(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 375) M. Reynaert fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Borchgrave lit le procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est adoptée.
M. Reynaert présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre .
« La veuve Cazée demande une pension ou du moins un secours annuel proportionné au grade de capitaine adjudant de place qu'avait son mari. »
M. Bouvier. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de renvoyer cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« L'administration communale de Schrieck présente des observations en faveur de la demande en concession d'un chemin de fer de Malines Vers Wychmael, par Aerschot et Beverloo. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres de l'administration communale d'Heur-le-Tixhe prient la Chambre d'accorder au sieur Pousset la concession d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. »
- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Le sieur Van Dyck, instituteur communal pensionné, demande que le projet de loi relatif à la caisse de prévoyance des instituteurs primaires contienne une disposition pour faire réviser les pensions des anciens instituteurs. »
Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation du sieur Thunus. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le président. - M. le ministre a fait parvenir à la Chambre les documents qui ont été demandés par M. De Lehaye. Ces documents seront déposés sur le bureau.
M. le président procède au tirage au sort des sections du mois de février.
La parole est continuée à M. Sainctelette.
M. Sainctelette. - Messieurs, j'ai dit hier que l'enseignement des langues modernes laisse, chez nous, beaucoup à désirer et que ce fâcheux état de choses est en grande partie la conséquence des défauts de l'organisation.
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer l'enseignement des langues anciennes avec celui des langues vivantes.
Voyons d'abord comment se recrute, de l'un ou de l'autre côté, le personnel enseignant.
Le professeur de langues anciennes doit être gradué en lettres ; il doit ensuite se préparer pendant quatre ans à l'école normale des humanités établie dans la ville de Liège.
Ces quatre années sont consacrées presque exclusivement à l'étude de la langue et de la littérature grecques, de la langue et de la littérature latines.
Au contraire, pour devenir professeur de langues modernes, il suffit d'être gradué en lettres, et d'obtenir ensuite un diplôme spécial de capacité, à la suite d'un examen qu'on m'assure être extrêmement facile.
Les professeurs de langues modernes, dans le système actuel, doivent être considérés comme de simples maîtres de langues, et sauf quelques rares exceptions, en thèse générale, ils manquent de ces études générales, (page 376) de cette préparation complète que l'on exige des professeurs de langues anciennes.
Et pourquoi exige-t-on des professeurs de langues anciennes une forte préparation ; pourquoi ne se contente-t-on pas pour eux de simples connaissances linguistiques ? Mais évidemment pour faire porter à l'enseignement des langues anciennes tout le fruit que s'en promettent les partisans du grec et du latin.
On veut que le professeur puisse commenter le texte qu'il lit à ses élèves par toutes sortes d'observations variées et attrayantes ; on veut qu'il puisse comparer les civilisations anciennes à la civilisation moderne, qu'il puisse à grands traits montrer la différence des sociétés et des formes politiques : on veut, quand il lit a ses élèves une pensée ancienne, qu'il puisse leur dire en quoi la pensée moderne en diffère, pourquoi elle en diffère, qu'il puisse, dans le trésor des idées générales qui ont guidé l'humanité, montrer quel patrimoine l'antiquité nous a laissé, comment ce patrimoine s'est accru et modifié, quelle part il faut faire, à cet égard, à chacune des principales phases du développement historique de l'humanité ; on veut que, lorsque se présente sous ses yeux un événement historique de l'antiquité, il puisse le rapprocher des événements analogues de l'histoire moderne, qu'il puisse juger l'homme public et même l'homme privé d'après les mœurs anciennes et d'après les mœurs modernes.
Est-ce que tout cela ne pourrait pas se faire par l'étude des littératures modernes, est-ce que, par exemple, l'histoire des révolutions d'Angleterre se prêterait moins à l'étude faite de cette façon que l'histoire de la conjuration de Catilina ?
Est-ce qu'il est moins intéressant et moins utile de savoir ce qu'ont pensé, voulu et fait Hampden, Pym et Cromwell, que de savoir ce qu'ont pensé, voulu et fait, Catilina, Lentulus, Cethegus ?
Est-ce que la conquête de l'Inde, par Clive, aurait moins d'attrait pour nos jeunes gens que les guerres des Romains contre les Numides ou contre les Carthaginois ? Est-ce que les discours de Sheridan contre Hastings ne valent pas les discours de Cicéron contre Verres ? Est-ce que les admirables discours du second Pitt contre la révolution française et contre Napoléon ne valent pas ceux de Démosthènes contre Philippe ?
Est-ce que la lutte soutenue par les torys contre les whigs depuis le commencement de la révolution française jusqu'à la fin de l'empire n'est pas aussi dramatique que celle des partis à Athènes ou à Rome ? Y a-t-il moins à apprendre dans les discours de Wilberforce, de Pitt, de Fox, contre l'esclavage, que dans les chefs-d'œuvre les plus renommés de l'antiquité païenne ? L'Anglais du XVIIème ou du XVIIIème siècle est-il pour nous, Belges du XIXème siècle, un sujet d'étude moins attrayant que le civis romanus ?
Est-ce qu'en un mot on ne peut pas obtenir, pour l'enseignement des langues et des littératures modernes, tous les résultats intellectuels que l'on acquiert par l'étude des langues et des littératures de l'antiquité ?
D'un côté comme de l'autre, ne peut-on pas apprendre aux jeunes hommes à discuter ce qu'ils lisent, à faire dans leurs lectures la part de la vérité et celle de l'erreur, à s'assimiler les idées justes, à repousser les idées fausses et à exprimer avec élégance et concision dans leur langue maternelle la pensée formulée dans une langue étrangère.
Evidemment, messieurs, il n'y a là rien d'impossible, rien d'impraticable. Tout dépend du degré de préparation générale des professeurs ; tout dépend de l'instruction générale qu'ils auront reçue, des ressources qu'ils offriront à leurs élèves, des moyens de communication qu'ils auront avec eux.
Non seulement, comme je le disais tout à l'heure, on est beaucoup moins exigeant pour les professeurs de langues modernes que pour les professeurs de langues anciennes, non seulement on ne recrute pas le personnel enseignant de la même façon, mais on lui fait, dans les collèges, des situations tout à fait différentes.
Les professeurs de langues modernes, quelque distingués qu'ils soient, ne peuvent pas dépasser le traitement des professeurs de 4ème latine et, en outre, ils n'ont droit qu'à la moitié du minerval. Les professeurs de langues modernes doivent cependant apprendre seuls à leurs élèves ce que cinq ou six professeurs leur enseignent dans les classes de latin et de grec. Que dis-je ? ils doivent faire bien plus.
Il ne leur suffit pas d'apprendre à leurs élèves à traduire, il faut qu'ils leur apprennent à écrire, à parler et à prononcer correctement une langue d'une famille toute différente de celle à laquelle appartient leur langue maternelle.
Pour ce travail si ingrat, si lent, si difficile, comment sont-ils traités ?
Ils sont atteints à la fois dans leurs intérêts et dans leur considération. En effet, tandis que le latin compte pour 150 points, l'allemand ou l'anglais ne compte que pour 30 points. En sorte que dans l'organisation de l'enseignement moyen on a aussi introduit les cours à certificat. On dit aux élèves, et de la façon la plus significative, qu'il y a, dans l'ensemble des connaissances qu'on leur enseigne, certaines matières, certaines branches qu'ils peuvent impunément négliger. Comment veut-on qu'à cet âge ils soient plus soucieux de leur avenir que le législateur ne l'est lui-même ?
Autre chose : plus la tâche est difficile, moins on y consacre de temps.
Les professeurs d'humanités ont dix heures d'enseignement du latin par semaine.
Les professeurs d'anglais et d'allemand ne disposent, par semaine, que de deux heures pendant les premières années, et de trois heures pendant les dernières. Et enfin tandis que les professeurs d'humanités sont dirigés par un inspecteur spécial, tandis qu'ils sont représentés dans le conseil de perfectionnement d'une façon presque exclusive, la littérature anglaise et la littérature allemande n'y ont aucune représentation, ne font pas 1 objet d'une inspection spéciale. (Interruption.)
Pardon, je sais bien qu'il y a un inspecteur général, lequel est supposé posséder l'ensemble des connaissances qui forment l'objet de l'enseignement moyen et lequel est censé être en état de vérifier à la fois comment se donne l'enseignement des langues anciennes et comment se donne l'enseignement des langues modernes. Mais il n'y a pas d'inspecteur spécial chargé d'inspecter l’enseignement des langues vivantes et je doute que, parmi les trois inspecteurs, il y en ait un seul qui ait toute la compétence voulue en pareille matière. Et quant au conseil de perfectionnement de l'enseignement moyen, sans vouloir entrer dans des personnalités et tout en reconnaissant combien sont distingués les hommes qui le. composent, combien ils sont compétents pour ce qui concerne soit les humanités, soit les mathématiques, je dois faire remarquer cependant qu'à l'origine il était exclusivement composé d'hommes à peu près étrangers, par leurs études, aux langues et aux littératures modernes.
Je sais bien que mon honorable ami, M. Pirmez, a récemment introduit, dans le conseil de perfectionnement, un écrivain distingué, devenu le principal collaborateur de la Revue des Deux-Mondes, un publiciste éminent, dont les écrits sont lus avec le plus grand intérêt dans le monde entier, mais il est isolé dans ce conseil.
Du reste, je puis le citer d'ailleurs comme un exemple frappant de ce que peut produire l'étude des langues et des littératures modernes. Evidemment il doit à la connaissance des langues et des littératures de l'antiquité tout ce que son style a de facile, d'élégant et d'heureux, mais le tissu chez lui est composé d'idées modernes. Il doit à sa parfaite connaissance des langues et des littératures modernes cette richesse d'arguments, cette variété d aperçus qui donnent tant de valeur à tous ses écrits.
Je vous ai montré quelle est, dans les collèges, ce que l'on appelle l'étude des langues modernes ; à l'université, il n'y a pas de chaires de langues modernes, il n'y a pas de chaires de littérature anglaise, allemande, ou italienne. Mais, chose curieuse, il y a à l'université de Liège une chaire d'hébreu et d'arabe. (Interruption.)
J'ai sous la main le programme des cours de l'université de Liège. Vous pourrez y voir que, parmi les cours facultatifs, figure un cours d'hébreu et d'arabe. (Interruption.) Il y a trois heures d'hébreu par semaine et trois heures d'arabe pendant le premier semestre.. (interruption) et autant pendant le second semestre. Il n'y a, à l'université de Gand, ni chaire de littérature anglaise, ni chaire de littérature allemande ; il y a, dans une des annexes de l'université de Liège, à l'école normale des humanités, une chaire de langue anglaise sans professeur, et une de langue allemande occupée par l'honorable M. Troisfontaines.
Mais, messieurs, si faible est l'importance que l'on assigne à l'enseignement de la langue allemande que l'on n'y consacre qu'une heure par semaine.
Tout ceci doit nécessairement être modifié.
Je me résume : je demande 1° la création de chaires de langues et de littératures modernes dans les universités de l'Etat ; 2° une représentation spéciale de l'enseignement moyen de ces langues et de ces littératures dans le conseil de perfectionnement, une inspection spéciale de cet enseignement moyen.
Je n'ai parlé, jusqu'à présent, que de l'enseignement moyen du premier degré, que des athénées. Mais il me semble que si l'enseignement des langues modernes a quelque utilité immédiate, c'est bien dans les écoles moyennes appelées à former de bons industriels, de bons négociants, qu'il faut la chercher. Nous comptons 50 écoles moyennes ; dans 4 seulement on enseigne une langue étrangère. Il y a deux écoles moyennes, celles de Nieuport et de Louvain, qui ont demandé à être autorisées à enseigner l'anglais ; l'allemand s'enseigne dans deux autres écoles, à Malines et à (page 377) Stavelot. II y a donc 46 écoles moyennes dans lesquelles on n'enseigne pas les langues modernes.
Le temps est passé où les nations pouvaient s'enfermer chez elles comme autrefois le châtelain dans son manoir, le temps est passé où les grands seigneurs seuls traversaient les frontières de leur patrie et voyageaient en chaise de poste.
Aujourd'hui les relations des nations n'ont plus lieu d'aristocratie à aristocratie et à de longs intervalles. Aujourd'hui ce sont les masses qui demandent à échanger leurs idées et à les échanger d'une façon permanente.
Il faut donc faire entrer dans les masses cette connaissance des langues modernes, qui était autrefois l'apanage de quelques hommes distingués seulement.
C'est donc dans l'enseignement moyen du second degré surtout qu'il faut introduire l'enseignement de l'anglais, l'enseignement de l'allemand.
J'aurais voulu pouvoir appeler la Chambre à se prononcer sur toutes ces questions par un vote spécial. J'aurais désiré qu'une bonne fois la question fût décidée entre les partisans des langues anciennes et les partisans non pas seulement des langues anciennes, mais de l'enseignement simultané et heureusement réparti des langues anciennes et des langues modernes.
Malheureusement toutes les observations que j'ai présentées soulèvent des modifications aux lois organiques. Il faut une loi pour modifier le nombre des inspecteurs ; il faut une disposition spéciale pour changer le programme de l'enseignement moyen et de l'enseignement supérieur. Il faut même, chose assez extraordinaire, une modification à la loi organique pour augmenter le nombre des membres du conseil de perfectionnement.
Mais j'espère que M. le ministre ne tardera pas à se prononcer sur toutes ces questions et s'il ne croyait pas pouvoir le faire dans le cours de cette session, je me déciderais, avec quelques amis, à présenter, au commencement de la session prochaine, des propositions de loi formelles pour modifier les textes des lois organiques.
Je ne veux pas me rasseoir sans attirer l'attention de la Chambre sur un autre point. Nous n'avons en Belgique que cinquante écoles moyennes et ces écoles sont réparties d'une façon assez étrange entre nos différentes provinces. Ainsi, tandis que le Hainaut en compte douze, la Flandre orientale n'en compte que trois, la Flandre occidentale que quatre, le Luxembourg quatre aussi, et cependant l'enseignement moyen du second degré a parfaitement réussi.
Consultez les administrations ; les inspecteurs de l'enseignement moyen ; le public lui-même, tout le monde vous dira que proportionnellement lés écoles moyennes ont donné des résultats plus heureux que les athénées. Voilà donc l'instrument qu'il faut chercher à généraliser. L'administration libérale l'avait pensé et le dernier rapport triennal constate que le ministre de l'intérieur d'alors désirait porter le nombre de ces écoles à 111 ou 112.
Pour donner une école moyenne à chaque commune ayant une population minimum de 5,000 habitants, et certainement ce n'est pas descendre à un chiffre trop réduit, il faut en ajouter 61 au nombre actuel.
Je désire savoir quelles sont les intentions du gouvernement sur ce point.
Reprendra-t-il le travail préparé par l'honorable M. Pirmez, et cette année, ou l'année prochaine au plus tard, nous fera-t-il une proposition pour augmenter le nombre des écoles moyennes dans une large mesure ?
Et la dépense ne serait pas considérable ; la part d'intervention de l'Etat ne peut pas dépasser 4,000 francs par école ; la dépense totale n'excéderait donc pas 200,000 francs et par le temps de grosses recettes qui court, je crois qu'une dépense de 200,000 francs pour l'enseignement moyen serait parfaitement accueillie par le pays tout entier.
Il y a plus : j'insiste pour que le gouvernement ne se contente pas de doter d'une école moyenne les communes de cinq mille âmes.
Il est certaines communes qui, avec une population moindre, ont cependant bien des titres à la création d'un établissement d'instruction supérieure à l'école moyenne.
Je citerai, par exemple, quelques petites villes du Luxembourg,
J'y connais Houffalize et Bastogne, qui ne comptent pas 5,000 habitants, mais qui sont habitées par une population des plus intelligentes, par des hommes qui sont à la fois richement doués par la nature et excessivement laborieux.
Ils sont séparés par de longues distances, par des trajets pénibles et coûteux, de tout établissement d'instruction autre que l'école primaire ; et je considère comme un déni de justice de leur refuser des établissements d'un ordre plus relevé.
J'insiste donc vivement auprès du gouvernement pour que, sans retard, un travail soit préparé à cet égard et qu'un projet de loi soit déposé par le gouvernement.
M. Funck (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance d'hier, M. le ministre de la justice a demandé la mise à l'ordre du jour du projet de révision du code de commerce. De son côté, mon honorable ami, M. Guillery, avait demandé de mettre à l'ordre du jour, après la discussion des budgets, la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer, relativement à l'enseignement primaire obligatoire.
La Chambre a décidé que le projet du code de commerce aurait la priorité,
A ce propos, M. le président avait émis l'avis que ma proposition de loi viendrait ensuite à l'ordre du jour. Toutefois, après quelques observations faites par l'honorable M. Jacobs, il n'a pas été statué sur la proposition de notre honorable président.
Je n'ai pas pris la parole et je n'ai pas insisté en ce moment, parce que le rapport n'était pas encore déposé sur le bureau. Vers la fin de la séance, l'honorable M. de Haerne, rapporteur de la section centrale, a présenté son travail. Je croyais nécessairement alors que, le rapport étant déposé, on aurait mis ma proposition de loi à la suite de l'ordre du jour. Or, je vois, d'après les Annales parlementaires, qu'il n'en est rien ; que la Chambre a ordonné l'impression et la distribution du rapport, et qu'il sera ultérieurement statué sur la mise à l'ordre dû jour.
Je viens demander à la Chambre, maintenant que le dépôt dit rapport a eu lieu, qu'elle mette la proposition de loi à la suite de l'ordre du jour.
Hier, l'honorable M. Guillery demandait un tour de faveur pour cette proposition ; aujourd'hui je me borne humblement à demander mon tour de rôle, c'est-à-dire l'inscription de la discussion du rapport à la suite de l'ordre du jour ; et j'ai l'espoir que la Chambre admettra cette demande, qui me semble si légitime.
M. Pety de Thozée. - Messieurs, à cette occasion, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de remettre à l'ordre du jour les projets de loi qui y étaient inscrits dès la session dernière et dans les premiers temps de la session actuelle ; je parle des projets concernant les servitudes militaires, la modification de l'article 132 de la loi provinciale, et le crédit spécial pour l'installation de l'Académie militaire à la Cambre.
Quant à la révision du code de commerce, la Chambre a pris hier une décision.
M. Bouvier. - Le projet de loi sur les servitudes militaires ne présente rien d'urgent : ce sont des dépenses qu'on veut imposer au pays pour favoriser une catégorie spéciale de citoyens.
M. Gerrits. - Il me paraît plus naturel de donner la priorité aux objets qui ont déjà figuré à l'ordre du jour. Je reconnais que la proposition de l'honorable M. Funck doit être discutée ; mais la discussion, à mon avis, en doit venir après celle des projets de lois qui pendant cette session ont déjà été inscrits au tableau de nos travaux.
M. Bara. - Ce ne sont pas des objets d'intérêt général,
M. le président. - MM. Gerrits et Pety de Thozée proposent d'inscrire les projets à l'ordre du jour dans l'ordre d'ancienneté.
M. Funck. - Il ne s'agit pas ici d'ordre d'ancienneté ; un rapport a été déposé. A moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, on met habituellement à l'ordre du jour les projets sur lesquels le rapport a été fait. Pour repousser ma demande, l'honorable M. Gerrits vient nous dire que d'autres projets ont déjà figuré à l'ordre du jour. Je ne conteste pas son affirmation, mais qu'est-ce qu'elle prouve ? Si ces projets de lois ont été retirés et si M. Gerrits les croit si importants,, il peut demander leur mise à l'ordre du jour à nouveau. J'aurais compris cette manière d'agir ; mais ce n'est pas là un motif pour contester l'urgence et l'utilité de ma demande.
La proposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre est en état d'être discutée, et je demande itérativement qu'on la porte à l'ordre du jour.
Ce n'est pas opposer un argument sérieux que de dire que d'autres projets avaient déjà figuré à l'ordre du jour. Si ces projets sont aussi importants que le prétend M. Gerrits, qu'il fasse comme moi, et qu'il en demande la mise à l'ordre du jour après ma proposition. La Chambre avisera.
M. Gerrits. - Si nous avons consenti à laisser retirer de l'ordre du jour les projets que nous désirons voir discuter, la raison en est simple. C'est que nous avons compris que la discussion des budgets de l'intérieur et de la justice devaient avoir la priorité.
Mais nous avons fait nos réserves.
(page 378) Nous avons dît qu'après la discussion des budgets, nous insisterons pour voir porter à l'ordre du jour Je projet de loi relatif aux servitudes militaires,
M. Bara. - Je demande la parole.
M. Gerrits. - M. Jacobs a fait cette réserve.
Il me semble que, parce que, dans l'intérêt des travaux de la Chambre, nous nous sommes montrés accommodants, on ne doit pas invoquer cette condescendance contre nous.
Maintenant on vient demander la priorité en faveur de projets tout nouveaux dont nous n'avons pas même eu l'occasion de lire les rapports. Je ferai remarquer que le rapport sur la question de l'enseignement obligatoire n'a été déposé qu'hier. Il ne me semble pas juste de procéder comme on propose de le faire.
Quant à moi, je n'insisterai pas pour faire porter à l'ordre du jour tel ou tel objet. Je demande tout simplement que la Chambre conserve sa liberté pleine et entière et qu'elle décide, après le vote des budgets, quel sera le projet de loi dont la discussion doit obtenir la priorité.
M. le président. - La Chambre a décidé hier de discuter d'abord les budgets et ensuite le code de commerce. Il est assez prématuré de prendre aujourd'hui une décision sur ce qui viendra plus tard à l'ordre du jour.
M. Pety de Thozée. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour présenter une observation analogue à celle que vient de vous soumettre l'honorable M. Gerrits.
Je propose, si l'on veut modifier notre ordre du jour, d'y porter tous les projets de lois qui sont en état d'être discutés et de les inscrire dans l'ordre où ils ont été déposés, sauf en ce qui concerne le code de commerce, pour lequel la Chambre a pris hier une décision spéciale.
M. Bara. - Je ne crois pas qu'il soit possible de fixer le jour auquel on discutera le projet de loi sur les servitudes militaires, attendu qu'il s'y rattache une autre question importante, celle des indemnités pour les servitudes douanières.
Or, nous avons un nouveau ministre des finances, qui pourrait se montrer plus juste que son prédécesseur. Il faut lui laisser le temps de se livrer aux études nécessaires. Or, M. le ministre n'est pas la pour déclarer s'il est prêt à discuter cette question. Il est possible qu'il le soit, mais les convenances exigent que nous lui laissions le temps de se prononcer à cet égard.
Je crois donc que la question des servitudes militaires ne peut pas être mise immédiatement à l'ordre du jour.
Puisque j'ai la parole, je demanderai à l'honorable ministre de la justice de vouloir bien déposer les amendements, s'il en a, qu'il se propose de nous soumettre pour le code de commerce et d'indiquer à la Chambre dans quel ordre il désire voir discuter les divers titres du code de commerce. II est impossible, en effet, que les membres de la Chamhre se préparent sur toutes les matières.
Il se peut aussi que l'honorable ministre adopte l'ordre des articles du code et que l'on commence ainsi par le commencement ; c'est ce que nous avons fait.
Maintenant, si l'honorable ministre croit qu'il faut intervertir cet ordre, il serait utile qu'il le fit connaître à la Chambre et qu'il déposât et fît imprimer les amendements qu'il se propose de présenter.
M. de Lantsheere, ministre de la justice. - J'espère pouvoir déposer, dans le courant de la semaine prochaine, les amendements aux titres que nous discuterons en premier lieu. Quant à l'ordre de la discussion, j'ai, dès hier, indiqué à la Chambre quelques-uns des titres dont l'examen me paraît le plus urgent. Pour préciser de nouveau, je dirai que la priorité doit, à mon avis, être accordée aux titres qui traitent de la Commission et du Gage.
- Plusieurs voix. - Et la Lettre de change !
M. Funck. - Je ne puis pas admettre qu'à une demande si simple et si naturelle on vienne opposer une fin de non-recevoir et proposer de mettre à l'ordre du jour divers projets dont il n'a plus été question depuis bien longtemps dans cette enceinte.
Certainement, la Chambre est libre de régler son ordre du jour, mais il ne serait pas raisonnable, il ne serait pas juste, il ne serait pas logique, je pense, de décider, par exemple, que le projet de loi relatif aux servitudes militaires, dont on n'a pas jugé à propos de s'occuper jusqu'à présent, et auquel nos adversaires ne songent que lorsqu'il s'agit d'ajourner la discussion de l'enseignement primaire obligatoire, doive avoir la priorité sur la question bien autrement importante dont il s'agît en ce moment.
Je persiste donc à demander qu'on mette ma proposition de loi à la suite de l'ordre du jour, tel qu'il est actuellement réglé, sauf à y ajouter ensuite tels autres projets que la Chambre jugerait convenable de discuter.
M. Van Humbeeck. - Je demande à faire une observation sur l'ordre à suivre dans la discussion des projets dont la Chambre est saisie.
Il serait préférable, je pense, de ne prendre une décision sur ce point qu'après avoir statué sur la proposition de l'honorable M. Funck. Il est impossible de parler utilement à la fois d'une foule de sujets étrangers les mis aux autres.
M. le président. - Il n'y a aucune urgence, je pense, à régler dès maintenant l'ordre de discussion des objets qui viendront après le budget de l'intérieur et le code de commerce. La Chambre désire-t-elle prolonger cet incident ?
- Voix à gauche. - Votons !
M. le président. - Il y a une proposition tendante à l'ajournement de la discussion de la proposition de loi de M. Funck.
M. Funck. - Qui a fait cette proposition ?
M. le président. - C'est M. Gerrits. Il a proposé de ne rien décider dès à présent.
Je vais mettre aux voix cette proposition d'ajournement.
- Voix à gauche. - L'appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal.
75 membres y prennent part.
43 membres répondent oui.
32 répondent non.
En conséquence, la proposition d'ajournement est adoptée.
Ont répondu oui :
MM. Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Reynaert, Schollaert, Snoy, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Verbrugghen, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Beeckman, Cruyt, de Baets, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, Delcour, De Lehaye, de Liedekerke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Tesch, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Ansiau, Bara, Bergé, Boucquéau, Boulenger, Bouvier-Evenepoel, Braconier, Couvreur, Crombez, Dansaert, David, De Fré, Demeur, Dethuin, de Vrints, Elias, Frère-Orban, Funck, Guillery et Hagemans.
M. Van Humbeeck. - M. le ministre de la justice a demandé que le titre du code de commerce relatif aux Commissions et au Gage soit examiné avant les autres. Je prierai M. le ministre d'examiner s'il ne serait pas plus simple de procéder à l'examen du code d'après les numéros d'ordre des titres.
Deux de ces derniers avaient déjà été votés par le Sénat ; la Chambre avait examiné les quatre premiers ; le cinquième est converti en loi spéciale ; nous arriverons donc très facilement au sixième titre, celui dont M. le ministre réclame le premier l'examen. J'ajouterai que ce titre n'a jamais donné lieu à grande discussion et que je ne crois pas qu'il en sera autrement maintenant.
J'exprime donc de désir de voir discuter le code de commerce d'après le numéro d'ordre des titres et dans leur ordre naturel.
M. le président. - Les incidents sont clos ; la Chambre reprend la discussion générale du budget de l'intérieur.
M. Thonissen. - Messieurs, deux fois déjà, dans cette discussion, on a parlé de l'enseignement de la langue grecque. Je ne veux pas rouvrir ce débat qui, à une autre époque, nous a tenus pendant trois semaines. Je n'ai qu'à rappeler un fait, que je veux signaler à l'attention du gouvernement.
Quelle que soit la diversité des opinions au sujet de la méthode à suivre pour l'enseignement du grec, nous sommes tous d'accord, je pense, pour désirer qu'il y ait au moins quelques Belges connaissant parfaitement cette admirable langue, au point de pouvoir la lire et même l'écrire sans difficulté.
En France, on a obtenu ce résultat au moyen de la création de l'école française d'Athènes. Les élèves qu'on y envoie apprennent sans difficulté le grec moderne. Or, entre le grec moderne et le grec ancien, la différence est loin d'être aussi considérable qu'on pourrait le croire. Au fond, c'est toujours la même langue. Cela est tellement vrai qu'on publie en ce moment à Athènes et qu'on y trouve dans tous les lieux publics un journal rédigé (page 379) en grec classique. Les habitants de la Grèce actuelle, sans en excepter les femmes, lisent sans difficulté Homère et Sophocle. Un exercice de quelques semaines leur suffit.
Il en est de même des élèves de l'école française d'Athènes, aussitôt qu'ils ont appris, à parler couramment le grec moderne.
Or, dans un de mes derniers voyages à Paris, j'ai appris qu'en 1847, sous le ministère de M. Rogier, le gouvernement français nous avait offert de prendre, chaque année, un élève belge à l'école française d'Athènes moyennant la faible rétribution de 1,200 francs.
La révolution de 1848 est venue, à ce qu'on m'a dit, interrompre la négociation. J'engage le gouvernement à la reprendre. Je ne crois pas qu'il rencontrerait de grands obstacles à Paris. Le résultat ne serait certainement pas à dédaigner. Pendant que nous discuterions à perte de vue sur l'enseignement du grec, quelques-uns de nos jeunes compatriotes apprendraient cette langue immortelle dans la patrie de Platon et d'Euripide.
Permettez-moi, messieurs, d'ajouter à cette recommandation un conseil, dont mon expérience de professeur m'a, depuis longtemps, indiqué la valeur.
Il y a, en ce moment, chez quelques personnes, une tendance généreuse, mais imprudente, à étendre démesurément le cadre des études. Celui-ci se passionne pour telle science, celui-là pour telle autre, et chacun recommande la sienne comme si l'avenir intellectuel du pays en dépendait.
L'honorable M. Sainctelette nous a parlé de la géographie, et il a incontestablement raison en demandant qu'elle soit sérieusement enseignée.
Eh bien, il y en a qui veulent qu'on indique, pour chaque partie du globe, la flore du pays, ce qui fait de la géographie la botanique universelle.
D'autres demandent qu'on y ajoute la faune du pays, ce qui fait de la géographie une encyclopédie d'histoire naturelle. D'autres, allant plus loin encore, exigent qu'on y ajoute la constitution du sol, l'ethnographie, les religions, les produits naturels, la météorologie, etc., de telle sorte que la géographie devient l'encyclopédie de toutes les sciences divines et humaines ! Il ne reste plus que la géographie, et chaque géographe devient une sorte de Pic de la Mirandole du monde moderne.
M. Sainctelette. - C'est de l'exagération.
M. Thonissen. - Sans doute, l'honorable M. Sainctelette ne va pas jusque-là, mais il sait, aussi bien que moi, que la tendance existe.
C'est contre cette tendance que j'engage le gouvernement à se mettre en garde.
L’enseignement actuel n'est pas suffisant, on doit élargir le cadre de quelques-unes de ses parties, celle des langues modernes, comme le veut l'honorable M. Sainctelette, celle des choses modernes, comme le demande l'honorable M. Pirmez. Mais, d'autre part, il importe au plus haut degré qu'on ne dépasse pas certaines limites. Faire de chaque collégien, ou même de chaque élève d'université, une encyclopédie vivante, c'est poursuivre un rêve, c'est s'engager dans une voie des plus dangereuses.
Il y a trente ans, un littérateur belge, M. Lesbroussart, qui avait vieilli dans l'enseignement, prit ce sujet pour thème d'une fable charmante. Permettez-moi de vous la rappeler en quelques mois. Elle ne fera rien perdre à la gravité de l'assemblée.
Un enfant avait trouvé une lampe munie de sa mèche. Il l'alluma, mais la mèche s'éteignit aussitôt, parce que l'huile manquait. Un autre enfant versa un peu d'huile dans la lampe, et cette fois, la mèche brûla. Les deux enfants se dirent alors : Puisqu'un peu d'huile fait brûler la lampe, beaucoup d'huile la fera brûler bien mieux encore. Ils versèrent, en conséquence, l'huile à grands flots ; mais la mèche, trop fortement arrosée, s'éteignit et les deux enfants se trouvèrent dans une obscurité complète. Ils avaient versé trop d'huile.
Que le gouvernement n'oublie pas la morale de cette fable quand il sera appelé à réformer le programme de l'enseignement.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - L'honorable M. Sainctelette. a exprimé hier le désir que le gouvernement s'expliquât sur quelques points, et, en premier lieu, sur l'enseignement supérieur. Il a demandé quelles sont les intentions du gouvernement au sujet de la suppression de ce que l'on est convenu d'appeler les cours à certificat.
Vous savez tous, messieurs, qu'une commission a été nommée pour s'occuper de la révision du programme des examens universitaires. Cette commission, vient de terminer son travail et elle a chargé l'honorable M. Faider, son président, de rédiger le rapport. Je ne suis pas encore en possession du travail de l'honorable rapporteur ; il me serait donc impossible de vous fournir, dés à présent, toutes les données qui sont nécessaires pour élucider la question.
Mais, en ce qui concerne les cours à certificat, je puis immédiatement vous déclarer, messieurs, que je me rallie à l'avis adopté par tout le corps professoral et par toutes les personnes qui s'intéressent à la prospérité de l’enseignement supérieur, c'est-à-dire que les certificats ont fait leur temps. C'est un système condamné par l'expérience.
L'honorable M. Sainctelette a insisté hier de nouveau, messieurs, sur l'importance de l'enseignement de la géographie. J'espère qu'il sera heureux d’apprendre ce que le gouvernement a fait pour accélérer l'étude de cette question si importante.
La faculté de philosophie de l'université de Liège a été consultée : elle a pensé qu'on avait eu tort en 1849 de supprimer le cours de géographie qui se trouvait inscrit dans la loi du 24 septembre 1835 ; et elle a en conséquence demandé le rétablissement de ce cours. C'est là une matière qui devra rentrer dans le programme des études ; nous aurons à nous en occuper lorsque la révision de la loi du 15 juillet 1849 sur l'enseignement supérieur sera soumise à l'examen de la Chambre.
Mais la faculté de philosophie de l'université de Liège, tout en demandant le rétablissement du cours de géographie dans le programme des études, a exprimé l'avis qu'il n'y avait pas lieu de ranger cette batterie de connaissances parmi les matières d'examen, précisément par le motif que vient de donner l'honorable M. Thonissen, à savoir qu'il ne faut pas charger outre mesure le cadre des examens.
Vous voyez déjà, messieurs, quelle est la direction que prend l'étude de cette question, au point de vue de l'enseignement supérieur.
On reconnaît que la géographie doit être de nouveau enseignée à l'université ; mais on trouve en même temps qu'il serait dangereux d'en faire une matière à examen.
J'ajouterai que mon honorable prédécesseur a ordonné une enquête sur l'état de l'enseignement de la géographie dans les athénées et les écoles moyennes, comme dans les écoles primaires. Ce travail est terminé en ce qui concerne l'enseignement moyen.
Le conseil de perfectionnement a prié le gouvernement de charger l'un dés inspecteurs de cet enseignement d'étudier spécialement la question, et de présenter ensuite un rapport ; ce qui a été fait.
Le rapport, qui est l'œuvre de M. l'inspecteur Dumont, est parvenu au ministère de l'intérieur il y a quelques jours.
Eh bien, il résulte de ce document que la géographie est enseignée dans tous nos athénées et aussi dans la plupart de nos écoles moyennes.
Seulement, à certains égards, on n'a pas donné à cette partie des études fout le développement désirable. En outre, M. Dumont fait remarquer que ; dans les écoles moyennes ou plutôt dans les collèges communaux, il existe une certaine lacune provenant de la pénurie du personnel, parce que dans un grand nombre de collèges communaux, il faut bien le dire, on cherche à diminuer le personnel ; et dans ce but, on charge souvent un même professeur de donner plusieurs cours.
Quant aux écoles primaires, la géographie y est enseignée mais dans des conditions ordinaires, c'est-à-dire comme on peut l'enseigner à des enfants qui, pour la plupart, ne sont pas destinés à entrer dans les carrières savantes.
Tous ceux qui ont fait partie d'une administration communale savent que l'enseignement de la géographie joue un rôle important dans les écoles primaires.
Il n'y a pas deux mois qu'en ma qualité de conseiller communal de Louvain, j'ai visité une partie des écoles primaires de cette ville : j'ai entendu une leçon de géographie, afin de pouvoir apprécier jusqu'où allait cet enseignement. Eh bien, je dois déclarer que j'ai été étonné de voir avec quel développement l'on enseignait cette branche de l'instruction, dans les écoles de filles aussi bien que dans celles de garçons ; et, me rappelant les études que j'ai faites au collège de Liège sous le gouvernement des Pays-Bas, je trouvais les élèves des écoles primaires de Louvain plus forts en géographie que nous ne l'étions en seconde et même en rhétorique. (Interruption.)
C'est ainsi ; il vous suffirait d'entrer dans une école primaire bien tenue pour vous en convaincre. Et je fais appel ici à tous les administrateurs communaux qui se sont trouvés dans le même cas que moi ; ils confirmeront ce que j'avance.
Toutefois, malgré ce que je viens de dire, vous comprendrez, messieurs, que je ne puis pas vous donner des renseignements complets sur l’enseignement de la géographie dans les écoles primaires. L'enquête est commencée ; des instituteurs en sont chargés avec les inspecteurs provinciaux ; mais le résultat de ce travail n'est pas encore parvenu à mon département.
(page 380) Il me paraît que nous sommes tous d'accord pour ne pas affaiblir ce que nous considérons comme l'élément littéraire occupant la première place dans cet enseignement.
Quant à moi, je le dis avec une profonde conviction : jamais je ne prêterai la main à l'établissement de mesures qui devraient avoir pour résultat de diminuer l'importance de l'étude des langues anciennes. Je veux bien reconnaître que cette partie de l'enseignement réclame certaines réformes ; mais, qu'il me soit permis de le dire, il ne peut pas être question ici de réformes radicales ; ce sont plutôt des modifications de détail que l'on doit apporter.
Quant au fond, c'est-à-dire quant au côté littéraire, je maintiens que vous ne formerez jamais un écrivain vraiment supérieur, un grand littérateur sans l'étude approfondie du latin et du grec. Je ne veux donc pas affaiblir l'enseignement de ces langues.
Sur la question de l'utilité, de la nécessité même d'un enseignement plus sérieux et plus efficace des langues modernes, je crois, messieurs, qu'il n'y a qu'une seule voix dans cette Chambre.
Tous nous voulons favoriser le progrès de cet enseignement. Le gouvernement fera en sorte, messieurs, de combler une lacune dont les inconvénients se font sentir lotis les jours de plus en plus vivement.
Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire encore, dans la séance de mardi dernier, je m'appliquerai tout d'abord à donner aux professeurs de langues modernes une position convenable.
Ce point m'a été signalé ; il avait déjà fait l'objet de mon attention et j'espère, messieurs, qu'en réalisant cette amélioration, j'entrerai dans les vues, très justes du reste, de l'honorable M. Sainctelette.
Il y a une chose qui vous a peut-être échappé et qui cependant mérite toute votre attention. On vous a dit, messieurs, que nos universités ne possèdent pas de chaire de langues modernes, mais qu'elles sont dotées d'une chaire d'hébreu.
Oui, messieurs, cela est vrai ; mais veuillez remarquer que lorsque la loi de 1835 a introduit cet enseignement dans le cadre de nos études universitaires, il n'y a eu qu'une voix pour approuver cette disposition, et pourquoi ? Mais précisément parce qu'une université n'est pas une école professionnelle. On ne va pas à l'université pour y apprendre une profession. Des écoles industrielles et professionnelles sont spécialement instituées dans ce but. L'université est destinée à former des hommes d'étude, des savants.
C'est donc la grande science, les études élevées qui doivent former le cadre de l'enseignement universitaire. A ce titre, la chaire d'hébreu même y occupe une place toute naturelle, et vraiment je me croirais un rétrograde - je dis toute ma pensée - si je venais supprimer un cours de cette nature, quelque peu nombreux que soient les élèves qui le fréquentent.
Beaucoup de questions me sont posées en ce qui concerne l'organisation même de l'enseignement moyen.
Vous comprenez, messieurs, qu'il me serait impossible de m'expliquer aujourd'hui sur tous les principes qui se l'attachent à ces questions.
Lorsqu'il s'agit d'une loi organique de cette importance, le gouvernement ne peut y porter les mains qu'après une étude sérieuse et approfondie.
Je vous promets seulement, et bien volontiers, messieurs, de donner la plus grande attention et le plus grand soin à cet objet.
Mais il y a un point que je vous prie de ne pas perdre de vue.
Il n'existe pas que les écoles moyennes de l'Etat, et cependant c'est à ces écoles seulement que l'honorable M. Sainctelette a fait allusion lorsqu'il a indiqué le nombre des établissements d'instruction moyenne. Indépendamment des cinquante écoles moyennes de l'Etat, il existe, dans la plupart de nos communes un peu importantes, dans la plupart des villes, des collèges communaux placés sous la direction des administrations communales. Il existe aussi des établissements libres.
Pour apprécier les besoins de l'enseignement moyen, il ne faut donc pas s'en tenir uniquement aux établissements de l'Etat ; il est juste de se rendre compte aussi des sacrifices qu'ont faits les communes pour organiser un enseignement moyen. Ce n'est, me paraît-il, qu'en se plaçant à ce point de vue général que l'on peut apprécier d'une manière exacte la situation et les besoins de cet enseignement.
M. Sainctelette. - Je désire présenter quelques courtes observations en réponse au discours de M. le ministre de l'intérieur. Je le remercie des explications qu'il m'a données, quant à la réforme de l'enseignement supérieur.
J'émets le vœu que M. le procureur général près la cour de cassation, malgré l'importance de ses hautes fonctions, ne tarde pas à déposer son rapport afin que nous puissions, dès le début de la session prochaine, nous occuper de cette réforme si importante, depuis si longtemps promise et depuis si longtemps ajournée.
Je remercie M. le ministre des bonnes nouvelles qu'il m'a données quant à la création d'une chaire supérieure de géographie, mais je ferai remarquer que dans les communications qu'il a données, il n'a pas, je crois, tenu assez compte des progrès qui se sont réalisés en Allemagne et en Angleterre quant à l'enseignement de la géographie physique.
Ne nous considérons pas toujours nous-mêmes ; ce système n'est pas meilleur en matière d'enseignement qu'en matière d'industrie ou d'agriculture.
Comparons-nous plutôt aux autres pays. C'est à la fois plus modeste et plus sûr. La question n'est pas de savoir si la géographie est, en Belgique, mieux enseignée aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans, mais si elle est enseignée en Belgique aussi bien qu'elle l'est en Allemagne ou en Angleterre.
La géographie physique n'est pour ainsi dire pas enseignée en Belgique et pourtant elle a été mise à la portée de toutes les intelligences par les publications allemandes ou anglaises. La géographie commerciale elle-même est peu enseignée chez nous et cependant quel parti n'en pourrait pas tirer un peuple de commerçants et d'industriels ?
Je ne puis laisser passer sans réponse ce qu'a dit l'honorable ministre de l'intérieur de l'étude des langues mortes. Il ne peut évidemment entrer dans la pensée d'aucun homme sérieux de demander la suppression complète de cette étude.
Mais je ne partage pas l'enthousiasme de M. le ministre pour l'étude du grec et du latin ; ni Mme de Staël ni Mme George Sand n'ont pris leurs degrés académiques.
Elles ont cependant manié la langue française avec une aisance, une élégance, un charme que ne possèdent pas tous les érudits rompus à l'intelligence des textes latins et même des textes grecs.
Au surplus, ce que je désire, c'est tout simplement de voir rendre l'enseignement des littératures anciennes un peu plus littéraire et moins philologique.
Ce que je demande, ce que l'honorable. M. Pirmez a demandé avant moi, c'est qu'on ne surcharge pas la jeunesse de l'étude des grammaires grecques et latines et qu'on la familiarise quelque peu avec la connaissance des langues germaniques.
Est-ce que par hasard l'enseignement de la langue et de la littérature anglaises, de la langue et de la littérature allemandes, de la langue et de la littérature italiennes, serait étranger à toute espèce d'idée scientifique ?
M. le ministre de l'intérieur se récrie de l'étonnement que j'ai manifesté en voyant enseigner dans nos universités l'hébreu et l'arabe, alors qu'on n'y enseigne aucune langue moderne. Il a défendu, au nom de la science, l'enseignement des langues orientales, et semble me reprocher de vouloir faire de nos universités des maisons de commerce.
L'honorable ministre de l'intérieur justifie l'insertion dans le programme de l'enseignement supérieur de l'enseignement de l'hébreu et de l'arabe. Je voudrais bien savoir quel est le nombre des grands savants que la Belgique doit à cet enseignement de l'hébreu et de l'arabe. Mais ce que je m'expliquerais beaucoup plus difficilement, c'est que l'étude des historiens, des philosophes, des orateurs anglais ou allemands ne contribuât pas à élever en Belgique le niveau des connaissances littéraires, et à activer dans une certaine mesure le mouvement intellectuel. Je crois que l'étude des langues modernes a le droit de figurer dans l'enseignement universitaire au même titre et à plus forte raison que les langues orientales.
M. Rogier. - Les langues orientales ont leur utilité.
M. Sainctelette. - La langue hébraïque a sa valeur. Dieu me garde de le contester. Je ne discute pas non plus l'utilité que peut avoir, au point de vue scientifique, une chaire d'arabe. Mais du moment que je vous accorde cela, il me semble que vous pouvez encore moins contester l'utilité des chaires d'anglais et d'allemand.
L'honorable ministre de l'intérieur n'a pas répondu à l'observation que j'ai faite quant à l'enseignement moyen des langues vivantes ; j'ai dit que c'était surtout dans les écoles du second degré qu'il fallait créer un enseignement sérieux de l'allemand et de l'anglais.
J'ai établi que sur cinquante écoles moyennes que nous avons, quatre seulement ont un cours consacré à l'enseignement des langues étrangères ; qu'il y en a deux où l'on enseigne l'anglais et deux où l'on enseigne l'allemand. Je demande s'il ne devrait pas y avoir des cours de langue anglaise dans toutes les écoles moyennes des villes du littoral et des cours de (page 381) langue allemande dans toutes les écoles moyennes de nos provinces de l'Est.
On a prétendu, et je crois que c'est l'honorable M, Gerrits qui a soutenu cette thèse, qu'il suffirait d'organiser l'enseignement du flamand dans les écoles moyennes de nos provinces wallonnes, parce que, du moment que l'on savait le flamand, on était préparé a l'étude de l'allemand et de l'anglais.
Il est incontestable que les Flamands, population de race germanique, ont de plus grandes aptitudes que les Wallons pour apprendre l'allemand et l'anglais. Mais les aptitudes ne suffisent pas et la preuve en est qu'on peut parfaitement savoir le néerlandais et ne pas parler l'anglais, qu'on peut parler l'anglais et ne pas comprendre le néerlandais. Il y en a un exemple célèbre.
Lorsque la nouvelle de la bataille d'Austerlitz arriva à Londres, elle fut apportée par un journal néerlandais. Pitt ne savait pas le néerlandais et il fut obligé d'aller trouver lord Malmesbury, qui avait été ambassadeur sur le continent, pour le prier de lui traduire le journal néerlandais.
Du reste, ce qui prouve que la connaissance de la langue flamande ne suffit pas pour déterminer un mouvement intellectuel dans le sens anglais ou allemand, c'est ce fait remarquable que tous les romans français les plus frivoles sont traduits en langue flamande, tandis que les plus intéressantes productions anglaises ne le sont pas.
Parcourez un catalogue des publications flamandes et vous constaterez que les romans français les plus insignifiants sont traduits en flamand ; mais qu'il n'en est pas de même des ouvrages les plus importants, les plus sérieux de la littérature anglaise et de la littérature allemande.
L'enseignement du flamand ne remplacera donc pas l'enseignement de l'allemand et de l'anglais. Or ce dernier enseignement a, pour les enfants des écoles moyennes, une importance toute spéciale, et j'y insiste.
Quant au nombre des écoles moyennes, M. le ministre de l'intérieur a fait remarquer qu'il y avait des écoles moyennes communales subventionnées par l'Etat, et que par conséquent il n'est pas absolument nécessaire de développer le nombre des écoles moyennes appartenant à l'Etat.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il entend se séparer, sur ce point, de ses prédécesseurs. L'honorable M. Pirmez savait, comme l'honorable M. Delcour, qu'à côté des établissements de l'Etat il y avait des établissements communaux et des établissements privés. Mais à ces établissements communaux ou privés, il faut une concurrence sérieuse.
Nos écoles moyennes de l'Etat ne sont pas assez nombreuses ; l'honorable M. Pirmez l'a reconnu ; il a indiqué dans le rapport triennal le nombre des écoles qu'il fallait y ajouter.
Je demande que l'honorable ministre de l'intérieur s'explique catégoriquement, parce que si sa réponse n'est pas satisfaisante, quelques-uns de mes honorables amis et moi nous soumettrons à la Chambre une proposition de loi spéciale.
M. Guillery, au nom de la commission des naturalisations, dépose plusieurs projets de lois de naturalisation ordinaire.
M. Pety de Thozée dépose divers rapports sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces projets de lois et de ces rapports. Ils seront ultérieurement mis à l'ordre du jour.
M. Vleminckx. - Messieurs, il a été question, non pas seulement dans cette séance, mais dans d'autres séances de la session dernière, des cours à certificats et de la nécessité d'y substituer des cours à examen.
Déjà dans la dernière session, il a été déclaré à cette Chambre que la commission chargée de la révision de la loi sur les jurys avait statué sur la question.
Cette suppression a été décidée.
Mais l'honorable M. Delcour nous a dit tout à l'heure qu'il attendait le rapport du président de cette commission, l'honorable procureur général Faider, pour formuler le projet de loi qui doit vous être présenté.
Je dois faire remarquer à l'honorable ministre qu'il n'est pas tout à fait bien informé.
S'il lui faut absolument ce rapport pour prendre une détermination, je lui déclare qu'il attendra longtemps.
J'ai eu l'honneur de faire partie de cette commission, et je sais ce qui s'y est passé.
Or, dans sa dernière réunion, l'honorable président est venu nous dire que l'honorable prédécesseur de M. Delcour s'était fait produire nos procès-verbaux, et qu'après les avoir examinés, il lui avait déclaré qu'il n'entendait pas suivre la commission dans la voie qu'elle s'était tracée, n'acceptait pas toutes ses résolutions.
M. Kervyn de Lettenhove. - Je demande la parole.
M. Vleminckx. - Je n'ai pas à examiner les motifs qui ont déterminé l'honorable M. Kervyn de Lettenhove à tenir ce langage ; je reconnais qu'il peut avoir eu des raisons pour ne pas adopter quelques-unes des propositions de la commission. ; mais ce que je puis dire, c'est qu'à la suite de cette communication de son président, la commission a décidé qu'elle ne ferait pas de rapport et qu'elle cessait ses travaux.
Que M. le ministre de l'intérieur en prenne donc acte : il n'aura pas de rapport ; il n'aura que nos procès-verbaux avec les conclusions qui en découlent.
Or, ce n'est pas là ce qu'on peut appeler un rapport qui pourrait servir d'exposé des motifs un projet de loi.
Je crois que M. le ministre de l'intérieur ne sera pas en mesure de présenter le projet de révision, au commencement de la session prochaine, comme on le demande. Les questions qu'il s'agit de résoudre sont nombreuses ; il ne s'agit pas seulement de décréter que les matières à certificats seront supprimées ; car on retomberait ainsi purement et simplement sous le régime de la loi de 1849, dont on n'a plus voulu, parce que le programme des examens était trop surchargé ; il s'agit de régler d'une autre façon le système de ceux-ci.
Il est impossible que l'honorable ministre soit à même de présenter le nouveau projet dans la présente session.
Peut-être ne pourra-t-il pas même le déposer, au commencement de la session suivante.
M. Kervyn de Lettenhove. - Messieurs, l'honorable M. Vleminckx a fait tout à l'heure allusion à un entretien que j'ai eu avec M. Faider, entretien à la suite duquel la commission qui compte l'honorable M. Vleminckx parmi ses membres aurait décidé de cesser ses travaux.
Voici, messieurs, ce qui s'est passé : j'ai prié M. Faider de vouloir bien passer à mon cabinet ; j'ai insisté près de lui sur l'importance de la question et sur l'urgence d'une décision législative ; j'ai eu l'honneur de lui faire connaître que je désirais déposer un travail complet sur le bureau de la Chambre avant les vacances de Noël.
A ce sujet, j'ai eu l'honneur d'examiner avec M. Faider les différents points étudiés par la commission, et il est parfaitement exact que j'ai déclaré que je ne pouvais, sur tous les points, me rallier à l'avis de la commission ; mais, en même temps, prenant en considération l'un des procès-verbaux de la commission qui avait chargé M. Faider et M. Bastiné de formuler en projet de loi les décisions prises par cette commission, j'ai prié mon honorable ami, M. Faider, de vouloir bien hâter ce travail afin que j'eusse sous les yeux les conclusions de la commission avant de rédiger le projet de loi que je désirais soumettre à la Chambre dans le plus bref délai.
M. Vleminckx. - Il doit y avoir un malentendu entre MM. Kervyn de Lettenhove et Faider, car je puis déclarer à la Chambre que le président de la commission nous a fait connaître, dans la réunion qui a eu lieu il y a quinze jours, qu'à la suite de l'entretien qu'il avait eue avec M. Kervyn, il renonçait à faire l'avant-projet dont il est question et qu'il considérait la mission de la commission comme terminée.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je pense que l'honorable M. Vleminckx est dans l'erreur, car, dans une note qui m'a été remise ce matin par M. le secrétaire de la commission, je lis que les procès-verbaux se trouvent entre les mains de l'honorable M. Faider, président, et que l'honorable procureur général est chargé, avec M. Bastiné, de formuler en projet de loi les conclusions de la commission.
M. Vleminckx. - C'est une erreur ; cela n'a pas été décidé, et d'ailleurs ce procès-verbal n'a pas été adopté.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Je n'abuserai pas des moments de la Chambre.
Je désire aborder un autre ordre d'idées. J'aurais pu placer ma motion au chapitre des sciences, mais après avoir jeté les yeux sur le budget, je me suis aperçu que la question que je veux traiter n'y est pas mentionnée.
L'année dernière, l'honorable M. Jottrand a formé le vœu, auquel je me suis associé de tout cœur, de voir la magnifique et splendide bibliothèque musicale de feu M. Fétis devenir la propriété de l'Etat. Cette bibliothèque (page 381) est unique en son genre ; elle renferme des collections qu'on chercherait en vain ailleurs,
Je vois, messieurs, qu'aucun chiffre ne figure au budget pour l'acquisition de cette bibliothèque. Je demanderai donc à l'honorable ministre de l'intérieur s'il a renoncé au projet de doter le pays de cette riche collection. Si ma mémoire m'est fidèle, je crois que des négociations ont déjà été engagées à ce sujet. Ce serait une honte, je n'hésite pas à le dire, si cette bibliothèque, unique en Europe et que nous avons l'occasion d'acheter, je pense, à un prix excessivement raisonnable, devait nous échapper. Je suis convaincu que si le gouvernement reculait devant la dépense à faire pour cet objet, les pays étrangers ne tarderaient pas à faire des offres plus généreuses, qui seraient indubitablement acceptées.
Je prie l'honorable ministre de l'intérieur de bien vouloir nous donner quelques explications à cet égard.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je suis heureux de pouvoir donner une nouvelle qui sera, je crois, accueillie avec plaisir par la Chambre.
Le gouvernement négocie de la manière la plus sérieuse avec M. Fétis au sujet de l'achat de la bibliothèque en question. Nous sommes sur le point d'aboutir. J'espère que d'ici à peu de jours je pourrai présenter à la Chambre un projet de loi ayant pour objet l'achat de cette belle collection littéraire et musicale.
M. Bergé. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu M. le ministre de l'intérieur nous signaler l'existence de ces écoles extraordinaires où l'on enseigne si bien la géographie, au village ; et l'honorable ministre serait bien aimable de vouloir me dire dans quelles localités se trouvent ces écoles. J'en ai visité beaucoup dans le pays ; mais j'avoue que je n'ai jamais découvert celles-là.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - J'ai parlé des écoles communales de Louvain.
M. Bergé. - Je remercie M. le ministre de ce renseignement. Ce qui se passe à Louvain est, en réalité, tout à fait extraordinaire ; car tout le monde sait combien l'enseignement de la géographie occupe peu de place dans le programme des écoles communales.
Il en est tout autrement en Allemagne et aux Etats-Unis. Là, on enseigne la géographie de manière à la rendre aussi attrayante que possible aux enfants, c'est-à-dire en y rattachant des notions spéciales que l'enfant saisit plus facilement.
C'est ainsi que des notions de productions naturelles sont données en même temps que l'enseignement de la géographie. Les productions naturelles éveillent nécessairement l'attention de l'élève et l'enseignement devient ainsi pour l'enfant un véritable charme.
Ainsi, on appelle particulièrement son attention sur les localités où s'exercent une industrie, un commerce important. Les cartes de géographie sont aussi faites d'une manière toute particulière : ce sont des cartes muettes présentant de grandes divisions qui répondent à certains ordres de connaissances qu'ont veut inculquer aux enfants.
Je ne sache pas que de pareilles cartes se trouvent dans un grand nombre de nos écoles ; je crois pouvoir affirmer qu'il n'y en a pas dans nos écoles communales.
C'est évidemment à la manière dont la géographie est enseignée en Allemagne et aux Etats-Unis qu'il faut attribuer l'extension que la connaissance de cette science y a prise dans toutes les classes de la 'société.
J'ai maintenant, messieurs,. un mot à répondre à ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur au sujet du grec et du latin. L'honorable ministre ne veut diminuer en rien le temps qui est consacré à l'étude de ces langues.
Cependant, si l'on n'enlève rien au grec et au latin et si l'on ne diminue pas un peu le programme de ce côté, il est incontestable que les connaissances nouvelles qui nous sont imposées par la civilisation elle-même ne pourront pas être enseignées.
L'élève n'a qu'un certain nombre d'heures à sa disposition, le professeur lui-même ne peut s'occuper en même temps du grec, du latin, des langues modernes, des sciences.
M. le ministre de l'intérieur croit qu'on ne trouvera pas un homme sérieux qui ne sache, qui n'ait approfondi même le grec et le latin. Pourtant, comment se fait-il, dès lors, que tous les grands réformateurs qui ont fait sortir le moyen âge des ténèbres dans lesquelles il était tombé, ne possédaient aucune connaissance du grec et du latin ? Des hommes des plus remarquables dans l'histoire de la science, des hommes qui y font autorité se trouvent dans le même cas ; d'autres encore, des ingénieurs, des élèves des écoles des mines, des officiers distingués, bien qu'ils ne connaissent pas le grec et le latin, ne peuvent, quoi qu'en dise M. Delcour, ne pas être considérés comme hommes sérieux.
Mais, messieurs, en appuyant la thèse de M. le ministre, nous arrivons à cette conséquence que c'est en Grèce qu'il nous faudrait aller chercher le flambeau de la science et de toutes les connaissances littéraires ou scientifiques.
Je considère comme excellente l'idée suggérée par M. Thonissen, et je m'y associe de grand cœur.
De toutes ces discussions il résulte aisément qu'il y a dans le programme de l'enseignement quelque chose à supprimer afin de permettre de donner plus de développement à l'étude des langues modernes. Quelles branches seront réduites ? Il importe de le savoir.
Mais il ne suffit pas de modifier le programme, il faut encore veiller à ce que les modifications soient sérieusement exécutées.
Ainsi l'étude des langues modernes figure sur le programme de notre enseignement, mais on sait parfaitement à quoi s'en tenir sur la valeur de l'exécution de ce programme. En effet, combien y a-t-il d'élèves sortant de nos écoles moyennes supérieures qui possèdent des connaissances en anglais et en allemand ? Ces connaissances sont certainement excessivement restreintes : cela tient à la façon dont l'enseignement des langues étrangères est donné dans ces écoles.
Il ne suffit donc pas de faire figurer des matières au programme, il faut surtout tenir la main à ce que l'enseignement des langues étrangères soit donné d'une manière sérieuse, qu'on y attache autant d'importance qu'à l'étude du français.
Il faut pour cela nommer des professeurs capables, auxquels il faut faire une belle position en leur attribuant un traitement convenable et en leur donnant aussi vis-à-vis de leurs collègues une autorité égale par l'importance de leur enseignement. Alors seulement vous aurez des élèves sortant des athénées et connaissant les langues modernes.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour constater avec un certain plaisir que M. le ministre de l'intérieur entend ne rien changer à ce qui a été pratiqué quant à la loi de 1842. Je suis bien loin de me montrer satisfait de la façon dont cette loi a été appliquée jusqu'ici, puisque je suis l'adversaire décidé de la loi elle-même, je m'inquiète donc assez peu de la façon dont les cabinets libéraux ont interprété la loi.
J'ajouterai que ce n'est pas à un ministère de la droite que je serais assez naïf de demander de réviser cette loi. Seulement je constate que le ministère actuel n'entend pas appliquer la loi de 1842 autrement que ses prédécesseurs ; je constate aussi, par la même occasion, qu'il n'entendra pas modifier la loi de 1850, pas plus qu'il n'entend modifier la loi des bourses, pas plus qu'il n'a agi, quant à la représentation de la Belgique à Rome, autrement que l'aurait fait le ministère libéral.
Cela prouve, messieurs, que le ministère a parfaitement compris, et c'est en quoi je le félicite, que pour pouvoir obtenir quelque appui auprès du pays, pour ne pas être frappé immédiatement d'impopularité, il n'avait qu'une seule chose à faire : c'était de chercher à imiter le mieux possible ceux qui l'ont précédé, sauf à être accusé de trahison par les journaux de son opinion, comme il l'est déjà tous les jours ; mais il préfère, et cela se comprend, subir les attaques de ces journaux que se couvrir immédiatement d'une, impopularité complète. Il sait parfaitement qu'il n'y a véritablement de possibilité de gouverner la Belgique qu'en suivant une marche libérale ; c'est par conséquent parmi les administrations libérales qui l'ont précédé qu'il va chercher les exemples de ce qu'il a à faire, au lieu de tenir compte des grandes déclarations, des grands discours de l'opposition antérieure.
Eh bien, cela prouve le bon sens du ministère actuel, et je l'en félicite.
M. De Fré. - Je ne veux pas laisser clore la discussion générale sans interpeller M. le ministre de l'intérieur sur une question très importante.
Il s'agit d'une loi sur les cimetières.
Pendant son séjour au ministère, l'honorable M. Kervyn a fait une enquête sur la situation des cimetières en Belgique. D'après cette enquête, l'honorable M. Kervyn se proposait de bouleverser l'économie de la loi de prairial, telle que cette loi avait été interprétée par le gouvernement libéral et telle que cette loi avait été pratiquée dans un grand nombre de communes du royaume.
D'après le projet de l'honorable M. Kervyn, il s'agissait de créer des cimetières privés sur lesquels l'autorité locale n'aurait eu ni police, ni autorité.
Ce projet très audacieux, conforme du reste aux opinions qui ont été émises par le parti qui triomphe aujourd'hui, l'honorable M. Delcour le maintient-il, compte-t-il le présenter à la Chambre ?
M. le président. - La parole est à M. Hagemans.
(page 383) M. Hagemans. - Ce n'est pas sur la même question que j'ai demandé la parole, M. le président. Je ne veux pas parler des cimetières.
- Des membres. - Laissez répondre le ministre.
M. le président. - Vous avez la parole, M. Hagemans.
M. Hagemans. - Le sort qu'a eu, l'année dernière, certaine proposition que j'ai faite lors de la discussion du budget de l'intérieur, parce que j'avais attendu la discussion des articles, alors que la Chambre était déjà fatiguée, m'engage à ne pas tarder davantage à adresser à M. le ministre de l'intérieur une demande à laquelle je serais heureux de recevoir une réponse favorable.
Ce n'est pas une question de cimetières, disais-je tantôt ; et cependant c'est un peu cela. Seulement il s'agit de cimetières remontant à une antiquité des plus reculées. Voici la question.
L'année dernière, s'est tenu à Bologne un très remarquable congrès, le congrès des sciences préhistoriques. L'honorable M. Kervyn de Lettenhove, alors ministre de l'intérieur, avait bien voulu y envoyer des représentants de la science belge et le congrès décida que la réunion aurait lieu cette année-ci à Bruxelles. C'est un grand honneur, une grande gloire pour la Belgique.
Un des plus remarquables savants dont s'honore notre pays, l'honorable M. d'Omalius d'Halloy, a bien voulu accepter la présidence de ce congrès, composé des hommes qui, dans l'Europe tout entière, se sont le plus illustrés par leurs connaissances dans un ordre de recherches si importantes au point de vue historique et au point de vue philosophique.
Je désirerais savoir si, dans son budget, M. le ministre a porté un crédit spécial pour ce congrès, qui, je le répète, doit amener dans notre pays un si grand nombre de savants distingués et jeter sur lui un si vif éclat.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je ne puis répondre qu'une chose à l'honorable M. De Fré, c'est que le cabinet n'a pas été appelé encore à s'occuper de la question des cimetières ; je ne puis, en conséquence, que faire exécuter les lois qui régissent aujourd'hui cette matière.
Quant à la demande, que m’a adressée l'honorable M. Hagemans relativement au congrès des sciences préhistoriques, j'ai l'honneur de lui répondre que, selon ce qui avait été décidé sous mon honorable prédécesseur, le congrès se réunira à Bruxelles. Déjà des propositions me sont faites dans le but de déterminer le subside qui sera nécessaire pour couvrir les dépenses qu'occasionnera à l'Etat cette réunion de savants et pour lui donner un certain éclat.
- La discussion générale est close.
« Personnel.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés, gens de service et gens de peine et frais du comité de législation et d'administration générale : fr. 298,684. »
- Adopté.
« Matériel.
« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, éclairage et chauffage, menues dépenses ; frais de rédaction et de souscription au Bulletin administratif du ministère de l’intérieur ; matériel du bureau de la librairie ; frais de rédaction du recueil et des tables des ouvrages déposés ou déclarés en exécution des conventions internationales : fr. 48,460.
« Charge extraordinaire : fr. 4,000. »
- Adopté.
« Frais de déplacement.
« Art. 4. Frais de route et de séjour ; courriers extraordinaires : fr. 4,300. »
- Adopté.
« Art. 5. Pensions. Premier terme, des pensions à accorder éventuellement : fr. 16,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Subvention à la caisse centrale de prévoyance des secrétaires communaux ; subvention complémentaire à la même caisse, à laquelle les employés des commissariats d'arrondissement sont affiliés : fr. 27,000. »
M. le président. - Le gouvernement, d'accord avec la section centrale, propose d'augmenter de 4,000 francs le chiffre de 27,000 francs. Ce qui porterait ce chiffre à 31,000 francs.
- L’article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 7. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés, à des veuves et enfants d'employés, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Frais de bureau et jetons de présence de la commission centrale de statistique. Frais de bureau des commissions provinciales. Vérification des registres de population : fr. 7,500. »
- Adopté.
« Art. 9. Frais de rédaction et de publication des travaux du bureau de statistique générale, de la commission centrale et des commissions provinciales : fr. 10,000. »
- Adopté.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je prierai M. le ministre de l'intérieur de nous dire si son intention est de remédier aux inconvénients signalés quant aux traitements des employés provinciaux ; il y a des employés qui ont droit à un traitement supérieur à celui dont ils jouissent. Vous savez que l'arrêté pris par M. Vandenpeereboom admet comme principe un minimum, un médium et un maximum ; eh bien, il y a, dans la Flandre occidentale, des employés qui ont droit au maximum et qui ne le reçoivent pas, à défaut de fonds suffisants.
Je demande donc à M. le ministre de l'intérieur s'il ne croit pas le temps venu d'adopter le système de la section centrale, à l'aide duquel on rémunérerait d'une manière convenable les services rendus.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - La question soulevée par l'honorable M. De Lehaye mérite un sérieux examen. L'arrêté royal du 28 octobre 1871 a apporté à l'arrêté du 15 juillet 1864 d'heureuses modifications. Ces dernières ont eu pour objet : 1° d'augmenter de 200 francs le traitement manifestement insuffisant attaché au grade d'expéditionnaire ; 2° de supprimer le gradé de commis de troisième classe ; 3° de fixer à 1,200 francs le minimum du traitement des commis de deuxième classe et de porter le maximum à 2,000 francs. C'est la condition des employés inférieurs que mon honorable prédécesseur a voulu améliorer. Sous ce rapport, l'arrêté a produit un excellent effet.
Mais, messieurs, des réclamations surgissent aujourd'hui : les commis de première classe se plaignent de ce que l'écart n'est que de 200 francs entre le maximum et le minimum de leur traitement ; d'un autre côté, les chefs de bureau, qui rendent tant de services dans l'administration des provinces, réclament également une augmentation de traitement.
Ces diverses réclamations établissent qu'il y a une étude d'ensemble à faire et qu'il y aura à tenir compte des diverses positions. La Chambre comprendra que je ne puis, dès maintenant, prendre aucun engagement ; je promets d'examiner la question cour le budget prochain et de faire à la Chambre une demande de crédit en rapport avec les besoins constatés. Mes honorables amis seront, j'espère, satisfaits de cette déclaration.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je suis satisfait des explications de M. le ministre, de l'intérieur, mais il y a un autre point sur lequel j'appelle l'attention de la Chambre.
Le gouvernement a, conformément au vœu exprimé par la section centrale, présenté un projet de loi destiné à augmenter le traitement des greffiers provinciaux.
Si nous ne nous occupons pas prochainement de ce projet, nous devrons revenir plus tard sur les allocations que nous aurons votées au budget. Ce projet de loi, messieurs, ne donnera vraisemblablement pas lieu à des objections, puisqu'il a été adopté sans aucune opposition par la section centrale. Il conviendrait donc de mettre ce projet de loi en tête de l'ordre du jour de demain ; de cette façon, nous pourrons apporter au budget les modifications qui seront la conséquence du vote de ce projet.
M. Vandenpeereboom. - J'attendrai que l'arrêté annoncé par M. le ministre de l'intérieur ait paru pour le juger et pour apprécier la valeur des modifications qui seront introduites. Mais il est un point sur lequel je désire appeler, dès à présent, l'attention de l'honorable ministre. Qu'on prenne un nouvel arrêté ou qu'on exécute l'arrêté actuellement en vigueur, il est indispensable de demander les crédits nécessaires pour que (page 384) tous les employés provinciaux jouissent du traitement affecté à leur grade respectif.
Lorsque la révision de 1864 a été faite, l'allocation, si j'ai bonne mémoire, a été calculée sur la moyenne du traitement, mais comme l'avancement est très lent dans les administrations provinciales, il est arrivé que bientôt la plupart des employés sont parvenus à la limite d'âge donnant droit au maximum de leur traitement.
Les allocations budgétaires doivent donc être aujourd'hui insuffisantes et je crois que M. le ministre de l'intérieur ferait bien de demander chaque année à son budget la somme nécessaire pour accorder à chaque employé le traitement minimum, médium ou maximum attaché à son grade.
Puisque j'ai la parole, je demande la permission de faire encore une recommandation à M. le ministre de l'intérieur.
Lorsqu'il révisera l'arrêté concernant les employés provinciaux, je l'engage à augmenter plutôt qu'à réduire le nombre des grades, à étendre plutôt qu'à restreindre l'échelle administrative. Si ces cadres comprenaient des commis de troisième, de deuxième et de première classe, des commis-chefs, des sous-chefs de bureau, etc., on pourrait donner aux employés provinciaux un avancement qu'il est impossible actuellement de leur accorder, et en même temps améliorer plus rapidement leur position sous le rapport du traitement.
Dans certains départements, au département des finances entre autres, si je ne me trompe, on a suivi ce système et on a parfaitement bien fait.
Au département des travaux publics, il y a des troisièmes commis, des deuxièmes commis, des sous-chefs de bureau, des sous-chefs de division. Je ne dis pas que l'on puisse établir toutes ces catégories dans chaque gouvernement provincial, mais on pourrait faire quelque chose dans ce sens afin de favoriser l'avancement des employés provinciaux sous le double rapport du grade et du traitement.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Je me proposais d'entrer dans la voie indiquée par l'honorable M. Vandenpeereboom. J'avais donc l'intention de demander aux gouverneurs des provinces des propositions relatives aux améliorations de position à introduire dans nos différentes administrations provinciales. Seulement, je ne pourrai rien faire en ce sens dans le budget actuel, il faudra attendre le budget prochain.
Quant à l'observation que l'honorable membre vient de faire en vue de l'augmentation du nombre des grades, c'est là une question que j'examinerai avec toute l'attention désirable.
M. Boulenger. - A propos de la motion que vient de vous soumettre. M. De Lehaye, je crois devoir revenir sur une observation que j'ai déjà produite l'an dernier et par laquelle je demandais au gouvernement s'il n'entrait pas dans ses intentions d'augmenter les traitements des membres des députations permanentes.
Il est très intéressant certes de s'occuper du petit personnel des gouvernements provinciaux et de la position financière des greffiers provinciaux. Mais on ne doit pas perdre de vue quelle situation étrange on fait précisément aux membres des députations permanentes chargés d'administrer à l'aide de ce petit personnel et de ces greffiers provinciaux.
Les membres des députations ont, je crois, 3,300 francs de traitement. Les greffiers provinciaux auront, selon toute apparence, une augmentation de traitement qui le portera à 7,000 francs.
Je le demande, quelle solution étrange n'allez-vous pas créer aux membres des députations en maintenant le traitement qui leur est accordé aujourd'hui ?
Remarquez, messieurs, que les 7,000 francs qu'on se propose d'accorder aux greffiers provinciaux ne constituent pas leur seule rémunération. Dans la plupart des provinces, ils touchent des émoluments spéciaux à raison de soins donnés à des recueils périodiques ou à des publications administratives.
Qu'exige-t-on des membres des députations ?
Il faut, pour occuper ces fonctions, une certaine expérience, des hommes ayant des notions du droit, qui consentent à abandonner une position exclusive de toute autre. Remarquez-le, messieurs, la loi interdit même aux avocats d'exercer leur profession, lorsqu'ils deviennent membres de la députation permanente.
Le recrutement des membres de la députation se fait donc très difficilement à raison, non pas seulement de la situation élective et par conséquent plus ou moins précaire de ces fonctions, mais encore à raison de cette situation financière qui est incroyable.
On a augmenté à tous les degrés de la magistrature indistinctement les traitements de ses membres ; seuls les membres de la députation permanente ont été oubliés.
- Des membres. - Du tout.
M. de Naeyer. - Il y a eu également augmentation.
M. Boulenger. - Mais non ; les juges de paix ont vu leur traitement augmenter de seize cents à trois mille francs. Les membres de la députation n'ont profité que de l'augmentation générale de dix pour cent, disposition qui a eu pour effet de porter leur traitement de 3,000 à 3,500 francs.
II y a donc eu de plus grands avantages accordés à la magistrature judiciaire qu'à la magistrature administrative. Je crois que la Chambre et le gouvernement feraient acte de justice en accordant aux membres des députations provinciales un traitement en rapport avec celui des membres de la magistrature judiciaire, à laquelle il semble qu'il faille l'assimiler, c'est-à-dire les mettre sur le même rang que les conseillers d'appel.
En effet, ne sont-ils pas les représentants en administration de cette branche de la hiérarchie judiciaire ; ne décident-ils pas en appel les questions de milice, les questions électorales ?... (Interruption). Chaque jour nous leur donnons par des lois nouvelles une juridiction plus grande, plus considérable ; nous donnons à nos députations permanentes un accroissement de travail et nous ne leur accorderions pas une rémunération proportionnelle ?
Messieurs, j'entends des réclamations ; on me dit que les députations permanentes ont peu ou point de besogne.
Je ne sais ce qui se passe dans d'autres provinces ; mais il n'en est certes pas ainsi dans le Hainaut, où les membres de la députation siègent en moyenne trois jours et souvent quatre jours pour faire un travail non seulement plus considérable, mais je dirai plus dur, plus pénible que le service des tribunaux et que le service des cours d'appel. (Interruption.)
Certainement, plus pénible que le service des tribunaux en province et que le service des cours d'appel, qui généralement ne siègent que trois jours par semaine. Cela est constaté, du reste, dans tous les documents statistiques qui ont été publiés. Ainsi dans le Hainaut, par exemple, les membres de la députation permanente siègent trois jours par semaine et les séances qu'ils tiennent ont au moins l'importance et la durée des audiences des cours d'appel.
Les observations que je fais ont eu la bonne fortune d'obtenir l'appui de la section centrale. L'année dernière l'honorable M. De Lehaye n'avait pas cru pouvoir se rallier à la proposition que j'avais faite ; j'ai vu avec plaisir que cette année, se trouvant l'organe de la section centrale, il appuie ma manière de voir. L'honorable M. Lelièvre a également prêté son appui aux idées que je viens d'exposer et il faut espérer que je jouirai d'une aussi bonne fortune auprès du gouvernement.
M. De Lehaye, rapporteur. - L'année dernière, comme cette année-ci, j'étais d'avis qu'il fallait augmenter le traitement des membres des députations permanentes, mais je ne saurais admettre les conclusions que vient de présenter l'honorable préopinant.
Sans doute, messieurs, les fonctions des députations sont très importantes, mais il est impossible, selon moi, de les comparer aux fonctions de la magistrature, aux fonctions des membres des cours d'appel ; il n'y a pas là la moindre analogie.
Je ferai une seule observation à l'honorable membre. Il ne doit pas perdre de vue que les magistrats, les conseillers de la cour d'appel comme les juges ne peuvent pas se livrer à d'autres fonctions qu'aux fonctions judiciaires, tandis que les membres des députations permanentes, s'ils sont dans les affaires, peuvent continuer à s'en occuper. Il n'y a donc pas, comme je viens de le dire, d'analogie entre les fonctions des membres des députations permanentes et les fonctions des membres de la magistrature.
Quant à la proposition que j'ai faite, je prie la Chambre de remarquer que le projet dont il s'agit n'est qu'un amendement proposé au budget. Les traitements des greffiers provinciaux se trouvent insérés dans le budget. Ce projet a été admis par toutes les sections ; il a été adopté par la section centrale à l'unanimité. Je pense donc qu'en le mettant à l'ordre du jour de demain nous gagnerons du temps, puisque nous ne devrons plus revenir sur cet objet et modifier le budget.
M. De Fré. - Je viens appuyer les observations présentées en faveur d'une augmentation de traitement pour les membres des députations permanentes.
Je ne veux pas reproduire tous les arguments présentés par mon honorable collègue, mais je constate un fait : c'est qu'en Belgique beaucoup de fonctions administratives ne peuvent être acceptées que par des citoyens qui ont de la fortune.
Eût-on les plus grandes aptitudes administratives, si l'on est pauvre, on ne peut pas les aborder, tellement le salaire est dérisoire.
(page 385) Les membres de la députation ont 3,300 francs et cependant les occupations des députations sont excessivement nombreuses, importantes et compliquées. Ou elles statuent définitivement sur les délibérations des conseils communaux, ou elles donnent un avis avant que le gouvernement statue. Elles ont à délibérer sur des questions qui appartiennent à la compétence des différents ministères, leur juridiction est donc d'une immense étendue : M. le ministre de l'intérieur doit comprendre que le moyen d'avoir, pour des fonctions aussi importantes, des hommes capables, il faut bien les rétribuer.
Nous vivons dans un pays où ceux qui trouvent un million dans leur berceau ne sont pas toujours les plus capables ; et, lorsqu'il y a une place ouverte, que vous avez un homme qui a travaillé, parce qu'il n'est pas né millionnaire et qui pourrait rendre de grands services au pays, il ne peut accepter cette place à cause de. la minime rétribution, tandis que l'homme fortuné, mais moins capable, la prendra volontiers.
Et, quand je dis millionnaire, c'est une manière de parler de personnes qui n'ont pas besoin de travailler pour vivre.
Il est impossible, je le répète, qu'en Belgique certaines fonctions administratives soient remplies par des personnes qui n'ont pas de fortune.
Or, il faut que ces fonctions soient accessibles aux plus capables. Pour cela, il faut bien rétribuer la besogne.
M. Lelièvre. - Je persiste à croire qu'il est de toute justice d'augmenter le traitement des membres des députations permanentes des conseils provinciaux. Les motifs déduits par les honorables préopinants ne laissent aucun doute à cet égard.
Toutefois, je pense qu'il ne faut pas exagérer les choses et que si l'on portait le traitement des membres des députations au chiffre de 5,000 francs, qui équivaut au traitement des juges de première instance dans les tribunaux des villes où il existe une cour d'appel, on satisferait à toutes les exigences légitimes. Il n'y aurait certes là rien d'exagéré.
Quant au chiffre de 7,000 francs, il me semble trop élevé ; celui que je propose me paraît mieux en rapport avec la nature des fonctions et l'importance de la besogne.
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Messieurs, la question de l'augmentation du traitement des membres de la députation permanente tient à une loi organique ; elle se présentera naturellement dans la discussion du projet dé loi relatif au traitement des greffiers provinciaux.
Je prie donc la Chambre de vouloir bien ajourner jusqu'à ce moment la question soulevée par l'honorable préopinant.
Le gouvernement s'est déjà occupé de ce point et il n'est pas éloigné de l'idée d'augmenter, dans des limites modérées, le traitement des membres de la députation.
M. Tesch. - Je dois rendre l'honorable M. De Lehaye attentif à un point, c'est que les traitements des membres de la députation et le traitement du greffier sont fixés par une loi.
Nous ne pouvons pas suspendre la discussion du budget, voter un projet de loi, puis augmenter le crédit porté au budget, avant que le Sénat se soit prononcé sur le projet de loi.
Je demande donc que l'on suspende toute espèce de discussion jusqu'à ce que nous en soyons à la loi qui fixe le traitement des greffiers provinciaux.
M. De Lehaye, rapporteur. - Je me rallie à l'opinion de l'honorable M. Tesch.
« Art. 10. Traitements du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 11. Traitements des employés et gens de service : fr. 60,500. »
- Adopté.
« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 78,400. »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 64,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 74,800. »
- Adopté.
« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 23. Traitement des employés et gens de service : fr. 78,400. »
- Adopté.
« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 42,500. »
- Adopté.
« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 70,000. »
- Adopté.
« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,500. »
M. le président. - Le gouvernement a donné à l'article 27, littera B un nouveau crédit de 4,500 francs pour frais du matériel de l'hôtel provincial de Liège.
La section centrale a proposé le rejet de cette augmentation.
M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à cette proposition de la section centrale ?
M. Delcour, ministre de l'intérieur. - Non, M. le président.
- Des membres. - A demain !
M. le président. - La Chambre a décidé avant-hier qu'à l'ouverture de la séance de vendredi viendrait le rapport de la commission permanente de l'industrie sur la pétition des imprimeurs. La Chambre entend-elle maintenir cette décision ? (Oui ! oui !)
Il en sera donc ainsi.
- La séance est levée à 5 heures.