(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Tack, premier vice-président.)
(page 657) M. Hagemans fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Hagemans présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des instituteurs communaux du canton de Charleroi appellent l'attention de la Chambre sur des mesures pour assurer et améliorer la position des instituteurs. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des brasseurs dans la Flandre orientale prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à l'accise sur la bière. »
- Renvoi a la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Schelkens demande la suppression du nouveau tirage au sort prescrit par l'article 4 du projet de loi portant dissolution des conseils provinciaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Rolly. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. d'Hane-Steenhuyse, retenu à Anvers par des affaires administratives, demande un congé. »
- Accordé.
« M. Amédée Visart demande une prolongation de congé. »
- Accordé.
« M. Simonis demande un congé. »
- Accordé.
M. Hayez. - Pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je me bornerai à faire l’énumération rapide de toutes les raisons qui m'engagent à voter contre le projet de loi qui nous est soumis.
La première observation que j'ai à présenter a trait à la dénomination qu'on veut donner à notre école militaire à l'occasion de son transfert ä la Cambre.
On veut l'appeler Académie militaire. Pourquoi ? Pourquoi modifier (page 658) le titre d'un établissement créé en 1838 et qui, depuis, a fourni à l'armée de très bons officiers ? Il est douteux que la nouvelle école en produise de meilleurs.
D'un autre côté, cette école comprendra une école d'équitation et une école de guerre ; pourquoi donc lui donner le titre d'Académie militaire ? Tient-on absolument à décorer du titre d'académicien les officiers qui en sortiront ?
Je ne vois pas la nécessité de changer la dénomination et de rompre ainsi les traditions d'un établissement qui a donné de bons résultats.
Est-il bon d'établir l'école aussi loin de Bruxelles, de l'exiler pour ainsi dire ?
Je ne suis pas très édifié sur l'état de salubrité de l'emplacement qu'on a choisi.
Il y a quelques années, la fièvre régnait tous les ans à Ixelles. Je ne sais si, depuis les travaux considérables que l'on a faits dans cette commune, il en est encore ainsi.
Dans l'état actuel des choses, beaucoup d'officiers fréquentent le spectacle. Je crois que cette distraction vaut mieux pour eux que beaucoup d'autres.
Pourront-ils continuer à se la donner, si l'école est transférée à la Cambre ? J'en doute. Je désirerais cependant qu'ils n'en fussent pas privés.
D'un autre côté, je trouve que le moment est très mal choisi pour faire cette dépense, que je considère comme une dépense de luxe.
On sollicite un crédit de 450,000 francs aujourd'hui ; il y a quelques jours, on en a sollicité un autre de plus de 300,000 francs pour des fortifications à Termonde.
Ces deux projets me paraissent complètement inutiles et je crois qu'on aurait pu les remettre à d'autres temps.
Je ne pense pas que notre situation financière soit si prospère que nous puissions prodiguer des centaines de mille francs sans qu'il y ail nécessité absolue.
Et puis, ces 450,000 francs suffiront-ils ?
J'ai la conviction que non.
D'ici à très peu de temps, on sollicitera de nouveaux crédits sous prétexte que l'établissement qu'on a replâtré ne convient pas ; on construira de nouveaux bâtiments, si bien que les 450,000 francs qu'on sollicite aujourd'hui s'élèveront peut-être à un million. Cette prévision, je pense, n'est pas exagérée ; car dans notre pays, où les devis sont toujours dépassés, je ne sache pas qu'un devis ait été justifié par l'effet.
Et puis, quand on aura dépensé beaucoup de centaines de mille francs, pour restauration de bâtiments, on trouvera que le tout ne vaut rien, qu'il faut recommencer, que la situation ne convient pas ; on désignera un autre emplacement sur lequel on fera des constructions toutes nouvelles.
Pour ma part, je suis convaincu qu'au lieu de replâtrer un établissement placé dans une situation qui était peut-être bonne pour un dépôt de mendicité, on ferait mieux de construire tout de suite des bâtiments neufs dans un emplacement choisi ; ce serait au moins à ne plus recommencer. L'emplacement, à mon avis, devrait être choisi à proximité du terrain de manœuvres, où les élèves de l'école militaire pourraient être exercés. Ce n'est pas à dire que si l'on soumettait un projet de ce genre à la Chambre, je le voterais sans l'examiner attentivement.
Il y a un an, messieurs, on a déclaré que le projet qui fait en ce moment l'objet de nos délibérations était urgent ; il doit donc, à plus forte raison, être plus urgent aujourd'hui ; mais à mes yeux cependant il ne l'est pas davantage, et je crois que nous pourrions parfaitement attendre encore une dizaine d'années sans exposer le pays au moindre danger. L'ennemi n'est pas à nos portes : nous avons le temps de faire avec réflexion nos petites affaires ; il ne me paraît pas que la fabrication des officiers doive être poussée avec une extrême activité.
Le bâtiment que l'on désire occuper n'est pas une propriété de l'Etat, puisqu'un jugement vient de décider le contraire.
Je ferai une première question : Est-il permis au gouvernement d'occuper, pour ainsi dire de vive force, un bâtiment qui ne lui appartient pas ? On a beau arguer de l'expropriation pour utilité publique, je crois que si l'affaire était portée devant les tribunaux, la question d'utilité publique pourrait très bien n'être pas admise, et beaucoup de membres de cette Chambre, je pense, ne sont pas d'avis que cette utilité soit bien évidente.
On disait, l'année dernière, que des travaux avaient déjà été commencés anticipativement au vote de la Chambre. Si j'avais la conviction qu'il en fût ainsi, j'engagerais toute la Chambre à rejeter à l'unanimité le projet pour sauvegarder ses prérogatives.
Je n'admets pas qu'on puisse disposer de sommes quelconques avant le vote des Chambres.
L'affaire de propriété est en appel ; si le jugement était défavorable à l'Etat, la somme de 450,000 francs qu'on réclame devrait nécessairement être majorée, puisqu'il faudrait ou louer rétablissement ou l'acheter.
S'il faut de nouveaux crédits, on les votera, parce qu'on dira : On a commencé, il faut finir. La main est dans le laminoir, tout le corps doit y passer.
La destination que l'on donne à l'école militaire actuelle n'est pas de mon goût non plus. J'aurais mieux aimé y voir réinstaller l'athénée, auquel il a servi pendant fort longtemps et qui y était bien installé. On a changé sa destination, et l'école militaire y a été installée. Si l'établissement redevient vacant, j'aimerais mieux le voir rendu à la destination qu'il avait avant 1838.
Si le local actuel de l'école militaire reçoit la destination projetée, il faut s'attendre à de nouveaux frais, car il ne peut rester tel qu'il est, et ce sera l'affaire de plusieurs centaines de mille francs.
Le transfert de l'école de cavalerie à la Cambre me paraît un projet malheureux. D'abord sa mise à exécution coûterait 310,000 francs.
Je prie la Chambre de remarquer que dans le projet de loi il y a une faute d'impression ; il est porté seulement 25,000 francs pour construction d'une caserne, et c'est 250,000 francs qu'il faut ; or, 250,000 francs et 60,000 francs pour la construction d'un grand manège, cela fait bien 310,000 francs.
Ainsi le transfert de l'école de cavalerie d'Ypres à Bruxelles coûtera 310,000 francs. Pourquoi ne laisserait-on pas cet établissement à Ypres ? Je crois qu'on l'y a établi pour indemniser cette ville de la perte d'une garnison. On ne peut pas soutenir qu'il est mal installé à Ypres, puisqu'il y est depuis longtemps et qu'il n'y a pas eu de réclamations.
L'école d'équitation existait d'abord à Bruxelles ; on a trouvé que les avantages qu'on en tirait n'étaient pas suffisants pour la maintenir et on l'a supprimée. Plus tard, on l'a rétablie, puis on l'a envoyée à Ypres. Je ne puis dire si on ne l'a pas de nouveau supprimée ou si cette nouvelle suppression est restée à l'état de projet. (Interruption.) Cela fait donc deux suppressions.
Ces suppressions me font supposer, - et j'ai la conviction que cette supposition est vraie, - me font supposer, dis-je, que l'école de cavalerie est complètement inutile à l'armée, qu'elle est une superfétation.
On peut et on devrait la supprimer.
Pourquoi n'agit-on pas comme avant l'installation de cette école ? Pourquoi ne donne-t-on pas l'instruction aux officiers dans les régiments ? Cela s'est fait pendant très longtemps, et les officiers ne montaient pas alors plus mal à cheval qu'à présent.
On dira peut-être que l'école d'équitation sera bien placée à Bruxelles avec l'école militaire à la Cambre pour l'avantage des élèves de cette école.
Eh bien, messieurs, les neuf dixièmes au moins des élèves qui sont à l'école sont destinés à ne jamais monter à cheval, à entrer soit dans l'infanterie, soit dans des régiments d'artillerie qui n'ont pas de chevaux.
Je crois donc que cette raison de la transférer près de l'école est tout à fait insuffisante, et au lieu d'un manège à l'école militaire, j'aimerais mieux y voir établir une ou plusieurs salles d'armes.
Il faut que les officiers qui sortent de l'école militaire sachent au moins manier l'arme qu'ils portent au côté.
L'école de cavalerie actuelle coûte au moins 300,000 francs ; d'après l'annuaire, elle compte 12 élèves, et de ces 12 élèves il y en a 4 qui appartiennent à l'infanterie ; il en reste 8 pour la cavalerie. Je sais bien que ces 4 élèves d'infanterie sont destinés à entrer plus tard dans la cavalerie ; mais j'aimerais mieux qu'on les fît servir dans les régiments d'infanterie ; ils auraient du moins une idée du service de cette arme et cela leur serait plus utile que de savoir monter à cheval en perfection.
Il résulte d'un petit calcul très simple, et que l'on peut vérifier facilement, que chaque élève qui est resté deux ans à l'école militaire et deux ans à l'école d'équitation, revient à peu près à 100,000 francs, c'est-à-dire 25,000 francs par an.
Aurait-on l'intention de rendre tous nos officiers d'infanterie excellents cavaliers ? Mais à quoi bon ? D'ailleurs est-il besoin pour cela d'une école d'équitation ? Il y a une circulaire déjà ancienne qui porte que, dans les garnisons où il existe de la cavalerie, des chevaux seront réservés pour les officiers d'infanterie de cette garnison qui désireraient apprendre à monter à cheval.
Cette circulaire ne donnerait pas lieu à des objections de ma part si tous les officiers d'infanterie pouvaient en avoir le bénéfice ; mais, dans les conditions actuelles, elle constitue une véritable injustice, et voici comment : il y a des régiments qui sont toujours dans les mêmes garnisons, dans des garnisons où il se trouve de la cavalerie, Ces régiments sont (page 659) donc favorisés, les officiers qui en font partie peuvent aisément apprendre à monter à cheval ; or, quand ils sont cavaliers, on se dit : Voila un capitaine qui monte bien à cheval, il faut en faire un major. Les officiers moins favorisés pâtissent de cette situation. (Interruption.) Savoir bien monter à cheval a souvent été une cause de nomination a un grade supérieur, comme si un major d'infanterie avait besoin d'être un cavalier fini pour suivre ou précéder son bataillon.
En résumé, messieurs, si le budget de la guerre était en discussion en ce moment, au lieu de proposer le transfert de l'école d'équitation à la Cambre, je demanderais sa suppression complète. Je crois que la Chambre, en supprimant cette école, rendrait un grand service à l'armée et réaliserait une notable économie bien entendue.
Dans cet ordre d'idées, je propose à la Chambre de diviser le projet de loi en deux parties, c'est-à-dire de le voter en deux fois. D'abord le projet de transfert de l'école dont la dépense est évaluée à 140,000 francs. Je suppose que beaucoup de membres de la Chambre voudront émettre, sur cette première partie du projet, un vote favorable. Ensuite, la Chambre pourrait mettre aux voix le transfert de l'école d'équitation.
Je termine en demandant à M. le ministre de la guerre s'il est bien vrai que les officiers entrant à l'école militaire doivent signer un engagement de huit ans au lieu d'un de six ans, comme le prescrit la loi de 1838, qui n'est pas abrogée, quoique, à vrai dire, elle soit estropiée en beaucoup de parties.
Je ne crois pas qu'un arrêté royal puisse changer une loi. Si donc les officiers étaient obligés de signer, comme je le pense, un engagement de huit ans au lieu d'un de six ans, je prierais M. le ministre de la guerre soit de revenir aux termes de la loi de 1838, soit de demander à la Chambre de décréter par une loi un changement au terme de l'engagement.
M. David. - Je prends la parole pour motiver mon vote négatif par quelques considérations générales. Je n'abuserai pas des instants de la Chambre.
Les dépenses du budget de la guerre, messieurs, vont d'année en année en augmentant et on cherche de nouveaux moyens pour les majorer encore. L'opinion publique en Belgique, d'un bout à l'autre du pays, est hostile aux dépenses militaires exagérées.
Les dernières élections se sont faites au cri général de diminution des dépenses militaires. Plusieurs de MM. les ministres du précédent cabinet avaient, dans leur profession de foi, fait à leurs électeurs des promesses catégoriques de réduction relativement aux dépenses militaires.
L'honorable M. Malou, entre autres, si je ne me trompe, a formellement promis à ses électeurs de Saint-Nicolas de rechercher des économies au budget de la guerre. Et aujourd'hui que fait-on ? On imagine de nouvelles dépenses ; on nous propose de transférer l'école militaire de Bruxelles à la Cambre.
Il me semblait que cet établissement, tel qu'il a fonctionné jusqu'à présent, avait complètement suffi aux besoins de l'armée.
Il compte de nombreux locaux qui, placés au centre de Bruxelles, étaient plus faciles à surveiller et à inspecter que lorsqu'ils seront transférés à l'abbaye de la Cambre.
On ne nous demande, pour commencer, qu'un crédit assez modeste de 450,000 francs ; mais j'ai, comme l'honorable M. Hayez, la persuasion que ces 450,000 francs ne suffiront pas à beaucoup près. Des centaines de mille francs,, des millions peut-être nous seront demandés ultérieurement pour améliorer les locaux, pour les agrandir, en un mot, pour perfectionner le nouvel établissement militaire qu'on veut créer à la Cambre.
Nous devons y prendre garde, messieurs, car une fois que la Chambre se sera laissé entraîner dans cet engrenage, il lui sera impossible de refuser les crédits qui lui seront encore demandés par la suite pour achever l'établissement de la Cambre.
Je crains fort qu'il n'en soit de cet établissement comme de l'église de Laeken. Celle-ci ne devait, à l'origine, coûter que 800,000 francs ; aujourd'hui elle a déjà absorbé plusieurs millions et elle n'est pas encore achevée.
Maintenant, messieurs, indépendamment de la dépense à faire pour l'appropriation de l'établissement de la Cambre, nous allons détruire des valeurs existantes, des bâtiments servant actuellement à l'école militaire. Elles sont destinées à disparaître en partie, complètement même probablement et que fera-t-on des terrains déblayés ?
Il est question d'agrandir, au moyen de ces terrains, le jardin du palais royal.
Nous allons donc détruire de véritables valeurs, pour agrandir de quelques-ares des jardins où jamais personne ne se promène, alors que l'on pourrait tirer parti de ces vastes bâtiments.
Nous avons, dans tous les coins de la ville, des hôtels pris en location pour servir d'annexes des ministères.
L'école n'aurait-elle pu être affectée à une semblable destination ? On aurait pu faire ainsi l'économie du loyer important de l'un ou l'autre hôtel.
A ce point de vue donc, on fait une mauvaise spéculation encore en détruisant les bâtiments existants de l'école militaire.
Enfin, la dénomination d'académie, dont on veut baptiser dorénavant l'école militaire, devrait, selon moi, être laissée aux assemblées savantes et aux écoles des arts de la paix.
Je ne pense pas que dans aucun pays, sauf en Saxe, on ait appliqué à l'école militaire la dénomination d'académie. Je demande donc qu'on la fasse disparaître ici et qu'on laisse à l'établissement de la Cambre le nom d'école militaire.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je désire motiver mon vote, qui ne sera pas favorable au projet de loi.
Je tiens à faire quelques observations, afin que l'on ne puisse croire que mon vote est dicté par un intérêt local et non par un intérêt général.
Je pense d'abord, messieurs, que la présentation du projet de loi est inopportune et imprudente.
A quoi doit servir le crédit ?
A faire des travaux d'appropriation, aux frais de l'Etat, à un bâtiment dont l'Etat n'est pas propriétaire.
La propriété de l'établissement de la Cambre est contestée et jusqu'ici il est assez difficile de savoir si l'Etat, qui fera là des dépenses considérables, en profitera et même si les dépenses qu'il aura faites ne seront pas un motif pour la province, si elle est déclarée propriétaire, de demander une somme plus élevée. Ce système de faire des travaux à un immeuble dont la propriété est douteuse est très imprudent, me semble-t-il. En effet, que dirait-on d'un particulier qui, étant en possession d'une maison dont la propriété lui est contestée devant les tribunaux, s'aviserait d'y faire des travaux d'appropriation et d'amélioration très importants avant que la question de propriété elle-même soit tranchée ? Je crois donc, messieurs, qu'à ce point de vue la présentation du projet de loi est inopportune et qu'on pourrait très convenablement ajourner cette discussion jusqu'à ce que la question de propriété soit tranchée.
J'ai une autre observation à présenter à la Chambre ; déjà elle a été en partie produite par l'honorable M. Hayez : c'est que le crédit qu'on nous demande ne peut être évidemment qu'un premier crédit pour les travaux d'appropriation nécessaires et je vais le prouver à toute évidence.
On propose d'annexer à l'académie militaire, puisqu'on veut appeler ainsi cette institution, l'école de cavalerie, qui se trouve aujourd'hui à Ypres.
Je connais parfaitement cet établissement et je puis dire à la Chambre que l'installation seule d'une école de cavalerie à la Cambre absorbera à peu près le crédit tout entier qu'on demande aujourd'hui à la législature.
L'installation de l'école de cavalerie d'Ypres est considérable ; elle se compose de trois manèges, de grandes écuries pour plus de 200 chevaux, de plaines d'exercices, de carrières, de salles d'armes, de locaux pour les officiers, pour les sous-officiers et pour les brigadiers, et une école de musique pour les élèves-trompettes, etc., etc. Ces dépenses ont été supportées par la ville d'Ypres au temps où j'avais l'honneur d'être échevin ou bourgmestre et depuis lors elles ont été continuées, et je puis dire à la Chambre que, sans tenir compte de l'achat des terrains et des bâtiments qui ont été donnés par l'Etat à la ville d'Ypres, les dépenses seules d'appropriation des locaux de l'école se sont élevées à 300,000 ou 400,000 francs.
Or, si l'on doit faire des constructions neuves pour créer cet établissement à la Cambre, il est évident que le crédit tout entier sollicité aujourd'hui y passera, sera même insuffisant et qu'on sera obligé, pour achever l'établissement, de vous demander des crédits supplémentaires plus considérables que celui aujourd'hui sollicité de la législature.
Je ne vois pas, tout intérêt de localité à part, pourquoi il est nécessaire d'adjoindre l'école de cavalerie à l'académie militaire. Pourquoi faut-il faire cette dépense ? Aujourd'hui, tous les frais sont faits ; ils sont faits par une commune qui ne se plaint pas, qui demande, au contraire, le maintien du statu quo, qui ne peut utiliser autrement des bâtiments construits pour cette école, et, d'un autre côté, tandis que la commune est satisfaite, on veut imposer à l'Etat de grandes dépenses.
Et pourquoi ? Il y a entre l'académie militaire proprement dite et l’école de cavalerie une différence très grande. L'académie militaire, l'école de guerre et l'école militaire sont des établissements scientifiques ; l'école de cavalerie est une école, avant tout, pratique. Rien ne motive, d'après moi, l'adjonction de l'école de cavalerie à l'école militaire ; je suis donc disposé (page 660) à voter la seconde proposition de l'honorable M. Hayez et qui a pour objet de scinder le crédit, d'accorder, s'il le faut, un crédit pour l'établissement de l'académie militaire et de ne pas voter la somme demandée pour le déplacement de l'école de cavalerie.
Toutefois, si je vote cette seconde proposition, ce sera dans un but tout différent de celui de l'honorable membre. Ce.ne sera pas pour qu'on supprime l'école de cavalerie d'Ypres, ce sera, au contraire, pour qu'on la maintienne et qu'on la laisse où elle est.
L'honorable M. Hayez, qui a des connaissances spéciales, nous a dit les motifs qui lui faisaient croire à l'inutilité de l'école de cavalerie. Je laisse à l'honorable ministre de la guerre, aussi compétent que le colonel Hayez, le soin de répondre à ces arguments.
Toutefois je crois devoir faire observer que l'honorable M. Hayez se trompe quand il dit qu'il n'y a à l'école de cavalerie d'Ypres que 8 élèves ; il est vrai que le nombre des officiers fréquentant cette école n'est pas considérable, mais il est beaucoup plus grand que celui indiqué par l'honorable membre, et il y a, de plus, beaucoup de sous-officiers et de brigadiers élèves qui aspirent à porter plus tard l'épaulette.
Je pense donc, messieurs, qu'il n'y a pas de motifs pour transférer l'école de cavalerie d'Ypres à Bruxelles et que les deux établissements peuvent très bien subsister, l'un à Bruxelles, l'autre à Ypres.
Maintenant, si, malgré les motifs que je viens d'indiquer, la Chambre votait le projet de loi, il ne me resterait qu'à recommander la ville d'Ypres à la bienveillance de M. le ministre de la guerre et du gouvernement en général : Une ville qui a fait des dépenses énormes pour un établissement de l'Etat ; qui, depuis 25 ans, renonce en partie à faire dés dépenses facultatives ne peut pas être sacrifiée.
Ce serait un acte d'injustice et je suis convaincu que le gouvernement ne le posera pas. Dans tous les cas, il tiendra compte à la ville d'Ypres de ses sacrifices, en lui donnant d'autres établissements, soit militaires, soit civils, et ce ne sera que justice.
M. Bouvier. - Messieurs, les honorables MM. Hayez et David ont critiqué la dénomination d'académie donnée à l'école de guerre qu'on se propose, d'après le projet, d'établir à l'ancienne abbaye de la Cambre.
Pour moi, peu importe le nom, pourvu que les études y soient fortes et complètes.
Une observation, faite par les honorables MM. Hayez et Vandenpeereboom, porte sur la propriété de cet établissement. La question soulevée par les honorables membres est très importante. En présence du litige existant, le gouvernement va se trouver dans une situation singulière. En effet, d'après l'article 555 du code civil, lorsque des ouvrages ont été faits par un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire du fonds a le droit de les retenir ou d'obliger ce tiers à les enlever.
Ce principe est l'application de l'adage romain : quod solo inaedificatur, solo accedit.
Si le propriétaire du fonds demande la suppression des constructions qui ont été faites, le gouvernement devra les enlever à ses frais, et de plus, il pourra être condamné à des dommages-intérêts.
Quelle est la situation actuelle ? Le tribunal de première instance de Bruxelles a donné gain de cause à la province, si mes renseignements sont exacts.
M. Muller. - Ils le sont.
M. Bouvier. - Supposons que ce procès continue et que, tous les degrés de juridiction étant épuisés, la province soit définitivement maintenue en possession.
Le gouvernement, d'après le projet que j'ai sous les yeux, aura dépensé quelque chose comme 200,000 francs en constructions.
Si la province lui enjoint d'enlever ces constructions, le gouvernement se trouvera fort embarrassé.
M. Vleminckx. - On expropriera.
M. Muller. - Ce serait une extrémité très grave cela.
M. Bouvier. - Et j'ajoute : très préjudiciable au trésor public.
Je suppose que le procès engagé dure plusieurs années, et comme il s'agit de l'Etat et de la province plaidant avec l'argent de tous, les plaideurs ne manqueront pas d'épuiser tous les degrés de juridiction.»
Or, l'abbaye de la Cambre se trouve près de l'agglomération de la ville de Bruxelles, cette propriété acquiert de jour en jour une plus-value considérable, comme toutes les propriétés qui se trouvent dans un rayon rapproché de la ville de Bruxelles.
Eh bien, qu'arrivera-t-il ?.Comme M. Vleminckx vient de le dire, on expropriera...
M. Vleminckx. - Si on ne tombe pas d'accord.
M. Bouvier. - Oui, mais dans le premier cas, la législature sera obligée de voter des sommes considérables.
La question de propriété devrait donc d'abord être vidée et je pense qu'il y aurait moyen de la vider. Ce serait d'arriver, comme les personnes qui ont un mauvais procès sur les bras, à une transaction. Je crois que le moyen que j'indique serait le plus sage pour les deux parties en cause, la province pouvant perdre son procès en appel.
M. le ministre de la justice, qui a plaidé dans cette affaire, doit se trouver dans une certaine perplexité. Comme gouvernement, il doit désirer que le gouvernement gagne son procès ; comme ancien avocat de la province et habile avocat, il doit naturellement espérer que la province sorte définitivement triomphante de la lutte.
Je crois donc que le gouvernement et la province feraient chose utile d'en arriver à une transaction sur la question de propriété. Cela est incontestable et ne peut être contesté par le gouvernement.
Je suis au fond partisan du projet de loi. Je tiens beaucoup à ce que nous ayons une armée parfaitement instruite, car il n'y a plus que celles-là qui décident des victoires. Les derniers événements de guerre l'ont bien démontré.
Maintenant, je demanderai à l'honorable ministre de nous donner quelques détails sur la destination de l'école militaire. Sera-t-elle modelée sur celle qui se trouve actuellement, à Berlin ? Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore reçu d'explications sur ce point important.
Je serais heureux que l'honorable ministre voulût nous en donner.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Si le gouvernement s'est décidé à présenter le projet de loi qui est soumis en ce moment à la Chambre, c'est qu'il a reconnu l'indispensable nécessité d'établir l'école militaire dans un local qui permette de lui donner tous les développements qu'elle doit avoir. Le local actuel de l'école militaire n'a jamais été assez vaste pour qu'elle pût être organisée comme le veut la loi de 1838.
C'est ainsi que l'école militaire n'a jamais eu de manège, d'écuries, de laboratoire, de cabinet de physique, etc. ; les salles d'étude sont insuffisantes ; les amphithéâtres manquent ; les élèves sont très mal logés ; plusieurs ont même dû être installés sous les combles ; enfin, dans différentes circonstances, on a dû autoriser des élèves à loger en ville.
Vous comprenez, messieurs, que cette mesure n'est favorable ni à l'instruction ni à la discipline. La même difficulté, provenant de locaux suffisants, a empêché le renouvellement des cours qui avaient été organisés pour les lieutenants des armes spéciales qui se préparent à subir l'examen du grade de capitaine.
On n'a pu non plus créer une section pour les sous-officiers, ce qui cependant est le vœu de la loi de 1838.
Aujourd'hui la situation est celle-ci : nous avons une école militaire à Bruxelles, une école de cavalerie à Ypres, une école de sous-officiers fort mal installée à Bruges.
Nous avons enfin une école de guerre qui, au milieu de l'été dernier, a failli devoir être licenciée faute de savoir où la mettre ; j'aurais été réduit à la fâcheuse extrémité de suspendre les cours de cette école si M. le ministre de la justice ne m'avait permis de prendre provisoirement possession de quelques chambres de l'établissement de la Cambre ; c'est sans doute ce qui a fait croire à l'honorable M. Hayez qu'on avait commencé des travaux d'appropriation avant qu'ils fussent autorisés.
Il y a donc une indispensable nécessité de transférer ailleurs l'école militaire.
D'un autre côté, il y a une très grande utilité, même au point de vue économique, à ce que toutes les écoles soient réunies.
Il est incontestable que l'enseignement y gagnera en unité, en homogénéité et que la surveillance en sera infiniment plus facile.
On a parlé de laisser l'école de cavalerie en dehors de cette combinaison. Mais, messieurs, ce serait précisément empêcher la réalisation de l'avantage qui doit résulter de la réunion de toutes les écoles dans le même établissement. Il est indispensable que les élèves de l'école militaire apprennent à monter à cheval ; il en est de même des élèves de l'école de guerre et de ceux de l'école de sous-officiers. De là, nécessité d'avoir une école d'équitation partout où il y a une école militaire, soit une école militaire proprement dite, soit une école de guerre, soit enfin une école de sous-officiers.
Quand les écoles d'équitation et autres se trouveront réunies dans le même local, on ne devra plus, comme aujourd'hui, louer des manèges dans toutes les villes, et faire venir des chevaux de tous les régiments de cavalerie pour l'instruction des élèves de chaque école.
On a critiqué le nom d'académie que j'ai cru devoir donner à l'ensemble (page 661) de ces institutions. Car, messieurs, remarquez qu'il ne s'agit pas d'une création nouvelle.
Toutes les écoles que nous proposons de réunir à la Cambre existent : l'une s'appelle école militaire, l'autre, école de cavalerie : la troisième s'appelle école de guerre et la quatrième école de sous-officiers. C'est à cet ensemble d'institutions que j'ai cru devoir donner le nom d'académie. Si l'honorable M. Hayez ou l'honorable M. David ont une meilleure dénomination que celle que j'ai choisie, je suis prêt à l'accepter, mais je ferai remarquer que dans beaucoup de pays on dit l'académie militaire et que, d'après le dictionnaire même, le mot « académie » s'applique aussi bien à un établissement de haut enseignement qu'à une réunion de savants.
L'honorable M. Hayez s'est plaint de la distance trop grande, selon lui, où se trouve, relativement à la ville de Bruxelles, l'établissement de la Cambre. Je ne crois pas que la Chambre voie là une objection bien sérieuse.
Il me semble que la Cambre est tellement à portée de Bruxelles que cela n'empêchera pas les plaisirs que l'honorable M. Hayez veut laisser aux officiers et que je crois, moi aussi, désirable de leur laisser.
Quant à la question d'hygiène, de salubrité, le gouvernement eût été coupable de ne pas s'en préoccuper.
Aussi, dès le début de l'instruction de cette affaire, la commission chargée par le gouvernement d'examiner le transfert de l'école militaire à la Cambre s'en est occupée et voici ce que je lis dans le procès-verbal de la deuxième séance de cette commission :
« La situation topographique de la Cambre, en contre-bas des terrains voisins, ayant fait naître des doutes au sujet de la salubrité de l'établissement, la commission entend le docteur Fourdrain (qui, depuis environ trente-sept ans, dirige le service sanitaire du dépôt de mendicité), lequel déclare que, si l'on envisage la question au point de vue théorique, on doit certainement considérer la position qu'occupe la Cambre au fond d'une espèce d'entonnoir comme hygiéniquement mauvaise ; mais que cette opinion, est complètement démentie par la pratique, qui prouve au contraire la parfaite salubrité du lieu. »
Et, en effet, il est à remarquer, messieurs, que le choléra n'a jamais sévi à la Cambre.
Je crois donc qu'au point de vue de la salubrité il n'y a pas d'objection à faire à la proposition du gouvernement.
Plusieurs membres ont manifesté la crainte que la dépense que l'on projetait de faire pour l'appropriation des locaux de la Cambre ne dût être augmentée ultérieurement.
Messieurs, les devis ont été faits avec beaucoup de soin par des hommes compétents, et le gouvernement a tout lieu de croire qu'ils suffiront pour les appropriations jugées nécessaires.
Je ne pense pas que l'on puisse prendre, pour point de comparaison les travaux qui ont été faits par la ville d'Ypres pour l'école d'équitation.
Il est certain que lorsque toutes les écoles se trouveront réunies, beaucoup de parties de l'établissement pourront être communes aux élèves de toutes les catégories, tandis que la ville d'Ypres a dû faire toutes les installations pour la seule école de cavalerie.
L'honorable M. Hayez s'est plaint qu'il n'y eût pas de maître d'escrime à l'école militaire. C'est une erreur.
Il y a des maîtres d'escrime dans tous les établissements militaires. Ce sont des sous-officiers, et c'est pour cela qu'ils ne figurent pas dans l'Annuaire, qui ne renseigne que les officiers et les professeurs et maîtres civils.
L'honorable M. Hayez s'est plaint de ce que le ministre de la guerre ait imposé aux élèves de l'école militaire un engagement de huit ans au lieu de l'engagement de six ans qui est prescrit par la loi de 1838.
Je ferai remarquer à l'honorable membre que la nouvelle loi sur le recrutement de l'armée a abrogé toutes les dispositions antérieures sur cette matière et que la loi de 1838 qui, elle aussi, est une loi de recrutement, a dû être considérée comme abrogée en ce qui concerne l'objet en question.
J'ajouterai qu'il était indispensable de modifier le terme de l'engagement fixé par la loi de 1838 et de le porter de six ans à huit ans, pour que les élèves puissent profiter des avantages que la nouvelle loi sur le recrutement accordé aux volontaires qui ont contracté un engagement de huit ans. Si la durée de l'engagement était restée de six ans, les frères des élèves de l'école n'auraient pu profiter de l'exemption que la loi nouvelle n'accorde aux frères des engagés volontaires, que pour un terme de huit ans.
La manière dont j'ai procédé, en faisant intervenir un arrêté royal, est donc parfaitement légale, puisque, je le répète, la nouvelle loi sur la milice a abrogé toutes les dispositions antérieures sur le recrutement.
J'espère, messieurs, que les explications que je viens d'avoir l'honneur de donner à la Chambre la satisferont complètement, et qu'elle reconnaîtra, comme le gouvernement, l'indispensable nécessité de donner à l'école militaire des locaux convenables.
On a dit, messieurs, que l'école militaire était bien établie. Je reconnais que dans plusieurs circonstances la ville a fait des sacrifices pour diminuer, dans les limites du possible, les insuffisances de locaux. L'honorable député de Verviers croit que l'établissement actuel est parfaitement convenable ; s'il voulait aller le visiter, il se convaincrait qu'il est dans un état de délabrement tel, que réellement une telle installation n'est pas convenable lorsqu'il s'agit de loger des jeunes gens comme les élèves qui suivent les cours de l'école militaire.
J'espère donc que la Chambre voudra bien faire un accueil favorable au projet de loi qui est soumis à ses délibérations.
M. Malou, ministre des finances. - Il me reste un mot à répondre sur un point que mon honorable collègue de la guerre n'a pas touché. On nous objecte le procès relatif à la propriété de l'ancienne abbaye de la Cambre. Le gouvernement était en possession lorsque le projet qui nous occupe en ce moment a été présenté, depuis lors un jugement du tribunal de première instance a reconnu à la province la propriété de ce domaine
Messieurs, il n'a jamais pu entrer dans la pensée de personne que le gouvernement dépenserait même un centime sur le crédit demandé avant qu'on fût d'accord sur les conséquences soit du procès, soit de cette dépense même. Il y a deux éventualités : l'une, qu'on constate l'état actuel des lieux, qu'il y ait par conséquent une base acceptée d'avance de part et d'autre et à laquelle on pourra se rapporter lorsque le procès sera définitivement jugé.
L'autre, et c'est à mes yeux la plus probable, est une transaction à intervenir entre la province et l'Etat, non seulement sur cette question litigieuse, mais sur deux autres qui peuvent ou doivent prochainement se présenter.
Je n'ai pas à discuter en ce moment les motifs du jugement rendu. Le gouvernement ira en appel, si l'on ne transige pas. Mais je crois qu'il est préférable de transiger et j'espère qu'on transigera.
En aucun cas, soit que le procès doive suivre son cours, soit qu'on transige, rien ne sera dépensé à moins qu'on ne soit d'accord, l'Etat et la province, pour constater quel est l'état actuel des lieux, de telle façon que si l'Etat, le procès se poursuivant, le perd définitivement, il y ait à régler l'indemnité d'après l'état actuel des choses.
M. Muller. - Ce n'est donc pas urgent.
M. Malou, ministre des finances. - On me dit : Il n'y a donc pas urgence. La Chambre pourrait s'étonner de ce que, presque subitement, nous ayons demandé la mise à l'ordre du jour de ce projet. En voici le motif déterminant. La Cambre est aujourd'hui en déshérence ; elle n'est à personne, et personne n'a le droit ni les moyens de faire garder seulement la propriété pour compte de qui il appartiendra. Ainsi récemment, et c'est ce qui nous a donné l'éveil, il a été commis un acte de vandalisme qui est dénoncé au procureur du roi. On a vendu, à l'état de fagots, des arbres fruitiers précieux, et la dévastation a été connue lorsqu'il était trop tard.
M. Muller. - C'est incroyable !
M. Malou, ministre des finances. - C'est incroyable, soit ; c'est cependant réel et je vous prie de le croire.
Lorsqu'on a présenté le projet de loi, le département de la justice était en possession. Aujourd'hui il n'y a plus personne. Personne n'a à son budget de quoi payer les dépenses de gardiennat de la Cambre.
Je ne sais pas ce qu'on peut gagner à attendre. Un ensemble de faits démontre l'impossibilité de maintenir l'école militaire où elle est aujourd'hui.
J'ai été la visiter et je dois dire que s'il y a là des bâtiments assez étendus, il n'y a réellement rien à détruire ; ce sont de vieux bâtiments qui n'ont plus guère de valeur.
Il faut déplacer l'école militaire non seulement parce que l'espace manque, mais parce que l'établissement est insalubre. Ainsi l'on a dû souvent licencier l'école chaque fois qu'il y avait la moindre épidémie ; je crois même que des licenciements ont été motivés par des maladies qui sévissaient dans l'établissement même.
Si l'on ne s'expose pas à faire des dépenses frustratoires au préjudice des intérêts de l'Etat, je ne sais plus quel autre motif d'ajournement pourrait être invoqué, après les explications que nous avons données.
M. Le Hardy de Beaulieu. - La Chambre jugera si les arguments présentés par le gouvernement auront été de nature à détruire, dans (page 662) notre esprit, les objections très sérieuses et très concluantes qui ont été faites par les différents orateurs qui ont précédé les ministres.
Pour ma part, je n'ai pas trouvé que les réponses du gouvernement fussent satisfaisantes ; elles n'ont en rien ébranlé la détermination que j'ai prise de voter contre le projet de loi.
L'esprit du projet de loi indique tout d'abord qu'il s'agit d'étendre, de consolider, de renforcer encore notre organisation militaire. C'est un premier pas vers l'accroissement du budget de la guerre et des lourdes charges que ce budget fait peser sur la nation.
En effet, messieurs, que nous a dit M. le ministre de la guerre dans les quelques observations qu'il nous a présentées ? C'est que les locaux actuels de l'école militaire étaient de beaucoup insuffisants.
Cependant ils ont suffi, quoi qu'on en dise, à alimenter notre corps d'officiers de tous les sujets dont il avait besoin.
On veut donc agrandir notre corps d'officiers, par suite de l'agrandissement prévu de notre système militaire.
Messieurs, si je n'étais pas un adversaire aussi décidé de l'organisation de l'armée, telle qu'elle existe en Belgique, cette raison seule suffirait pour déterminer mon vote négatif, car je voudrais savoir à quoi je m'engage.
Mais j'ai d'autres raisons que je vais exposer très sommairement, avec l'espérance qu'elles pourront engager au moins quelques-uns d'entre vous à émettre un vote contraire au projet de loi.
Nous ne savons pas encore quelle sera l'organisation militaire qui prévaudra définitivement en Europe. C'est une question qui est actuellement à l'étude, qui n'est pas résolue et qui est loin de l'être.
Ce qui vient d'être fait en Angleterre n'est pas du tout dans le sens du développement d'une force militaire permanente ; il tend bien plutôt à amener l'extension des forces locales, des forces de milice. On réduit plutôt qu'on n'augmente les forces militaires permanentes.
Si l'Angleterre n'avait pas son armée des Indes à alimenter, si la conservation de son empire des Indes ne nécessitait pas une armée permanente constante, je crois que les études auxquelles les hommes de guerre de l'Angleterre se sont livrés les auraient conduits à adopter un système analogue à celui de la Suisse.
Devons-nous suivre l'impulsion donnée il y a quelques années lorsque nous avons organisé notre armée, avant les événements qui, d'après moi, ont démontré l'inefficacité complète, pour les petites nations, d'armées permanentes coûteuses ? Devons-nous suivre cette voie ou devons-nous nous préparer à en changer ? Je crois que ce que nous avons de mieux à faire, c'est de nous préparer à un changement de front complet.
On aura beau persister dans la voie où nous nous trouvons, on aura beau essayer de consolider l'établissement militaire tel qu'il est sorti de la dernière organisation, la force des choses nous amènera à la modifier complètement.
A ce point de vue, je ne voterai pas non plus l'agrandissement de l'école militaire, mais j'ai encore une autre raison.
Je ne pense pas qu'il soit jamais sorti un homme de guerre des écoles de guerre. On ne devient pas, on naît homme de guerre...
M. Bouvier. - Est-ce qu'on naît ingénieur ?
M. Le Hardy de Beaulieu. - Il y a une différence considérable entre l'ingénieur et l'homme de guerre.
L'homme de guerre doit avoir des qualités personnelles qui ne se gagnent pas ; il y a la fermeté, le sang-froid, le sentiment de sa valeur ; dans ce sens, si j'étais partisan d'une armée permanente, ce serait tout le contraire que je ferais ; je ne voudrais recruter le corps des officiers que dans l'armée, parmi les hommes qui ont la vocation et qui le prouveraient par le sacrifice de plusieurs années passées dans les grades les plus bas ; c'est dans le corps des sous-officiers que je voudrais recruter les officiers ; ceux qui montreraient des aptitudes, je les instruirais. Alors l'instruction servirait à quelque chose...
M. Bouvier. - Elle est donc utile.
M. Le Hardy de Beaulieu. - ... tandis que le système actuel consiste à dépenser beaucoup d'argent pour instruire, je le crains, des hommes qui n'ont aucune espèce de vocation militaire. On fait entrer les jeunes gens à l'école militaire parce qu'on n'a pas d'autre carrière à leur offrir.
Voilà, pour moi, la voie où j'entrerais si j'étais partisan d'une armée, et je crois que j'arriverais à de meilleurs résultats que ceux que l'on obtiendra, même avec l'extension considérable que doit recevoir votre école de guerre.
Si je devais indiquer la voie où l'on devrait, selon moi, s'engager, force me serait de prolonger ce discours, mais je n'ai pas l'intention d'en dire davantage. La Chambre a hâte d'arriver au vote. Il me suffit donc d'avoir exposé quelques-unes des raisons qui motiveront mon vote.
M. Nothomb, rapporteur. - Comme rapporteur de la section centrale, je désire présenter quelques courtes observations. Je ne répondrai pas à mon honorable ami, M. Hayez, puisque déjà M. le ministre de la guerre a réfuté la majeure partie des objections que cet honorable membre a présentées.
Je reconnais que M. Hayez a vivement combattu en section centrale le projet de loi pour les raisons qu'il vient de reproduire. Le rapport de la section centrale y a également répondu ; je n'insisterai donc pas et je m'attache à quelques autres critiques que nous venons d'entendre.
L'honorable M. Le Hardy de Beaulieu voit dans le projet de loi actuel un pas très marqué, bien que déguisé, vers une augmentation considérable de notre état militaire ; c'est le développement exagéré, selon lui, de nos dépenses militaires. Je ne puis admettre que cette observation soit fondée. Quel que soit le système militaire que l'on adopte, il faut évidemment une organisation militaire scientifique. Cette organisation scientifique impose des dépenses, cela est vrai, mais elle existe déjà dans la situation actuelle et, sous ce rapport, le projet de loi actuel ne la modifie pas sérieusement.
Peut-être les dépenses seront-elles plus grandes. C'est possible, c'est naturel même, précisément parce que le développement de l'enseignement scientifique sera, je l'espère, beaucoup plus considérable. Ce ne sera donc pas l'exagération de notre état militaire, ce sera la réunion, l'unité de tous ces services aujourd'hui disséminés et qui, par là même, manquent en grande partie leur but, tout en étant fort coûteux.,
L'honorable M. Le Hardy dit encore : Ce n'est pas le moment de réorganiser l'enseignement militaire ; ce n'est pas quand on est à la recherche d'un autre système de constituer l'armée qu'il faut préjuger la question des études spéciales.
Je réponds à cela que, quel que soit le système militaire qui prévaudra, il faudra toujours, et aujourd'hui plus que jamais, une forte organisation scientifique et ceux-là précisément qui, ainsi que l'honorable membre, préconisent le système des milices, soit à l'instar de la Suisse, soit à l'instar des Etats-Unis d'Amérique, devraient être les premiers à demander que les études militaires soient renforcées, que les institutions où elles se donnent soient établies sur les plus larges bases et que rien ne soit épargné dans ce but.
Il est évident, en effet, que plus le cadre d'officiers sera solide, intelligent et savant, plus il sera possible de réduire la force numérique de l'armée permanente. C'est donc, pour les membres qui partagent l'opinion de l'honorable M. Le Hardy, un motif de demander avec moi qu'on établisse une école ou une académie militaire, comme on voudra la nommer, où renseignement soit aussi complet, aussi perfectionné, aussi scientifique que possible. Ce sera une source d'économie dans l'avenir et incontestablement, c'est le seul moyen de constituer une bonne, une vigoureuse, une véritable armée.
L'honorable M. Le Hardy, faisant appel à l'histoire, ajoute que jamais homme de guerre d'une grande valeur n'est sorti d'une école militaire. Mais, messieurs, c'est une très grande erreur. Ainsi, sans remonter au delà des temps contemporains, est-ce que Carnot, qui a organisé les armées de la première république française, ne sortait pas d'une école spéciale d'ingénieurs militaires ? (Interruption.) Est-ce que. Napoléon n'est pas sorti de l'école de Brienne ?
Est-ce qu'enfin l'illustre général qui a conduit naguère les armées allemandes en Bohême et jusque sur les rives de la Loire n'est pas sorti d'une école militaire ? Je pourrais en citer bien d'autres.
Je crois donc, tout au contraire, que l'histoire nous démontre que la plupart des grands généraux sont sortis des établissements militaires.
Ce qui a déterminé la section centrale, malgré les observations de l'honorable M. Hayez, dont quelques-unes ne manquaient pas de valeur, c'est qu'elle a pensé qu'il fallait, avant tout, ouvrir à la science un grand institut où l'on pût réunir tous les efforts vers le progrès et l'unité.
C'est à l'aide de la concentration que nous aurons la science dans l'armée, et c'est par la science que nous aurons les éléments essentiels d'une bonne armée.
M. Vandenpeereboom. - Je demande pardon à la Chambre de reprendre la parole, mais je crois devoir faire observer à mon honorable ami, M. le ministre des finances, et à la Chambre que les raisons données par l'honorable ministre militent très peu en faveur de l'urgence du projet de loi.
Il nous a dit d'abord : Votez le crédit, mais nous ne dépenserons rien avant que la question de propriété soit décidée.
M. Malou, ministre des finances.- J'ai ajouté : Ou que l'on se soit mis d'accord sur un état des lieux.
(page 663) M. Vandenpeereboom. - Soit, je n'insiste pas, et j’ai d’autres raisons à faire valoir.
L’honorable ministre des finances nous a dit qu'on avait commis à la Cambre des dévastations considérables. On y a volé des arbres fruitiers magnifiques et on les a convertis en fagots et vendus !
C'est fort bien, ou plutôt c'est fort mal, mais je demande en quoi ces abus cesseront quand nous aurons voté le crédit ? Cela permettra-t-il au gouvernement d'y exercer le droit de propriété ? Ne devra-t-il pas attendre que les tribunaux se soient prononcés ? (Interruption.)
L'Etat était en possession, qu'il y reste.
Rien ne sera changé par le vote du crédit. Les actes de vandalisme qui se commettent à l'ancienne abbaye de la Cambre pourront continuer, et le gouvernement pourra chercher à les empêcher comme il peut le faire aujourd'hui.
Je déclare donc à mon honorable ami, M. Malou, que son argument a fait très peu d'impression sur moi ; je ne sais pas s'il en a fait davantage sur la Chambre.
Je ne vois pas non plus que le vote du crédit doive faciliter les négociations et aider les transactions.
Il me semble en tout cas qu'il est fort difficile que cette question de propriété soit tranchée par les tribunaux, qui ne marchent pas toujours extrêmement vite, ou même par transaction, avant la prochaine réunion des Chambres.
Pour ces motifs il n'y a aucune urgence à voter le crédit. Nous pourrons plus tard examiner ce qu'il y a lieu de faire lorsque nous serons propriétaires de l'établissement de la Cambre. Mais, en attendant, nous nous occupons de la chose d'autrui, d'une chose qui est en contestation.
Maintenant, messieurs, il est un autre point que j'ai traité, et sur lequel M. le ministre de la guerre ne m'a rien répondu.
Je lui ai rappelé ce qu'avait fait une ville relativement peu riche dans l'intérêt de l'armée, quels sacrifices elle s'était imposés et je lui ai demandé s'il ne semblait pas juste et équitable au cabinet et à tout le monde de donner à cette ville certaines compensations ? Je demanderais au gouvernement quelles compensations il a l'intention de donner à la ville d'Ypres ou tout au moins s'il examinera avec une grande bienveillance la demande que je lui fais de vouloir bien donner à la ville d'Ypres des compensations justes, équitables et sérieuses.
La ville d'Ypres se trouve en quelque sorte expropriée pour cause d'utilité militaire d'un établissement qu'elle a créé ; elle sera propriétaire de trois manèges dans une ville où il n'y a presque pas de chevaux ; elle aura des écuries pour 200 chevaux et elle ne saura que faire de ces bâtiments.
Il y a dans cet établissement des locaux assez considérables pour y établir des institutions d'utilité publique, n'importe lesquels, une école normale, par exemple. (Interruption.)
Mais, en résumé, je crois qu'il est juste et équitable lorsqu'on exproprie d'une chose quelqu'un, une personne civile, une localité comme un particulier, qu'on lui accorde une indemnité...
M. Bouvier. - Préalable.
M. Vandenpeereboom. - ... même pas préalable, pourvu qu'on lui accorde une indemnité sérieuse.
Messieurs, j'aurais encore beaucoup d'observations à faire sur la destination ultérieure que l'on veut donner à l'école militaire actuelle. Mais je pense que cette question se présentera mieux lorsque nous aurons à examiner la loi spéciale qui donnera une nouvelle destination à cette propriété nationale. On ne peut ni aliéner, ni échanger les propriétés appartenant à l'Etat et on ne peut ni les transformer, ni changer leur nature, pas plus lors ces propriétés appartiennent à l'Etal que lorsqu'elles appartiennent aux communes, sans une loi spéciale ou l'autorisation des autorités compétentes. C'est du moins ainsi que j'ai compris la loi.
Je réserve donc mes observations sur ce point pour le jour où un projet nous sera présenté.
M. le lieutenant-général Guillaume, ministre de la guerre. - Je reconnais que la ville d'Ypres a fait les plus grands sacrifices pour que l'école de cavalerie y fût convenablement installée et je m'engage à examiner de quelle façon il sera possible de reconnaître les services qui ont été rendus au pays par la création de cet établissement. J'examinerai la question avec la plus grande bienveillance, et avec le désir d'arriver à une solution qui soit de nature a satisfaire la ville d'Ypres.
M. Hayez. - M. le ministre de la guerre nous a dit que, d'après la loi nouvelle, l'engagement de huit ans était légitime. C'est une modification apportée à la loi de 1838. J'aime à croire qu'elle est autorisée autrement que par un arrêté.
Dans tous les cas, je lui ferai observer que la loi de 1838, relative à l'école militaire, est tellement changée dans toutes ses parties, qu'il serait urgent de la refondre complètement. Je ne citerai qu'un seul article. La loi assigne une indemnité à certains professeurs et répétiteurs de l'école. Cette indemnité, dit-elle expressément, ne peut être moindre de 600 francs. Je suis contraire à toute espèce d'indemnités, mais enfin, puisque la loi existe, il faut l'exécuter.
Or, maintenant les répétiteurs, les professeurs, au lieu de recevoir l'indemnité prescrite par la loi, en reçoivent une beaucoup moindre. En voici la raison :
Il y a une somme fixe pour toutes ces indemnités, parce que le nombre des ayants droit est déterminé ; mais comme ce nombre a considérablement augmenté, sans que la loi eût été modifiée, l'allocation globale est restée la même et se trouve répartie entre plus de professeurs, qui, au lieu de recevoir 600 francs, ne reçoivent que 200 ou 300 francs.
Je le répète, messieurs, je suis contraire aux indemnités, mais si la loi les prescrit, il faut exécuter la loi jusqu'à ce qu'elle soit changée.
Quant au maître d'armes, je m'en suis rapporté à l'Annuaire, et puisque ce document renseigne des maîtres de dessin, d'équitation, je ne vois pas pourquoi il ne dit pas aussi : un maître d'escrime.
En ce qui concerne l'exiguïté du logement, je me rappelle fort bien qu'en 1841 et en 1842, il y avait une grande partie des sous-lieutenants de l'école logés rue de Ruysbroek.
L'honorable M. Vandenpeereboom a parlé du grand nombre d'élèves de l'école de cavalerie ; mais il a perdu de vue que les sous-officiers qui reçoivent l'instruction à l'école de cavalerie pourraient très bien la recevoir dans les régiments dont ils font partie.
Je maintiens la division que j'ai proposée pour le vote de la loi.
M. Boulenger. - Messieurs, j'avoue qu'il m'est impossible de donner mon vote au projet de loi qui nous est soumis ; je m'étonne même de la vigueur que le gouvernement met à le défendre.
Je comprends parfaitement la demande d'ajournement présentée par l'honorable M. Vandenpeereboom, et j'appuie cette proposition, parce que, à tous égards, ce projet de loi ne peut être sérieusement discuté quant à présent. Il est prématuré.
Nous sommes encore sous le coup de la discussion qui s'est produite à l'occasion du budget de la guerre ; le gouvernement n'a pas su nous dire quel serait le système définitif qu'on adopterait pour l'organisation de notre armée. M. le ministre de la guerre a eu soin de se retrancher derrière une foule d'exceptions pour ne pas nous dire quelle serait l'organisation définitive, quelles étaient ses idées.
Il est évident que l'école militaire et toutes les dépendances qu'on se propose d'y adjoindre dans les locaux de la Cambre doivent être en rapport avec l'organisation de l'armée qui sera définitivement adoptée.
L'honorable M. Nothomb le reconnaît lui-même en réalité, bien qu'implicitement. Ne vous a-t-il pas dit que, si l'honorable M. Le Hardy et quelques-uns de ses amis venaient à faire prévaloir leurs idées en matière militaire, système suisse ou américain, il faudrait un plus grand nombre d'officiers et que, dès lors, l'organisation de l'école militaire devrait être faite en conséquence, devrait être plus importante.
Ainsi, l'honorable M. Nothomb reconnaît lui-même que l'organisation de l'école militaire est subordonnée essentiellement à l'organisation de l'armée. Comment organiser actuellement l'école militaire et toutes ses dépendances, si vous ne savez pas quel sera le système adopté pour l'armée ?
Ces raisons ont été développées par l'honorable M. Frère-Orban dans la discussion que j'ai rappelée.
Mais il y a d'autres raisons plus saisissantes qui militent pour le rejet et pour l'ajournement du projet de loi. En examinant le côté financier, le gouvernement demande 450,000 francs pour transférer des établissements militaires à l'abbaye de la Cambre. Mais ce chiffre ne suffira pas, même de son aveu. Vous, M. le ministre, vous avez reconnu que vous n'étiez pas propriétaire de l'établissement où vous voulez faire vos installations. Pour vous y maintenir, après avoir dépensé 450,000 francs, il faudra faire un nouveau sacrifice que vous n'indiquez pas.
L'exposé des motifs, selon moi, manque de franchise : on y dit que des experts détermineront plus tard quelle somme devra être payée à la province, si la province est définitivement propriétaire, et qu'ainsi on peut très bien se mettre en possession de l'immeuble.
Tout cela ne répond pas a notre préoccupation la plus vive : celle de savoir où s'arrêteront nos sacrifices d'argent. Est-ce que vous ne nous demanderez que 450,000 francs ? Mais de vos propres discours il résulte que vous nous demanderez davantage.
(page 664) Quand M. Malou nous dit ; J'espère entrer en négociation avec la province et arriver à une transaction, il ne répond pas à mon objection ; il accuse, au contraire, les préoccupations que j'indique, car lorsqu'il transigera pour vous obtenir la propriété incommutable de l'immeuble, il prestera en échange des services et des obligations qui ne sont pas chiffrés.
Il y a donc là une cause de dépense que vous n'avez pas définie.
Il serait donc extrêmement sage, d'après moi, de différer le vote du crédit en discussion.
Mais M. Malou nous a dit, croyant ainsi justifier l'urgence qu'il réclamait pour le projet : L'abbaye de la Cambre est en déshérence, elle n'appartient à personne, on y a commis des actes de dilapidation. M. Malon a oublié ce que M. Jacobs avait écrit dans son exposé des motifs :
« Mais quel que soit le véritable propriétaire du dépôt de mendicité de la Cambre, il est incontestable que le gouvernement est en possession de l'immeuble et qu'il peut en disposer pour tel service public, qu'il juge convenable d'y installer. »
Eh bien, si le gouvernement était en possession, pourquoi n'a-t-il pas fait respecter sa possession, sa propriété ? Je ne comprends pas qu'il ose se prévaloir d'une faute qu'il a commise, pour obtenir l'urgence. Une pareille manière de procéder est insolite. Quoi ! vous avez laissé commettre des dilapidations à un immeuble dont vous aviez la garde, alors que vous aviez tous les moyens que la loi donne pour le faire respecter, et vous viendrez vous prévaloir aujourd'hui de cette circonstance pour obtenir l'urgence ! Cela n'est pas admissible.
L'honorable M. Vandenpeereboom paraissait préoccupé tout à l'heure du point de savoir comment se ferait la mutation de l'école militaire en propriété de l'Etat.
L'article 2 du projet de loi est ainsi conçu :
« Est approuvée la convention conclue entre le gouvernement et la ville de Bruxelles, en date du 17 juin 1871, par laquelle celle-ci cède à l'Etat les terrains occupés par l'école militaire en échange de terrains provenant de l'ancienne station du Midi. »
M. Vandenpeereboom. - J'ai demandé ce que l'on ferait des bâtiments de l'école. Il faut une loi pour pouvoir en disposer.
M. Boulenger. - Il est probable que M. le ministre nous dira, à propos de cet article ce que l'on a l'intention de faire de ces terrains.
M. Demeur. - Le but du projet de loi est d'agrandir les jardins du Roi.
M. Boulenger. - Raison de plus pour chiffrer le sacrifice d'une manière, plus nette qu'on ne l'a. fait jusqu'à présent. Il y a là une nouvelle raison d'ajourner le projet de loi qui nous est soumis. Il serait sage que la Chambre ne s'engageât pas dans des dépenses dont elle ne peut pas calculer la portée ; elle doit les connaître avant d'être à même de voter.
M. Malou, ministre des finances. - Je dois avoir été peu clair dans mes explications, puisque l'honorable membre a cru que j'avais reconnu que l'Etat n'était pas propriétaire.
Je n'ai rien dit de semblable. J'ai dit que l'Etat avait perdu en première instance un procès relatif à la propriété, mais je n'ai pas dit et je n'ai pas pu dire qu'en appel il ne le gagnerait pas.
La propriété litigieuse, voilà le fait. Quant à la possession, je crois que les expressions de l'exposé des motifs et celle que j'ai employée tout à l'heure sont un peu trop absolues. Il y avait à la Cambre un dépôt de mendicité qui était géré, administré par une commission, comme tous les dépôts de mendicité, et en ce sens, on a pu écrire que l'Etat était en possession.
Aujourd'hui, le dépôt de mendicité a cessé d'exister ; en fait, il n'y a plus à la Cambre de possesseur réel ; M. le ministre de la guerre n'a pas le droit d'en prendre possession, non plus que M. le ministre de la justice d'y venir ou d'y rester. C'est donc en partie pour faire cesser cette situation que nous avons cru devoir demander à la Chambre de mettre à l'ordre du jour un projet dont le rapport avait déjà été fait à la dernière session.
Messieurs, on nous demande si le crédit aujourd'hui réclamé suffira. Oui, messieurs, il suffira pour installer les diverses écoles militaires qui ont été indiquées tout à l'heure.
Mon honorable ami, M. Vandenpeereboom, a soulevé la question de savoir si la loi actuelle réglait l'affectation de la propriété que l'Etat recevrait de la ville de Bruxelles en échange des terrains de la gare du Midi.
Je reconnais avec l'honorable membre que, pour établir la destination définitive de cette propriété, il faudra une loi nouvelle.
M. Vandenpeereboom. - C'est aussi mon avis.
M. Malou, ministre des finances. - Le principe que l'honorable membre a invoqué est parfaitement vrai ; toute disposition qui affecte le domaine public doit faire l'objet d'une loi.
La présente loi se résume en ces termes ; la ville de Bruxelles échange la propriété de l’école militaire actuelle contre certaines parties de terrains de la gare du Midi qui sont la propriété incontestée de l'Etat ; et l'Etat demande le crédit nécessaire pour pouvoir installer à l'abbaye de la Cambre les divers services militaires qui ont été définis tout à l'heure. Quant à cette installation même, elle ne sera faite que lorsque nous serons d'accord avec la province, et cet accord s'établira immédiatement pour faire un état des lieux afin de pouvoir procéder à ces installations.
M. Nothomb, rapporteur. - Un mot de rectification : l'honorable M. Boulenger s'est complètement mépris sur ma pensée ou, c'est plus probable, je l'aurais fort mal exprimée.
Il me fait dire que, d'accord avec l'honorable M. Le Hardy, j'aurais émis l'opinion qu'il fallait surseoir à l'établissement d'une nouvelle école militaire parce qu'on est à la recherche d'une organisation militaire définitive.
Or, bien loin de m'exprimer de la sorte, j'ai énoncé précisément le contraire. Voici ce que j'ai dit : Quel que soit le système que l'on adopte, il faut, avant tout, une bonne constitution de l'enseignement militaire ; et j'ai ajouté que ceux-là spécialement qui cherchent à faire prédominer l'idée des armées de milice dans le sens suisse ou américain, tous ceux, en un mot, qui veulent réduire les armées permanentes doivent surtout s'attacher à former un corps d'officiers nombreux, savants et versés dans toutes les branches de l'art militaire.
Ce n'est qu'à la faveur de ce corps d'officiers ainsi composé que vous pourrez diminuer les armées permanentes proprement dites.
Cela est si vrai que dans tous les pays où, sous une forme ou l'autre, existe le système des milices, les établissements d'études militaires sont extrêmement perfectionnés. Il suffit de citer la Suisse et surtout les Etats-Unis d'Amérique. Tout le monde connaît cette célèbre école de West-Point d'où sont sortis les Lee, les Beauregard, les Sheridan, les Grant, et tous ces généraux qui se sont illustrés dans la guerre de la sécession.
- La discussion est close.
M. le président. - M. Boulenger a fait parvenir au bureau une proposition ainsi conçue :
« Je propose l'ajournement du projet en discussion jusqu'à la prochaine session. »
La proposition d'ajournement a la priorité. Elle doit être mise aux voix immédiatement.
- Il est procédé à l'appel nominal sur cette proposition.
71 membres y prennent part.
39 répondent non.
32 répondent oui.
En conséquence, la proposition n'est pas adoptée.
Ont répondu non :
MM. Schollaert, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Overloop, Verbrugghen, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Bara, Bergé, Boucquéau, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Smet, de Theux, Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Guillery, Jacobs, Jamar, Jottrand, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert et Tack.
Ont répondu oui :
MM. Snoy, Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Ansiau, Biebuyck, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Coremans, d'Andrimont, Dansaert, David, de Macar, Demeur, de Naeyer, de Rossius, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Elias, Gerrits, Hagemans, Hayez, Houtart, Le Hardy de Beaulieu, Muller et Rogier.
« Art. 1er. L'école militaire, l'école de guerre, l'école de sous-officiers et l'école de cavalerie, réunies sous le nom d'Académie militaire, seront établies dans des bâtiments fournis par l'Etat et entretenus par lui.
« L'article 26 de la loi du 18 mars 1838 est abrogé. »
M. le président. - La division de cet article est demandée ; M. Hayez propose de voter sur la première partie de cet article, qui est ainsi conçue :
« L'école militaire, l'école de guerre et l'école de sous-officiers, réunies sous le nom d'Académie, etc. », en laissant en dehors du texte l'école de cavalerie.
Je mets cette première partie aux voix.
- Elle est adoptée.
M. le président. - Je mets aux voix la seconde partie de l'article relative à l'école de cavalerie.
(page 665) - Cette seconde partie est adoptée.
L'ensemble de l'article premier est adopté.
« Art. 2. Est approuvée la convention conclue entre le gouvernement et la ville de Bruxelles, en date du 17 juin 1871, par laquelle celle-ci cède à l'Etat les terrains occupés par l'école militaire en échangé de terrains provenant de l'ancienne station du Midi. »
- Adopté.
« Art. 3. Il est alloué au département de la guerre un crédit spécial de 450,000 francs pour les travaux d'appropriation, de construction et d'ameublement qu'exige le transfert de l'Académie militaire dans les bâtiments et terrains dépendants de l'ancien dépôt de mendicité de la Cambre.
« Ce crédit sera couvert par les ressources ordinaires du trésor. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
69 membres répondent à l'appel nominal.
47 votent pour le projet.
20 votent contre.
2 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. Schollaert, Thonissen, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Ansiau, Bara, Bergé, Bouvier-Evenepoel, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Macar, de Montblanc, de Muelenaere, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jacobs, Jamar, Jottrand, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier et Tack.
Ont voté le rejet :
MM. Snoy, Thienpont, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Biebuyck, Boulenger, Coremans, d'Andrimont, Dansaert, David, Demeur, de Naeyer, Dethuin, de Vrints, Drion, Elias, Gerrits, Hayez, Le Hardy de Beaulieu et Magherman.
Se sont abstenus :
MM. de Rossius et Muller.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Rossius. - Messieurs, les motifs qui m'ont fait voter l'ajournement proposé par l'honorable M. Boulenger ne m'ont pas permis d'émettre un vole favorable au projet.
D'un autre côté, je n'ai pas voulu qu'un vote négatif pût me faire considérer comme hostile à la création d'une académie militaire, que je considère comme très utile.
M. Muller. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
« Vu la demande du sieur Marie-Denis-François Carpentier de Changy, demeurant à Envoz, province de Liège, né à Liège, le 6 avril 1847, tendante à obtenir la grande naturalisation ;
« Vu le paragraphe 3 de l'article 2 de la loi de 27 septembre 1835 ;
« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la même loi ont été observées.
« Article unique. La grande naturalisation est accordée au sieur Marie-Denis-François Carpentier de Changy. »
- Ce projet de loi est adopté à l'unanimité des 65 membres présents.
Ce sont :
MM. Schollaert, Snoy, Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Bara, Bergé, Biebuyck, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Coremans, Cornesse, d'Andrimont, Dansaert, David, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Macar, Demeur, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Theux, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mulle de Terschueren, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier et Tack.
« Vu la demande du sieur Marie-François-Charles Carpentier de Changy, demeurant à Envoz, province de Liège, né à Liège, le 22 juin 1849, tendante à obtenir la grande naturalisation ;
« Vu le paragraphe 3 de l'article 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;
« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la même loi ont été observées.
« Article unique. L 'grande naturalisation est accordée au sieur Marie-François-Charles Carpentier de Changy. »
- Ce projet de loi est adopté à l'unanimité des 67 membres présents.
Ce sont : MM. Schollaert, Snoy, Thienpont, Thonissen, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen', Verwilghen, Léon Visart, Vleminckx, Warocqué, Wouters, Bara, Bergé, Biebuyck, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Coremans, Cornesse, d'Andrimont, Dansaert, David, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Macar, Demeur, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Theux, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Elias, Frère-Orban, Funck, Gerrits, Hagemans, Hayez, Houtart, Jacobs, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Magherman, Mulle de Terschueren, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier et Tack.
M. le président. - M. Drubbel demande un congé pour la séance de demain.
S'il n'y a pas d'opposition, ce congé est accordé.
L'ordre du jour appelle les prompts rapports.
- Un membre. - A mardi !
- D'autres membres. - Non ! non ! à demain !
M. le président. - uisqu'on ne veut pas s'occuper aujourd'hui des prompts rapports, le premier objet qui viendra à l'ordre du jour de demain sera le code de commerce.
M. Jacobs a déposé sur le bureau un amendement à l'article 34 de ce code.
Cet amendement sera imprimé et distribué.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.