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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 29 février 1872

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)

(Présidence de M. Thibaut.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 581) M. Hagemans procède a l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Hagemans présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Les membres de l'administration communale et des habitants d'Ernage demandent que la station projetée sur le territoire de Sauvenière soit établie au lieu dit : Laid Culot. »

M. Lelièvre. - Je demande que cette pétition, ayant un caractère d'urgence, soit renvoyée à la commission spéciale qui sera priée de faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Des instituteurs demandent que le projet de loi relatif à la caisse de prévoyance des instituteurs primaires admette pour base du calcul de la pension les cinq années des revenus les plus élevés de l'instituteur. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Par quatorze messages, en date du 27 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion à autant de projets de lois de naturalisation ordinaire. »

- Pris pour notification.


« Par message, en date du 28 février, le Sénat informe la Chambre qu'il a donné son adhésion au projet de loi qui ouvre au département des travaux publics un crédit spécial de 16,080,000 francs. »

- Pris pour notification.


« M. Royer de Behr, retenu par indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projets de loi portant les budgets des ministères de l’intérieur, des affaires étrangères et des travaux publics pour l’exercice 1873

Dépôt

M. Malou, ministre des finances. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre les budgets pour l'exercice 1873, du ministère de l'intérieur, du ministère des affaires étrangères et du ministère des travaux publics.

De cette manière, messieurs, tous les budgets de 1873 sont déposés dans le terme fixé par la loi de comptabilité.

- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de lois, qui seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi allouant un crédit spécial au budget du ministère de l’intérieur, pur l’achat du fonds Fétis

Dépôt

M. Malou, ministre des finances. - J'ai également l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi allouant un crédit spécial de 132,000 francs au ministère de l'intérieur pour l'achat de la bibliothèque et de la collection d'instruments de feu M. Félis.

M. le président. - Ce projet sera imprimé et distribué ; la Chambre entend-elle le renvoyer aux sections ?

M. Funck. - Je demande que ce projet soit renvoyé à l'examen d'une commission spéciale à nommer par le bureau. Il a, du reste, un caractère incontestable d'urgence, car les locaux où se trouvent actuellement les livres de la bibliothèque à acquérir doivent être. démolis, au moins en partie, dans un bref délai.

- La proposition de M. Funck est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi allouant un crédit au budget de la dette publique

Rapport de la section centrale

M. Demeur dépose le rapport de la section centrale sur une demande de crédit au budget de la dette publique pour l'année 1872.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice pour l’exercice pour l'exercice 1872

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ordre judiciaire

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - L'honorable M. Reynaert, dans le discours qu'il a prononcé hier, s'est plaint de ce que les parquets de Courtrai et de Gand n'aient pas donné suite à une dénonciation du chef de faux témoignage dirigée par Depoorter contre un nommé Sabbe, l'un des témoins dans l'affaire de Saint-Genois. Il s'est plaint encore de ce que ces-mêmes parquets laissent en suspens une instruction qui a été ouverte contre Depoorter du chef de mutilation d'arbres.

J'ai promis à la Chambre d'examiner immédiatement ce double grief. Je n'avais pas cru que cet examen pût aboutir si promptement. Je suis en mesure de fournir, dès aujourd'hui même, un rapport de M. le procureur général Wurth qui explique le double fait dont s'est plaint l'honorable membre. Je suis prêt à lire ce rapport à la Chambre si elle le désire.

- Des membres. - Oui, oui.

M. de Lantsheere, ministre de la justice. - Ce rapport porte la data du 25 octobre 1870. Il est ainsi conçu :

« Monsieur le ministre,

« J'ai l'honneur de vous transmettre les renseignements demandés par votre apostille du 15 de ce mois, 3ème div., 2ème' bur., Ind. n° 2547, Litt. P et de vous retourner les pièces qui y étaient annexées.

« Jules Depoorter, sabotier à Saint-Genois, a été condamné par la cour d'assises de la Flandre occidentale, le 1er avril 1869, à cinq ans de réclusion, pour avoir, à Saint-Genois, dans la nuit du 15 au 16 juillet 1868, tenté de mettre le feu à une meule d'avoine appartenant à Edouard Delebecque, échevin de cette commune.

« Pendant les débats, le maréchal des logis commandant la gendarmerie détachée à Saint-Genois apprit de Jean-Baptiste Dclebecque, cabaretier à Helchin, que Charles Sabbe, charpentier, habitant la même commune lui avait fait confidentiellement un récit d'où il résultait que l'accusé Depoorter avait, un dimanche soir, brisé de jeunes arbres plantés par la commune de Saint-Genois près du nouveau cimetière. Sabbe, interrrogé par le maréchal des logis, nia d'abord avoir fait une confidence quelconque touchant Depoorter, puis soutint que le récit qu'il avait fait était une plaisanterie, mais fut forcé enfin de reconnaître que ce récit était la vérité.

« Les révélations de Sabbe se rapportaient au bris de trois jeunes noyers qui avait été constaté par un procès-verbal le 5 août 1868, à 6 heures du matin.

« Le fait que les déclarations de Sabbe tendaient à mettre à charge de Depoorter était étranger a l'accusation qui pesait sur celui-ci ; il n'avait aucun rapport direct avec la tentative d'incendie dont Depoorter avait à répondre devant le jury. Toutefois, comme, à l'appui de cette accusation, il importait d'établir que Depoorter était compromis dans les événements de Saint-Genois, le ministère public cita Sabbe comme témoin devant la cour d'assises.

(page 582) « Sa déposition fut fortement attaquée par la défense. Elle chercha à établir par plusieurs témoins que Sabbe était un ivrogne qui ne méritait pas foi ; qu'il en imposait à la justice quand il prétendait, après le bris des arbres, avoir rencontré Depoorter au cabaret tenu a Saint-Genois par Marcou.

« Quoique vivement contredite, surtout par Sophie Verriest, épouse de Marcou, entendue en vertu du pouvoir discrétionnaire de M. le président sans prestation de serment, la déposition de Sabbe ne parut point un faux témoignage. Elle était entourée de trop de réserves, elle n'avait été donnée qu'à contre-cœur, elle émanait d'une personne qui jusque-là ne s'était pas montrée hostile à Depoorter, se disait même son ami. Aussi nul ne songea-t-il à demander qu'un procès-verbal fût dressé des déclarations de Sabbe, pour servir plus tard de base à une poursuite en faux témoignage.

« Après l'arrêt de condamnation prononcé contre Jules Depoorter, le 1er avril 1869, M. le procureur du roi de l'arrondissement de Courtrai, informé de la déposition donnée par Sabbe devant la cour d'assises, crut devoir requérir, le 8, une instruction à charge de Depoorter, comme prévenu d'avoir brisé des arbres près du nouveau cimetière à Saint-Genois, dans la soirée du 2 août 1868. Le 26, M. le procureur du roi m'apprit la mesure qu'il avait prise. Je lui répondis le lendemain que je n'en comprenais ni le but, ni l'utilité. En effet, comme Jules Depoorter est déjà condamné à cinq ans de réclusion pour une tentative d'incendie, et qu'aux termes de l'article 61 du code pénal, en cas de concours d'un crime et d'un délit, la peine du crime est seule prononcée, cette instruction ne pouvait conduire à l'application d'une nouvelle peine.

« Toutefois cette instruction a permis de soumettre les déclarations de Sabbe à un nouvel examen.

« Appelé devant le juge d'instruction, Sabbe répéta ce qu'il avait déclaré à la cour d'assises, savoir que le premier ou le second dimanche du mois d'août 1868, venant d'Espierres à Saint-Genois, il entendit, après les neuf heures du soir, près du nouveau cimetière, craquer des arbres ; qu'il s'assura qu'on venait de les briser ; qu'au même moment, il vit s'éloigner rapidement de cet endroit un homme qu'il n'ose affirmer avoir été Depoorter, mais qui lui ressemblait parfaitement : qu'étant entré moins de dix minutes après au cabaret de Marcou, il y rencontra Depoorter, et qu'il ne s'arrêta dans ce cabaret que le temps nécessaire pour boire un verre de bière.

« La femme Marcou, de son côté, persiste à assurer que dans la soirée du 2 août 1868, le jour des courses d'Helchin, ni Sabbe ni Depoorter n'avaient été dans son cabaret.

« Ursule Decroix, femme d'Arnold Degryse, ménagère à Saint-Genois, donna au contraire une déclaration qui confirme celle de Sabbe sur le point principal : le 2 août 1868, le jour des courses d'Helchin, entre 9 et 10 heures du soir, elle a vu Depoorter aux environs du nouveau cimetière.

« Mais Joseph Descamps, cultivateur à Espierres, et sa femme, Françoise Wietendaele, vinrent affirmer que le jour des courses d'Helchin, Sabbe n'avait pas quitté leur maison, qu'après avoir soupe avec eux, il était allé se mettre au lit à onze heures du soir... Léonard Wietendaele, le beau-frère de Joseph Descamps, atteste également qu'à dix heures du soir, au moment de son départ, Sabbe était encore à Espierres, dans la maison de Descamps.

« Si ces trois personnes disent la vérité, Sabbe n'a pas pu se trouver le 2 août 1868, vers les neuf heures du soir, à Saint-Genois, ni par conséquent voir le fait dont il prétend avoir été témoin.

« Confronté avec ces personnes, Sabbe leur donna un démenti, il soutint qu'après avoir soupe chez eux, il avait quitté leur maison vers les huit heures du soir, pour se rendre à Saint-Genois, qui est à peu de distance de là.

« Et, en effet, Adolphe Delebecque, cultivateur à Helchin, Catherine Vlieghe, veuve de Jacques Corremans, cabaretière à Espierres, et Gustave Corremans, employé à la sucrerie à Espierres, firent connaître que la déposition de Joseph Descamps, de sa femme et de son beau-frère est mensongère. Avant sa comparution devant le juge d'instruction, Joseph Descamps leur avait déclaré lui-même que Sabbe avait quitté Espierres vers les huit heures du soir, après le souper. Mis en leur présence, Sabbe s'est bien gardé de les contredire, il a prétendu qu'il ne se rappelait pas avoir donné cette version. Il résulte en outre de la déposition de la veuve Corremans et de Gustave Corremans, que c'est la femme Descamps qui a fait changer son mari de version. D'après les renseignements recueillis par la gendarmerie, la femme Descamps domine tout à fait son mari dont elle était la servante avant son mariage, et elle reçoit ses inspirations du notaire Opsomer, qui porte à Depoorter le plus vif intérêt.

« Dominique Van Overschelde, et sa femme Virginie Momnari, cultivateurs à Helchin, déclarèrent qu'un dimanche soir, vers les huit heures, ils avaient vu Sabbe se dirigeant vers Saint-Genois. Toutefois ils ne purent assurer si les courses d'Helchin avaient eu lieu ce dimanche.

« Enfin Constant Depoorter, militaire pensionné à Saint-Genois, corrobora de la manière la plus péremptoire les dires de Sabbe. Il a lui-même, à Saint-Genois, dans la soirée du 2 août 1868, entre 9 et 10 heures, à proximité du nouveau cimetière, vu d'abord Depoorter, puis à quelques pas de là Sabbe. Il a en outre, au moment de cette rencontre, aperçu de l'autre côté de la rue un maçon ivre, du nom de Lecomte.

« Sabbe, confronté avec Constant Depoorter, se rappela avoir vu, en même temps que l'individu ressemblant à Jules Depoorter, un homme ivre qu'il n'avait pas reconnu.

« Ce Lecomte, qui a été rencontré là en état d'ivresse en même temps que Jules Depoorter, est un proche parent de la femme de celui-ci, et Adèle Verschelde, servante à Tourcoing, se souvient que vers le mois de septembre 1868, un Lecomte, maçon à Saint-Genois, est venu se réfugier en France, parce qu'un soir, lui et son camarade, étant pris de boisson, avaient brisé de jeunes arbres le long du nouveau cimetière.

« Il résulte donc de cette information, dont je viens de résumer les principales dépositions, que les déclarations de Sabbe sont vérifiées en leur point essentiel, c'est-à-dire que dans la soirée du 2 août 1868, entre 9 et 10 heures, il a vu un individu ressemblant à Depoorter, à proximité du nouveau cimetière de Saint-Genois, près de l'endroit où dans cette soirée de jeunes arbres ont été brisés. Le témoin Constant Depoorter est même plus formel sur ce point que Sabbe.

« En présence du résultat de cette information, il m'était impossible de donner suite à la plainte que Jules Depoorter fit à M. le procureur du roi de Bruges contre Charles Sabbe, à la date du 3 mai 1869, et qui me fut transmise le 7 juin suivant. Pour soutenir que Charles Sabbe avait par une fausse déposition entraîné la condamnation, Jules Depoorter se fondait dans sa plainte précisément sur le témoignage de Joseph Descamps dont la fausseté venait d'être constatée.

« Pour le même motif, je dois laisser sans suite la plainte qu'Edmond Depoorter, en sa qualité de curateur de son frère Jules Depoorter, a faite à M. le procureur du roi de Courtrai, contre Charles Sabbe, à la date du 28 septembre dernier, et dont une copie vous a été transmise, ainsi qu'à mon office. Parmi les témoins indiqués à l'appui de cette plainte, et dont la plupart ont déjà été entendus, se trouvent de nouveau Joseph Descamps, sa femme et son beau-frère, qui ont mensongèrement déclaré, au cours de l'instruction ouverte contre Jules Depoorter, que dans la soirée du 2 août 1868, Charles Sabbe n'a pas quitté Espierres, tandis qu'il a été vu dans cette soirée, entre 9 et 10 heures, à Saint-Genois.

« Il ne m'est pas permis de mettre en prévention du chef de faux témoignage une personne qui a déposé d'un fait dont la vérité est attestée par d'autres personnes, en m'appuyant sur les déclarations de témoins que je sais en avoir imposé à la justice.

« Du reste, la déposition de Sabbe fût-elle aussi mensongère qu'elle me paraît véridique, encore ne pourrait-elle pas donner lieu à une poursuite en faux témoignage. Jules Depoorter se trompe quand il croit que la déposition de Sabbe a déterminé sa condamnation ; que si cette déposition était reconnue fausse, sa condamnation n'aurait plus de base, sa mise en liberté en serait la conséquence inévitable. Sabbe n'a pas déposé devant la cour d'assises sur le fait même dont Jules Depoorter était accusé et a été déclaré coupable. Son témoignage a porté sur un fait tout différent dont celui-ci n'était pas même prévenu. Or, la jurisprudence et la doctrine ont toujours admis qu'il n'y a de faux témoignage que quand l'altération frauduleuse de la vérité porte sur les circonstances essentielles du fait même, dont l'accusé ou le prévenu doit répondre. (V. Chauveau ut Hélie, Théorie du Code pénal, éd. Nypels, n°3052 et suiv.) Aussi Carnot, sur l'article 351 de l'ancien code pénal, au n°3, in fine, dit-il qu'il n'y a point de faux témoignage porté contre l'accusé ou en sa faveur, lorsque le témoin en a imposé sur un fait étranger à l’accusation ; seul Blanche, dans ses études pratiques sur le code pénal, répudie la doctrine généralement suivie.

« Il pense « que, toutes les fois que la vérité sera altérée, de façon à « tromper la justice, il y aura faux témoignage » (5ème" étude n°357). Mais cette doctrine a servi de base au code pénal belge. D'après l'exposé des motifs de M. Haus, il faut que la déposition arguée de faux ait porté sur les circonstances essentielles du fait, pour qu'il y ait faux témoignage. (V. Commentaire et complément du Code pénal belge par Nypels, tome II, page 196, n°46, in fine.) Dans son rapport au Sénat, M. le baron d'Anethan a écrit : « Il serait possible, en effet, comme le dit Carnot sur l'article 361 du Code de 1810, que le témoin en eût imposé à la justice sur (page 583) un fait étranger à l'accusation, et, dans ce cas, il n'y aurait pas lieu de prononcer une condamnation à raison d'une déclaration insignifiante. » (Même ouvrage, tome II, page 276, n°32.) Puis dans la discussion, il a répété : « Le témoin peut très bien, en déposant en justice, dire quelque chose qui soit contraire à la vérité, mais qui n'ait pas trait directement à l'accusation. » (Même ouvrage, tome II, page 299, n° 32.)

« Bien loin de poursuivre Sabbe du chef de faux témoignage, le ministère public devait plutôt, après avoir fait compléter l'instruction ouverte contre Jules Depoorter, requérir le renvoi de celui-ci en police correctionnelle comme suffisamment prévenu d'avoir été l'auteur ou au moins complice du bris d'arbres qui a eu lieu à Saint-Genois, dans la soirée du 2 août 1868. Mais parce que, comme je l'ai déjà dit, le juge saisi ne pourrait pas constater la culpabilité de Depoorter, sans lui infliger une nouvelle peine, j'ai préféré tenir en suspens cette instruction, sauf à la faire reprendre si les circonstances en faisaient un devoir. Agir autrement, c'eût été sans nécessité provoquer de longs et irritants débats, où je prévoyais que de faux témoins seraient produits, ce qui m'aurait obligé d’intenter des poursuites en faux témoignage, et peut-être de mettre cette fois en prévention le notaire Opsomer, soupçonné depuis longtemps de suborner les témoins au profit des accusés de Saint-Genois. Sans rien faire ni tolérer qui puisse infirmer l'autorité des diverses décisions judiciaires rendues dans les affaires de Saint-Genois, il entrait dans les vues de votre honorable prédécesseur comme dans les miennes, et il entre sans doute aussi dans les vôtres, M. le ministre, de ne pas fournir l'occasion de nouveaux incidents, qui ne pourraient qu'entretenir l'agitation des passions à Saint-Genois.

« Le procureur général, Wurth. »

Il est inutile, je pense, de résumer les arguments de fait et de droit sur lesquels l'honorable procureur général se fonde. Ces arguments ont paru suffisants à mon honorable prédécesseur, M. Cornesse. Le 4 novembre 1870, il écrivit à l'honorable procureur général de Gand la lettre suivante :

« Monsieur le procureur général,

« En vous renvoyant les pièces ci-jointes, j'ai l'honneur de vous informer que je ne puis que vous laisser le soin d'apprécier la suite qu'il y a lieu de donner à l'affaire dont m'entretient votre rapport du 23 octobre dernier. »

L'honorable M. Reynaert a embrassé avec ardeur la défense d'un malheureux qu'il croit victime d'une erreur judiciaire. Il ne faut pas lui en faire un grief, il faut, au contraire, rendre hommage à sa générosité ; mais l'honorable membre voudra bien aussi, je l'espère, reconnaître que cette générosité a fait naître chez lui des illusions qui l'ont entraîné au delà d'une juste mesure. Le rapport que je viens de lire à la Chambre démontre que ni le parquet de Gand, ni celui de Courtrai ne peuvent être soupçonnés de s'être laissé dominer par l'esprit de parti ou par la passion, dans l'appréciation des deux faits signalés par l'honorable membre.

J'espère que cette rectification suffira pour clore cette partie du moins d'un débat qui, me semble-t-il, ne devrait pas se prolonger au détriment des travaux de la Chambre.

Quant à la partie générale du débat, quant aux accusations que l'on a cru rencontrer dans le discours de l'honorable M. Reynaert, à l'adresse de la magistrature en général, je ne puis que vous répéter ce que je vous ai dit hier : il m'a été impossible, au milieu de ce discours si plein de détails, discours tantôt improvisé, tantôt lu, tantôt extrait d'une brochure, de distinguer ce qui pourrait constituer une accusation contre la magistrature que je suis chargé de défendre, des accusations qui ne frappent que l'honorable M. Bara.

Il faudrait pour que je pusse, avec quelque sûreté, émettre une opinion à cet égard, que j'eusse le discours sous les yeux.

Or, vous le savez, messieurs, les Annales parlementaires n'ont rien publié aujourd'hui.

M. le président. - Pour suivre la liste d'inscription des orateurs, je donnerai la parole à M. Van Overloop.

M. Van Overloop. - M. le président, je crois qu'il convient d'en finir d'abord avec l'incident d'hier. Je n'ai pas l'intention de me mêler à la passe d'armes de Saint-Genois. Je me propose de parler de toute autre chose.

M. Bara. - Je remercie M. le ministre de la justice des explications qu'il vient de nous donner et qui font justice des accusations qui ont été lancées par M. Reynaert contre d'honorables magistrats.

Quand l'honorable ministre de la justice aura pu lire le discours de M. Reynaert, il verra s'il n'a pas à protester contre les allégations du député de Courtrai. Telle est la déclaration dont nous devons aussi prendre acte.

Quant à moi, je n'ai pas à discuter les faits de l'affaire de Saint-Genois.

Je n’entends répondre qu'à une seule appréciation du discours de M. Reynaert, à celle pour laquelle j'ai prononcé les paroles qui m'ont, hier, attiré un rappel à l'ordre.

J'ai dit à M. Reynaert qu'il savait qu'il ne disait pas la vérité lorsqu'il m'accusait d'avoir dirigé l'instruction de Saint-Genois.

Aujourd'hui, je viens vous apporter la preuve évidente de ce que je disais, hier, par interruption.

Cette accusation du M. Reynaert n'est pas d'aujourd'hui. Elle a été formulée par lui en 1838, lors des débats qui ont eu lieu dans cette enceinte à propos de l'affaire de Saint-Genois, et voici, messieurs, ce que je disais alors :

« L'honorable membre reproche au ministre de la justice d'être intervenu dans l'affaire ; à l'en croire, c'est le ministre de la justice qui, du fond de son cabinet, a dirigé toute l'instruction. J’en suis désolé pour l'honorable membre, mais je n'ai rien dirigé du tout ; et il n'est pas dans les habitudes des ministres de la justice de s'occuper des instructions judiciaires. Je défie l'honorable membre de prouver, par n'importe quel moyen, que j'aie pris une part, si minime qu'elle soit, à l'instruction des crimes de Saint-Genois.

« M. Dumortier. - C'est possible ; mais vous ne niez pas.

« M. Bara, ministre de la justice. - Je nie positivement. Si je parle de preuve, c'est avec intention que je le fais, parce que les ministres pour vous sont des hommes qui ne sont pas dignes d'être crus. Voilà pourquoi je vous dis : Fournissez la preuve. Mais vous ne le pourrez pas.

« J'ai laissé la liberté la plus entière et la plus complète à la justice. Elle a agi comme elle a voulu. L'honorable M. Reynaert paraît, du reste, avoir oublié complètement le code d'instruction criminelle ; je n'avais rien à faire. Dès qu'une affaire est entre les mains du juge d'instruction, c'est lui qui pose tous les actes de procédure soit d'office, soit sur les réquisitions du ministère public. Tous les actes que vous attaquez, il ne dépendait pas du pouvoir exécutif de les empêcher, eussent-ils été contraires à la loi.

« La Chambre ne le pourrait pas davantage. Ils ont été posés par un pouvoir complètement indépendant, par le pouvoir judiciaire.

« On me reproche, il est vrai, d'avoir permis au procureur général de disposer d'une somme de mille francs pour découvrir les coupables et d'avoir demandé des gendarmes à mon collègue de la guerre. Est-ce que, par hasard, on me ferait un crime d'avoir permis aux fonctionnaires d'employer les moyens nécessaires pour arriver à la découverte de la vérité ? Est-ce que je devais laisser la population sans protection ? Valait-il mieux laisser accomplir l'œuvre des incendiaires ? Si la commune entière avait péri dans les flammes, on n'eût pas manqué d'attribuer les incendies au feu du Ciel ; on eût crié au miracle ; cela eût pu profiter à certaines gens, mais c'est la première fois, je pense, qu'on ose, dans cette Chambre, reprocher au gouvernement d'avoir mis à la disposition de l'autorité publique les moyens nécessaires pour réprimer et prévenir des méfaits. »

Voilà ce que je disais. M. Reynaert savait donc bien que je démentais de la manière la plus formelle l'accusation d'avoir pris la moindre part à la direction de l'instruction des affaires de Saint-Genois.

Il y a plus. Le juge d'instruction, mis en cause par M. Reynaert, après avoir lu son discours, se rend spontanément à Bruxelles, indigné des calomnies dirigées contre lui et me remet une lettre de protestation que je vais lire, à la Chambre. M. Reynaert en a eu connaissance et il n'a rien répondu au démenti qui lui était donné par cet honorable magistrat. Vous allez voir, après la lecture de cette lettre, si les paroles indignées que j'ai prononcées hier ne sont pas conformes à la vérité et s'il est un membre sur les bancs de la Chambre qui puisse me reprocher ce que j'ai dit.

(Extrait de la séance du 11 décembre 1868.)

« M. Bara, ministre de la justice. - J'ai une communication à faire à la Chambre et mon devoir m'oblige à la lui faire immédiatement.

« M. le juge d'instruction De Blauwe est venu spontanément chez moi aujourd'hui pour protester contre les faits qui lui avaient été attribués par l'honorable M. Reynaert ; je crois de mon devoir, messieurs, de lire à la Chambre la lettre de protestation qu'il m'a écrite :

« Monsieur le ministre,

« Après avoir lu le discours de M. Reynaert, je me disposais à démentir, d'une manière formelle, tout ce qu'il m'attribuait et à protester énergiquement contre le rôle qu'il me prêtait dans l'instruction des crimes de Saint-Genois.

« Je vois aujourd'hui dans les Annales parlementaires que vous avez déjà (page 584) fait justice de ces allégations fausses et que vous avez repoussé le blâme immérité qu'un a voulu m'infliger.

« Je vous en remercie, M. le ministre ; tout ce que vous avez dit pour me défendre, tous les faits que vous avez cités sont l'exacte vérité

« J'assume la responsabilité de tous les actes d'instruction que j'ai cru devoir poser dans l'intérêt de l'information, de toutes les perquisitions que j'ai pratiquées, comme de toutes les arrestations que j'ai fait opérer et vous déclare que je les ai ordonnées dans toute la plénitude de ma liberté et de mon indépendance de magistrat.

« Agréez, etc. (Signé) De Blauwe. »

Et quel est ce magistrat ? Est-ce un magistrat nommé par moi ? Non, messieurs, c'est un magistrat nommé par M. Nothomb. Et qu'est-il arrivé à ce magistrat ? L'honorable M. Cornesse, peu après son arrivée au pouvoir, en juillet 1870, je pense, lui a donné de l'avancement, mérité du reste, en le nommant juge d'instruction à Bruges.

Voilà, messieurs, l'homme qu'on accuse d'avoir fait des instructions sans conscience, partiales, d'avoir cédé à des pressions de l'autorité, d'avoir été l'instrument des passions politiques !

Et, messieurs, remarquez-le bien, l'accusation qu'on dirige contre les magistrats incriminés par M. Reynaert est bien plus grave que celle qui est dirigée contre moi. En effet, si elle était vraie, il serait constaté que des magistrats même inamovibles, contre lesquels je ne pouvais rien faire, se seraient faits mes instruments dans une instruction judiciaire pour faire condamner des innocents.

En présence de ce que je viens de vous lire et qui est et restera sans réfutation, est-ce que M. Reynaert pouvait se tromper ? M. Reynaert avait reçu tous ces démentis ; il n'avait rien pu y opposer. Et après trois ans, il vient, dans le langage violent que vous connaissez, répéter de nouveau ses calomnies, croyant que tout est oublié, que rien ne reste du débat de 1868.

Si encore il avait eu une ombre de preuve ! Mais il n'avait rien. Il croit avoir trouvé une preuve, parce que dans un projet que j'ai déposé ici se trouve un compte de frais extraordinaires à payer à certains magistrats qui ont dû se rendre à Bruxelles pour voir le ministre au sujet des affaires de Saint-Genois. Mais qu'est-ce que ce compte prouve ? Est-ce que quand les magistrats voyagent et viennent auprès du ministre, ils ne sont pas remboursés de leurs frais ? N'y a-t-il pas au ministère de la justice un crédit pour payer ces dépenses ? Est-ce que les magistrats appelés ou venant à Bruxelles pour affaires ne font pas des états de frais ? Evidemment oui.

Mais M. Reynaert veut faire croire qu'on a voulu cacher ces voyages. Or, il avait encore la preuve en main que ces voyages n'étaient pas cachés. dans le discours que j'ai prononcé, je lui disais que j'avais été en rapport avec le procureur général. Je disais même plus. Voici un passage de mon discours, :

« Eh bien, M. le procureur du roi, que je quitte à l'instant, me dit, etc. »

Ainsi, il avait la preuve par mon discours que les magistrats étaient venus à Bruxelles et que leurs visites n'étaient nullement cachées.

Pourquoi y étaient-ils venus ? Vous allez le comprendre tout de suite. Dans le principe, ce n'était pas pour l'instruction que le procureur général venait à Bruxelles. Il y avait autre chose à faire. Il fallait arrêter les incendies.

M. le procureur général a dû d'abord demander s'il pouvait faire des frais extraordinaires. Il était indispensable d'en faire. Des instructions devaient lui être données sous ce rapport. Il fallait des mesures pour découvrir les incendiaires. Car c'était un affaire très grave. Savez-vous le nombre de crimes qui ont été commis ? Ecoutez :

« Nuit du 11 au 12 juillet. Incendie de deux meules de paille de froment au préjudice de Désiré Glorieux, ancien bourgmestre de Saint-Genois, sous l’administration duquel l'érection du nouveau cimetière a été décrétée. Incendie d'une meule de colza au préjudice d'Henri Vanderghinste, ancien échevin, qui a coopéré à l'établissement du nouveau cimetière.

« Nuit du 17 au 18 juillet. Tentative d'incendie de la grange et de la brasserie de l'échevin Delbecque, un des chefs du parti libéral.

« Nuit du 20 au 27 juillet. Dévastation de 370 plantes de tabac au préjudice de Louis Ruyschaert, de 157 plantes de tabac au préjudice de Charles Viaene et de 101 plantes de tabac au préjudice de Brunon Duquesne, tous les trois membres du parti libéral. Destruction de trois arbres au nouveau cimetière.

« Nuit du 2 au 3 août. Incendie d'une meule d'avoine au préjudice d'Emile Seynaeve, fils d'un échevin décédé, qui, sous l'administration de M. Glorieux, a participé à l'érection du nouveau cimetière. La ferme, la grange et les étables faillirent devenir la proie des flammes. Dévastation de 336 plantes de tabac au préjudice de Jean Duprez, libéral. Destruction de trois arbres plantés an nouveau cimetière.

« Nuit du 11 au 12 août. Incendie d'une meule de colza au préjudice de Pierre Samain, conseiller communal, qui a voté l'établissement du nouveau cimetière.

« Nuit du 17 au 18 août. Incendie d'une meule de foin au préjudice d'Ange Vanden Driessche, cabaretier, appartenant au parti libéral, garde-chasse de Vanderghinste et d'autres libéraux.

« Nuit du 21 au 22 août. Incendie d'une meule de paille au préjudice de la veuve Everaert, sœur de Désiré Glorieux et tante d'Henri Vanderghinste.

« 22 août, à cinq heures du matin, incendie d'une meule de froment et d'une meule de paille au préjudice de Louis Seynaeve, libéral, second fils de l'ancien échevin. »

Ainsi, messieurs, huit incendies et sept dévastations, une commune complètement terrifiée ; les habitants n'osaient plus dormir de crainte d'être surpris par les flammes. Que fait le procureur général ? Il vient me demander si je puis donner, sur le budget de la justice, quelques fonds et il me dit, en outre, qu'il lui faut des gendarmes.

La presse cléricale organise alors toute une campagne, l'instruction ne faisant que commencer, pour empêcher la magistrature de faire son devoir, pour l'intimider et assurer l'impunité aux coupables. Et les magistrats n'auraient pas pu venir à Bruxelles pour m'expliquer les faits et leurs actes, pour me mettre à même de les défendre et pour que j'aie la conviction qu'ils n'avaient ni violé les lois, ni forfait à leurs devoirs et pour se concerter avec moi sur les mesures à prendre pour empêcher de nouveaux crimes. Ils ne seraient pas venus me voir et me dire ce qui se passait réellement. Mais si je n'avais pas pris des renseignements sur toutes ces accusations contre la magistrature, on aurait dit que je lui laissais violer la loi sans même m'inquiéter du fondement ou du non-fondement des attaques qu'on dirigeait contre elle.

Donc, parce qu'on a trouvé une note, note publique, où l'on dit que des magistrats réclament autant pour voyages faits à Bruxelles au sujet des crimes de Saint-Genois, avec une malignité qui tient de certaine école, M. Reynaert en déduit qu'ils sont venus à Bruxelles pour recevoir mes instructions. (Interruption.)

Comme le dit un honorable collègue, à mon côté, si j'avais voulu cacher celai j'aurais pris le montant de la dépense sur les fonds secrets.

Mais non, je produis la note à la cour des comptes, j'en indique, me dit-on, ce que j'ignorais tant je m'occupais peu de ce fait, l'origine de ma main, et je viens plus tard demander des fonds à la Chambre. Et j'avais des fonds secrets disponibles. J'ai laissé, à ma sortie du ministère, une somme très forte à la caisse de la sûreté publique.

Mais où M. Reynaert a-t-il vu que les magistrats sont venus à Bruxelles pour recevoir des instructions sur la direction de l'instruction judiciaire ? Assistait-il à nos conversations ? Qu'il prouve par un fait quelconque que j'ai dirigé l'instruction de Saint-Genois, et, au surplus, j'aurais eu le droit de le faire, mais je ne puis dire le contraire de la vérité.

Je ne l'ai pas défié, comme il le prétend, de discuter l'affaire de Saint-Genois. Ce débat n'est pas de la compétence de la Chambre ; il est de la compétence du jury qui a prononcé. Sa décision est une vérité légale, vous pouvez la trouver non justifiée, mais vous ne pouvez pas la calomnier ; encore moins sauriez-vous l'anéantir par vos discours et vos appréciations en tant qu'elle forme la vérité judiciaire sur les crimes de Saint-Genois.

Ni vous, ni M. le ministre de la justice, vous ne pourriez ici régulièrement, légalement, rien faire contre cet arrêt de la cour d'assises. Ce n'est pas sur ce point que je vous ai porté un défi, puisque le débat sur ce point ne peut aboutir.

Le défi que je vous ai porté est de prouver que j'ai dirigé l'instruction de Saint-Genois, et ce défi, vous ne l'avez pas relevé, vous n'avez pas prouvé que j’avais, comme vous m'en aviez accusé, dirigé l'instruction judiciaire de l'affaire de Saint-Genois; ce que j'ai dit à ce sujet subsiste tout entier.

Qu'a fait M. Reynaert ? Il vous a lu ici une brochure du nommé Depoorter qui a été condamné comme incendiaire et qui naturellement trouve qu'il a été condamné injustement. Cette brochure a été imprimée, dit-il, en 1871, mais on s'est bien gardé de la livrer à la publicité et de la distribuer. C'est aujourd'hui, prétendument pour répondre à mes provocations, qu'on révèle cette brochure ; mais voici la conséquence de ce fait : c'est que le nommé Depoorter publie sa brochure aux frais du trésor public et sous l'inviolabilité d'un membre de la Chambre. Il la soustrait à la justice qu'il redoute et il la met sous l'inviolabilité parlementaire. Et M. Reynaert se prête à ce rôle !

Eh bien, nous sommes ici à peu près une vingtaine d'avocats. Je suppose que chacun de nous ait défendu un accusé devant la cour d'assises ; que cet accusé ait été condamné ; que nous trouvions que l'arrêt qui l'a (page 585) frappé est injuste ; admettra-t-on que nous pourrions porter cette affaire devant la Chambre et venir y lire des mémoires justificatifs des condamnés et des attaques violentes contre la magistrature et le jury ? Admettra-t-on que ces écrits soient insérés dans nos Annales ?

Voilà le système de M. Reynaert. On n'a pas osé publier la brochure, mais on a trouvé plus commode et plus courageux de la mettre en circulation à l'abri de l'inviolabilité d'un membre de la Chambre, et de la publier aux frais du trésor. (Interruption.)

M. le ministre de la justice a dit que nous ne pouvions pas nous transformer en cour de justice.

C'est très bien, mais alors M. le président ne devait pas laisser M. Reynaert continuer. L'honorable ministre de la justice peut trouver ce débat inconvenant et, à cet égard, je suis de son avis, mais du moment que le président laissait continuer M. Reynaert, du moment que le préjudice moral était causé, M. le ministre de la justice, qui a pour mission de défendre la magistrature, devait intervenir dans le débat.

M. Reynaert est venu battre en brèche le fondement de l'arrêt de la cour d'assises, il est venu ici soutenir cette thèse du parti clérical, que c'était la haine politique qui avait inspiré sa décision. (Interruption.)

Oui, M. Reynaert a aussi attaqué le jury. Eh bien, je demande à M. le ministre de la justice s'il n'a rien à faire en présence de ces assertions ; je ne demande pas qu'il se prononce immédiatement, puisqu'il dit ne pas connaître suffisamment le discours de M. Reynaert, mais il est clair que quelque inconvenant qu'ait été le débat, une réparation est due au jury.

Je l'avais dit à M. Reynaert. Vous ne pouvez pas venir ici discuter les faits de l'instruction, dire que tel fait est vrai, que tel autre ne l'est pas ; cela n'est pas de votre compétence. Mais M. Reynaert a continué sa plaidoirie et l'arrêt de la cour d'assises ayant été attaqué, le jury ayant été calomnié, la cour d'assises et le jury doivent être défendus, et il n'y a ici que le ministre de la justice qui ait qualité pour le faire.

Songez-y, messieurs ; si on laissait calomnier les décisions du jury, où irions-nous ? Quand on est venu attaquer ici l'arrêt qui avait condamné Coecke et Goethals et c'était M. De Bavay qui était procureur général, eh bien, j'ai protesté et j'ai dit à cette occasion que je n'admettrais nullement que le premier venu, un représentant qui n'avait pas qualité pour s'occuper des affaires de la justice si ce n'est comme appréciation personnelle, vînt infirmer des décisions judiciaires.

Sans doute on peut apprécier un arrêt, mais on ne peut attaquer les intentions de ceux qui l'ont rendu.

Vous voulez le prestige de l'autorité ; vous voulez le respect de la loi et que faites-vous ? Vous venez dans cette Chambre, sachant que vous n'aurez pas de contradicteurs sérieux, attaquer de la manière la plus violente les décisions de l'autorité judiciaire.

Et le peuple que dira-t-il ? Je suppose que demain se rende une décision judiciaire qui frappe un ouvrier ; les ouvriers n'auront-ils pas aussi le droit d'attaquer la décision de la justice, de dire que c'est par haine de l'ouvrier qu'on a condamné cet homme ? Je vous demande quel frein il y aura encore dans la société ?

Vous trouverez un représentant qui viendra couvrir de son autorité, de son inviolabilité les violences dirigées contre les arrêts de la justice. Eh bien, je dis que si un pareil système passe dans la Chambre sans protestation, si nous devons assister impassibles et muets à de pareils actes, vous aurez porté une grave atteinte à l'autorité publique.

Ce qu'a dit M. Reynaert est erroné, j'en ai la conviction intime ; mais ce n'est pas à moi de faire valoir les raisons qui ont guidé la conscience du parquet et du jury. Son discours n'est ni plus ni moins en fait que les allégations du condamné, de Depoorter.

Je regrette que la droite se soit laissée aller à approuver comme elle le faisait hier le langage de M. Reynaert.

M. Bouvier. - Ce sont des conservateurs.

M. Bara. - Ah ! messieurs de la droite, vous nous accusez de ne pas défendre la légalité et d'être des révolutionnaires ; mais vous êtes les plus grands démolisseurs qu'il soit possible de trouver.

M. Bouvier. - Positivement.

M. Bara. - Parce que vous êtes démolisseurs par fanatisme, ce n'est pas une raison pour que vous en soyez moins des révolutionnaires. Je vous demande ce qui restera quand vous aurez supprimé le respect que l'on doit à l'autorité judiciaire. Je vous demande ce que vous pourrez encore dire aux classes auxquelles vous devez imposer la volonté de la loi. Il ne restera plus rien que l'anarchie et le désordre, dont vous serez les premières victimes. (Interruption.)

Ceci dit, messieurs, j'en arrive à la grâce de Depoorter. L'honorable M. Cornesse s'est fait une gloire d'avoir accordé cette grâce. Je ne saurais être de son avis ; je n'ai pas critiqué la grâce comme grâce ; j'ai critiqué l'acte du ministère parce qu'il était le couronnement, parce qu’il était la consécration des exigences de la presse cléricale réclamant la grâce de Depoorter, mm pas pour mettre Depoorter en liberté, mais pour rectifier l'arrêt de la cour d'assises ; cette presse voulait une réparation ; Depoorter avait été une victime des haines de parti ; il fallait réparer une injustice.

M. Bouvier. - Et réhabiliter un condamné.

M. Bara. - Dans ces conditions, le ministre de la justice avait à sauvegarder un intérêt plus considérable que celui de Depoorter ; il avait l'intérêt de la justice du pays à défendre.

Il ne pouvait céder devant de pareilles menaces, devant de telles attaques, il ne pouvait dire : Oui, c'est une victime, oui, c'est la passion qui l'a fait condamner et je le gracie.

Voilà, messieurs, pourquoi j'ai attaqué la grâce ; et s'il n'en était pas ainsi, est-ce que l'honorable M. Cornesse s'en ferait une gloire ? Mais moi je serais alors le plus glorieux des hommes, car pendant les cinq années que j'ai passées au pouvoir, j'ai fait souvent grâce. L'honorable M. Cornesse s'imagine qu'il a agi comme une cour de révision. « Oui, dit-il, quand il y a doute, il faut agir. »

C'est possible, mais on commence par rendre hommage à l'arrêt qui a condamné et, du reste, comment vient le doute ? C'est le plus sûrement par l'autorité judiciaire ; le ministre n'est pas un homme qui peut discuter dans son cabinet les décisions judiciaires ; je demande à l'honorable M. Cornesse, qui ne m'a pas répondu sur ce point, si le procureur général de Gand et les autorités judiciaires ont demandé cette grâce, s'ils ont émis un doute sur la culpabilité du condamné ? Pour moi, je n'en ai nullement connaissance ; du reste, s'il y avait doute, il y a un article du Code d'instruction criminelle, l'article 352, qui dit :

« Lorsqu'il y a doute, la cour d'assises doit renvoyer l'affaire à une autre session, devant un autre jury. »

Eh bien, messieurs, ni la cour d'assises composée de magistrats honorables, d'un conseiller à la cour d'appel, d'un président du tribunal et d'un juge, la cour d'assises n'a pas parlé de doute.

Y a-t-il, comme cela se voit quelquefois, une lettre du président qui demande au ministre de faire grâce ?

Non, l'honorable membre ne peut invoquer un seul témoignage pour dire qu'il y avait doute.

Mais savez-vous, messieurs, où l'honorable M. Cornesse a trouvé le doute ? C'est dans l'acte d'accusation. Oui, messieurs, cette lecture a suffi pour lui inspirer des doutes, la lecture d'un acte d'accusation, c'est-à-dire de l'acte qui réclame la condamnation !

La vérité est que l'honorable M. Cornesse a fait grâce pour plaire à la presse cléricale et pour céder aux instances de M. Reynaert. Pas autre chose.

L'honorable M. Cornesse n'a eu aucun élément sérieux d'appréciation, qui pouvait le mettre à même de prononcer dans l'affaire dont il s'agit. Il a donné raison aux allégations de M. Reynaert et du condamné. Dès lors il est clair que l'acte qu'il a posé est un acte politique qui a porté atteinte à l'autorité judiciaire.

Maintenant, messieurs, l'honorable M. Cornesse a eu grand tort de dire que les faits qui s'étaient passés à Saint-Genois étaient peu graves. Je ne crois pas que huit incendies et sept dévastations sont des faits peu graves.

En tout cas, il avait à côté de lui, sur le banc ministériel un homme qui devait lui dire que cela n'était pas peu grave, car en 1844, M. d'Anethan a fait exécuter un homme qui avait incendié deux meules de colza. Rien que pour l'incendie de deux meules de colza, il a fait exécuter un homme. Malgré cela, M. Cornesse est venu nous dire que les faits que je viens de rappeler étaient des faits peu graves.

M. Bouvier. - Oui ; mais il s'agissait de libéraux.

M. Bara. - Il est vrai qu'à Saint-Genois il s'agissait de propriétés de libéraux, et celles-là on pouvait les incendier.

- Un membre. - Dans l'affaire de l'incendie des deux meules de colza, il s'agissait de mauvais gré.

M. Bara. - Sans doute. Mais à Saint-Genois, c'était pire que le mauvais gré. Lorsque, dans l'espace de quelques semaines, on voit toutes les propriétés appartenant aux membres du conseil communal de Saint-Genois livrées à l'incendie et à la dévastation, n'y a-t-il pas là quelque chose de plus dangereux que le mauvais gré ? C'était une véritable Jacquerie qui commençait dans les Flandres.

J'ai terminé, messieurs, avec les affaires de Saint-Genois.

Maintenant, messieurs, l'honorable M. Cornesse a parlé de la loi sur la mise à la retraite des magistrats. Il maintient son opinion ; il attaque vivement cette loi et il cite à l'appui de sa thèse ce qui s'est passé, en France.

(page 586) Des attaques, dit-il, se sont produites en France contre le principe admis par la loi de 1867.

Reste à voir si une partie de ces attaques ne doit pas être attribuée à la situation politique de nos voisins. Mais ces attaques ne sont pas telles, qu'elles ébranlent la force de la loi que l'on ne modifie pis. Au surplus, je ne comprends pas ce système qui consiste à attaquer une loi que l'on peut réviser.

Si la loi est mauvaise, pourquoi M. Cornesse n'en a-t-il pas proposé la révision ?

Sur les troubles de Bruxelles, l'honorable M. Cornesse a invoqué des rapports de la police secrète.

Je lui ai dit que la police secrète ne peut intervenir dans les débats de la Chambre.

C'est une information pour le ministre, mais jamais on ne peut invoquer un rapport de la police secrète, parce que l'agent ne peut être dévoilé et que le ministre lui-même ne le connaît pas.

C'est un indice et pas autre chose.

On ne peut invoquer que la police régulière.

Il y a eu trois instructions judiciaires. Aucune n'a révélé que l'on ait fait des tentatives d'excitation à l'égard de la classe ouvrière. C'est du moins ce que l'on m'a assuré.

L'honorable M. Cornesse en est donc pour ses frais.

Il a accusé légèrement on ne sait qui, et il ne le sait pas lui-même, d'avoir soudoyé des habitants de Bruxelles.

L'honorable membre a critiqué la statistique que j'ai faite au sujet des nominations judiciaires, parce que je n'y ai pas compris les avancements.

Mais, messieurs, les ministres sont, la plupart du temps, obligés de s'en tenir aux présentations, et, dans les parquets, la plupart du temps, les promotions sont indiquées.

C'est par exception que l'on déroge à ces présentations et quant aux avancements dans le parquet, je le répète, les candidats sont la plupart désignés. Ce n'est que très rarement qu'on peut passer au-dessus de certains fonctionnaires.

L'honorable membre a dit que beaucoup de libéraux avaient été nommés. Eh bien, je le déclare au pays, si l'on voulait faire la statistique politique de la magistrature, je suis convaincu que l'on trouverait que plus de la moitié de la magistrature appartient à l'opinion catholique. Et ce que je dis, je le dis sérieusement. Mes honorables amis ont occupé vingt ans le pouvoir et malgré cela je suis convaincu que la majorité de la magistrature du pays appartient à l'opinion catholique.

On m'a reproché, croyant avoir un argument ad hominem, ce que j'avais fait pour le tribunal de Tournai. Eh bien, pendant longtemps le tribunal de Tournai a été composé presque exclusivement de catholiques. Savez-vous combien il y en a maintenant ? Le tribunal a deux chambres ; il y a trois catholiques, que voulez-vous de plus ?

M. Bouvier. - Ils ne sont jamais contents. (Interruption.)

M. Bara. - Et dans ces trois magistrats il y en a un qui a été nommé par moi. Un second, nommé par l'honorable M. Cornesse avait été nommé, je pense, juge suppléant par moi.

Mais j'ai nommé à Liège un jeune homme qui, paraît-il, faisait du journalisme. Il a écrit peut-être quelques articles ; je n'en sais rien. Mais ce n'était pas un journaliste en règle. Je n'ai d'ailleurs pas dit que des journalistes ne pouvaient pas être nommés. J'ai dit que vos nominations se faisaient parmi les journalistes les plus colorés, et je le disais pour prouver l'injustice des attaques que vous aviez dirigées contre moi.

Mais ce magistrat que j'ai nommé à Liège et qui est un homme très capable avait eu le malheur d'avoir un duel.

Pourquoi M. Cornesse, qui lui en faisait un crime, est-il allé s'asseoir sur le banc ministériel à côté de M. Wasseige ?

M. Wasseige a eu aussi un duel.

M. Wasseige. - Il y a eu une ordonnance de non-lieu.

J'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, car ce n'est pas la première fois que M. Bara apporte ce fait à la tribune. Oui, à 21 ans j'ai eu un duel, mais l'instruction commencée contre moi a abouti à une ordonnance de non-lieu ; je n'ai donc pas été condamné, et c'est quinze ans plus tard que j'ai été nommé juge suppléant ; cela ne ressemble guère au fait reproché à M. Bara.

M. Bara. - Enfin, vous avez eu un duel comme M. Desoer et vous avez eu plus de chance que lui, car il n'a pas, comme vous, échappé à la justice.

M. Dumortier. - Ce qu'on vous reproche, c'est votre conduite différente envers les uns et envers les autres.

M. Bara. - M. Dumortier voudra bien m'indiquer s'il y a eu un catholique éliminé pour s’être battu en duel. (Interruption.) Ah ! vous parlez de la grâce accordée à M. Desoer,

Pour cette grâce, je suis très à mon aise. M. Cornesse a parlé de ce qu'il ne connaît pas.

Deux personnes effectivement ont été condamnées en même temps que M. Desoer pour ce duel ; je n'ai pas examiné la part que chacun d'eux avait prise au délit ; je n'avais pas à m'en occuper, mais voici ce qui s'est passé : M. Desoer a demandé sa grâce ; il s'est adressé au Roi ; les autres personnes n'ont pas demandé grâce, elles ont fait plus : elles sont allées trouver le procureur du roi et lui dire : Nous vous prévenons que nous ne demanderons pas notre grâce, et vous aurez à nous emprisonner tel jour.

C'étaient des prisonniers qui s'imposaient : le procureur du roi n'a pas voulu les recevoir. Voici la lettre que l'un d'eux a adressée au procureur du roi :

« Monsieur le procureur du roi,

« Ayez la bonté, je vous prie, de signer l'ordre d'écrou qui est nécessaire pour que je puisse accomplir la peine qui m'a été infligée comme témoin du duel de M. Mallet et Desoer. J'ai l'intention bien résolue de ne pas faire de requête en grâce, et il me serait beaucoup plus agréable de subir ma peine en ce moment où l'on est en vacances et où mes affaires subiront par conséquent peu de dommage, que plus tard, lorsque siégeront les tribunaux.

« Recevez, etc. (Signé) Guinolle. »

Il s'agissait d'une peine très légère ; mais l'auteur de cette lettre a voulu se mettre en évidence ; il voulait à toute force aller en prison. D'après M. Cornesse, j'aurais dû prendre l'initiative pour lui faire obtenir grâce.

Mais ce n'était pas possible.

L'honorable M. Malou nous disait l'autre jour : Le gouvernement ne peut pas se laisser braver, le gouvernement qui se laisse braver n'a plus aucune force. Et je n'ai pas voulu céder à une sommation. (Interruption.)

Sans doute, les choses se présentaient ainsi dans le cas dont il s'agit. On disait au gouvernement : M. Desoer a demandé grâce et il l'a obtenue ; mais nous ne demandons pas grâce, et vous serez forcé de nous gracier, ou nous irons en prison.

J'ai laissé jouer cette petite comédie ; je n'ai pas pris l'initiative pour faire obtenir grâce à ceux qui ne voulaient pas descendre jusqu'à demander quelque chose à l'odieux gouvernement d'alors.

Je trouve singulier qu'on me vienne reprocher cette conduite ; et M. Cornesse lui-même, s'il s'était trouvé dans les mêmes circonstances, n'aurait pas agi autrement que moi.

Je le répète, il s'agissait d'une personne qui, à raison de sa condamnation, voulait se mettre en évidence et faire acte d'hostilité contre le gouvernement ; il ne voulait pas faire comme tout le monde et demander grâce.

La première chose à faire, en ces matières, c'était de s'incliner devant l'arrêt ; si on ne le veut pas, qu'on se résigne à faire sa prison.

L'honorable M. Cornesse a terminé son discours en exaltant l'impartialité dont le cabinet dont il était membre avait fait preuve, impartialité dont l'Europe, paraît-il, a été émerveillée. Le ministère a, dit-il, maintenu beaucoup de fonctionnaires libéraux en place. Mais, messieurs, sous le ministère libéral beaucoup de hauts fonctionnaires catholiques sont restés en fonctions, des gouverneurs, des commissaires d'arrondissement, les gouverneurs de Namur, de Hasselt, les commissaires d'arrondissement de Charleroi, de Turnhout, etc.

Eh ! messieurs, soyons francs, vous n'avez pas usé de rigueur par une raison toute simple. Quelle était votre situation ? Le gouverneur du Hainaut devait se retirer ; il sollicitait sa démission depuis longtemps ; un autre gouverneur était à la veille de se retirer également, vous saviez parfaitement que ces places vous étaient acquises, et vous n'avez pas à vous vanter beaucoup de votre prétendue modération. En réalité, il reste bien peu de gouverneurs libéraux et encore je me demande si l'on ne trouvera pas moyen d'en faire partir quelques-uns encore. Je crois qu'on le trouvera.

Et puis, messieurs, n'a-t-on pas exigé de beaucoup de fonctionnaires du gouvernement des attitudes qui ne convenaient pas à tout le monde ? Ainsi, un honorable commissaire d'arrondissement, M. Carton, a dû se retirer...

M. Kervyn de Lettenhove. - Pas le moins du monde.

M. Bara. - Vous l'avez révoqué.

Remarquez, messieurs, que dans tout le discours que j'ai prononcé, je n'ai pas même attaqué M. Cornesse ; j'ai dit que je m'étonnais beaucoup que M. Cornesse et M. Wasseige notamment, M. Wasseige, qui avaient si (page 587) vivement attaqué les nominations que j'ai faites, aient fait pis que moi ; vous êtes descendus de 14 à 4 p. c. de nominations dans le parti de l'opposition. (Interruption.)

Vous niez, mais j'aurais le droit de nier aussi les chiffres de M. Wasseige.

Pour prouver que mes calculs sont impartiaux, je vous ai demandé de confier au bureau le soin d'examiner les renseignements que je produisais et vous ne l'avez pas accepté.

Cependant il ne pourrait pas y avoir de grandes contestations sur vos candidats ; la plupart ont posé des actes publics dont il existe des traces dans les journaux ; ou ce sont des candidats politiques ou des journalistes, ou des présidents ou des secrétaires d'association catholique, ce sont des personnes lancées dans la politique, ce ne sont pas des modérés qui se sont bornés à émettre un vote ; vous avec choisi dans la partie militante de votre parti. (Interruption.)

J'ai dit aussi que M. Cornesse avait nommé des Langrandistes ; M. Cornesse me répond : On ne pourra donc plus être nommé, parce qu'on a été victime de Langrand ? Mais, ce ne sont pas des victimes qui ont été nommées ; ce sont ceux qui ont fait les victimes ; ce sont des personnes qui étaient connues comme agents de Langrand et dont les noms étaient imprimés dans des circulaires, dans des brochures, dans des écrits.

On dit même qu'il y en a qui avaient une plaque sur leur porte annonçant qu'ils représentaient le comte Langrand. (Interruption.) C'est comme cela.

Voilà les nominations que vous avez faites. Je ne les attaque pas au delà. Votre impartialité en matière de nominations judiciaires vous a poussé à ne nommer que 4 p. c. de libéraux. Si l'on voulait examiner d'autres parties de votre administration, on verrait que vous avez presque partout éliminé les libéraux. Vous les avez exclus jusque des conseils de milice. On a fait dans ces conseils toutes les éliminations possibles dans les deux Flandres, dans la province de Liège.

M. Bouvier. - Dans le Luxembourg aussi.

M. Bara. - On n'était plus bon pour être président ou membre d'un conseil de milice dès qu'on était libéral. Dans les jurys d'examen, la même chose. Dans l'affaire Balthazar, on voit un pauvre garde champêtre, qui avait eu le malheur de colporter une liste libérale sur l'ordre de son bourgmestre, devenir indigne de tout avancement. Balthazar était l'adversaire de M. Cornesse ; il avait peut-être voté contre lui. Tout est fini pour lui ; il ne peut plus aspirer au moindre avancement.

M. Bouvier. - Pauvre Balthazar !

M. Bara. - Les professeurs de Rochefort ont été déplacés parce qu'ils avaient été trop tard au café ou plutôt parce qu'ils déplaisaient à l'évêque de Namur. Donc, messieurs de la droite, ne parlez pas de votre impartialité.

Pendant tout le temps que vous avez été au pouvoir, vous avez été constamment exclusifs.

Les libéraux ont été éliminés de toutes les positions, soit dans l'ordre des fonctions administratives, soit dans l'ordre des fonctions judiciaires. Je me permets de vous dire que les airs de modération et que les allures de conciliation que vous affectez ne vous conviennent pas. Le programme que vous avez lancé dans le public avant les élections a été complètement démenti par votre conduite et vous n'êtes plus autorisés aujourd'hui à nous attaquer au sujet de ce que nous avons fait alors.

M. Reynaert. - La Chambre comprendra que je n'ai pu que difficilement apprécier le rapport dont a donné lecture l'honorable ministre de la justice.

Mais je puis cependant vous affirmer que ce rapport n'est que la confirmation des faits que j'ai eu l'honneur d'exposer hier devant vous. Que vous ai-je dit, messieurs ?

Qu'à peine Depoorter condamné, on avait ouvert contre lui une instruction nouvelle basée sur un fait nouveau, sur un délit de bris d'arbres, découvert postérieurement à son arrestation, et sur lequel le témoin Sabbe avait été appelé à déposer ; que le juge d'instruction n'avait pas fait rapport à la chambre du conseil sur cette instruction nouvelle et que par conséquent la chambre du conseil n'avait pas eu à statuer.

J'ai critiqué cette manière d'agir et je vous ai dit qu'elle était contraire aux prescriptions les plus formelles du code de procédure criminelle.

Le rapport du procureur général constaté et confirme mes affirmations. Il est vrai que le procureur général prétend qu'il a dû interrompre l'instruction parce que, d'après l'article 61 du code pénal, « lorsqu'un crime concourt soit avec un ou plusieurs délits, soit avec une ou plusieurs contraventions, la peine du crime sera seule prononcée. »

M. De Lehaye - Il ne s'agit là que de la peine,

M. Reynaert. - Sans doute, il n'est question que de la peine, Je vous demande une seule chose, messieurs. Si on a trouvé dans c’article 61 du code pénal un motif d'interrompre l'instruction, pourquoi alors cette instruction avait-elle été commencée ? Evidemment le motif existait au commencement de l'instruction ou il n'existait pas du tout.

Je vous ai dit encore, messieurs, que le fait signalé par Sabbe et argué de faux par Depoorter avait été dénoncé plusieurs fois, soit par lui-même, soit par son curateur et que M. le procureur général avait refusé de donner suite à ces dénonciations répétées, régulièrement formulées.

Eh bien, ici encore je suis d'accord avec les déclarations de M. le procureur général.

J'ai entendu les explications qu'a données M. le procureur général pour justifier son refus de poursuivre. Mais, je le regrette, il m'est impossible de les admettre. (Interruption.)

Si je n'ai pas de bonnes raisons à vous donner, vous apprécierez ; mais du moins écoutez-moi.

Voici la première raison donnée par M. le procureur général.

M. Bara. - Nous ne pouvons discuter vos raisons.

M. de Borchgrave. - Laissez parler. On ne vous a pas interrompu.

M. Reynaert. - C'est une raison juridique.

M. le procureur général prétend que le fait dénoncé par Depoorter ne constitue pas un faux témoignage parce que, d'après lui, il n'a pas un rapport direct avec le crime pour lequel Depoorter a été condamné en cour d'assises.

Eh bien, messieurs, je pense que le procureur général est dans l'erreur.

Il vous a cité, si je ne me trompe, Chauveau et Hélie et, précisément, je suis obligé de constater que Chauveau et Hélie disent le contraire dans leur Théorie du Code pénal, t. II, p. 189, n°3052-3054.

Dalloz partage l'avis de Chauveau et Hélie et il y a de nombreux arrêts qui condamnent la doctrine professée par M. le procureur général.

Voici ce que dit Dalloz au mot « Faux témoignage », n° 12 :

« Il a été jugé que la fausse déclaration faite aux débats suffirait pour constituer le faux témoignage, lors même que la fausseté porterait sur un fait étranger à l'accusation, s'il pouvait en résulter une impression favorable ou défavorable. Il s'agissait, dans l'espèce, d'une prévention de viol, et le témoin avait ajouté qu'il était à sa connaissance, ce qui fut prouvé faux, que l'accusé avait commis le même crime dans une autre occasion. Il est bien certain que ce fait, bien que complètement étranger à l'accusation, portait néanmoins préjudice à l'accusé, en ce sens qu'il pouvait exercer une grande influence sur la décision du jury. Aussi est-ce avec raison que la peine du faux témoignage a été appliquée. »

Maintenant, messieurs, je vous le demande, en fait la déposition dont il s'agit n'a-t-elle pas dû exercer sur l'esprit du jury une influence considérable ?

De quoi s'agissait-il ?

Rappelez-vous bien les faits, messieurs. Depoorter avait été arrêté d'abord, non pour une tentative d'incendie, mais pour un complot d'incendie et de destruction de récoltes.

Or, qu'est-ce que Sabbe venait dire ?

Il disait que dans la soirée du 2 août, il avait vu Depoorter briser des arbres au nouveau cimetière de Saint-Genois, qu'il l'avait suivi et qu'il l'avait reconnu chez le cabaretier Marcou.

N'est-ce pas là une forte présomption que Depoorter faisait partie du prétendu complot dont le programme consistait à incendier les meules, à briser les arbres, à détruire les récoltes de tabac, ou plutôt n'était-ce pas la preuve même de ce prétendu complot ? Et quand Depoorter était plus tard poursuivi pour une tentative d'incendie, ce fait ne venait-il pas puissamment corroborer les autres présomptions que l'on fit valoir contre lui ?

L'honorable procureur général invoque encore les faits, les déclarations des témoins.

Ici, messieurs, je ne puis que difficilement répondre aux arguments de M. le procureur général. (Interruption.) C'est à peine si j'ai entendu les noms des témoins, mais ce qui est certain, ce que j'affirme, sans crainte d'être démenti, c'est que les dépositions des témoins, sur lesquelles M. le procureur général se base pour dire que les affirmations de Sabbe étaient véridiques, ont été empruntées à cette instruction incomplète et (page 588) défectueuse qui avait été faite contre Depoorter, en son absence, sans qu'il en eût été informé, et alors qu'il n'avait aucun moyen de se défendre.

Et ce qui n'est pas moins incontestable, messieurs, c'est que les nombreux témoins dont les noms sont indiqués par Depoorler et qui devaient confirmer la véracité de. sa dénonciation n'ont pas même été entendus. Si on les avait appelés, le résultat de l'instruction eût été tout autre.

M. le président. - Abrégez le plus possible, s'il vous plaît, M. Reynaert.

M. Reynaert. - Je n'ai plus qu'un mot à ajouter, M. le président.

Pour apprécier complètement le rapport de M. le procureur général et les faits que j'ai dénoncés hier au pays, il serait nécessaire d'avoir sous les yeux le dossier de cette affaire. (Interruption.)

M. Bouvier. - Nous ne sommes pas une cour de justice.

M. Reynaert. -Maintenant, messieurs, un mot de réponse à M. Bara. M. Bara, selon son habitude, payant d'audace... (Interruption.)

- Voix à gauche. - Oh ! oh !

M. Bouvier. - Voilà de la modération !

M. Reynaert. - ... est venu donner lecture à la Chambre de la réponse qu'il me faisait il y a trois ans. Il m'avait donné alors un démenti et il a cru, sans doute, que je me proposais de donner moi-même lecture de cette pièce à la Chambre ; c'est pourquoi il m'a prévenu.

Je vous ai prouvé hier, messieurs, combien ces démentis étaient en contradiction avec les faits.

En effet, que nous disait, à cette époque, M. Bara ?

Il nous disait que nous n'aurions jamais pu apporter la moindre preuve de sa coopération à l'instruction de l'affaire de Saint-Genois.

Or, je lui-ai prouvé hier le contraire. (Interruption.)

M. Bouvier. - Voilà de l'audace !

M. Reynaert. - Mais, messieurs, comment est-il possible de nier des faits aussi clairs, aussi évidents ?

Comment ! le procureur général se rend quinze fois à Bruxelles pendant cette instruction.

M. Frère-Orban. - Une fois par incendie.

M. Reynaert. - Le jour même où Depoorter a été arrêté, le procureur général a eu une conférence avec M. Bara, ainsi que le jour où les visites domiciliaires ont eu lieu chez les prêtres de Saint-Genois et chez le notaire Opsomer.

M. Bara. - Qu'est-ce que cela fait ?

M. Reynaert. - Et que vous répond M. Bara ? Il dit : Si les magistrats de Courtrai et de Gand sont venus chez moi, c'est pour me rendre compte des faits de l'instruction, c'est pour me rendre compte des incendies qui se sont produits à Saint-Genois et pour rechercher avec moi les moyens d'y mettre un terme.

M. Bara. - Pas du tout, je n'ai pas dit cela. (Interruption.)

M. Reynaert. - C'était tout au moins pour vous donner des explications sur ce qui s'était passé à Saint-Genois.

Eh bien, vous me permettrez de vous exprimer mon étonnement de ce que, dans cette affaire, il n'y ait pas eu un seul rapport écrit.

D’ordinaire, quand le procureur général, quand les procureurs du roi ont à rendre compte au ministre de la justice de faits graves qui se passent dans leur circonscription, c'est par des rapports écrits qu'ils le font ; et ici rien n'est écrit ; tout est verbal.

Vous dites que c'est pour vous donner des renseignements et non pour recevoir des instructions que ces magistrats sont venus vous trouver, et vous me demandez de vous prouver le contraire.

Mais il m'est impossible de vous apporter ces preuves ! (Interruption.)

Est-ce que donc j'ai assisté, moi, aux conversations de M. Bara avec le procureur général ? Et qu'y a-t-il de plus clair que ceci ?...

M. Bara. - Ce qu'il y a de plus clair, c'est l'arrêt de la cour d'assises.

M. Reynaert. - M. Bara écrit de sa propre main : Si des magistrats sont venus à Bruxelles, c'est pour conférer avec moi sur l'instruction de l'affaire de Saint-Genois. Le procureur du roi de Courtrai écrit de son côté : « Voyages à Bruxelles pour conférer avec M. le ministre de la justice sur l'instruction de l'affaire de Saint-Genois. » (Interruption.)

A entendre M. Bara,

« Le ciel n'est pas plus pur que le fond de son cœur ! »

Oh ! il ne voudrait pas intervenir dans les instructions judiciaires ; Jamais il n'a fait cela. Il a toujours laissé à la magistrature la plus complète indépendance.

Puis-je donc rappeler, M. Bara, une circonstance récente où vous dictiez des réquisitoires à M. De Bavay ; où vous lui faisiez la défense formelle d'invoquer la prescription, qui est d'ordre public ?

Voilà, certes, des faits qui prouvent qu'auparavant vous étiez capable de poser les mêmes actes.

J'en ai dit assez.

M. Bara. - Ce qui prouve l'inexactitude des déductions de M. Reynaert, c'est ce qu'il vient de dire. Il dit que le jour où l'on a fait des perquisitions chez telle ou telle personne, le procureur général a eu une conférence avec moi. Ce n'est donc pas moi qui ai ordonné ces perquisitions, si le procureur général conférait avec moi le jour où les perquisitions ont eu lieu. Mais voyez l'ignorance de l'honorable membre. (Interruption.)

Ignorance complète, messieurs (interruption), mais qui est-ce qui ordonne les perquisitions ? (Interruption.)

Comment ! vous m'interrompez, vous, M. De Lehaye, ancien procureur du roi à Gand ! C'est le juge d'instruction qui les ordonne et c'est lui, c'est M. De Blauwe qui les a ordonnées et qui en a assumé l'entière responsabilité.

M. Reynaert a reçu le démenti de cet honorable magistrat et s'est bien gardé de le relever.

Maintenant il parle de quinze voyages ; mais l'affaire de Saint-Genois a commencé en août, je pense ; elle a ensuite occupé la Chambre pendant trois semaines, et tous les jours des faits nouveaux étaient mis en avant par la presse cléricale pour incriminer les magistrats ; j'ai été bien forcé de les faire venir.

Le procureur général lui-même a dû venir me demander les moyens pour arrêter les incendies ; il fallait faire des frais, avoir des agents. Fallait-il laisser continuer les incendies ?

Leurs voyages ont été nécessités en partie par les attaques de la presse et les discours de M. Reynaert et Dumortier.

Est-ce que je me suis caché d'avoir eu des rapports avec ces magistrats ? Mais je le disais tous les jours à la Chambre dans la discussion. J'invoquais mes conférences avec les magistrats.

En rappelant ces conférences, vous ne prouvez donc nullement que c'est moi qui ai dirigé l'instruction judiciaire. Les magistrats, je le répète, pour tout ce qui concerne l'instruction judiciaire, ont agi dans toute leur indépendance.

Parce que M. Reynaert est inspiré par le fanatisme et qu'il ne voit plus clair, il s'imagine que dès qu'un fonctionnaire vient chez moi, c'est pour comploter et qu'alors je dirige l'instruction judiciaire. Mais avant, mes démêlés avec M. de Bavay, M. de Bavay venait au ministère plus souvent qu'aucun magistrat de la Belgique. (Interruption.)

Quand un argument gêne M. de Kerckhove, il dit : Oh ! oh ! et il croit qu'il a répondu.

Ce n'est pas là raisonner.

M. Reynaert m'a reproché en outre d'avoir imposé un réquisitoire à M. de Bavay.

C'était un devoir, et je l'ai rempli ; et les résultats que j'ai obtenus on été favorables à l'ordre judiciaire.

M. le procureur général de Bavay qui avait ouvert une instruction sur les affaires Langrand, sur une plainte, qui lui avait été adressée par un particulier. M. le procureur général de Bavay avait, au dire d'un journal, fait une instruction ridicule et manqué à ses devoirs. On formulait contre lui des faits précis.

La position de M. de Bavay en souffrait beaucoup, il avait perdu de son autorité, d'autant plus qu'ayant lu l'instruction je trouvais des éléments qui pouvaient faire croire au fondement de certaines des attaques dirigées contre lui. Je n'avais pas voulu me faire juge de M. de Bavay. Je lui ai écrit que, jusqu'à preuve du contraire, sa situation était pour moi entière, mais je lui indiquais formellement que je désirais voir vider son différend avec la Cote libre et M. Mandel.

Je lui prescrivais de poursuivre M. Mandel.

Qu'a fait M. le procureur général ? Il met de côté les instructions que je lui avais transmises ; il fait autre chose que ce que je lui avais prescrit. (Interruption.)

Le ministre de la justice a le droit incontestable de faire un réquisitoire.

M. De Lehaye. - C'est douteux.

M. Bara. - C'est si peu douteux que, du jour au lendemain, si M. le procureur général ne veut pas soumettre ce réquisitoire, le ministre de la justice peut lui demander sa démission.

Je reconnais que cela ne doit pas se faire souvent ; mais le droit existe en principe et il a été appliqué dans plusieurs circonstances. Il y a à cet (page 589) égard un article formel dans le code d'instruction criminelle, l’article 274, qui dit : « Le procureur général, soit d’office, soit par les ordre du grand juge, ministre de la justice, charge le procureur impérial de poursuivre les délits dont il a connaissance. »

Je n'ai usé de ce droit que dans une circonstance importante, on l'honneur du procureur général de Bruxelles était mis en question. Eh bien, j'ai dit au procureur général : Vous pouvez poursuivre, comme vous le jugez convenable, mais vous poursuivrez, ou bien je vous donnerai l'ordre de le faire. Il a manqué à l'exécution de cette instruction et c'est alors que j'ai été obligé de rédiger moi-même un réquisitoire. M. le procureur général a lu ce réquisitoire, mais comme venant de moi et non comme venant de lui. La chambre du conseil savait fort bien que c'était moi qui avais fait le réquisitoire, la chambre des mises en accusation n'aurait pas manqué de dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie, si je n'avais pas eu le droit de lui soumettre un réquisitoire. Elle a, conformément à ce réquisitoire, renvoyé le journaliste incriminé devant la cour d'assises.

Si vous voulez discuter la légitimité de l'usage que j'ai fait de mon droit, je suis prêt ; mais vous n'y gagnerez rien, je vous l'assure à l'avance.

M. Reynaert. - Je demande la permission de dire un mot.

M. Bouvier. - Mais nous ne sommes par une cour de justice.

M. le président. - La Chambre désire, je crois, clore ce débat.

M. Reynaert. - M. Bara vous a dit que les visites du procureur général avaient été surtout provoquées par la discussion soulevée dans cette Chambre et par les attaques que j'avais dirigées contre la magistrature.

Eh bien, il n'en est absolument rien.

Le discussion a eu lieu au mois de décembre et, sur les quinze voyages du procureur général, savez-vous combien il y en a eu en décembre ? Un seul !

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. Drubbel. - Je l'ai déjà demandée.

M. le président. - Ne vaudrait-il pas mieux clore l'incident ?

- Voix à gauche. - Laissez parler !

M. Drubbel. - J'insiste pour avoir la parole.

M. le président. - Je crois que la Chambre désire clore ce débat.

M. Rogier. - Le débat est-il clos, M. le président ?

M. Dumortier - On veut clore le débat, mais nous ne le voulons pas.

M. de Rossius. - C'est nous qui ne le voulons pas.

M. Drubbel. - L'honorable M. Bara a cru devoir, à l'occasion du budget de la justice, ressusciter l'affaire de Saint-Genois, critiquer vivement la grâce accordée à Depoorter et rappeler la condamnation du vicaire Van Ezcke comme encourue à raison et au sujet des mêmes faits.

A son tour, l'honorable M. Reynaert s'est empressé d'élargir le débat, et entraîné par son dévouement pour Depoorter, dont les malheurs, immérités à ses yeux, lui ont fait épouser passionnément la cause, il n'a pas reculé à attaquer ici ouvertement l'honneur et l'intégrité de plusieurs magistrats.

Il m'est impossible d'assister à ce triste débat sans faire entendre une parole de regret et de protestation.

Je n'entends pas apprécier les événements dont Saint-Genois a été le théâtre et contribuer à prolonger une discussion que je considère, à tous égards, comme regrettable, discussion qui ne peut aboutir et qui ne peut avoir d'autre effet que d'irriter les esprits.

Dans cette affaire de Saint-Genois, l'esprit de parti est trop mêlé pour qu'on puisse sainement et impartialement apprécier les faits ; on ne tient pas assez compte de la prévention favorable ou défavorable qui, à notre insu, influe sur notre jugement ; encore une fois l'esprit de parti a tout exagéré, et tandis que d'une part aucuns vont, comme l'honorable M. Reynaert, jusqu'à suspecter l'intégrité des magistrats, d'autres, comme l'honorable M. Bara, croient à un parti pris de tout excuser dans un intérêt politique, et étouffant tout sentiment de générosité, croient devoir critiquer amèrement l'exercice, même légitime, du droit de grâce.

Je ne saurais, pour ma part, m'associer à ces efforts.

Et ainsi je dirai à l'honorable M. Reynaert : Je n'admets pas qu'il soit possible que des magistrats oublient leur caractère et l'auguste mission qu'ils tiennent de la loi jusqu'à forfaire à leurs devoirs pour complaire à un parti politique ou satisfaire à des rancunes personnelles ; non, cela n'est pas admissible, et soyez persuadé qu'ils sont de bonne foi dans leur appréciation, même alors que, dans votre appréciation, ils paraissent pécher par excès de zèle ou de langage.

Qu'il me soit permis de nommer ici un de ces magistrats, celui qui précisément semble être plus particulièrement l'objet de vos suspicions, M. l'avocat général de Paepe ; eh bien, mieux que personne, je le connais, je sais l'apprécier, et j'affirme que c'est un magistrat intègre aussi bien que de talent. Oh ! je le reconnais, il a des opinions politiques très accentuées, et âme ardente, il peut se laisser facilement entraîner ; mais encore une fois, j'affirme que, même dans ses entraînements, il n'obéit qu'a sa conviction et à ce qu'il croit être son devoir.

Qu'on me permette de le dire, le respect de l'autorité se perd de plus en plus, c'est incontestablement un des grands maux de la société actuelle ; ne contribuons pas par des efforts irréfléchis, quoique bien intentionnés, à ébranler ce qui reste de prestige à l'autorité judiciaire.

Plus qu'aucun autre pouvoir, elle a besoin de prestige et de respect, et reconnaissons même que la magistrature belge en définitive et dans son ensemble n'a rien à envier à celle d'aucun autre pays.

Est-ce à dire cependant qu'on ne puisse discuter ses actes et qu'on doive s'incliner devant ses décisions jusqu'à imposer silence à sa raison et à sa conscience ?

Evidemment non. Sans doute il est de principe que la chose jugée est l'expression de la vérité ; mais il ne s'agit là que d'une vérité légale, sociale, en d'autres termes, d'une présomption que des nécessités d'ordre public ont fait accepter comme un abri salutaire pour les citoyens contre des prétentions qui se renouvelleraient toujours et viendraient incessamment troubler leur repos.

Mais la chose jugée en elle-même et à d'autres points de vue reste discutable et ne s'impose pas nécessairement à la raison et encore moins à la conscience, pas plus quand elle émane du jury que quand elle émane des magistrats ; tous les jours, des jugements et des arrêts sont discutés, voire même réformés ; combien n'y a-t-il pas eu de décisions du jury, notamment des acquittements, qu'on a publiquement critiquées, regrettées !

Il est donc parfaitement permis de différer d'appréciation, car les juges, les jurés ont pu se tromper ; ce qu'on ne peut pas, c'est suspecter l'honneur ou la bonne foi des magistrats et des jurés.

Or, et à ce point de vue, je n'hésite pas à dire, à mon tour, qu'en présence des éléments du procès en ce qui concerne Depoorter, j'ai toujours douté très sérieusement de sa culpabilité, et je connais bien des personnes et des plus compétentes et qui appartiennent carrément à l'opinion libérale qui, comme moi, n'eussent pas osé le tenir pour convaincu.

Lors donc que l'honorable M. Reynaert nous dit qu'il est persuadé de l'innocence de Depoorter, sa conviction est respectable et l'expression n'en saurait être un outrage à la justice, si dans son entraînement et dans les efforts qu'il a faits pour la faire partager, il n'était allé jusqu'à faire suspecter l'intégrité des magistrats.

Voilà précisément aussi pourquoi l'honorable M. Bara a tort, à mes yeux, devenir critiquer l'ancien ministre de la justice, l'honorable M. Cornesse de la grâce qui a été accordée à Depoorter. On dirait vraiment que par cela seul que quelqu'un a été impliqué dans des faits qui passionnent les partis politiques, il cesse d'être citoyen, d'être compris dans le droit commun !

Je sais que tout à l'heure l'honorable M. Bara a cherché à expliquer sa critique, en disant que ce n'est pas tant la grâce accordée à Depoorter, comme telle, qu'il critique, mais le but que l'honorable M. Cornesse a eu en vue en provoquant la grâce, à savoir la révision ou la correction de l'arrêt de condamnation.

Mais que l'honorable M. Bara me permette de le lui dire, cette explication ne tient aucun compte de celle que l'honorable M. Cornesse a donnée : il nous a fait connaître, en effet, qu'au moment où Depoorter fut gracié, il avait déjà subi plus de deux ans d'emprisonnement cellulaire, et que, d'après les prescriptions de nos lois et règlements, Depoorter, condamné à cinq ans, devait être légalement et forcément mis en liberté au bout de deux ans et demi, de sorte que la grâce ne comportait, en réalité, que quelques mois.

Il me reste à relever ce que l'honorable M. Bara a dit concernant le vicaire Van Eecke. Moi qui, comme avocat, ai défendu le vicaire Van Eecke devant les tribunaux, je ne puis laisser dire en ma présence sans protester qu'il a été condamné à raison ou au sujet des faits d'incendie qui se sont produits à Saint-Genois ; on met réellement trop d'amertume et de persistance à attaquer ce prêtre, qui n'a jamais cessé d'être honorable ; moi qui l'ai vu de près, je vous atteste qu'il ne mérite point ces téméraires et opiniâtres accusations.

Il n'a point été condamné du chef des faits d'incendie à Saint-Genois, mais uniquement pour avoir, dans un sermon, attaqué un acte de l'autorité publique, un arrêté du bourgmestre de Saint-Genois, c'est-à-dire, en définitive, pour un délit politique ; je dis politique, non pas précisément dans l'acception juridique du mot, puisqu'il a été décidé souverainement que la connaissance devait en appartenir aux tribunaux ordinaires et non au (page 590) jury, mais dans l'acception vulgaire du mot, en ce sens que le fait incriminé n'est point immoral en soi, ne constitue point un délit commun, mais bien un délit spécial pour une certaine catégorie de personnes.

Au surplus, en rappelant sa condamnation, il eût été à la fois équitable et juste d'ajouter qu'il avait été acquitté en première instance.

M. Bara. - L'honorable M. Drubbel vient de dire que j'avais lancé une accusation téméraire en disant que le vicaire Van Eecke avait été condamné à raison des affaires de Saint-Genois. Il n'a évidemment pas lu les Annales parlementaires. Je n'ai nullement dit cela. J'ai parfaitement spécifié le cas pour lequel M. le vicaire Van Eecke avait été condamné. J'ai dit que c'était a raison d'un sermon qu'il avait prononcé et, à ce sujet, voici mes paroles :

« M. Bara. - Un vicaire à raison de ces mêmes faits, il n'a pas été condamné.

« M. Reynaert. - Non pas à raison de ces mêmes faits ; il n'a pas été condamné.

« M. Bara. - Au sujet de ces mêmes faits, ce vicaire, ayant prononcé un discours qui a été considéré comme contraire à la loi, a été condamné à une peine correctionnelle.

« M. Reynaert. - Délit politique.

« M. Bara. - Non, ce n'est pas un délit politique ; il a été jugé par le tribunal correctionnel. Dites, si vous voulez, que le mobile était politique, comme on peut dire que c'est par un sentiment d'indignation politique qu'étaient poussés ceux qui criaient : A bas le ministère ! lorsque le ministère a voulu réhabiliter Langrand et ses agents. »

Donc, on le voit, M. Reynaert m'interrompt au milieu de ma phrase ; il ne me laissé pas continuer et me dit : « Non pas à raison de ces mêmes faits. » Je continue : « Au sujet de ces mêmes faits, ce vicaire ayant prononcé un discours qui a été considéré comme contraire à la loi, a été condamné à une peine correctionnelle. »

Je prie donc, l'honorable M. Drubbel de vouloir lire les Annales parlementaires, il se convaincra que j'ai parfaitement caractérisé le fait pour lequel le vicaire Yan Eecke a été condamné. Délit politique ! dit M. Reynaert. Non, ce n'est pas un délit politique, puisque le vicaire Van Eecke a été condamné par la police correctionnelle.

Si j'ai parlé du vicaire Van Eecke, c'était à propos d'autre chose.

J'ai blâmé, et sur ce point l'honorable M. Drubbel, qui parlait tout à l'heure en faveur du respect dû aux décisions judiciaires, n'a pas répondu, l'ovation faite au vicaire de Saint-Genois à sa sortie de prison. Est-ce là le respect de la magistrature ?

M. Drubbel a dit tout à l'heure que j'avais attaqué la grâce accordée à Depoorter, comme grâce. C'est une erreur dont pourra se convaincre l'honorable député en relisant les Annales.

Je ne me suis pas occupé de la grâce de Depoorter pour autant qu'elle est un acte de clémence. Mais j’ai dit que cette grâce était exigée par la presse cléricale, exigée comme une réparation, comme la rectification de l'arrêt de la cour d'assises de Bruges, et j'ai dit que le ministre avait eu tort de donner à son acte ce caractère. C'est à cause de cela qu'il s'en fait gloire, c'est parce qu'il a en quelque sorte réformé le verdict du jury, et donné raison aux attaques de ses amis. Eh bien, ainsi envisagée et c'est de cette manière qu'elle a été comprise par tout le monde, c'est un acte blâmable.

M. Dumortier. - Dans la session précédente et dans celle-ci, l'honorable M. Bara s'est levé plusieurs fois pour traiter l'affaire de Saint-Genois, et chaque fois j'ai pris la parole pour lui répondre que, le jour où cette discussion s'engagerait, il m'aurait trouvé. Je croirais donc manquer à mes devoirs si, aujourd'hui qu'il vient de rappeler cette grave et importante affaire, je gardais le silence.

C'est pourquoi je demande à pouvoir parler, parce que j'ai été provoqué. J'ai relevé le gant chaque fois qu'il a été lancé, et je serais infidèle à mon mandat si j'agissais autrement.

On parle toujours de la magistrature, sans faire une distinction essentielle. A côté de la magistrature proprement dite, à côté de la magistrature assise, il y a d'autres magistrats ; quand la magistrature proprement dite a rendu des arrêts qui sont passés en force de chose jugée et qui se rattachent à des intérêts privés, nous devons nous incliner ; mais à côté de cette magistrature, vous avez des agents qui sont chargés de l'instruction ; vous avez les procureurs du roi, les procureurs généraux, les juges d'instruction qui, aux termes des lois, sont les agents de la police judiciaire.

Or, quand les actes de ces agents du pouvoir touchent aux grandes libertés publiques, il est de notre devoir et de notre compétence de nous en occuper, car si nous ne le faisions pas, nous pourrions livrer le pays à des persécutions incessantes.

Comment ! lorsque le code d'instruction criminelle déclare en termes exprès que les juges d'instruction sont sous la surveillance des procureurs généraux ; quand ce code déclare en termes non moins exprès que ce sont des officiers de police judiciaire, et encore une fois ces officiers de police sont sous la surveillance des procureurs généraux ; et les procureurs généraux, vous venez de l'entendre de la bouche de l'honorable M. Bara, sont sous la surveillance du ministre de la justice et doivent exécuter ses ordres ; je vous demande, messieurs, s'il est possible que les membres de la représentation nationale gardent le silence !

Non, nous avons le droit et surtout le devoir d'examiner avec sévérité la conduite des agents du pouvoir, alors que les libertés publiques sont en jeu et que les actes de ces agents sont de nature à les compromettre gravement. Ce serait manquer à tous nos devoirs, si nous ne discutions pas devant le pays des actes attentatoires à nos libertés, commis par les officiers de police judiciaire.

Quelles garanties resterait-il au pays, si dans le parlement nous nous faisions en pareille circonstance ? Quoi ! les visites domiciliaires, les arrestations arbitraires, les arrestations préventives, tout cela serait permis à des magistrats, parce qu'il sont officiers de police judiciaire ?

Si nous devions garder le silence dans un pareil cas ce serait le renversement de toutes nos libertés constitutionnelles ; et s'il n'était pas permis au parlement d'empêcher de pareils abus, vous auriez créé une inviolabilité contre laquelle le gouvernement ne pourrait rien, et qui serait la plus dangereuse de toutes les inviolabilités dans un gouvernement constitutionnel.

Ainsi distinguons, et ne parlons plus de magistrature, quand il s'agit d'officiers de la police judiciaire.

Les officiers de la police judiciaire, aux termes du code, sont responsables devant le procureur général, lequel est responsable devant le ministre, lequel est responsable devant nous.

Qu'on ne vienne donc pas nous accuser de porter atteinte à la magistrature quand nous discutons les actes des officiers de police judiciaire qui sont attentatoires aux libertés publiques ; je dis qu'en discutant ces actes nous remplissons, au contraire, un devoir sacré. N'oubliez pas que les attributions de ces magistrats sont immenses d'après le code ; qu'en Belgique, à chaque instant, chacun de vous, en dehors des sessions, peut être arrêté, peut subir des visites domiciliaires ; que votre fortune, votre honneur, votre existence même peuvent être compromis si vous ne portez remède à de pareils abus de pouvoir. Et de remède il n'y en a qu'un dans la Constitution ; c'est le droit du parlement de traduire à sa barre tous les officiers de police judiciaire qui se permettent de sévir contre les citoyens et de porter atteinte aux libertés publiques inscrites dans la Constitution.

Je n'y ai jamais manqué et je n'y manquerai jamais et en cela je ferai respecter l'ordre judiciaire.

Comme l'a dit l'honorable M. Reynaert, l'ordre judiciaire est éminemment respectable en Belgique ; mais n'oubliez pas que les officiers de police judiciaire ne sont pas la magistrature, que ce sont des agents du pouvoir et que, comme tels, ils sont responsables devant nous. J'ai dû établir cette distinction pour faire disparaître la confusion qu'on cherche toujours à faire ici. Si vous avez le malheur de signaler un fait d'un officier de police judiciaire, immédiatement vous avez attaqué la magistrature.

L'officier de police judiciaire est celui qui instruit au préalable ; le magistrat arrive ensuite ; il juge et il prononce.

Ne venez donc pas dire sans cesse, comme vous le faites, que l'honorable M. Reynaert a attaqué la magistrature lorsqu'il n'a fait qu'attaquer les officiers de la police judiciaire.

Messieurs, je suis dans une grande admiration, je ne dirai pas de l'audace mais de l'aplomb de M. Bara, dans la partie du discours qu'il a prononcée tout à l'heure. « Il ne faut pas que la Chambre se transforme en corps judiciaire ; il serait dangereux pour la société, il serait dangereux pour l'ordre public que nous en arrivions à ce point. » J'aurais compris ce langage dans la bouche de tout autre membre que M. Bara.

N'est-ce pas lui, en effet, qui est venu, il y a trois mois à peine, prononcer un réquisitoire pendant une séance entière aux applaudissements de la rue, contre la majorité de cette Chambre ? N'est-ce pas lui qui est venu ici avec les pièces secrètes d'un dossier judiciaire, pièces que ni les ministres, ni les membres de cette Chambre ne connaissaient. N'est-ce pas lui qui est venu nous représenter ici comme des voleurs ?

M. Bouvier. - On vous a excepté.

M. Dumortier. - Il faut de l'audace pour développer une pareille thèse quand on a sur sa conscience un fait aussi grave que celui que j'ai indiqué tout à l'heure.

Oui, vous avez provoqué la vindicte publique sur nos amis, à l'aide de (page 591) pièces que vous vous êtes procurées je ne sais comment, à l'aide de pièces dont vous seul avez pu vous servir sans que les accusés aient pu les voir pour se défendre. Quand on a de pareils faits sur la conscience, a-t-on le droit de parler de modération lorsqu'on est la violence et l'exagération poussées au plus haut degré ?

Je dirai nettement, énergiquement, comme je l'ai déjà fait, ce que je pense de l'affaire de Saint-Genois. Cette affaire est la plus déplorable, la plus honteuse que l'on ait jamais vue en Belgique.

- Des membres à gauche. - Et les incendies ?

M. Dumortier. - Certes, les incendies sont une abomination.

Les incendiaires devraient être poursuivis, ils ne le sont pas ; allez à Saint-Genois, messieurs, on vous dira qui ils sont, on le dit partout jusque dans les cabarets et ils ne sont pas poursuivis ! On donne des détails, on donne des explications et ils ne sont pas poursuivis !

Les affaires de Saint-Genois ont commencé par l'érection d'un cimetière civil et la suppression du cimetière catholique, ce qui a indigné, surexcité les populations catholiques. Puis est venu un sermon du vicaire Van Eecke qui a cité l'exemple, si fréquemment usité dans la chaire, de Sodome et Gomorrhe, qui avait prononcé cette parole si fréquente, dans la bouche d'un prédicateur ; à peu de temps de là, les incendies commencent ; eh bien, que fait-on ?

La justice arrive, c'était son droit, c'était son devoir ; mais, comme je l'ai déjà dit, il y avait à Saint-Genois deux fanatismes, celui qui ne voulait pas du cimetière civil et celui qui en voulait ; que fait-on ? On s'installe chez l'un de ces fanatismes et c'est là qu'on fait l'instruction et l'on reçoit les conseils de ces fanatismes pour persécuter les autres.

On commence par aller chez des personnes qui ne sont pas poursuivies, on va chez le curé, chez le vicaire, chez le directeur du pensionnat, on visite les papiers, on décacheté, on lit les lettres et tout cela lorsqu'il n'y avait contre eux ni présomption, ni prévention et que personne n'était prévenu d'un délit, et que cette instruction si longue n'a rien pu découvrir contre eux.

On commence par un acte de violation de domicile, violation arbitraire, du reste, toute l'affaire de Saint-Genois n'est qu'une série d'actes arbitraires contre les catholiques, parce qu'il fallait à M. Bara, dont le ministère était agonisant, trouver le prêtre incendiaire pour se cramponner à un pouvoir qui allait échapper.

Eh bien, ce prêtre incendiaire, vous ne l'avez pas trouvé, vous l'avez cherché en vain, et la justice, elle-même a dû déclarer qu'il n'y avait pas de poursuite à établir.

Vous avez promis, et vous avez bien fait, une prime de mille francs pour la dénonciation du coupable ; le vacher Vandeput est venu réclamer cette prime, en déclarant que c'était la femme Virginie Takens qui était l'auteur des incendies et qu'il l'avait aidée à commettre ces crimes.

Il a espéré, cet homme qui n'était pas très malin, par là de toucher la prime promise.

On arrête alors successivement les frères Delplanque, deux jeunes gens les plus honorables qui fussent jamais. On les conduit enchaînés comme de vils criminels, comme des assassins, de village en village jusqu'à Courtrai.

On les laisse cent jours en prison et on ne leur fait pas même connaître les motifs de leur arrestation.

Quand j'ai interpellé sur ce fait l'honorable M. Bara, il m'a répondu que ces jeunes gens avaient été arrêtés comme auteurs, coauteurs ou complices d'incendies.

Mais aux termes du code il faut, pour opérer une arrestation, qu'il y ait un fait et il n'y en avait pas. Auteur, coauteur ou complice ne constitue pas un fait, c'était donc une arrestation arbitraire.

Enfin, après cent jours, on les relâche sans même qu'ils aient été interrogés.

Ces victimes ne vous intéressent pas. Ce sont des cléricaux, il faut absolument qu'ils soient coupables. Enfin, on arrête Depoorter. Pourquoi ?

M. Bara vous l'a dit, dans la discussion de 1868, par suite de la déposition d'une servante de Devos qui prétendait avoir entendu une conversation de cet homme avec sa femme.

Or, la justice elle-même a reconnu que cette conversation ne pouvait être entendue du lieu où siégeait la servante.

Il aurait fallu que la voix traversât un ruisseau, une bande de terre et trois appartements, pour arriver jusqu'à la servante. Mais pourquoi arrêtait-on Depoorter ?

Depoorter, simple ouvrier, est un homme d'une grande intelligence.

Il voyait clair dans tout ce qui s'est passé ; il était à la recherche des vrais coupables ; il voulait révéler leurs noms à la justice ; déjà il avait annoncé qu'il donnerait les auteurs des incendies à la justice. Il fallait se débarrasser de Depoorter ; c'était un témoin dangereux. Et voilà pourquoi, sur la dénonciation d'une servante, on arrête un honnête citoyen ! On arrête également les frères Delplanque, probablement aussi sur une déposition semblable.

En un mot, on se débarrasse des témoins qui auraient pu faire connaître la vérité. Ces témoins, c'étaient des catholiques ; immédiatement en prison !

On fait plus : on va faire une visite domiciliaire chez le notaire Opsomer et on veut poursuivre cet honorable citoyen sur lequel le procureur général a jeté un blâme si profondément immérité en le déclarant coupable de suborner des faux témoins... (Interruption.) Accusation odieuse et contre laquelle je proteste de toute l'énergie de mon âme indignée.

Mais, messieurs, on est allé plus loin ; on a voulu l'accuser d'avoir lui-même allumer l'incendie. Un jour en revenant de Mouscron, où il était allé pour les devoirs de son ministère, il passe à côté d'une meule de foin ; à peine est-il passé que le feu prend à la meule. Immédiatement on prétend que c'est lui qui l'a allumé : heureusement pour lui, il y avait des témoins qui avaient vu mettre le feu aux meules et qui 'sont venus déclarer que le notaire Opsomer, qui était en voiture, n'était pas même descendu de sa voiture.

Voilà comment les choses se sont passées ! Jugez par là de la conduite de nos adversaires !

On ne s'est pas encore arrêté là ; il s'agissait du parti catholique. On a arrêté l'éditeur du Jaer 30, on va faire des visites domiciliaires chez M. Tremery, éditeur du Catholyke Zondag.

On a voulu mettre ces deux journaux en suspicion. Et, remarquez-le bien, on en était arrivé, dans tout ceci, à cet abominable système de la complicité morale qui est condamnée par nos lois, qui est répudiée par nos lois. Qu'a-t-on fait ? On a emprisonné pendant quinze jours, l'éditeur du Jaer 30, on a été ensuite forcé de le relâcher ; on a fait des visites domiciliaires chez lui ; on a emporté jusqu'à la liste de ses abonnés, et on ne la lui a pas même rendue.

On a été en faire de même chez M. Van Bocelaere, on a pratiqué des visites domiciliaires, et tout cela lorsque la presse n'avait pas posé un seul fait qui pût être puni par la loi. Car nos lois sur la presse sont formelles ; il faut un délit caractérisé pour que la presse puisse être poursuivie.

Aussi que s'est-il passé ? Peu de temps après, la Chambre a été saisie d'une pétition signée par 86 membres de la presse, qui sont venus protester contre la manière dont on avait agi envers la presse. Et, en définitive, je dois dire que j'ai bien des fois regretté, que j'ai bien des fois déploré les procédés du parquet envers la presse. N'avons-nous pas vu dans certains procès mettre en cause, pour faire disparaître le fait principal, les éditeurs de deux des principaux journaux de Bruxelles, qui n'avaient rien à faire dans ce débat ?

A chaque instant on agit de la sorte. Je dis que vous devez respecter les lois sur la presse dans leur entier.

Ainsi voici les faits.

A Saint-Genois, vous avez toutes les abominations réunies. La liberté individuelle foulée aux pieds.

L'inviolabilité du domicile foulée aux pieds.

Le secret des lettres (car on a décacheté certaines lettres) foulé aux pieds.

Le secret des familles foulé aux pieds.

Le secret des affaires foulé aux pieds.

La liberté de la presse foulée aux pieds.

Et tout cela n'a rien amené ou n'a amené qu'une chose : du scandale, sans avoir fourni aucun élément à la condamnation.

Et vous vous étonnez que l'opinion conservatrice se soit émue en voyant de pareils faits ! Vous vous étonnez que l'opinion conservatrice ait jeté feu et flammes contre toutes ces indignités !

Je dis qu'en agissant de la sorte, elle soutenait les droits de tous ; elle soutenait les droits des libéraux comme des catholiques, car en matière de libertés, je m'inquiète fort peu que vous soyez catholique ou libéral. C'est le principe de la liberté atteint chez vous que je défends et que je viendrai défendre envers et contre tous.

Quant à Depoorter, le voilà donc arrêté ; on établit que la déposition faite contre lui est matériellement fausse ; mais il fallait une victime. Trois mois après, j'allais dire : on imagine, mais cela pourrait déplaire à certaines personnes, on créait un nouveau délit contre Depoorter, celui de tentative d'incendie et on va, après la récolte, trouver près de la maison (page 592) de Delebecque une mèche, une allumette posées là peut-être la veille, et on vient dire : Voilà une mèche, une allumette, et celui qui a voulu mettre le feu, c’est Depoorter.

Le nommé Buysens, préposé à la garde des maisons de Delebecque avait vu un homme passer, et pendant trois mois personne n'avait jamais songé à Depoorter.

Au bout de trois mois, lorsque Depoorter allait sortir de prison, on interroge Buysens et on lui demande si c'est Depoorter qu'il a vu ; il répond, il proteste que ce n'est pas Depoorter, Cependant, plus tard, il s'est trouvé un interrogatoire où il aurait déclaré avoir reconnu Depoorter, et là-dessus on accuse Depoorter de tentative d'incendie.

On arrive à l'audience de la cour d'assises ; là on fait venir Buysens ; il déclare qu'il n'a pas reconnu Depoorter. On insiste ; on veut qu'il dise qu'il a reconnu Depoorter ; il proteste qu'il ne l'a pas reconnu ; à l'instant Buysens est arrêté. On le fait accuser de faux témoignage ; il proteste énergiquement et quand les gendarmes le conduisent en prison, il s'écrie : Je suis appelé pour dire la vérité et on veut me faire dire un mensonge.

Plus tard, Buysens est condamné comme un faux témoin et là encore, il déclare que jamais on ne lui fera dire le contraire de la vérité. Eh bien, c'est à la suite d'un pareil fait que Depoorter est condamné du chef de tentative d'incendie.

Eh bien, à mes yeux il y a là une erreur judiciaire, parce qu'il n'est pas un seul témoin qui soit venu dire en justice qu'il a reconnu Depoorter ni qui fait accusé des faits pour lesquels il était poursuivi, pas un seul témoin, pas un seul.

II a été condamné sans qu'aucun témoin soit venu déclarer qu'il l'avait reconnu.

Je dis qu'en pareil cas le ministre de la justice a eu mille fois raison de faire gracier Depoorter. Je me fais gloire et honneur d'avoir vivement sollicité cette grâce ; et pourquoi ? Parce que, je le répète, aucun témoin n'est venu déclarer avoir reconnu Depoorter ; et je pense que quand un homme a été condamné à tort, il est de mon devoir de le faire sortir de prison le plus tôt possible ; la condamnation d'un innocent est à mes yeux une calamité publique. (Interruption.)

Comment ! la condamnation d'un innocent n'est pas une calamité publique !

Et comment a-t-il été condamné ? Oh ! écoutez les dernières paroles du plaidoyer de l'organe du ministère public devant la cour d'appel ! Est-ce que ce magistrat s'adressant au jury a dit qu'il y avait lieu de condamner Depoorter, du chef du fait pour lequel il avait été poursuivi ? Non, mais que dit-il ?« Vous condamnerez Depoorter, parce que cette condamnation est nécessaire pour ramener la paix dans une localité. »

Voilà les paroles du ministère public. Eh bien, si j'avais été avocat, et que j'eusse été le défenseur de Depoorter, j'aurais répondu au ministère public : « Vous me faites horreur. Ne voyez-vous pas que vos paroles sont précisément celles que prononçait Fouquier-Tinville, quand il demandait au tribunal révolutionnaire les têtes des Girondins ? »

Eh bien, Depoorter a été la victime de la persécution des agents du pouvoir ; dans ma conviction, cet homme est aussi innocent que moi-même.

Et maintenant, à la suite de tous ces faits, que se passe-t-il ? L'honorable M. Bara est encore venu prétendre tout à l'heure qu'il n'avait été pour rien dans l'instruction de l'affaire de Saint-Genois, qu'il s'était tenu tout à fait en dehors de cette instruction ; qu'il n'y avait pris aucune part.

Ah ! vous n'avez pris aucune part à cette instruction ! Nous allons nous en assurer et nous verrons si vous persisterez dans votre assertion.

L'honorable M. Reynaert a dit tout à l'heure que M. le procureur gérerai de Gand était venu quinze fois chez l'honorable M. Bara : mon honorable ami a commis une grave erreur.

Ce n'est pas quinze fois, c'est trente-huit fois qu'il est venu. Et remarquez bien qu'il ne s'agit pas ici d'une supposition, cela est démontré par les états de frais de voyage que, en vertu de mon droit de député, j'ai été réclamer à la cour des comptes.

Voyons ces états de frais.

[Le détail de ces états de frais, inséré à la page 592 des Annales parlementaires, n’est pas repris dans la présente version numérisée]

« 1er semestre 1868.

« Mémoire de ce qui est dû à M. G. Wurth, procureur général près la cour d'appel de Gand, en vertu de l'arrêté royal du 15 mai 1849, réglant les frais de route et de séjour.

« Janvier 7. Voyage de Gand à Bruxelles et retour pour conférence avec M. le ministre de la justice :

[frais pour la période du 20 janvier au 27 juin 1868]

En voilà sept.

M. Bara. - C'est avant les incendies.

M. Dumortier. - Oui, mais c'est à l'époque de l'affaire du cimetière. (Interruption.)

Nous voici à l'époque des incendies. (Interruption.) Quinze voyages h Bruxelles. Voici l'étal du procureur général de Gand, 2ème semestre 1868.

[frais pour la période du 10 juillet au 19 décembre 1868]

Dans le premier semestre de 1869, celui où l'affaire arrive à Bruges, vous avez huit voyages à Bruxelles. En voici l'état :

[frais pour la période du 22 janvier au 26 juin 1869]

Il ne s'agissait pas alors de venir demander des fonds ni des gendarmes. L'état est ainsi conçu :

« 2e semestre 1869.

« Etat des frais de route et de séjour dus à M. G. Wurth, procureur générai près la cour d'appel de Gand, conformément à l'arrêté royal du 15 mai 1849.

« […] Huit voyages de Gand à Bruxelles et retour le même jour pour conférer avec M. le ministre de la justice sur affaires de service […]. »

C'était à l'époque où nous discutions...

(page 593) M. Bouvier. - En combien d’années ?

M. Dumortier. - En deux ans ; voilà pendant quatre semestres trente-huit voyages faits à Bruxelles par le procureur général de Gand pour conférer avec M. le ministre sur les affaires de Saint-Genois, indépendamment des dix voyages des magistrats de Courtrai dont a parlé M. Reynaert. En tout 48 voyages pour conférer avec M. Bara.

M. Bara viendra dire qu'il n'a été pour rien dans l'instruction. Mais les faits protestent contre vous ; ils se dressent là, pour donner un démenti éclatant à vos paroles.

C'est vous, M. Bara, qui avez dirigé l'instruction et qui l'avez fait avec cette haine que nous vous connaissons.

M. Jottrand. - M. le procureur général n'avait-il que cette affaire à traiter ?

M. Dumortier. - J'ai recherché le nombre habituel des voyages des procureurs généraux à Bruxelles pendant le cours de plusieurs années et j'ai trouvé que, pendant le premier semestre de 1871, M. le procureur général ne s'est rendu qu'une fois à Bruxelles. Allez voir à la cour des comptes et vous reconnaîtrez que les procureurs généraux se rendent, en moyenne, une couple de fois par an à Bruxelles pour conférer avec le ministre de la justice. Trente-huit voyages du procureur général et dix voyages des magistrats de Courtrai dans le cours de cette affaire, cela prouve à la dernière évidence que toute cette affaire a été tramée, fabriquée, tripotée dans les bureaux de M. Bara. Les pièces devaient se trouver dans le dossier. On les a brûlées.

M. Bara. - C'est une calomnie !

M. Dumortier. - L'audace ne vous manque pas, je le sais. Allez voir le dossier.

M. Bara. - Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

M. le président. - La parole est à M. Bara, pour un rappel au règlement.

M. Bara. - M. Dumortier vient de prétendre que j'ai brûlé des pièces du ministère de la justice. Je demande si une attaque de cette nature peut être adressée à un ancien ministre, à un membre de cette Chambre.

M. Dumortier. - J'ai le droit de parler comme je viens de le faire.

M. le président. - M. Dumortier parle hypothétiquement.

M. Bouvier. -M. Dumortier a présenté des affirmations.

M. Bara. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Hier, M. le président m'a rappelé à l'ordre parce que j'ai dit à M. Reynaert : Vous mentez et vous savez que vous mentez.

Ces paroles étaient aussi hypothétiques que celles de M. Dumortier puisque, j'ai déclaré que je retirerais mes paroles si M. Reynaert reconnaissait que je n'avais pas dirigé l'instruction judiciaire dans les affaires de Saint-Genois.

Aujourd'hui, M. Dumortier n'a pas même parlé hypothétiquement. Il a dit et ce sont ses paroles textuelles : « On a brûlé les pièces. »

Je demande si c'est parlementaire et si M. le président tolère une pareille accusation.

M. le président. - Laissez M. Dumortier s'expliquer.

M. Dumortier. - J'ai le droit de présumer qu'on les a brûlées, puisqu'elles ont disparu.

M. le président. - M. Dumortier, je ne pense pas, je l'ai déjà dit, que vous ayez voulu affirmer qu'un ancien ministre... (Interruption.)

M. Demeur. - Consultez la sténographie.

M. Muller. - C'est à M. Dumortier de s'expliquer.

M. Dumortier. - Faites apporter le dossier, et vous vérifierez si ce que j'ai dit est exact.

M. Demeur. - Vous l'avez dit.

M. Dumortier. - J'ai dit qu'il manquait une foule de pièces dans le dossier.

M. le président. - J'ai compris que M. Dumortier n'accusait pas M. Bara... (Interruption.) S'il en était autrement, il aurait imputé à M. Bara une mauvaise action et je devrais prononcer le rappel à l'ordre.

M. Bara. - Quand bien même l'honorable M. Dumortier ne m'aurait pas accusé, son intention a été de m'accuser.

Je l'ai parfaitement compris et tous mes honorables collègues l'ont compris comme moi.

Au surplus, je n'admets pas sa nouvelle accusation qu'il fait par sa retraite.

Les fonctionnaires sont incapables de bruler des pièces qui sont de nature à éclaircir une affaire.

Par conséquent l'accusation, au lieu de porter contre moi, porterait contre des fonctionnaires

L’accusation de M. Dumortier, ainsi rectifiée, est une lâcheté ! (Interruption.)

M. le président. - J'invite MM. Dumortier et Bara à retirer tous deux des expressions qui ne sont pas parlementaires.

M. Dumortier. - J'ai dit que les traces des pièces avaient disparu.

M. le président. - Vous ne pouvez accuser M. Bara d'avoir brûlé des pièces.

M. Dumortier. - Comment ! vous avez 38 conférences et il n'en reste aucune trace dans les dossiers !

M. le président. - Je constate que l'accusation a été retirée. J'invite, maintenant M. Bara à retirer son expression.

- Plusieurs voix à gauche. - Non, non !

M. le président. - M. Dumortier a retiré son expression.

M. Demeur. - II n'a rien retiré.

M. de Theux, membre du conseil des ministres. - M : Dumortier a retiré sa phrase.

- Voix nombreuses à gauche. - Il n'a rien retiré.

M. Dumortier. - Je ne donnais pas à ma phrase la portée que M. Bara lui a attribuée et je maintiens ce que j'ai dit : que. dans les dossiers relatifs à l'affaire Saint-Genois, il manque un certain nombre de pièces.

M. le président. - Vous retirez donc les expressions dont vous vous êtes servi ?

- Voix à gauche. - Non, non.

M. le président. - Pourquoi donc ne voulez-vous pas qu'elles soient retirées ?

- Voix à gauche. - Mais il n'a rien retiré du tout.

M. de Theux, membre du conseil des ministres. - Messieurs, on a donné à cette affaire une exagération qu'elle ne comporte aucunement. Cela est incontestable. M. Dumortier a dit : Il y a eu 38 conférences dans cette affaire. Et sa supposition était nécessairement que ces conférences avaient laissé quelques traces. (Interruption.)

Or, comme il n'a trouvé dans le dossier aucune pièce relative à ces conférences, M. Dumortier en a déduit qu'on les avait fait disparaître (interruption), qu'on les avait brûlées. (Interruption.)

M. Demeur. - C'est une insinuation malveillante.

M. de Theux, membre du conseil des ministres. - Je crois donc, je le répète, qu'on a attaché aux paroles de M. Dumortier une importance qu'elles n'ont réellement pas, et j'engage, les honorables membres qui ont pris part à ce débat de clore ce regrettable incident.

M. Pirmez. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Pirmez. - Messieurs, il est incontestable que l'accusation qui M. Dumortier a dirigée contre M. Bara est une accusation très grave. M. Dumortier me paraît avoir maintenu son accusation jusque dans les dernières paroles qu'il a prononcées.

En effet, il nous a dit que des pièces avaient dû résulter des conférences que M. Bara avait eues avec M. le procureur général. Or ; ces pièces sont nécessairement personnelles à M. Bara et, si elles ont disparu, c'est évidemment M. Bara qui les a fait disparaître.

Voilà l'accusation qui subsiste. Elle subsiste dans les paroles de l'honorable M. Dumortier, et je crois qu'il doit les retirer.

Mais je dois dire que cette accusation ne réside réellement que dans des, mots, car elle est tellement absurde, tellement dénuée de fondement dans les termes mêmes où elle a été articulée, que réellement c'est une véritable puérilité.

Je demanderai à l'honorable comte de Theux qui est intervenu dans ce débat, seulement, je crois, pour le calmer...

M. de Theux, membre du conseil des ministres. - C'est très. vrai. (Interruption.)

M. Pirmez. - J'ai l'intention de calmer aussi.

Je demande à l'honorable comte de Theux, qui a les mêmes intentions que moi, si, lorsqu'il reçoit un fonctionnaire chez lui, une pièce est née de l'entretien lorsqu'ils se séparent ?

J'ai été dans cette position bien des fois et jamais, à ma connaissance, il n'est résulté un écrit quelconque d'une conférence, que j'avais eue avec un gouverneur, par exemple.

Lorsqu'un haut fonctionnaire de province vient entretenir son ministre, il vient précisément pour parler au lieu d'écrire.

Si le procureur général de Gand est venu chez le ministre de la justice, (page 594) il y est venu pour lui parler au lieu de lui écrire, de sorte qu'il est évident qu'aucune pièce n'est sortie de ces conférences.

Il en résulte donc que l'honorable M. Dumortier prétend qu'on a brûlé des pièces qui n'ont jamais existé et n'ont jamais pu exister.

Eh bien, j'engage l'honorable M. Dumortier, dans l'intérêt de la paix, et j'espère que l'honorable comte de Theux va l'engager avec moi, à ne pas maintenir une accusation aussi dénuée de fondement, accusation qu'il a lancée dans l'ardeur toujours très vive de sa parole, mais qui certainement n'est pas dans son esprit, depuis que le silence lui a rendu un peu de calme.

Que l'honorable M. Dumortier renonce donc à cela. Son discours n'y perdra rien et les condamnés de Saint-Genois n'y perdront pas davantage.

J'engage également mon honorable ami, M. Bara, à faire taire sa légitime susceptibilité qui doit être appréciée depuis qu'il est démontré que cette accusation ne peut être soutenue par personne, pas même par l'honorable M. Dumortier.

M. de Theux, membre du conseil des ministres. - Messieurs, l'honorable M. Pirmez a parfaitement apprécié mon intervention dans cette affaire ; je n'avais, en aucune manière, l'intention d'y intervenir, mais voyant qu'on s'égarait dans de mauvaises interprétations, j'ai tâché de ramener le calme dans le débat.

L'honorable M. Dumortier a argumenté du nombre des visites faites pendant un temps déterminé ; il a dit : Il y a eu des conversations entre le procureur du roi et le ministre de la justice, entre le juge d'instruction et le ministre de la justice et il en a conclu qu'il devait en résulter des pièces ; mais ce n'est là qu'une argumentation et personne n'a pu y voir une affirmation positive.

M. Dumortier. - Messieurs, on m'a fait dire ce que je n'ai pas dit. M. Bara soutient que j'ai dit qu'il avait brûlé des pièces alors que, comme l'a rappelé M. le président, j'ai dit qu'on avait brûlé des pièces.

Eh bien, messieurs, je trouve 38 visites et je ne vois pas un seul rapport, pas une seule pièce ; je ne vois pas que ces 38 visites aient laissé la moindre trace, et je ne puis pas en conclure qu'on a fait disparaître des pièces ?

Mon discours était une accusation contre M. Bara. J'ai dit, et je maintiens, que c'est lui qui a instruit l'affaire de Saint-Genois.

Voilà le fait capital et j'avais le droit de le signaler puisqu'il était ministre et que j'ai le droit d'accuser les ministres.. Maintenant le dossier n'est pas complet ; c'est un fait qui ne peut être contesté. Je dis que des pièces ont disparu du dossier, n'importe de quelle manière ; le fait est que certaines pièces n'y sont plus. (Interruption.)

Les pièces y sont-elles, oui ou non ? Répondez !

Que sont devenues les pièces relatives aux 38 conférences que le procureur général a eues avec le ministre de la justice ? Il ne reste absolument aucune trace de ces 38 faits dans le dossier ; et si je n'avais pas été constater la chose à la cour des comptes par la vérification des états de frais de voyage, on m'aurait dit que c'était un mensonge.

Mais on ne peut plus nier le fait. On voudrait détourner la question et me faire dire ce que je n'ai pas dit. Mais je n'accepte pas cette position. Je dis que des pièces ont disparu du dossier...

M. le président. - Vous retirez donc ce que vous avez dit : qu'on avait brûlé des pièces ?

M. Dumortier. - Je dis que des pièces ont disparu du dossier et on ne peut pas le contester.

M. le président. - La Chambre est-elle d'avis de continuer demain l'incident ?

M. Bouvier et d'autres membres. - Finissons-en aujourd'hui !

M. le président. - La parole est donc continuée à M. Dumortier.

M. Dumortier. - J'ai donc dit que l'affaire de Saint-Genois était la plus malheureuse qu'il y ait jamais eu dans nos annales, que c'était un scandale et que toute l'affaire a été dirigée dans les bureaux du ministère ; j'ai montré qu'il a fait venir trente-huit fois le procureur général, lui qui prétendait hier qu'il n'a jamais participé à l'instruction. Voilà ce que je maintiens ; vous avez dirigé l'affaire de Saint-Genois et vous l'avez dirigée dans le plus détestable de tous les esprits, dans un esprit de parti et pour faire condamner des innocents.

- Des voix à gauche. - A l'ordre !

M. Frère-Orban. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Dumortier. - Je demande à expliquer ma pensée...

M. Frère-Orban. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Dumortier. - Laissez-moi m'expliquer.

J'avoue que ma pensée a été dépassée lorsque j'ai dit que M. Bara avait agi par esprit de parti et pour faire condamner des innocents ; j'ai voulu dire que l'intervention de M. Bara avait eu pour résultat défaire condamner des innocents.

Au dire de l'opinion publique à Saint-Genois, les véritables coupables sont encore dans la rue.

M. Frère-Orban. - J'ai demandé la parole pour invoquer le règlement et réclamer le rappel à l'ordre de M. Dumortier.

M. Dumortier lance des accusations ; quand il s'aperçoit qu'il a été un peu loin, il feint de les adoucir en y substituant une autre offense et si l'on insiste, il a toujours quelque rétractation équivoque à son service. C'est un genre de courage que je ne lui envie pas ; mais la Chambre ne peut tolérer que de pareils actes soient répétés constamment par l'honorable membre.

Trois fois dans cette discussion, il a dirigé, contre mon honorable ami, M. Bara, les accusations les plus graves et les plus outrageantes ; une première fois il lui a imputé indirectement, il n'oserait pas le contester, d'avoir brûlé des pièces qui font partie du dossier.

M. Dumortier. - Non, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

M. Frère-Orban. Voici dans quelles circonstances les faits se sont produits. Je me permets de le rappeler à la Chambre. On comprendra qu'il est impossible que dans la pensée de M. Dumortier il n'y eût pas une imputation directe à l'adresse de M. Bara. Que disait-il ? Le procureur général se rend à Bruxelles ; il y est venu un grand nombre de fois ; il a eu des conférences nombreuses avec M. le ministre de la justice ; il n'est pas resté de traces de ces conférences ; les pièces ont disparu ; elles ont été brûlées.

Qui devait les avoir fait disparaître ? Etait-ce par hasard M. Cornesse afin de vous permettre de diriger des imputations offensantes contre M. Bara ? Assurément ce n'est pas là ce que vous avez voulu faire entendre. Vous avez voulu que l'on comprît que celui qui avait prétendument intérêt à la suppression de ces pièces les avait brûlées ; c'était donc l'honorable M. Bara que vous désigniez réellement.

Lorsque vous avez été interpellé à cet égard, vous avez éprouvé quelque peu le besoin de vous rétracter, vous avez cru vous sauver en déclarant que vous n'accusiez point M. Bara ; mais, vous avez continué à affirmer que l'on a fait disparaître des pièces qui, selon vous, faisaient partie du dossier.

L'honorable M. Bara vous a demandé alors si vous incriminiez des fonctionnaires, vous déclarant que ce serait, en ce cas, une lâcheté de votre part, une lâcheté de les accuser.

Vous avez cru vous absoudre en disant que vous n'incriminiez personne, mais en continuant à répéter que l'on a fait disparaître des pièces du dossier. On a eu beau vous dire que les conférences entre un ministre et des fonctionnaires qui sont sous ses ordres ne se traduisent pas en écrits, en documents qui doivent nécessairement trouver place dans un dossier ; que, d'ordinaire même, ces conférences sont faites pour dispenser d'écrire ; ces raisons évidentes n'ont pu vous arracher l'aveu que votre imputation était inconsidérée et sans fondement.

M. Dumortier. - Et les rapports ?

M. Frère-Orban. - Les rapports sont mentionnés dans les indicateurs ; les rapports, les écrits, les pièces quelconques faisant partie d'un dossier sont indiqués dans des inventaires et rien n'est plus facile que de vérifier l'inexactitude de vos assertions.

Poursuivant le cours de ces mêmes diatribes, de ces mêmes accusations odieuses, M. Dumortier va jusqu'à dire que l'honorable M. Bara « a dirigé l'instruction des affaires de Saint-Genois en vue de faire condamner des innocents. »

M. Bouvier. - C'est une infamie !

M. Frère-Orban. - Voilà l'infamie, souffrez qu'on le dise, que nous avons été condamnés à entendre. Mais, en voyant l'émotion qu'une telle imputation faisait éclater, M. Dumortier a compris qu'il devait se rétracter, et il l'a fait non pas courageusement, non pas honorablement, non pas en avouant que la parole a trahi sa pensée, non pas en reconnaissant que l'intervention supposée de M. Bara était une pure invention, mais en persistant à signaler cette intervention comme ayant eu non pour but, mais pour résultat de faire condamner des innocents.

Je demande que de pareilles imputations ne soient pas tolérées dans le (page 595) parlement ; sinon nos discussions vont dégénérer de la manière la plus honteuse et il serait impossible de s'adresser à un adversaire sans lui répondre de manière à le mettre dans l'impossibilité de répéter de pareilles paroles ; il faut que M. le président fasse respecter cette assemblée, je demande donc formellement le rappel à l'ordre de M. Dumortier. (Interruption.)

- Plusieurs membres à gauche. - L'appel nominal !

M. le président. - Le premier devoir du président serait de faire évacuer la tribune publique si elle se livrait à de nouvelles manifestations. (Interruption.)

Messieurs, je dois déclarer qu'au moment où ont été prononcées les paroles qui ont motivé la sortie de l'honorable M. Frère, j'ai arrêté l'orateur. (Interruption.)

M. Bergé. - Il faut faire respecter le Parlement.

M. M. de Vrints. - Nous devons être respectés.

M. Bouvier. - Faire évacuer les tribunes ! Vous avez peur du public ?

M. le président. - J'allais demander à M. Dumortier le retrait immédiat des paroles qu'il avait prononcées ; et, si l'honorable membre n'y avait pas consenti, je l'aurais rappelé à l'ordre ; mais il s'est hâté spontanément de rétracter... (Interruption.)

M. Bouvier. - Ce n'est pas exact, c'est vous qui parlez pour lui.

M. le président. - M. Dumortier s'est hâté de déclarer spontanément que ses paroles avaient dépassé sa pensée ; ces paroles ont été retirées. (Interruption.)

M. de Rossius. - C'est un leurre que votre explication.

- Plusieurs membres à gauche. - L'appel nominal !

- Voix à droite. - Sur quoi l'appel nominal ?

- Voix à gauche. - Sur le rappel à l'ordre !

M. Jacobs. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de surexciter encore un débat irritant.

Je reconnais avec l'honorable M. Frère-Orban qu'il est très regrettable qu'un orateur doive plusieurs fois de suite, après s'être servi d'expressions qui n'étaient pas parlementaires, revenir à d'autres expressions.

Mais lorsque, après avoir eu ce tort, l'orateur reconnaît que l'expression a dépassé sa pensée (interruption), lorsque l'on agit comme vient de le faire l'honorable M. Dumortier en disant : « Je n'ai pas voulu dire que les actes dont j'ai parlé ont eu pour but de faire condamner des innocents, mais bien qu'ils peuvent avoir eu cet effet, », on peut encore regretter que l'orateur n'ait pas eu dès l'abord une expression parlementaire, mais je ne comprends pas qu'on persiste à demander son rappel à l'ordre.

Que fait, en pareil cas, le président ?

Il dit à l'orateur : L'expression a, sans doute, dépassé votre pensée. Rétractez-la ou expliquez-vous convenablement.

Or, j'atteste pour l'avoir entendu, et mes honorables amis l'ont entendu comme moi, l'honorable M. Dumortier a déclaré spontanément que l'expression avait dépassé sa pensée.

M. Frère-Orban. - Il l'a remplacée par une autre.

M. Jacobs. - Oui, par celle-ci : que le résultat des actes de l'honorable M. Bara avait abouti à la condamnation d'innocents.

M. Bouvier. - C'est du jésuitisme cela. C'est la doctrine d'Escobar.

M. Jacobs. - M. Bouvier peut citer tous les théologiens du monde, il ne renversera pas le règlement.

Or, d'après le règlement, on n'a pas le droit d'imputer à ses collègues une mauvaise intention, mais on peut leur attribuer de mauvais résultats. (Interruption.)

Cela est incontestable. Prenez le texte du règlement.

Ce qu'on défend, ce sont les imputations de mauvaise intention. Et que pourrait demander l'honorable président de la Chambre à M. Dumortier, s'il ne s'était pas rétracté lui-même ? Il pourrait lui dire : Rétractez l'imputation de mauvaise intention que vous avez attribuée à M. Bara.

Voilà tout ce que le président pouvait demander et voilà ce que M. Dumortier a fait.

M. Dumortier. - Spontanément.

M. Jacobs. - Je comprends très bien que, sous l'émotion excessive qu'ont produite les paroles de M. Dumortier, on ait pu, à gauche comme à droite, demander le rappel à l'ordre de cet honorable meurtre.

Mais en présence de la rectification qu'il a faite, et qui me paraît satisfaisante, je crois qu'il est bon, dans l'intérêt de nos débats, qu'on n'insiste pas davantage sur le rappel à l'ordre.

M. Dumortier. - Dans ce moment, quels sont les faits ? J'ai été interrompu quatre ou cinq fois dans mon discours par M. Bara, et vous savez que les interruptions successives poussent parfois l'orateur au delà de sa pensée. C'est ce qui m'est arrivé ; mais je n'ai pas attendu que M. le président me demande d'expliquer ma pensée ; j'ai compris moi-même qu'elle avait été dépassée et j'ai rectifié mes expressions.

Du reste, je le répète, c'est en m’interrompant continuellement que M. Bara m'a fait sortir de mes gonds.

M. le président. - Messieurs, avant de lever la séance, permettez-moi de déclarer à mon tour que tantôt je me suis servi involontairement d'une expression impropre.

J'ai dit, en rappelant les paroles prononcées par l'honorable M. Frère-Orban : « La sortie de M. Frère. » Ce mot pourrait être pris en mauvaise part. Je le retire. J'ai voulu dire : « l'intervention de M. Frère-Orban. »

J'espère que l'honorable membre acceptera cette rectification.

M. Frère-Orban. - Parfaitement.

- L'incident est clos.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - La composition de la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'acquisition de la bibliothèque de M. Fétis est ainsi composée : MM. Kervyn, Pirmez, Dumortier, Funck, Snoy, Hagemans, Hermant.

La Chambre s'occupera-t-elle demain des pétitions ?

M. Anspach. - Nous avons à l'ordre du jour quelques petits projets, ne pourrait-on pas respecter le vœu du règlement en examinant demain les pétitions et ces petits projets et en remettant à samedi la suite de la discussion du budget de la justice ?

M. le président. - Nous avons expédié tous les prompts rapports. Nous n'avons plus à nous occuper que des rapports ordinaires qui ne sont pas aussi pressants. Il me paraît désirable que la Chambre termine le plus tôt possible l'examen du budget de la justice, pour que nous puissions l'envoyer au Sénat.

M. Bouvier. - Dans ce cas, je demanderai qu'immédiatement après le budget de la justice viennent les petits projets dont parle l'honorable M. Anspach et ensuite les rapports des pétitions. Car il faut en finir avec ces rapports.

M. Kervyn de Lettenhove. - La Chambré n'est plus en nombre ; elle ne peut statuer. (Interruption.)

M. le président. - Alors, on suivra le règlement.

- La séance est levée à 5 heures et demie.