(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 526) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Hagemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Des habitants d'une commune non dénommée demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.
« Le sieur Behaeghel prie la Chambre de rejeter le projet de loi relatif a l'accise sur la bière. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Par deux pétitions, des habitants d'Anvers demandent l'abrogation immédiate de la loi contre les étrangers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Haegemans demande qu'on attache aux compagnies de correction, à Vilvorde, une école primaire, dirigée par un instituteur civil diplômé, assisté de sous-officiers moniteurs. »
- Même renvoi.
« Le sieur François-Hubert Ducatillion. commis provisoire à l'administration du chemin de fer, né à Derby (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Edouard-Arsène Dufour, employé au chemin de fer de l'Etat, né à Landouzy-la-Cour (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
« Le sieur Hubert-Henri-Adam Hennen, armurier à Anvers, né à Fleeben, partie cédée du Limbourg, demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
« La direction de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale adresse à la Chambre 125 exemplaires du compte rendu des opérations de la Société Générale pendant l'exercice 1871. »
- Distribution et dépôt.
« M. de Borchgrave. retenu par des affaires urgentes, demande un congé. »
- Accordé.
M. Moncheur, ministre des travaux publics - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre les nombreux amendements qu'il a été nécessaire d'apporter au budget qui a été déposé l’année dernière.
Ils sont accompagnés des développements qu'ils comportent. Je demanderai à la Chambre de bien vouloir en ordonner l'impression et de les renvoyer à la section centrale qui a été chargée d’examiner le budget des travaux publics.
- Ces amendements seront imprimés, distribués et renvoyés à la section centrale du budget.
M. De Fré. - Messieurs, la France est un pays allié et ami de la Belgique. Le repos de la France est troublé par les menées des prétendants ; un de ces prétendants est arrivé en Belgique, où sont venus le rejoindre ses compagnons d'exil, ses amis et ses agents. Le but de ce groupe d'hommes politiques, qui se réunissent à Anvers, est de restaurer en France l'ancienne monarchie. Le gouvernement a envoyé de hauts fonctionnaires pour rendre foi et hommage à un prétendant français. (Interruption.)
J'ai demandé la parole, afin qu'on ne croie pas, à l'étranger, que l'acte du gouvernement est l'écho de la sympathie belge.
Je ne demande pas, messieurs, un acte de rigueur. Je demande au gouvernement de la circonspection, de la retenue. Je demande au gouvernement de ne pas sacrifier la sécurité de la Belgique, les devoirs de la Belgique pour obéir à la foi de ses pères, à ses opinions catholiques,
S'il y a, au banc des ministres, des hommes qui ont une sympathie personnelle pour le panache blanc, je les engage, aussi longtemps qu'ils sont ministres, à ne pas en faire parade.
La France est sortie épuisée et meurtrie de deux longues guerres, la guerre étrangère et la guerre intestine. Elle a besoin d'un long repos pour se remettre. Les hommes d'Etat qui président à ses destinées font des efforts héroïques pour guérir les plaies de la France, et c'est à l'heure où la France est affaiblie, à l'heure où ses hommes d'Etat emploient toute leur sagesse et toute leur énergie pour la sauver, c'est à cette heure que les prétendants se lèvent et c'est à cette heure que le gouvernement belge tend une main sympathique à un de ces prétendants.
Je le déclare, si je parle, c'est pour qu'on ne confonde pas la Belgique avec le gouvernement.
L'homme éminent qui préside aux destinées de la France a accepté la forme politique qui écarte le mieux tous les prétendants. Ce n'est pas par sympathie personnelle que M. Thiers et beaucoup d'hommes d'Etat de France ont accepté la forme républicaine. C'est par raison, c'est par patriotisme, parce que c'était le seul moyen d'écarter le danger qui trouble et menace la France.
A l'heure qu'il est, le repos et la sécurité de la France sont menacés et troublés par les menées des prétendants.
Maintenant, je vous le demande, en présence de cette situation que vous connaissez, quel est le devoir du gouvernement ? D'un côté, un pays ami et allié qui souffre de cruelles blessures, et de l'autre, un prétendant dont le désir, dont le but est d'empirer cette situation et de troubler la tranquillité de la France. Le gouvernement peut-il, je ne dirai pas seulement au point de vue de la loyauté, mais encore de ses devoirs de pays neutre, envoyer à un de ces prétendants, qui est sur le sol belge, des fonctionnaires publics pour lui rendre hommage, comme s'il était déjà roi de France ?
En agissant ainsi, le gouvernement, dans l'intérêt de ses sympathies politiques, cherche à peser sur les esprits en faveur de ce prétendant.
N’est-ce pas favoriser la conspiration, et ne s'en rend-il pas moralement complice ?
C'est un acte d'hostilité évident contre un pays allié et ami.
C'est exposer le pays à des représailles.
Je le répète : je ne blâme pas le gouvernement de ne pas avoir usé de rigueur envers le prince français qui se trouve sur le sol belge : mais je le blâme et je l'accuse d'avoir donné, en présence de la situation politique de la France si troublée, à un de ces prétendants un témoignage public et officiel de ses sympathies.
Et c'est ici, messieurs, qu'apparaît la politique qui gouverne ; elle porte ses fruits amers.
La politique du gouvernement actuel s'inspirera sans cesse de ses opinions catholiques.
(page 527) Pourquoi retire-t-on l'ambassadeur près le gouvernement italien et pourquoi envoie-t-on deux ambassadeurs au comte de Chambord ? Parce que le gouvernement italien est libéral et que le comte de Chambord est catholique.
Le comte de Chambord doit restaurer, s'il réussit dans son entreprise, cette politique catholique si chère aux hommes qui sont au pouvoir.
On nous dira : Nous agissons au nom de la foi de nos pères. Cette foi, vous l'invoquez toujours, tantôt au détriment de l'enseignement, tantôt au détriment de la liberté de conscience ; aujourd'hui au détriment du pays. Lorsque cette foi domine la politique, l'action de l'Etat compromet nos intérêts les plus sacrés.
Votre politique n'est plus alors une politique nationale, puisqu'elle expose la bonne renommée de la Belgique. Lorsque je vois le gouvernement, qui est censé être l'expression du pays, libéral depuis tant d'années, tendre une main sympathique à un homme qui, quelque honorable qu'il soit, est le représentant d'une vieille politique rétrograde, je dis que ce gouvernement a compromis la Belgique.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - L'honorable M. De Fré a commencé son discours en disant que la France était l'amie de la Belgique. Cette assertion ne sera contestée par personne et je crois pouvoir assurer que toujours la Belgique a donné à la France, comme à toutes les puissances, les marques de sympathie que celles-ci pouvaient exiger d'elle.
L'honorable M. De Fré a ajouté que la présence de M. le comte de Chambord à Anvers a pour but la restauration de la monarchie en France.
Il refait ainsi en d'autres termes un mot que je considère comme malheureux et que j'aurais immédiatement relevé si j'avais assisté à la séance hier, a savoir qu’un conspirateur étranger se trouvait à Anvers.
Or, parmi les princes qui peuvent se considérer comme ayant des droits au trône de France, le comte de Chambord est, de tous les prétendants, celui que l'on peut le moins accuser d'être un conspirateur. Où a-t-il jamais conspiré ? C'est évidemment l'homme qui s'est le plus effacé de tous les prétendants connus.
On accuse le gouvernement d'avoir envoyé des fonctionnaires pour « rendre foi et hommage à un prétendant étranger sur le sol belge ; » je ne puis répondre à cette assertion que par le démenti le plus catégorique et le plus absolu. Aucun fonctionnaire n'a été autorisé par le gouvernement à rendre foi et hommage au comte de Chambord.
M. De Fré. - Niez-vous qu'un fonctionnaire y soit allé ?
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Puisque M. De Fré insiste, je lui dirai ce qui s'est passé.
Le gouverneur de la province d'Anvers avait reçu la visite de M. le comte de Blacas, qui avait cru devoir se rendre chez lui, conformément aux usages du monde. La plus simple politesse exigeait que M. le gouverneur de la province d'Anvers rendît sa visite à M. le comte de Blacas ; il la lui a rendue ; mais je puis affirmer qu'à l'heure qu'il est, M. le gouverneur de la province d'Anvers n'a pas vu et ne connaît pas le comte de Chambord.
Je crois que cette explication suffira pour détruire la mauvaise impression que pourraient produire les paroles que vous venez d'entendre, au point de vue de la politesse belge.
On dit que le gouvernement a manqué de circonspection. Je viens de démontrer de la manière la plus péremptoire que le gouvernement n'a été pour rien dans la visite qui a été faite par le gouverneur de la province d'Anvers au comte de Blacas et qui n'était qu'une visite de courtoisie.
En quoi donc le gouvernement a-t-il manqué de circonspection ? J'attends qu'on me le dise. Nous sommes accusés au banc ministériel d'avoir des sympathies pour le panache blanc. Eh bien, je déclare qu'au banc ministériel il n'existe de sympathies que pour le drapeau belge et pour aucun autre.
On prétend encore que l'on rend hommage au comte de Chambord comme s'il était déjà roi de France. Messieurs, nous n'avons vu dans les démarches qui ont été faites auprès de M. le comte de Chambord par des personnes étrangères que des démonstrations de sympathie et de respect. Et je crois que l'hospitalité belge est assez estimée à l'étranger pour que l'on ne vienne pas faire un grief à la Belgique de s'être montrée hospitalière dans une telle circonstance.
La Belgique a d'assez belles annales en cette matière pour que nous ayons le droit d'en être fiers. Nous avons accueilli beaucoup de malheureux et nous le faisons encore en ce moment. Parce que l'on est prince serait-ce une raison d'être exclu de notre hospitalité ?
M. Defuisseaux. - Et Victor Hugo ?
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Nous avons, en ce moment même, sur le sol belge, un grand nombre d'étrangers qui reçoivent l'hospitalité la plus complète, la plus large et la plus généreuse.
J'espère qu'on ne me forcera pas à les nommer dans cette enceinte. Ainsi donc on fait au gouvernement un reproche d'exercer envers M. le comte de Chambord cette hospitalité que nous avons pratiquée à toute époque... J'avoue que je ne m'attendais pas à entendre formuler un pareil grief.
M. De Fré. - C'est le contraire ; j'ai dit que je ne demandais pas un acte de rigueur.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - L'honorable M. De Fré a blâmé le gouvernement d'avoir donné un témoignage public et officiel de ses sympathies au comte de Chambord. Je répéterai qu'aucun témoignage officiel ni de sympathie ni de blâme n'a été donné au comte de Chambord et que le gouvernement n'avait pas à en donner.
L'honorable M. De Fré a un peu dévié du but primitif de l'interpellation. II est venu accuser le gouvernement d'avoir retiré son ambassadeur auprès de la cour d'Italie et d'en avoir envoyé deux auprès du comte de Chambord.
Le gouvernement, encore une fois, n'a envoyé ni un ni deux ambassadeurs près du comte de Chambord ; il n'y a envoyé personne. Quant à avoir retiré son envoyé près la cour d'Italie, c'est là encore une assertion sans fondement.
Notre ministre près le roi Victor-Emmanuel n'a pas été rappelé ; je dirai plus : notre intention n'est pas de le rappeler. J'espère que cette déclaration satisfera l'honorable membre.
M. Bouvier. - Mais pas le Bien public.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Il me serait impossible, M. Bouvier, de contenter tout le monde et son père. C'est un vieux dicton du fabuliste que vous devez connaître.
Messieurs, c'est donc évidemment à tort qu'on accuse le gouvernement d'avoir fait de la politique à l'occasion de la présence de M. le comte de Chambord à Anvers. Tout ce qui s'est passé à Anvers se borne à de simples démarches, dans lesquelles le gouvernement n'avait pas à intervenir et n'est pas intervenu. Les mêmes allées et venues se sont produites à Bruges à une époque antérieure. Personne alors n'a trouvé étrange que le comte de Chambord reçût des visites ; aucune réclamation n'a été faite, aucune plainte n'a été formulée.
Le comte de Chambord n'est ni proscrit, ni exilé de la France ; il a parfaitement le droit d'y rentrer quand il lui en prendra fantaisie ; ce qu'il fait à Anvers, il aurait parfaitement le droit de le faire en France.
M. Jottrand. - Pourquoi n'y reste-t-il pas ? (Interruption.)
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, si des plaintes étaient formulées, le gouvernement aurait à aviser à la conduite qu'il aurait à tenir. Le cas ne s'étant pas présenté, je n'ai pas à m'en occuper.
On a prononcé tout à l'heure le nom de M. Victor Hugo. Voudrait-ou établir une similitude entre la mesure de rigueur qui a été prise à l'égard de M. Victor Hugo et la situation actuelle du comte de Chambord ? Je ne crois pas qu'il soit utile pour l'honorable préopinant de soulever cette question ; elle a été jugée, dans cette Chambre même, à une époque assez rapprochée de nous pour que le sentiment qui a dominé la Chambre alors ne soit pas encore effacé.
Des propos injurieux ont été proférés à Anvers ; mais, à coup sûr, on n'en rendra pas responsable le prince contre lequel ils ont été dirigés. C'est l'acte de quelques étrangers, je suis heureux de le dire, et sur ce point les renseignements sont complets, c'est l'acte, dis-je, de quelques étrangers qui sont venus infliger une honte à notre vieille hospitalité belge.
M. Defuisseaux. - La même chose a eu lieu pour Victor Hugo.
M. Bouvier. - Les deux actes sont blâmables.
M. Defuisseaux. - N'ayez pas deux poids et deux mesures.
M. le président. - Vous êtes inscrit, M. Defuisseaux ; vous parlerez tantôt.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Admettons pour un instant que le gouvernement ait été appelé à prendre des mesures de rigueur envers le comte de Chambord et qu'il en soit venu à décréter son expulsion de la Belgique. Il se serait produit alors ce fait (page 528) sans exemple, que nous aurions rendu a la France le comte de Chambord qui aurait le droit d'aller tenir là-bas la conduite qui lui aurait valu son expulsion de notre pays.
Un autre fait étrange se produit.
Si le comte de Chambord est un conspirateur, comme on le prétend, il ne conspire pas seul, il lui faut des collaborateurs. Or, ses associés ne seraient rien moins qu'une grande partie des membres de la droite et du centre droit de l'assemblée nationale venus pour lui rendre visite à Anvers.
Par conséquent, le jour où le gouvernement serait obligé de prendre une mesure de rigueur envers le comte de Chambord, on devrait l'étendre à tous les membres de l'Assemblée nationale qui voudront lui faire visite.
Or, le pouvoir investi de la souveraineté en France, en ce moment, c'est l'Assemblée nationale ; chacun de ses membres est investi d'une partie de cette souveraineté.
Et vous voudriez appliquer la loi d'expulsion en pareil cas ? Cela n'est pas sérieux.
Chacun sait que la formalité des passeports n'est pas supprimée en France. Elle est observée si rigoureusement que chaque personne qui sort du territoire français ou qui y entre doit exhiber son passeport.
On n'ignore donc pas en France que des députés sont venus en Belgique, et cependant aucune difficulté n'a surgi à ce sujet.
Je crois donc que le gouvernement est complètement indemne des reproches qu'on lui fait et je bornerai là pour le moment mes observations.
M. Defuisseaux. - Je pense, messieurs, que vous voudrez bien m'accorder votre attention, lorsque, en débutant, je vous dirai qu'il me paraît étrange qu'à si peu d'intervalle on ait pu, dans une Chambre belge, tenir un langage si différent à propos de deux personnes se trouvant dans les mêmes circonstances : M. Victor Hugo, il y a quelques mois ; M. le comte de Chambord, aujourd'hui.
Il m'est permis, à moi, qui ai protesté, il y a très peu de temps, contre l'expulsion de M. Victor Hugo, de demander aussi au gouvernement pourquoi il a deux poids et deux mesures ? pourquoi ce qu'il trouve blâmable chez M. Victor Hugo, il le trouve admissible chez M. le comte de Chambord.
Et il m'est surtout permis, il est même de mon devoir de constater devant le pays que cette loi des étrangers, contre laquelle je me suis élevé, est condamnée par vous-même. La loi, en effet, est condamnée, car elle ne peut être appliquée d'une manière impartiale et complète à tout le monde, à un prétendant aussi bien qu'à un autre, à un catholique aussi bien qu'à un libéral, à un libre-penseur, fût-ce même un partisan de la commune, aussi bien qu'à un partisan des idées rétrogrades.
Voilà ce que vous admettrez avec moi ; voilà ce que la logique, l'opinion publique vous forcent à confesser.
A ce rapprochement que j'ai fait, rien n'a manqué, rien, pas même cette manifestation dont on s'est servi pour expulser Victor Hugo.
Il y a eu, ici à Bruxelles, des manifestations qu'on a dit manifestations en gants jaunes contre Victor Hugo, comme il y a eu à Anvers des manifestations dites anarchiques contre le comte de Chambord.
Nous n'avons pas à approuver les unes plus que les autres : nous devons faire respecter l'ordre et la loi ; mais précisément dans ce grand intérêt, nous devons tirer de cet exemple une conséquence sévère, équitable et logique : c'est que la loi est mauvaise ; c'est qu'elle vous permet, à un moment donné, de parler d'hospitalité belge lorsque cette hospitalité doit être donnée à ceux qui partagent vos opinions, qu'elle vous autorise à parler de désordres lorsque cette hospitalité est, au contraire, réclamée par quelqu’un qui n'a pas vos sympathies.
Rien ne devait manquer à cette comparaison que j'ai faite entre M. Victor Hugo et. M. de Chambord :
Tous deux étrangers, tous deux hommes politiques, tous deux recevant les hommages et les attaques des partis, et jusque dans cette enceinte même, tous deux objets des mêmes discussions.
Lorsque je demandais pour M. Victor Hugo l'hospitalité, on me disait : Mais que va-t-on dire de cela en France ? Et tout à l'heure, l'honorable M. Jottrand disait à M. le ministre des affaires étrangères : Pourquoi M. le comte de Chambord ne va-t-il pas dire ces choses en France ?
- Des membres. - Quoi dire ?
M. Defuisseaux. - Admettons qu'on dise tout en Belgique, tout ce qu'il plaira à l'étranger, à n'importe qui de dire. Mais répondons à tous les partis, à tous les pays : Nous sommes un pays libre, nous sommes un pays neutre, où la liberté est acquise à tout le monde.
Par conséquent je me résume et je conclus. De même qu'on a eu tort de chasser M. Victor Hugo, de même on aurait tort d'expulser M. le comte de Chambord. Tous deux, à des époques différentes, tout en ayant des idées complètement différentes, sont venus demander l'hospitalité à la Belgique.
Si j'ai un reproche à faire au ministère catholique, c'est que l'histoire impartiale, le public, le pays diront : Vous avez chassé Victor Hugo et vous avez envoyé votre gouverneur féliciter M. le comte de Chambord. A cet égard, je laisse au pays le soin d'apprécier votre conduite. Mais ce que je vous demande comme législateur, ce que je demande à votre logique et à votre impartialité, ce que je demande à tous les partis, c'est que désormais vous considériez comme abolie une loi dont vous vous servez en ce moment pour vous et dont on pourrait se servir plus tard contre votre opinion, et qui, dans tous les cas, n'est pas compatible avec la vieille réputation d'hospitalité que la Belgique, qui s'honore d'être une terre libre, accorde à tous les hommes et à tous les partis.
M. Malou, ministre des finances. - Messieurs, le discours que vous venez d'entendre se rattache bien moins à l'incident qu'à une question de principe.
Je n'ai que deux mots à ajouter sur l'incident après les explications si nettes et si concluantes de mon honorable collègue et ami, M. le ministre des affaires étrangères.
Malgré la déclaration formelle que le gouvernement n'a pas envoyé de fonctionnaire en ambassade ou autrement auprès de Mgr le comte de Chambord, l'honorable membre, comme s'il n'avait rien entendu, répète la même affirmation et pour la seconde fois je dois déclarer qu'elle est complètement inexacte.
Ce matin même, l'honorable gouverneur d'Anvers m'a dit qu'il n'avait jamais vu le comte de Chambord. J'espère que cela est catégorique. (Interruption.) M. le gouverneur m'affirme que ce fait est complètement faux. Vous l'avez lu dans les journaux, vous êtes de bonne foi, mais ils se sont trompés.
Le gouverneur a rendu une visite de politesse à M. le comte de Blacas.
Le gouvernement de la Belgique neutre entend bien rester en dehors des questions de politique internationale, mais il n'est personne ici, je pense, qui veuille nous mettre en dehors de la politesse. (Interruption.)
Je le répète, puisqu'on persiste, le» gouverneur d'Anvers n'a vu le comte de Chambord, ni actuellement ni autrefois. Que m'importe le Journal d'Anvers ? Le Journal d'Anvers s'est trompé, voilà tout. (Interruption.)
La visite faite par le général Eenens au comte de Chambord comme la visite que le gouverneur d'Anvers a faite au comte de Blacas sont des politesses qui sont d'usage dans tous les pays civilisés. (Interruption.)
Nous discutons ici des codes politiques, mais le code de la politesse est nécessairement en dehors des débats de la Chambre.
Vous avez devant vous des ministres responsables des actes du gouvernement ; si vous n'avez pas de reproches à leur faire du chef de tels actes, vous n'avez pas à les interroger au delà.
Ceci dit sur l'incident, qu'il me soit permis d'ajouter un mot sur la question de principe.
Chacun de nous sait que la mesure prise par nos prédécesseurs contre M. Victor Hugo a été traduite devant cette Chambre, et qu'un ordre du jour proposé par l'honorable M. Defuisseaux a été écarté à la presque unanimité.
Cinq ou six voix seulement l'ont adopté.
Et pourquoi ? L'illustre poète avait blessé profondément le sentiment national. Il aurait continué de jouir librement de l'hospitalité belge, s'il n'avait pas publiquement bravé le gouvernement du pays. Un étranger, quelle que soit sa gloire littéraire, ne peut braver impunément les lois du pays, le gouvernement du pays ; un gouvernement qui se laisse braver n'existe plus ; le devoir d'un gouvernement est de maintenir intacts, avant tout, le prestige et les droits des pouvoirs publics.
C'est là la raison de l’expulsion et c’est là aussi la raison du vote presque unanime de la Chambre.
On nous dit : « Il faut que la Belgique soit hospitalière pour tout le monde, qu'il n'y ait d'exclusion pour personne. »
Cette question a été vingt fois décidée, et elle l'a été depuis l'incident auquel l'honorable membre faisait allusion tout à l'heure : la loi relative aux étrangers a été renouvelée depuis cette époque. Et si on croit devoir, lors de l'expiration de la loi, reproduire ici cette question tranchée vingt fois, et la faire discuter une vingt et unième fois, la Chambre, sous (page 529) l'impression des nécessités de notre situation politique et géographique, la résoudra comme elle l’a toujours fait, malgré nos vicissitudes politiques.
Comment ! vous admettrez, par exemple, que, dans une situation comme celle où nous sommes, 50,000 bannis d'un pays étranger pour cause politique puissent établir leur domicile en Belgique, s'y installer, fût-on sûr, non seulement qu'ils n'ont absolument aucun moyen d'existence, mais encore qu'ils sont accusés des faits les plus graves, de crimes qualifiés par le code pénal, si dans une pareille situation, on pouvait appliquer le système préconisé par l'honorable préopinant, la Belgique deviendrait en peu de temps la sentine de l'Europe.
Nous avons le droit, et si nous avons le droit, nous avons aussi le devoir de préserver avant tout les intérêts et l'honneur de notre pays ; et c'est pour obéir à ce devoir que la Chambre, à une majorité considérable, a adopté la mesure préservatrice qu'on appelle la loi sur les étrangers.
J'ai peut-être tort de parler de cette loi ; car on nous fait une situation bien étrange ; d'une part, on nous reproche en quelque sorte de n'avoir pas appliqué la loi ; et d'autre part ce reproche nous vient précisément de ceux qui ne veulent pas qu'on en fasse application.
Je n'insiste pas davantage.
Si les honorables membres ont un blâme à adresser au gouvernement, qu'ils le formulent, mais d'après les explications qui ont été données, je puis résumer en un mot l'incident.
Le gouvernement n'a pas fait ce dont on l'accuse et si les honorables membres qui ont adressé ou soutenu l'interpellation avaient connu les faits, je leur rends la justice de croire qu'ils ne l'auraient ni produite ni défendue.
M. De Fré. - Je demande à la Chambre de pouvoir lui présenter encore quelques observations : je serai très bref.
Il y a, relativement à des familles déchues, des précédents en Belgique.
Après 1848, les princes d'Orléans ont à peine osé séjourner sur le sol belge. (Interruption.) A côté de la branche aînée, il y a la branche cadette ; eh bien, cette branche cadette n'est jamais venu faire appel à l'hospitalité de la Belgique et y discuter un programme de restauration. (Interruption.) Est-ce qu'à cette époque les d'Orléans recevaient la visite des gouverneurs ?
M. Malou, ministre des finances. - Je vous ai déclaré que le gouverneur n'avait pas rendu visite au comte de Chambord.
M. De Fré. - Pas même a titre de politesse ?
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Pas même à titre de politesse.
M. De Fré.- M. le ministre des finances vient de dire que la visite par les gouverneurs civil et militaire et par le maréchal du palais étaient des visites de politesse.
M. Malou, ministre des finances. - Je n'ai pas dit cela.
M. De Fré. - Le gouvernement aurait dû, en présence des articles des journaux, répétés par la presse étrangère et connus de la diplomatie française, le gouvernement aurait dû, avant toute interpellation, démentir les visites officielles annoncées. En ne le faisant pas, il s'est compromis.
M. M. de Zerezo de Tejada. - Il n'est pas compromis ; on ne cesse de vous le dire.
M. De Fré. - M. le ministre de l'intérieur a énoncé dernièrement cette théorie : si un instituteur se permettait de faire partie de la Ligue de l'enseignement, je le briserais, parce que je ne veux pas lui laisser compromettre la politique du gouvernement. Eh bien, voici des fonctionnaires publics qui sont dénoncés comme faisant des visites au comte de Chambord, et le gouvernement se fait. Il ne dit rien.
Le gouvernement déclare que si un de ses instituteurs visite la Ligue de l'enseignement, il interviendra, et il laisse croire que de hauts fonctionnaires rendent des visites au comte de Chambord et il n'intervient pas, même par un mot au Moniteur, comme c'est son habitude.
Je dis que l'on y trouve la preuve des sympathies que le gouvernement éprouve pour la politique qui est représentée par le comte de Chambord et qui est tout à fait la sienne.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Un mot. Cette fois-ci je tâcherai de m'exprimer en français, vu que probablement mon honorable collègue des finances et moi n'avons pas été compris par l'honorable M. De Fré. Nous avons déclaré tous les deux que M. le gouverneur d'Anvers n'avait pas fait de visite au comte de Chambord.
M. De Fré. - A M. de Blacas.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Si M. de Blacas est pour M. De Fré le comte de Chambord, je n'ai plus rien à dire. Toutefois, il y a une différence assez marquée entre M. le comte de Blacas et M. le comte de Chambord.
M. De Fré. - L'un représente l'autre.
M. d'Aspremont Lynden, ministre des affaires étrangères. - Le comte de Blacas sera très flatté sans doute d'apprendre, de par M. De Fré, qu'il représente le roi de France.
Messieurs, j'ai tenu à insister sur ce fait nouveau pour bien constater que le reproche adressé, de ce chef, au gouvernement n'existe pas, et j'espère que, cette fois, la Chambre sera parfaitement convaincue, à moins que certains de ses membres ne continuent à douter de la parole de deux ministres qui ont l'honneur de parler au nom du gouvernement.
M. le président. - M. Defuisseaux vient de faire parvenir la proposition suivante au bureau :
« Considérant que la loi contre les étrangers est virtuellement abolie, je demande que la révision de la loi sur les étrangers soit mise à l'ordre du jour. »
La Chambre n'a pas de vote à émettre sur cette proposition, qui n'est que l'expression d'un simple vœu.
La parole est à M. Defuisseaux.
M. Defuisseaux. - Messieurs, je veux laisser complètement de côté cette question des visites faites, à Anvers, au comte de Chambord. Selon moi, et cela résulte de l'ensemble de mon discours, cette question est tout à fait accessoire. La chose sur laquelle j'ai surtout insisté, celle sur laquelle j'aurais voulu voir le débat ne point dévier, c'est que la loi sur les étrangers est appliquée tantôt d'une façon, tantôt d'une autre ; c'est que tantôt elle sert à expulser certains étrangers et tantôt elle reste à l'état de lettre morte à l'égard de certains prétendants.
Je conclus donc en demandant à la Chambre la révision de la loi sur les étrangers en ce qui concerne notamment les faits politiques que l'on aurait à leur reprocher.
M. de Theux, membre du conseil des ministres. - Messieurs, je crois que la Chambre n'a qu'un parti à prendre sur la proposition de l'honorable M. Defuisseaux, c'est de prononcer l'ordre du jour.
La proposition est, par sa forme, irrégulière et elle n'a aucune raison d'être après la discussion qui vient d'avoir lieu.
M. De Lehaye. - Messieurs, je crois que les explications du gouvernement sont très satisfaisantes.
Il y a donc lieu de passer également à l'ordre du jour sur la proposition de l'honorable M. De Fré.
M. le président. - Je crois qu'il n'y a qu'à clore l'incident.
- L'incident est clos.
Il donné lecture du rapport ainsi conçu :
« Messieurs, les sieurs Carpentier de Changy sont nés à Liège, l'un le 6 avril 1847, l'autre le 22 juin 1849, de François-Pierre-Charles-Eugène Carpentier, comte de Changy, né à Champvert (France), et de dame Marie-Anne-Félicie de Mélotlt d'Envoz, née à Liège.
« Les pièces jointes aux requêtes établissent qu'ils ont toujours habité le château d'Envoz, commune de Couthuin, avec leurs père et mère, qui y sont domiciliés depuis le mariage qu'ils ont contracté en 1846.
« Les pétitionnaires sont célibataires ; ils jouissent d'une belle fortune immobilière en Belgique ; un certificat de M. le gouverneur de la province de Liège constate qu'ils ont satisfait aux prescriptions de la loi sur la milice nationale ; les autorités consultées sont unanimes à reconnaître leur parfaite honorabilité.
« Ils pouvaient, sans recourir à la demande de naturalisation, devenir Belges, avec tous les droits civils et politiques attachés à cette qualité, en faisant la déclaration d'option prescrite par l'article 9 du Code civil.
« S'ils ne l'ont pas fait, cela tient à une circonstance spéciale, qui est relatée dans les requêtes et qu'il convient d'indiquer ici.
« Les pétitionnaires ont cru, et cette erreur a été partagée par leurs parents, que la Belgique, sous l'empire du droit français qui la régit, avait admis dans sa législation une disposition analogue à celle qui est appliquée en France depuis 1819.
« Cette disposition est ainsi conçue :
« L'individu né en France d'un étranger sera admis, même après l’année qui suivra sa majorité, à faire la déclaration prescrite par l'article 9 du code civil, s'il se trouve dans l'une des condition suivantes : - 1° s'il sert, ou s'il a servi dans les armées françaises de terre ou de mer ; 2° s'il a satisfait à la loi de recrutement, sans exciper de son extranéité. » Or, ce dernier cas est bien celui où se trouvent placés les sieurs de Changy, et l'on comprend leur illusion, dont la conséquence fut de leur persuader qu'il leur était facultatif de réclamer en tout temps la qualité de (page 530) Belge, en remplissant d'ailleurs les autres formalités stipulées par l'article 9.
« Mieux informés aujourd'hui des véritables prescriptions de la loi, ils viennent revendiquer en toute confiance le bénéfice du paragraphe 3 de l'article 2 de la loi du 27 septembre 1835, dont l'effet sera de leur accorder les avantages de la grande naturalisation, sans qu'ils aient à justifier d'avoir rendu des services éminents à l'Etat.
« Votre commission, messieurs, n'hésite pas à accueillir favorablement la demande des sieurs Carpentier de Changy, en les soumettant au droit d'enregistrement, qu'ils se sont engagés à payer. »
- Il est procédé au scrutin secret sur la demande du sieur Marie-Denis-François Carpentier de Changy. Le scrutin donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 88
Boules blanches, 72
Boules noires, 16
En conséquence, cette demande est prise en considération.
Il est procédé au scrutin secret sur la demande du sieur Marie-François-Charles Carpentier de Changy. Le scrutin donne les résultats suivants :
Nombre des votants, 74.
Boules blanches, 56.
Boules noires, 18.
En conséquence, cette demande est prise en considération.
(page 547) M. Vander Donckt, rapporteur. - Les membres du conseil communal et d'autres habitants de Baeleghem réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir une halte sur le chemin de fer de Gand à Braine-le-Comte, dans l'aggloméré de Baeleghem.
Messieurs, l'importance de la carrière de Baeleghem n'est méconnue par personne ; chacun sait que c'est de cette carrière qu'ont été extraites les pierres qui ont servi à la construction de la cathédrale de Saint-Bavon à Gand, de l'hôtel de ville de Gand et d'autres monuments publics et privés de la Belgique. Cette carrière se trouve aujourd'hui presque abandonnée, à cause de la difficulté qu'il y a de transporter les pierres. Ces difficultés proviennent de l'éloignement de la station la plus voisine de la carrière. Les pétitionnaires s'expriment ainsi :
« Cette importante carrière, d'une renommée européenne, fournit les matériaux pour la restauration de l'église de Saint-Bavon, de Saint-Jacques, de l'hôtel de ville de Gand et d'un grand nombre de monuments publics et privés.
« Cette source de prospérité doit être alimentée par tous les moyens possibles, et le gouvernement ne peut négliger aucune mesure pour que la Belgique, si longtemps tributaire de sa voisine pour les pierres de France, puisse exploiter sur une large échelle ses propres carrières, celle de Baeleghem surtout, qui ont été si florissantes du XVème au XVIème siècle.
« Les sources de richesses que renferme notre commune et que l'industrie privée a déjà alimentées d'une manière efficace, grâce aux études du comité permanent de la commission des monuments, exigent impérieusement le concours du gouvernement pour qu'elles puissent prendre tout le développement dont elles sont susceptibles et ne finissent pas peut-être par se tarir.
« Il faut donc nécessairement qu'une station soit établie au centre même de la commune, à l'endroit appelé le Village, où il y a actuellement une barrière pour la chaussée traversant la voie ferrée et que les voies de communication soient améliorées.
« De plus, cette station, si utile pour l'industrie et le commerce, serait en même temps profitable aux intérêts du trésor, puisque les éléments de trafic sont certes bien suffisants pour produire un chiffre de recettes avec les dépenses de construction et d'exploitation.
« Les distances entre les stations de Scheldewindeke et de Moortzeele (cette dernière se trouve aussi sur le territoire de Scheldewindeke) et entre celles de Landscauter et Moortzeele sont plus rapprochées qu'entre celle de Scheldewindeke et celle dont nous demandons l'établissement.
« Notre commune de Baeleghem, une des plus populeuses, des plus industrielles et des plus commerçantes de tout l'arrondissement, est privée de station, elle qui, traversée par le chemin de fer sur une étendue d'environ une lieue, a fait le plus de sacrifice de terrain pour l'établissement de cette voie ; on ne peut, en effet, considérer comme sienne celle qui se trouve à trois quarts de lieue du village et porte à tort le nom de Baeleghem, puisqu'elle est plutôt destinée à desservir les communes environnantes. »
Messieurs, vous comprenez que si cette carrière n'était pas des plus importantes, les pétitionnaires qui sont, pour la plupart, de grands propriétaires et des industriels qui exploitent cette carrière, ne feraient pas cette demande.
Aujourd'hui cette carrière pourrait encore produire tout ce qu'elle produisait dans les siècles précédents, mais, à cause de l'éloignement de la station du lieu d'extraction, il est impossible à cette carrière d'écouler ses produite. Si cette carrière était située en France ou si elle était dans le pays wallon, il est incontestable que depuis longtemps une station plus rapprochée du lieu d'extraction serait établie, et cette carrière, qui pourrait être une grande ressource pour nos Flandres, produirait pour nos exploitants les mêmes résultats que les houillères et les carrières qui se trouvent en France. C'est à regret que nous voyons qu'on va chercher chez nos voisins les pierres blanches pour constructions, tandis que nous avons ces trésors enfermés dans le sol de nos communes des Flandres.
Dans ce sens, la commission appuie fortement la pétition et engage le gouvernement à établir une station plus rapprochée du lieu d'extraction ; le gouvernement aurait rendu ainsi un grand service à l'industrie minière et en même temps il trouverait sur son propre sol des pierres de construction qu'il est obligé aujourd'hui d'aller chercher en France à beaux deniers comptants.
La commission conclut au renvoi à M. le ministre des travaux publics.
(page 530) M. Drubbel. - Je prends la liberté d'appuyer les paroles de l'honorable rapporteur. La commune de Baeleghem renferme des carrières dont les produits étaient autrefois très réputés ; elles ont été abandonnées pendant un certain temps, mais l'exploitation en est aujourd'hui reprise avec une grande activité.
Or, la station du chemin de fer qui doit transporter les produits de ces carrières est très éloignée de l'aggloméré de Baeleghem si tant est qu'elle se trouve même sur le territoire de cette commune. L'objet de la pétition est donc d'un grand intérêt non seulement pour la commune de Baeleghem, mais pour la Flandre entière ; il s'agirait d'établir une halte dans l'aggloméré de Baeleghem.
Je recommande donc la pétition à l'attention sérieuse de M. le ministre des travaux publics.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'accepte volontiers le renvoi de cette pétition et je promets aux honorables membres de l'examiner avec beaucoup d'attention et de bienveillance.
- Le renvoi à M. le ministre des travaux publics est mis aux voix et adopté.
(page 547) M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Autryve, le 15 novembre 1871, des habitants d'Autryve demandent que l'ancienne partie de l'Escaut qui baigne cette commune et qui est désignée sous la dénomination de Vieil Escaut, soit rendue navigable.
Voici ce que disent les pétitionnaires, en terminant leur pétition :
« En résumé ; nous avons tous les motifs de vous demander, comme vous de nous accorder, l'ouvrage en question : motif d'économie, motif de salubrité publique, motif d'urgente opportunité.
« En finissant, messieurs, nous vous faisons observer que les travaux que nous sollicitons répareront en partie la perte que le barrage d'Autryve a fait subir à notre commune. Espérant, messieurs, que, dans votre bienveillante sollicitude, vous voudrez bien, nous vous en prions, nous accorder l'objet de notre requête, vous acquerrez ainsi un nouveau titre à notre reconnaissance. »
Messieurs, il est assez étonnant que chaque fois que le gouvernement, fait exécuter des travaux hydrauliques, surtout sur l'Escaut ou sur la Dendre, c'est dans l'intérêt exclusif de la navigation et au détriment de l'agriculture.
C'est encore le cas pour Autryve. L'Escaut traversait cette localité, mais les travaux hydrauliques ont détourné le cours du fleuve et on a laissé la partie que l'on appelle le vieil Escaut s'ensabler de telle façon qu'aujourd'hui elle forme un marécage.
Les pétitionnaires demandent que le banc de sable qui y existe en ce moment soit enlevé, afin que le vieil Escaut puisse être restitué à la navigation et rendre ainsi de grands services à l'agriculture et au commerce.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
(page 530) M. Tack. - Je viens appuyer les conclusions de la commission.
Les pétitionnaires demandent que l'on prenne des mesures pour que le vieil Escaut dans la commune d'Autryve soit rendu à la navigation ; ils invoquent à la fois l'intérêt du commerce et l'intérêt de l'hygiène publique. Et cela à bon droit.
Des travaux ont été exécutés sur l'Escaut ; un barrage a été construit en amont de la commune d'Autryve ; par suite de la construction de cet ouvrage d'art, la navigation a été pour ainsi dire supprimée sur le vieil Escaut qui confine au centre de la commune d'Autryve.
Il en résulte que les bateaux qui doivent aborder aux établissements situés dans l'aggloméré de la commune ne peuvent plus y arriver que difficilement et après avoir rompu charge. Des bancs de sable se sont formés dans le vieil Escaut, le lit du fleuve s'est envasé ; il s'est produit des atterrissements qui ont pour conséquence de transformer le vieil Escaut en une espèce de marécage.
Le moment est venu de remédier à cet état de choses. Les travaux hydrauliques exécutés il y a quelques années sont devenus sans objet ; le barrage qui se trouve en amont de la commune d'Autryve va être remplacé par un autre barrage qui sera établi dans la commune de Kerkhove ; les travaux à faire pour donner satisfaction aux habitants d'Autryve n'entraîneront pas à une grande dépense.
Il s'agit d'approfondir le lit de l'Escaut sur une profondeur de 50 centimètres et sur une longueur de 300 mètres.
L'intérêt du commerce et celui de l'hygiène se réunissent pour réclamer la prompte exécution de ces travaux. De plus, comme je viens de le faire observer, le moment est favorablement choisi. Le barrage de Kerkhove est en ce moment en construction. Par suite le travail que l'on demande pourra s'exécuter sans difficulté aucune. Si on le remettait à d'autres temps, la dépense serait double, triple, quadruple peut-être.
Je me borne donc à recommander à la bienveillance particulière de M. le ministre des travaux publics la demande des pétitionnaires d'Autryve.
Je suis convaincu que, lorsque l'honorable ministre aura examiné leur juste réclamation, il se hâtera d'y faire droit, et que la prochaine campagne ne se passera pas sans que l'on mette la main à l'œuvre. Si M. le ministre des travaux publics n'a pas de fonds à son budget pour l'objet en question, il sera temps encore de combler la lacune lorsque nous voterons ce budget, et j'espère que M. le ministre voudra bien s'assurer les crédits dont il pourrait avoir besoin pour que les habitants d'Autryve puissent voir s'accomplir leurs vœux.
M. De Lehaye. - Je n'ajouterai qu'un mot à ce que l'on vient de dire sur les travaux à exécuter à l'Escaut dans la commune d'Autryve. Je ferai observer à M. le ministre des travaux publics qu'il s'agit de faire disparaître un ensablement qui s'est produit dans l'Escaut sur une longueur de 300 mètres. Cet ensablement n'a qu'une profondeur de 50 centimètres. La dépense serait peu considérable, mais il importe que le gouvernement mette sans retard la main à l'œuvre. Voici pourquoi : on fait en ce moment un barrage à quelques kilomètres de cet endroit, en aval.
Si l'on ne fait pas le travail que je demande avant que le barrage de Kerkhove soit établi, on ne pourra plus l'entreprendre qu'au prix des plus grands sacrifices.
On doit donc enlever immédiatement les sables si l'on veut éviter de grands frais.
Habitant la commune une partie de l'année, je puis mieux que personne apprécier les inconvénients qui résultent de l'état de choses actuel. Non seulement la situation présente de l'Escaut porte préjudice à l'agriculture, mais elle offre encore de graves inconvénients dans les temps de chaleur.
C'est un cloaque qui doit disparaître dans l'intérêt de la salubrité publique, de l'agriculture et de la navigation.
Quand on a élevé le barrage, on a promis à la commune d'Autryve, que ses intérêts seraient sauvegardés. Cet ancien bras de l'Escaut, jadis navigable, ne l'est plus par suite de l'état d'abandon dans lequel on l'a laissé. Le travail que j'indique ne coûterait que quelques milliers de francs. Je demande donc que M. le ministre, veuille bien en hâter l'étude ; il se convaincra aisément de la justesse de nos réclamations.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - J'examinerai cette pétition avec la plus grande attention et je promets aux honorables préopinants de donner une prompte solution à l'affaire dont elle traite.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bastogne, le 8 juillet 1871, le sieur Bailly prie la Chambre de réviser le tarif des actes des huissiers.
Par pétition datée de Bruxelles, le 12 juillet 1871, le sieur Guiot demande qu'avant la fin de la session la Chambre modifie le décret de 1807 concernant le tarif des actes des huissiers.
Une discussion ayant eu lieu récemment sur l'objet de ces pétitions, la commission croit devoir se borner à vous en proposer le renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition sans date, des habitants des rives gauche et droite de l'Escaut, demandent une modification à l'arrêté royal du 18 mai 1843, pour que le bateau de passage du gouvernement effectue ses traversées jusqu'à 7 heures et un quart.
Autrefois, messieurs, le passage s'effectuait pendant deux heures de plus qu'aujourd'hui. La situation actuelle offre de sérieux inconvénients pour les industriels et de nombreux ouvriers qui doivent traverser l'Escaut pour se rendre à leurs travaux.
Votre commission vous propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères.
- Adopté.
-M. Tack remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Beaumont, le 24i août 1871, les membres du conseil communal de Beaumont demandent une loi consacrant le principe d'une indemnité pour les servitudes douanières ; le rétablissement des foires et marchés de cette ville ; la suppression des barrières douanières et (page 531) fiscales et, en attendant, le renouvellement du traité de commerce conclu avec la France le 1er mai 1861.
Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les servitudes douanières et le renvoi à MM. les ministres des finances et de l'intérieur.
M. Hagemans. - J'ai l'honneur d'appuyer les conclusions du rapport et je recommande cette pétition d'une manière toute spéciale à MM. les ministres des finances et de l'intérieur à qui elle est renvoyée.
M. Drubbel. - Messieurs, je vois que la commission des pétitions propose, en même temps que le renvoi de la pétition aux ministres des finances et de l'intérieur, le dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les servitudes douanières.
Il n'existe pas, que je sache, de projet de loi relatif aux servitudes douanières.
A la vérité, à la fin de la session dernière, une pétition a été adressée à la Chambre par le conseil communal et des habitants de Péruwelz relativement à la suppression des servitudes douanières.
Cette pétition a, sur la proposition de l'honorable M. Bara, été renvoyée à la section centrale qui avait examiné le projet de loi sur les servitudes militaires.
J'ai eu l'honneur de déposer, au commencement de cette session, le rapport de la section centrale sur cette pétition.
Je suppose que la commission a en vue le dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur la pétition des habitants de Péruwelz. mais je crois qu'il serait à la fois plus simple et plus rationnel de demander le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les servitudes militaires.
M. le président. - C'est une erreur typographique, il s'agit, en effet, du projet de loi sur les servitudes militaires.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Des habitants d'Anlier demandent que la route d'Arlon à Ostende soit reliée au chemin de fer au point de jonction de la ligne du Luxembourg avec celle de Virton par une route partant d'Anlier pour se terminer à Marbehan.
Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Le sieur Pol demande que des généalogistes soient attachés aux justices de paix pour les affaires de succession.
Votre commission, messieurs, a cru qu'il convenait de proposer le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Des habitants d'Oostacher prient la Chambre de rejeter tout système de réorganisation militaire qui prendrait pour point de départ le service obligatoire personnel.
Votre commission, messieurs, a conclu au dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Des négociants et industriels de l'arrondissement de Verviers, se plaignant de l'irrégularité dans les transports des marchandises sur le chemin de fer et de la marche irrégulière des trains de voyageurs, demandent qu'il soit pris des mesures pour modifier cette situation.
Votre commission vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Julliot, rapporteur. - Messieurs, par pétitions de différentes dates, les villes de Visé, Tongres, Looz, Saint-Trond, Léau et quarante-deux autres communes des arrondissements de Verviers, Tongres, Couvain, Nivelles et Bruxelles s'adressent à la Chambre. pour que la ligne directe d'un chemin de fer de Bruxelles à Aix-la-Chapelle par Tervueren, Weert-Saint-Georges, Tirlemont, Léau, Saint-Trond, Looz, Tongres. Visé, Aubel et Bleyberg, sollicitée par le sieur Pousset, soit concédée le plus tôt possible.
Les pétitionnaires exposent que cette demande en concession est pure et simple et n'exige aucun concours financier de la part de l'Etat ; que l'expérience démontre l'infériorité de position qu'occupent les parties du pays qui sont privées de chemin de fer ; que cette situation est telle, que toute concurrence entre les parties possédant des chemins de fer et celles qui en sont privées est devenue impossible, et qu'on ne peut, au point de vue de l'équité et de la justice même, refuser de parti pris de nouvelles concessions destinées à égaliser la position économique entre tous les Belges, quand l'occasion de le faire se présente gratuitement, car, disent-ils, de deux choses l'une, ou ces demandes en concession sont faites parce que la ligne existante ne suffit plus au trafic, ou bien la ligne existante a été mal tracée et fait des détours inutiles, et alors on est mal venu à dire qu'un mauvais travail est un obstacle à ce qu'on fasse un bon travail par une ligne directe ; enfin, que pour des considérations secondaires qui ne résistent pas à l'examen, en présence du grand but à atteindre, on refuserait une concession qui traverse un des périmètres les plus populeux du pays s'adresse à un groupe de 300,000 âmes de population et intéresse 250 communes.
Par ces considérations, votre commission propose l'envoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications.
M. Wouters. - La question que soulève la requête des pétitionnaires n'est pas nouvelle. Elle a été plus d'une fois débattue dans cette enceinte et au Sénat. L'an dernier, notamment, l'honorable M. Thonissen, avec la juste autorité qui s'attache à sa parole, en a fait ressortir toute l'importance et l’utilité. Elle a trouvé des défenseurs habiles et convaincus dans les honorables MM. de Borchgrave, le baron de Woelmont et Julliot. Les développements dans lesquels ils sont entrés me dispenseraient, au besoin, de revenir sur la pétition, autrement que pour en recommander le bienveillant examen à l'honorable chef du département des travaux publics ; mais comme il s'agit d'un travail qui sert tout à la fois les intérêts généraux du pays et ceux de trois de ses provinces, la Chambre me permettra d'ajouter quelques considérations à celles qui lui ont déjà été présentées.
Personne ne contestera que l'établissement d'une ligne directe de Bruxelles à Aix-la-Chapelie, par Tervueren, Weert-Saint-Georges, Tirlemont, Léau, Saint-Trond, Looz, Tongres et Visé, n'emprunte aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvons une opportunité toute spéciale.
La récente discussion à laquelle la Chambre s'est livrée a démontré à l'évidence que l'encombrement de nos chemins de fer doit être attribué non seulement à la pénurie du matériel, mais encore et surtout à l'exiguïté des gares, et à l'insuffisance notoire des voies de traction et d'évitement.
Il sera remédié en partie à cet état de choses par les crédits qui ont été récemment votés par la législature, pour l'augmentation du matériel et l'agrandissement de nos principales stations.
Certes, ce sont là des améliorations sérieuses et réelles, mais pour qu'elles soient efficaces, il faudrait qu'elles pussent se combiner avec une augmentation du nombre actuel des voies.
Ce sera le seul moyen de prévenir désormais des encombrements, tels que ceux qui se sont produits dans ces derniers temps, et qui ont nécessité l'interdiction momentanée de tous transports en destination de certaines localités, au grand préjudice du commerce et de l'industrie. Il faudra infailliblement qu'on en arrive là, si l'on veut dégager les grands centres de production et suffire aux besoins du trafic entre les villes importantes du pays.
Or, je le demande, avec l'honorable rapporteur, qui a tout spécialement insisté sur cette considération, plutôt que de juxtaposer de nouveaux rails à ceux qui relient Bruxelles à Louvain, Tirlemont, Liège, Verviers et Aix-la-Chapelle, ne vaudrait-il pas mieux créer un railway direct qui réduirait de 30 kilomètres le parcours actuel et desservirait des contrées aujourd'hui encore privées de toute voie rapide de communication ?
L'établissement de cette ligne deviendrait indispensable si, comme tout le fait espérer, le gouvernement et les Chambres réservent un accueil favorable au grand projet qui préoccupe à bon droit l'opinion publique et qui aurait pour effet d'amener, par un canal maritime à grande section, les produits transatlantiques au centre même du pays.
Il est évident que la réalisation de cette œuvre admirable, que l'avenir nous réserve, donnera un essor prodigieux à l'activité commerciale de nos principales cités et nécessitera des points de contact plus nombreux avec les pays voisins et notamment avec les Etats de l'Allemagne..
A côté de ces considérations d'intérêt public, que je ne fais qu'indiquer, ne voulant pas anticiper sur un débat qui viendra à son heure devant la Chambre, viennent s'en ajouter d'autres, qui trouvent leur raison d'être dans des idées de justice et d'égalité sociale dont le législateur ne saurait jamais se montrer assez soucieux.
Personne ne saurait méconnaître que les intérêts des villes de Léau, Saint-Trond, Looz, Tongres et Visé n'aient été sacrifiés jadis au profit de localités plus importantes, je le reconnais, mais qui, situées en dehors du tracé direct du railway national, sont redevables à son établissement, dans la zone qu'elles occupent, du grand développement qu'elles ont acquis depuis.
C'est donc la réparation d'une inégalité manifeste que ces communes, (page 532) déshéritées depuis tant d'années, viennent réclamer aujourd'hui ; c'est aux sentiments de justice et d'impartialité de la législature et du gouvernement qu'elles font appel.
Oh ! je le sais, leur requête peut donner lieu à des objections. Quel est le travail d'utilité publique qui n'en ait rencontré, qui n'ait dû vaincre des difficultés sérieuses, avant de s'imposer à la conscience du pays.
Ces objections ont été formulées dans des sessions précédentes, nuis chacun reconnaîtra que par suite des circonstances spéciales que nous avons traversées, elles ont perdu beaucoup de leur force et de leur autorité.
C'est ainsi que l'on ne pourrait plus aujourd'hui s'opposer à la construction de la ligne nouvelle, dans la crainte qu'elle ne fasse concurrence à celle de l'Etat, et quelle ne compromette les ressources du trésor.
Cette concurrence n'est pas à redouter. L'expérience du passé et le mouvement ascensionnel du trafic dans ces derniers temps, doivent nous rassurer à cet égard.
L'honorable M. de Woelmont a d'ailleurs établi l'an dernier au Sénat, par des calculs irrécusables, que cette perte serait minime, insignifiante, et serait compensée par des avantages très considérables.
Loin donc de se nuire, les deux voies se prêteront un mutuel appui. Elles seront l'une à l'autre un utile auxiliaire pour les parcours à longue distance, alors surtout que les relations sont pour ainsi dire suspendues et entravées par les diverses causes que nous avons signalées.
La nouvelle ligne, tout en devenant un riche affluent du chemin de fer de l'Etat, qui, veuillez le remarquer, conservera entier le trafic entre Bruxelles, Louvain, Liège et Verviers, aura un service normal et régulier, qui suffira largement à son entretien, et assurera une rémunération équitable des capitaux nécessaires à sa construction.
Elle sera de plus un immense bienfait pour un grand nombre de localités, qui sont aujourd'hui forcément tenues à l'écart du mouvement de progrès qui se manifeste partout.
Et, puisque mes honorables collègues, tout en traitant la question à un point de vue général, se sont occupés plus spécialement des intérêts de la province de Limbourg, qu'il me soit permis de retracer en peu de mots les avantages qui résulteraient de ce travail pour l'arrondissement de Louvain, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte.
Parlerai-je de la belle commune de Tervueren que tant de projets, et tout récemment encore une demande de concession d'un chemin de fer de Watermael à Corbeck-Dyle ont eu pour objet de rattacher à Bruxelles, et qui en est encore aujourd'hui réduite, comme il y a trente ans, au service de l'omnibus et de la malle-poste ?
Dirai-je la transformation qui s'opérerait dans les populeuses vallées de l'Isque, de la Lasne, de la Dyle, qui seraient ainsi reliées d'une part à Bruxelles, dont elles alimenteraient le marché, de l'autre aux plaines fertiles du Brabant wallon et aux communes importantes des cantons de Tirlemont ?
Mais c'est surtout dans le canton de Léau, si isolé, si oublié, si victime, que cet admirable instrument de la prospérité agricole, industrielle et commerciale serait appelé à porter des fruits.
Vous le voyez, messieurs, la ligne dont on réclame la concession traverserait le territoire de l'arrondissement de Louvain sur un parcours de 40 kilomètres environ, et desservirait, en y comprenant quelques communes du canton de Jodoigne (circonstance heureuse qui doit nous ménager le concours de nos honorables collègues de Nivelles)...
M. Snoy. - Nous avons un autre projet.
M. Wouters. - ... une population de près de 70,000 âmes.
Ces chiffres ont une éloquence incontestable.
Ils suffisent à établir l'immense intérêt qui s'attache à la construction de la ligne. Ils sont la meilleure garantie du trafic qui lui sera assuré, trafic indépendant de celui du railway national, et qui ne fera qu'augmenter d'année en année, en proportion de l'accroissement d'activité industrielle que l'exécution de ce travail ne saurait manquer de provoquer.
Ces considérations n'ont pas échappé aux partisans si nombreux du projet Pousset. C'est ce qui explique l'enthousiasme avec lequel il est accueilli dans une partie importante du pays.
De tous côtés, les meetings s'organisent ; des résolutions y sont prises, des vœux sont adressés à la législature. Il est impossible que le gouvernement ne se préoccupe pas de cet état de l'opinion publique qui se manifeste avec tant d'ensemble.
Ce que je lui demande, c'est de consacrer un bienveillant examen à la question qui lui est soumise. J'ai l'espoir fondé qu'il naîtra de cet examen une solution conforme aux intérêts des pétitionnaires.
J'appuie, dans ce sens, les conclusions de la commission et le renvoi de ces nombreuses requêtes à l'honorable ministre des travaux publics.
M. Thonissen. - J'appuie à mon tour les conclusions prises par l'honorable rapporteur de la commission des pétitions.
Le moment de discuter les avantages que le Limbourg retirerait de la concession de ce chemin de fer n'est pas encore venu. Ce débat trouvera naturellement sa place dans la discussion générale du budget des travaux publics. Aujourd'hui, je me contenterai de dire au gouvernement que la province de Limbourg en général et l'arrondissement de Hasselt en particulier sont profondément mécontents de la résistance que l'Etat oppose à la demande en concession formée par M. Pousset. Mes commettants ne comprennent pas comment il soit possible de refuser la concession d'une importante voie ferrée qui serait pour eux une source intarissable de prospérité, et cela sous le seul prétexte qu'il pourrait en résulter une certaine perte pour le chemin de fer de l'Etat. Je prouverai, d'ailleurs, quand l'heure sera venue, que, même sous ce rapport, les craintes du gouvernement sont étrangement exagérées.
M. David. - Moi aussi je viens appuyer les conclusions de la commission, mais après les considérations que vous venez d'entendre, il me sera permis d'être extrêmement court.
Je ne parlerai en ce moment que pour faire ressortir combien une partie de mon arrondissement est intéressée à l'exécution de ce chemin de fer.
Le railway dont il est question doit traverser le canton d'Aubel et peut-être même passer à coté de la ville d'Aubel. Cette ville se trouve située sur le vaste plateau entre Maestricht et Verviers, plateau qui attend des chemins de fer depuis vingt-cinq ou trente ans, plateau qui a failli avoir le passage du railway qui, en définitive, a été construit dans le vallon de la Vesdre.
Le canton d'Aubel est un canton extrêmement important, il est urgent qu'il soit enfin doté d'un chemin de fer, pour lui permettre de développer son industrie et son bien-être.
J'appuie donc les conclusions de la commission, en priant M. le ministre des travaux publics de les examiner avec bienveillance.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je viens également appuyer les conclusions de la commission des pétitions.
Le chemin de fer dont il s'agit ne concerne qu'une très petite partie de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre. Mais s'il ne touche pas à des intérêts vitaux pour mon arrondissement, il implique une question de principe que je veux voir résolue, c'est-à-dire celle de la concession des chemins de fer qui viennent tirer de leur isolement les communes qui n'ont pas encore ces voies de communication.
Nous avons, dans notre arrondissement, un autre chemin qui se trouve dans la même situation que celui-ci, qui depuis longtemps est demandé en concession et qui, depuis longtemps, est cependant repoussé par tous les ministres des travaux publics qui se sont succédé au pouvoir et qui, je l'espère, si celui-ci lui ouvre la voie, sera également concédé. Je parle du chemin de fer dont la concession est demandée par M. Rosart. J'appuie donc les conclusions de la commission, dans l'espoir que l'une concession ne fera que précéder l'autre.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je crois avec l'honorable M. Thonissen que ce n'est pas le moment de donner des explications complètes sur l'objet du rapport de l'honorable M. Julliot. Mais je ne puis laisser passer sans réponse ce qu'ont dit les orateurs que vous venez d'entendre.
Depuis longtemps le gouvernement est saisi de plusieurs demandes en concession de chemins de fer dont le but, selon les auteurs de ces demandes, est de mieux relier la capitale et l'ouest de la Belgique avec l'Allemagne.
Nous avons non seulement le chemin de fer dont il vient d'être question, mais aussi le chemin de fer de Hal à Aix-la-Chapelle, le chemin de fer de Hal à Maestricht, le chemin de fer de Hal à Ans, le chemin de fer d'Ath à Ans, le chemin de fer de Lille à Liège, le chemin de fer d'Armentières à Aix-la-Chapelle, le chemin de fer de Calais à Cologne et d'autres encore.
Tous ces chemins de fer, messieurs, se présentent dans les mêmes conditions ; ils ne trouveraient pas, dans le trafic qui leur serait propre, les ressources nécessaires pour couvrir les intérêts du capital de premier établissement et les frais d'exploitation.
M. Thonissen. - Les capitaux sont faits pour le chemin de fer dont nous nous occupons.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je dis que ces chemins de fer ne pourraient vivre qu'aux dépens des lignes existantes et notamment des lignes de l'Etat.
C'est pour cette raison qu'il n'a pas été donné suite jusqu'à présent à ces diverses demandes de concession.
(page 533) II semble, d'ailleurs, que, dans l'état actuel des chemins de fer belges, il ne puisse plus y avoir un intérêt réel à construire de grandes lignes internationales, parcourant une étendue considérable du pays et coupant, d'une façon plus ou moins arbitraire, un grand nombre de lignes.
Est-ce à dire, messieurs, qu'il n'y ait plus rien à faire en fait de chemins de fer ? Certainement non : il est bien des localités encore qui ne sont pas reliées aux grandes lignes et qu'il importerait d'y rattacher ; il est des localités dont il y aura lieu peut-être d'améliorer encore les relations avec d'autres parties du pays.
Mais, messieurs, ces améliorations se feront en général au moyen de chemins de fer d'intérêt local, au moyen de chemins de fer reliant des villes ou des localités qui ne sont pas actuellement raccordées entre elles ou qui ne le sont pas d'une manière satisfaisante.
Pour ma part, je le répète, je ne vois plus de grandes lignes internationales à concéder ou à construire ; je n'aperçois pas l'intérêt qu'il pourrait y avoir pour le pays à en établir encore à côté de celles qui existent.
Au surplus, ce n'est pas une simple bagatelle de 50,000 ou 60,000 francs qu'une ligne latérale au chemin de fer de l'Etat, entre Bruxelles et l'Allemagne, ferait perdre au trésor ; ce serait une somme infiniment plus considérable.
Les chiffres qui ont été indiqués par l'honorable M. Thonissen ne peuvent résulter que d'une grave erreur.
M. Thonissen. - Nous discuterons cela.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Je n'insiste pas en ce moment sur les chiffres. Je ne serais pas même entré dans ces détails si l'honorable membre n'avait traité la question au fond, mais j'ai cru nécessaire de faire mes réserves, car je ne puis admettre comme exact tout ce qu'ont dit les honorables membres qui ont pris la parole tout à l'heure.
J'ai pensé qu'il était bon de faire ressortir la gravité de la question et j'aurai lieu, à l'occasion, de m'expliquer d'une manière plus complète.
M. Thonissen. - Nous discuterons cela plus tard.
M. Vermeire. - Messieurs, je ne puis admettre la théorie qui vient d'être développée par M. le ministre des travaux publics en ce sens que de nouveaux chemins de fer demandés par des concessionnaires ne pourraient être construits, sous ce prétexte que ces chemins de fer poseraient préjudice aux recettes du chemin de fer de l'Etat.
Cette théorie, qui effectivement a cours au ministère des travaux publics, n'est, pour moi, ni juste ni loyale.
En effet, si une société demandait la concession d'un chemin de fer à ses risques et périls, ce n'est pas cet intérêt mesquin d'une perte pour le trésor qui doit prévaloir.
Quand on construit de nouveaux chemins de fer, c'est particulièrement pour desservir de nouvelles populations et c'est surtout pour que l'augmentation de la richesse publique qui en résulte profite un peu aux localités que les lignes nouvelles doivent traverser.
Je crois que chaque fois qu'une concession est demandée et que le gouvernement a l'assurance que les travaux seront exécutés, il ne doit pas hésiter.
M. Snoy. - Parfaitement.
M. Vermeire. - Voilà, selon moi, la vraie théorie.
En effet, je suppose que le chemin de fer, au lieu d'être exploité par l'Etat, eut été exploité par une grande compagnie particulière. Estl-ce que pour favoriser cette compagnie vous n'accorderiez plus d'autres concessions ? Où donc a-t-on vu qu'en accordant des concessions de chemins, on ait mis dans le cahier des charges cette clause qu'ultérieurement des chemins de fer ne seraient plus concédés ?
Je crois donc qu'il faut être plus large. Quand quelqu'un demande une concession de chemin de fer on ne doit pas mettre en ligne de compte le préjudice qui pourrait en résulter pour l'Etat, car en admettant même un préjudice financier pour l'Etal, ce que je conteste, le préjudice causé aux populations qui restent privées de voies de communication serait beaucoup plus considérable que le préjudice mesquin qu'aurait à subir l'Etat.
Maintenant, messieurs, la ligne dont on demande la concession n'est pas une petite ligne : c'est une ligne qui irait de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. Cette ligne desservirait des populations nombreuses auxquelles les voies de communication manquent jusqu'à présent et elle aurait pour conséquence d'améliorer la prospérité de ces populations, sans qu'il en résulte le moindre préjudice pour l'Etat.
Messieurs, des exemples ont été cités par les premiers orateurs que vous avez entendus. Il y a eu beaucoup de rectifications de chemins de fer en Belgique : nous avons eu, par exemple, le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. Est-ce que pour cela l'ancien chemin de fer ne rapporte plus rien ?
Est-ce que la station de Termonde ne produit plus rien ?
Il ne faut donc pas raisonner ainsi ; il faut raisonner dans l'ensemble des faits et surtout dans le sens de l'augmentation de la prospérité publique qui peut résulter de la concession de nouveaux chemins de fer.
M. Julliot. - Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics trouve son compte à confondre toutes les demandes de concession, mais il a tort, car il doit accepter ce qui est sérieux et rien d'autre.
La question des chemins de fer avec tout le développement dont elle est susceptible n'est pas encore assez vulgarisée en Belgique.
Ceux qui sont propriétaires des lignes ferrées, que ce soit l'Etat ou des compagnies, croient erronément qu'il est de leur intérêt qu'il ne s'en fasse plus d'autres.
On prête même au gouvernement l'intention de ne plus accorder de nouvelles concessions du tout.
Or, je soutiens qu'un projet pareil ne pourrait entrer dans une tête saine, car la moitié du pays, privée de ce moyen de locomotion, se révolterait à bon droit contre une hérésie économique de cette force, les intérêts matériels pèsent trop sur les pouvoirs pour que cela soit possible.
La construction et l'exploitation des chemins de fer est une industrie comme une autre et c'est la concurrence qui fournit le progrès et le perfectionnement dans cet élément de la prospérité publique.
On a démontré à cette tribune que la Belgique était reliée à la France par cinq lignes différentes ; qu'elle avait quatre lignes vers la Hollande et que vers l'Allemagne, il n'en est que deux, alors que le trafic vers ces parages est aussi considérable que celui vers la France. Aussi que se passe-t-il en ce moment ? La station du Nord est encombrée à tel point, que les voyageurs ne trouvent leur convoi qu'en sortant de la gare à 5 et 6 minutes de distance.
Il est encore démontré que les trains se succèdent avec une telle rapidité qu'il n'est presque plus possible de réparer la voie quand elle est détraquée.
Dans une réunion de commerçants, on a demandé qu'on élargisse, sur la ligne de Bruxelles vers l'Allemagne, les gares, et qu'on place quatre voies où il n'y en a que deux ; mais, indépendamment de l'impossibilité d'agrandir les gares partout, l'encombrement se produirait dans de plus fortes proportions dans toutes les gares intermédiaires et les dépenses dépasseraient celles d'une ligne nouvelle.
D'ailleurs, pour défendre notre cause nous avons la bonne fortune de pouvoir nous abriter derrière les hommes les plus considérables du parlement, comme derrière le nombre.
Quand on a réclamé la ligne de Dendre-et-Waes, la ligne droite de Gand à Bruxelles, la ligne directe d'Anvers à Hasselt, la ligne directe de Bruxelles à Louvain, qui avons-nous vu sur la brèche pour défendre le système que nous soutenons ? C'était l'honorable M. Malou en tête, le baron Osy et autres députés d'Anvers, les députés de Gand, de Bruxelles, etc.
Bref, si je voulais consulter tous les précédents, je démontrerais que, par fraction et par époque, toute la Chambre tour à tour y a passé en soutenant ce que nous préconisons aujourd'hui.
Serons-nous donc les seuls à ne pas obtenir cette justice tardive ? Ce n'est pas au point de vue d'une localité que nous réclamons, ce sont les provinces de Liège, Limbourg, et le Brabant, Bruxelles, Louvain et Nivelles qui sont en jeu, et certes les représentants de ces contrées nous viendront en aide, car leurs commettants n'attendent pas moins d'eux.
On dit que cette ligne directe de Bruxelles à Aix-la-Chapelle causerait des pertes considérables au trésor. Eh bien, c'est une erreur, car, calcul fait, il en résulte que cette ligne ne prendrait que le transit vers l'Allemagne, et une petite partie des relations internationales qui, prises en moyenne, n'enlèveraient ensemble pas 200,000 francs des 10 millions que perçoit l'Etat. Là n'est donc pas l'obstacle.
Il est temps que le gouvernement se décide à être logique et qu'il ne sacrifie pas des sommes considérables à des lignes qui ne sont pas viables, en même temps qu'il refuse des concessions gratuites, toutes à l'avantage de la prospérité du pays. D'ailleurs ce que réclament ces trois provinces n'est qu'une réparation tardive : car, en 1835, la ligne désignée par les ingénieurs est celle que nous réclamons ; mais alors les villes de (page 534 Verviers et de Liège s'insurgèrent pour que la ligne déviât vers elles, et on sacrifiait 20 millions en plus pour un détour de 30 kilomètres, ce dont je ne me plains pas, car mes sympathies sont liégeoises ; mais il est temps de réparer le mal qui a été fait, par ce tracé, à cette partie importante du pays qui a droit à cette réparation.
Persuadé que M. le ministre des travaux publics prend son rôle au sérieux, il examinera avec justice le bien fondé de nos réclamations, ne s'arrêtera pas devant des petites considérations de boutique, mais proposera, après mûr examen, un projet de loi destiné à donner satisfaction à ces nombreuses populations. Le gouvernement se propose de faire donner des leçons de géographie dans ses écoles primaires, donc, il ne niera pas la géographie dans la question qui nous occupe ; la Chambre est saisie de cinquante pétitions et il s'en prépare encore trois fois autant, tel est l'intérêt qui se rattache à ce projet. Et pour être entièrement fixé sur l’utilité de ce projet, on peut consulter une brochure, avec carte à l'appui, qui a été distribuée à tous les membres de la Chambre.
M. Moncheur, ministre des travaux publics.- Je ne dirai que deux mots.
L'honorable M. Julliot vient de déclarer que l’on prête au gouvernement l’intention.de ne plus accorder aucune espèce de concession. Je réponds à l'honorable membre que c'est une erreur complète.
Le gouvernement n'a pas du tout l'intention de ne plus accorder aucune concession. Mais il veut examiner à fond chaque question à part et se déterminer d'après des considérations d'intérêt général.
M. Julliot, rapporteur. - Messieurs, je suis beaucoup plus satisfait de la seconde réponse que de la première donnée par l'honorable ministre et j'en augure bien.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Waesmtinsier, le 24 avril 1870, des négociants en denrées coloniales et boutiquiers à Waesmunster se plaignent que le commissaire de police de cette commune tient un magasin d'épiceries et d’aunages.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Georges, le 22 avril 1870, la dame Smal demande que son fils Pierre-Joseph, milicien de la classe de 1870, soit exempté du service militaire.
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée d'Autreppe, le 7 février 1870, les membres de l'administration communale d'Autreppe demandent le déplacement de la boîte aux lettres établie dans cette commune.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
-- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Liége, le 15 avril 1870, la veuve du sieur Dumont, ancien brigadier de la gendarmerie, demande une pension.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Trognée, le 1er mai 1870, des habitants de Trognée et des communes voisines demandent la révision des lois protectrices des animaux domestiques.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Poucet, le 27 mars 1870, des habitants de Poucet demandent l'exécution et l’amélioration des lois protectrices des animaux domestiques.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Bouillon, le 12 mai 1870, des habitants de Bouillon prient la Chambre de voter le projet de loi autorisant la concession de chemins de fer.
Messieurs, la commission propose le dépôt au bureau des renseignements, mais je prie la Chambre de changer ces conclusions et d'ordonner le renvoi à l'honorable ministre des travaux publics avec demande d'explications.
Voici pourquoi.
La commission avait conclu au dépôt au bureau des renseignements, non qu'elle ait attaché peu d’importance à la question, mais parce que la pétition déjà très ancienne, comme la plupart de celles sur lesquelles j'ai à faire rapport aujourd'hui, lui a semblé être, en réalité, devenue sans objet.
En effet, les lignes de chemin de fer dont il s'agit, et qui constituent le réseau franco-belge, ont été concédées il y a environ deux ans à la Société d'exploitation.
Malheureusement la loi qui octroie la concession a soulevé dans son application des difficultés d'interprétation fort graves qui se rapportent à trois points principaux : le délai endéans lequel la compagnie du Luxembourg doit faire valoir son droit de préférence, la manière dont ce droit de préférence peut être exercé, et, enfin, éventuellement, la valeur qu'il faudrait assigner à la contre-lettre que la Société d'exploitation a obtenue de l'honorable M. Jamar après le vote de la loi par la Chambre, et dont nous avons appris l'existence l'année dernière.
Le premier point a été soumis à l'appréciation des tribunaux : toutefois si ce que l'on dit est vrai - et je voudrais le savoir du gouvernement - le procès qui a été engagé n'a plus de raison d'être maintenant, la compagnie du Luxembourg s'étant prononcée dans ces tout derniers temps.
Mais elle s'est déclarée, paraît-il, de façon à donner un intérêt tout à fait actuel à la seconde difficulté, celle de décider si elle peut appliquer son droit de préférence à une partie de la concession, à un embranchement, à quelques kilomètres de cette concession. L'honorable M. Wasseige, interpellé par moi, à cet égard, dans le cours de la dernière session, a répondu catégoriquement qu'il n'admettait pas le droit de préférence partiel, et il était bien résolu à le contester devant tous les degrés de juridiction.
Je serais reconnaissant à l'honorable ministre s'il voulait nous apprendre s'il est dans les mêmes idées, et si, dans le cas contraire, ou dans l'hypothèse entièrement invraisemblable où le privilège qu'elle réclame serait reconnu judiciairement à la compagnie, il se croirait lié, le cas échéant, par la contre-lettre qui, d'après l'honorable M. Tesch, est sans la moindre valeur, mais qui, si elle n'était pas un chiffon de papier, modifierait singulièrement la concession que la Chambre a votée, et exposerait la province de Luxembourg à perdre la plus grande partie des avantages qui lui sont assurés par la loi.
M. Moncheur, ministre des travaux publics. - Messieurs, je trouve très naturel que les populations du Luxembourg demandent l'exécution des chemins de fer qui avaient été concédés et qui doivent vivifier les pays qu'ils traversent.
C'est aussi la préoccupation du gouvernement.
Après la déchéance encourue par la compagnie Forcade, la concession octroyée à cette compagnie a été donnée à la Société générale d'exploitation.
Mais un conflit judiciaire a surgi entre cette société et la compagnie du Luxembourg. Dans ce conflit, le gouvernement et la banque suisse, qui représente la personne qui a fourni le cautionnement pour Forcade, ont dû intervenir. C'est là un procès très compliqué et qui pourrait devenir presque interminable.
Le gouvernement a cherché les moyens d'y mettre fin à l'amiable.
Des négociations ont donc lieu en ce moment dans ce but, et j'espère pouvoir annoncer prochainement à la Chambre que la concession, qui jusqu'à présent n'est que provisoire, est devenue définitive.
Vous comprenez, messieurs, que dans cette situation, il m'est impossible de répondre aux diverses questions que m'a adressées l'honorable M. Van Hoorde. Je le prie d'avoir un peu de patience et d'attendre.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Je n'insiste pas pour avoir une réponse immédiate, et je comprends très bien que l'honorable ministre des travaux publics la diffère jusqu'à la discussion de son budget ou jusqu'à un autre moment, selon sa convenance, avant la fin de la session, puisque des négociations sont entamées. Je ne voudrais pour rien au monde qu'elles fussent enrayées par ma faute, car j'ai la plus grande confiance dans la sollicitude du gouvernement pour la province qui m'a commis à la garde de ses intérêts.
Mais ce sur quoi j'insiste, c'est sur le droit qu'elle a d'être mise en possession de son réseau complet. Ce sur quoi j'insiste, c'est sur l'impérieuse nécessité qui s'impose au ministère de résister énergiquement et jusqu'au bout aux prétentions de la compagnie du Luxembourg en ce qui concerne le droit de préférence partiel, prétentions que l'honorable M. Frère a qualifiées ici d'exorbitantes. Si, par un malheur de plus, elles devaient être admises, elles rendraient impossible, pour l'avenir, toute concession de quelque importance dans la province de Luxembourg. Je dis pour l'avenir, car la Société générale d'exploitation n'a inséré aucune clause restitutoire dans son contrat de 1870. Bien plus, par l'article 3 de la convention, elle a pris à sa charge, à ses risques et périls, toutes les conséquences qui pourraient résulter du droit de préférence tel qu'il sera reconnu en faveur de la compagnie du Luxembourg. Quoi qu'il arrive, la Société d’exploitation sera donc tenue par des engagements officiels, auxquels il n'a pas pu être dérogé par une simple correspondance.
Dans ces conditions, je propose de nouveau à la Chambre le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explications.
(page 535) M. Santkin. - Je me joins à M. Van Hoorde pour demander le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publies avec demande d'explications.
J'appelle énergiquement son attention sur la nécessité d'en finir avec tous ces atermoiements qui lassent à la fin la patience des populations.
Depuis 1863 la société Forcade a obtenu la concession de la construction d'une série de chemins de fer dans le Luxembourg ; elle ne s'est pas encore exécutée ; huit années se sont écoulées sans qu'elle ait mis la main à. l'œuvre.
En 1870, la société des Bassins houillers s'est substituée à la concession qu'avaient obtenue à l'origine les sieurs Forcade et Lenoir, deux ans se sont écoulés et jusqu'à présent cette société n'a pas non plus mis la main à l'œuvre.
Je sais que M. le ministre, dont je ne suspecte pas le zèle, va nous dire que la faute en est au procès dont il vient de nous rendre compte sous une forme un peu trop succincte.
Déjà deux ans se sont écoulés et, je le répète, la patience des populations du Luxembourg si vivement intéressées à ce réseau considérable est à bout. Elles se plaignent non sans raison.
J'aime donc à croire que M. le ministre des travaux publics saura serrer le frein, - l'expression est permise quand on parle de travaux publics et de chemins de fer, - à la compagnie du Luxembourg qui, elle, a traîné les choses en longueur, et à la société des Bassins houillers qui ne se presse pas d'exécuter les nombreux travaux et les chemins de fer dont elle s'est chargée.
Tel est le sens des observations que je voulais présenter à l'appui des paroles de M. Van Hoorde.
- Les conclusions tendant au renvoi à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications sont adoptées.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée d'Arlon, le 13 avril 1870, le conseil communal d'Arlon prie la Chambre d'allouer au gouvernement la somme nécessaire à la construction dans cette ville de locaux suffisants pour les services de la poste.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Vieuxville, en 1870, des membres de l'administration communale et des habitants de Vieuxville réclament l'intervention de la Chambre pour que l'église de cette commune soit érigée en succursale.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition datée de Gimnée, le 2 février 1870, le sieur Gilbert demande que son fils Henri-Joseph, milicien de 1856, soit libéré du service militaire.
Conclusions : Ordre du jour.
- Adopté.
M. Van Hoorde, rapporteur. - Par pétition sans date, le sieur Essaert, ancien soldat sous l'empereur Napoléon Ier demande à qui il doit s'adresser et quelles pièces il est obligé de produire pour obtenir la pension accordée à ses frères d'armes par le gouvernement français.
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.
- Adopté.
La séance est levée à 5 heures.