le gage tel qu'il est entendu aujourd'hui ; ce serait la création d'un nouveau contrat. Ce ne sont pas des innovations de cette nature que la commission croit devoir proposer à la Chambre.

L'honorable M. Sainctelette croit que les articles 49 et 50 du projet sont conçus dans le sens des idées qu'il voudrait voir généraliser. Il se trompe.

Dans l'article 49, il est tout simplement question d'une subrogation consentie par le commissionnaire à un tiers. Mais il n'y a là qu'un seul privilège.

Du reste, si les articles 49 et 50 contenaient ce que la commission n'a pas cru y voir, s'ils portaient une atteinte au principe de l'unité du gage et à la règle que le créancier nanti ne peut disposer du gage, il faudrait peut-être supprimer ces articles ; nous examinerons cela, si l'on veut, quand nous y arriverons. Mais, en attendant, n'allons pas permettre au créancier de disposer du gage.

Les idées de l'honorable M. Sainctelette nous conduiraient, je le répète, à la création d'un contrat inconnu jusqu'ici.

- La discussion est close.

M. Pirmez. - L'amendement que je veux présenter serait plus à sa place après l'article premier. On pourrait, si on le juge convenable, le classer au second vote.

Le voici :

« En cas de faillite, si la convention et la remise du gage n'ont pas de date certaine ou bien ne sont pas constatées par des livres de commerce régulièrement tenus, le créancier gagiste devra en établir la date vis-à-vis des tiers. »

M. le président. - Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article 36 ? Personne ne demandant la parole, la discussion est close.

Je vais mettre aux voix le renvoi de l'amendement de M. Pirmez à la commission.

M. Jacobs. - Il faudra discuter cet amendement au second vote. Il s'applique à un article que nous avons voté déjà. C'est au second vole qu'il faudra en aborder la discussion et c'est également pour le second vote que la commission devra nous faire rapport.

- La Chambre ordonne, le renvoi de l'amendement de M. Pirmez à la commission.

M. Demeur. - J'ai fait tout à l'heure, quant au texte, une observation que M. le ministre de la justice a reconnue fondée, je pense.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Elle consiste à dire : le créancier gagiste exerce les droits et est soumis aux devoirs du porteur.

- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 37

« Art. 37, § 1er. A défaut de payement ou de consignation à l'échéance de la créance garantie par le gage, le créancier peut, vingt-quatre heures après une mise en demeure signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur de gage, s'il y en a un, et en s'adressant par requête au président du tribunal de commerce, obtenir l'autorisation de faire vendre le gage soit publiquement, soit de gré à gré, au choix du président et par la personne qu'il désigne. »

M. le président. - A cet article, il y a deux amendements : un amendement de la commission et un amendement de M. Demeur,

M. Lelièvre. - C'est le moment de déduire les considérations que j'ai annoncées sur l'article 35. Il y a une procédure bien plus simple et plus rapide que celle énoncée au projet de loi ; après sommation et mise en demeure, il ne s'agirait que d'assigner l'emprunteur et le tiers bailleur, s'il y en a un, devant le président du tribunal de commerce à l'effet d'ordonner la vente du gage.

Cette ordonnance, comme toute décision en référé, ne serait pas susceptible d'opposition sauf appel s'il s'agissait d'une somme excédant 2,000 fr.

On simplifierait ainsi notablement la procédure et il y aurait réduction des frais.

Ne perdez pas de vue les inconvénients du projet. L'ordonnance qui autorise la vente du gage peut être frappée d'opposition.

On prolonge ainsi inutilement les délais, ce qui occasionne des retards préjudiciables à l'action du créancier.

Il est préférable d'assigner de suite l'emprunteur et le tiers bailleur devant le président, qui statuera à l'instant même.

La procédure que je propose est plus rapide, elle économise les frais et imprime à la poursuite une célérité qui assure l'exercice légitime des droits du créancier.

Ce mode de procéder est en harmonie avec les lois sur la matière, notamment avec plusieurs dispositions de la loi de. 1854 sur l'expropriation forcée.

Il est de nature à empêcher des oppositions frustratoires n'ayant pour but que de prolonger inutilement la poursuite.

Je crois donc devoir en proposer la sanction au gouvernement et à la Chambre. S'il en était ainsi, l'article 37 serait ainsi conçu :

« A défaut de payement, etc., le créancier peut, vingt-quatre heures après une mise en demeure, signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur, s'il y en a un, assigner ceux-ci devant le président du tribunal de commerce, à l'effet d'obtenir l'autorisation, etc. »

L'article 38 serait supprimé et l'article 39 porterait :

« L'ordonnance du président est susceptible d'appel endéans les huit jours de la signification faite à la partie succombante, si l'objet élu litige excède deux mille francs.

« Toutefois elle est exécutoire sans caution, nonobstant l'appel. »

M. Cruyt, rapporteur. - -La commission a adopté le mode que vous trouvez dans le projet, précisément en vue d'éviter autant que possible, les contestations.

On sait comment les choses se passent en pratique. Ce sera le plus souvent une simple formalité. Le débiteur ne fera aucune espèce d'opposition et l'ordonnance du président, même lorsqu'il y aura quelque opposition, tranchera tout, tandis que le système proposé par l'honorable M. Lelièvre aurait pour effet de provoquer tout d'abord, un débat contradictoire. Or, nous savons tous qu'un débat contradictoire provoqué dès le principe amène presque toujours des contestations et des lenteurs souvent considérables, tandis que, par la seule intervention de la juridiction gracieuse, neuf fois sur dix, l'affaire se terminera sans débat, ou tout au moins sans recours ultérieur.

M. Lelièvre. - Je persiste à penser que la procédure, par moi proposée, est préférable.

En effet, il vaut mieux de terminer toute contestation sans aucun retard et dès le début, par conséquent, de statuer définitivement après avoir entendu l'emprunteur et le tiers bailleur.

Sans cela qu'arrivera-t-il ?

Le débiteur ne manquera pas de former opposition à l'ordonnance du président, afin de retarder la vente du gage et d'obtenir ainsi des délais préjudiciables au créancier.

Il faut toujours faire en sorte de prévenir des contestations et des retards.

D'un autre côté, autoriser l'opposition à l'ordonnance du président, c'est évidemment augmenter les frais. Je pense qu'il faut terminer dès le début, d'une manière définitive, toute contestation quelconque. C'est le moyen de diminuer les frais et d'enlever aux débiteurs de mauvaise foi le moyen d'éluder la poursuite du créancier.

M. Demeur. - La manière de procéder indiquée par l'honorable M. Lelièvre ne me paraît pas admissible. Elle suppose que le président du tribunal de commerce juge, comme le président du tribunal civil, en référé. Il n'en est pas ainsi.

Il faudrait, pour une procédure semblable, présenter d'abord une requête au président, qui devrait fixer les jours et heures pour la (page 684) comparution des parties devant lui. Alors l'assignation devrait être donnée au débiteur.

Il me semble que les choses marcheront beaucoup plus vite dans le système de la commission. Signification sera faite au débiteur de la requête présentée au président du tribunal.

Le débiteur pourra transmettre à ce dernier ses observations, puisqu'il ne sera statué sur la requête qu'un jour franc après signification au débiteur.

Le plus souvent, comme l'a très bien dit M. Cruyt, aucune difficulté ne surgira.

M. Jottrand. - Je désirerais obtenir une explication sur la question suivante :

L'article se termine en imposant au président du tribunal de commerce l'obligation de désigner la personne chargée de la vente ; cette désignation devra-t-elle être nominative à peine de nullité de l'ordonnance ? S'il n'en est pas ainsi, il pourra se produire des abus. Ainsi, par exemple, le président pourra désigner une personne au choix du créancier qui se propose de faire la vente.

Il faut que la personne chargée de la vente soit désignée nominativement par le président.

M. Reynaert. - Il y a une formalité que l'on pourrait faire disparaître, me semble-t-il, sans grand inconvénient : c'est celle qui exige que la requête soit signifiée à l'emprunteur ou au tiers bailleur de gage.

Cette formalité a été introduite dans le but de permettre au débiteur de présenter au président du tribunal de commerce ses observations relativement au mode de vente le plus convenable et de s'assurer que la réalisation se fera dans les meilleures conditions possibles.

Je pense, messieurs, que cette précaution est inutile et que le débiteur est déjà suffisamment averti par la mise en demeure que le créancier gagiste est obligé de faire préalablement à toute mesure d'exécution.

Il a été, en effet, informé, par cette mise en demeure, des intentions de son créancier. Il sait que celui-ci se dispose à réaliser son gage et qu'à cette fin il pourra à tout moment solliciter l'autorisation nécessaire.

Si donc il a des observations à faire, il a été dûment averti, et il ne devra s'en prendre qu'à lui-même si la vente a lieu sans qu'elles aient été soumises au président du tribunal de commerce.

D'une manière générale, messieurs, je crois que les formalités exigées par le projet sont trop nombreuses et trop compliquées.

J'aurais préféré, pour ma part, qu'on entrât dans une autre voie et qu'on imitât, sous ce rapport, le code allemand, qui est beaucoup plus simple et beaucoup plus libéral que le projet de loi en discussion.

Permettez-moi, messieurs, de vous faire connaître les deux articles de la loi allemande qui régissent cette matière.

« Art. 310. Si le contrat de gage a été fait par écrit entre commerçants pour faits de leur commerce mutuel, le créancier peut, si le débiteur est en retard, se recouvrer immédiatement sur le gage sans avoir besoin d'actionner le débiteur.

« Le créancier doit dans ce cas demander l'autorisation au tribunal de commerce dont il relève, en lui présentant les pièces à l'appui ; sur quoi le tribunal ordonne, sans avoir entendu le débiteur, aux risques du créancier, la vente de tout ou partie des objets engagés.

« Le créancier doit, si faire se peut, avertir immédiatement le débiteur de l'autorisation de vendre et de l'accomplissement de la vente. En cas d'omission, il est tenu à dommages-intérêts. Pour procéder à la vente, il n'est pas nécessaire de justifier de l'avertissement donné au débiteur.

« Art. 311. Lorsqu'un objet a été mis en gage entre commerçants pour une créance commerciale et qu'il a été convenu par écrit que le créancier gagiste peut se faire payer sur le gage sans intervention de la justice, le créancier peut, si le débiteur est en retard, faire vendre publiquement le gage.

« Si les objets engagés ont un cours à la bourse ou au marché, il peut alors en effectuer la vente en public par l'intermédiaire d'un courtier de commerce ou, à défaut, par un commissaire-priseur.

« Le créancier doit, autant qu'il peut, avertir immédiatement le débiteur de la vente accomplie. L'omission de cet avertissement l'expose à des dommages-intérêts. »

Telles sont les règles tracées par le code allemand pour la réalisation du gage. Elles sont plus simples, plus rapides, moins onéreuses que celles que l'on nous propose, et c'est pourquoi je regrette que l'on n'ait pas songé à les introduire dans notre législation.

M. Cruyt, rapporteur. - Messieurs, je crois que l'intervention du président du tribunal doit être maintenue. La commission, en rédigeant l'article dans ces termes, a pensé qu'il ne pouvait s'agir, comme dans la loi sur les warrants, d’une simple sommation, mais que le débiteur devra être prévenu que le créancier veut réaliser le gage.

Une marche contraire se comprend dans la matière des warrants ; les choses warrantées sont ordinairement des marchandises qui ont un prix coursable, comme à la Bourse, et qui se traitent par des personnes habituellement chargées de leur vente ; tandis qu'on donne en gage toutes sortes d'objets, des bijoux, quelquefois des œuvres d'art. Il peut donc s'agir là de difficultés de réalisation. Il est juste que le débiteur puisse être entendu devant le président du tribunal sur l'opportunité de vendre tel ou tel objet spécial de telle ou telle manière.

Je le répète, nous avons introduit cette disposition afin de sauvegarder, autant que possible, les droits des débiteurs.

M. Orts. - Je ferai remarquer à M. Reynaert, dans le même ordre d'idées signalé par M. Cruyt, qu'il y aurait un danger à permettre la vente sans avertir le débiteur.

Un créancier malveillant, dont la créance est échue et pour racheter lui-même à vil prix la chose engagée, pourrait profiter inopinément d'une baisse, accidentelle, exceptionnelle, frappant les valeurs qui lui ont été données en gage. Si, au moins, le débiteur est averti, il pourra chercher des ressources pour empêcher que sa propriété soit aliénée dans un moment où elle est avilie.

J'ai, de plus, une simple question à poser au gouvernement et à la commission.

En vue de faire disparaître un doute qui pourrait se présenter dans l'application de la loi, je demanderai quel est le président auquel il faudra s'adresser pour obtenir la permission de vendre le gage. Dans ma pensée, c'est le président qui a dans sa compétence le lieu où se trouve le gage qu'il s'agit de vendre.

Ce ne peut pas être le président du domicile des parties, car on pourrait alors, ayant donné en gage à un créancier qui habite Liège, une marchandise qui se trouve à Anvers ; et le débiteur à Gand, saisir indifféremment, parfois, l'un des trois tribunaux.

Je ne tiens pas à une compétence plutôt qu'à l'autre, mais c'est une question que je pose en vue d'avoir une solution quelconque.

M. Van Humbeeck. - La question que M. Orts pose à la commission et à M. le ministre de la justice est résolue par le projet même. L'article 41, paragraphe 2, porte, en effet :

« Si le débiteur ou le tiers bailleur de fonds, s'il y en a un, n'est pas domicilié dans le ressort du tribunal de commerce, ou s'il n'y a pas fait élection de domicile, les significations mentionnées aux articles qui précèdent sont valablement faites au greffe de ce tribunal. »

Le tribunal au greffe duquel on a le droit de faire des significations est celui du tribunal dont le président rend ordonnance. On voit assez par les termes de l'article que ce n'est pas toujours le tribunal du domicile ; dès lors ce ne peut être que celui de la situation du gage.

M. le président. - Le bureau a reçu l'amendement suivant de M. Lelièvre :

« Je propose d'amender l'article 37 en ces termes : A défaut de payement, le créancier peut, vingt-quatre heures après une mise en demeure, signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur, s'il y en a un, assigner ceux-ci devant le président du tribunal de commerce à l'effet d'obtenir l'autorisation... (Comme au projet.) »

- Cet amendement est appuyé ; il fait partie de la discussion.

M. Demeur. - Je demanderai que la commission ou M. le ministre de la justice veuille bien nous donner un mot d'explication sur la portée de ces mots : « A défaut de consignation. » Je demande s'il suffit au débiteur de consigner pour empêcher la vente du gage.

M. Van Humbeeck. - Dans l'esprit de la commission, il ne peut être question que d'une consignation équivalente au payement.

Le mot « consignation » se trouve emprunté à la loi sur les warrants, où cette rédaction n'a pas présenté d'inconvénients.

J'ai déjà dit que je ne voyais pas la nécessité de la modifier dans le projet actuel.

Rigoureusement parlant, ces mots « ou de consignation » sont surabondants. Mais je le répète : ils existent dans un texte qui a reçu application ; ils n'ont pas produit d'inconvénients ; on peut donc les maintenir.

M. Cruyt, rapporteur. - Il conviendrait d'admettre qu'il peut s'agir d'une consignation qui serait ordonnée par le président. Si le président pouvait ordonner que le débiteur qui est sur le point d'être exproprié peut échapper à cette conséquence en consignant, il ne faudrait pas nécessairement que cette consignation eût été précédée d'offres réelles.

M. Demeur. - Il me paraît impossible d'admettre l'interprétation que vient de donner l’honorable M. Cruyt. Il dépendrait, en effet, du (page 685) président du tribunal d'empêcher l'exécution d'un contrat. Le président n’intervient ici que pour déterminer les conditions de la vente ; il ne peut pas modifier les conventions des parties. Ce droit n'appartiendrait pas même au tribunal. On ne peut donc pas admettre que la consignation dont il est ici question soit une consignation à ordonner par le président.

La seule consignation dont il puisse être question ici n'est autre que celle qui suit le refus d'offres réelles.

Un débiteur veut payer à son créancier ce qu'il lui doit ; le créancier refuse parce qu'il y a désaccord entre les parties ; le débiteur fait des offres réelles. Si ces offres sont reconnues valables, la consignation équivaut à payement. Il en est ainsi d'après le droit commun et il est superflu de le mentionner ici.

Remarquez, messieurs, que nous corrigeons le code civil. L'article 2078 de ce code dit qu'à défaut de payement le créancier peut provoquer la vente du gage.

L'addition des mots : « ou de consignation » n'est en rien justifiée.

M. Cruyt, rapporteur. - Si le mot « consignation » peut avoir la portée que vient d'indiquer l'honorable M. Demeur, je me rallierai à l'amendement qu'il propose, car je reconnais que, dès lors, il deviendrait inutile d'en parler : les offres réelles suivies de consignation équivalent au payement, il n'y a plus lieu d'ordonner la réalisation du gage.

- La discussion est close.

M. le président. - L'article 37 est amendé par le gouvernement et par la commission. Il y a ensuite un amendement de M. Demeur et un amendement de M. Lelièvre.

L'article est ainsi conçu :

« Art. 37, § 1er. A défaut de payement ou de consignation à l'échéance de la créance garantie par le gage, le créancier peut, vingt-quatre heures après une mise en demeure signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur de gage, s'il y en a un, et en s'adressant par requête au président du tribunal de commerce, obtenir l'autorisation de faire vendre le gage, soit publiquement, soit de gré à gré, au choix du président et par la personne qu'il désigne. »

Le gouvernement a proposé par amendement un paragraphe 2 ainsi conçu :

« Le président ne statuera qu'après avoir entendu ou appelé l'emprunteur et le tiers bailleur de gage, s'il y en a un. »

Il y a un amendement de la commission ainsi conçu :

« Il ne sera statué sur cette requête qu'un jour franc après qu'elle aura été signifiée au débiteur et au bailleur de gage, s'il y en a un, avec invitation de faire, dans l'intervalle, parvenir à ce magistrat leurs observations, s'il y échet. »

Enfin, il y a un amendement de M. Demeur, proposant la suppression des mots : « ou de consignation », et un amendement de M. Lelièvre, qui propose de remplacer l'article 37 par l'amendement dont j'ai donné lecture.

M. De Fré. - Je prie la Chambre de ne pas voter sur un amendement dont nous n'avons pas entendu la lecture. Il serait bon de le faire imprimer et distribuer.

M. Lelièvre. - Mon amendement est bien simple : il a pour objet d'introduire une procédure plus simple d'après laquelle la contestation est immédiatement terminée devant le président, sauf appel si le montant de la dette excède deux mille francs. D'après les dispositions du projet, au contraire, le président statue, sans entendre contradictoirement le débiteur, qui a la faculté de faire opposition. Or, ce système engendre des retards et des frais, à mon avis sans la moindre utilité ; du reste, j'ai exposé à cet égard des considérations qui me paraissent décisives.

M. le président. - Voici l'amendement de M. Lelièvre :

« A défaut de payement, le créancier peut, vingt-quatre heures après une mise en demeure signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur, s'il y en a un, assigner ceux-ci devant le président du tribunal de commerce à l'effet d'obtenir l'autorisation de... »

Le reste comme au projet.

Je vais mettre aux voix l'amendement proposé par la commission.

M. Orts. - Il faut d'abord mettre aux voix l'amendement de M. Demeur.

M. le président. - L'amendement de la commission s'éloigne davantage du projet ; il a donc la priorité sur celui de M. Demeur.

- L'amendement de la commission est mis aux voix et n'est pas adopté.

M. le président. - Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Demeur qui consiste dans la suppression des mots ; « ou de consignation. »

- (erratum, page 687>) - L'amendement de M. Demeur est adopté.

M. le président. - Je mets aux voix le texte de l'article 37.

M. Van Humbeeck. - Le deuxième paragraphe porte : « Il ne sera statué sur cette requête qu'un jour franc après qu'elle aura été signifiée au débiteur et au bailleur de gage, s'il y en a un, avec invitation de faire, dans l'intervalle, parvenir à ce magistrat, leurs observations, s'il y échet. » On pourrait ne pas comprendre à qui ces mots « ce magistrat » se rapportent, puisqu'il n'est plus question du président dans ce paragraphe.

Je propose donc de remplacer les mots « ce magistrat » par les mots « au président. » Le paragraphe deviendrait ainsi beaucoup plus clair.

M. le président. - Ce paragraphe a été rejeté, je ne puis pas le remettre aux voix.

- L'article 37 est mis aux voix et adopté.

M. Guillery. -Il y a eu erreur dans le vote. Nous ne nous sommes pas compris. La Chambre n'a pas eu l'intention de rejeter ce paragraphe. On a cru qu'il s'agissait d'un amendement.

M. le président. - J'ai d'abord mis aux voix l'amendement de M. Lelièvre.

M. Guillery. - Oui, mais je crois qu'on n'a pas compris.

M. le président. - On pourra revenir là-dessus au second vote..

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - C'est une rectification purement matérielle que propose M. Guillery, et personne n'y fait opposition.

M. Muller. - M. le président dit que le paragraphe a été rejeté et personne n'a voulu le rejeter.

M. le président. - Le paragraphe proposé par la commission a été rejeté et le paragraphe proposé par le gouvernement a été adopté.

M. Pirmez. - Je demande la parole pour une motion d'ordre. Je crois qu'il n'y a aucune difficulté à recommencer le vote, lorsque personne n'y fait opposition.

Sachons au moins ce que nous votons.

M. le président. - Si l'on voulait garder un peu le silence, on comprendrait mieux quelles sont les propositions mises aux voix ; maintenant s'il n'y a d'opposition de la part de personne, je vais mettre au voix le paragraphe 2 tel qu'il est proposé par la commission et modifié par M. Van Humbeeck.

- Ce paragraphe ainsi modifié est adopté et remplace le paragraphe 2 du projet du gouvernement.

Article 38

«Art. 38. L'ordonnance ainsi obtenue n'est exécutoire qu'après avoir été signifiée à l'emprunteur et au tiers bailleur de gage, s'il y en a un, avec indication des jour, lieu et heure auxquels il sera procédé à la vente publique, si elle a été ordonnée. Ladite ordonnance devient définitive et en dernier ressort si, dans les trois jours de cette signification, l'emprunteur ou le tiers bailleur de gage, s'il y en a un, n'y forme pas opposition avec assignation. »

M. Lelièvre. - Devant quel juge sera portée l'opposition ? Est-ce devant le président ou devant le tribunal de commerce ? Notre article est muet sur cette question. Ordinairement l'opposition est portée devant le juge qui a statué. Si donc on veut que ce soit le tribunal qui en connaisse et non le président, il faut que cela soit énoncé dans le projet.

M. Dansaert. - J'ai proposé antérieurement un amendement à cet article.

J'avais demandé qu'on ajoutât à l'article : « devant le tribunal de commerce. »

- L'addition proposée par M. Dansaert est adoptée.

L'article 38, ainsi modifié, est adopté.

Article 39

« Art. 39. Le jugement rendu sur cette opposition est susceptible d'appel endéans les huit jours de la signification faite à la partie succombante si le prêt excède 2,000 francs. »

M. Lelièvre. - La Chambre me permettra de faire une observation sur l'article 38 qui vient d'être voté. Il n'énonce pas dans quel délai l’opposition devra être formée à peine de déchéance. Il est, en effet, impossible de permettre l'opposition sans déterminer le terme à l'expiration duquel elle n'est plus recevable. A mon avis, par conséquent, l'article voté laisse une lacune qui doit être comblée.

M. Jottrand. - Messieurs, l'article 39 doit être modifié dans sa rédaction, il se termine comme suit : « si le prêt excède 2,000 francs. » Il a été ainsi rédigé sous l'empire d'idées qui ont disparu dans le cours de la discussion.

(page 686) Nous avons admis que le gage peut garantir l'exécution d'un engagement commercial quelconque.

Il faut dès lors dire : « Si la créance, en principal, » ou bien : « en principal et en frais, excède 2,000 francs. »

M. Bara. - On pourrait dire ; « Si l'obligation garantie, etc. »

M. Jottrand. - Et s'il s'agit de dommages-intérêts ?

M. Bara. - Alors il faudra qu'il y ait condamnation.

Je crois qu'il vaut mieux dire : « Si l'objet de garantie excède 2,000 francs. »

M. Lelièvre. - Quant à moi, je parlage l'avis de M. Bara. Pour fixer le premier et le dernier ressort, il faut non seulement prendre égard au principal de la créance, mais aussi aux intérêts dus lors de l'action. C'est le montant du litige en principal et intérêts qui doit être la base du premier ou du deuxième ressort. En un mot, il faut appliquer les principes de la loi du 25 mars 1841.

M. Jacobs. - Je ne crois pas qu'on ait eu l'intention de modifier les principes généraux de la compétence, en fixant la somme à 2,000 francs ; l'article a eu pour but d'indiquer un délai de huit jours, au lieu du délai de trois mois.

Je crois qu'on rendrait plus clairement l'idée en disant : le délai d'appel sera de huit jours, et en supprimant le commencement de l'article.

M. Demeur. - Messieurs, je pense que le but des rédacteurs du projet a été de décider si la possibilité de l'appel se déterminera sur le montant des fonds prêtés ou sur le montant de la valeur donnée en gage.

J'ai, je suppose, un intérêt dans un gage de plus de 2,000 francs.

Il se peut que la créance garantie soit inférieure à 2,000 francs, tandis que la chose donnée en gage soit d'une valeur supérieure. Dans ce cas, y aurait-il lieu à appel ?

Je pense que c'est cette difficulté qu'on a voulu lever ; on a dit : Il faut prendre en considération non pas la chose donnée en gage, mais la créance. A ce point de vue, il me semble que la rédaction primitive avait sa raison d'être, et l'on donnerait satisfaction à M. Jottrand en substituant le mot « créance » au mot « prêt. »

M. le président. - M. Demeur propose de substituer au mot « prêt » le mot « créance. »

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Mettons l'obligation garantie.

- La proposition de M. Bara est mise aux voix et adoptée.

L'article 39 est ensuite mis aux voix et adopté, avec la substitution des mots : « si l'obligation garantie », aux mots « si le prêt. »

- La séance est levée à 5 heures.