(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1871-1872)
(Présidence de M. Thibaut.)
(page 265) M. Hagemans procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Hagemans présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Bochart demande que le gouvernement fasse établir, sans délai, dans les localités où la peste bovine s'est déclarée, des pacages spéciaux où des expériences seraient faites par des vétérinaires homéopathes. »
M. Kervyn de Volkaersbeke. - En présence de la peste bovine qui continue à sévir dans nos provinces, cette pétition présente un caractère d'urgence qui n'est pas contestable. Je propose, en conséquence, à la Chambre de vouloir bien la renvoyer à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. de Kerckhove. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable M. Kervyn ; seulement je me permettrai de la modifier en un point : je demanderai à la Chambre qu'elle veuille bien décider le renvoi de la pétition à la commission d'industrie, avec toutes les pétitions que nous avons déjà reçues sur la même question, et prier la commission de nous présenter le pins tôt possible un rapport d'ensemble sur la matière.
Comme l'a dit fort justement l'honorable M. Kervyn, la question est très sérieuse. Il importe de savoir à quoi nous en tenir, non seulement sur ce qui a été fait à propos de la peste bovine, mais aussi sur ce qu'il convient de faire à l'avenir : d'une part pour répondre aux exigences de la santé publique, d'autre part pour sauvegarder les intérêts des propriétaires et des marchands de bétail. Je dois ajouter que, quant à moi, représentant de Malines, je tiens d'autant plus à voir la question faire un pas décisif que mon arrondissement souffre cruellement de l'état actuel des choses. Nous avons à Malines un marché très important, celui de Neekerspoel, qui est en train de se ruiner si la situation ne se modifie pas.
Je demande donc un travail d'ensemble et un rapport complet par la commission d'industrie.
M. le président. - La parole est à M. de Haerne.
M. de Haerne. - Je l'avais demandée pour présenter les observations que viennent d'émettre les honorables préopinants.
M. de Theux, membre du conseil des ministres. - Je demande que ce rapport soit présenté le plus tôt possible, car il ne faut pas qu'on croie à l'étranger que la Belgique est encore envahie par la peste bovine.
M. Bouvier. - Comme la question est fort importante, je demande que l'on fixe dès maintenant vendredi en huit pour la discussion du rapport ; le ministre sera en mesure alors de répondre aux observations des pétitionnaires.
M. le président. - Il y a deux propositions : l'une d'ordonner le renvoi à la commission des pétitions avec demande de prompt rapport et l'autre le renvoi à la commission de l'industrie. Il faut choisir entre les deux autorités qui sont chargées d'examiner la question,
M. Bouvier. - La commission des pétitions a déjà reçu un grand nombre de pétitions de cette nature. Je pense que si l'on fixait l'examen de cette pétition à vendredi en huit on pourrait alors discuter les importantes questions soulevées par ces pétitions et entendre les explications de M. le ministre de l'intérieur qu'il ne peut manquer de fournir à l'assemblée.
M. de Kerckhove. - Je propose le renvoi de cette pétition à la commission de l'industrie parce que celle-ci a déjà reçu un grand nombre de requêtes de même nature, parce qu'un rapport a déjà été préparé même et, je crois, imprimé. Je crois que pour faire de la bonne besogne il serait convenable de réunir tous les documents qui ont trait à la même question. Nous aurions ainsi - comme je l'ai dit tout à l'heure - un travail d'ensemble. Il vaut mieux tarder de quelques jours pour avoir quelque chose de sérieux, de complet.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Cet objet est extrêmement important et je vois que nous sommes tous d'accord sur l'urgence. Il s'agit donc d'apporter le plus tôt possible une solution à cette question. La commission des pétitions veut-elle ou peut-elle présenter prochainement un rapport ? je n'en sais rien ; mais je demande que l'examen de la pétition ait lieu endéans la huitaine.
M. le président. - Il s'agit de choisir entre la commission des pétitions et celle de l'industrie.
M. De Lehaye. - Je demande également que l'on fasse un prompt rapport sur cette pétition. Mais jamais la commission de l'industrie n'a eu à s'occuper d'une requête de cette nature, je puis l'affirmer ; j'ai l'honneur de présider cette commission depuis deux ans. Je crois donc pouvoir dire qu'il serait plus facile et plus conforme à tous les antécédents d'envoyer directement cette pétition à la commission des pétitions. Renvoyer cette pétition à deux commissions différentes, peut présenter un véritable danger.
Si ces deux commissions envisageaient la question à deux points de vue différents, on se trouverait, en face de ce désaccord, dans un embarras sérieux. Je crois en conséquence qu'il faut se borner à renvoyer cette pétition à une seule commission, à celle des pétitions.
M. Delaet. - Tout à l'heure je n'ai pas entendu l'analyse de la pétition. Mais il me paraît qu'il y a un malentendu entre l'honorable M. de Kerckhove et le président de la commission de l'industrie. Nous avons eu à nous occuper, non pas de la question de la peste bovine, mais d'une question douanière, de la défense de l'entrée du bétail étranger. Maintenant, s'il s'agit d'une question douanière dans la pétition, celle-ci pourrait être renvoyée à la commission de l'industrie ; dans le cas contraire, il y aurait lieu de la renvoyer à la commission des pétitions.
M. De Lehaye. - Messieurs, comme vient de le dire l'honorable M. Delaet, les pétitions dont la commission d'industrie a eu à s'occuper avaient trait à des formalités douanières. Aujourd'hui, il s'agit d’une question hygiénique qui n'entre nullement dans les attributions de l'industrie. Il est préférable, d'après moi, de renvoyer la pétition à la commission des pétitions, qui pourrait faire un prompt rapport.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Si la pétition est renvoyée à la commission des pétitions, je demanderai s'il ne serait pas possible que cette commission nous fî un rapport pour mercredi prochain. La question est extrêmement sérieuse et il n'est pas possible d'en renvoyer la solution aux calendes grecques.
- L'assemblée ordonne le renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. le président. - La commission tiendra certainement compte da vœu émis par plusieurs membres.
« Des habitants de Rhode-Saint-Genèse et d'Alsemberg demandent la prompte exécution du chemin de fer de Luttre à Bruxelles. »
(page 266) M. Snoy. - Je prie la Chambre d'ordonner le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. Le Hardy de Beaulieu. - J'appuie cette proposition.
- Adopté.
« La chambre de commerce de Nivelles demande la prompte discussion du projet de révision du code de commerce. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Roland demande si le droit de débit de tabac perçu par la province compte encore pour parfaire le cens électoral ; si, outre ce droit, le débitant est obligé de prendre une deuxième patente et si le cabaretier est dispensé de prendre une patente pour son débit de tabac. »
- Même renvoi.
« Le sieur Hanquet demande que le gouvernement fasse abattre les arbres plantés le long de la route de Tirlemont à Charleroi. »
- Même renvoi.
« Le sieur Guyaux, ancien commis des accises, demande une pension ou une indemnité pour les pertes qu'il a essuyées depuis qu'il a été révoqué de ses fonctions. »
- Même renvoi.
« Le sieur Eenman demande une réduction de 5,000 francs sur le crédit proposé pour le traitement du personnel de l'administration provinciale de la Flandre occidentale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Le sieur Edouard Liebermann, rentier à Bruxelles, né à Berlin, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Il est fait hommage a la Chambre par l'auteur, M. Jules De Broux, de 125 exemplaires de sa brochure intitulée : « De la réorganisation de la police bruxelloise. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« Le sieur Wyns, ancien facteur des postes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Royer de Behr, retenu par indisposition, demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. Defuisseaux, retenu par des affaires urgentes, demande un congé de huit jours. »
- Accordé.
M. Pety de Thozée. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un feuilleton de quinze projets de lois concernant des demandes de naturalisation ordinaire qui ont été prises en considération par la Chambre et par le Sénat.
- Ce feuilleton sera imprimé et distribué et mis à l'ordre du jour de vendredi.
M. Kervyn de Lettenhove (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il y a un peu plus d'un an que la Chambre a été saisie d'un projet de loi destiné à modifier l'organisation des caisses de retraite des instituteurs primaires. Il a pour but d'améliorer notablement leur position. Non seulement les instituteurs en appellent de tous leurs vœux la discussion, mais il arrive aussi que plusieurs d'entre eux, qui ont droit à la pension, attendent, pour en réclamer la liquidation, qu'elle puisse se faire sur des bases plus favorables.
Je serais donc heureux d'apprendre que la section centrale s'occupe activement de ce projet de loi, de telle sorte qu'il puisse le plus tôt possible être soumis au vote de la Chambre.
M. le président. - Messieurs, la section centrale qui est chargée d'examiner le projet de loi dont vient de parler l'honorable M. Kervyn de Lettenhove, s’est réunie plusieurs fois pendant la dernière session. Depuis l'ouverture de la session actuelle, je n'ai pas eu le temps de la convoquer, mais je compte le faire au commencement de la semaine prochaine. Je prie les membres de cette section centrale de se tenir pour avertis.
M. d'Andrimont. - Messieurs, nous nous sommes hier occupés des causes qui ont contribué à augmenter la crise des transports du chemin de fer.
Aujourd'hui, nous allons indiquer quels sont les moyens à employer pour atténuer immédiatement les effets de cette crise et pour empêcher que chaque année elle se reproduise. Mon discours sera donc un discours technique.
En toute première ligne, nous signalerons au gouvernement la nécessité d'établir une bonne réglementation pour les services mixtes et internationaux.
Il s'agit de déterminer d'une façon pratique et d'une manière équitable à qui incombe l'obligation de fournir le matériel des services mixtes et internationaux.
Jusqu'à présent, messieurs, l'arbitraire seul a régné en maître absolu.
Les principes varient au gré des compagnies. Il n’est pas rare de voir la même compagnie, pour se tirer d'affaire, invoquer des principes diamétralement opposés.
Voici ces principes, si principes on doit les appeler.
Ou le matériel doit être fourni par la compagnie qui fait l'expédition ; premier principe. Ou bien par la compagnie en destination de laquelle l'expédition se fait ; deuxième principe. Ou bien par les différentes compagnies au prorata du parcours qui s'effectue sur chacune de leurs lignes ; troisième principe.
En fait, c’est le premier principe qui est le plus généralement appliqué. En effet, c’est à la compagnie du point de départ à fournir le matériel, puisque c’est à elle que doit s'adresser l'expéditeur.
C’est donc la compagnie d'expédition qui est responsable, mais cette responsabilité, messieurs, est complètement illusoire parce que la société intéressée peut trop facilement s'en décharger sur les autres administrations. Les limites dans lesquelles cette participation a lieu sont stipulées dans des conventions particulières, conventions qu'on modifie fréquemment et très brusquement et qui restent ignorées du public, qui ne sait à qui s'adresser lorsqu'il a des réclamations à faire valoir.
Messieurs, nous citerons quelques exemples qui sont de nature à prouver le désarroi complet qui existe dans certaines administrations de chemins de fer. Il faut surtout examiner la situation des établissements industriels qui ont le malheur de se trouver dans l'obligation d'emprunter de petites lignes intercalées dans de grands réseaux, telles que celle de Liège-Maestricht. Il est bon aussi de faire remarquer que sous ce rapport le bassin de Liège se trouve dans une position plus défavorable que le bassin de Charleroi et de Mons. Nous avons encore chez nous plusieurs petites lignes enchevêtrées dans les grandes.
Le bassin du Hainaut, grâce à la fusion des compagnies, grâce au rachat par l'Etat, n'a plus à supporter la plaie de ces petites sociétés soudées aux grandes par les deux bouts. La compagnie de Liége-Maestricht nous offre cet exemple d'une société qui, tour à tour, quand son intérêt est en jeu, adopte alternativement un des trois principes précités, quel que soit le cas qui se présente.
Si des établissements de Seraing, par exemple, ont à effectuer des transports vers le Limbourg hollandais, comme ils sont situés sur le chemin de fer du Nord, il s'adressent d'abord à la société de ce chemin de fer pour obtenir du matériel. Le Nord belge, lui, dégage sa responsabilité en donnant quelques waggons au prorata du parcours des quelques kilomètres sur la ligne et en renvoyant, pour le reste de la fourniture de matériel, au Liège-Maestricht dont la ligne entière doit être empruntée pour aboutir à l'Etat néerlandais.
Après avoir vainement essayé du même système vis-à-vis de l'Etat néerlandais, le Liège-Maestricht répond que c’est au Nord à fournir les waggons parce que la gare de départ se trouve sur le Nord.
Quand il s'agit, au contraire, pour cette compagnie Liège-Maestricht, de faire les expéditions des charbonnages de la rive droite d'aval qui y sont raccordés, elle leur refuse énergiquement son matériel pour toutes les destinations enlevées à ses lignes.
Sic vos non vobis. Telle est sa devise, et cette devise est sinon justifiée, du moins expliquée par l'insuffisance complète du matériel de cette compagnie, qui possède en tout 115 waggons de 10 tonnes et 20 waggons de 5 tonnes.
Une commande récente de 12 waggons sera loin encore de la mettre à même de satisfaire aux besoins de 7 à 8 charbonnages, d'une sucrerie importante et de laminoirs.
Dans cette situation, que reste-t-ili à faire à ces établissements" ?
Pour toutes les expéditions à faire en dehors de la ligne à laquelle ils sont raccordés, ils doivent chercher à saisir - affûtés comme un braconnier au coin d'un bois —les waggons isolés de l'Etat qui retournent à vide de Maestricht sur Liège-Longdoz.
Il s'ensuit naturellement que les charbonnages les plus rapprochés de Liège sont ceux qui se trouvent le moins pourvus de matériel.
Et, pour prouver à quel point le concours de ces circonstances peut (page 267) être fâcheux pour l'industrie, je citerai l'exemple du charbonnage de la Chartreuse, situé sur cette ligne de Liège-Maestricht et qui, surchargé de commandes, ne pouvant, au mois de novembre, rien expédier, avait des milliers de tonnes de charbon en magasin et se voyait, dans la forte saison de vente, sur le point de renvoyer ses ouvriers.
Nous avons cité l'exemple du Liège-Maestricht, parce qu'il est l'un des mieux caractérisés, mais la situation est la même sur d'autres lignes.
Le Liègeois-Limbourgeois n'entend pas laisser circuler ses véhicules en dehors de son réseau. Impossible, par suite, aux charbonnages qui se trouvent sur cette ligne de faire des expéditions importantes vers la France.
Le Nord ne s'entend ni avec l'Ourthe, ni avec l'Est sur la répartition du matériel, et dans cette partie du bassin de la Meuse, ce ne sont que tiraillements entre les compagnies et les industriels, tiraillements tout aussi préjudiciables aux sociétés de chemins de fer qu'aux établissements industriels.
Les renseignements que je donne à la Chambre sur l'attitude de certaines compagnies pendant la crise ont un caractère d'authenticité incontestable : je les tiens du comité des charbonnages. Son secrétaire, M. Habets, ingénieur distingué, très compétent dans la question des transports et tout dévoué à notre industrie, a eu l'obligeance de me les communiquer pour en faire usage dans l'intérêt commun.
La règle la plus favorable à l'intérêt bien entendu des administrations et des industries devrait être celle-ci : Chaque compagnie devrait fournir du matériel proportionnellement à la distance franchie sur la ligne.
Il serait même désirable que cette règle fût imposée aux compagnies par l'Etat, qui devrait être le premier à s'y conformer.
C'est dans le sens de cette règle que devraient être interprétés ces articles du cahier des charges où il est dit que le nombre des trains doit toujours être en rapport avec les besoins du commerce et de l'industrie, que le gouvernement peut forcer les compagnies à entretenir et à renouveler leur matériel et même y pourvoir d'office.
Pour obliger les compagnies à suivre ces prescriptions, il est une mesure dont l'Etat pourrait prendre l'initiative : le prix de location des waggons en service mixte devrait être assez élevé pour que les compagnies n'aient pas intérêt à payer ce prix de location aux compagnies voisines plutôt que de faire construire pour elles-mêmes le matériel nécessaire à leurs besoins.
Ce prix est en Belgique de :
1 franc par kilomètre pour une locomotive ;
2 centimes par kilomètre pour un waggon de marchandises.
Les délais de remise sont à une distance de :
1 à 50 kilomètres, 2 jours,
51 à 100, 3 jours,
101 à 200, 4 jours,
avec augmentation d'un jour par 100 kilomètres, délai qui est majoré d'un jour quand le waggon revient chargé.
En cas de retard, on paye 3 francs d'amende par jour.
Ces prix sont trop peu élevés ; la location de 2 centimes par waggon-kilomètre, soit par tonne kilomètre 2 dixièmes de centime, ne couvre pas à beaucoup près l'usure et l'amortissement du matériel, et l'amende de 3 francs est une véritable location, alors qu'elle devrait constituer une amende.
Il n'est pas étonnant que certaines compagnies trouvent plus avantageux de payer des locations au lien de construire du matériel.
Cette question a été soulevée dans cette Chambre par un de nos collègues, M. Descamps, à l'occasion du budget de 1871 ; mais, comme tant d'autres, elle est restée là dans les cartons, irrésolue.
En Allemagne, le même inconvénient a été signalé et, de commun accord, on cherche à y remédier.
Et cependant, les prix de location fixés par le Verein, en cas de non-existence d'une convention particulière, sont plus élevés que les nôtres.
Ils sont de 2 1/2 par kilomètre et par waggon et de 3-75, un thaler, par jour de retard.
Les délais sont :
Pour 75 kilomètres aller et retour, 1 jour.
75 à 225, 2 jours
225, 3 jours.
On accorde de plus deux jours pour le chargement et le déchargement.
Ces prix sont non seulement plus élevés que les prix belges, mais, - et c'est là une chose importante, - les délais réglementaires sont également moins étendus, sauf en ce qui concerne les deux jours consacrés au chargement et au déchargement.
On est généralement d'accord en Allemagne que les locations et amendes sont à peine suffisantes pour couvrir l'usure, l'entretien et l'amortissement du matériel. Aussi les conventions particulières de chaque compagnie ont-elles à peu près toutes modifié ces conditions dans le sens d'une augmentation de location.
Les prix perçus en Allemagne sont tantôt basés sur le parcours, tantôt sur la durée du parcours, tantôt sur l'un et l'autre.
Ces différences dans les bases d'appréciation de l'indemnité ont amené les chemins de fer de Berlin-Potsdam-Magdebourg, de Berlin-Stettin à Brunswick, du Hanovre, de Magdebourg-Halbertadt, de Main-Weser, de Westphalie et la direction royale du chemin de fer de l'Etat à Wiesbaden à se réunir pour proposer à l'assemblée générale du Verein qui s'est tenue à Berlin le 14, le 15 et le 16 août dernier, d'adopter un nouveau prix de location des waggons, basé à la fois sur le parcours et sur la durée du parcours.
Ce prix serait de 1 fr. 25 c. par jour et 8 centimes par kilomètre sans amende en cas de retard. Ces chiffres sont basés sur le calcul :
1° De l'intérêt du capital représenté par le waggon ;
2° Des frais d'entretien ;
3° Des frais de renouvellement.
Le prix de 2 centimes admis en Belgique a d'ailleurs été déterminé sans aucune réflexion : on s'est contenté de prendre le prix admis en France où les échanges de matériel sont peu considérables et se balancent par suite de l'importance du réseau.
En Belgique, il n'en est pas ainsi, et l'exemple de la Prusse est plutôt à suivre.
En Angleterre, où les conditions se rapprochent des nôtres au point de vue de la division du trafic, les prix de location sont peu élevés ; ils varient d'ailleurs comme les tarifs avec la longueur du parcours. Mais les échanges de matériel ne sont pas la seule ressource des industriels. Ils ont à leur disposition les grandes compagnies de location de matériel.
Il résulte de ce qui précède qu'une des premières mesures que doit prendre l'Etat c'est d'élever, dans une juste mesure et sur d'autres bases, le prix de location des waggons qu'il met à la disposition des compagnies.
Un des meilleurs remèdes à la situation actuelle me semble, sans contredit, la reprise par l'Etat des chemins de fer concédés.
En effet, chaque point de jonction d'une ligne à une autre ligne devient inévitablement une station d'échange, et c'est là que séjournent le plus longtemps les waggons et que se produisent les encombrements.
Je parie d'aller, sans me fatiguer, bien à l'aise, plus vite à pied de Flémalle à Spa que n'irait un waggon de charbons qui, obligé d'emprunter la ligne du Liège-Namur d'abord, puis celle de l'Etat et enfin celle de Guillaume-Luxembourg, s'arrêtera aux stations de jonction d'Angleur et de Pepinster en y attendant souvent, plus de vingt-quatre heures, ce qu'on appelle une correspondance.
Avec tous les chemins de fer dans une même main, maïs une main ferme et énergique, on pourrait supprimer à peu près complètement ces arrêts, ces retards, ces chômages improductifs et nos voies ferrées pourraient faire face à un développement double du trafic actuel.
Je n'ai pas besoin de préconiser longuement ce moyen. Je vois au banc du ministère un des plus chauds partisans de la reprise, par l'Etat, des chemins de fer concédés. Je veux parler de l'honorable M. Moncheur qui, l'an dernier, dans son discours du 26 mai 1871, disait ceci :
« Je signale en outre une conséquence actuelle très fâcheuse et très grave du système que je combats, c'est que le gouvernement, en présence de l'obligation de faire rapporter à la moyenne de ses chemins de fer tout à la fois et les intérêts, et l'entretien, et les améliorations et l'amortissement, devient forcément trop craintif, trop circonspect quand il s'agit de racheter des concessions particulières ou de faire avec elles des conventions d'exploitation. Or, il est pourtant très désirable que semblables rachats et semblables conventions se fassent le plus possible, car c'est le seul moyen d'amener de l'unité, de la régularité et de l'économie dans l'ensemble de l'administration.
« Ces rachats et ces conventions d'exploitation ne sont, du reste, qu'une anticipation sur ce qui aura lieu par l'expiration du terme des concessions, sauf qu'à cette expiration il n'y aura plus de rente à payer par l'Etat aux sociétés venderesses.
« J'appelle donc l'attention de la législature sur cette question importante et d'où dépendra, en grande partie, la prospérité du pays. »
Cette question de la reprise des lignes ferrées par l'Etat a été également examinée tout récemment en Allemagne.
La reprise de tous les chemins de fer allemands par l'Etat a été (page 268) indiquée au Reichstag, le 14 juin 1871, par le député Ross, comme un moyen de remédier aux inconvénients de la situation.
Nos chemins de fer, disait-il, donnent 14, 16, 18 et 20 p. c. de dividende, mais on s'occupe à peine des intérêts du trafic. La question de savoir si tous les chemins de fer ne doivent pas appartenir à l'Empire devient de plus en plus brûlante et on peut se demander si le moment où des capitaux énormes vont être disponibles et chercheront un emploi, ne serait pas particulièrement bien choisi pour réaliser cette pensée.
Mais, messieurs, en attendant le rachat de toutes les lignes concédées, - ce qui ne peut pas se faire du jour au lendemain, - j'engagerai le gouvernement à prendre immédiatement une mesure absolument indispensable ; c'est de rédiger un règlement uniforme pour l'Etat et pour toutes les compagnies. Actuellement, il y a autant de règlements que de compagnies. Chose singulière, les signaux, les ordres de service particulier pour les manœuvres dans les gares varient sur chaque ligne. II s'ensuit que les machinistes et les conducteurs de trains de l'Etat ne peuvent pas, sans danger, s'engager sur les lignes des compagnies étrangères. Il est donc urgent de modifier cet état de choses et de faire adopter, comme on l'a fait depuis dix-huit mois en Allemagne, un seul règlement par toutes les compagnies.
Enfin, une des causes principales de l'encombrement dont nous nous plaignons résulte de ce que nous n'avons presque pas de points de contact avec l'Allemagne.
Si je prends la carte de la Belgique et si j'examine quels sont nos points de contact avec la France, je constate que nous y entrons par Furnes, Poperinghe, Mouscron, Blandain, Quiévrain, Quévy, Erquelines, Momignles, Vierves, Dinant, Athus, soit par douze points, sans compter les nombreux canaux qui permettent de transporter à bas prix les produits pondéreux.
En Hollande nous pénétrons par Terneuzen, par notre grand fleuve l'Escaut, par Eschen, par Turnhout, par Hasselt-Eyndhoven.
Vers l'Allemagne, au contraire, pour y introduire nos produits nous n'avons que la ligne aboutissant à Herbesthal et pas une seule voie navigable. Nous avons bien encore le chemin de fer de Maestricht à Aix-la-Chapelle ; mais il est à remarquer que cette ligne comme celle d'Herbesthal viennent aboutir à Aix-la-Chapelle dont une station - celle du chemin de fer rhénan - est placée au pied d'un plan incliné et ne peut par suite prendre un développement en raison d'un trafic qui tous les jours devient plus considérable.
A l'inspection de la carte et en présence de tout ce que je viens de vous dire, n'est-il pas de la dernière urgence de commencer immédiatement le chemin de fer d'Anvers à Gladbach ?
Il est une chose également utile, urgente, c'est d'établir, dans les centres de consommation, des gares spéciales pour le déchargement des charbons.
Que de difficultés n'a-t-on pas maintenant pour décharger un waggon de charbon !
Il faut d'abord l'amener au quai de déchargement. Ces quais ne sont pas toujours très étendus et, en tous cas, ils n'existent jamais que d'un côté de la voie.
Des ouvriers montent sur le waggon, piétinent le charbon, le prennent à la pelle et le jettent sur une charrette. Rien de plus barbare que ce procédé.
Non seulement ce procédé est barbare, mais il est une entrave continuelle pour le service.
Abstraction faite des transports reçus par des établissements industriels raccordés, qui ont toujours à leur disposition la main-d'œuvre nécessaire, il est absolument impossible, dans la plupart des cas, de se conformer strictement aux délais prescrits pour le déchargement.
Parce que 1° le destinataire ne reçoit avis qu'après l'arrivée du charbon à la gare ;
Parce que 2° le déchargement d'un waggon de 10 tonnes dure environ deux heures, lorsqu'il se fait de la manière ordinaire, c'est-à-dire à la pelle ;
Parce que 3°, pour transporter un chargement de 10 tonnes, il faut au moins quatre charrettes à un cheval qui sont rarement en charge simultanément : on voit le plus souvent la même charrette employée au déchargement du même waggon.
Pour obtenir un déchargement rapide, il faut donc un procédé mécanique.
L'an dernier je vous ai parlé de l'immense avantage qui résultait pour les industriels, en Angleterre, des chargements mécaniques des charbons dans les ports anglais.
Je vous ai dit qu'au moyen de drops, de bascules et de trémies, ils étaient parvenus, en Angleterre, à décharger la tonne de charbon pour 10 centimes et à Anzin en France pour 5 centimes, tandis que je vous ai prouvé qu'à Anvers cela coûtait 1 fr. 50 c. la tonne.
Eh bien, ce que je vous ai proposé d'organiser à Anvers, je vous engage à le faire également dans les stations des grands centres de consommation. Je vais vous expliquer, le plus brièvement possible, le système qu'il conviendrait d'adopter.
Tout d'abord, il faut munir tous nos waggons d'une ouverture dans le fond. Cette ouverture est fermée au moyen d'une glissière à crémaillère. Ce système fonctionne non seulement en Angleterre, mais en Allemagne ;
Il a été préconisé au récent Verein de Dusseldorf. La dépense à résulter de ce chef ne serait pas considérable et, en tous cas, elle serait largement compensée par l'économie des chargements et par le désencombrement des gares.
Si on ne veut pas modifier le waggon, on peut s'en dispenser en installant dans les gares un appareil qui culbuterait le waggon latéralement.
Les waggons munis de cette espèce de trappe seraient amenés sur des voies établies sur piles et à une hauteur du sol variant de 7 à 8 mètres.
Entre ces piles et sous les voies se trouveraient des trémies, munies de clapets mobiles pour empêcher le charbon de se briser en roulant trop vite.
Ces trémies aboutiraient au quai de chargement, sur lequel se trouveraient les charrettes qui doivent transporter le charbon à domicile.
On pourrait également, en les rapprochant les unes des autres, constituer des magasins qu'on pourrait, à la rigueur, recouvrir et qu'on louerait soit aux grands consommateurs, soit aux marchands de charbon.
De cette façon les waggons ne chômeraient jamais.
Toutes les exploitations charbonnières qui ont quelque importance ont consacré des sommes considérables pour établir les chargements mécaniques les plus perfectionnés ; le pelletage, qu'on pratiquait il y a quelques années encore, est complètement abandonné.
Pourquoi les administrations des chemins de fer et celle de l'Etat en particulier restent-elles en arrière ? Pourquoi celle-ci ne suit-elle pas l'exemple donné par l'industrie privée ?
Pourquoi faut-il qu'un matériel qui ne chôme jamais à la gare d'expédition - quelque grandes que soient les quantités à charger - soit retenu à la gare de réception, alors qu'il est aussi facile d'opérer le déchargement que le chargement du charbon ?
Nous nous trouvons bien, nous charbonniers, du chargement mécanique ; il est employé partout ; dès lors l'Etat est en faute si, dans un bref délai, il ne fait pas quelque chose pour améliorer ce qui existe.
L'ne des plus belles installations que je connaisse dans ce genre est celle de Ruhrort et chaque jour on la perfectionne.
A Paris, à la Villette, la gare aux charbons occupe un espace immense et elle est très convenablement outillée.
A Londres, au Great-Eastern railway, le service des charbons se fait à un étage supérieur à celui de la gare. Les waggons sont élevés par une balance hydraulique : ils traversent sur une passerelle toute la longueur de la gare des marchandises et arrivent à un terre-plein en flanc de coteaux. Ils se déchargent dans de grandes trémies, qui, en criblant le charbon, l'amènent dans des voitures placées en bas.
En outre, les voitures peuvent aborder le haut de ce terre-plein et prendre directement le charbon, houilles et gaillettes, dans les waggons.
Les installations anglaises sont les modèles du genre, et si je ne craignais de fatiguer la Chambre...(Non ! non !)
M. Bouvier. - C'est une leçon pour l'administration ; elle en a besoin.
M. d'Andrimont. - Ce ne sont pas des leçons, mais des conseils que je donne... L'honorable M. Sainctelette vous a parlé hier d'un ouvrage publié récemment en Allemagne par M. l'inspecteur général Schwabe. Je sais que deux jeunes ingénieurs s'occupent de la traduction de cet ouvrage, et puisque l'occasion s'en présente, je dirai à M. le ministre des travaux publics que le gouvernement ferait bien d'encourager la traduction des ouvrages techniques qui se publient en Allemagne et en Angleterre sur toutes les questions qui intéressent les chemins de fer. Il y a deux moyens faciles d'encourager ces sortes de travaux : c'est ou une subvention directe ou la souscription ù un certain nombre d'exemplaires de l'ouvrage.
Je sais bien que plusieurs ouvrages techniques seraient traduits et publiés immédiatement, si le gouvernement, après avoir naturellement (page 269) pris connaissance de l'ouvrage en question, s'engageait à souscrire pour 150 à 200 exemplaires.
Vous voyez, messieurs, que la dépense à résulter ne serait pas considérable de ce chef, elle n'obérerait pas sensiblement le trésor.
La traduction de cette partie de l'ouvrage de M. Schawbe, qui traite de l'installation des gares affectées spécialement au déchargement des charbons, est excessivement intéressante et utile à consulter : elle est un peu longue et cette lecture pourrait fatiguer la Chambre.
Je demande l'autorisation de l'intercaler, dans mon discours, aux Annales parlementaires.
- Plusieurs membres. - Oui ! oui.
[Ces passages sont insérés à la page 269 des Annales parlementaires. Ils ne sont pas repris dans la présente version numérisée.]
Messieurs, un point encore sur lequel je crois devoir appeler l'attention du gouvernement, est celui de l'adoption d'un ou de plusieurs modèles de waggon-type et je l'engage surtout à ne pas apporter de modifications de détails au modèle, la veille des adjudications. Voie :, messieurs, ce qui se raconte ; c'est un bruit qui circule et je désire, pour ma part, qu'on le contredise :
Les derniers waggons adjugés en septembre ne sont pas en tous points semblables à ceux qu'on a commandés en janvier dernier. On a modifié l'essieu, et le plan de cet essieu n'était pas encore entre les mains des constructeurs dans le courant du mois de décembre. II en est résulté ceci : c'est que les constructeurs, surchargés de besogne, ont attendu jusqu'alors le susdit plan pour commencer les fournitures de l'Etat.
Messieurs, cette question du waggonn-type a également préoccupé les Allemands ; ils ont décidé récemment qu'il y aurait un waggon-type, et cette décision a été prise après une discussion très approfondie qui a eu lieu à la réunion du Verein für Eisenbahnkunde à Berlin.
Comme ce rapport n'est pas très long et qu'il renferme d'utiles renseignements, je me permettrai de donner à la Chambre lecture de cette traduction : [Cette lecture n’est pas reprise dans la présente version numérisée.]
(page 270) En Angleterre, on trouve peu de waggons fermés : quand les marchandises sont sujettes a être avariées par la pluie ou le soleil, on les recouvre d'une bâche.
Ce système tend à être généralement adopté par toutes les compagnies.
Il offre cet avantage immense que tous les waggons sont propres au transport de n'importe quelle marchandise.
D'où résulte une meilleure et plus complète utilisation du matériel.
Nos waggons à charbon pourraient aussi, à l'occasion, être utilisés pour le transport des marchandises de toute nature et remplaceraient les waggons fermés qui, plus que d'autres, circulent à vide sur nos lignes.
Les Anglais sont plus pratiques et si - chose à remarquer - ils ont, dans un climat plus humide que le nôtre, trouvé peu d'inconvénients dans l'application de ce système, nous pouvons sans crainte en faire l'essai.
Il est vrai de dire que chez nos voisins d'outre-mer les moyens de chargement ou de déchargement sont bien plus perfectionnés, plus prompts, plus rapides que chez nous et qu'on n'y voit pas des waggons rester des semaines exposés aux intempéries de la saison.
Une partie des waggons fermés en Angleterre présentent une disposition particulière que je recommande à M. le ministre des travaux publics, qui nous a dit qu'il était disposé à se servir de grues hydrauliques.
Ils ne sont munis d'une porte que sur l'un des côtés et en communication avec celui-ci, dans la largeur du véhicule, se trouve une échancrure dans le toit. Cette échancrure peut être fermée au moyen d'un couvercle à glissière.
Cette disposition particulière, et qui tend à se généraliser, prouve quelle importance les Anglais attachent à l'emploi des grues, qui permettent d'opérer des déchargements très rapides.
J'arrive maintenant à ce que j'appelle la grosse question : je veux parler de l'amendement de notre honorable collègue, M. Sainctelette.
Je dirai d'abord que j'attache une grande importance au système préconisé par notre collègue de Mons, et si la Chambre le permet, j'entrerai à cet égard dans quelques développements. J'y tiens d'autant plus que je sais que, parmi nos amis mêmes, nous avons des adversaires, et je tiens à leur prouver par des faits, par des chiffres, par des comparaisons, l'excellence du système dont l'honorable M. Sainctelette s'est fait le défenseur dans cette enceinte.
En Angleterre, le système de la fourniture des waggons par les particuliers existe depuis un grand nombre d'années et c'est parce qu'à plusieurs reprises j'ai pu en apprécier de visu les immenses avantages que j'en suis devenu un ardent partisan.
Dans ce pays, quand, au moyen d'un capital considérable, une grande entreprise se fonde, un charbonnage, par exemple, trois choses préoccupent en même temps les administrateurs : une partie du capital est appliquée au fonçage des puits, à l'installation des travaux du fond et à l'outillage de la surface ; une deuxième partie sert à la construction de maisons d'ouvriers et la troisième partie est affectée à l'acquisition d'un matériel de chemin de fer pour effectuer les transports à courte et à longue distance.
Et je me rappelle avoir vu dans les environs de Newcastle des mines de charbon, à Hetton-Colliery, à North-Seaton, qui possédaient 1,000, 1,200, 1,500 et même 2,000 waggons faisant le service, non seulement entre la mine et les ports de Newcastle et de Shields, mais encore dans toutes les directions. J'ai vu la même chose à Manchester ; les grandes usines de Wigan, situées non loin de cette grande ville manufacturière, possèdent également pour leurs charbonnages et leurs minières un matériel complet circulant sur les lignes des compagnies à des conditions déterminées. Ces waggons appartiennent à ces sociétés ou bien leur sont donnés en location.
La location de ces waggons se fait soit à court délai et avec restitution du véhicule, soit de manière que les waggons appartiennent au locataire après un certain temps.
Dans le premier cas, on perçoit, pour un waggon de huit tonnes, un prix de location annuel de 11 livres, soit 275 francs. Ce waggon coûte environ 1,575 francs.
Les frais de réparation courante sont à charge de l'établissement qui loue le matériel.
Dans le second cas, on exige pour ce même waggon une redevance de 12 livres, soit 300 francs par an. Cette redevance est calculée sur les bases d'un amortissement en 7 ans et inexécution de toutes les réparations par le locataire.
J'ai recherché quelles étaient les conditions de circulation, sur les voies anglaises, de ces véhicules appartenant à des industriels.
Je n'ai trouvé qu'un renseignement dans l'ouvrage de M. Schwabe et je n'en suis pas entièrement satisfait. Je me suis donc adressé directement à l'auteur des Reisestudien in England pour avoir quelques indications ; il se peut que ces renseignements me parviennent dans un jour ou deux et je me ferai alors un plaisir de les communiquer à la Chambre.
Le tarif-charbon au Great-Northern, c'est-à-dire le tarif pour le transport au moyen de véhicules appartenant aux particuliers, est établi comme suit :
Pour les petites distances de 1 k "0 milles (le mille de 1,609 mètres), on paye un denier par tonne et par mille avec un droit fixe de 6 pence.
De 70 à 100 milles, 3/4 par tonne et par mille sans droit fixe.
De 100 à 150 milles, 1/2
De 150 à 200 milles, 3/8
(page 271) Ce qui, traduit en mesures et en monnaies beiges, revient à :
6 m par tonne kilomètre de 1 à 1 1/2 kilomètres.
4 m 7 par tonne kilomètre de 112 à 160 kilomètres.
3 m par tonne kilomètre de 160 à 240 kilomètres.
2 m 3 par tonne kilomètre de 240 à 320 kilomètres.
Nous n'avons malheureusement pas pu faire la comparaison entre ces prix réduits et les prix du tarif ordinaire du Great-Northern.
Nous n'avons sous les yeux que le tarif ordinaire du Great-Eastern, qui doit être à peu près le même que celui du Great-Northern.
Voici ce tableau : [non repris dans la présente version numérisée]
Nous avons inscrit en regard de ce tarif du Great-Northern le tarif du Great-Eastern ainsi que celui des chemins de fer belges, et nous les avons tous réduits à la mesure conventionnelle de la tonne kilométrique.
Et remarquez, messieurs, que les tarifs des marchandises adoptés par les compagnies anglaises sont beaucoup plus élevés que les tarifs belges ; et quand nous voyons des prix si minimes pour les distances que je viens d'indiquer, on peut en conclure que les industriels doivent faire de réels bénéfices sur l'emploi du matériel.
Je trouve, d'après le tableau ci-dessus, que, sur le Great-Northern, on ne paye, si on circule avec son matériel, que 1 fr. 80 c. pour les dix-neuf premiers kilomètres, tandis que sur le Great-Eastern, pour parcourir le même trajet avec les waggons particuliers, il faut débourser 2 fr. 30 c.
Le bénéfice est donc de 70 centimes pour l'établissement qui fournit le waggon.
Mais cet avantage est progressif ; ainsi le coût du transport d'une tonne de charbon à 187 kilomètres revient sur le Great-Eastern, à 10 fr. 40 c. tandis que sur le Great-Northern, le prix est de 5 fr. 61 c. d'après le tarif-charbon.
Soit une réduction de près de moitié.
Messieurs, tous ces renseignements sont extraits, je le répète, de cet ouvrage de M. Schwabe, inspecteur des chemins de fer allemands, ouvrage d'autant plus intéressant qu'à chaque page, pour ainsi dire, il compare ce qui se fait en Allemagne avec ce qu'il a vu en Angleterre.
Comme nous, il est d'avis que ce système de laisser circuler, à des conditions déterminées, le matériel des industriels sur les railways est aussi utile aux compagnies qu'aux charbonnages et aux mines, et il pense que même d'autres établissements sauront bientôt apprécier les avantages qui résulteront pour eux de louer du matériel de chemin de fer.
Et il exprime le regret qu'en Allemagne, où la proposition a été faite depuis 1862, par une société pour la construction du matériel, le système n'ait pas pris plus de développement par suite des prétentions exagérées des compagnies, qui n'ont pas cru devoir faire aux industriels des réductions proportionnelles à l'amortissement du capital engagé et aux réparations du matériel.
M. Schwabe soutient avec raison que les compagnies de chemin de fer qui se trouvent dans le rayon de production des matières pondéreuses, telles que la houille, le fer, la fonte, devraient saluer, au contraire, avec joie l'avènement d'un régime qui ne peut leur causer aucun préjudice, qui ne peut, en tous cas, porter aucune entrave au service, puisque chaque compagnie conserve toujours son influence dominante dans le règlement de la fourniture des waggons par des particuliers et dans la police de la circulation.
Ces waggons, en effet, devraient être construits dans des conditions déterminées : le renouvellement et l'entretien de ces véhicules seraient surveillés avec soin par l'administration de la compagnie qui effectue la traction,
D'autre part, dit-il, si la production métallurgique augmente, le marché intérieur ne suffirait pas et l'industrie houillère ainsi que celle du fer et de l'acier doivent songer à étendre leurs débouchés au delà des frontières.
Or, plus cette augmentation est grande, plus s'accroissent les variations dans le trafic des produits de l'industrie, moins les chemins de fer suivront ou pourront suivre ces oscillations au moyen de leur matériel d'exploitation.
Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin pour comprendre que le régulateur de cette situation, qui deviendra de jour en jour plus tendue, est indiqué de la manière la plus simple par la possibilité pour les industriels de fournir eux-mêmes les waggons du chemin de fer qu'ils se procureront soit par achat, soit par location.
Par ce moyen, les plaintes fréquentes de l'industrie sur le manque de matériel, plaintes qui, malgré les efforts des chemins de fer, sont une source permanente de différends, seront en grande partie écartés.
L'industrie atteindra par là une indépendance incomparablement plus grande qu'aujourd'hui, puisqu'elle aura en mains la possibilité d'augmenter, dans des limites très étendues, la quotité de ses transports, et, par conséquent, de tirer un meilleur parti des circonstances favorables qui pourraient se présenter.
En outre, l'industrie aura par là l'occasion de provoquer de nouvelles réductions de taxes et d'obtenir surtout l'abaissement des droits fixes, si souvent, si hautement réclamé.
Un simple examen suffit pour la justification de l'élévation des frais fixes dans les conditions de trafic actuelles.
Une des causes qui, jusqu'ici, ont empêché la réduction des frais fixes se trouve en grande partie dans les difficultés qu'éprouvent les compagnies à astreindre les industriels à une meilleure utilisation du matériel, c'est-à-dire à un déchargement et à un chargement plus prompts dès waggons.
Toutes les tentatives des chemins de fer pour exercer une action sur la réduction du délai de déchargement et pour empêcher qu'il ne soit dépassé même par des amendes, qui sont généralement très fortes, seront infructueuses aussi longtemps que l'industrie n'aura pas un intérêt direct à la bonne utilisation des waggons dans les stations de chargement et de déchargement. Et ce but sera en partie atteint lorsque les particuliers fourniront eux-mêmes leurs waggons.
On peut donc considérer comme certain que le déchargement des charbons, des minerais pourrait être accéléré par l'établissement d'installations semblables à celles qui existent en Angleterre pour le déchargement des charbons.
Par suite, on pourrait réaliser des économies considérables sur l'ensemble des transports de matières pondéreuses.
Les économies, en ce qui concerne la location des waggons, profiteraient aux industriels seuls.
La facilité des déchargements ne serait pas sans influence sur la réduction du service des manœuvres du classement et permettrait d'espérer des compagnies une diminution ultérieure de frais fixes.
Il n'est pas douteux, en présence de la concurrence désirable qui existe dans la construction du matériel de chemins de fer, que les établissements allemands ne soient pas disposés, comme en Angleterre, à louer leurs waggons ou à les vendre moyennant une redevance annuelle. Il est permis de croire que cette branche d'industrie saisirait avec empressement l'occasion qui lui serait offerte d'utiliser les époques de ralentissement des affaires à la construction et à la location de matériel des chemins de fer. Il y aurait là, pour elle, une affaire sûre, productive et d'un rapport régulier. Il est également probable que les chemins de fer se montreraient favorables à la fourniture de waggons pour les particuliers dans tous les cas, mais particulièrement si la location des waggons était réglée par une indemnité rationnelle. Le procédé employé jusqu'aujourd'hui et qui consiste à louer les waggons, en prenant pour base le nombre de milles parcourus, ne peut être considéré comme convenable : sur la plupart des lignes, cette location se paye sur le pied de 1 silbg. par usine et par mille pour les waggons fermes ou ouverts d'un tonnage de 100 cent, et plus. La conviction s'est déjà répandue qu'une indemnité plus rationnelle pour l'usage du matériel étranger serait plus avantageuse à une meilleure utilisation et qu'un accroissement du nombre de waggons ne peut être favorisé qu'avec une indemnité suffisante pour payer l'intérêt du capital engagé dans la construction des waggons, ainsi que les frais de leur entretien et de leur renouvellement ; en outre, des propositions ont été faites pour remplacer le procédé suivi jusqu’aujourd'hui, par une estimation plus rationnelle de l'usage basée en partie sur le nombre de milles parcourus (page 272) par les waggons et en partie sur le temps pendant lequel ils auront été employés. Les pertes que pourraient faire les particuliers, en se munissant des waggons, seraient de peu d'importance et largement couverts par les avantages qu'ils en retireraient.
Après avoir essayé de faire voir qu'il est dans l'intérêt de tous que les particuliers fournissent leurs waggons, nous croyons devoir encore indiquer un point de vue auquel il serait fort à désirer de faire admettre par les établissements de construction le principe de location du matériel de chemin de fer. Si ce système prend un développement aussi grand que celui qu'il a pris en quelques années en Angleterre, ce sera un grand avantage pour les chemins de fer secondaires ou pour tous ceux dont le capital de premier établissement est très limité par suite des difficultés et du coût de la construction. Ils pourraient ainsi dans les premières années de l'exploitation et jusqu'à ce que le trafic ait pris un développement suffisant, louer la plus grande partie de leurs waggons, et de même il serait très avantageux pour les grandes lignes de chemins de fer de pouvoir satisfaire aux' exigences subites du trafic par une location momentanée du matériel.
Cette opinion, messieurs, est partagée également, en Allemagne, par d'autres que M. Schwabe.
Ainsi, je lis dans un numéro récent d'un journal industriel de Saarbruck :
« L'année 1871 sera celle de la pénurie du matériel : l'Angleterre seule y a échappé et elle doit ce résultat, en grande partie, à l'emploi des waggons particuliers, circulant, à des conditions avantageuses, sur les lignes des compagnies de chemins de fer.
« L'avantage qui résulte de cette possibilité de louer des waggons, c'est que chaque industriel, prévoyant d'avance le chiffre de ses expéditions, peut se mettre en mesure de les satisfaire.
« En Allemagne, le système est autorisé : il est essayé en Westphalie, mais le peu de bonne volonté des compagnies de chemins de fer l'a empêche de prendre quelque développement : la bonification était trop faible, elle suffisait à peine pour couvrir les réparations du matériel et ne représentait pas même un intérêt modéré du capital.
« Il faut que la location des waggons des chemins de fer se paye non seulement au parcours, mais à la durée du parcours, si l'on veut diminuer les pertes de temps et la mauvaise utilisation du matériel. C'est aussi par le moyen de waggons loués qu'on parviendra le mieux à séparer le transport des voyageurs de celui des marchandises.
« L'usine George-Marie d'Osnabrück a fait construire un grand nombre de waggons pour s'assurer des charbons ; la mesure, en effet, est aussi favorable aux consommateurs qu'aux producteurs. »
Voyons maintenant comment ce système de fourniture des waggons par les industriels s'introduira dans nos mœurs, parviendra dans la pratique, pour autant, bien entendu, que le gouvernement concède des avantages réels, calculés en raison des distances parcourues.
Les grands établissements feront construire ou loueront des véhicules qui, d'abord, remplaceront les waggons abonnés ; pour les transports réguliers à petite et même à grande distance ; ils les construiront de façon que celui qui reçoit les marchandises, le charbon ou le minerai, puisse les décharger facilement. Comme nous l'avons dit, il suffit de munir le waggon d'une ouverture dans le fond.
Outre la régularité dans le transport qui résulte naturellement de la facilité du chargement et du déchargement, il jouira encore de cet avantage de n'avoir pas, dans les cas fortuits de retard, d'amende à payer à l'Etat ; il pourra même, du jour au lendemain, suspendre le service et donner une autre destination à ses waggons.
Petit à petit, les industriels reconnaîtront les avantages qui résultent d'un système qui a déjà fait ses preuves en Angleterre : les ateliers de construction feront du matériel, à temps perdu et le loueront. Puis vous verrez se former des agences de transport de charbons dans les grands centres charbonniers ; ces agences pourraient, pour les charbons, jouir des avantages accordés à la maison Van Gend.
Propriétaire d'un grand nombre de waggons, qu'elles mettraient à la disposition des charbonnages, elles pourraient organiser des transports directs a grande vitesse vers les grands centres de consommation et les faire circuler la nuit. L'Etat ne fournirait que la locomotive et le conducteur des trains.
Le train, arrivant à destination le matin de bonne heure, s'engagerait dans la gare affectée spécialement au déchargement mécanique des charbons : deux heures suffiront pour cette besogne, et immédiatement après il pourra se remettre en route vers le point de départ.
Tel est, messieurs, le but qu'il faut atteindre en adoptant la fourniture des waggons par les particuliers,
De cette façon on évitera l'encombrement des gares pendant la nuit, on réalisera une économie considérable, on utilisera complètement le matériel, on le détériorera beaucoup moins.
En effet, comment procède-t-on généralement ?
On introduit le waggon de charbon, en destination de Liège pour Bruxelles, dans ce qu'on appelle un train de cabotage ; à chaque petite station on s'arrête ; là on fait des manœuvres qui prennent beaucoup de temps, et pour chaque manœuvre on tamponne quatre ou cinq fois ce pauvre waggon qui ne demande pas mieux, dans son intérêt comme dans l'intérêt du trésor, que d'aller directement de Liège à Bruxelles au lieu d'être bousculé de la sorte.
Or, ces trains directs si utiles, on pourrait dès maintenant les organiser, et c'est encore là un excellent moyen de suppléer à l'insuffisance du matériel.
Ce système a été préconisé en Allemagne, au congrès de Düsseldorf et mis immédiatement en pratique. Voici dans quelles conditions :
Le chemin de fer de Berg-et-Marche a établi un train de ce genre entre le district de Steele et Aix-la-Chapelle, Gladbach, etc., ce train ne doit desservir que certains groupes d'établissements. Les intéressés doivent s'adresser à ce sujet à l'administration qui peut, de cette manière, faire partir ce train de Steele à 2 heures, de manière à arriver à 5 heures à Weckerath et à en repartir après 2 heures d'arrêt pour venir de nouveau charger aux charbonnages de Steele dans l'après-midi du même jour.
M. Brandhoff, un des directeurs de chemin de fer présent au congrès, y a indiqué encore l'établissement d'un train direct entre Barop et Siegen, qui permet l'utilisation complète d'un certain nombre de waggons en 24 heures sur cette ligne. Pour établir ce service, il est toutefois nécessaire que les intéressés et notamment les consommateurs veuillent bien s'y prêter.
Le train parlant en effet à 8 heures du soir de Barop arrive à 2 heures du matin à Siegen après avoir desservi la station d'Altenhundem. Il quitte Siegen après un arrêt de 2 heures et se trouve de nouveau à 8 heures du matin à Barop pour recommencer le même service. Il est clair que. pour que ces trains puissent marcher avec la régularité voulue, il faut que les consommateurs s'astreignent à décharger les waggons pendant la nuit et à ne pas utiliser les waggons comme de véritables magasins à charbon, mais à les décharger immédiatement. Sans la coopération des intéressés, il est impossible sans cela que les chemins de fer prennent des mesures efficaces.
J'engage le gouvernement à envoyer un de ses agents pour examiner de quelle façon marche ce service et, s'il peut être appliqué chez nous, qu'on l'introduise sans retard.
II est encore bien d'autres mesures à prendre pour combattre la crise des transports, et ces mesures, je les trouve résumées dans le procès-verbal de la séance qu'a tenue le congrès industriel et commercial de Düsseldorf le 15 novembre.
Ces mesures ont été proposées par le président de cette assemblée, M. Mulvany, un des industriels les plus capables et les plus distingués de cet important centre de production. Il en est beaucoup d'une application facile et immédiate en Belgique ; il en est d'autres que nous avons déjà signalées au gouvernement. J'espère que, doublées d'une autorité allemande, l'honorable M. Moncheur voudra bien y avoir un peu plus d'égard que son prédécesseur.
Voici ces propositions :
1° Les chemins de fer situés à l'extérieur du bassin houiller doivent fournir régulièrement les deux tiers ou les trois quarts des waggons nécessaires pour alimenter de charbon les districts qu'ils traversent.
2° Des trains spéciaux et complets de charbon et de matières brutes seront expédiés d'un point à un autre et réexpédiés sans perte de temps, non seulement vers des destinations lointaines, mais autant que possible en service intérieur.
3° Les producteurs ou les consommateurs doivent modifier leurs installations de chargement et de déchargement, pour ces trains ou pour tous waggons découverts, de telle sorte que ces opérations puissent se faire immédiatement à l'arrivée des waggons et le plus rapidement possible.
4° Partout où cela est possible, les trains de charbon de matières minérales et autres grands trains de marchandises doivent circuler la mit, de manière à réserver le jour pour le chargement et le déchargement, de même que pour le transport des voyageurs.
5° Comme les trois grandes lignes de chemins de fer du district n'ont chacune que deux voies, il faut augmenter de beaucoup la vitesse de tous les trains de voyageurs et éviter tout arrêt dans les stations qui n'est pas (page 273) absolument nécessaire, afin que le transport des marchandises ne soit pas comme il arrive souvent, gêné et retardé par le transport des voyageurs ;
6° La vitesse des trains de marchandises, de charbon et de waggons vides doit également être considérablement augmentée.
7° Les chemins de fer et les grands consommateurs de charbons et de minerais doivent établir dans leurs stations et dans leurs établissements des magasins où ils puissent accumuler leurs provisions de charbon et faire les installations nécessaires pour que les waggons de charbons soient immédiatement déchargés à leur arrivée et puissent repartir sans perte de temps. On peut encore recommander tout spécialement aux chemins de fer de créer des magasins de charbon spéciaux et de ne pas se servir des waggons eux-mêmes en guise de magasin, mais décharger ceux-ci le plus rapidement possible pour les renvoyer à un nouveau chargement.
8° En attendant et jusqu'à ce que des conventions définitives soient arrêtées à la satisfaction de toutes les parties entre les chemins de fer, le passage des waggons et des trains à charbon et autres matières brutes, chargés ou vides, se fasse immédiatement et sans perte de temps pendant cet hiver, d'une ligne sur une autre ou sur un raccordement industriel. On devrait notamment éviter que ces trains ne soient conduits d'abord sur des voies ou des stations d'évitement, où ils passent souvent la nuit entière et quelquefois plusieurs jours, si l'on compte les dimanches, avant d'être expédiés vers leur destination définitive.
9° Aucune administration de chemin de fer ne devrait accroître les difficultés de la situation en décrétant soudain des modifications arbitraires et en empêchant ses waggons de passer sur les lignes d'une autre administration allemande, sans égard pour les contrats de livraison passés entre producteurs et consommateurs. Par de telles mesures, le commerce et l'industrie sont subitement enrayés et des conventions de service mixte difficilement obtenues entre diverses administrations sont dissoutes et les éléments constitutifs de ces services mixtes sont de nouveau sépares et réduits à des compagnies et à des lignes isolées dont les intérêts sont divergents.
Je crois, messieurs, avoir démontré à la Chambre que tout n'a pas été fait pour combattre énergiquement la crise et qu'il reste beaucoup à faire, pour mettre nos chemins de fer en état de répondre aux besoins d'un trafic progressif.
Avant d'user de mon initiative parlementaire pour déposer des amendements, j'attendrai que M. le ministre des travaux publics se prononce :
1° Sur la question d'enquête ;
2° Sur l'amendement de l'honorable M. Sainctelette ;
3° Sur l'opportunité d'augmenter, dés aujourd'hui, le crédit pour les waggons et pour les locomotives ;
4° Sur la construction par l'Etat du chemin de fer d'Anvers à Gladbach ;
5° Sur l'établissement des gares spéciales de déchargement pour le charbon dans les grands centres de consommation ;
6° Sur l'organisation de trains de nuit et de grande vitesse pour les marchandises.
- M. Schollaert remplace M. Thibaut au fauteuil.
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition suivante :
« Le paragraphe premier de l'article29 du décret du 5 janvier 1813, contenant les dispositions de police relatives à l'exploitation des mines et minières est modifié comme suit :
« Il est défendu de laisser descendre ou travailler, dans les mines et minières, les enfants de sexe masculin au-dessous de 14 ans, ceux du sexe féminin, au-dessous de 15 ans.
« Cette disposition prendra cours à dater du 1er janvier 1875.
« (Signé) Vleminckx. »
L'auteur de la proposition de loi désire la développer mardi prochain 23 janvier.
Y a-t-il de l'opposition ? (Non ! non !)
La proposition de loi sera donc développée mardi prochain.
M. le président. - La parole est à M. Julliot.
M. Julliot. - Messieurs, la question des chemins de fer en Belgique se complique tous les jours davantage.
Aujourd'hui on ne sait plus à quel saint se vouer, on est a quia et on cherche une issue.
Les attardés de la science sociale soutiennent encore que l'Etat doit exploiter tous les chemins de fer, ce qui me paraît impossible en présence de tous les griefs déjà articulés contre l'exploitation partielle faite par l'Etat, et notons que l'Etat belge est le seul à exploiter le railway.
D'autres prétendent que l'Etat ne doit pas plus exploiter l'industrie des chemins de fer que toute autre industrie ; ceux-là sont dans le vrai, car le bruit que l'on fait autour de l'exploitation par l'Etat le prouve.
Depuis vingt ans je combats cette erreur économique et l'honorable M. Le Hardy est venu à mon secours.
Or, on nous traitait de rêveurs, nous étions dans les nuages, nous n'étions pas pratiques.
Aujourd'hui ce sont les partisans de l'Etat, les empiriques sociaux qui rêvent debout comment ils vont sortir de cet imbroglio dont ils ont tant à se plaindre. Eh bien, ils n'ont qu'une ressource, c'est d'accepter le principe élémentaire de cette question, en admettant que le gouvernement doit se borner à son rôle naturel et abandonner l'industrie à l'élément privé dont elle est le domaine.
Avant-hier, du reste, l'honorable M. Sainctelette est venu puissamment à mon secours dans l'exposé qu'il a fait de toutes les misères inhérentes à l'exploitation par l'Etat.
La comparaison qu'il a faite entre l'exploitation par l'Etat en Belgique et l'exploitation des compagnies en Angleterre et ailleurs, condamne, sans rémission, l'Etat comme incapable, à tel point, dit-il, que les industriels se soulèveront si cet état de choses dure.
Aussi, cet esprit lumineux, quoique doctrinaire, préconise-t-il l'idée de borner le rôle de l'Etat à la traction afin de le soustraire à la responsabilité de tous ces détails.
Mais, par une singulière contradiction, l'honorable membre veut donner à l'Etat la nouvelle responsabilité du camionnage des grosses marchandises.
Ce n'est pas tout, il s'en faut.
Dans la réunion des délégués de toutes les chambres de commerce du pays, tenue à Bruxelles le 6 décembre dernier, il a été reconnu que l'Etat devant respecter la hiérarchie dans son administration, il était beaucoup moins apte à bien faire qu'une compagnie qui a les coudées libres ;
Que le seul moyen de sortir d'embarras, c'était de constituer l'exploitation du chemin de fer en société anonyme, à l'instar de la Banque Nationale, en réservant à l'Etat la moitié des actions et une certaine autorité dans les prix des tarifs ; c'est déjà beaucoup, mais pas encore assez.
Eh bien, messieurs, en présence de ces vœux, je suis presque honteux des succès que j'attends ; seulement il est à déplorer qu'il ait fallu des malheurs publics dans les pays voisins pour que beaucoup d'yeux s'ouvrent à la vérité.
L'honorable M. d'Andrimont, après la mise en accusation de l'honorable M. Wasseige, qui y répondra, est d'avis d'abandonner les transports aux industriels.
Messieurs, il me reste à démontrer à la fin de mon discours que l'Etat belge est très illogique en fait de chemins de fer ; il fait du blanc et du noir ; après avoir fait des sacrifices considérables, pour provoquer des concessions, il paraît décidé à ne plus en accorder du tout et à laisser dans un idiotisme éternel ceux qui n'en sont pas dotés.
Maintenant, qu'est-ce que l'exploitation du chemin de fer par l'Etat ?
C'est l'industrie voiturière exercée par le gouvernement, l'industriel le moins habile de tous.
Or, le gouvernement est le délégué de la nation tout entière, aussi bien de ceux qui ne sont pas à portée de se servir du chemin de fer de l'Etat, que de ceux qui sont en position de pouvoir l'utiliser.
A ce point de vue, l'intérêt général se résume dans l'intérêt de tous et non pas exclusivement dans l'intérêt de ceux qui peuvent l'utiliser, comme les intéressés le prétendent.
Il s'ensuit qu'à moins de faire produire par le chemin de fer de l'Etat tout ce qu'il peut fournir en diminution des impôts, le gouvernement devient un gérant infidèle qu'il faut destituer, et cependant telle est la situation.
Il est donc évident, messieurs, que le gouvernement qui exploite une industrie en concurrence avec l'industrie privée se place dans une fausse position, car il ne peut éviter de nuire aux uns en favorisant d'autres.
En voici l'exemple :
Le Limbourg n'a que des chemins de fer concédés ; or, je me trouve à Neerpelt, où j'exerce une industrie d'objets pondéreux, dont les frais de transport forment les trois quarts des dépenses.
J'ai pour concurrent un producteur de marchandises pareilles à Louvain.
(page 274) Tous les deux nous écoulons nos marchandises à Liège, dont nous sommes à la même distance.
Eh bien, mon concurrent obtient de l'Etat ses transports à 50 quand je dois en payer 80.
Je vous demande si l'Etat, qui gère autant pour mon compte que pour celui de mon concurrent, a le droit de me ruiner par la faveur exceptionnelle dont il gratifie mon concurrent ; il méconnaît la liberté de tous à combattre pour vivre.
Si donc, en dépit des vrais principes, le gouvernement continue cette industrie voiturière, il doit, sous peine d'être spoliateur sous le manteau de son tarif, chercher dans le prix des transports le critérium qui lui fournit le plus de revenu net en diminution de l'impôt.
Car le payement de l'impôt est forcé et exigé par les recors, tandis que l'accès au chemin de fer est facultatif et qu'on ne demande ce service que quand on le trouve bon.
Je persiste donc à dire que le gouvernement doit s'abstenir d'exercer des industries en concurrence avec l'intérêt privé ; ce n'est pas son fait.
Parce que de sa nature il est moins capable relativement à un individu on a une société particulière qui ont leur intérêt direct en jeu, tandis que pour l'Etat cet intérêt est absent et parce que, en favorisant certains intérêts qu'il voit, il en blesse une infinité d'autres qu'il ne voit pas.
Je sais que ces vérités ne plaisent pas aux favorisés, mais la lumière est en train de se faire et ces faveurs officielles disparaîtront. Aussi les intéressés qui se trouvent bien de ces faveurs injustifiables sont-ils forcés à recourir à toute espèce de mots sans valeur pour soutenir ce faux principe économique.
C'est ainsi qu'ils prétendent que l'exploitation du chemin de fer de l'Etal est un service public.
Ils se gardent toutefois de dire que c'est un service d'ordre public, comme la justice et la police ; non, ce serait trop fort.
C'est donc, un service public.
Or, quelle est la production industrielle offerte à l'utilité du public qui n'est pas un service public ? Les chemins de fer concédés, le boucher, le boulanger, le charbonnier n'offrent-ils pas un service public à ceux qui veulent l'utiliser ?
Cet argument de service public s'adapte à tout service d'utilité offert au public et ne veut donc rien dire.
D'ailleurs, que dirait l'industrie libre, du boucher et même du charbonnier, si l'Etat, entrant en concurrence avec ces industries privées, donnait sa marchandise à prix réduit dans un rayon déterminé ? Eh bien, le gouvernement serait condamné et cependant l'Etat ne fait rien autre chose avec son chemin de fer.
Messieurs, ne confondons pas : le chemin de fer n'est pas un domaine public, c'est un domaine de l'Etat, un immeuble exploité par l'Etat ; il n'est pas autre chose ; c'est un immeuble comme une forêt ou une terre, et l'Etat n'est pas plus en droit de fournir ces services à des prix autres que ceux qui donnent le maximum qu'il ne peut donner les bois de ses forêts à des prix réduits.
On a fait grand bruit des irrégularités dans les transports, des rencontres et des accidents, mais quand on considère que la reprise de 600 kilomètres de rails a doublé le trafic et qu'il a fallu improviser le double du personnel, on peut s'étonner qu'il n'y ait pas beaucoup plus d'accidents.
Aussi comme beaucoup d'intéressés le demandent, je désire que l'Etat reprenne tous les chemins de fer pour que le bien naisse de l'excès du mal, car alors il y aurait des désordres et des entraves tels, qu'un hourra général arracherait les chemins de fer des mains de l'Etat pour les confier à une ou plusieurs sociétés d'exploitation, qui augmenteraient les lignes à raison des besoins nouveaux.
Je me résume, l'Etat ne doit pas exploiter de chemins de fer, parce qu'il n'y est pas habile ;
Parce que l'Etat n'étant qu'une fiction, personne n'a un intérêt direct à son exploitation ;
Paire qu'une responsabilité qui pèse sur tous n'incombe à personne ;
Parce qu'il ne peut favoriser les uns sans nuire dans la même proportion à d'autres.
Finalement le chemin de fer dans les mains de l'Etat crée une espèce de monopole qui s'oppose à la concession de toute ligne concurrente et laisse de nombreuses populations dans une infériorité économique imposée par l'Etat.
Tous les jours on refuse de nouvelles concessions, sous prétexte que la nouvelle ligne nuirait tantôt à l'Etat, tantôt à d'autres lignes existantes, et ces prétentions injustes trouvent, pour les soutenir, des voix puissantes au Parlement.
Ce n'est pas tout ; un élément nouveau vient à mon aide ; on est arrivé à demander l'impossible à l'Etat.
Les industriels et les commerçants du pays viennent de constituer un comité permanent, ayant pour mission d'attraire l'Etat en justice chaque fois qu'il ne fournira pas tous les waggons de transport que le commerce pourra réclamer dans toutes les stations.
Eh bien, comprend-on la position où se trouvera l'Etat, attrait à la fois devant toutes les juridictions judiciaires du pays, ayant plus de procès sur les bras qu'il n'y a de jours dans l'année, ? Et c'est là qu'on arrivera si l'Etat conserve le métier de voiturier.
Et quand le gouvernement sera accablé de toutes ces mauvaises affaires, comment soignerait-il sa justice et sa police, alors que déjà cette dernière laisse, dit-on, quelque peu à désirer ?
Si, néanmoins, le gouvernement persévère dans cette mauvaise voie, il faut qu'il recherche le point de repère qui lui donne le plus de produit net.
Je le répète, voilà le point à rechercher, et de ce chef je me plais à croire que le nouveau tarif n'est pas un ne varietur, mais un essai qui pourra être amélioré après expérience, si toutefois la vérité ne se fait pas encore jour sur l'exploitation par l'Etat.
Si donc le chemin de fer ne produit pas le maximum net de ce qu'il peut donner, parce que le tarif est trop élevé, on cherchera le point où il donne le plus, et telle doit être la préoccupation du gouvernement.
Messieurs, pour terminer, je toucherai du doigt deux questions nouvelles, mais très importantes.
J'ai dit que l'Etat belge est illogique dans ses procédés en fait de chemin de fer et je le prouve.
D'une part, l'Etat a accordé des garanties d'intérêt considérables pour provoquer des concessions peu tentantes et, d'autre part, il refuse de nombreuses concessions qui ne lui demandent rien et prive de nombreuses populations de ce moyen de locomotion, sous prétexte que cela nuirait au railway de l'Etat. Voilà un côté de la question.
L'Etat encore combat et empêche les concessions en fixant son tarif en dessous des tarifs moyens des compagnies.
Mais où l'Etat fait le plus de mal à cette industrie, c'est en bornant les concessions à une période de 50 ou 90 ans.
Je voudrais bien connaître le principe qui justifie la confiscation au bout de quelques années d'une propriété qui a été payée au prix le plus élevé par l'acquéreur. Là est le grand mal, je dois croire que Proudhon l'a inspiré ; car, quand le concessionnaire doit rembourser le capital obligatoire à terme, alors il ne peut donner qu'un faible intérêt, tandis qu'il pourrait en distribuer le double s'il ne devait liquider son capital dans un temps donné. Est-ce assez clair ?
On comprend donc combien cette mesure injustifiable arrête le progrès et fait tort à de nombreuses parties du pays.
Messieurs, je suis d'avis que le législateur doit étudier et suivre les mœurs de son pays et qu'il doit approprier les lois aux nouveaux besoins sociaux qui se révèlent.
En étudiant la question des chemins de fer, j'ai reconnu que les parties déshéritées du pays éprouvent autant de résistance chez les grandes compagnies que chez le gouvernement lui-même ; c'est donc un monopole à côté d'un monopole et toujours sous prétexte de concurrence dont on ne veut pas, alors que moi je pense que c'est l'élément le plus vivace du progrès.
Aussi, des esprits méfiants et grincheux, dont je ne suis pas, prétendent que ces compagnies exercent une influence fâcheuse sur les nouvelles concessions demandées en grand nombre, que l'intérêt de tous est méconnu par ces groupes considérables d'intérêts spéciaux qui ne ménagent pas leur voix à l'occasion.
Mais ayant une bonne idée, trop bonne peut-être, de l'humanité, je ne crois pas à ces cancans de coulisse, à moins que cela ne soit prouve, ce qui demanderait un examen ultérieur.
En attendant ces lumières, adversaire de l'exploitation par l'Etat, je ne puis fortifier son action par le vote du crédit demandé, et pour rester logique, je vote contre la loi, d'autant plus que l'honorable M. Sainctelette nous a prouvé que l'Etat pouvait se passer de waggons en abandonnant aux intéressés la fourniture de ce matériel.
M. Wasseige. - Messieurs, vous serez peut-être surpris que j'aie encore aujourd'hui la force de demander la parole, après les coups d'épée et les coups de massue que j'ai reçus hier de l'honorable M. d'Andrimont. Mais vous trouverez, comme moi, que ces coups d'épée sont peu dangereux et que les coups de massue n'atteignent pas toujours la tête qu'ils menacent. Ces armes sont pleines de péril quand elles sont maniées (page 275) maladroitement ; elles se retournent alors contre la main qui les manie. C'est à vous de juger s'il en est ainsi dans le cas actuel.
Messieurs, deux longs discours ont été prononcés par deux honorables membres de cette chambre, les honorables MM. Sainctelette et d'Andrimont. Ces discours étaient composés de deux parties bien distinctes ; une partie, la plus courte heureusement, était dirigée contre les actes de l'administration des chemins de fer, pendant que j'avais l'honneur d'être à la tète du département des travaux publics. C'est à celle-là que je me crois obligé de répondre.
Quant à l'autre partie, elle a été, comme le disait l'honorable M. Bouvier, une leçon d'administration, un cours complet d'exploitation des chemins de fer, cours parfaitement long, appuyé sur des citations nombreuses, contenant beaucoup de choses et une quantité d'autres encore, cours tellement complet et tellement bien donné que le parti libéral sera fort embarrassé de faire choix entre les deux professeurs lorsque, revenant au pouvoir, il aura à confier le portefeuille des travaux publics. (Interruption.)
Quant à cette partie, je n'empiéterai pas sur ce qu'aura à y répondre mon honorable successeur ; il examinera s'il juge convenable de s'approprier les leçons qui lui ont été données si généreusement et d'une manière si désintéressée. Je dirai seulement à mes honorables contradicteurs que ces leçons, ils auraient bien fait peut-être de les donner plus tôt ; nos prédécesseurs, leurs amis, auraient pu en faire leur profit.
J'arrive aux différents reproches qui m'ont été adressés par M. Sainctelette ; quant à M. d'Andrimont, je n'ai recueilli, en ce qui me concerne, que trois points principaux de son discours :1e coup de massue de M. Moncheur ; l'affaire des waggons de la Société générale, et enfin l'épisode d'Herbesthal ; je tâcherai de les intercaler dans la réponse que j'aurai l'honneur de faire aux points plus sérieux développés par M. Sainctelette.
L'honorable député de Mons, je dois le dire, n'a fait que rééditer les plaintes qui avaient paru dans les journaux et dans les réunions des associations industrielles et charbonnières ; il les a rééditées seulement avec plus d'amertume et avec moins de justice ; il les a rééditées contre un ministre tombé, ce qui n'est pas généreux. (Interruption.)
Les reproches ne m'ont pas été épargnés ; d'abord M. Sainctelette m'a reproché une imprévoyance inouïe dont sont résultés tous les maux qu'il a signalés : imprévoyance dans la fourniture du matériel, imprévoyance dans les travaux d'installation.
L'honorable membre a accusé l'administration des chemins de fer d'être une administration routinière et nullement progressive ; il a accusé le ministre d'être un ministre-borne, malgré tous les avertissements qui lui étaient donnés ; il m'a accusé d'avoir fait une mauvaise répartition du matériel ; il m'a accusé de ne pas avoir repris les ateliers de la compagnie des Bassins houillers.
L'honorable M. d'Andrimont s'est pour ce dernier point joint à l'honorable M. Sainctelette. Celui-ci m'a reproché encore de ne pas avoir autorisé ou provoqué la circulation sur les lignes de l'Etat du matériel appartenant à des particuliers. Il m'a reproché aussi la mauvaise organisation du trafic sur les voies ferrées de l'Etat, après la reprise des lignes de la Société générale, en attribuant à cette mauvaise organisation des faits dont je parlerai tout à l'heure pour les réfuter.
Il m'a enfin reproché d'avoir supprimé les trains de nuit, si utiles au commerce et à l'industrie.
Je vais essayer de m'expliquer très succinctement, car, au résumé, si l'honorable membre, comme je le disais tout à l'heure, n'a fait que rééditer les plaintes qui se sont déjà produites dans les journaux et au Sénat, je ne pourrai non plus que rééditer les réponses que j'y ai déjà faites.
Pour ne pas fatiguer la Chambre, je serai aussi bref que possible.
Voyons d'abord le premier point, le plus grave : l'imprévoyance inouïe que j'ai apportée dans la gestion qui m'était confiée, imprévoyance dont sont résultées tant de calamités.
Dans quelle situation se trouvait le chemin de fer à mon entrée aux affaires ? Vous le savez, depuis 1866, après la crise commerciale qui avait été provoquée par la guerre entre l'Autriche et la Prusse, après la mise à exécution du nouveau système de tarifs de l'honorable M. Vanderstichelen, une diminution et une diminution notable dans les produits du chemin de fer s'était fait sentir. Il fallait y obvier à tout prix et l'économie, la plus stricte économie, fut mise immédiatement à l'ordre du jour.
M. Jamar. - Je demande la parole.
M. Wasseige. - Plus d'augmentation de matériel ; dans la réfection des voies, s'en tenir au strict nécessaire ; quant aux nouvelles voies de garage à établir, quant aux stations à améliorer, il ne pouvait pas en être question pour le moment.
Les trains de nuit, que l'on m'accuse d'avoir supprimes, le furent alors ; les trains de voyageurs furent même notablement réduits. Voilà ce qui existait ; je n'en fais pas de reproche à l'ancienne administration et surtout à l'honorable M. Jamar. Peut-être la situation exigeait-elle les mesures que l'on a prises ; je n'ai pas à les juger, je me borne à constater un fait et je vous en laisse l'appréciation.
Toujours est-il qu'à mon arrivée aux affaires le chemin de fer n'avait reçu aucune amélioration depuis longtemps ; la situation était restée la même ; le matériel n'avait été entretenu qu'à grand-peine, de nouvelles voies de garage n'avaient pu être construites, et le personnel était resté notablement inférieur en nombre à ce qu'il devait être, malgré les incessantes réclamations des chefs de service.
Qu'ai-je fait, moi, dès mon entrée au ministère des travaux publics ?
Parlons d'abord du matériel.
Dans les derniers mois de 1869, le matériel qui, jusqu'alors, ne s'était pas accru, reçut une certaine augmentation, je le reconnais loyalement envers l'honorable M. Jamar.
Des plaintes avaient été déjà formulées par l'industrie et surtout par l'industrie charbonnière, qui réclamait vivement contre l'insuffisance du matériel de transport charbonnier.
Que fit l'honorable ministre ? Il institua une commission mixte dans laquelle étaient représentés et l'industrie et le chemin de fer, et il résulta de l'examen fait par cette commission qu'il fallait porter à 6,500 le nombre des waggons charbonniers. Pour le dire en passant à l'honorable M. Sainctelette, voilà jusqu'où allait alors la prévoyance de cette industrie que mon contradicteur représente avec raison comme étant si clairvoyante, si habile, si soigneuse de ses intérêts. En 1869, elle se déclarait parfaitement satisfaite si on lui accordait 6,500 waggons charbonniers.
L'honorable M. Jamar met en adjudication les waggons qui manquaient pour compléter ce nombre. Une partie était déjà fournie à mon entrée au ministère ; une autre partie, la moindre, restait encore à livrer.
Mais, depuis lors, des événements graves se sont produits que je n'avais pu prévoir, puisque je n'étais pas né ; que l'honorable M. Sainctelette eût peut-être prévus : je veux parler de la guerre entre l'Allemagne et la France. Comme conséquence immédiate de ce conflit, de nouveaux courants de transit se sont établis par la Belgique, et aussitôt le défaut de matériel a commencé à se faire sentir avec intensité.
Dans cette situation, messieurs, ai-je résisté à satisfaire, dans la mesure du possible, aux demandes du commerce et de l'industrie ? A-t-il fallu, pour me décider à agir, les coups d'épée dans les reins dont a parlé hier, avec tant d'éloquence, l'honorable M. d'Andrimont ?
Eh bien, je le nie sans hésitation ; j'ai cherché à venir efficacement au secours du commerce et de l'industrie et, dès le 18 janvier, j'ai présenté un projet de loi de crédit de 6,500,000 francs.
M. d'Andrimont. - Les faits sont là qui attestent le contraire.
a href='/personne/WasseigeA/'>M. Wasseige. - Comme l'honorable membre l'a rappelé, il est vrai qu'il était venu me voir avec M. Lebeau pour me demander des waggons. Mais je le prie de croire que, malgré son influence sur moi, ce n'est point cette démarche qui m'a décidé. Ma résolution était prise avant d'avoir reçu sa visite.
J'ai présenté un projet de loi destiné à la construction de 1,000 waggons de plus, et alors, messieurs, étais-je en dessous des besoins réels ? Cela était très douteux. Deux opinions se faisaient jour, parmi les industriels les plus intelligents et parmi les membres de cette Chambre qui s'occupent de ces questions. Une de ces opinions déclarait que le matériel était suffisant, qu'il ne fallait que des voies de garage et une meilleure utilisation du matériel existant. En ce moment même, j'aperçois sur les bancs de la gauche des membres dont c'était la manière de voir. D'autres disaient que 1,000 waggons ne suffisaient pas, mais leurs prévisions n'allaient pas plus loin que 2,000 waggons ; M. d'Andrimont lui-même ne pensait pas qu'il en fallût davantage.
M. Wasseige. - C'est la date dont je parle.
Eh bien, j'ai pris un juste milieu entre les deux opinions. Je me suis décidé pour 1,000 waggons et je les ai mis en adjudication immédiatement, même sans attendre le vote des Chambres.
L'honorable M. d'Andrimont n'a pas cru devoir recourir à l'initiative parlementaire dont il a parlé hier, pour faire majorer ce nombre de waggons. Personne, si ce n'est l'honorable M. Drion, n'a trouvé qu'il y eût insuffisance.
Voilà comment j'ai manqué de prévoyance.
M'en suis-je tenu là ? Non. Sur les fonds ordinaires du budget, j'ai fait confectionner, quelque temps après, 962 waggons. M'en suis-je tenu là ? Non, messieurs, et sans avoir besoin davantage de (page 276) coups d'épée, en septembre, je mis en adjudication 1,224 waggons : une partie en prélevant la dépense sur le budget de 1872 et une partie en escomptant votre acquiescement au projet de crédit spécial que j'ai déposé plus tard.
Vous le voyez, je n'ai pas eu besoin d'excitation pour agir ; la Chambre n'était pas assemblée, M. d'Andrimont n'était pas à son banc, et je n'ai pas eu l'honneur de le recevoir chez moi.
C'est ici, messieurs, que se place un petit renseignement que je dois donner à la Chambre en quelques mots, à propos de ces douze cents waggons. M. Sainctelette, d'une façon dubitative, à la vérité, a évoqué un certain fait que j'ai dénié alors. Je reconnais toujours l'exquise politesse de M. Sainctelette et je me plais à agir de la même façon avec lui autant que cela est possible, (Interruption.)
Je ne comprends pas le rire de M. d'Andrimont ; j'ai dit, il est vrai, autant que possible, parce que la forme dans laquelle on s'exprime dépend un peu du caractère et du tempérament ; l'honorable interrupteur doit savoir mieux que personne ce qu'il en est. (Interruption.)
Voici ce qui s'est passé à propos de ces 1,200 waggons : trois des principales compagnies qui construisent du matériel de chemin de fer en Belgique sont venues me trouver ; ces compagnies m'ont dit : Vous avez besoin de waggons ; nous consentons à les faire ; nous avons des demandes considérables pour l'étranger, mais notre patriotisme et notre désintéressement nous engagent à donner la préférence au gouvernement belge, à une condition, toutefois, c'est qu'on nous accorde la fourniture de ces waggons à main ferme et avec une augmentation correspondant à l'augmentation du prix du fer.
Je remerciai ces messieurs de leur patriotisme et de leur désintéressement. Mais ils ne m'avaient donné que trois jours pour me décider. Je leur déclarai qu'il m'était impossible, dans ces termes, de consentir au marché qu'ils me proposaient, que la loi sur la comptabilité était formelle, que je devais recourir à l'adjudication. Et bien m'en a pris ; l'adjudication a produit de meilleures conditions que celles que l'on m'offrait et une des sociétés qui prétendait qu'elle était tellement surchargée de commandes de l'étranger, qu'elle ne pouvait en accepter de nouvelles, a pris part à l'adjudication.
M. Bouvier. - Vous avez payé 60 francs de plus par waggon ; voilà la vérité.
M. Wasseige. - Je ne m'en suis pas tenu là. Le trafic augmentait considérablement ; le défaut de matériel continuait à se faire sentir vivement.
J'ai donc cru qu'il fallait faire davantage et j'ai demandé les fonds nécessaires pour 1,000 waggons en plus, sans compter les voitures à voyageurs, les locomotives et leurs remises, l es pièces de rechange et l'outillage des ateliers. On m'a reproché de n'avoir agi que l'épée dans les reins ; mais faites attention que le projet a été déposé le jour même de la rentrée des Chambres et qu'il était signé par Sa Majesté longtemps avant l'audience que j'ai eu l'honneur de donner, conjointement avec mon honorable collègue des affaires étrangères, aux délégués des associations.
Pouvais-je agir avec plus de célérité ?
Voilà, messieurs, pour le matériel, et, vous le voyez, j'avais raison de dire que j'ai agi spontanément dans la mesure du possible et du raisonnable, sans attendre d'être poussé par qui que ce soit.
Mais, dit-on, ce n'est rien le matériel, ou c'est peu de chose. Mais les voies de garage ! Mais les installations et l'outillage des stations ! Mais les nouveaux aménagements ! Pour toutes ces choses si importantes et si nécessaires, vous n'avez rien fait et il a fallu l'honorable M. Moncheur pour voir ce qu'il y avait à faire et vous donner ce fameux coup de massue des quatre millions qu'il a proposés en dernier lieu.
Eh bien, voyons ce que j'ai fait pour ces différents objets que l'on m'accuse d'avoir négligés avec un coupable entêtement.
Voici d'abord ce que je disais moi-même à la Chambre à propos de l'installation des stations et des voies de garage, devant l'honorable M. d'Andrimont, rapporteur de mon projet :
« Presque tous les orateurs que vous avez entendus ont exprimé l'opinion que le vice auquel il faut porter remède ne réside pas tant dans le défaut de véhicules que dans l'impossibilité de faire un bon usage du matériel existant, impossibilité résultant de ce que nos stations n'offrent pas l'emplacement nécessaire aux manœuvres.
« Je partage complètement cette manière de voir.
« Aussi, messieurs, dans le projet de crédits que j'ai eu l'honneur de soumettre à votre appréciation, je demande également une somme importante pour l'extension des voies de garage, pour l'amélioration de l'outillage, pour le développement des moyens de chargement et de déchargement, etc.
« Je me propose bien de commencer par là.
« Le matériel que je demande ne sera pas prêt immédiatement ; il faut, au contraire, un certain temps pour le faire. Sans doute, je fais tous mes efforts pour activer autant que possible la livraison des locomotives et du matériel à acheter.
« Une adjudication aura lieu dès demain, sous réserve du vote des crédits par la législature ; une autre adjudication se fera dans huit jours et, pour le dire en passant, j'ai, en agissant ainsi, donné satisfaction à une demande de l'honorable M. Houtart.
« Malgré ces mesures, le matériel ne pourra être livré que vers la fin de l'année ; j'aurai donc le temps d'employer, d'ici là, dans la mesure du possible, le crédit de 1,750,000 francs. Je puis même ajouter que j'ai déjà fait anticipativement usage de ce crédit ; si je suis de ce chef décrété d'accusation, je vous prierai de m'accorder un bill d'indemnité ; et je suis convaincu que vous ne me le refuserez pas. »
M. d'Andrimont, seul, paraît me le refuser aujourd'hui, prétendant que je n'ai rien fait... (interruption) alors cependant que non seulement je me montrais disposé à faire, mais que je provoquais les mesures qui devaient me mettre à même d'exécuter ma décision.
J'ai fait plus. Peu de temps après, dans un grand projet de loi de travaux publics contenant une demande de 22 millions, j'attribuais 14,150,000 francs à l'amélioration des stations, aux aménagements, aux voies de garage et à tout ce qui pouvait faciliter l'utilisation du matériel. Je spécifiais certaines stations auxquelles j'attribuais des crédits déterminés et je laissais une somme de 2 millions pour le parachèvement du réseau en général.
Voilà donc celui qui n'avait rien fait et qui avait besoin du coup de massue de son honorable collègue et ami, M. Moncheur, et voilà que, pour les voies de garage et les stations seulement, il a demandé environ 16 millions.
Cette somme, messieurs, l'ai-je laissée improductive ?
Je l'ai employée ou engagée jusqu'à concurrence d'environ 11,500,000 francs, et, le croiriez-vous, messieurs ? je suis parvenu, dans un court espace de temps, à construire plus de 90 kilomètres de voies nouvelles.
Ainsi, messieurs, en cinq mois, depuis le mois de février jusqu'à la fin de juillet, j'ai obtenu des crédits s'élevant à 20,555,000 francs pour le chemin de fer, et, quatre mois plus tard, je sollicitais encore un crédit de 12 millions, soit 32 millions à mon actif.
i J'ai mis en adjudication 3,186 waggons et 92 locomotives ; ce matériel doit être fourni actuellement on sur le point de l'être. En outre, au moment où j'ai quitté le département, je demandais à la Chambre la somme nécessaire pour faire construire encore 1,000 waggons et 58 locomotives, sans compter les voitures à voyageurs. Enfin, j'ai, je le répète, construit au moins 90 kilomètres de voies.
Cela veut-il dire qu'il n'y ait plus rien à faire ? Nullement, et j'étais bien décidé à ne pas m'arrêter dans la voie des améliorations. Pourquoi n'avais-je pas compris, dans les 12 millions, de nouveaux crédits pour continuer le travail entrepris ? Parce que j'avais encore plusieurs millions à ma disposition. Puis, dans quelle situation me suis-je trouvé ? J'étais devant une proposition d'enquête, proposition que j'ai acceptée à la condition que l'enquête fût organisée par la Chambre, c'est-à-dire que la Chambre en désignât les membres, en déterminât le fonctionnement et en réglât les attributions.
Eh bien, messieurs, en présence de cette proposition, ne devais-je pas attendre pour demander de nouveaux fonds, alors surtout que les crédits alloués étaient loin d'être épuisés ?
Voulez-vous la preuve de mes intentions relativement au parachèvement du chemin de fer ?
Vous la trouverez dans ce que je répondais à cet égard à l'honorable M. Coomans, qui indiquait la somme de 30 millions comme pouvant encore être utilement appliquée à l'amélioration de notre railway national. Quand nous serons rentrés dans l'état normal, disais-je, quand il nous sera permis d'apprécier exactement la situation, s'il faut encore 30 millions, je demanderai 30 millions. Ces paroles sont consignées aux Annales parlementaires.
Maintenant, l'honorable M. Moncheur a employé probablement une grande partie des fonds que je lui ai laisses. Grâce à la grande activité que j'avais imprimée aux travaux et à l’hiver qui a permis de les poursuivre sans interruption, mon honorable successeur a, sans doute, pu continuer l'œuvre entreprise. Mais, chose étrange, messieurs, ainsi que vous avez pu le remarquer, d'un côté on me fait un reproche de ne point agir, (page 277) et d'un autre côté, on m'impute à grief de ne point suspendre les travaux que j'ai ordonnés. Ainsi, hier encore, l'honorable M. Sainctelette se plaignait de ce que j'avais fait exécuter des améliorations importantes à Braine-le-Comte, au risque de gêner momentanément le mouvement des trains, et l'on ferme volontairement les yeux sur la conséquence qu'aurait eue mon inaction, en rendant le service impossible dans un court délai.
Eh bien, dans cette situation, l'enquête n'étant pas décidée, mon honorable successeur a demandé des fonds nouveaux pour ne pas discontinuer les travaux. Il a bien fait, et je l'en félicite de tout mon cœur. J'aurais fait comme lui.
A Dieu ne plaise, messieurs, que je veuille m'attribuer le mérite exclusif des actes que je viens de rappeler. Si j'ai pu faire quelque bien, je dois le reconnaître, c'est grâce au concours de cette administration que l'on signale aujourd'hui comme une administration routinière. Cette administration, vous l'approuviez cependant, vous la proclamiez intelligente et progressive, lorsque vous croyiez la trouver en désaccord avec moi. Mais lorsque l'accord ne peut être nié, elle n'a plus aucun mérite à vos yeux, elle est routinière, voire même rétrograde.
L'administration est ce qu'elle a toujours été ; c'est une administration intelligente, capable, progressive ; je l'ai toujours trouvée dévouée à l'accomplissement de ses devoirs, et tellement dévouée que plusieurs de ses meilleurs fonctionnaires sont morts à la peine et que d'autres sont gravement malades.
C'est son concours actif et intelligent qui a rendu ma tâche facile.
- Un membre. - Vous-même avez dit que vos fonctionnaires vous trahissaient.
M. Wasseige. - Je suis heureux de l'occasion que me fournit l'interruption et je proteste comme j'ai toujours protesté, même, devant mes amis, contre cette accusation injuste qui, d'ailleurs, ne peut atteindre d'honorables fonctionnaires.
L'administration est, je le répète, ce qu'elle a toujours été ; je ne l'ai pas changée ; ce sont nos prédécesseurs qui l'ont formée, et je les en félicite.
Les fonctionnaires de cette administration sont des hommes capables, dévoués, auxquels je me plais à rendre hommage. Ce n'est pas seulement en Belgique qu'ils sont appréciés ; ils jouissent également à l'étranger d'une réputation bien méritée. Dans plusieurs conférences internationales, j'ai eu la satisfaction de leur voir décerner ce légitime témoignage, qui se trouve inscrit d'ailleurs dans des documents que je pourrais faire passer sous vos yeux si la chose pouvait être douteuse.
Quant au ministre, c'est le plus coupable de tous, cela devait être : il ne répondait à rien ; il résistait à toutes les sollicitations, à toutes les réclamations.
Oui, j'ai reçu beaucoup de députations qui sont venues demander avec instance des améliorations et des augmentations de matériel ; mais j'en ai reçu d'autres aussi qui venaient me féliciter de ce que j'avais fait et me remercier des mesures que j'avais prises ; parmi ces dernières, je citerai entre autres des députations de plusieurs grandes villes, d'Anvers, de Gand et d'autres encore.
Autre grief pour lequel M. d'Andrimont vient se joindre à M. Sainctelette. Vous n'avez, disent-ils, pas repris tous les ateliers de réparation de la Société Générale d'exploitation, notamment celui de Nivelles. Si c'est un grief, ce n'est pas moi qu'il faut accuser. Veuillez vous adresser à l'honorable M. Jamar ; car c'est M. Jamar qui a refusé de reprendre une partie de ces ateliers et je crois qu'il a bien fait.
La Société Générale avait, permettez-moi cette expression vulgaire, un ours dont, elle voulait se défaire et dont elle demandait un million. M. Jamar a cru que le prix demandé était trop considérable ; il a trouvé que cet atelier était plutôt un atelier de construction qu'un atelier de réparation, qu'il était dans une situation excentrique par rapport aux grands courants du trafic, que la station de Nivelles était trop petite pour y accumuler les waggons en réparation.
Je suppose au moins que ce sont là les considérations qui ont guidé mon honorable prédécesseur et si mes suppositions sont exactes, je trouve qu'il a bien fait, car je pense, comme il semble l’avoir pensé lui-même, qu'il valait mieux concentrer le travail dans des ateliers complets et parfaitement outillés que de l'éparpiller.
Mais, messieurs, si nous n'avons pas acquis l'atelier de Nivelles, c'est une erreur de croire que nous avons supprimé tous les petits ateliers de la Société Générale ; nous en avons maintenu le plus grand nombre et si nous avons touché aux autres, c'a été plutôt pour les déplacer que pour les supprimer ; c'est ainsi que les ouvriers qui y étaient occupés ont été transférés dans d'autres ateliers de l'Etat, notamment à Namur et à Verviers. Mais en même temps nous avons perfectionné l'arsenal de Malines ; nous avons augmenté les salaires des ouvriers et amélioré l'outillage des ateliers. Nous avons également donné de l'extension à l'atelier de Braine-le-Comte ; là aussi nous avons relevé les salaires. Nous avons pressé de toutes nos forces les travaux qui avaient été suspendus pour l'installation de nouveaux ateliers à Mons ; à Ans, nous avons commencé par transformer une remise en ateliers, en attendant qu'un bâtiment définitif puisse y être construit.
Mais nous avons fait plus encore. Nous avons eu recours à l'industrie privée pour la réparation du matériel des transports.
Ici se place un des épisodes dont l'honorable M. d'Andrimont a parlé.
On me dit : Vous n'avez pas acheté les ateliers quand ils vous étaient offerts ; après, on vous les a offerts pour réparer voire matériel et vous ne les avez pas acceptés davantage.
Oui, on me les a offerts et j'ai cru devoir les refuser, parce que les conditions auxquelles on me les offrait étaient telles, qu'il y aurait eu un sacrifice trop considérable des deniers de l'Etat et que, par conséquent, cela eût été un acte de mauvaise administration.
L'événement n'a pas tardé à me donner raison en prouvant que j'avais bien agi en cette circonstance.
En effet, pressé par le besoin de matériel, j'ai cru devoir m'adresser à l'industrie privée pour faire réparer des waggons, nos propres ateliers ne pouvant momentanément y suffire, et j'ai autorisé la remise à main ferme de la réparation de 700 à 800 waggons à des constructeurs du pays.
Or, nous n'avons pu trouver à en remettre que 200, et l'atelier de Nivelles n'a pu ou n'a pas voulu on accepter. Les autres constructeurs ont demandé des prix auxquels il était impossible de consentir.
On m'a reproche ensuite, messieurs, d'avoir déclaré publiquement que s'il y avait encombrement dans les waggons à réparer, cela provenait du mauvais état du matériel de la Compagnie générale d'exploitation. On vous a lu une lettre de M. Gendebien protestant contre cette allégation. Protester n'est pas raisonner. Oui, c'est un fait et un fait acquis que le matériel, ou tout au moins une partie du matériel de la Compagnie générale d'exploitation se trouvait dans de mauvaises conditions. Ai-je jamais dit que l'on m'eût vendu un mauvais matériel pour un bon ? Nullement. Le matériel cédé a été loyalement, convenablement expertisé ; mais comme il exigeait de grosses réparations, il a fallu l'envoyer à Malines.
Là, au moment où je l'ai dit, sur trois waggons qui avaient besoin de grosses réparations, deux provenaient de la Société générale. Il résulte de documents officiels que, sur 7,205 véhicules remis par cette société, 1,717, soit 24 p. c, ont dû passer à Malines pour subir de grandes réparations. Je n'en fais un grief à personne. Je ne comprends pas la susceptibilité de la compagnie ; elle nous a vendu un matériel que nous avons accepté et que nous n'avons payé que comme un matériel devant subir des réparations.
On m'a reproché également de n'avoir pas autorisé la circulation sur nos voies «lu matériel appartenant à des particuliers.
Eh bien, messieurs, c'est une erreur de croire que nous ayons refusé de permettre cette circulation.
Nous aurions parfaitement accepté le matériel que des particuliers nous auraient offert ; les conditions de l'administration n'ont sans doute pas paru assez avantageuses pour engager les industriels à nous faire des propositions, et voilà tout.
Faudra-t-il faire d'autres conditions ? L'amendement de M. Sainctelette aura-t-il ce résultat ?
Il est possible que cela soit bon ; je n'en disconviens pas ; je laisse la question à l'appréciation de mon honorable successeur.
Prétendra-t-on que je n'ai pas donné assez de publicité aux dispositions dans lesquelles je me trouvais relativement à cette circulation du matériel privé sur nos voies ? Ce serait encore une erreur. Je l'ai déclaré publiquement à la Chambre et la chose est inscrite dans des ordres de service qui, donné à tous les chefs de station, c'est-à-dire aux fonctionnaires qui sont le plus directement en rapport avec les industriels, constituent certainement le meilleur moyen de publicité.
L'honorable M. Sainctelette a dit aussi qu'après la reprise des lignes de la Société générale d'exploitation, nous aurions dû ne pas user de la faculté que nous donnait un des articles de la convention d'avril 1870. de laisser circuler les trains comme auparavant.
Mais, messieurs, la clause invoquée avait précisément pour but de donner à l'administration la faculté dont elle a fait usage, et l'honorable M. Jamar, en l'insérant dans le contrat, n'avait d'autre combinaison en vue que celle que j'ai adoptée. L'honorable M. Sainctelette reconnaît lui-même que la stipulation dont il s'agit avait une très grande importance et ne pouvait avoir que des résultats favorables à l'Etat. J'aurais manqué à mes devoirs en ne l'exécutant pas.
(page 278) Nous en avons profité et nous avons adopté le mode d'exploitation le plus lucratif et le plus intelligent ; en disant cela, je ne fais que rendre justice à mon honorable prédécesseur.
Mais, messieurs, j'en suis à me demander quel bénéfice on aurait trouvé à agir autrement ? Si j'ai bien compris l'honorable M. Sainctelette, j'aurais eu deux convois au lieu d'un. Or, je me demande comment nous aurions pu faire face à un pareil mouvement alors que déjà nous n'avions pas assez de waggons ? Ce n'est certes pas en éparpillant ceux-ci que nous en aurions obtenu une plus grande somme de travail.
On a parlé des trains de nuit. Mais, messieurs, je l'ai constaté déjà, ces trains ont été supprimés en 1866 et en 1867 et c'est moi qui les ai rétablis en 1870 et en 1871 dans la mesure du possible, c'est-à-dire autant que je l'ai pu avec le matériel et le personnel dont je disposais.
Et l'honorable M. Sainctelette le sait bien ; je me rappelle qu'il m'en a parlé déjà l'année dernière ; j'ai rétabli alors ce service en partie et, jusqu'à mon départ du ministère, j'ai maintenu ce que j'avais fait à cet égard.
Voilà, messieurs, à grands traits, la justification de mes actes pendant ma carrière ministérielle.
Est-ce à dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Evidemment non ; et je ne l'ai jamais prétendu. Je comprends les plaintes du commerce et de l'industrie ; je compatis à la situation difficile où ils se trouvent encore, quoiqu'elle se soit déjà sensiblement améliorée. Mais à quoi est-elle due ? A des circonstances extraordinaires qu'il n'était donné à personne de prévoir.
Cela est dû à la guerre, à la situation où se sont trouvées les compagnies françaises et allemandes.
On a dit : Qu'est-ce que cela signifie ? Elles ont eu quelques waggons dégradés, quelques ponts détruits, et voilà tout.
Cela fait que nous avons dû suppléer à la situation dans laquelle se trouvaient ces compagnies.
Est-ce simplement pour leur être agréables que nous avons agi ainsi ? Pas du tout. C'est dans l'intérêt de l'industrie et du commerce belges.
Alors qu'il y avait des charbons accumulés sur les carreaux et que les sociétés françaises n'avaient pas de waggons pour les transporter comme elles devaient le faire d'après leurs obligations, nous avons donné nos waggons et c'est ce qui nous a mis dans la situation que vous connaissez.
Oseriez-vous nous faire un reproche d'avoir donné nos waggons ?
Si j'avais agi autrement, j'aurais pu satisfaire, sinon d'une manière complète, au moins dans une large mesure, aux besoins du trafic intérieur, mais j'ai cru faire acte de bonne administration en suppléant au manque de matériel constaté en Allemagne et en France.
Mais, dit-on, vos conventions étaient mauvaises. Il fallait modifier les prix et les amendes.
Ces conventions, messieurs, sont des contrais synallagmatiques. Il y aurait, d'ailleurs, eu déloyauté de notre part à profiter du moment où les sociétés étaient dans la gêne pour leur proposer des modifications à ces arrangements.
Si les compagnies ne voulaient pas consentir à des changements, je n'avais d'autre moyen que de dénoncer les conventions et de rompre charge soit à la frontière soit aux points d'échange, pour ce qui concerne les services mixtes.
J'ai un jour empêché des waggons chargés d'entrer en Prusse.
Les industriels du bassin de Liège sont venus me supplier de rapporter la mesure.
Si j'avais maintenu et généralisé cette mesure ; si, dans la crise que nous venons de traverser, j'avais voulu empêcher nos waggons de pénétrer en France, par la raison que c'est à la Compagnie du Nord de fournir le matériel, il. n'y aurait pas eu assez de sifflets dans le pays pour signaler ce que l'on aurait appelé mon aveugle entêtement.
Mais, messieurs, tout cela ne signifie absolument rien pour mes contradicteurs, et, à leurs yeux, je n'en reste pas moins le ministre-borne qu'ils ont attaqué.
J'aurais dû tout prévoir.
Un économiste de premier ordre, a dit l'honorable M. Sainctelette et vous n'avez pas manqué de le reconnaître dans le portrait, aurait su pressentir les événements et deviner l'avenir.
Il aurait tout prévu, et la guerre, et la paix, et l'insurrection de la Commune, et le trafic énorme qui s'est produit et qui n'a fait qu'augmenter dans des proportions incroyables et peut-être aussi la mauvaise récolte qui a été cause qu'on a pu planter deux fois plus de betteraves que l'année dernière, ce qui a exigé une augmentation du matériel de transport.
Voilà ce qu'aurait fait un économiste de premier ordre. Eh bien, je dois le dire, c'est un mauvais certificat délivré par M. Sainctelette à M. d'Andrimont. Celui-ci n'a pas été un économiste de premier ordre quand, dans une phrase qu'il vous a rappelée hier et qui se trouve dans son rapport sur le crédit de 6,500,000 francs, il vous a dit qu'il y aurait évidemment moins de trafic après la paix que pendant la guerre. Vous avez mal jugé, M. d'Andrimont ; vous n'êtes pas un économiste de premier ordre et vous êtes distancé dans la course au clocher.
Mais, messieurs, prévenu ou non, en supposant même que j'eusse pu avoir le don de seconde vue dont est doué M. Sainctelette et que j'eusse pu, en présence des réclamations qui m'étaient adressées, prévoir tout ce qu'il y avait à faire, mais qu'aurais-je pu faire entre le mois de juin où les prévisions ont commencé à prendre un corps et le mois de décembre, date de ma sortie du ministère ? Je n'aurais pas pu faire plus que je n'ai fait car, eussé-je eu 100 millions, et M. Sainctelette, aussi, qu'on n'aurait pas pu en tirer un parti utile. Il ne suffit pas d'avoir de l'argent dans les mains ; on ne fait pas d'un coup de baguette sortir de terre des voies nouvelles et du matériel ; j'ai employé l'argent disponible aussi activement que possible : je l'ai employé, messieurs, surtout à Herbesthal.
J'arrive ici à l'épisode dont a parlé hier M. d'Andrimont, cet épisode à propos duquel il a failli m'adresser des félicitations. J'ai cru un instant que, par un lapsus bien excusable, il allait me faire un compliment.
M. d'Andrimont. - Je l'ai fait.
M. Wasseige. - Qu'est-il arrivé, messieurs, pour Herbesthal ? Eh bien, on nous a dit que cette gare était trop étroite, qu'il fallait l'élargir, qu'il fallait des travaux immédiats, et on a prétendu qu'on n'avait mis la main à cet ouvrage que le 2 novembre.
C'est là une erreur capitale. Si l'on a ajourné le travail, dont l'opportunité avait été signalée depuis de longues années, ce n'a pas été sous mon administration. Quant à moi, je n'ai pas perdu un seul jour : la loi qui m'accordait 1,750,000 francs pour parachèvement des gares est du 24 février, et le 25 février je mettais 53,000 francs à la disposition de l'administration pour commencer les travaux en régie.
Je vous,demande s'il était possible d'aller plus vite. Et j'ai continué : le 25 février, j'avais accordé 53,000 francs ; le 19 juin, j'ai accordé 15,000 francs ; le 26 octobre, j'accordai 22,000 francs et le 15 novembre, alors que l'entrepreneur allait mettre la main à l'œuvre, j'accordai encore 3,680 francs.
On vous a dit : Il y a eu interruption dans les travaux en régie et quand le ministre s'est rendu sur les lieux, il a été surpris de ne plus trouver d'ouvriers. Il y a là quelque chose de vrai. Mais pourquoi y a-t-il eu interruption dans les travaux ? Parce qu'il y a eu une adjudication et qu'elle n'a pu être approuvée immédiatement à cause des changements à faire au cahier des charges. On ne pouvait assurer à l'entrepreneur un nombre de trains suffisant pour ses travaux ; les ingénieurs ont cru que puisqu'il y avait une adjudication, il fallait rentrer dans les règles ordinaires de la comptabilité et qu'il n'était plus possible de continuer à travailler en régie.
Cette manière de voir était rationnelle. Cependant, arrivé sur les lieux et voyant combien les travaux étaient urgents, j'ai fait immédiatement reprendre la régie, qui a duré jusqu'au moment où est venu l'entrepreneur.
Il me semble que vous auriez pu, pour ce fait, m'adresser des félicitations complètes.
M. d'Andrimont. - Je l'ai fait.
M. Wasseige. - Eh bien, tant mieux.
Enfin, messieurs, et c'est par là que je termine, l'honorable M. Sainctelette a émis une théorie qu'il ne m'est pas possible d'admettre. Elle consiste à dire que le chemin de fer doit suffire en tout temps, non seulement au trafic moyen, mais à l'extension la plus grande des transports.
C'est là, messieurs, de la pure théorie, et c'est une théorie qui ne résisterait pas à huit jours de pratique. Je voudrais bien voir l'honorable M. Sainctelette à la tête du département des travaux publics.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Cela arrivera peut-être.
M. Wasseige. - Mais non ! Toute réflexion faite, j'aime mieux y voir mon honorable ami M. Moncheur. Mais si M. Sainctelette s'y trouvait, dans quelle mesure appliquerait-il sa théorie ? Où s'arrêterait le nombre des waggons ? Où s'arrêterait le nombre des trains ? Combien d'étendue de voies de garage faudrait-il ? Tout cela est impossible à évaluer.
Mais, dit l'honorable membre, pourquoi ne l'évalueriez-vous pas aussi bien que l'industriel et le commerçant ? L'industriel fait de grandes dépenses en vue de bénéfices à venir.
Oui, messieurs, lorsqu'un industriel est en voie de prospérité, il se laisse entraîner par l'appât du gain et fait de grandes dépenses ; mais (page 279) vienne l'heure d'une crise (et les crises sont périodiques), et souvent il fait faillite à cause même de ses grandes dépenses.
C'est une éventualité à laquelle je ne voudrais jamais exposer l'Etat belge.
D'ailleurs, messieurs, comment garantir l'équilibre entre les recettes et les dépenses ? Il ne peut plus être question de bénéfices et alors vous aurez maille à partir avec mon honorable ami, M. Julliot. Ensuite, n'arriverez-vous pas à dire que l'Etat se doit à tous, qu'il faut des chemins de fer dans toutes les directions, qu'il faut des chemins de fer vicinaux partout ? Et alors où vous arrêterez-vous ? Je le répète, c'est une pure théorie qui, je le crains bien, ne s'appliquera pas même quand M. Sainctelette sera à la tête du département des travaux publics.
Voila, messieurs, ce que j'ai fait dans le peu de temps que j'ai eu l'honneur d'être ministre. Quels résultats ai-je obtenus ?
L'honorable M. Moncheur vous l'a dit. Il vous a dit que nous étions arrivés, en 1871, à suffire à une augmentation de trafic qui n'est pas de moins de 2,000,000 tonnes pour l'ancien réseau, et qui est 700 p. c. plus forte que l'augmentation moyenne des cinq années précédentes.
L'honorable M. Moncheur vous a dit que, cette année, nous avons produit une somme de 10 millions de bénéfice net, intérêts et amortissement payés.
Il me semble que pour un chemin de fer désorganisé, ayant à sa tête un ministre aussi incapable et aussi imprévoyant, ce n'est déjà pas si mal.
Je crois que tous les hommes impartiaux et justes, au lieu d'attaquer l'administration et de la décourager, trouveront qu'elle est digne de quelque reconnaissance pour le bien qu'elle a réalisé dans la mesure du possible ; quant à moi, franchement, et la main sur la conscience, je crois plutôt mériter les remerciements que l'improbation du pays.
- Des membres (à droite). - Très bien !
- Sur une observation de M. le président, la Chambre décide qu'elle ne s'occupera pas demain de rapports de pétitions.
La séance est levée à 5 heures.