(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1771) M. Wouters procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Amédée Visart donne lecture du procès-verbal de là séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les maîtres de forges de Charleroi prient la Chambre de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde de leurs intérêts. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La chambre de commerce de Louvain demande la prompte discussion du code de commerce. »
- Même renvoi.
.« Le gouverneur de la province de Liège transmet une proposition adoptée par le conseil provincial et contenant le vœu : 1° que l'exploitation de toutes les lignes de chemin de fer soit centralisée entre les mains de l'Etat ; 2° qu'un même tarif, le plus modéré possible, soit rendu applicable sur toutes les lignes pour le transport des marchandises ; 3° que le barème de 1866 soif admis comme règle générale pour tous les parcours ; que l'Etat mette le matériel et les installations du chemin de fer de l'Etat en rapport avec les nécessités de l'industrie et qu'en attendant la reprise de l'exploitation générale, il prenne, les mesures nécessaires pour que les sociétés particulières remplissent leurs obligations à cet égard. »
- Même renvoi.
« Par dépêche du 3 juin 1871, M. le ministre de la guerre transmet des explications sur la pétition de la dame Bauthier, ayant pour objet le renvoi de son fils Charles dans ses foyers. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« M. le ministre de l'intérieur adresse, avec les pièces à l'appui, le procès-verbal de l'élection qui a eu lieu à Alost, le 20 juillet courant, pour la nomination d'un représentant en remplacement de feu M. Liénart. »
M. le président. - Messieurs, je propose à la Chambre de désigner par la voie du sort une commission de sept membres qui s'occuperait immédiatement de l'examen du dossier et qui pourrait nous faire rapport aussitôt qu'elle aura terminé son travail.
- Cette proposition est adoptée.
MM. Le Hardy de Beaulieu et de Borchgrave demandent un congé.
- Accordé.
Le Sénat informe la Chambre des représentants qu'il a adopté les projets de lois suivants :
1° Suppression des jeux de Spa ;
2° Dérogation à l'article 19 de la loi de comptabilité ;
3° Aliénation des terrains des dunes jugés inutiles pour la défense des côtes contre l'action de la mer.
- Pris pour information.
Il est procédé, au tirage au sort de la commission de vérification des pouvoirs du nouvel élu d'Alost.
Sont appelés à faire partie de cette commission : MM. Coremans, David, de Lescarts, de Muelenaere, de Clercq, Thonissen et Mulle de Terschueren.
M. de Lexhy (pour une motion d’ordre). - D'accord avec plusieurs de mes honorables collègues, j'ai déposé hier sur le bureau de la Chambre une proposition de loi. Conformément à l'article 35 du règlement, cette proposition devait être renvoyée aux sections pour qu'elles examinent s'il y avait lieu d'en autoriser la lecture.
Cette formalité n'ayant pas été remplie, je me vois privé du droit de développer aujourd'hui la proposition dont il s'agit, comme je l'eusse fait si les sections, régulièrement saisies, en avaient autorisé la lecture.
En présence de la négligence commise bien involontairement, j'en suis convaincu, par M. le président, je demanderai à la Chambre de couvrir cette négligence par l'autorisation qui me serait donnée de développer ma proposition. Puisqu'il y a faute de la part du président, je ne puis en pâtir et l'on doit, me semble-t-il, à titre de compensation, ne reconnaître le droit de développer aujourd'hui ma proposition.
M. le président.- Ce que vient de dire l'honorable M. de Lexhy est exact : une proposition de loi a été déposée hier sur le bureau et, à la fin de la séance, j'ai oublié d'en donner connaissance à la Chambre et d'annoncer que la proposition dont il s'agit serait renvoyée aux sections pour examiner s'il y avait lieu d'en donner lecture.
Maintenant l'honorable M. de Lexhy demande que la Chambre veuille bien l'autoriser à passer au-dessus de cette formalité et à donner lecture de sa proposition à la Chambre.
M. Dumortier. - Cette manière de procéder serait absolument contraire au règlement. (Interruption.)
Un oubli peut avoir été commis au bureau, mais il n'entre évidemment dans la pensée de personne d'incriminer M. le président.
Maintenant, est-il possible de ne pas observer le règlement ? A mon avis, pela n'est pas possible. Je viens de lire au bureau la proposition de loi dont il est question et certainement si cette proposition était venue en son temps j'y aurais donné mon approbation. Mais pourquoi ses auteurs ne l'ont ils pas présentée il y a huit ou quinze jours ? Ils connaissaient aussi bien la situation alors qu'aujourd’hui. Mais ce que l'on veut, c'est nous contraindre à rester encore ici pendant une quinzaine de jours.
Je demande que le règlement soit suivi ; on arrive avec une proposition de loi, la veille même du jour où la Chambre doit se séparer. On pouvait présenter cette proposition il y a quinze jours. Si on la présente aujourd'hui, c'est uniquement parce qu'on veut nous forcer à rester. Après la lecture, il faudra procéder à la prise en considération, puis il faudra le renvoi en sections, puis examen en section centrale ; tout cela n'est plus possible au moment de. la session où nous sommes arrivés. Je demande donc que le règlement soit littéralement suivi.
M. le président. - Plusieurs membres ont demandé la parole ; mais il est inutile de continuer à discuter, du moment qu'on exige l'exécution du règlement.
La faute, j'en conviens, m'est imputable, et j'espère que les honorables auteurs de la proposition n'insisteront pas sur la lecture immédiate, du moment qu'il y a opposition.
M. Guillery. - L'honorable M. Dumortier confond deux choses distinctes. Il ne s'agit pas de demander à la Chambre de vote immédiatement le projet de loi ; il s'agit de réparer une erreur involontaire, tout le monde le reconnaîtra, et parfaitement excusable d<' la part de M. le président. Mais enfin, tout en rendant hommage à l'impartialité dont M. le président a fait preuve dans cette session, il est certain que s'il y a eu une violation du règlement, c'est celle-là.
La Chambre ne peut-elle pas faire ce que les sections devraient faire ? L'honorable M. Dumortier a lu sa proposition ; tout le monde la connaît ; il s'agit d'exempter, en 1871, l'agriculture de l'impôt foncier dans les (page 1772) conditions que la proposition indique ; la Chambre connaît donc la proposition.
Elle ne renferme rien d'inconvenant ni d'inconstitutionnel. Ne faisons pas de puérilités ; ne faisons que des choses sérieuses ; il n'y a aucun inconvénient à ce que la proposition soit lue a la tribune. Quand j'ai déposé, l'année dernière, une proposition sur la contrainte par corps, on a renvoyé immédiatement en sections. On pourrait à la rigueur suivre ce précédent ; mais, dans le cas actuel, je regarderais cette formalité comme une puérilité peu digne de la Chambre. Je le répète : on connaît parfaitement la proposition ; l'honorable M. de Lexhy est prêt a la développer en quelques mots ; ensuite, la Chambre décidera si elle veut s'en occuper dans cette session. C'est une autre question, nous demandons uniquement la lecture de la proposition.
M. Vermeire. - Je m'oppose à la lecture de la proposition de loi, si elle est maintenue, je demande que l'on suive la filière indiquée par le règlement ; je demande que la proposition soit renvoyée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.
M. Guillery. - L'honorable M. Vermeire a parfaitement raison ; mais il n'en est pas moins vrai qu'il y a eu erreur commise, qu'il y a eu négligence commise, qu'il y a eu violation du règlement, et nous avons le droit de réclamer la réparation d'une erreur. La seule réparation possible, c'est que la Chambre se rende immédiatement en sections pour autoriser la lecture de la proposition. C'est l'affaire de cinq minutes. J'en fais la proposition formelle.
MM. Vermeire et Dumortier demandent que le règlement soit respecté. Je le demande également, et je déclare qu'il ne sera pas respecté, si une proposition déposée hier ne peut être lue aujourd'hui.
M. Thonissen fait rapport, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, sur l'élection de M. Verbruggen, par le collège électoral d'Alost et propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Verbruggen prête serment.
M. le président. - Voici la proposition déposée sur le bureau par MM. Guillery, Van Humbeeck, Hagemans, de Lexhy et Elias :
« Nous proposons à la Chambre de se retirer immédiatement en sections pour statuer sur l'autorisation demandée de lire une proposition de loi. »
Je désire que mes collègues veuillent bien retirer leur opposition à la lecture immédiate. Ce ne sera pas un précédent que l'on pourra objecter plus tard. Ce n'est pas non plus une violation du règlement, puisque la Chambre est maîtresse de son règlement.
M. Dumortier. - Soit ; je ne m'oppose pas à la lecture, mais je déclare que je m'opposerai à la prise en considération.
M. le président. - On ne s'oppose donc plus a la lecture ?
M. Muller. - Il importe que le règlement soit observé ; sinon, ce serait un précédent que l'on pourrait invoquer.
Je crois donc préférable que la Chambre accepte la proposition de l'honorable M. Guillery de se réunir pendant quelques minutes en sections ; nous n'aurons pas ainsi à suspendre l'exécution du règlement et à prendre une décision que l'on pourrait regretter plus tard.
M. Coomans.- Nous devons tous désirer de ne pas perdre de temps. Je crois que le meilleur avis est celui que vient d'émettre notre honorable président. Il n'y a pas de violation du règlement quand la Chambre est unanime. Le règlement est la sauvegarde des minorités. Quand une minorité se déclare sauvegardée, il n'y a pas de violation du règlement. (Interruption.)
Il est évident que si un seul membre s'opposait à la lecture, sa volonté devrait être respectée. Mais je crois que personne ne s'y oppose à cette heure.
Je prie donc la Chambre, pour aller plus vite en besogne, de reconnaître une chose vraie, c'est que l'auteur d'une proposition de loi a le droit d'en faire autoriser ou refuser la lecture le lendemain. Je lui demande de permettre la lecture immédiate pour gagner du temps.
M. le président. - Quelqu'un s'oppose-t-il à la lecture de la proposition ?
M. Muller. - Quand j'ai dit qu'il ne fallait pas poser un précédent qu'on pourrait invoquer plus tard, c'était pour le cas où il n'y aurait pas unanimité ; mais si la Chambre tout entière autorise la lecture, je n'ai plus d'objection à faire.
M. le président. - S'il y avait eu une seule opposition, j'aurais mis aux voix la proposition de M. Guillery, de se réunir en sections.
M. de Lexhy donne lecture de sa proposition, qui est ainsi conçue :
«. Art. 1er. Il sera fait, endéans le mois de la promulgation de la présente loi, dans chaque commune, par les soins de l'administration locale et des agents du fisc, une enquête, à l'effet de constater quels sont les terrains qui ont été ensemencés et dont l'emblavure a été détruite par les gelées.
« (Signé) Bricoult, de Lexhy, de Macar, Elias, Dethuin, de Lhoneux, Hagemans, Guillery, Bergé, De Fré, Houtart, Lescarts, de Vrints, Le Hardy de Beaulieu et Mascart. »
M. le président. - Je demanderai à M. de Lexhy quand il désire développer sa proposition ?
M. de Lexhy. - Je suis à la disposition de la Chambre. Je pourrais présenter mes développements de suite. Ils seront très courts.
M. Dumortier. - Voici, messieurs, ce que porte l'article 36 du règlement :
« Après la lecture de la proposition, suivant l'ordre dans lequel elle aura été déposée, son auteur proposera le jour où il désire être entendu.
« Au jour que la Chambre aura fixé, il exposera les motifs de sa proposition. »
C'est donc à la Chambre de fixer le jour. Si maintenant vous avez autorisé la lecture de la proposition, c'est déjà beaucoup.
La prise en considération peut donner lieu à une discussion très grave. Ainsi la proposition aurait pour résultat que celui qui, ayant semé du froment, récolte de l'avoine...
M. le président. - C'est le fond.
M. Dumortier. - Je veux seulement prouver que la proposition rencontrera beaucoup d'opposition.
Je propose de fixer les développements après le vote de la loi actuelle.
M. Guillery. - Messieurs, si on avait donné la parole à M. de Lexhy, ses développements seraient déjà terminés.
Quand MM. Orts et Jamar ont déposé leur proposition, on leur a permis de la développer immédiatement ; la majorité l'a même exigé.
Pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui ? Il ne s'agit pas d'une proposition difficile et longue à développer, ce sera l'affaire de deux minutes.
M. le président. - Si je mettais aux voix la proposition de M. Dumortier, tout serait dit.
M. Bara. - L'honorable M. de Lexhy a proposé de donner immédiatement les développements de son projet. C'est cette proposition qui doit avoir la priorité.
M. Elias. - Le règlement dit positivement que l'orateur propose la jour qu'il désire fixer.
M. le président. - Oui, mais c'est la Chambre qui décide.
Il va donc être procédé, par appel nominal, sur la proposition de M. de Lexhy de donner immédiatement les développements de son projet.
M. Coomans. - Je ne pense pas que l'on puisse défendre à un représentant de la nation de développer une proposition dont la lecture a été autorisée par la Chambre.
L'assemblée doit fixer le jour en s'accordant avec l'auteur de la proposition.
M. Jacobs, ministre des finances. - Pas du tout.
M. le président. - La Chambre doit fixer un jour, mais il n'est pas dit qu'elle doive choisir le moment indiqué par l'auteur de la proposition.
Il y a deux propositions. Je soumets d'abord au vote celle de M. de Lexhy de passer immédiatement aux développements de son projet. Si cette proposition n'est pas acceptée, je mettrai aux voix celle de M. Dumortier.
- Il est procédé à l'appel nominal.
79 membres y prennent part.
42 répondent oui.
35 répondent non.
2 s'abstiennent.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
(page 1773) Ont répondu non :
MM. Biebuyck, Coremans, Cornesse, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, de Liedekerke, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren, Nothomb, Reynaert, Simonis, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbruggen, Vermeire, Amédée Visart, Wasseige et Wouters.
Ont répondu oui :
MM. Bara, Berge, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Brasseur, Crombez, David, de Baets, de Baillet-Latour, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, de Rossius, Dupont, Elias, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Julliot, Lescarts, Muller, Pety de Thozée, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Snoy, Van Humbeeck, Van Iseghem, Vleminckx, Allard et Balisaux.
Se sont abstenus : MM. Coomans et Thibaut.
M. le président. - M. Coomans, qui s'est abstenu, est invité à donner à la Chambre les motifs de son abstention.
M. Coomans. - Je me suis abstenu parce que l'objet du vote m'a paru douteux.
M. le président. - La Chambre me permet-elle de donner mes motifs d'abstention du bureau ?
- De toutes parts. - Oui !
M. le président. - Je suis involontairement la cause de l'incident, c'est pour cela que, dans le vote qui vient d'avoir lieu, je n'ai voulu me prononcer ni pour ni contre.
Vient maintenant la proposition de M. Dumortier.
- Cette proposition est mise aux voix par assis et levé et adoptée.
M. le président. - Les développements de la proposition de M. de Lexhy sont donc fixés à la suite du vote du projet en discussion.
M. de Lexhy. - Si la Chambre consent à m'écouter, M. le président.
M. le président. - Vous ne pouvez pas poser de conditions, M. de Lexhy.
M. de Rossius. - On sait ce que cela veut dire.
« Travaux hydrauliques et chemins de fer en construction.
« Paragraphe 10. Amélioration du canal de Bruges à Ostende, en vue de donner plus de facilité à la navigation : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 11. Amélioration de la Lys : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 12. Amélioration du régime de l'Yser : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 13. Amélioration du régime de la Grande-Nèthe : fr. 130,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 14. Construction de barrages dans la Meuse, en amont de Namur : fr. 1,500,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 15..Construction de nouveaux murs et d'embarcadères le long des quais du Kattendyck et du Rhin bordant l'Escaut et premiers travaux d'établissement d'une nouvelle écluse maritime à Anvers : fr. 1,000,000. »
(page 1803) M. Sainctelette. - Dans la séance d'avant-hier, l'honorable ministre des finances, répondant à mon interpellation sur les travaux dont il s'agit ici, a dit que la création d'un budget spécial pour le port d'Anvers était impossible. La raison en est, selon lui, que la ville d'Anvers est une ville commerciale par excellence ; que la plupart de ses dépendances ont un caractère commercial ; que, pour la police, par exemple, il serait impossible de distinguer le coût de la police du port du coût de la police de la ville.
Dans une autre partie de son discours, il a déclaré que la ville d'Anvers en acceptant les anciens bassins, c'est-à-dire l'ancien port, a accepté une charge et non une source de revenus.
A ces observations de l'honorable ministre des finances, j'ai une double réponse à faire. D'abord, et pour rappeler l'historique de cette question, l'ancien port a été complètement exécuté aux frais de l'Etat. Il a été cédé à la ville d'Anvers sans autre charge que celle de l'entretien. En même temps que le gouvernement des Pays-Bas faisait à la ville d'Anvers cette cession, il lui accordait d'importants subsides pour l'exécution des travaux qui devaient achever et compléter l'ancien port.
Les péages que la ville d'Anvers a établis sur les anciens quais du fleuve, sur les deux bassins primitifs, sur les six canaux ont été tellement rémunérateurs, que la ville a pu exécuter divers travaux d'amélioration aux quais de l'Escaut, aux canaux et aux bassins pour près de 5 millions de francs et que, de plus, elle a pu construire, au prix de 2,400,000 francs, les bassins nouveaux du Kattendyck.
On est donc bien loin d'avoir fait à la ville un cadeau onéreux ; on est loin de lui avoir imposé une charge.
La ville d'Anvers s'est trouvée dans cette situation exceptionnelle et excellente de pouvoir recueillir des mains de l'Etat, représenté par les anciens gouvernements, un port complet qui avait coûté plus de onze millions, de pouvoir compléter ce port rien qu'à l'aide des bénéfices résultant de la perception des péages établis et de pouvoir y ajouter un nouvel établissement, qui, lui-même, est devenu une source considérable de revenus.
Un port nouveau a été créé ; il a été créé par la ville d'Anvers ; mais, pour une partie notable des travaux à exécuter, pour la dérivation du canal de la Campine, des subsides importants ont été alloués à la ville d'Anvers sous forme de travaux exécutés directement aux frais de l'Etat. Une première fois, le canal de la Campine a été dérivé ; cette première fois, l'écluse de mer a été construite exclusivement aux frais de l'Etat. Aujourd'hui, il s'agit d'élargir la dérivation et de construire une nouvelle écluse.
Le gouvernement se borne à mettre à la charge de la ville d'Anvers le creusement du bassin, c'est-à-dire la partie de l'ouvrage dont l'exécution sera incomparablement la moins onéreuse ; et l'on réserve à l'Etat la partie la plus onéreuse, c'est-à-dire l'exécution de l'écluse de mer. Jusque-là, point d'objection. Mais on veut que la ville d'Anvers puisse percevoir, sur ces travaux exécutés aux frais de la généralité, des péages qui seront une des ressources du budget local de la ville d'Anvers.
M. Gerrits. - Je demande la parole.
M. Sainctelette. - Je propose à la Chambre de constituer de l'ensemble des péages perçus sur le port un fonds spécial, un compte particulier qui, d'une part, serait crédité de toutes les ressources provenant des établissements maritimes de l'ancien port autant que de ceux du nouveau, - grande concession faite à la ville d'Anvers, - et d'autre part, serait débité des dépenses faites pour l'installation du nouveau port et pour l'amélioration et l'achèvement de l'ancien, pour l'administration et l'entretien de l'ancien comme du nouveau port.
M. le ministre des finances repousse le principe de cette proposition. Il la prétend impraticable..
Quant au principe, je maintiens que rien n'est plus juste, plus conforme aux maximes que, depuis de longues années, nous avons adoptées en matière économique. J'ajoute que rien n'est plus facile à organiser. En effet, pour prendre l'exemple cité par M. le ministre des finances, c'est-à-dire les dépenses de la police, rien ne serait plus facile que de faire une ventilation entre les dépenses de la police urbaine, telle qu'elle est ordinairement organisée dans les grandes agglomérations, et la police maritime.
La police du port d'Anvers est faite, pour une grande partie, par un personnel spécial. Au surplus, en fût-il autrement, il n'y aurait rien d'impossible à faire une répartition entre l'agglomération et les ports à débattre un partage par quotités, par exemple, par moitiés. Qu'on se montre aussi large que possible dans cette ventilation, qu'on adopte la base la plus équitable, rien de mieux, mais je ne saurais trop protester contre un système qui tendrait à faire supporter par l'industrie et le commerce de tout le pays une dépense dont le produit serait exclusivement attribué à la ville d'Anvers.
Je ne crois pas que la ville d'Anvers, quelque grandes que soient nos sympathies pour elle, quelque espoir que nous fondions sur son développement commercial, puisse justement prétendre à élever des statues, à ériger des monuments, à créer des boulevards, à l'aide de perceptions faites sur le commerce et l'industrie. Qu'elle se rembourse de ses avances, rien de mieux. Mais qu'elle puisse, en vue de travaux de luxe, grever nos opérations commerciales, voilà ce qu'il est impossible d'accepter ; et M. le ministre des finances n'a pas répondu aux observations que j'ai présentées à ce sujet.
Je regretterais fort de ne pas pouvoir voter le paragraphe 15 ; mais j'y serai bien forcé si M. le ministre des finances se refuse plus longtemps à examiner la question de savoir s'il n'y a pas lieu de constituer un fonds spécial avec le produit des établissements du port.
(page 1773) M. Gerrits. - Messieurs, il me sera très facile de prouver en quelques mots que l'honorable M. Sainctelette ne connaît pas la question dont il vient d'entretenir la Chambre.
Au dire de l'honorable membre, les taxes perçues par la ville d'Anvers sont tellement considérables qu'elles ont permis à cette ville de construire les nouveaux bassins, des boulevards, des étangs, etc.
C'est là une erreur complète.
L'honorable M. Sainctelette oublie que depuis douze ans la ville d'Anvers a fait deux emprunts, l'un de 7 et l'autre de 22 millions,
Du premier emprunt, 6 raillions ont été employés pour les établissements maritimes ; 10 millions du deuxième emprunt ont reçu la même destination.
La ville d'Anvers a donc prélevé, sur les 29 millions de ses emprunts, une somme de 16 millions pour ses établissements maritimes.
Si vous calculez l'intérêt de cette somme à 5 p. c, vous verrez que les taxes devraient produire net à la ville d'Anvers 800,000 francs.
Or, j'ai sous les yeux le budget de la ville d'Anvers pour l'année courante, et j'y vois que les droits de navigation rapportent en tout 755,000 francs.
Dans un autre article du budget, je vois que la ville d'Anvers dépense, rien que pour le personnel du port, 155,000 francs. Ajoutez-y une centaine de mille francs pour l'entretien des bassins, et vous verrez que la ville d'Anvers fait, en faveur du commerce, un sacrifice annuel de plus de 250,000 francs, rien que pour les bassins.
Maintenant l'honorable M. Sainctelette propose de faire un fonds spécial sur lequel se prendraient toutes les dépenses pour le commerce. Si cela était possible et que la ville d'Anvers ne considérât que l'intérêt de sa caisse communale, elle accepterait immédiatement cette proposition.
Savez-vous quel en serait le résultat ? C'est que pour satisfaire aux besoins commerciaux, nettement définis, incontestables, les taxes devraient au moins être doublées.
En vous parlant tout à l'heure de la dépense de 16 millions, faite par la ville d'Anvers pour ses établissements maritimes, je n'ai pas mentionné d'autres travaux purement commerciaux.
Ainsi, la ville d'Anvers dépense maintenant un million pour la construction d'une nouvelle bourse.
Si je calculais avec quelque soin toutes les dépenses faites par la ville d'Anvers depuis douze ans, en vue des intérêts commerciaux, j'arriverais au chiffre de 22 millions au moins.
D'après cela, messieurs, vous comprenez que si nous repoussons la proposition de l'honorable M. Sainctelette, Ce n'est pas dans l'intérêt de la ville d'Anvers, mais uniquement parce que la proposition est impraticable.
D'ailleurs, elle irait à rencontre du but que se propose l'honorable membre. Elle serait hautement préjudiciable au commerce belge, et c'est pourquoi nous n'en voulons pas.
(page 1803) M. Sainctelette. - Messieurs, voici ce que je lis dans la correspondance échangée entre le département des finances et la ville d'Anvers :
« Les anciens quais du fleuve, les six canaux, les deux anciens bassins et leurs dépendances étaient la propriété de l'Etat qui, pour les construire, avait dépensé une somme de onze millions de francs. Ces établissements ont été cédés gratuitement à la ville par le gouvernement des Pays-Bas, à la seule condition de les achever, de les entretenir et d'en améliorer les abords. Le gouvernement, à la même époque, a alloué, en outre, des subsides pour l'achèvement et l'entretien de certains ouvrages du port. Il était naturel que le pays tout entier fût appelé à jouir du port et des bassins créés dans de telles conditions, sans avoir à payer rançon à la ville d'Anvers.
« Les quais du fleuve, les canaux, les bassins et leurs dépendances, créés aux frais du trésor public, n'avaient pu être abandonnés gratuitement à la ville pour qu'elle en fît une source de profits pour la caisse communale. Les taxes à percevoir ne pouvaient légitimement représenter que les charges de l'entretien et de l'administration des établissements maritimes. En a-t-il été ainsi ?
« Dans ma dépêche au collège échevinal d'Anvers, du 24 septembre 1863, qui n'a pas été contredite et ne pouvait pas l'être, j'ai démontré, par des documents officiels, que le produit de ces taxes avait été tellement considérable, qu'après avoir permis à la ville d'exécuter des travaux aux quais de l'Escaut, aux canaux, aux bassins pour près de cinq millions de francs, il était resté un bénéfice de 2,400,000 francs que la ville a pu affecter au creusement des nouveaux bassins du Kattendyck, lesquels, à leur tour, lui ont donné dès lors un notable revenu, ce qui constituait un placement fructueux du bénéfice réalisé. »
Vous voyez donc bien, messieurs, que les bassins du Kattendyck, et je n'ai parlé que de ceux-là, ont été construits par la ville d'Anvers à l'aide des revenus perçus sur l'ancien port construit aux frais de l'Etat et pas du tout à l'aide de l'emprunt.
M. Gerrits. - Où trouvez-vous cela ?
M. Sainctelette. - Je trouve cela dans la correspondance échangée entre le département des finances et le collège échevinal de la ville d'Anvers : Documents parlementaires, n°92, session de 1867.
M. Gerrits. - De qui émane ce document ?
M. Sainctelette. - Du ministre des finances de cette époque, l'honorable M. Frère-Orban.
M. Gerrits. - Ah !
M. de Rossius. - Ce sont les chiffres fournis par votre administration
M. Sainctelette. - L'honorable M. Frère a prononcé, en 1865, un discours dans lequel il dit ceci :
« Si l'on contestait que la ville tire un bénéfice notable de l'exploitation de ses établissements maritimes, je fournirais aisément des preuves irrécusables de ce fait.
« Le 24 novembre 1854, le collège des bourgmestre et échevins avait communiqué au conseil communal une note des recettes et des dépenses afférentes au port et aux bassins pour les années 1815 à 1857. Les chiffres du collège échevinal ayant été contestés, il a fait insérer à la suite du rapport présenté au conseil communal, dans la séance du 31 octobre 1859, (page 1804)
par les commissions réunies du commerce et des finances, un nouveau décompte pour les années 1815 à 1859 inclus. »
M, Frère-Orban entrait ensuite dans l'examen de ce décompte. Je passe cette analyse pour arriver tout de suite aux chiffres récapitulatifs. Ces chiffres étaient :
Total des dépenses opérées de 1813 à 1839 inclus, fr. 4,988,971 06
Recettes fr. 7,469,251 67
Bénéfice fr. 2,480,277 61
M. Frère-Orban ajoutait :
« Au lieu d'un excédant de recettes, le décompte du collège échevinal présente, il est vrai, un excédant de dépenses, résultant de ce qu'on a fait figurer parmi celles-ci une somme de 3,590,014 fr. 12 c. sous le titre : « Nouveaux bassins », c'est-à-dire pour la construction des bassins du Kattendyk ; mais cet article ne concerne pas l'ancien port, auquel se rapporte le décompte ; la dépense a été faite pour un nouvel établissement devenu productif de revenu à partir du 22 octobre 1860, c'est-à-dire postérieurement à l'année 1859. Il est donc constant que la caisse communale a réalisé un bénéfice considérable par l'exploitation de l'ancien port,
« Le fait est du reste avoué. Les commissions réunies du commerce et des finances, dans le rapport déjà cité, disaient : « Nous ne pourrions admettre le principe que tous les travaux maritimes que la ville fait construire dussent nécessairement devenir une source de revenus directs pour le trésor communal. »
Le collège échevinal répondit à cette déclaration : « Ce sont cependant ces revenus directs qu'on fait ordinairement miroiter aux yeux de l'administration chaque fois que l'on désire vivement l'exécution de l'un ou l'autre ouvrage. »
Vous le voyez, messieurs, l'assertion que j'ai énoncée tout à l'heure est parfaitement justifiée par les documents du dossier.
La question est donc bien de savoir si la ville d'Anvers peut légitimement percevoir à son profit des taxes sur l'usage établissements maritimes construits aux frais de l'Etat, aux frais de la généralité des habitants.
La solution à donner à la question de principe ne me paraît pas douteuse. Vous dites que la constitution d'un fonds spécial ne servirait à rien, que ce fonds spécial serait aujourd'hui en déficit. J'accepte votre affirmation sous bénéfice de contrôle. Mais ce qui se passe aujourd'hui peut fort bien ne plus se produire dans deux ans, dans quatre ans, dans dix ans. Rien que par la progression des affaires commerciales, le compte du port peut, avant peu d'années, se solder en équilibre et même donner un excédant.
C'est une éventualité qu'il faut prévoir et régler à l'avance, qu'il faut, en tous cas, se mettre en position de pouvoir constater.
Je veux bien que la ville se rembourse intégralement de ses avances, mais ce contre quoi je m'élève, c'est la continuation du système actuel, qui soustrait la ville d'Anvers à tout contrôle et qui lui permettrait d'appliquer a des dépenses de luxe, à des travaux d'agrément, le produit d'établissements maritimes créés aux frais de la généralité, créés aux frais de la nation.
Donnez-nous une garantie que la ville d'Anvers gérera ces établissements de manière à n'en tirer que la rémunération du service rendu. Cette garantie, nous ne pensons pouvoir la trouver que dans la constitution d'un fonds spécial.
M. le ministre des finances a dit, relativement au bassin à charbons créé par la dérivation du canal de la Campine, qu'il allait négocier.
Mais quel sera le résultat des négociations ? Qu'arrivera-t-il si la ville d'Anvers se refuse à toute entente ? C'est que nos charbons payeront 30 centimes par tonneau pour entrer dans des bassins construits aux frais de la généralité.
Ce sera la constitution d'un nouveau péage de l'Escaut, prélevé non plus sur les marchandises arrivant de l'étranger, mais sur les marchandises arrivant de l'intérieur ; et puisqu'on a racheté le premier, je ne veux pas qu'on soit un jour dans le cas de devoir en racheter un second.
(page 1773) M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, je suis absolument opposé à la constitution du fonds spécial que demande l'honorable M. Sainctelette.
Me plaçant à son point de vue, je dis que, si l'exploitation du port laissait la ville d'Anvers en perte, l'honorable M. Sainctelette ne viendrait pas proposer à l'Etat de combler le déficit des finances communales. Il veut donc que la ville soit exposée aux chances de perte sans avoir aucune chance de bénéfice. Cela n'est pas juste.
Certainement, il importe que la ville d'Anvers n'exagère pas la perception.
- Un membre. -Quelle garantie avons-nous à cet égard ?
M. Jacobs, ministre des finances. - La garantie c'est le droit du gouvernement d'approuver ou d'improuver les règlements communaux ; le gouvernement a approuvé en 1863 les taxes que la ville d'Anvers perçoit aujourd'hui.
Je ne trouve pas mauvais que la ville d'Anvers, qui a les mauvais chances, ait aussi les bonnes. Ce qui importe, c'est qu'elle ne puisse, par des taxes exorbitantes, placer le commerce et l'industrie dans une position difficile ; sous ce rapport, la tutelle du gouvernement existe, elle offre une garantie complète en dehors de la constitution d'un fonds spécial.
Cette constitution n'aurait qu'un résultat, c'est de porter atteinte à la liberté communale, c'est d'exproprier la ville d'Anvers de ses bassins.
L'honorable M. Sainctelette a cité des chiffres d'après lesquels la ville d'Anvers ferait un bénéfice au moyen de ses taxes ; mais il n'a tenu compte que des dépenses exclusivement inhérentes au port, il a écarté toutes les dépenses ayant un caractère mixte, mi-civiles, mi-commerciales. C'est ainsi qu'il est arrivé à un bénéfice, mais, s'il avait ajouté 100,000 francs seulement pour les dépenses mixtes, vous trouveriez un déficit notable.
Messieurs, nous allons nous livrer, de concert avec la ville d'Anvers, à de grands travaux.
Il faudra une entente sur différents points : la ville aura à créer plusieurs bassins ; les dépenses à faire par la ville seront plus considérables que les dépenses incombant à l'Etat.
Il faudra même, pour alléger la charge d'Anvers et la rendre supportable, lui accorder l'expropriation par zones.
(page 1774) II y aura, messieurs, une foule de questions à résoudre de commun accord : l'Etat fera-t-il l'écluse à ses frais exclusifs ou la ville y intervien ra-t-elle dans une certaine mesure, peur une certaine part ? A quelles conditions l'Etat cédera-t-il à la ville les terrains occupés actuellement par le canal de la Campine et qui vont se trouver sans destination ? Quels seront les tarifs de perception sur la dérivation du canal ?
Cela, et d'autres points encore, feront réglés par une négociation.
La ville d'Anvers ne peut nous refuser des conditions raisonnables, car elle dépend en ceci de l'Etat. Il suffirait que nous n'achevions pas l'écluse pour que la ville se trouve dans une situation intolérable. La ville a besoin en outre des terrains occupés aujourd'hui par le canal de la Campine pour compléter les bassins et la voirie.
Nous aurions donc des armes plus que suffisantes, si la ville d'Anvers était récalcitrante ; mais elle est prête à traiter et a régler toutes les questions avec le gouvernement à des conditions équitables.
Le gouvernement aura soin que l'intérêt public ne soit pas lésé, mais il ne peut non plus laisser empiéter sur le terrain communal, sur les droits de la ville d'Anvers, en mettant en chartre privée, pour ainsi dire, tous les établissements maritimes de la ville.
M. Gerrits. - Messieurs, l'honorable M. Sainctelette inscrit à la charge de. la ville le cadeau qui nous aurait été fait des anciens bassins.
Il ne tient pas compte de ceci : dans les 75,000 francs qui forment le total des taxes perçues par la ville, sont comprises les taxes perçues dans les anciens bassins, aux anciens quais et dans les anciens canaux.
Comment peut-on prétendre que la ville d'Anvers a un bénéfice sur les taxes perçues par elle, puisque le total de ces taxes ne couvre pas même les intérêts des sommes dépensées pour travaux maritimes pendant les douze dernières années ?
L'honorable M. Sainctelette veut que la ville d'Anvers ne perçoive pas de taxes dans les bassins qu'elle aura encore a creuser.
M. Sainctelette. - Je n'ai pas dit cela.
M. Gerrits. - Elle fera, dites-vous, à ses frais, le détournement du canal de la Campine et vous ne voulez pas qu'elle reçoive une taxe sur les bateaux chargés de charbons.
Si elle ne peut recevoir des taxes, elle refusera de faire le travail.
Quand il s'est agi d'établir des bassins dans l'emplacement où est la citadelle du Sud, bassins qui doivent être construits par le docteur Strousberg nous avons été heureux de voir que la ville n'avait pas à intervenir ; mais comme probablement le gouvernement ne fera pas le détournement du canal de la Campine, ne créera pas le bassin qui en sera la conséquence, le commerce n'aura pas les établissements dont il a besoin.
La proposition de l'honorable M. Sainctelette tournerait donc tout à fait au détriment du commerce. L'expérience nous a montré que le creusement de bassins, avec les taxes stipulées dans le traité international de 1863, n'est pas une opération avantageuse, au point de vue exclusif de la caisse communale d'Anvers.
Mais nos intérêts sont plus élevés. Nous tenons au développement du commerce et c'est pourquoi nous souscrivons à des sacrifices qui sont considérables. Si le compte devait en être établi rigoureusement, on trouverait peut-être, comme total des sacrifices annuels, non seulement 250,000 francs, comme je le disais tout à l'heure par modération, mais un demi-million.
Vraiment je ne comprends pas les attaques dirigées par des membres de la gauche contre Anvers. Lorsque le commerce se développe, tous les citoyens belges en profitent. La prospérité du port d'Anvers, c'est la prospérité du pays tout entier. S'opposer à l'exécution de travaux indispensables ou priver la commune d'Anvers des ressources nécessaires pour réaliser des progrès, c'est agir contrairement aux intérêts de tous les commerçants...
- Une voix. - Et du pays.
M. Gerrits. - Et du pays, naturellement.
(page 1804) M. Sainctelette. - Je tiens à ce qu'il n'y ait, ni au banc ministériel, ni sur le banc des députés d’Anvers, de méprise aucune sur le mobile qui m'a dicté les observations que vous venez d'entendre.
J'approuve tout ce qui est fait pour le développement et l'agrandissement du port d'Anvers. J'approuve que l'Etat vienne en aide à la ville d'Anvers pour l'agrandissement du nouveau port, pour la fondation à Anvers d'un établissement maritime de premier ordre. Ce contre quoi je m'élève et ce contre quoi je demande des garanties, c'est la faculté laissée à la ville d'Anvers de percevoir à son profit des taxes sur des dépenses faites par la généralité, de consacrer à des dépenses de luxe et d'agrément des taxes levées sur le travail.
Quelle garantie nous offrent, à ce double point de vue, MM. Jacobs et Gerrits ? Aucune.
M. Gerrits et M. Jacobs élèvent contre ma proposition cette objection qu'il est juste que la ville d'Anvers, qui supporterait les pertes, jouisse aussi des bénéfices..
Ainsi donc, quand même les taxes, au lieu de rapporter seulement l'intérêt à 5 p. c. ou à 4 1/2 p. c. du capital immobilisé, rapporteraient le double ou le triple, la ville d'Anvers, en vertu du principe que celui qui supporte la perte doit recueillir le profit, pourrait, au préjudice de l'industrie et du commerce, encaisser tout le produit d'impôts exorbitants. C'est bien le cas de dire « qui prouve trop ne prouve rien ».
Mais la proposition que je fais n'a rien d'incompatible avec la possibilité pour Anvers de se rembourser des pertes qu'elle pourrait avoir à supporter. Le fonds spécial pourrait être organisé comme l'eût, au profit de l'Etat, la garante d'intérêt accordée aux entreprises de travaux publics. Il pourrait être stipulé que lorsque le produit des taxes restera inférieur à un taux à déterminer du capital dépensé, le fonds spécial sera débité du déficit jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli.
M. Jacobs n'a d'autre garantie à nous offrir que celle du bon vouloir de la ville d'Anvers, de la bonne entente de la ville d'Anvers avec le gouvernement. J'accorde que cette bonne entente existera tant que l'honorable M. Jacobs sera au banc ministériel, mais je ne souhaite pas que l'honorable M. Jacobs occupe indéfiniment son siège ministériel.
Un autre gouvernement succédera sans doute à celui-ci, et si la ville d'Anvers n'éprouve pas pour ce gouvernement nouveau les mêmes, sympathies, la même attraction qu'elle peut éprouver pour le gouvernement représenté par M. Jacobs, le pays sera donc à la merci de la ville d'Anvers, qui aura le droit de percevoir, sur tous les produits du pays, un nouveau péage de l'Escaut.
C'est là une situation que je trouve profondément irrégulière et je crois que le gouvernement ferait acte de dignité en établissant dès à présent les bases d'une entente à cet égard avec la ville d'Anvers.
Si l'Etat intervient pour la construction de nouveaux établissements, quoi de plus naturel que de partager le produit des taxes entre l'Etat et la ville, selon la contribution à la dépense ? Ou, ce qui vaut mieux encore, que l'on ouvre un compte particulier à chaque établissement maritime.
En permettant à la ville d'Anvers de faire entrer dans ce compte spécial toutes les dépenses par elle faites en vue d'un commerce, qui fait sa grandeur et sa prospérité, on lui offre déjà un avantage considérable.
J'insiste donc sur ma proposition et je la recommande de nouveau à la plus sérieuse attention du gouvernement.
(page 1774) M. Bara. - Je désire adresser à M. le ministre des travaux publics une question au sujet du paragraphe en discussion. Ce paragraphe porte : « Construction de nouveaux murs. » Or, messieurs, on assure que la construction de nouveaux murs, à Anvers, le long de la rive droite de l'Escaut, coûterait, au moins, 35 millions. (Interruption.) On a, paraît-il, l’intention de faire un nouveau mur depuis la citadelle du Nord jusqu'à la citadelle du Sud, et l'on assure qu'il y a, sur ce point, des projets au département des travaux publics.
L'exposé des motifs et le rapport de la section centrale ne disent presque rien a ce sujet, et c'est précisément pour dissiper toute équivoque, c’est pour empêcher que la Chambre ne vote un principe en mène temps qu'un crédit, que je viens demander une explication au gouvernement.
On veut, paraît-il, construire, sur la rive droite de l'Escaut, .un mur qui permette aux navires de charger et de décharger à quai.
Actuellement le mètre de quai ne coûte que 800 francs ; d'après les projets en question, il coûtera une somme vraiment fabuleuse.
Je demande comment on peut venir solliciter de la Chambre un véritable vote de principe à l'occasion d'un crédit relativement insignifiant, et cela sans même lui soumettre aucun plan, aucun devis, aucun renseignement quelconque.
Hier, messieurs, on n'a pas même voulu nous accorder une modique somme de 200,000 francs pour un travail absolument indispensable, un travail qui serait l'accomplissement d'obligations contractées par l'Etat. Aujourd'hui, il s'agit d'Anvers, et, sans que rien ait été décidé, sans le moindre document, on demande à la Chambre de résoudre une question de principe de la plus haute importance, sous forme de vote d'un crédit d'un million.
Eh bien, je demande au gouvernement s'il est vrai qu'il veuille obtenir un vote de principe qui aurait pour effet d'imposer au pays, plus dans l'intérêt de la ville d'Anvers que dans celui du pays, une dépense extrêmement importante et qui laisserait loin derrière elle celle qu'ont coûtée les fortifications d'Anvers.
J'ajoute que cette dépense ne saurait équitablement être mise à la charge de l'Etat : il n'y a pas, m'assure-t-on, en Europe, un seul port ayant le long du fleuve exclusivement des murs de quai où les vaisseaux puissent opérer leur déchargement et leur chargement.
Partout ce sont des bassins qui servent à ces opérations. Anvers a des bassins ; d'autres bassins doivent encore y être construits ; par conséquent de nouveaux quais sont tout à fait superflus.
Je désire obtenir une explication du gouvernement sur la question que j'ai cru devoir soulever.
M. Jacobs, ministre des finances. - Les quais d'Anvers présentent une ligne fort irrégulière ; sur un point même, appelé le Wert, il se trouve une avancée très considérable. Nos ingénieurs hydrographes ont, depuis longtemps, reconnu que, par suite de l'irrégularité des quais, il se forme dans le fleuve des bancs de sable très nuisibles à la navigation en rade d'Anvers.
Pendant mon court passage au département des travaux publics, j'ai été amené, par suite d'interpellations antérieures formulées au sein de cette Chambre, à nommer une commission composée de spécialistes, pour déterminer quel serait le meilleur alignement à donner aux quais d'Anvers. Cette commission s'est inspirée du double intérêt de la navigation et du trésor, de façon à ne pas nous entraîner à des dépenses trop considérables. Elle a terminé son travail et celui-ci a obtenu l'approbation générale du corps des ponts et chaussées.
Ce plan général comprend trois parties : au sud, les quais qui devront être construits par le docteur Strousberg. Le besoin d'établir prochainement ces quais rendait plus nécessaire encore l'adoption d'un plan d'ensemble indiquant les travaux actuellement indispensables et ceux que j'appellerai les travaux de l'avenir.
A la suite des quais Strousberg, viennent les anciens quais ; ce sont ceux qui ont été cédés par l'Etat à la ville d'Anvers. Enfin la troisième partie, le quai du Rhin appartient à l'Etat. Le plan a été adopté en ce qui concerne les travaux à faire par le docteur Strousberg. Que coûtera cette partie des travaux ? Je l'ignore et je n'ai nul intérêt à le savoir, puisque l'Etat n'a pas à intervenir.
Quant à la partie centrale des quais, la dépense sera considérable ; j'ai entendu parler d'une somme, de douze millions ; mais ceci est l'œuvre de l'avenir ; cela n'est pas indispensable à présent.
M. Bara. - Vous voyez !
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est évident ; c'est l'idéal à atteindre un jour.
M. Bara. - Et qui payera ?
M. Jacobs, ministre des finances. - On décidera cela quand on décidera l'exécution.
- Voix à gauche. - Ah ! ah !
M. Jacobs, ministre des finances. - Mais il ne s'agit pas de le construire ni aujourd'hui, ni demain.
M. Bara. - Le principe serait résolu.
M. Jacobs, ministre des finances. - En aucune façon. Si vous connaissiez les lieux, vous ne vous exprimeriez pas ainsi.
(page 1775) Les quais à construire par le docteur Strousberg doivent en toute hypothèse être construits dans l'alignement adopté par la commission.
Au nord, le quai du Rhin, pour lequel les Chambres ont voté des crédits considérables, se lézarde ; il a été reconnu que tant qu'on n'en modifierait pas l'emplacement, il serait exposé a des effondrements.
On a décidé qu'il fallait avancer le quai du Rhin ; en toute hypothèse, il faudrait reconstruire le mur lézardé ; mais il vaut mieux, de l'avis des ingénieurs, établir ce quai sur l'alignement nouveau.
Voilà donc les deux extrémités des quais d'Anvers.
Le quai du Rhin donnera lieu à une dépense de 3 1/2 millions au maximum. (Interruption.) Il faudra 3 1/2 millions pour la partie des quais appartenant à l'Etat.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Au maximum.
M. Jacobs, ministre des finances. Ces deux parties se trouvant construites, la partie centrale peut rester indéfiniment dans la situation actuelle ; les deux premières constructions sont indispensables au sud et au nord, et n'engagent pas le principe pour la partie intermédiaire. ; la Chambre sera libre de ne pas toucher aux quais appartenant à la ville. Quelle que soit la situation dans l'avenir, nous faisons une amélioration notable et une dépense indispensable.
Maintenant qui, dans l'avenir, supportera cette dépense de 12 millions peut-être, relative aux quais appartenant à la ville d'Anvers ? Je ne vous donnerai que mon opinion, car je ne serai probablement plus au département des finances le jour où cette question devra être tranchée. Dans mon opinion, il est juste que l'Etat et la ville interviennent chacun pour sa part ; il y aura à faire des expropriations considérables et à construire le quai : eh bien, si, par exemple, l'Etat construisait le quai et si la ville se chargeait des expropriations, peut-être la dépense serait-elle répartie équitablement.
Mais on ne se lancera dans l'opération que le jour où l'Etat et la ville d'Anvers seront d'accord sur la répartition de la dépense. En attendant, aucun principe n'est engagé ; les deux extrémités doivent, en tous cas, se faire d'après les plans nouveaux : la première, par le docteur Strousberg ; la seconde par nous. La partie centrale reste réservée ; c'est une question d'avenir et, je le déclare, de lointain avenir.
M. Bara. - Il s'agit d'une très grave question et l'on ne peut forcer la Chambre à se prononcer en l'absence de toute espèce de document et, je le dirai, dans l'ignorance des faits. (Interruption.) Il s'agit d'une question très grave et dont la solution peut entraîner des dépenses considérables.
M. Jacobs, ministre des finances. - Vous n'en savez rien du tout.
M. Bara. - Je vous demande pardon, et si M. le ministre des travaux publics veut nous communiquer le dossier, je prouverai que vous avez commis des inexactitudes. Je prétends qu'il y a des évaluations à concurrence de 30 à 35 millions.
M. Jacobs, ministre des finances. - Vous êtes dans l'erreur.
M. Bara. - Je ne suis pas dans l'erreur ; qu'on nous communique le dossier.
A lire le libellé du paragraphe ci-dessus, il ne s'agit que de la construction de nouveaux murs et d'embarcadères le long des quais du Kattendyck et du Rhin ; mais, messieurs, ces énonciations doivent être expliquées ; il s'agit de faire, tout le long de la rive droite de l'Escaut, à Anvers, toute une nouvelle ligne de murs et de creuser le lit du fleuve jusqu'à des profondeurs telle, que les navires puissent venir se placer devant ces murs et que le chargement et le déchargement puissent se faire le long du quai. Il s'agit donc d'un travail colossal ; on nous dit que, pour le moment, il n'est question que de travaux à exécuter sur le quai du Rhin ; mais quand la Chambre aura voté le principe, il faudra que plus tard la Chambre accorde des sommes considérables tour les constructions qui seront la conséquence des travaux exécutés au quai du Rhin et du principe admis.
Nous ne savons pas à quoi nous nous engageons en votant ce premier crédit. Car je défie quiconque aura lu l'exposé des motifs et le rapport de la section centrale de deviner que nous allons nous engager dans une entreprise aussi considérable.
On nous parle d'une commission qui a été instituée pour cet objet. S'il y a des plans et si la commission a fait son travail, pourquoi ne nous communique-t-on pas ces pièces ?
Lorsqu'il s'est agi des fortifications d'Anvers, on a demandé et obtenu toute espèce de documents et d'éclaircissements.
Et, dans le cas actuel, on veut engager la législature dans des dépenses considérables, et on ne lui communique absolument rien, et on ne lui donne pas d'explication.
Je demande si c'en là un procédé convenable.
Que lisons-nous dans le rapport de la section centrale ?
« La section centrale appelle l'attention toute spéciale du gouvernement sur la publicité à donner aux projets de l'administration, non seulement avant l'exécution des projets, mais avant l'examen de la législature. »
Eh bien, M. le ministre de» finances qui est député d'Anvers, et M. le rapporteur de la section centrale qui est également député d'Anvers, ne devaient-ils pas saisir cette occasion pour donner à la Chambre des éclaircissements complets qui pussent guider notre vote ?
Notez qu'il ne s'agit pas seulement de réparations ; il s'agit de dépenses qui, d'après M. le ministre des finances, doivent s'élever à 16 millions. Et ce n'est pas le dernier mot de cette dépense destinée à raccorder les quais du Nord et ceux du Midi.
Si nous votons le paragraphe sans protestation, on nous dira que la législature est liée par cet article qui ne concerne que le quai du Rhin ; et nous allons insérer dans la loi que l'Etat va faire presque exclusivement à ses frais les quais d'Anvers.
Dans toutes les autres villes traversées par des fleuves, on a construit des quais ; est-ce que l'Etat s'est chargé de cette dépense ? A Tournai, on a construit des quais et l'Etat n'a pas alloué un sou pour cette dépense. (Interruption.)
Il paraît qu'il n'y a de respectable que l'intérêt de la ville d'Anvers. (Nouvelle interruption.)
Quand un représentant de la gauche a le malheur d'invoquer l'intérêt de la ville qui l'a envoyé ici, il lui faut subir les risées et les insultes des membres du banc anversois.
M. le président. - M. Bara, les mots que vous venez d'employer ne sont pas parlementaires.
M. Bara. - Dites cela à MM. les députés d'Anvers qui se mettent à rire quand je dis que le gouvernement n'a pas donné un centime à la ville de Tournai pour la construction de ses quais.
M. Muller. - Il faut empêcher les interruptions de la droite.
M. le président. - La gauche interrompt aussi très souvent, et il vaudrait mieux ne pas interrompre ni d'un côté ni de l'autre.
M. de Rossius. - Commencez par protéger la minorité.
M. Bara. - Je dis donc, messieurs, que je déplore la manière dont le gouvernement a introduit cet article, laissant ignorer et mettant la Chambre dans l'impossibilité de savoir ce qu'était ce libellé. Il a voulu engager la Chambre dans des dépenses considérables sans aucune espèce de pièces à l'appui, sans aucune espèce de travail indiquant ce qu'il s'agit de faire, les changements que l'on veut introduire dans les quais. C'est là quelque chose de profondément déplorable, et quant à moi, je voterai contre l'article ne fût-ce que comme protestation contre ce procédé ; je déclare que la législature ne peut être liée par le vote de l'article en ce moment en discussion, et je démasque à l'avance la manœuvre qui a pour objet d'engager les pouvoirs publics dans des dépenses considérables dont plusieurs ne sont pas utiles au port d'Anvers.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - L'honorable M. Bara a toujours sa façon à lui d'interpréter les actes de ses adversaires ; eh bien, je lui déclare qu'il ne trouvera rien à démasquer ici, attendu qu'il n'y a pas la moindre manœuvre de la part du gouvernement. En lisant l'exposé des motifs, il est impossible à tout homme de bonne foi de douter un instant de ce que le gouvernement veut faire et de penser qu'il projette autre chose que ce qu'il annonce.
En effet, que dit l'exposé des motifs ?
« Le département des travaux publics a été saisi, par la commission instituée ad liée, d'un avant-projet de l'ensemble des quais à construire ou à redresser le long de l'Escaut, à Anvers.
« L'examen principal de cet avant-projet est terminé ; mais il reste en instruction le point de savoir s'il n'y a pas lieu de modifier une partie du tracé proposé.
« Cette instruction complémentaire sera accélérée autant que possible, afin qu'un projet définitif puisse prochainement être adopté.
« Les murs de quai que comportera ce projet se subdivisent en trois parties, à savoir :
« Ceux vers l'amont, à construire par M. le docteur Strousberg, en exécution des conditions de son acquisition des terrains de la citadelle du Sud ;
« Ceux formant la partie centrale, qui ont été cédés par l'Etat à la ville d'Anvers ;
« Enfin ceux destinés à compléter le mur du quai du Rhin et qui doivent être exécutés par le gouvernement, aux frais exclusifs du trésor.
(page 1776) « La construction de ces derniers murs de quai exigera pour le moins trois ans ; il importe donc à un haut degré que cette construction puisse être entamée dans un très prochain avenir,
« C'est pour être mis à même de donner un commencement d'exécution à cet important travail que le gouvernement demande qu'un crédit de 1,000,000 de francs soit mis à la disposition du département des travaux publics, pour être ajouté à la partie encore disponible de celui de 500,000 francs alloué par la loi du 3 juin 1870. »
Je vous demande si, en présence de l'exposé des motifs que l'honorable M. Bara n'a pas lu, il est possible de dire qu'il y ait doute un instant sur les travaux qu'il s'agit de faire. Il n'est question que des quais du Rhin appartenant à l'Etat. Le principe n'est nullement entamé pour les autres quais, et si le principe avait été entamé, ce ne serait pas par le ministre des travaux publics actuel, ce serait par son prédécesseur qui, dans la loi du 3 juin 1870, a demandé pour cet objet un premier crédit de 500,000 francs, d'une partie duquel nous allons disposer actuellement.
Voilà la vérité. Le gouvernement n'a jamais voulu aller plus loin ; il n'a jamais voulu entraîner la Chambre dans un traquenard, pas plus pour la ville d'Anvers que pour aucune autre ville du pays.
Quant aux devis, ils n'existent pas complètement, comme ils n'existent pas non plus pour d'autres travaux que nous proposons. Cela est regrettable et je me propose, de veiller dans la mesure du possible à ce qu'il n'en soit plus ainsi, lorsque nous aurons d'autres crédits à demander. Mais nous ne devons pas faire d'exception pour Anvers.
M. Bara. - Et pour Tournai ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Pour Tournai, il n'existait de renseignements que dans une des hypothèses possibles. Ici au moins j'ai quelques données. Si je n'ai pas un devis complet, il résulte des renseignements que j'ai recueillis que je puis évaluer les travaux à faire aux quais du Rhin, les seuls dont il soit question en ce moment, les seuls, j'appuie sur le mot.
Voici les indications qui m'ont été fournies :
Le quai a 600 mètres de longueur et je ferai observer qu'il a été construit par l'Etat ; s'il exige des dépenses, c'est qu'il n'a pas été établi dans de bonnes conditions, c'est que les murs sont près de s'écrouler, au grand détriment du commerce.
La longueur étant de 600 mètres et la dépense étant évaluée de 5,000 à 6,000 francs par mètre courant, il faudra appliquer au travail une somme de 3,000,000 à 3,600,000 francs.
Voilà la vérité.
Du texte que je viens de citer, il résulte à l'évidence qu'aucun principe n'est engagé sur une dépense dont le montant serait inconnu. Il en résulte que nous ne faisons que nous conformer à une décision prise par nos honorables prédécesseurs, et si quelqu'un prête aux critiques que vous avez entendues, ce n'est pas nous, qui ne faisons qu'exécuter une loi intervenue sur d'initiative d'un cabinet qui n'a jamais passé pour vouloir faire des faveurs à la ville d'Anvers.
Il faut y mettre ou une légèreté inexplicable ou un désir immodéré d'attaquer le gouvernement actuel, pour articuler les insinuations et les attaques contre lesquelles je ne saurais protester trop vivement.
M. Jamar. - Il y a un désaccord assez important, que je tiens à constater, entre M. le ministre des finances et M. le ministre des travaux publics.
Je prends acte de la déclaration faite par l'honorable M. Wasseige qu'il ne s'agit que de fournir au département des travaux publics le moyen de compléter les travaux dont le principe a été inscrit dans la loi du 3 juin 1870.
Nous sommes bien d'accord, je pense ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Oui.
M. Jamar. - Il est une chose que je regrette, messieurs, presque à l'égal de l'absence des plans qu'a signalée l'honorable M. Bara, c'est l'absence de la convention qui doit être conclue entre le gouvernement et la ville d'Anvers.
Je demande si M. le ministre des travaux publics prend l'engagement de ne faire l'emploi d'aucun crédit à de nouveaux travaux avant qu'une convention ne règle entre le gouvernement et la ville d'Anvers la part de leur intervention dans la dépense de ces divers travaux.
D'importantes négociations sont engagées depuis longtemps pour aboutir à ce résultat, mais il semble que la convention n'est pas près d’être conclue. Je ne puis m'empêcher de rappeler à mon honorable successeur que le gouvernement a éprouvé des mécomptes très sérieux dans ses rapports avec la ville d'Anvers, notamment dans les années 1865 et 1866.
Le département des travaux publics a eu, à cette époque, des sujets de griefs légitimes contre l'administration communale de la ville d'Anvers.
Je demande donc que M. le ministre prenne l'engagement de ne faire emploi d'aucun crédit pour les travaux nouveaux avant qu'une convention ne soit intervenue.
La Chambre aura ensuite à examiner si, dans cette convention, les intérêts de l'Etat ont été suffisamment sauvegardés.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Quant au travail dont il s'agit, il n'y a pas de convention à faire ; c'est un quai établi par l'Etat et les travaux qu'il nécessite sont à la charge de l'Etat.
Mais il doit y avoir convention pour ce qui concerne les établissements maritimes prévus au paragraphe 32 des crédits demandés. Un projet d'arrangement réglant cet objet a été minuté par le département des travaux publics et envoyé à l'administration communale d'Anvers. Il est revenu avec des observations de très minime importance. Quand nous nous serons entendus, et je ne pense pas que cela puisse offrir de sérieuses difficultés, nous mettrons la main à l'œuvre.
M. Jamar. - Je désire qu'il n'y ait pas d'équivoque et je crois devoir donner un conseil à mon honorable successeur.
Pendant que j'étais à la tête du département des travaux publics, ayant à m'occuper de cette convention, j'avais reconnu la nécessité de comprendre dans la même négociation les travaux hydrauliques et les installations de chemin de fer à établir à Anvers, et j'avais institué une commission pour examiner les différentes questions qui doivent être résolues entre l'Etat et la ville d'Anvers,
Je pense qu'il est sage de suivre cette marche et qu'en s'en écartant l'honorable M. Wasseige s'expose à de très sérieux ennuis dans l'avenir.
M. Jacobs, ministre des finances. - Les conseils de l'honorable membre peuvent avoir leur prix, mais je lui ferai observer qu'il n'a pas réussi, lui qui nous prodigue les conseils, à terminer une affaire que nous espérons faire aboutir.
Nos prédécesseurs n'ont réussi qu'à aigrir les rapports entre la ville d'Anvers et l'Etat ; aussi accuse-t-il la commune de mauvais vouloir.
Nous avons l'espoir fondé d'arriver à une entente de nature à donner satisfaction aux deux parties engagées. (Interruption.)
M. Jamar. - Je demande que ce ne soit pas aux dépens du trésor.
M. Jacobs, ministre des finances. - Vous serez frappés, messieurs, comme moi, du sentiment de défiance qui se trahit chez les membres de la minorité quand il s'agit d'Anvers ; vous l'avez aperçu chez l'honorable M. Sainctelette, chez l'honorable M. Bara, et enfin chez l'honorable M. Jamar.
Je demande que l'on traite Anvers avec un peu plus de confiance. Anvers est disposé à supporter sa part des sacrifices, à traiter avec l'Etat loyalement et sur des bases raisonnables ; l'Etat ne demande pas autre chose.
Le quai du Rhin, dont il s'agit, forme un ensemble tout à fait distinct des autres quais. Les anciens quais vont jusqu'aux anciens bassins de Napoléon, l'écluse de ces bassins et l'écluse du Kattcedyck sont les deux limites du quai du Rhin qui forme un tout distinct.
Si j'ai parlé du coût du redressement des anciens quais évalué à 12 millions, c'est uniquement parce que l'honorable M. Bara a indiqué un chiffre de 35 millions.
Dans ce chiffre figurent les 3 1/2 millions pour le quai du Rhin, les 12 millions des anciens quais d'Anvers, les nombreux millions à dépenser par le docteur Strousberg, et, outre cela, l'exagération de l'honorable membre.
- Le chiffre d'un millon est adopté.
« Paragraphe 16. Canal de Turnhout à Anvers, par Saint-Job in 't Goor : fr. 1,000,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 17. Travaux d'amélioration du port d'Ostende : fr. 281,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 18. Part d'intervention de l'Etat dans la suppression du bief de Gravioule, qui réunit à la Meuse le bras de l'Ourthe appelé Barbou, à Liège : fr. 84,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 19. Raccordement entre les stations des Guillemins et de Vivegnis, à Liège : fr. 400,000. »
M. Braconier. - Messieurs, je viens présenter à l'honorable ministre des travaux publics quelques observations sur l'insuffisance du crédit réclamé pour le raccordement des stations des Guillemins et de Vivegnis à Liége.
(page 1777) Dans l'exposé des motifs, qui est assez explicite sur cette question, on trouva ceci :
« Les travaux d'établissement de la partie du chemin de fer de raccordement comprise entre l'origine aux Guillemins et la rue Table de pierre, à Liège, ont été adjugés moyennant une somme de 2,021,375 fr.
« Les expropriations effectuées pour la construction de cette section du chemin de fer, les frais de surveillance des travaux et autres dépenses diverses, ont absorbé la somme de 2,076,612 fr.
« Ensemble 4,097,987 fr.
« Le crédit alloué étant de 5,000,000 fr.
« Le restant disponible n'est plus aujourd'hui que de 902.013 fr.
L'exposé de» motifs dit ensuite qu'au moyen du crédit sollicité et de la somme qui reste disponible, il sera possible d'imprimer aux travaux une marche prompte et régulière.
Je crois qu'il y a erreur dans l'exposé des motifs, et voici d'où elle provient.
Les expropriations pour la première section s'élèvent actuellement à 2,076,612 francs. Mais elles ne sont pas terminées. Il y en a une multitude qui sont encore en litige devant les tribunaux et ce sont peut-être les plus coûteuses.
Or, il vous restera à peine 400,000 francs pour l'exécution de la deuxième section. Cette somme ne suffira pas pour les expropriations. Vous serez donc obligés de cesser les travaux. Ils sont adjugés, mais s'il n'y a pas de crédit suffisant pour les solder, il faudra bien les interrompre.
C'est un travail qui n'aura d'utilité réelle que du moment où il sera terminé.
Cette utilité est non seulement de relier le chemin de fer Liégeois-Limbourgeois avec le chemin de fer de l'Etat a la gare des Guillemins, elle est encore autre ; grâce à cette ligne, on pourrait dégager la station de Liège et éviter ainsi l'encombrement qui a lieu fort souvent.
Je ne viens pas proposer d'amendement, je ne viens pas réclamer une augmentation de crédit ; je suis convaincu que je ne l'obtiendrais pas et que l'honorable ministre des travaux publics me répondrait ce qu'il a répondu à ses amis du Limbourg : Nous avons distribué le crédit de 22 millions en tenant compte des besoins les plus sérieux et les plus immédiats des différents arrondissements.
Eh bien, permettez-moi de vous dire que cela n'est pas exact. Je crois qu'il y a dans cette distribution du crédit de 22 millions certains crédits dont le besoin immédiat ne se fait pas sentir ; il y en a un entre autres fort important et qui dans l'exposé des motifs n'a que trois lignes d'explications, c'est le crédit de 4 millions pour la ville d'Anvers.
Je suis loin de m'élever contre les dépenses sollicitées pour Anvers ; MM. les députés d'Anvers peuvent être persuadés que je ne leur marchanderai jamais les sommes qui sont reconnues nécessaires. Mais je demande s'il est bien utile de disposer dès maintenant de ces 4 millions. On a critiqué tout à l'heure le peu de développement de l'exposé des motifs en ce qui concerne les crédits pour la construction des quais d'Anvers ; permettez-moi de vous lire l'exposé des motifs en ce qui concerne le crédit de 4 millions réclamé pour les installations maritimes.
- Voici ce que dit l'exposé des motifs : il est très curieux par son laconisme et son peu de clarté :
« Une solution interviendra incessamment sur l'ensemble du projet des installations à créer pour le service des établissements maritimes à Anvers. Le crédit sollicité, ajouté à celui dont le gouvernement dispose encore, en vertu de la loi du 8 juillet 1865, permettra d'imprimer une vive impulsion à ces travaux. »
Voilà toute la justification du crédit sollicité.
Ainsi, il y a encore un crédit disponible en vertu de la loi de 1865 et maintenant on demande un nouveau crédit de 4 millions dont l'emploi n'est pas réglé. Il y a cependant des travaux nécessaires dans différentes provinces qui auraient exigé des crédits plus considérables, et que l'on est obligé d'ajourner.
Je ne veux rien déduire des dépenses proposées pour Anvers, si elles sont nécessaires, mais je demande qu'on m'éclaire. Peut-être des membres de cette assemblée ont-ils assez de confiance dans les projets du gouvernement pour lui donner toujours un satisfecit sans examen ; mais je n’ai pas cette confiance et lorsqu'il s'agit d'une somme importante à prélever sur les deniers publics, je suis d'avis qu'on nous doit bien quelques éclaircissements.
Je demande donc à M. le ministre des travaux publics s'il croit que ce crédit doive être dépensé tout de suite.
M. le président. - Nous ne sommes pas encore au paragraphe qui se rapporte à ce crédit, M. Braconier.
M. Braconier. - Je ne fais pas d'opposition au crédit, mais je demande qu'on exécute d'abord les travaux commencés et qui ont une urgence réelle et si l'on ne pourrait appliquer une partie du crédit de 4 millions a ces travaux plus urgents.
La province de Liège n'est pas traitée dans le projet d'une manière bien favorable ; l'arrondissement de Liège a peu de chose, celui de Huy n'a rien et celui de Verviers n'a presque rien, bien qu'il compte un de ses députés dans le cabinet. (Interruption.)
Je ne réclame pas de faveurs ; je demande simplement l'exécution des travaux commencés et qui n'auront d'utilité réelle que lorsqu'ils seront achevés.
Je le répète, je ne propose pas d'amendement, parce que je suis certain qu'il ne serait pas adopté ; mais je prie M. le ministre de bien vouloir me dire s'il prend l'engagement que les travaux du chemin de fer de raccordement entre les Guillemins à Vivegnis ne seront pas interrompus et s'il croit qu'il possède les crédits nécessaires pour la continuation de ce travail.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je prends volontiers l'engagement que M. Braconier vient de me demander en terminant son discours. Mon intention est que les travaux de raccordement entre les stations de Liège ne soient pas interrompus, et c'est parce que j'ai la conviction qu'ils ne le seront pas, que je me suis borné à demander un crédit peu élevé.
Les explications données par l'exposé des motifs à ce sujet sont peut-être insuffisantes ; je les complète. Il y a eu un premier crédit de 5 millions voté ; sur ce crédit, des imputations ont été faites à concurrence de 3 millions ; il reste donc 2 millions de disponibles.
M. Braconier. - L'exposé des motifs ne le dit pas.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Non, je le répète, il n'est pas assez clair.
Il nous reste donc 2 millions ; ajoutez-y les 400,000 francs que je demande, cela fait 2,400,000 francs, soit le montant des travaux restant à exécuter pour la première section et le total des travaux adjugés pour la seconde.
Les travaux ne s'exécutent que petit à petit, on ne fait des payements à l'entrepreneur que par sommes de 40,000 à 50,000 fr. à la fois» ; de sorte que nous avons de l'argent disponible pour longtemps.
Si mes prévisions étaient trompées, comme il sera très probablement demandé encore l'année prochaine un crédit pour travaux publics, j'y comprendrais le chemin de fer de ceinture de Liège.
Quant à Anvers, je puis déclarer que le chiffre de 4 millions est indispensable actuellement. La Chambre sait dans quelle position Anvers s'est trouvé l'année dernière à cause des encombrements ; je suis décidé à faire tous mes efforts pour que ces encombrements ne se renouvellent pas ; je compte mettre la main à l'œuvre avec énergie, non seulement par des installations nouvelles, mais par un outillage nouveau, que je me propose de commander immédiatement, de manière à donner aux opérations nécessitées par le trafic plus d'activité et de promptitude qu'elles n'en avaient l'année dernière.
Voici quelques mots sur la situation des crédits votés, pétitionnes et restant à demander pour l'installation des établissements maritimes d'Anvers. Les travaux qu'il y a encore lieu de faire actuellement peuvent être évalués à une somme totale de 10,000,000 de francs. L'allocation ouverte pour le même objet par la loi du 8 juillet 1865 présente un excédant disponible de 2,500,000 francs. Je sollicite, dans le projet de loi que nous discutons en ce moment, un nouveau crédit de 4 millions ; de sorte que la somme qu'il sera possible de consacrer aux travaux dont il s'agit, atteindra 6,500,000 francs et qu'il y aura lieu de demander encore ultérieurement 5,500,000 francs.
Telle est la situation ; elle ne pourrait, je crois, être exposée plus nettement.
Le crédit de 4 millions sera employé immédiatement et d'une manière très utile pour Anvers et pour le pays.
M. Braconier. - Je suis très satisfait des explications que vient de donner M. le ministre des travaux publics, car on ne pouvait supposer, d'après l'exposé, des motifs, qu'il y eût encore disponible une somme de 2,400,000 francs.
Si l'honorable ministre s’engage à ne pas interrompre les travaux de raccordement à la station de Liège, je n'ai plus rien à dire.
(page 1778) - Le paragraphe est adopté.
« Paragraphe 20. Chemin de fer de ceinture à Gand : fr. 1,000,000. »
M. de Smet. - J'ai toujours vu avec satisfaction demander des crédits pour l'exécution de travaux dans les diverses parties du pays, parce qu'ils contribuent généralement à l'accroissement de la fortune publique. Mon vote sera donc acquis au projet soumis actuellement à la législature.
Dans les 22 millions affectés à cet usage, l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter obtient un million pour le chemin de fer de ceinture à Gand.
J'ai l'espoir qu'au moyen de cette ressource il y aura possibilité de compléter dans un bref délai cette ligne si utile pour les nombreux établissements industriels qu'elle est destinée à desservir.
Un autre travail d'une utilité non moins incontestable pour lequel il n'est rien alloué, c'est celui dont mon honorable collègue de Baets s'est longuement entretenu dans cette enceinte, si vivement sollicité par le commerce et l'industrie de la ville de Gand, je veux parler de l'amélioration du canal maritime vers Terneuzen.
Sur les trois millions destinés a ces travaux, deux millions sont absorbés, il ne reste donc plus qu'un million, somme insuffisante pour entreprendre une nouvelle section.
J'appelle sur celle question l'attention toute spéciale de M. le ministre des travaux publics en le priant de solliciter le crédit nécessaire pour pouvoir faire droit aux justes aspirations du commerce gantois.
Je n'entends pas en faire l'objet d'un amendement, pour ne pas porter atteinte à l'équilibre financier du projet en discussion.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je dirai à l'honorable M. De Smedt que s'il n'est rien porté dans le projet, pour le canal de Terneuzen, c'est que les études ne sont pas terminées ; une commission internationale s'occupe de cette question et le gouvernement ne connaît pas encore le coût des travaux à entreprendre ; il ne peut donc préciser ce qu'il y a lieu de faire.
Ce n'est pas un million, mais plus de 1,200,000 francs qui sont disponibles et je prends l'engagement d'employer cette somme à l'amélioration du canal de Terneuzen, de manière que cette amélioration soit réelle et certaine, quelle que soit l'hypothèse qui se présente après que la commission internationale aura formulé ses propositions.
- Le paragraphe 20 est adopté.
« Paragraphe 21. Chemin de fer de Bruxelles à Luttre : fr. 3,000,000. »
M. Balisaux. - Je n'ai que quelques mots à dire à la Chambre et à l'honorable ministre des travaux publics, à propos du crédit demandé pour continuer l'exécution des travaux qui intéressent surtout l'arrondissement de Charleroi, c'est-à-dire le chemin de fer de Bruxelles à Luttre et les travaux de la station de Charleroi ; je n'abuserai donc pas des moments de la Chambre ; je crois, du reste, ne l'avoir pas souvent fatiguée de mes paroles.
J'aurais certes mauvaise grâce, je serais même injuste envers le gouvernement, si je l'accusais d'avoir oublié l'arrondissement de Charleroi dans la distribution de ses faveurs, puisque le projet soumis à vos délibérations lui accorde d'abord une somme de 3 millions pour le chemin de fer de Bruxelles à Luttre, plus une somme de 500,000 francs pour continuer les travaux de la station de Charleroi.
Mais ce que je tiens à critiquer et à critiquer avec amertume, c'est l'esprit de lésinerie, de mesquinerie qui semble dominer tous nos gouvernants, lorsqu'il s'agit de décréter des travaux d'utilité publique ; ce que je blâme en outre, c'est la lenteur désespérante que le département des travaux publics met toujours dans l'exécution des travaux dont les Chambres ont reconnu l'utilité et même la nécessité et dont elles ont décrété l'exécution.
Les travaux d'utilité publique n'ont pas seulement pour résultat de donner satisfaction aux intérêts généraux du pays, de favoriser son commerce et son industrie, mais encore et souvent même de favoriser les intérêts du trésor public.
Quanti l'intérêt général n'est pas trop pressant, quand il y est satisfait provisoirement d'une autre manière, je comprends encore que le gouvernement n'apporte pas à l'exécution de ces travaux toute la diligence désirable ; il n'en est pas de même quand les intérêts du commerce et de l'industrie ainsi que ceux du trésor public même peuvent être compromis par un retard que rien ne justifie.
Le chemin de fer de Luttre à Bruxelles ou plutôt de Châtelineau à Bruxelles a été décrété par les Chambres en juillet 1865 ; il a été reconnu alors, par les devis estimatifs qui ont été fournis, que le coût de ce chemin de fer s'élèverait à la somme de 12 millions de francs environ.
Quelque temps après, dans le but peut-être de favoriser une société de chemins de fer qui venait de se créer, la société des Bassins houillers, le gouvernement lui concéda une partie de cette ligne, l'embranchement de Châtelineau à Luttre ; mais le département des travaux publics restait chargé d'exécuter la ligne de Luttre à Bruxelles et il devait commencer cette exécution en 1865 ; nous sommes en juillet 1871,il y a donc six ans que les travaux ont dû être commencés ; il résulte de l'exposé des motifs du projet de loi en discussion qu'une somme de 5,600,000 francs a été dépensée, jusqu'à ce jour, pour cet objet ; or, cette somme représente un intérêt assez considérable, soit 250,000 francs par an au moins, qui sont complètement perdus pour le trésor public, à cause de retards inexplicables d'exécution, attendu qu'un chemin de fer ne peut produire de fruits que lorsqu'il est mis en état de rendre les services qui ont motivé son établissement.
Nous avons donc dépensé, jusqu'aujourd'hui, 5,600,000 francs, et pendant trois ou quatre ans peut-être encore, le trésor public perdra les intérêts de cette somme importante, plus les intérêts de la somme de 3 millions, que nous allons sans doute accorder au gouvernement.
C'est donc avec raison que je blâme cette lenteur, que je qualifie de désespérante, de la part du département des travaux publics, dans l'exécution des travaux décrétés par les Chambres, et dont l'utilité ou peut-être la nécessité absolue, pour un bassin industriel de la plus grande importance, ont été démontrées et reconnues.
Que dirait-on d'un particulier qui, désirant placer ses économies annuelles en constructions immobilières, ferait bâtir une maison dont il espère un revenu, et prolongerait pendant dix ans la construction de cette maison ?
En plaçant successivement ses économies qui ne produiraient aucun intérêt pendant dix ans, il poserait des actes de mauvais administrateur de sa fortune privée.
Il eût mieux fait d'emprunter la somme nécessaire pour achever sa maison dans un bref délai et d'amortir ensuite cet emprunt au moyen de ses économies annuelles.
5,600,000 francs ont été dépensés pour un travail qui doit coûter environ 12 millions ; il nous reste donc 6,400,000 francs à consacrer à ce travail pour mettre le chemin de fer de Luttre à Bruxelles en état de rendre les services que l'on attend de lui. Pourquoi le gouvernement se borne-t-il à demander aujourd'hui 3 millions seulement, quand il s'agit de l'exécution de travaux qui nécessiteront une dépense de 6,400,000 francs ?
Ce qui a été dit hier dans cette Chambre à propos des dépenses nécessaires pour les travaux de restauration et d'agrandissement du musée de la porte de Hal est parfaitement applicable ici et la Chambre a reconnu, à une très grande majorité, le fondement des observations présentées par l'honorable M. Vleminckx en votant tout le crédit nécessaire pour le complet achèvement de ces travaux.
Pourquoi dans un an, dans deux ans peut-être, venir encore prendre le temps si précieux de la Chambre, lui exposer que le chemin de fer de Luttre à Bruxelles exige un nouveau crédit de 3 millions, quand on sait d'avance que la somme réclamée aujourd'hui est insuffisante ? Que M. le ministre nous dise : « Il me faut encore 6,400,000 francs pour achever le chemin de fer de Luttre à Bruxelles, accordez-moi ce crédit, » et tout sera dit.
Quant à la nouvelle gare de Charleroi, dont la nécessité a été reconnue depuis tant d'années, on y travaille depuis trois ans environ et les travaux restent presque stationnaires, par l'insuffisance des crédits votés.
Pourquoi aujourd'hui encore se borner à demander une somme de 500,000 francs pour continuer ces travaux quand le gouvernement sait que cette somme est insuffisante pour leur complet achèvement ? Pourquoi ce système de ne livrer des gares au public qu'alors qu'elles ont déjà un certain aspect de vétusté par le temps que l'on a mis à les construire. J'ai vu plusieurs exemples de ce que j'avance. J'ai vu la gare de Mons livrée seulement au service public alors qu'elle exigeait de pressantes restaurations.
Voilà cependant le système gouvernemental ; et je le blâme amèrement, parce qu'il est non seulement contraire aux intérêts généraux du pays, mais encore aux intérêts du trésor public. Avec ce système, les habitants de Charleroi peuvent espérer que, dans cinq ou six ans, la gare qu'ils attendent avec tant d'impatience sera inaugurée.
Je dis que le gouvernement est animé d'un esprit de mesquinerie que je trouve inexcusable dans un pays producteur et industriel comme le nôtre, dans un pays qui, à cause de la densité de sa population et de l'exiguïté de son territoire, serait l'un des plus pauvres du monde si le commerce tt l'industrie ne lui permettaient de nourrir ses enfants.
(page 1779) Is est plus que temps que le gouvernement se dépouille de cet esprit de mesquinerie qui le domine depuis un si grand nombre d'années.
Je n'en donnerai qu'un seul exemple : M. le ministre des travaux publics constatera à la rentrée des Chambres que les réclamations de l'industrie charbonnière de Charleroi étaient fondées, lorsqu'elle demandait à cor et à cri une augmentation sérieuse de matériel de chemin de fer.
On a beau lui démontrer de tous les points industriels du pays, de Liège, de Mons, de Charleroi, du Centre, qu'il nous faut une augmentation de matériel de chemin de fer d'au moins 4,000 waggons, tout est inutile ; le gouvernement antérieur ayant refusé d'entendre les réclamations si pressantes des industries, le nouveau ministre actuel croit faire beaucoup en accordant le cinquième de ce qui est généralement reconnu comme nécessaire, il monte en triomphateur à la tribune pour l'annoncer et il en descend semblant dire : Applaudissez-moi, je vaux mieux que mon prédécesseur..
Voilà, messieurs, ce que je reproche à nos gouvernants, l'intérêt du pays est oublié souvent pour une question d'amour-propre.
Il y a aujourd'hui pénurie complète de matériel de chemin de fer dans le bassin industriel de Charleroi, et cependant plusieurs centaines de mille tonnes vendues attendent ce matériel pour ère livrées aux acheteurs. Nous sommes cependant dans la saison morte. Que deviendra l'industrie charbonnière au commencement de l'hiver prochain ? 35,000 ouvriers avec leurs femmes et leurs enfants, 100,000 personnes peut-être manqueraient cependant de pain si l'industrie charbonnière était obligée de chômer, faute de matériel de transport.
Avant de terminer, messieurs, qu'il me soit permis de donner un léger conseil à l'honorable ministre des travaux publics. C'est un conseil de pure bienveillance. Nous allons bientôt nous reposer et M. le ministre aura des loisirs pendant les vacances qui vont commencer.
Je veux bien me charger de charmer autant que possible ces loisirs. Le chemin de fer de Luttre à Bruxelles n'est qu'une partie du chemin de fer de Châtelineau à Bruxelles. L'embranchement de Châtelineau à Luttre est concédé depuis 1865 à la société des Bassins houillers.
J'engage donc l'honorable ministre des travaux publics à venir faire une promenade dans l'arrondissement de Charleroi, je serai très honoré, très flatté d'être son cicérone. Je lui ferai voir que l'embranchement de Châtelineau à Luttre n'est encore qu'un mythe et que la compagnie des Bassins houillers ne fait rien pour achever l'exécution de travaux qui, aux termes de l'arrêté du 14 janvier 1871, doivent cependant être terminés pour le 1er juillet 1873.
Je démontrerai à M. le ministre des travaux publics qu'il est matériellement impossible que la compagnie des Bassins houillers remplisse les engagements qu'elle a contractés à cet égard, et je le prierais, dans l'intérêt public, d'user avec rigueur de tous les droits que la loi et les conventions mettent à sa disposition.
Comme seconde distraction, je ferai ensuite entendre à M. le ministre les plaintes et les doléances des maîtres de forges qui demandent avec instance une ligne directe de chemin de fer reliant les gisements miniers du Luxembourg aux établissements métallurgiques de l'arrondissement de Charleroi et qui lui prouveront que la concurrence de l'industrie métallurgique allemande devient tellement dangereuse, qu'elle finira par tuer l'industrie belge si l'on n'apporte pas à la situation un remède prompt et efficace.
Quand il sera bien convaincu, comme il le paraît du reste, nous irons, ensuite, pour nous réconforter, respirer l'air pur et vivifiant du Luxembourg et nous chercherons ensemble l'emplacement de la prochaine gare d'Athus.
Je me permettrai de donner un dernier conseil à l'honorable ministre des travaux publics.
Je ne suis certes pas un adversaire systématique de la ville d'Anvers, je serais au contraire heureux de la voir riche et prospère ; mais la théorie qui a été développée dernièrement avec éloquence par l'honorable M. Delaet sur la décentralisation m'a vivement frappé. Je suis aussi un décentralisateur, mais savez-vous, au point de vue économique, par où je voudrais commencer la décentralisation ? Je voudrais enlever à Anvers le monopole de notre trafic commercial.
Vous avez probablement, messieurs, lu comme moi, avec le plus grand intérêt, une brochure qui vient de paraître e.t qui fut adressée, sans doute, à tous les membres d. la Chambre par M. Dubois-Nihoul. Cette brochure contient un projet de décentralisation commerciale, c’est-à-dire le projet d'un canal maritime de Bruxelles à l'Escaut, en face de Rupelmonde.
Ce travail me démontre, et l'honorable M. Delaet sera probablement de mon avis, que le port d'Anvers, quelle que soit son importance, est devenu aujourd'hui insuffisant pour le trafic d'exportation tt d'importation. Depuis cinq ans ce trafic s'est considérablement augmenté et il est pour moi incontestable que dans quelques années il faudra un exutoire à ce port devenu insuffisant malgré même les améliorations qu'il doit subir.
Il est prouvé, d'une manière évidente, qu'au point de vue technique l'exécution de ce travail important est non seulement possible mais même facile ; et, qu'au point de vue financier, cette opération ne pourrait être que fructueuse pour le trésor. Au point de vue des intérêts généraux du pays, ses avantages seraient immenses.
J'engage donc l'honorable membre des travaux publics à profiter des vacances pour examiner ce projet dont nous l'entretiendrons à la rentrée des Chambres.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je n'accepte pas le rôle de triomphateur, quoique l'honorable, membre veuille me le faire jouer complètement à l'instar des triomphateurs antiques, puisque, dans. l'excursion qu'il m'engage à faire, sous sa protection, dans l'arrondissement de Charleroi, il m'annonce que je serai suivi de cris et de doléances qui me rappelleront peu harmonieusement que je ne suis qu'un simple mortel.
Je n'ai pas la moindre prétention à ce rôle ; je me contente d'être tout simplement un ministre des travaux publics plein de bonne volonté.
Si j'avais recherché un triomphe, j'aurais demandé 4,000 waggons ce qui m'aurait, comme le dit M. Balisaux, élevé beaucoup au-dessus de mes honorables prédécesseurs.
Je n'ai réclamé que ce que j'ai cru nécessaire, et je dois dire que beaucoup de membres de la Chambre, aussi compétents que l'honorable membre, ont déclaré qu'il ne nous fallait pas un plus grand nombre de waggons, mais bien une meilleure utilisation du matériel existant.
J'ai été de leur avis, et voilà pourquoi je n'ai sollicité de crédits qu'à concurrence de la somme indispensable pour faire construire mille waggons.
L'honorable membre nous a dit qu'il régnait une mesquinerie, une lésinerie extraordinaire au département des travaux publics, qu'il faudrait exécuter et terminer beaucoup plus de travaux qu'on ne le fait.
Mais, messieurs, si vous vouliez nous donner tout l'argent qu'exigeraient tous les travaux utiles, et si nous trouvions assez de bras pour les exécuter, c'est alors que le ministre des travaux publics pourrait poser en triomphateur ; mais il faudrait pour cela non pas 22 millions, mais 222 millions, et même davantage.
Seriez-vous disposés à les voter ?
En attendant donc que faut-il faire ?
Il faut chercher à tirer le meilleur parti possible des ressources que vous voulez bien mettre à notre disposition.
Je suis de l'avis de l'honorable membre qu'en règle générale il vaudrait mieux achever d'abord les travaux qui ne peuvent être productifs que quand ils sont terminés, mais c'est bien difficile.
Si l'honorable membre avait été ministre, pendant huit jours seulement, il saurait que, dans cette position, l'on reçoit des sollicitations de tous les arrondissements et de tous les membres de la législature. Celui qui ne peut tout faire à la fois doit faire le plus loyalement possible ce qui peut être entrepris.
En ce qui touche le, chemin de fer de Luttre dont les retards d'exécution me sont imputés à grief, une bien petite partie du reproche m'atteint, puisque le. chemin de fer était commencé lorsque je suis arrivé aux affaires ; cependant, s'il y a eu des lenteurs dans le commencement, elles se justifient ; et j'espère, d'ailleurs, qu'il n'y en aura plus dans l'avenir.
Des études avaient été faites, des plans avaient été dressés.
Des membres de cette Chambre ont tant et si bien agi que les études et les plans ont été remis sur le métier.
Ensuite, on a bien dû procéder aux expropriations et cela ne se fait pas précisément avec la célérité dont l'honorable M. Balisaux déplore l'absence.
Le tribunal de Charleroi a tenu le gouvernement en suspens pendant plus d'un an pour une seule affaire.
Maintenant toutefois les expropriations avancent et j'espère que la construction du chemin de fer pourra être poussée vigoureusement.
J'aurais pu, messieurs, demander des sommes plus considérables pour tous les travaux qu'il s'agit d'exécuter, mais j'ai fait ce que j'ai pu et je déclare à l'honorable membre, comme je l'ai dit à l'honorable M- Braconier, en parlant du chemin de fer de ceinture de Liège, que la ligne de Bruxelles à Luttre se construira activement et que ce n'est pas le défaut d'argent qui pourra en entraver le prompt achèvement.
M. Balisaux. - Pouvez-vous fixer un délai ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai déjà indiqué un (page 1780) délai à la Chambre. J'ai dit que, selon toutes prévisions, le chemin de fer sera livré à la circulation avant deux ans.
Quant au chemin de fer d'Athus-Givet, il est impossible de s'en occuper actuellement, par des considérations qui ne touchent ni au tracé ni à la concession.
J'ai déclaré aux industriels de Charleroi et je répète que, soit par une nouvelle convention, soit par d'autres moyens, je ne négligerai aucun effort pour leur procurer les minerais à des prix de transport moindres que ceux qu'ils payent aujourd'hui.
M. Delaet. - Messieurs, je suis heureux d'avoir vu mes théories de décentralisation mises à l'épreuve par l'honorable M. Balisaux.
Je puis lui répondre, à l'instant même, que la ville d'Anvers n'a aucune objection à faire à la création de ports nouveaux, n'importe où ils puissent «'établir.
La ville d'Anvers a prêté tout son appui aux députés de Malines et de Saint-Nicolas, lorsqu'une société sollicitait le chemin de fer de Terneuzen a Malines, quand le port de Terneuzen va avoir une partie du mouvement maritime.
Les députés de la ville d'Anvers ne s'opposeront pas à la création d'un canal à grande section entre Bruxelles et Anvers si la nécessité de ce canal est établie, et elle peut l'être bien simplement ; il suffît qu'une société se présente pour l'exécuter et qu'elle trouve dans le produit du canal la rémunération de ses efforts.
Ce jour-là, nous appuierons de toutes nos forces la création de ce canal.
Si, au contraire, c'est aux frais de l'Etat que ce canal devrait se faire, la théorie de décentralisation serait faussée, c'est-à-dire que vous feriez de nouveau, aux frais du trésor, un travail dont l'utilité n'est pas assez démontrée pour que l'industrie privée s'en charge.
M. Pirmez. - Et les murs de quai d'Anvers.
M. Delaet. - Le jour où l'industrie demandera la construction de ce travail, nous serons de ceux qui l'appuieront et nous l'appuierons de toutes nos forces.
M. Pirmez. - Je suis surpris que l'honorable ministre des travaux publics ne demande pour le chemin de fer de Luttre à Bruxelles que 3. millions ; avec un pareil crédit, malgré toute la bonne volonté dont il peut être animé, il sera forcé de ralentir l'exécution de ce chemin de fer.
Cinq millions ont déjà été votés ; l'honorable ministre des travaux publics demande 3 millions ; il manquera donc 4A millions pour achever le travail qui doit coûter 12 millions.
Où M. le ministre prendra-t-il ces 4 millions ? Je crois qu'il sera très embarrassé de les trouver, et si vous jetez un coup d'œil sur la situation financière, je suis convaincu que vous partagerez ma conviction.
Pendant un certain nombre d'années, avant l’avénement du cabinet actuel, on avait la certitude de trouver toujours les ressources nécessaires à l'exécution des travaux utiles.
En effet, il y avait chaque année un excédant de recettes très considérable, un excédant d'une dizaine de millions. Mais le gouvernement se trouve aujourd'hui dans une situation diamétralement, contraire ;'il n'est plus en face d'excédants, mais en présence de déficits. Voilà la situation, et il est bon que la Chambre porte son attention sur ce point, car l'exposé des motifs du projet que nous discutons en ce moment ne laisse pas voir la situation sous son vrai jour.
Le gouvernement va emprunter 50 millions. A quoi va-t-il appliquer cette somme ? Pour 22 millions à des travaux publics dont il demande les crédits et pour 28 millions à des travaux dont les crédits ont été votés sous le ministère précédent, et qui devaient se payer au moyen des excédants de ressources. Ainsi l'emprunt tout entier est absorbé par des travaux publics ; un virement de fonds ; les 28 millions de crédit votés et qui devaient être payés par des excédants de recettes, sont, comme les 22 millions nouveaux, payés par l'emprunt.
Mais il est une autre dépense considérable à laquelle il n'est pas immédiatement fait face ; je veux parler de la dépense motivée par les événements militaires et qui s'élève à 30 millions environ. Comment M. le ministre des finances compte-t-il couvrir ce déficit de 30 millions ? En employant les excédants de recettes destinés aux travaux publics et qu'il affranchit par l'emprunt.
M. le ministre a déclaré qu'à la fin de l'année il y aurait encore un déficit de 9 millions, c'est-à-dire que, sur les excédants de recettes de l'année prochaine et des années suivantes, il faudra d'abord prélever ces 9 millions avant de rien pouvoir consacrer à des travaux publics.
Quelle est donc la situation pour les travaux commencés du chemin de Luttre à Bruxelles ?
Nous venons de voir qu'il y a un déficit de 4 millions : tous nos fonds sont engagés pour l'année prochaine et peut-être pour l'année suivante, où donc prendrez-vous ces 4 millions ?
On ne pourra donc agir comme nous agissions sous l'empire d'une situation prospère et je suis convaincu que quelque bonne volonté que M. le ministre des travaux publics y mette pour ne pas gêner son collègue des finances, il se trouvera obligé de ralentir l'exécution de ce chemin de fer.
Voilà pourquoi j'aurais voulu qu'on prît une mesure plus radicale et que les fonds fussent dès aujourd'hui assurés.
Il y a, dans ce qu'a dit mon honorable collègue de Charleroi sur le retard apporté à l'exécution de ce chemin de fer, une inexactitude. Ce n’est pas en 1865 que l'exécution a commencé.
M. Balisaux. - La loi du 8 juillet 1805 accorde déjà un crédit.
M. Pirmez. - Nous sommes d'accord sur ce point ; le premier crédit, et il était de 5 millions, a été voté en 1865, mais l'exécution a commencé en 1869 ; l'arrondissement de Charleroi n'a pas lieu, du reste, de regretter ce retard qui a permis, après des difficultés de toutes sortes, d'assurer l'exécution d'un embranchement auquel plusieurs communes tenaient beaucoup.
Quoi qu'il en soit, voilà plus de deux ans que cette ligne est commencée et l'Etat a le plus grand intérêt à la voir s'achever ; mais dans la situation actuelle, et par suite de l'insuffisance du crédit proposé par le gouvernement, nous devons craindre de voir le retard se prolonger encore.
J'aurais d'autant plus désiré, j'aurais eu d'autant plus de droits de demander un crédit plus élevé pour mon arrondissement, que je vois d'autres arrondissements bien plus favorisés : celui d'Anvers, par exemple, obtient, d'après le projet actuel, une somme de 6 millions ; or, le chemin de fer de Luttre à Bruxelles intéresse trois arrondissements, ceux de Charleroi, de Nivelles et de Bruxelles ; pour ces trois arrondissements, on fixe une somme de 3 millions, tandis qu'Anvers seul obtient 6 millions.
L'honorable ministre des finances reprochait un jour à la minorité de manquer de bienveillance pour Anvers ; le moyen de nous en donner n’est pas d'y faire passer les fonds que nous pourrions légitimement réclamer.
Depuis que je suis dans la politique, et cela ne date pas d'hier, j'ai bien souvent entendu, dans cette Chambre et plus encore dans mon arrondissement en temps électoral, expliquer que Liège absorbait tous les fonds de l'Etat.
Ces récriminations sur un fait qui remonte à vingt ans, nous les avons déjà vues se reproduire plusieurs fois dans cette discussion ; elles me rappelaient naturellement ce grand grief électoral : Charleroi sacrifié à Liège.
Je voudrais que l'on continuât ce thème et que, pour le prouver, on nous montrât que depuis que l'on ne peut plus accuser Liège d'être l'unique objet des faveurs du gouvernement, il s'est fait quelques changements en faveur de l'arrondissement de Charleroi, et je déclare à l'honorable ministre des travaux publics que s'il veut réaliser ces changements et faire certains travaux favorables à cet arrondissement, il ne trouvera pas de plus chaud appui que chez moi ; mais quand j'examine ce projet, présenté depuis que cette domination liégeoise ne se fait plus sentir, je trouve qu'on donne à mon arrondissement bien moins que ce qu'il a reçu de cette abominable administration.
La politique de prétendues réparations consiste à donner à Charleroi beaucoup moins qu'auparavant.
Pas un travail nouveau n'est proposé, on se contente de continuer les travaux décrétés sous le ministère précédent, et comment les continue-t-on.
Dans le projet de 1865 voté sous cette administration qui sacrifiait le reste du pays à Liège, on votait pour le chemin de fer de Luttre à Bruxelles 3 millions et aujourd'hui que cette oppression a cessé, nous n'avons plus que 3 millions, dont un demi-million déjà est engagé.
Deux millions et demi au lieu de 5 millions, voilà le résultat de l'affranchissement ! Je demande qu'on nous opprime un peu.
M. Snoy. - Il fallait commencer la construction en 1865, ce chemin de fer serait fini maintenant.
M. Balisaux. - L'article 2 de la loi du 8 juillet 1865 avait ouvert au gouvernement un premier crédit de 5 millions pour la construction du chemin de fer de Luttre à Bruxelles..
On aurait pu commencer les travaux avant 1865 et j'ai toujours ignoré les causes de ce retard.
M. Pirmez. - Si mon honorable collègue eût été alors dans la politique, il les eût connues.
D'après la loi de 1865 le chemin de fer devait être mis en adjudication (page 1781) pour être construit par les adjudicataires moyennant un tantième des recettes, Il a donc fallu faire d'abord un plan complet du chemin.
Les adjudicataires firent défaut, et c'est après le temps consacré aux plans détaillés et aux adjudications que la ligne fut commencée ; dans les derniers temps les difficultés qui se résolurent par la construction de la ligne de Fleurus à Buzet occasionnèrent aussi quelques retards ; on ne les regrettera pas.
J'ai bien des raisons de demander la prompte exécution de ce chemin de fer, l'honorable ministre a dit vrai, il y a bien des questions au sujet desquelles l'arrondissement de Charleroi a de légitimes sujets de se plaindre et auxquels le gouvernement n'est pas étranger.
Je vais lui en indiquer quelques-uns.
Ainsi, il avait été décidé que l'abaissement des péages sur les embranchements du Centre aurait eu lieu en même temps que la mise en exploitation du chemin de fer de Luttre à Bruxelles. M. le ministre des finances a reconnu que cela était constaté dans des documents qui reposent à son département et que lui-même avait formulé une dépêche dans ce sens. Eh bien, que fait-on ? On accorde au Centre le dégrèvement de péages et le chemin de fer de Luttre a Bruxelles n'est pas encore exploité !
Je dis qu'il y a là, au détriment de Charleroi, une violation d'un engagement formel.
Comment ! en attendant que l'on élargisse le canal de Charleroi, on convient de donner au Centre et à Charleroi des compensations simultanées : le rachat des embranchements et le chemin de Luttre ; on est d'accord que le dégrèvement des taxes des embranchements se fera le jour où Luttre à Bruxelles sera exploité, et l'on opère ce dégrèvement sans aucune compensation pour Charleroi. N'est-ce pas violer un contrat ?
J'ai demandé qu'on accordât à Charleroi le tarif qui sera appliqué quand le chemin de fer en construction sera exploité. Ce serait justice pour Charleroi, on le refuse, et je comprends les difficultés de cette exception. Mais pourquoi le gouvernement se mettait-il dans la situation de nous donner le droit de le demander ?
L'honorable M. Balisaux a parlé d'une autre question extrêmement importante pour l'arrondissement de Charleroi ; il s'agit de l'exécution du chemin de fer de ceinture et du chemin de fer de Châtelineau à Luttre.
Ainsi que mon honorable collègue, j'engage M. le ministre des travaux publics de faire encore quelque chose pour ces deux chemins de fer. Je ne dois pas lui dissimuler que le responsabilité du gouvernement est fortement engagée dans cette question par suite des modifications qu'a subies la convention du 25 avril.
Quelle était la combinaison admise par la convention du 25 avril 1870 ?
C'était celle-ci :
Les lignes de la société des Bassins houillers aujourd'hui existantes ne pouvaient fournir au payement de leurs obligations ; le revenu actuel de ces lignes n'était pas suffisant pour qu'on pût faire face à la charge de ces obligations. Comment la compagnie pouvait-elle trouver des ressources pour couvrir cette insuffisance ? C'est en faisant exécuter immédiatement les lignes nouvelles, et par le bénéfice à réaliser sur ces lignes, de trouver de quoi combler le déficit des lignes existantes. On avait donc réalisé cette idée : donner moins pour les lignes déjà construites et donner plus pour les lignes à construire.
La société avait le stimulant d'un grand intérêt à construire vite et elle avait les moyens de le faire par la rente élevée affectée aux nouvelles lignes.
Eh bien, ce système a été modifié par l'exécution que M. le ministre des finances a donnée à la convention du 25 avril 1870.
En effet, on a dès à présent affecté une partie de la rente des lignes nouvelles au service des charges des lignes anciennes ; de sorte que cette rente des lignes nouvelles, qui devait assurer leur construction, se trouve réduite, et sans discuter ici si elle reste suffisante ou non, je dois constater qu'elle n'est plus entière et qu'ainsi les garanties ou les moyens d'exécution ne sont plus les mêmes.
J'engage le gouvernement à voir dans quelle mesure et par quel mode il peut parer à cette situation.
Il est une autre question de la plus haute importance sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre des travaux publics. L'honorable ministre s'occupe de relever le tarif du chemin de fer de l'Etat pour les voyageurs qui font de longs parcours. Cette réforme n'était pas annoncée dans le programme du nouveau cabinet ; nous devons reconnaître que s'il y a beaucoup de promesses qui ne se réalisent pas, on fait des choses qui n'étaient pas promises ; seulement les promesses
étaient belles et ce qu'on fait n'a rien d'attrayant.
Je crois que M. le ministre des travaux publics devrait avant tout examiner et résoudre la question du transport des marchandises à petites distances.
La commission du 25 avril 1870 donne au désir que j'exprime, une raison qui me paraît déterminante ; c'est que pour le chemin de fer compris dans la convention, et exploités aujourd'hui par l'Etat, il existe sous ce rapport des tarifs tout à fait différents de ceux des chemins de fer de l'Etat.
Ainsi au Flénu, l'Etat transporte à plus bas prix que sur les autres parties de son réseau.
Eh bien, je demande à M. le ministre des travaux publics s'il ne croit pas opportun de mettre tous les tarifs en harmonie en percevant partout les mêmes taxes. (Interruption.)
Je fais remarquer à mon honorable ami de Mons que je ne demande pas qu'on élève les tarifs du Borinage, mais je demande que nous puissions transporter au même prix.
Messieurs, je sais bien que l'on demande souvent au gouvernement des choses impossibles et je ne reprocherai jamais au gouvernement de ne pas avoir fait ce qu’il n’était pas en son pouvoir de faire : mais il y a pour Charleroi une question beaucoup plus importante que toutes les autres, sur laquelle je dois appeler son attention, c’est le rachat des canaux français.
Je demande seulement au gouvernement de ne pas perdre de vue cette grave question dans les négociations qu'il aura à suivre pour le traité douanier ; si le gouvernement fait tous ses efforts pour réussir et s'il ne réussit pas, je serai plus juste qu'on ne l'a été envers nous, je ne lui ferai pas de reproche ; je demande seulement qu'il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour mener l'affaire à bonne fin.
L'honorable M. Balisaux a parlé de deux autres questions : le manque de matériel et le transport à bas prix des minerais du Luxembourg.
M. le ministre des travaux publics a répondu sur le premier point que ce qui manque ce n'est pas tant le matériel que la bonne utilisation du matériel.
Je dois supposer que M. le ministre fait du matériel le meilleur emploi possible et, cependant, le manque de matériel se fait toujours vivement sentir ; je demande que, si ce moyen ne lui réussit pas, il augmente le matériel dans la proportion nécessaire.
Je sais, messieurs, toutes les difficultés et toutes les considérations différentes qui se rattachent au transport à bas prix des minerais du Luxembourg. Quelle doit être la solution de cette question ?
Je laisse au gouvernement le soin de le décider. Je veux qu'il jouisse de la plus grande liberté, mais quel que soit le système qu'il suive, il faut qu'il aboutisse à donner à l'industrie métallurgique de l'arrondissement de Charleroi le transport des minerais à des prix avantageux. Sera-ce par l'établissement d'une ligne nouvelle ? Sera-ce par l'abaissement des tarifs sur la ligne existante ? Sera-ce par un rachat par l'Etat ? Je ne me prononce pas à cet égard, mais je demande que le gouvernement aboutisse. Cette question a été soulevée au moment des élections ; je me suis abstenu de toute promesse ; on en a pris texte pour accuser l'administration libérale qui ne faisait en cela qu'acte de dignité : les promesses électorales sont toujours dangereuses.
Le gouvernement actuel se trouve complètement dégagé d'antécédents à cet égard ; il a le champ libre. Qu'il réussisse donc, nous nous attacherons au résultat et non pas au système qu'il aura suivi.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
« Chemins de fer.
« Paragraphe 22. Aménagement de la station d'Ostende. Achèvement du bâtiment construit sur le nouveau quai des bateaux à vapeur, en cette ville, et de ses dépendances : fr. 550,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 23. Travaux dans la station de Gand : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 24. Continuation des travaux des stations de Bruxelles-Midi, Bruxelles-Nord et Schaerbeek : fr. 500,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 25. Travaux d'agrandissement et d'amélioration dans la station de Louvain : fr. 500,000. »
M. Vleminckx. - Je suppose que ces 500,000.francs demandés pour travaux d'agrandissement et d'amélioration dans la station de Louvain ne sont qu'un premier crédit, car je ne pourrais comprendre qu'on pût agrandir convenablement la station de Louvain moyennant un crédit de 500,000 francs seulement.
Je demande, en outre, si l'honorable ministre des travaux publics (page 1782) comprend dans les travaux à faire à la station de Louvain la suppression du passage à niveau qui se trouve a la porte de Diest. La suppression de ce passage est reconnue depuis longtemps indispensable.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - L'honorable M. Vleminckx a parfaitement compris la situation ; il aurait, d'ailleurs, pu faire lui-même la réponse qu'il demande de moi. En effet, ainsi que cela est dit en termes précis dans l'exposé des motifs, ce n'est qu'un premier crédit ; mais il est convenu qu'à l'aide de ce crédit on supprimera le passage à niveau dont l'honorable membre a parlé.
- Le paragraphe 25 est adopté.
« Paragraphe 26. Continuation des travaux de la station de Charleroi : fr. 500,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 27. Continuation des travaux de la station de Tournai : fr. 500,000. »
M. Allard. - Messieurs, dans la séance du 3 juin dernier, l'honorable ministre des travaux publics a remis en question le déplacement de la station de Tournai, qui a été tranchée par deux votes de la législature et la convention faite avec la ville de Tournai, le 10 novembre 1869, approuvée par M. Jamar, ministre des travaux publics, le 15 février 1870.
Rien n'est décidé, selon M. le ministre des travaux publics, « si l'administration du chemin de fer a, d'abord, pensé au déplacement de la station actuelle, c'était seulement à cause de son insuffisance, mais d'autres intérêts sont en cause ; si, d'un côté, l'administration communale appuie le déplacement, de l'autre, de nombreuses pétitions demandent que la station soit conservée sur l'emplacement actuel. »
« Entre un conseil communal et un millier de réclamants, a ajouté M. le ministre des travaux publics, il y a lieu d'hésiter. »
Vous avez tous reçu, messieurs, le rapport de la commission spéciale du conseil communal de Tournai, relativement au déplacement de la station, il résulte de ce rapport qu'il ne peut plus y avoir de doute maintenant, que ce déplacement a été décidé par le gouvernement sans l'intervention et même à l'insu de l'administration de la ville de Tournai.
Quant aux nombreuses pétitions demandant le maintien de la station actuelle, dont a parlé l'honorable ministre, on peut leur opposer les douze pétitions qui viennent de parvenir à son département, portant 1,694 signatures, qui réclament le changement de la station.
Pas plus que le conseil communal de Tournai, mes honorables collègues et moi n'avons demandé le déplacement de la station.
Lorsque nous avons voté, il y a quelques années, le chemin de fer d'Anvers à Tournai, l'honorable M. Dumortier a rappelé dans la séance du 19 mars 1868 que « le 18 mars 1864, jour où ce chemin de fer a été voté, j'ai interrogé le gouvernement pour savoir s'il n'y avait pas lieu d'agrandir la station de Tournai, et que l'honorable ministre des travaux publics d'alors, M. Vanderstichelen, avait répondu que cela était indubitable, que la question était à l'étude, que la situation actuelle (vote des chemins de fer d'Anvers à Tournai et de Tournai à Lille) amènerait inévitablement l'agrandissement de la station de Tournai. »
En présence du contrat qui a été signé entre la ville de Tournai et le département, des travaux publics, en février 1870, en présence de la loi qui a accordé au département des travaux publics, en 1868, un crédit de 500,000 francs pour l'établissement d'une station définitive à Tournai, il n'y a plus lieu de revenir sur le déplacement de cette station.
Il y a plusieurs votes des deux Chambres qui ont décidé cette question définitivement.
En effet, que demandait, en 1868, le gouvernement ?
Voici le libellé du paragraphe 2 du projet de loi déposé le 4 février 1868 :
« Etablissement d'une station définitive à Tournai. »
On a donc voté sur l’établissement d'une station définitive à Tournai. Et le crédit de 1870, comme celui de 1871, porte : « Continuation des travaux de la nouvelle station de Tournai. »
Mais que s'est il passé dans la section centrale, qui a fait rapport sur ce projet de loi, sur le premier crédit pétitionné pour l'établissement d'une station définitive à Tournai ?
Je vais citer textuellement les demandes qui ont été adressées au gouvernement et ses réponses, et l'on verra que la Chambre a voté en connaissance de cause.
« Demande A. -...
« Demande B. - Quelles sommes sont estimées nécessaires pour leur entier achèvement : 1° Station du Midi ; 2° id. de Charleroi ; 3° id. de Tournai.
« Réponse. - Les frais d'établissement de la nouvelle station da Tournai, y compris ses raccordements avec les lignes de Mouscron et de Jurbise, sont évalués à 2,500,000 francs. Plusieurs compagnies concessionnaires doivent intervenir dans cette dépense.
« Demande C. - Quelles dépendes à la charge de l'Etat, accessoires ou subsidiaires ou spécialement du chef de déplacement de chemins de fer, de création de rues nouvelles, etc., peuvent être rendues nécessaires pour l'exécution des travaux susdits ?
« Réponse. - Les dépenses subsidiaires ou accessoires se rattachant aux travaux dont il a été question ci-dessus sont comprises dans les crédits globaux indiqués comme nécessaires pour l'exécution de ces travaux.
« C'est ainsi qu'au moyen des crédits votés antérieurement, le gouvernement est intervenu dans les frais de. construction de deux rues longeant la station du Midi à Saint-Gilles, et il compte parfaire sa part d'intervention au moyen du nouveau crédit d'un million qui devra être pétitionné ultérieurement, comme on l'a dit ci-dessus.
« Dans d'autres localités encore, notamment à Tournai, le gouvernement prendra à sa charge certains travaux de voirie. La dépense à faire de ce chef ne peut actuellement être déterminée d'une manière précise ; elle dépendra des arrangements à conclure avec les administrations locales. »
Or, les dépenses de voirie dont il est fait mention dans cette réponse sont faites par suite de l'arrangement conclu avec la ville de Tournai, la ville a déjà versé 19,000 francs dans la caisse de l'Etat.
Après cela je demande comment il serait possible de revenir sur la décision prise.
Mais ce n'est pas tout ; il y avait des plans pour la station de Tournai et il y avait aussi des devis, qui ont été communiqués à la section centrale ; vous allez, messieurs, en être convaincus par la demande et la réponse, que voici :
« Demande. - 2° Quel est le genre de pierres dont le gouvernement compte se servir pour l'exécution des travaux projetés ? La pierre bleue dite petit granit ne devrait-elle pas être préférée à toutes autres ? »
« Réponse. - Mon prédécesseur a eu l'occasion de faire connaître aux Chambres la règle de conduite que s'est tracée l'administration en ce qui concerne le choix à faire des différentes pierres de construction. En conformité de cette règle, le cahier des charges ci-joint, relatif à la construction de nouveaux bâtiments de recettes à Tournai et à Charleroi, prévoit l'emploi simultané de la pierre bleue et de la pierre blanche dans les proportions suivantes :
« Bâtiment de Charleroi : Pierre de taille bleue 1050ème, pierre blanche 80ème
« Bâtiment de Tournai ' : Pierre de taille bleue 125ème, pierre blanche 800ème.
« Demande. - 2° Le gouvernement a-t-il, pour proposer le déplacement de la station de Tournai, d'autres motifs que celui de supprimer une station à rebroussement ? »
« Réponse. - Abstraction faite de la question de rebroussement, la station de Tournai est établie dans des conditions extrêmement défectueuses. On ne pourrait l'améliorer dans son emplacement actuel qu'au prix de dépenses très considérables.
« Au surplus, M. le président, je ne puis que me référer aux explications données à plusieurs reprises à la Chambre des représentants par mon prédécesseur, lorsque la question du déplacement de la station de Tournai a été agitée dans cette assemblée. »
Messieurs, je ne veux revenir ni sur les discussions nombreuses qui ont eu lieu dans cette enceinte, entre M. Dumortier et moi, au sujet du déplacement de la station de Tournai, ni sur les choses désagréables qui ont été dites par cet honorable collègue à l'adresse du conseil communal de Tournai, à l'adresse de l'administration des chemins de fer et à l'adresse des ministres, MM. Vanderstichelen et Jamar.
M. Dumortier. - Cela vous plaît à dire.
M. Allard. - Vous avez maintes fois dit que c'était pour faire plaisir à quelques personnes qu'on voulait déplacer la station de Tournai. N'était-ce pas accuser les ministres de complaisance aux frais et dépens du pays ?
Quant aux ingénieurs, vous les avez traités fort mal ; voici ce que vous disiez d'eux dans la séance du 7 mai 1870, après avoir parlé des travaux de la canalisation de l'Escaut :
« Vient, après cela, le déplacement de la station.
« En examinant ce qui se fait sous ce rapport à Tournai, il semble que nous avons en Belgique certains ingénieurs qui sont capables de faire un concours des mieux réussis pour des plans inouïs.
« Je ne conteste pas que, dans le corps des ingénieurs, nous n'ayons des hommes capables, mais à côté de ceux-là, il y en a dont la capacité est fort problématique et qui emporteraient partout le prix pour les gaucheries.
« Si nos ingénieurs prenaient part à un concours ayant pour objet de (page 1783) produire la meilleure cacophonie, certes ils auraient le premier prix ; c'est cependant à ces hommes que l'on donne la direction de nos travaux. »
Ainsi, vous accusiez, non seulement les ministres Vanderstichelen et Jamar, mais...
M. Dumortier. - Pas du tout !
M. Allard. -... mais aussi le corps des ponts et chaussées et l'administration des chemins de fer.
Je proteste de nouveau, messieurs, contre cette manière d'attaquer les absents et je m'en tiens là.
M. Bara. -Je demanderai à M. le ministre des travaux publics ce qu'il fera du crédit de 500,000 francs qu'il sollicite pour la continuation de la station de Tournai. Il est évident, d'après le libellé, qu'il s'agit d'achever la station commandée, puisqu'il porte : « Continuation de la station de Tournai ». S'il s'agissait d'en faire une autre, le projet porterait : « Premiers travaux d'une nouvelle station à Tournai ». Le libellé est donc favorable à nos réclamations.
La Chambre, messieurs, connaît la question. On a dépensé près d'un million pour la station de Tournai ; il s'agit de savoir si ce million doit être perdu, alors qu'on a besoin de tant d'argent et que la plupart de nos collègues viennent démontrer la nécessité de faire des travaux dans leur arrondissement.
Il s'agit de savoir si ce million aura été dépensé en pure perte pour faire plaisir à l'honorable député de Roulers ou si l'on continuera l'œuvre commencée.
M. le ministre des travaux publics veut, nous dit-il, arriver à une prompte solution de la question. Mais nous attendons cette solution depuis longtemps et rien ne vient. La saison d'été va se passer sans qu'on puisse travailler ; aujourd'hui déjà, il n'y a plus d'ouvriers à la station de Tournai, on n'y fait plus rien ; le million qu'on a dépensé reste improductif.
Je demande donc à M. le ministre si, oui ou non, on va de suite reprendre et continuer les travaux. Qu'il ose prendre une résolution. S'il doit sacrifier à M. Dumortier la justice et l'observation des conventions, soit, nous ne pouvons l'en empêcher ; mais qu'au moins il le fasse de suite.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, plusieurs orateurs viennent de me demander si j'ai continué l'examen des plans de la station de Tournai depuis la dernière fois qu'il a été parlé de cette station dans la Chambre.
Je dois rappeler à cette occasion que plusieurs représentants de Tournai sont venus eux-mêmes me demander d'attendre, avant de terminer l'examen auquel je me livrais, le résumé complet de la question, qui devait m'être envoyé par le conseil communal de Tournai. (Interruption.)
Ce résumé m'a été remis récemment, et il m'a été absolument impossible depuis lors de m'occuper de l'affaire. La discussion de mon budget et de différents projets de crédits m'en a empêché.
Cependant, messieurs, je suis disposé à examiner très impartialement cette question ; je chercherai à démêler quels sont les intérêts principaux auxquels il faut donner satisfaction, car il est incontestable que, dans cette affaire, il y a compétition d'intérêts opposés.
D'un côté, il y a une partie de l'administration communale appuyée par un certain nombre de pétitionnaires ; de l'autre côté, il y a d'autres pétitionnaires.
Le gouvernement n'a qu'un but, c'est d'y voir clair, c'est de s'assurer quel est l'intérêt véritable, et lorsqu'il aura terminé les études auxquelles il se livre en ce moment, il décidera, sans avoir égard à aucune espèce de considération politique. (Interruption.)
M. Muller. - Vous avez une chose à faire : respecter la convention qui a été conclue.
M. Rogier. - Messieurs, je ne m'explique vraiment pas la conduite de M. le ministre des travaux publics. La question qui le tient en suspens est résolue depuis longtemps.
Dès 1864, le gouvernement en avait pris l'initiative, et décidé par de très bonnes raisons qu'il y avait lieu de déplacer la station de Tournai.
Le plan soumis par le gouvernement au conseil communal et adopté par lui, a été l'objet d'une enquête minutieuse ; il a été examiné dans tous ses détails ; il a subi des modifications sur lesquelles le gouvernement et l'administration communale se sont mis d'accord ; il a fait l'objet d'un examen spécial d'une commission mixte composée d'ingénieurs civils et d'ingénieurs militaires ; il a même reçu un commencement d'exécution et voilà que tout cela est considéré comme non avenu par M. le ministre des travaux publics.
Quels sont, messieurs, les motifs qui obligent M. le ministre à examiner une affaire entièrement terminée ? Je ne me les explique pas. En effet, les deux prédécesseurs de M. Wasseige, qui, je crois, étaient bien aussi capables que lui, se sont prononcés pour le déplacement, d'accord avec l'administration communale de Tournai. Qu'est-ce qu'il reste encore à examiner ? La seule objection que M. le ministre a faite jusqu'à présent aux réclamations du conseil communal de Tournai, c'est qu'il y a eu des pétitions contre le projet de déplacement. Oui, messieurs ; mais à ces pétitions, il a été répondu par d'autres pétitions et en dehors des pétitionnaires, il y a le conseil communal de Tournai qui a même été en partie renouvelé et qui n'a cessé d'être le représentant naturel et légal des intérêts tournaisiens.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Les pétitionnaires ne croient pas que le conseil communal soit juge exclusif.
M. Rogier. - Mais, comme je viens de le dire, aux pétitions contre le déplacement, il a été répondu par des pétitions en faveur du déplacement.
Mon honorable ami, M. Crombez, en a remis un grand nombre entre les mains de M. le ministre. Est-ce que les réclamations des seconds pétitionnaires auraient moins de valeur aux yeux de M le ministre, parce qu'ils se trouvent d'accord avec le conseil communal ?
Serait-il vrai, messieurs, qu'il y ait ici, je ne dirai pas une influence occulte, mars une influence personnelle qui s'impose au ministre ? Et cela doit être blâmé.
On comprend jusqu'à certain point qu'un ministre accorde, sans trop de raison, des décorations, des titres de noblesse, des faveurs personnelles à des amis politiques, mais satisfaire au caprice d'un ami politique en lésant les intérêts de toute une ville et en n'exécutant pas un contrat officiel, voilà ce qui n'est pas admissible.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Et voilà ce que je ne ferai jamais.
M. de Rossius. - C'est ce que vous faites !
M. Muller. -Vous violez les conventions !
M. Rogier. - Une convention a été conclue entre le gouvernement, représenté par M. Vanderstichelen, et la ville de Tournai.
Cette convention a été confirmée par M, Jamar, successeur de M. Vanderstichelen et vous devez encore examiner ! Pourquoi ces atermoiements vis-à-vis de l'exécution d'un travail complètement étudié et définitivement arrêté par vos prédécesseurs, alors que vous nous proposez d'autres projets pour lesquels vous n'avez ni plan ni devis ?
Et sous ce rapport, messieurs, la Chambre montre, on peut le dire, une grande condescendance en votant des crédits pour des travaux dont elle n'a pas les premiers éléments sous les yeux. C'est là, me semble-t-il, une singulière manière d'administrer. (Interruption.)
L'autre jour, la concession d'un chemin de fer vous a été proposée sans aucune espèce de renseignements à l'appui. Mais lorsqu'il s'agit d'un travail dont les plans et devis sont connus depuis longtemps, pour l'exécution duquel il existe des engagements formels et qui même a déjà reçu un commencement d'exécution, il faut qu'on étudie, il faut qu'on examine !
J'engage vivement M. le ministre à prendre enfin un parti, en se mettant au-dessus de l'influence qui semble peser sur lui.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je n'ai cédé à aucune influence.
M. Rogier. - Je crois franchement que c'est votre seule excuse.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je vous déclare positivement que non.
M. Rogier. - Je n'en connais pas d'autre. C'est du reste très flatteur pour M. Dumortier. Si, à mon tour, je pouvais invoquer les bonnes relations particulières que j'ai toujours entretenues avec cet honorable membre, je lui dirais de renoncer à exercer dans le cas dont il s'agit cette influence sur le gouvernement, ce serait rendre un service à la ville de Tournai, qu'il doit aimer à servir patriotiquement.
Hier, M. Wasseige disait à certains de ses amis qu'il ne mettait nullement d'entêtement dans la résistance qu'il leur opposait ; eh bien, qu'il veuille user du même procédé en ce qui concerne la station de Tournai ; qu'il n'y mette pas d'entêtement ; qu'il exécute ce qui était arrêté et convenu par ses prédécesseurs, qu'il ne se montre pas enfin rebelle à l'exécution d'engagements officiels.
C'est ici une question de loyauté gouvernementale ; si l'affaire était traitée au point de vue du droit civil et portée devant les tribunaux ordinaires, il est certain que M. le ministre serait condamné immédiatement. Il en serait de même devant un tribunal de loyauté...
- Voix à droite. - Oh ! oh !
M. Rogier. - Mais, évidemment ; il y a eu une convention formelle conclue par M. Vanderstichelen et confirmée par son successeur, (page 1784) M. Jamar. De plus le traité a reçu un commencement d'exécution ; la ville de Tournai a opéré un versement.
Je le répète donc, par-devant le tribunal civil M. le ministre serait condamné ! Devant le tribunal de la loyauté politique, le ministre l'est également. (Interruption.) C'est mon opinion.
Messieurs, je n'ai pas l'habitude de parler dans les questions qu'on appelle d'intérêt local. Aussi, j'avoue que, si j'ai pris la parole, c'est moins encore pour prendre la défense de cette station de Tournai que pour protester contre les procédés qui ont été mis en œuvre dans cette question, et qui ne me paraissent pas dignes d'un gouvernement sérieux, impartial et loyal.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. Dumortier. - J'ai été mis en cause d'une manière trop personnelle pour que je puisse ne pas prendre la parole. J'aurais voulu l'épargner à la Chambre, car elle a hâte d'en finir et je partage son désir.
A entendre l'orateur qui vient de parler, il s'agirait, dans la grande discussion du détournement de la station de Tournai, d'une question personnelle, de la satisfaction d'un caprice politique. Eh bien, messieurs, quand j'ai défendu les intérêts de la station actuelle de Tournai, que je défends encore, je n'ai été que le faible organe de tous les commerçants du centre commercial et de tous les industriels de Tournai qui protestent encore aujourd'hui avec la dernière énergie contre le détournement de la station.
Que s'est-il passé du jour où la ville de Tournai a appris que le déplacement de la station actuelle était demandé par l'administration communale qui avait été appuyé par l'honorable M. Bara dans la séance du 3 juin 1865 ? A partir de ce jour, des pétitions nombreuses se sont succédé contre ce déplacement ; huit à dix pétitions signées par le commerce nous sont arrivées chaque année. A côté de l'administration communale, venaient tout le commerce et toute l'industrie de la ville qui protestaient contre ce déplacement.
M. Bara. - Et la chambre de commerce ?
M. Dumortier. - J'ai son rapport en main, vous faites bien de me à rappeler, je vous en remercie. Dans le rapport qui nous a été distribué hier que lisons-nous ? Elle déclare que le commerce de Tournai « a un intérêt immense » à ce que le « bureau des marchandises soit rapproché le plus possible du centre de la ville, » combattant ainsi le plan de l'administration communale.
Donc, toute l'industrie, le petit commerce et le grand commerce protestent contre le déplacement de la station.
Puisque l'honorable M- Muller m'interrompt, je lui poserai une question : Tournai est, comme Liège, bâti sur les deux rives du fleuve. Or, si l'on venait présenter à la Chambre un projet de loi tendant à enlever à la partie de la ville de Liège, située sur la rive gauche de la Meuse, les trois stations qu'elle possède, pour les reporter sur la rive droite, à Chênée, pense-t-il dans son âme et conscience, car il est consciencieux, que tout le commerce de la rive gauche de la Meuse à Liège ne se soulèverait pas d'indignation contre une pareille demande et ne protesterait pas vivement ? Eh bien, c'est ce que l'on veut faire à Tournai.
M. Muller. - Je ne vous répondrai qu'une chose : c'est que je ne conçois pas qu'on viole ainsi les conventions. Je dis que la violation des conventions est quelque chose d'odieux.
M. Dumortier. - Nous avons vu ce que vous appelez une convention. Il n'y en a pas ; jamais convention n'a été faite qui résolve cette question et engage l'Etat.
Voilà donc la situation vraie, c'est que le projet de déplacement de la station a amené et amène encore les protestations les plus vives du petit et du grand commerce de Tournai. Le petit commerce a protesté, parce qu'il s'est dit qu'en déplaçant le centre commercial, on allait le ruiner. Le grand commerce a protesté, parce que les industriels disent, et c'est leur conviction, ils l'ont dit, écrit et imprimé, que chaque fabricant, chaque maison d'industrie aura le double à payer pour les frais de camionnage et que ce sera pour chacun d'eux une dépende nouvelle de trois, quatre ou cinq mille francs par année.
Vous pensez bien que, quand une question pareille se présente, il est impossible de ne pas l'examiner.
Rien d'ailleurs n'est engagé, quoi qu'en dise l'honorable M. Rogier. Rien n'est commencé sur les terrains où l'on voudrait voir établir la nouvelle station ; pas le plus petit bâtiment n'y a été construit. J'ajouterai plus, pas une rue pour aboutir à cette nouvelle station n'est faite, au point que si cette nouvelle station existait, il serait impossible à ceux qui y débarqueraient d'entrer dans la ville.
Certes, si une convention avait été faite, la ville eût percé des rues pour aboutir à la station ; elle n'en a rien fait, preuve évidente que cette question de convention décidant le fond n'est qu'une misérable chicane.
Et qui donc a commencé l'opposition au déplacement de la station de Tournai ? Mais, MM. de la gauche, ce sont vos coreligionnaires. Ce sont les libéraux qui ont protesté les premiers, et c'est pour cela que vous êtes si mécontents, c'est parce que vos amis vous ont abandonnés.
L'an denier encore, c'est votre journal l’Economie qui, le premier, a protesté. Ce sont ensuite vos journaux, tous vos amis politiques, et je ne suis ici que le faible organe, non seulement des catholiques, mais principalement des libéraux dans cette affaire. Je suis l'organe des industriels, des commerçants de Tournai qui demandent que la station actuelle soit maintenue et soit élargie, comme le proposait d'abord l'honorable M. Vanderstichelen.
On semble dire que j'exerce une influence prépondérante dans cette affaire et que mon honorable, ami, M. Wasseige, n'est que mon instrument. Je proteste avec la dernière énergie, pour lui comme pour moi, contre de pareilles accusations.
- Des membres. - Assez ! assez ! La clôture !
M. Jamar. - Je demande la parole pour quelques instants seulement. Je ne comprendrais pas que la droite refusât de m'entendre, lorsqu'il s'agit de l'exécution de conventions que j'ai signées.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Jamar. - Je serai très bref. Messieurs, je suis, au surplus, sous l'empire d'un sentiment d'indignation... (Interruption.)
Oui, messieurs, d'indignation que M. le ministre des travaux publics a fait naître en venant vous parler aujourd'hui de la station de Tournai comme d'une question en ce moment à l'étude.
Est-il possible de tenir un pareil langage en présence des décisions nombreuses de la Chambre ? La Chambre a voté le principe du déplacement de la station de Tournai ; elle a voté, à plusieurs reprises, différents crédits pour commencer les travaux du terrassement de la nouvelle station, le placement des voies, la construction des bâtiments, etc.
En exécution de ces votes, le ministre a engagé sa parole et ratifié les conventions conclues entre l'administration communale de Tournai et les agents délégués du département des travaux publics.
M. Dumortier. - De quelle date est cette convention ?
M. Jamar. - Elle est du 29 décembre 1869.
Je dis qu'il serait sans exemple qu'au mépris d'une convention signée par un ministre, au mépris des résolutions de la Chambre, un gouvernement vînt, dans une question qui n'a rien de politique, manquer au respect dû à ces conventions.
Mais quelle confiance les particuliers, les administrations pourront-elles avoir désormais dans les engagements pris par le gouvernement, si de pareils abus sont possibles ?
Pour ma part, je conteste, d'une manière absolue, à l'honorable M. Wasseige le droit de modifier quoi que ce soit dans les résolutions qui ont été prises par le gouvernement en exécution des décisions de la législature.
Je le défie, au surplus, d'apporter, à l'appui d'une modification de ces résolutions, l'avis d'un seul fonctionnaire de son département.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Mon honorable, prédécesseur a pris depuis quelque temps la mauvaise habitude de me délier en toute occasion et à propos de tout. Je ne puis lui permettre cette manière d'agir. J'aurais le droit de lui déclarer que je fais fi de ses attaques, qui ne peuvent ni m'atteindre ni m'émouvoir. (Interruption.) J'ai autant de loyauté que lui. Si une convention lie le gouvernement, elle sera respectée. C'est ce que je ferai examiner en même temps et avec le même soin que toutes les autres questions se rattachant à l'affaire. J'en ai pris l'engagement devant l'honorable M. Bara dans une circonstance récente et mon engagement est acte en toutes lettres aux Annales parlementaires. Mais je veux m'éclairer avant tout. Sans doute, si des engagements irrévocables ont été. pris, ils doivent être respectés, et ils le seront, mais je n'ai pas la conviction qu'il en existe. Qu'ai-je vu dans cette affaire ? Un conseil communal est à peu près unanime pour demander une chose ; il est appuyé de nombreuses pétitions ; mais plusieurs membres de ce conseil, appuyés aussi de pétitions non moins nombreuses que les premières, réclament le contraire.
M. Crombez. - Vous avez aussi des pétitions pour demander le déplacement de la station.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Mais c'est ce que je dis.
J'éprouve, dans cette situation, un doute sur le point de savoir si l'administration communale a bien discerné les véritables intérêts de Tournai ou si elle s'est laissé aveugler par d'autres sentiments.
(page 1785) Voilà ce que je veux rechercher, et quand je serai fixé à cet égard, j'agirai loyalement, nettement sans que l'honorable M, Jamar ni qui que ce soit ait besoin de me défier.
- La clôture est demandée par plus de dix membres.
M. Bara. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, je désire pouvoir dire deux mots.
- Des membres. - Non ! non !
M. Bara. - Vous avez entendu un député de Roulers venir attaquer la députation de Tournai, venir dire qu'il était le représentant des industriels du grand et du petit commerce de Tournai, qu'il était plus compétent pour parler au nom des intérêts de cette ville que les députés de Tournai eux-mêmes et que son conseil communal ! et vous voulez que sur ces paroles on ferme la discussion ? Je demande à la Chambre si ce serait là un procédé juste.
Je ne demande que deux ou trois minutes. Si vous ne voulez pas m'accorder la parole, je demanderai l'appel nominal sur la clôture, pour qu'il soit bien constaté que vous n'avez pas voulu laisser un représentant défendraeson arrondissement et le conseil communal du chef-lieu de cet arrondissement contre d'injustes accusations d'un député représentant des intérêts étrangers à cet arrondissement. (Interruption.)
- Des membres. - La clôture !
M. le président. - La clôture est demandée.
- Il est procédé au vote par appel nominal, sur la demande de clôture.
81 membres y prennent part,
49 répondent oui.
32 répondent non.
En conséquence la clôture est prononcée.
Ont répondu oui :
MM. Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Delcour, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Reynaert, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbruggen, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Bara, Boucquéau, Boulenger, Braconier, Crombez, David, de Baets, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, Demeur, de Rossius, Dupont, Elias, Funck, Guillery, Houtart, Jamar, Jottrand, Julliot, Lescarts, Muller, Orts, Pirmez, Rogier, Sainctelette, Van Iseghem, Vleminckx, Allard, Anspach et Balisaux.
- Le paragraphe est adopté.
« Paragraphe 28. Continuation des travaux de la station de Liège : fr. 100,000.
- Adopté.
« Paragraphe 29. Continuation des travaux de la station de Mons : fr. 100,000. »
M. Amédée Visart. - J'ai constaté avec un regret véritable que la station de Bruges ne figure pas parmi celles dont les travaux seront continués.
Cet oubli - car je n'y veux voir qu'un oubli - a été pour mes commettants une désagréable surprise et une grande déception.
La nécessité de construire un nouveau bâtiment pour le service des voyageurs est évidente ; elle est reconnue depuis longtemps. Aussi, en présence des déclarations faites dans cette Chambre par les prédécesseurs de l'honorable M. Wasseige, en présence des engagements formels pris vis-à-vis de l'administration communale de Bruges, il nous paraissait impossible que cette station ne fût pas comprise dans le premier grand projet de travaux publics.
Je remarque que de toutes les stations en faveur desquelles des crédits importants ont été votés en 1868, Bruges est la seule dont les travaux seront interrompus. Bruxelles, Liège, Mons, Charleroi, Tournai, généreusement traités à cette époque, ont encore une très belle part dans le projet actuel ; Malines et Louvain passeront aussi avant nous, quoiqu'il n'en fût pas question en 1868. Voilà donc quatre villes, moins importantes que Bruges, qui ne sont pas, comme elle, chefs-lieux de province qui serait dotées de splendides stations et de gares couvertes, tandis que Bruges devra se contenter indéfiniment d'une installation à peine convenable et suffisante pour une ville de troisième ou de quatrième ordre. Cela n'est ni raisonnable, ni équitable.
Je dirai même que cela est d'autant plus injuste que la ligne de Gand-Bruges-Ostende, tout en étant une des plus productives du pays, est peut-être celle dont le coût de construction par kilomètre a été le moins élevé.
Les lignes de l'Est et du Midi ont été beaucoup plus coûteuses à construire et néanmoins c'est encore dans cette partie, du pays que le gouvernement fait, pour les gares nouvelles, les dépenses les plus considérables. Les millions, paraît-il, appellent les millions.
Cependant je ne reproche pas à l'honorable ministre des travaux publics de faire à Charleroi, à Liège ou ailleurs ce qui est convenable et utile ; je me borne à lui demander de ne pas mettre Bruges à l'arrière-plan et de nous donner à peu près notre part.
Le gouvernement aurait d'autant plus raison de ne pas se faire prier et de ne pas trop nous faire languir, que la construction d'un nouveau bâtiment des recettes à Bruges est une dépense absolument inévitable.
L'exiguïté et le mauvais aménagement des locaux actuels entravent le service et le mouvement ; et leur aspect misérable et mesquin est une humiliation permanente pour l'amour-propre très légitime de mes compatriotes.
Aussi, messieurs, j'espère rencontrer l'assentiment de la Chambre et du gouvernement en venant vous proposer d'introduire au projet de loi, par voie d'amendement, un article 29bis nouveau, ainsi conçu :
« Continuation des travaux de la station de Bruges, 200,000 francs. »
Cette somme est le minimum de ce qui est indispensable pour l'achèvement du plan général arrêté de concert depuis plus de six ans par le département des travaux publics et l'administration communale de Bruges.
En 1868, l'honorable M. Jamar avait d'abord demandé un crédit de 200,000 francs pour les travaux de grosse œuvre seuls d'un nouveau bâtiment de recettes. La somme que je demande par mon amendement est donc certainement inférieure à la dépense qui reste à faire, et qui en principe est décidée depuis longtemps.
J'ai la confiance que l'honorable M. Wasseige acceptera cet amendement ; il ne voudra pas nous dépouiller des avantages que ses prédécesseurs nous avaient accordés, au moins sous forme de promesses, mais de promesses très positives, il est vrai.
Je compte que le ministre actuel nous en donnera la réalisation.
M. le président. - L'honorable M. Visart propose un amendement ainsi conçu :
« Continuation des travaux de la station de Bruges, 200,000 francs. »
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je regrette de ne pouvoir me rallier à cet amendement.
Encore une fois, j'ai cherché à faire, à l'aide du crédit de 22,000,000 de francs, les travaux qui me semblaient les plus utiles et les plus urgents.
La ville de Bruges n'est pas dans une situation défavorable ; des travaux considérables y ont été exécutés récemment et l'ont placée sur un pied provisoirement convenable.
Il va de soi que quand les ressources du trésor le permettront et que les besoins les plus urgents seront satisfaits, je ferai pour la ville de Bruges ce que je fais pour les autres villes du pays.
Mais elle paraît pouvoir attendre. Je puis toutefois prendre un engagement et je le prends bien volontiers ; je garantis à l'honorable M. Visart que l'attente ne sera pas de longue durée.
M. le président. - M. Visart, maintenez-vous votre amendement ?
M. Amédée Visart. - Je ne suis qu'à moitié satisfait, je l'avoue, de la réponse que m'a faite l'honorable ministre des travaux publics. Cependant, j'ai confiance en ses bonnes intentions à notre égard ; je veux interpréter ses paroles dans le sens le plus favorable aux désirs de la ville de Bruges. C'est pourquoi je retirerai l'amendement que j'ai proposé. Je me réserve de revendiquer notre droit quand une occasion plus favorable se présentera.
M. le président. - L'amendement est retiré.
M. le président. - La Chambre passe au paragraphe 30.
Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Paragraphe 30. Travaux d'agrandissement et d'amélioration de l'arsenal et de la station de Malines : fr. 500,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 31. Etablissement d'une nouvelle station à l'extrémité est de la ville de Verviers, dans la traversée de cette ville. Travaux d'extension dans les stations entre Liège et la frontière prussienne : fr. 400,000. »
M. le président. - D'après le rapport de la section centrale, une erreur d'impression s'est glissée dans le libellé de ce paragraphe. Avant les mots : « dans la traversée de cette ville », il faut ajouter le mot « travaux ».
La parole est à M. David, sur le paragraphe 31.
(page 1786) M. David. - M. le président, il est cinq heures ; j'ai d'assez nombreuses observations à présenter. Je demande à pouvoir parler demain.
- Des membres. - Non ! non ! Parlez ! Continuons !
M. David. - Vous ne pourrez pas, dans tous les cas, finir aujourd'hui. Pourquoi dès lors ne pas me permettre de présenter mes observations dans la séance de demain ? Du reste, on sait qu'à la fin d'une séance les membres qui prennent la parole ne sont plus écoutés.
- Des membres. - Ayons une séance du soir.
- D'autres membres. - Non ! non !
- La Chambre décide qu'elle tiendra une séance du soir à 8 heures.
La séance est suspendue à 5 heures.
Elle est reprise à 8 heures et un quart.
M. le président. - La parole est à M. David sur le paragraphe 31 de l'article premier.
M. David. - Messieurs, vous connaissez, tous, la station de Verviers ; vous savez combien les manœuvres, dans la station actuelle, sont difficiles ; vous savez combien le chargement et le déchargement des marchandises est lent, pénible, quelquefois impossible. Cet état de choses occasionne des retards ; il entraîne des immobilisations du matériel, et il met le gouvernement dans la nécessité de faire des dépenses.
Il est donc au mieux que le département des travaux publics songe à ériger enfin une station en amont de Verviers, afin de dégager quelque peu la station existante.
Ce travail est tout dans l'intérêt du trafic et des recettes du chemin de fer de l'Etat. Afin que la station nouvelle produise tous ses effets, il est indispensable de déplacer la ligne ferrée autant de la station actuelle à la station nouvelle,
Il existe, je les ai vus, des plans très rationnels qui, au lieu d'établir la relation entre la station actuelle et la station nouvelle par la ligne droite, le font en contournant toute la ville de Verviers, par la rive droite de la Vesdre. Ces plans ne comportent plus aucun passage à niveau. Sur l'ancienne ligne il y a sept ou huit passages de cette espèce à travers deux routes, à travers des rues extrêmement fréquentées et à travers des rues moins larges, mais où la population est encore plus dense et où les dangers sont encore beaucoup plus grands.
Je prierai M. le ministre des travaux publics de bien vouloir examiner de près les plans de MM. Lejeune et Colin pour relier la station actuelle avec la nouvelle station par la rive droite de la Vesdre. Comme je viens de vous le dire, il ne restera plus aucun passage à niveau et cette ligne facilitera considérablement le raccordement du chemin de fer des plateaux de Hervé avec la station de Verviers.
Chacun sait que la station actuelle à Verviers est à rebroussement ; donc au moyen de cette ligne, le gouvernement fera des économies considérables. La manœuvre dans la station de Verviers est aujourd'hui excessivement difficile, et l'on peut estimer la dépense que l'on fait en avançant, en reculant et en promenant inutilement les waggons à 25,000 francs. D'un autre côté, vous avez, à ces sept ou huit endroits où le chemin de fer passe à niveau, des gardes de jour et des gardes de nuit qui coûtent à l'Etat à peu près 25,000 francs par an. L'Etat économisera donc près de 50,000 francs, ce qui représente plus d'un million, en construisant lui-même la ligne par la rive droite de la Vesdre ; or s'il ne veut pas s'en mêler, je crois qu'il y a une société qui serait disposée à entreprendre l'exécution de cette ligne. Le coût entier de l'exécution de ce plan est estimé à 2,200,000 francs au plus, dont il faut déduire naturellement le capital, dont l'intérêt ci-dessus sera économisé.
Cette ligne serait extrêmement favorable, puisqu'elle supprimerait la station à rebroussement que nous ayons aujourd'hui.
M. Allard. - Ce sont les meilleures !
M. David. - D'après l'honorable M. Dumortier, oui ; mais nous ne sommes pas de cet avis.
Ainsi, ce projet, en substituant une station directe à une station à rebroussement, ferait économiser beaucoup d'argent au gouvernement.
J'engage donc M. le ministre des travaux publics à examiner les plans qu'on doit lui avoir proposés.
Une grande partie de l'opinion publique se prononce en faveur de cette nouvelle ligne de raccordement entre les deux stations ; même des ingénieurs capables approuvent également cette ligne.
Je prie donc de nouveau M. le ministre des travaux publics d'examiner de nouveau la question.
Messieurs, puisque j'ai la parole et ne comptant plus la prendre dans cette discussion, permettez-moi de motiver mon vote.
Je voterai contre le projet de loi parce que je n'ai aucune confiance dans M. le ministre des travaux publics, et je vais vous donner la raison de ma méfiance.
Je trouve que M. le ministre des travaux publics désorganise le service des trains de voyageurs, qu'il tarit les revenus du chemin de fer et qu'il fait tout le possible pour entraver les relations des citoyens belges les uns avec les autres.
En deux mots, je vous aurai expliqué ce que je veux dire par. là. Il veut relever les tarifs en faisant fi de l'opinion publique dans tout le pays. Qu'est-ce que c'est, messieurs, que relever les tarifs ? C'est empêcher la circulation.
Maintenant, M. le ministre des travaux publics s'amuse... (Interruption.) Oh ! je maintiens l'expression, car ce doit être sans réflexion, sans examen que ces choses sont faites... Il s'amuse à supprimer les troisièmes et les secondes aux express. C'est véritablement agir sans réflexion et je le prouverai immédiatement par des chiffres ; par là il tue la poule aux œufs d'or.
Depuis 1866 jusqu'à la fin de 1870, les voyageurs en première en express n'ont pas augmenté pour ainsi dire, de 33 p. c. seulement ; ils ont varié de 10,000 à 12,000 en plus ou de 10,000 à 28,000 en moins.
Ce sont les chiffres officiels, vous pouvez au besoin les vérifier.
Les secondes, au contraire, ont augmenté de 150 p. c. et on les supprime aux express.
Est-ce croyable !!!
Pour les troisièmes, la proportion croissante est plus énorme encore. Avant 1866 il n'y avait pas de troisièmes aux express et partant pas de voyageurs.
En 1866, il se présenta déjà 154,000 voyageurs ; en 1870, - et l'on prétendait que l'ouvrier, le petit bourgeois ne désirent pas, dans bien des circonstances, marcher vite, - il y avait 734,000 voyageurs en troisièmes express. Ainsi une progression du quintuple.
Et vous supprimez les troisièmes express ?
Mais c'est vouloir de gaieté de cœur entraver la circulation et tarir les ressources de l'Etat.
Dernièrement M. le ministre des travaux publics a mis le comble à cette mesure de compression des relations rapides.
Nous avions un convoi qui partait à 5 h. 40 m. pour Liège, Verviers et l'Allemagne. (Interruption.) C'était le convoi le plus plantureux de la ligne vers l'Est. (Interruption.) Mais, messieurs, je motive mon vote ; je vote contre le projet ; j'examine pourquoi et vous devriez le comprendre. Je n'ai pas confiance dans la manière d'administrer de M. le ministre des travaux publics. (Interruption.)
Oui, certainement il entrave la facilité des relations. Comment voulez-vous dès lors que je donne mon approbation au projet de loi, moi qui désire que les classes moyennes et les classes ouvrières puissent voyager comme les classes riches rapidement ; le temps est aussi précieux et plus précieux pour elles que pour l'aristocratie inoccupée ?
Enfin, messieurs, à partir du 1er juillet, on supprime même les secondes au convoi express qui part d'ici à 5 heures pour Liège et pour l'Allemagne. Mais la province de Liège est une province libérale, il faut donc bien un peu la maltraiter afin de lui être désagréable.
Ce convoi, messieurs, était un convoi réellement extraordinaire, il ressemblait à un long convoi de marchandises, il était impossible de jamais y trouver une place ; le plus souvent après avoir pris une seconde, on vous plaçait dans un de ces compartiments, mais vous deviez y rester debout jusqu'à Liège et même jusqu'à Verviers. Et l'on supprime ces voitures de seconde classe qui rapportaient tant d'argent !
Voilà, messieurs, une singulière manière d'administrer les chemins de fer, de les faire prospérer et de faciliter les voyages aux pelites bourses !
Je suis aux regrets de devoir le dire, mais réellement je ne comprends pas comment l'administration centrale du département des travaux publics, composée cependant de tant d'hommes capables, ne donne pas de conseils à M. le ministre pour lui indiquer que tel convoi est bon, excellent, qu'il ne faut en retrancher aucune classe de voitures, que tel convoi peut être supprimé, que tel convoi doit être composé de première et de deuxième, ou de première, de deuxième et de troisième d'après les besoins impérieux de la circulation. Mais procéder comme elle le fait, c'est réellement abdiquer son rôle consultatif et ruiner les finances de l'Etat, et dans de telles conditions je ne puis pas voter le projet de loi.
Du reste, partout où le parti clérical est à la tête du gouvernement, les choses se passent de la même manière.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Parlez de la station de Verviers.
M. David. - Je motive mon vote et je dis que partout où le parti clérical, (page 1787) poussé par les jésuites, est au pouvoir, les choses se passent comme maintenant en Belgique, et je le prouve par des exemples.
Mais vous devez vous rappeler, messieurs, ce qui a eu lieu à propos de la construction du chemin de fer de Civita-Vecchia à Rome ; plusieurs sociétés sérieuses demandaient la concession du chemin de fer de Civita-Vecchia à Rome ; les cautionnements étaient déposés et cette concession n'a été accordée qu'au bout de quatorze à quinze ans. Pourquoi ? Parce que la curie romaine redoutait la facilité des communications avec Rome, et l'influence, pour la population de cette ville, du contact avec les idées libérales du dehors.
Voilà, messieurs, un exemple. Je puis en citer un autre dont j'ai été témoin, dans un pays soumis aux jésuites comme le nôtre, en Bavière.
Chargé par des capitalistes de demander la concession d'un chemin de fer de Munich à Kufstein en Tyrol par Rosenheim, et de Munich à Salzbourg en Autriche également par Rosenheim, je suivis avec grand intérêt soin la discussion devant la chambre des représentants de cette concession.
Eh bien, dans la chambre bavaroise, dont les membres sont élus à deux degrés, il y avait quatorze à quinze ecclésiastiques, et quatre à cinq de ces ecclésiastiques prirent la parole pour s'opposer à l'octroi de la concession.
Quelle raison donnèrent-ils ? Ils alléguèrent la crainte de voir les populations rurales, si soumises à leur domination, venir se corrompre au contact de la bourgeoisie libérale de Munich.
Ces chemins de fer ont été exécutés par le gouvernement bavarois un peu plus tard.
Messieurs, par toutes ces raisons, je voterai contre le projet de loi.
(page 1799) M. Simonis. - Messieurs, quoique la discussion sur les tarifs des chemins de fer soit close depuis longtemps, M. David vient de se livrer encore, sur ce sujet, à une longue digression, qu'il a eu soin de parsemer, selon sa coutume habituelle, de quelques amabilités à l'adresse du clérical.
Pour ce qui me concerne, je ne partage en aucune façon l'opinion de l'honorable membre sur cette question ; j'attends, au contraire, les plus heureux résultats, pour le pays, des modifications que l'honorable ministre se propose d'apporter au tarif actuellement en vigueur.
Cela dit, si je ne puis m'entendre sur ce terrain avec mon honorable collègue, j'appuie, d'autre part, avec plaisir les observations qu'il a présentées relativement au projet de MM. Collin et Lejeune et au raccordement du railway des plateaux de Herve avec la ligne de l'Etat à la station de Verviers.
Il est de toute impossibilité que M. le ministre des travaux publics admette le tracé de ce railway entre Dison et Verviers, déposé par la société concessionnaire et qui comprend un tunnel de 390 mètres avec une rampe de 18 millimètres, ce qui est exorbitant.
Indépendamment d'autres inconvénients que présente ce tracé, cette circonstance devrait suffire à elle seule pour le faire rejeter. Pendant la discussion du budget des travaux publics, j'avais déjà appelé l'attention de M. le ministre sur le projet de MM. Colin et Lejeune.
Je suis heureux d'être parfaitement d'accord sur ce point avec M. David.
Plus que jamais, messieurs, je suis convaincu que ce projet, qui offre aussi de sérieux avantages pour la ville de Verviers, serait d'une utilité incontestable et une source d'économies importantes pour l'Etat.
Si mes renseignements sont exacts, le gouvernement a définitivement fixé l'emplacement de la nouvelle station décrétée à l'est de Verviers.
Cet emplacement serait celui que le gouvernement proposait lui-même dès le principe, qui a été admis avec quelques légères modifications par l'administration communale de Verviers et qui, tout dernièrement encore, a été préconisé dans la séance du sénat du 6 de ce mois par l'honorable sénateur de mon arrondissement.
Le projet de MM. Colin et Lejeune, c'est là un de ses beaux côtés, non seulement ne met pas obstacle à l'exécution de cette station, mais, au contraire, il en permettrait l'établissement dans des conditions bien plus favorables.
En effet, en combinant les deux choses, le plan de MM. Colin et Lejeune et la nouvelle station, l'on pourrait établir celle-ci en palier, tandis que si l'on maintient la direction actuelle du chemin de fer dans la traverse de Verviers, la nouvelle station aurait une rampe assez forte, de 2 millimètres environ, ce qui serait un inconvénient très grave et même un danger perpétuel.
J'insiste donc vivement pour que l'honorable ministre prenne, le plus tôt possible, une décision relativement au projet de MM. Colin et Lejeune et pour qu'il fasse mettre dans le plus bref délai la main à l'œuvre à la nouvelle station de Verviers.
Puisque j'ai la parole, j'en profite pour remercier l'honorable ministre des travaux publics des promesses qu'il m'avait faites lors de la discussion de son budget relativement à quelques stations entre Liège et la frontière de Prusse que j'avais spécialement recommandées à sa bienveillance. Le crédit que nous sommes appelés à voter dans ce moment permettra de mettre ces promesses à exécution et j'en suis bien aise.
Obligé de m'absenter à cette époque pendant trois semaines, je n'avais pu alors exprimer publiquement mes remerciements à l'honorable ministre ; je tenais à le faire aujourd'hui.
Il me reste toutefois quelques observations à lui soumettre sur sa réponse au sujet d'une amélioration que je l'avais prié d'apporter à la station de Pepinster afin de mettre les voyageurs à l'abri des intempéries de l'air.
L'honorable ministre a répondu que j'avais été satisfait d'avance par des changements apportés au bâtiment actuel des recettes ; M. le ministre est complètement dans l'erreur.
Il y a un an ou, deux en effet, on a agrandi le bâtiment des recettes, mais ces travaux n'atteignent nullement le but que j'ai indiqué ; la salle d'attente actuelle n'est pas, à beaucoup près, suffisante pour contenir tous les voyageurs qui se trouvent souvent réunis à Pepinster.
Ce que je réclame, c'est qu'on mette à couvert, comme cela existe déjà à la station de Landen, un trottoir de trois ou quatre mètres de largeur, qui court le long du bâtiment des recettes ; ce travail peut s'exécuter à peu de frais ; il suffit d'une toiture vitrée soutenue par quelques colonnes de fonte.
Il n'y a pas lieu, me paraît-il, de reculer devant cette faible dépense, à laquelle les dames de Verviers ne sont pas seules intéressées, comme M. le ministre avait l'air de l'insinuer. Cette amélioration profiterait aux dames de la Belgique entière, y compris celles de Namur, M. le ministre, et elle serait appréciée par tous les voyageurs sans exception.
(page 1787) M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je puis annoncer aux honorables représentants de Verviers qu'en effet le plan de MM. Colin et Lejeune, que j'avais déjà soumis à des ingénieurs de l'Etat pour une première étude, vient de revenir à l'administration ; il fait actuellement l'objet des délibérations du comité mixte. S'il offre les avantages que les honorables préopinants lui attribuent, il aura mes sympathies.
Quant à la station de Pepinster, je verrai de nouveau s'il y a quelque chose à y faire.
- Le paragraphe est adopté.
« Paragraphe32. Installations pour le service des établissements maritimes à Anvers : fr. 4,000,000. »
- Adopté.
« Paragraphe 33. Travaux de parachèvement du réseau : fr. 2,000,000. »
(page 1804) M. Sainctelette. - Je voterai de tout cœur le crédit inscrit au paragraphe 33, mais je voudrais signaler une rectification de tracé qui n'a pas moins d'importance que la plupart des travaux de parachèvement projetés.
Voici ce dont il s'agit :
Saint-Ghislain et Mons sont à la même distance de Jurbise ; mais, pour aller de Saint-Ghislain à Jurbise, le tracé actuel passe par Mons. On parcourt les deux côtés d'un triangle au lieu de suivre la ligne droite et l'on fait ainsi subir un détour de 9 kilomètres à tous les transports de voyageurs et de marchandises en provenance de Saint-Ghislain et en destination de Jurbise et au delà, par conséquent, à tous les transports de voyageurs et de marchandises en destination de Bruxelles et des provinces du Nord, d'Anvers, de Gand et du littoral.
On frappe donc toutes les expéditions du Couchant de Mons vers le nord du pays d'une surtaxe de deux lieues.
Celte situation a depuis longtemps appelé l'attention des représentants de l'arrondissement de Mons ; l'un d'eux, dont l'autorité est restée considérable dans cette enceinte, M. H. Dolez, signalait cet état de choses dès 1863 et demandait au gouvernement la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise.
Nous reproduisons aujourd'hui cette proposition. Mais, fidèle au principe adopté par la Chambre dans la discussion du projet de chemin de fer de Tirlemont au camp, nous proposons de ne concéder que la construction, l'exploitation étant réservée à l'Etat.
Dans le projet de loi relatif au chemin de fer de Tirlemont au camp, une garantie d'intérêts était promise au concessionnaire. Ici il nous paraît que toute garantie d'intérêt, toute promesse d'un minimum de profit net est parfaitement inutile.
Le trafic entre Saint-Ghislain et Jurbise sera assez considérable pour (page 1805) que le profit nef, déduction faite des frais d'exploitation à percevoir par l'Etat et quel que soit le taux de ces frais d'exploitation, suffise à rémunérer largement les concessionnaires. Nous avons donc l'honneur de proposer à la Chambre l'adoption d'un amendement ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à concéder par voie d'adjudication publique la construction d'un chemin de fer partant de Saint-Ghislain et aboutissant à la ligne de Mons à Bruxelles vers Erbisoeul, en passant par Baudour. »
Cette concession aurait pour résultat de procurer aux expéditions du Couchant de Mons un raccourcissement considérable, de desservir une localité très importante, jusqu'à présent privée de raccordement avec le chemin de fer, et de faire cela sans qu'il en coûte aucun sacrifice réel au trésor public.
Nous vous proposons de procéder par voie d'adjudication publique, parce c'est le système admis récemment pour la concession du chemin de fer de Tirlemont au camp et que, d'ailleurs, il est possible que des amateurs se présentent, qui consentent à laisser à l'Etat une partie du profit net.
L'adjudication pourrait se faire en faisant porter le rabais sur le montant de la quotité de profit net à attribuer au concessionnaire.
Nous n'avons été arrêtés dans la présentation de cet amendement que par la seule objection que voici. Nous tenons essentiellement à ce que la construction de ce chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise ne compromette en rien l'exécution du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath. Il doit donc être formellement entendu entre M. le ministre des travaux publics et nous que la construction du chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise n'équivaudrait, en aucune façon, à la construction du chemin de fer de Saint-Ghislain à Ath ; que, ces deux concessions fussent-elles réunies dans les mêmes mains, la construction d'une des lignes ne sublèverait pas le concessionnaire de l'obligation de construire également l'autre.
En un mot, il doit être bien entendu entre nous que toutes les voies de communication concédées dans l'arrondissement de Mons ou qui pourraient être concédées à l'avenir ne feront aucun double emploi avec le chemin de fer que nous proposons, lequel a uniquement la portée d'un raccourcissement entre le Couchant de Mons et les provinces septentrionales.
C'est avec ces réserves et sous ces conditions que je dépose l'amendement dont j'ai donné lecture. Il porte la signature des cinq représentants de l'arrondissement de Mons.
(page 1787) - L'amendement est proposé. Il fait partie de la discussion.
M. le président. - Si cet amendement était adopté, il devrait faire l'objet d'un article spécial.
M. Sainctelette. - Sans doute ; mais j'ai cru que le moment était venu de le proposer.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - l est bien entendu, si j'ai compris l'amendement, que c'est une faculté qu'il tend à accorder au gouvernement, faculté dont celui-ci sera libre d'user ou de ne pas user après examen du projet.
Dans ces conditions, comme le projet de ce chemin de fer n'est pas nouveau, comme il en a été parlé souvent déjà, ainsi que vient de le rappeler l'honorable membre (et, en effet, l'établissement en a été tout spécialement recommandé par l'honorable M. Dolez), je crois pouvoir m'y rallier ; mais à une condition, et c'est pour moi une condition sine qua non, c'est qu'il ne soit pas stipulé que la concession de la construction sera mise en adjudication publique.
Je comprends l'adjudication quand il s'agit d'accorder un minimum d'intérêt, car alors l'adjudication porte sur quelque chose de sérieux. Dans tous les autres cas, il n'en saurait être de même. J'ai d'autant plus de raison de prendre cette position, que déjà une demande de concession de ce chemin de fer a été adressée à mon département. Il m'importe donc de conserver une entière liberté d'action, tant dans l'intérêt du trésor que dans l'intérêt d'une bonne et prompte exécution. En résumé, je suis disposé à accepter l'amendement, à la condition que ses auteurs renoncent à l'adjudication publique.
Pour le surplus, je suis également d'accord avec l'honorable M. Sainctelette, que la concession de la ligne proposée ne pourrait en aucune façon dispenser de la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Ath, ligne que je suis plus résolu que jamais à faire exécuter.
M. le président. - M. le ministre propose de supprimer les mots : « Par voie d'adjudication publique. »
Les auteurs de l'amendement se rallient-ils à cette suppression ?
M. Defuisseaux. - Je n'y vois pas d'inconvénient.
Messieurs, l'assurance que vient de nous donner M. le ministre des travaux publics, que la ligne directe de Saint-Ghislain à Ath est celle qu'il désire, est pour moi suffisante. Seulement, je ferai observer qu'il y a ici deux intérêts bien distincts à desservir. Vous avez d'abord l'intérêt qui consiste à diminuer la longueur du trajet entre Saint-Ghislain, Quiévrain, Boussu, et toutes les localités du Borinage situées au delà de Mons, d'une part, et Bruxelles, de l'autre. Cet intérêt sera parfaitement satisfait par la construction du chemin de fer que nous demandons par amendement.
En effet, les charbons, les fers, toutes les industries qui se trouvent à Saint-Ghislain et dans les environs profileront naturellement du nouvel embranchement qui aura pour point de départ Saint-Ghislain, et aboutira à Jurbise en passant par Baudour et Erbisoeul ; car cette nouvelle ligne présentera une réduction de parcours considérable pour tous les transports des marchandises envoyés de ces localités en destination de Bruxelles et d'Anvers.
Le second intérêt que nous avons à sauvegarder est celui qui concerne les transports du Couchant de Mons vers la vallée de la Dendre. Cet intérêt est spécialement sauvegardé par la ligne directe de Saint-Ghislain à Ath.
Ce sont donc deux lignes nécessaires l'une et l'autre, et c'est dans ces conditions que j'ai signé l'amendement ; car je reste avant tout partisan de la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Ath ; j'approuve beaucoup M. le ministre des travaux publics de ne pas abandonner cette idée et je le soutiendrai de toutes mes forces dans cette voie ; car la ligne de Saint-Ghislain à Ath intéresse au plus haut degré l'arrondissement qui m'a envoyé dans cette enceinte.
Quant au point de savoir s'il doit y avoir, oui ou non, une adjudication publique, je n'en fais pas une condition sine qua non de mon adhésion à l'amendement ; la chose qui me préoccupe le plus, c'est que le chemin de fer soit fait.
Je ne tiens pas à ce qu'il se fasse d'une façon ou d'une autre.
Aucun principe n'est engagé ici. En thèse générale l'adjudication publique des chemins de fer offre plus de garantie au public que la concession accordée comme elle l'a toujours été jusqu'à présent. Mais je ne pense pas qu'une concession de plus donnée suivant le système suivi jusqu'à ce jour puisse engager l'avenir et nous empêcher plus tard de recourir à l'adjudication publique lorsqu'il s'agira de créer de nouvelles lignes.
Je le répète, l'essentiel est l'exécution des lignes ; et si M. le ministre des travaux veut doter l'arrondissement de Mons de deux lignes si importantes à deux points de vue différents, je ne puis que m'associer à ses bonnes intentions.
M. le président. - Les auteurs de l'amendement consentent-ils à supprimer les mots : « par voie d'adjudication publique » ?
M. Boulenger. - Je demande la parole.
M. le président. - Il y a d'autres orateurs inscrits. Est-ce pour déclarer que vous vous ralliez à la suppression proposée par M. le ministre ?
M. Boulenger. - Non, c'est précisément pour dire que je ne me rallie pas à cette suppression, et pour dire pourquoi je ne m'y rallie pas.
M. le président. - La parole est à M. Brasseur.
M. Brasseur. - J'accepte volontiers le projet présenté par l'honorable M. Sainctelette mais je ne puis l'accepter qu'avec l'amendement de M. le ministre des travaux publics. En principe, j'admets le système de l'adjudication publique pour les grandes lignes ; mais dans l'espèce, il est inapplicable : il s'agit d'une ligne de 9 kilomètres.
Eh bien, je le demande, y a t-il, pour une pareille ligne, une concurrence possible, car l'adjudication publique suppose une concurrence ? Cela n'est pas sérieux. Si j'ai bien compris M. Sainctelette, il n'y a pas de garantie d'intérêts, il n'y a pas de rente, il n'y a rien.
M. Jamar. - Il y a une quotité.
M. Brasseur. - J'allais précisément demander sur quoi portera la concurrence. Est-ce sur les tarifs ? Non, puisque la ligne doit être exploitée par l'Etat, qui appliquera ses tarifs. Elle portera, dit-on, sur la quotité, Quelle quotité ?
M. Jamar. - La quotité du produit brut.
M. Brasseur. - C'est là un point qui mérite un examen approfondi.
Savez-vous quel danger vous courez avec le système de l'adjudication (page 1788) publique ? C'est qu'il pourrait y avoir un écrasement d'une compagnie par une autre.
Supposez deux compagnies qui touchent à la ligne à concéder ; l’une est puissante, l'autre est faible.
Eh bien, la compagnie puissante peut avoir intérêt à s'emparer de ces neuf kilomètres et alors vous aurez augmenté de fait un monopole déjà existant et vous irez à rencontre du but que vous vous proposez. Vous aurez provoqué un écrasement d'une compagnie au profit de l'autre.
Je comprends l'adjudication pour une grande ligne qui a son existence propre, qui peut vivre par elle-même. Mais une ligne de neuf kilomètres est une ligne impossible, à moins qu'elle ne soit construite par une compagnie déjà existante, qui a intérêt à s'en emparer au point de vue du trafic. Or, dans ce cas, vous causerez un préjudice considérable à une autre compagnie qui a droit à la protection de l'Etat.
Voilà les considérations que j'avais à présenter.
Je considérerais comme une faute immense la consécration par la Chambre du principe de l'adjudication publique pour un travail pareil ; car il ne s'agit pas ici d'une ligne, c'est un véritable raccordement.
(page 1805) M. le président. - M. Sainctelette se rallie-t-il au sous-amendement de M. le ministre des travaux publics ?
M. Sainctelette. - Messieurs, je suis, en principe, grand partisan de l'adjudication.
Il me paraît que, dans la voie nouvelle où les Chambres paraissent disposées à entrer, c'est-à-dire que, dès qu'on ne veut plus concéder que la construction, rien ne s'oppose à ce que le gouvernement recueille tous les avantages de la concurrence et de l'adjudication publique.
Le système adopté pour la construction du chemin de fer de Tirlemont au camp, et pour le chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise, consiste à faire construire les chemins de fer moyennant une rente.
Dès que l'exploitation est réservée à l'Etat, qu'il ne s'agit donc plus que de la construction, le concessionnaire devient un simple entrepreneur de travaux publics et le prix de l'entreprise, au lieu de consister en un droit à des péages, se compose uniquement d'un droit à tout ou partie du profit net, c'est-à-dire à fout ou partie d'une redevance variable.
Si, au lieu de faire construire le chemin de fer moyennant une redevance, on le faisait construire moyennant un capital, moyennant une somme à payer une fois, personne, parmi nous, n'oserait proposer de ne pas recourir à l'adjudication publique.
Un exemple va rendre ma pensée : supposons que le chemin de fer de Saint-Ghislain à Jurbise doive coûter 1,200,000 francs de capital. Il est indifférent pour l'Etat ou de le faire construire moyennant un capital de 1,200,000 francs, ou d'en payer une rente de 60,000 francs. Si l'on voulait construire le chemin de fer moyennant un capital, personne ne voudrait proposer de traiter de la main à la main.
On mettrait la construction en adjudication en faisant porter le rabais sur le montant de la somme à payer et on accorderait la préférence à celui qui offrirait de la faire pour 1,100,000 francs au lieu de 1,200,000. Pourquoi procéder autrement, quand le prix est d'une rente plutôt que d'un capital. Rien ne s'oppose à ce que l'on fasse porter le rabais sur le montant de la rente, sur le taux de la quotité de profit net à attribuer au concessionnaire, sur la durée du terme pendant lequel la redevance sera due. Pourquoi, dans ce système,, ne se présenterait-il pas de soumissionnaires ?
En principe donc, je suis grand partisan de l'adjudication publique ; seulement si M. le ministre des travaux publics croit que, pour un chemin de fer constitué dans ces conditions-ci, de 9 kilomètres de parcours, l'adjudication publique ne lui procurerait pas le nombre nécessaire d'amateurs sérieux, s'il croit qu'il assurera mieux l'exécution du chemin de fer en traitant de gré à gré et s'il en prend la responsabilité, je ne fais pas personnellement opposition à ce que, cette fois et par exception, on renonce à la voie de l'adjudication publique. Je tiens avant tout et surtout à la construction du chemin de fer.
Mais je le déclare, ce n'est qu'avec la plus vive répugnance que je renoncerais à l'adjudication. Encore ne le ferais-je que sous la réserve formelle que la résolution prise ne constituera pas un précédent et qu'on ne pourra l'invoquer à l'avenir.
- Des membres. - La clôture !
M. Sainctelette. - Je n'ai qu'un mot à dire. Nous avons tous les cinq présenté l'amendement. Mais nous ne nous trouvons pas d'accord sur le sous-amendement de M. le ministre. Dans ces conditions, la loyauté nous oblige à maintenir l'amendement complet,, sauf à M. le ministre à proposé son sous-amendement et à la Chambre à statuer.
(page 1788) M. Jamar. - Je demande à la Chambre la permission de parler pendant quatre ou cinq minutes. Je pense qu'elle ne regrettera pas de m'avoir accordé la parole. Il y a là une question très importante.
M. le président. - Vous avez la parole, M. Jamar.
M. Jamar. - Je regrette très vivement, pour ma part, de ne pouvoir voter l'amendement qu'a développé mon honorable ami M. Sainctelette. et auquel, à mon grand étonnement, le gouvernement s'est rallié.
La ligne que l'on demande de construire est une ligne de raccordement, dont aucun autre intérêt spécial ne justifie la concession.
Si, aujourd'hui, le ministre des travaux publics concède la ligne de Saint-Ghislain à Erbisœul, sur quelles considérations s'appuiera-t-il pour refuser la concession de bien d'autres lignes à raccourcissements comme celle de Neuville à Mons, par exemple, dont des considérations bien plus importantes justifient la concession.
La concession de ce tronçon de voie ferrée constitue en outre un acte des plus hostiles contre la compagnie des Bassins houillers, car la construction de la ligne de Saint-Ghislain à Erbisœul bouleverse complètement toutes les directions des transports dans cette région. Je prie la Chambre d'être très attentive à cette question.
Elle est excessivement grave.
Le gouvernement a le droit incontestable de modifier ainsi d'une manière radicale l'économie de la convention du 25 avril, mais je demande s'il est équitable de le faire.
On avait encore, il y a peu de temps, de très étranges complaisances pour la compagnie des Bassins houillers. Pour le dire en passant, au moment d'émettre un emprunt de 50 millions, n'a-t-on pas remis à cette compagnie pour 13 millions de titres de notre 4 1/2 dont la réalisation a déprimé les cours, qu'il fallait soutenir, au contraire ? N'a-t-on pas autorisé la création de titres de la caisse des annuités dans une forme qui établissait une confusion regrettable avec les titres de notre dette publique ?
Nous reviendrons quelque jour sur cette dernière question. Je me borne à constater aujourd'hui quelles faveurs on accordait à la compagnie des Bassins houillers. J'ai critiqué vivement l'attitude du gouvernement dans l'affaire du payement du matériel de la Société d'exploitation.
Aujourd'hui, au contraire, on veut, par cet amendement, poser vis-à-vis de la compagnie des Bassins houillers un acte hostile que je n'approuve pas davantage. (Interruption.) Il est fort possible que l'honorable M. Brasseur ne l'aperçoive pas... (Interruption.)
Je dis, messieurs, qu'il doit y avoir des motifs sérieux qui ont déterminé le gouvernement à changer d'attitude et il est nécessaire que la Chambre les connaisse.
Si le gouvernement a des griefs légitimes contre la compagnie des Bassins houillers ; s'il ne se sent pas suffisamment armé pour faire respecter l'autorité et les droits de l'Etat, qu'il le dise nettement.
Qu'alors aussi il ne se rallie pas seulement, sans examen en quelque sorte, à un amendement qui l'autorise à concéder la construction de 7 ou 8 kilomètres enchevêtrés dans son réseau, mais qu'il demande franchement a la Chambre les crédits nécessaires pour les construire lui-même, si le soin de la dignité et des intérêts de l'Etat le commande, et si d'ailleurs, la justice et l'équité le permettent.
M. Boulenger. - En présence de la déclaration de l'honorable membre, qui maintient son amendement, je n'ai plus rien à dire. Je ferai seulement remarquer à l'honorable M. Brasseur que s'il ne s'agit pas d'un vaste travail, ce n'est pas une raison pour qu'on ne trouve pas de concessionnaire ; le capital nécessaire est en proportion de l'entreprise, et il suffit d'une seule personne pour le fournir.
M. le ministre des travaux publics a dit qu'il faut faire disparaître l'adjudication publique, mais il n'a pas donné un seul motif à l'appui de cette opinion.
J'insiste pour l'amendement.
M. Pirmez. - J'avoue, messieurs, que je ne comprendrais pas que la Chambre votât cet amendement sans s'être rendu compte de la situation.
Il ne s'agit pas ici seulement du chemin de fer lui-même dont on demande la concession, il s'agit surtout de ses conséquences sur d'autres voies.
Ainsi la ligne de Hainaut-Flandres d'une part et les lignes de Tournai-Jurbise et Braine-le-Comte-Gand de l'autre se disputent les transports très considérables du Borinage vers Gand.
Je ne connais pas leur conflit, mais je sais qu'il existe, et de plus que la ligne dont on veut permettre la concession doit avoir une influence considérable dans la question.
Or, est-il possible de décider ainsi, au pied levé, sans y rien connaître entre des sociétés où des intérêts privés considérables sont engagés ? Nous nous constituerions juges entre elles et sans les entendre, sans rien connaître de leurs prétentions respectives, nous statuerions sur des intérêts aussi graves !
Cela n'est pas possible.
M. le ministre lui-même ne connaît pas l'affaire, aussi il ne veut qu'une faculté de concéder ; or, jamais on n'a accordé pareille faculté sans que le gouvernement se prononçât sur la nécessité ou l'utilité de la concession.
L'octroi de cette faculté serait, dans la réalité même, plus qu'un préjugé, elle impliquerait approbation de la concession.
Quant à moi, je veux connaître les conséquences de ce que je vote, et je n'entends pas adopter une proposition aussi peu instruite.
La société des Bassins, houillers doit faire dans mon arrondissement des travaux considérables, auxquels je tiens ; si on la prive de ressources légitimes sur des lignes qui lui appartiennent, ne rend-on pas difficile, l'exécution de ses engagements ? Or, je veux, avant de voter, savoir si ce n'est pas le cas ici.
Remettons cette affaire à la session prochaine ; d'ici là on examinera ; les intéressés pourront se défendre, et, sans avoir rien compromis, nous aurons pris les moyens de rendre bonne justice.
M. Dumortier. - J'avais demandé la parole pour conclure comme l'honorable M. Pirmez.
Cette affaire offre beaucoup de difficultés.
C'est au point que l'honorable ministre des travaux publics lui-même avait demandé qu'on lui réservât le droit d'accorder ou de ne pas accorder.
Je voulais faire à la Chambre cette proposition très simple de prendre l'amendement en considération, comme cela s'est souvent fait, de le renvoyer à une commission qui l'examinera et fera son rapport à la session prochaine.
Nous aurons alors des renseignements sur lesquels nous pourrons délibérer en connaissance de causé.
M. Defuisseaux. - Ce qui nous divise, c'est la question de savoir s'il y aura ou s'il n'y aura pas d'adjudication publique.
Personne n'a contesté l'utilité d'une ligne partant de Saint-Ghislain et qui raccourcirait tous les transports se dirigeant vers Bruxelles et Anvers en passant par Erbisœul.
L'honorable ministre des travaux, publics a accepté notre amendement.
Je pense que, sous ce rapport, il obtiendra toute la confiance de la droite.
L'amendement est présenté par cinq membres de la gauche y compris M. Boulenger, qui n'a fait d'autre objection que celle de l'adjudication publique.
J'ai donc le droit de dire que l'amendement est adopté non seulement par le gouvernement, mais qu'il n'y a de dissentiment que sur l'adjudication publique.
Pour ma part, ce que je désire dans l'intérêt de mon arrondissement, c'est que la ligne soit faite.
Si l'on me demande mon opinion personnelle, je dirai que l'adjudication publique me paraît plus conforme aux intérêts généraux du trésor ; mais si, comme je l'ai dit déjà, c'est une question sine qua non, si l'honorable ministre peut n'accepter notre amendement qu'avec la pleine latitude qu'il demande, je déclare, comme l'honorable M. Sainctelette, que je suis prêt à me rallier à sa manière de voir.
Il n'y a donc dans tout ceci qu'un malentendu... (Interruption.) Les uns (page 1789) veulent de l'adjudication publique, les autres n'en veulent pas. Notre chemin de fer doit-il pour cela être remis aux calendes grecques ou à la session prochaine, ce qui est à peu près la même chose ? Evidemment non.
Je me résume. L'utilité de ce chemin de fer a été parfaitement établie ; il ne fait pas double emploi avec la ligne directe de Saint-Ghislain ù Ath. M. le ministre des travaux publics et les auteurs de l'amendement sont d'accord sur ce point,
La seule question qui nous divise est la question d'adjudication. Sous ce rapport, nous avons cédé à M. le ministre des travaux publics, mais il me paraîtrait souverainement injuste que la Chambre rejetât l'amendement en profitant d'un dissentiment intervenu entre ses auteurs sur un point accessoire, alors qu'il s'agit d'une grande question d'utilité publique.
Je persiste donc dans l'amendement que j'ai présenté et je crois qu'il sera adopté par la Chambre à une grande majorité.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Ainsi que je l'ai déclaré tout à l'heure, je suis disposé à me rallier à l'amendement, mais je maintiens la condition sine qua non que l'adjudication publique ne sera pas imposée.
Je crois avoir plus de garantie en posant moi-même mes conditions à une compagnie sérieuse qu'en me livrant aux hasards de l'adjudication publique. C'est le gouvernement qui fera son cahier des charges, qui posera ses conditions.
M. Boulenger. - L'adjudication n'a lieu également que sur cahier des charges.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je n'admets pas que l'amendement m'oblige à concéder quand même le chemin de fer. (Interruption.)
Si je me suis rallié a l'amendement, c'est que la ligne dont il s'agit n'est pas une nouvelle conception ; elle a été étudiée et proposée par les hommes les plus sérieux. Mais, je le répète, ma condition absolue et formelle est que ce chemin de fer se fasse sans adjudication publique.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Dumortier, qui est le renvoi à la section centrale qui a examiné le projet de loi en la chargeant de faire un rapport à la session prochaine. M. Defuisseaux et d'autres membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
71 membres y prennent part.
37 répondent oui.
34 répondent non.
En conséquence, la proposition de M. Dumortier est adoptée. L'amendement sera renvoyé à la commission qui fera rapport à la prochaine session.
Ont répondu oui :
MM. Biebuyck, Coremans, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Rossius, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Funck, Gerrits, Hayez, Hermant, Jamar, Jottrand, Magherman, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Snoy, Vanden Steen, Vander Donckt, Yan Outryve d'Ydewalle, Léon Visart, Vleminckx, Anspach et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Bara, Boucquéau, Boulenger, Brasseur, Cornesse, Cruyt, David, Defuisseaux, de Lexhy, de Liedekerke, de Naeyer, Houtart, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Lescarts, Mulle de Terschueren, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Tack, Thonissen, Yan Cromphaut, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Wambeke, Verbrugghe, Amédée Visart, Wasseige, Wouters, Allard et Balisaux.
M. le président. - M. Houtart a, je crois, annoncé la présentation d'un autre amendement.
M. Houtart. - En présence du sort que vient de subir l'amendement de MM. Sainctelette et consorts, je crois, M. le président, ne pas devoir insister.
- Le paragraphe 33 est mis aux voix et adopté.
« B. - Au ministère de l'intérieur.
« Paragraphe 34. Continuation des travaux de construction et d'ameublement au palais du Roi : fr. 750,000.
M. Demeur. - « Ce crédit est demandé pour payer les travaux indispensables à exécuter dans le courant de la présente période. »
Ainsi s'exprime l'exposé des motifs.
Je voudrais, tout d'abord, que M. le ministre de l'intérieur nous donnât la signification exacte du ce. mot « période ». Une période peut être plus ou moins longue,
La section centrale a demandé au gouvernement quel est, depuis 1830, année par année, l'import des dépenses de construction, entretien, agrandissement, ameublement, etc., faites aux divers bâtiments mis à la disposition de la couronne.
Cette demande a été transmise, avec les autres demandes de la section centrale, à M. le ministre des travaux publics, et celui-ci a répondu que la question ne le concernait pas, qu'elle concernait M. le ministre de l'intérieur, et qu'il la lui transmettrait avec demande d'une prompte réponse,
Voici la réponse, de M. le. ministre de l'intérieur :
« Nous ne pouvons donner aucune indication à cet égard. Le service du palais du roi n'est dans les attributions de la direction des beaux-arts que depuis 1859, époque à laquelle a été alloué le premier crédit destiné à restaurer et à agrandir le palais. »
Cette réponse n'en est pas une ; c'est plutôt un refus de répondre. Il est cependant incontestable que la comptabilité de l'Etat permet d'indiquer les dépenses qui ont été faites. Il me paraît incontestable aussi que la Chambre a le droit d'obtenir les renseignements que la section centrale a demandés en son nom.
Je m'étonne que la section centrale se soit contentée de la déclaration de. M. le ministre de l'intérieur, a qu'il ne peut donner aucune indication à cet égard.
Il me semble que la section centrale a manqué à son devoir, en n'insistant pas pour obtenir les renseignements qu'elle avait cru devoir demander.
M. le ministre de l'intérieur mentionne cependant les crédits spéciaux qui ont été votés, pour le palais du Roi, depuis 1859 ; en voici le détail
d'après le rapport de la section centrale :
« 1° Loi du 8 septembre 1859 : fr. 1,775,000
« 2° Loi du 8 juillet 1865 (construction) : fr. 900,000
« 2°bis Loi du 8 juillet 1865 (ameublement) : fr. 100,000
« 3° Loi du 31 mars 1868 : fr. 500.000
« 4° Loi du 29 juin 1869 (construction) : fr. 300,000
« 4°bis Loi du 29 juin 1869 (ameublement) : fr. 400,000
« 5° Loi du 3 juin 1870 : fr. 300,000
« Total : fr. 4,275,000. »
Ainsi, la dépense totale s'élève, d'après M, le ministre de l'intérieur, à 4,275,000 francs.
Ce renseignement n'est pas exact ; il est incomplet ; il serait complet s'il avait été donné par les divers membres du gouvernement ; mais il a été donné par M. le ministre de l'intérieur, qui naturellement n'a donné que les chiffres qui concernent son département. Il a négligé plusieurs sommes qui ne sont pas sans importance.
C'est ainsi que M. le ministre de l'intérieur a omis de signaler :
1° Le crédit extraordinaire mis à la disposition de la liste civile pour restauration intérieure des habitations royales et pour ameublement, par la loi du 25 décembre 1865, fr. 700,000
2° Le crédit spécial alloué au département des travaux publics (pour la reconstruction du mur du palais vers la place du Trône) par la loi du 30 mai 1866, fr. 180,000.
3° Le crédit spécial alloué, pour le même objet, au même département, par la loi du 5 juin 1868, fr. 90,000
Total :fr. 970,000.
Ce qui porte l'ensemble des crédits spéciaux, votés pour le palais du Roi, à la somme de 5,245,000 francs, au lieu de celle de 4,275,000 francs, indiquée par le gouvernement.
Il faudrait encore, pour arriver au chiffre vrai, qu'on nous indiquât les sommes prélevées annuellement sur les fonds ordinaires des budgets ; il n'y a pas bien longtemps encore, nous avons voté certains crédits qui sont destinés, dans le fait, aux habitations royales.
Dans ma section, j'avais poussé l'indiscrétion jusqu'à demander quel a été l'emploi des fonds votés jusqu'à ce jour.
La section centrale, dans son rapport, déclare qu'elle n'a pas cru devoir faire cette question sienne.
Il m'avait paru cependant que ceux qui votent l'impôt ont le droit, j'allais dire le devoir, d'en connaître l'emploi et cela me paraissait particulièrement nécessaire dans les circonstances présentes, au sujet des crédits qui nous sont proposés. Jetons, en effet, un coup d'œil sur le passé.
L'agrandissement du palais du roi a été projeté dès 1853. Son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Brabant avait refusé la jouissance du palais ducal, qui avait été mis à sa disposition à l'époque de sa majorité. Alors (page 1790) surgit la pensée qu'il convenait d'agrandir le palais du roi, dans le but de donner à l'héritier présomptif du trône une habitation en rapport avec sa haute position.
C'est là la raison qui a déterminé le gouvernement à faire examiner la question de l'agrandissement du palais du roi. Sans qu'il y eût ni plans ni devis, on estima que ces travaux d'agrandissement coûteraient la somme d'un million de francs. C'est cette somme qui fut demandée à la législature avec le crédit destiné à réaliser le premier projet de fortifications d'Anvers. Vous vous le rappelez, messieurs, ce premier projet de fortifications d'Anvers fut rejeté par la Chambre, et le gouvernement, en suite de ce rejet, retira en entier le projet de loi.
La question se présenta, en 1859, avec le nouveau projet de fortifications. Cette fois, une modification fut introduite dans la somme demandée. La somme fut portée à 1,775,000 francs.
La Chambre, à cette époque, eut sous les yeux les plans et les devis.
Voici comment s'exprimait la section centrale :
« Si la somme prévue est plus élevée, du moins les détails arrêtés de l'entreprise font espérer que les crédits annoncés ne seront pas dépensés. »
Et elle citait, à l'appui de son opinion, une lettre, en date du 11 août 1859, du ministre de l'intérieur alors en fonctions, l'honorable M. Rogier, répondant affirmativement à la question qui lui était adressée de savoir si la somme de 1,775,000 francs suffirait pour l'achèvement des travaux.
Dès 1861, avant même que les travaux fussent commencés, le gouvernement faisait connaître que la somme de 1,775,000 francs serait insuffisante. Il faisait remarquer que, dans le devis primitif, rien n'avait été porté pour la transformation de la façade du palais vers le Parc, transformation qui était reconnue nécessaire par tout le monde et qui devait coûter une somme de 500,000 francs.
Il fit remarquer en outre qu'on n'avait pas porté dans le devis le prix de certaines maisons avoisinant le palais, qui devaient être expropriées pour une somme de 210,000 francs, disait-il, au maximum.
En 1865, dans le crédit de 60,000,000 destinés à divers travaux publics, on comprit un nouveau crédit pour le palais du Roi : il était de 1,000,000 de francs.
A cette époque, le gouvernement n'eût pas les scrupules qu'il paraît avoir aujourd'hui. Il donna des renseignements, il fit connaître quel était le montant des dépenses effectuées et de celles à effectuer encore. Il fit savoir qu'on avait dépensé, pour l'acquisition de trois maisons, non pas
210,000 francs, mais 304,453 fr. 87 c. et por travaux de construction 1,091,489 fr. 16 c., soit 1,393,943 03 et que les travaux à effectuer encore s'élèveraient à 2,660,264 05 fr., soit pour l'ensemble 4,054,207 fr. 08 c., non compris la transformation de la façade vers le Parc, estimée, cette fois, avec les honoraires de l'architecte, à 525,000 francs.
Le second crédit d'un million fut voté.
En 1868, un nouveau projet de travaux publics fut présenté et, parmi ces travaux publics, figurait la continuation des travaux du palais du Roi, pour une somme de 500,000 francs.
A cette occasion, la Chambre demanda encore des renseignements ; elle demanda ce que coûterait, en définitive, l'ensemble de ces travaux, et il lui fût répondu : « 1° qu'une somme de 1,800,000 fr. de crédits nouveaux, au delà des 2,775,000 fr. votés, suffirait à l'achèvement complet de tout ce qui est nécessaire pour que le palais puisse être convenablement occupé ; 2° qu'une double réserve étant faite pour l'ameublement et pour la décoration artistique du palais, il est bien entendu que cette décoration (les travaux de dorure exceptés) peut rester en dehors des travaux à exécuter, sans empêcher le palais de recevoir sa destination. »
Cette somme de 1,800,000 fr. ajoutée aux 2,775,000 fr. précédemment votés, devait faire 4,575,000 fr., soit 520,000 fr. de plus que l'estimation de 1865 ; et, dans cette somme, ne figurent pas les 970,000 fr. alloués, tant à la liste civile qu'au département des travaux publics, par les lois que j'ai citées tantôt !
Ici, messieurs, nous rencontrons les motifs qui ont déterminé la section centrale à ne pas s'enquérir aujourd'hui de l'emploi des fonds votés. Quels motifs donne-t-elle ? Elle commence par déclarer que l'emploi des crédits a été renseigné déjà dans le rapport présenté à la Chambre en 1868 par l'honorable M. Vleminckx, à l'occasion du crédit de 500,000 francs.
Eh bien ! il y a là une erreur matérielle. Je tiens en main le rapport de l'honorable M. Vleminckx. Le voici, à la disposition de tous les membres de la section centrale, et ils n'y trouveront pas un mot sur l'emploi des fonds votés.
La section centrale ajoute :
« Après avoir reconnu que le crédit de 750,000 francs n'excédait pas le crédit global, accordé pour les travaux du palais du roi, par la loi du 31 mars 1868, la section centrale n'a pas cru devoir se livrer à un examen plus approfondi des dépendes faites depuis 1868. Cet examen ne serait utile que si le crédit de 1,800,000 francs était reconnu insuffisant et que le gouvernement eût à pétitionner de nouveaux fonds pour les bâtiments de la liste civile. »
La loi du 31 mars 1868, messieurs, n'a pas accordé la somme de 1,800,000 francs, ainsi que le dit la section centrale ; cette loi a accordé un crédit de 500,000 francs ; si l'on avait voté alors 1,800,000 francs, nous n'aurions pas aujourd'hui à compléter cette somme.
Ce qui est vrai, c'est qu'en 1868, on a estimé à 1,800,000 francs les travaux restant à exécuter sur nouveaux crédits et la Chambre en a voté 500,000.
Depuis lors que s'est-il passé ?
En 1869, la Chambre a voté 700,000 francs ; seulement, dans ces 700,000 francs, il y a 400,000 francs destinés, non aux travaux de construction évalués à 1,800,000 francs, en 1868, mais à des dépenses d'ameublement ; sur cette évaluation il restait donc 1,000,000 de francs à voter, et sur ce million il a été voté 500,000 francs en 1870, de sorte qu'il reste à voter 700,000 francs.
Comment se fait-il donc que la section centrale déclare que la somme de 1,800,000 n'est pas reconnue insuffisante ?
Puisqu'il ne reste que 700,000 francs à voter sur l'évaluation de 1868, et que l'on vous demande 750,000 francs, ne semble-t-il pas que cette évaluation est dépassée ?
Comment concilier ces chiffres ?
Je crois trouver cette conciliation dans l'exposé des motifs du projet qui nous est soumis, lorsqu'il indique la destination des 750,000 francs demandés.
« Cette somme, dit-il, serait utilisée de la manière suivante :
« 1° 650,000 francs pour l'éclairage et le mobilier des grands appartements et des locaux destinés aux réceptions, aux fêtes, etc., tels que les vestibules, l'escalier d'honneur, la grande galerie, la salle de bal, les salons d'honneur et la salle des dîners, situés dans la partie centrale du palais ;
« 2° 100,000 francs pour travaux à effectuer aux façades, aux murs vers la rue Borgendael et à la démolition des bâtiments acquis en vue de l'agrandissement du palais. »
Que semble-t-il résulter de là ?
C'est que sur les 700,000 francs restants de l'estimation de 1868, on ne nous en demande aujourd'hui que 100,000.
C'est d'une modération extrême.
De telle sorte, Messieurs, qu'il restera 600,000 francs à voter sur ladite estimation ; mais, en revanche, on nous demande 650,000 francs, non compris dans cette estimation, pour éclairage et mobilier, ce qui est moins modéré !
Si les choses sont bien ainsi, voici où nous arrivons. Nous avons :
Les crédits votés et renseignés par le gouvernement, 4,275,000 fr.
Les crédits votés et non renseignés à la section centrale, 970,000 fr.
Le crédit actuellement demandé, 750,000 fr.
Solde qui restera à voter sur l'estimation de 1868, 600,000 fr.
Transformation de la façade vers le parc, 525,000 fr.
Total : 7,120,000 fr. non compris, je le répète, les fonds prélevés sur les ressources ordinaires du budget et en se tenant dans l'hypothèse où il n'arriverait aucun mécompte, ni sur l'estimation de 1868, ni sur l'estimation des travaux projetés pour la transformation de la façade vers le Parc.
Quand et comment, messieurs, les fonds votés ont-ils été employés ?
J'ai tâché d'obtenir des renseignements du gouvernement et de la section centrale. N'ayant pu y parvenir, j'ai fouillé les documents officiels publiés par le gouvernement et, à l'heure qu'il est, messieurs, voici la situation telle que je la connais.
Je ne suis pas nourri dans le palais, je n'en connais pas les détours ; je ne prétends pas être complet ; je donne les chiffres que je trouve dans un document public : la situation générale du trésor public, publiée chaque année par le gouvernement.
(page 171) Le trésor public a payé ;
En 1861, 557 fr. 50 c.
En 1862, 191,578 fr. 65 c.
En 1863, 402,782 fr. 62 c.
En 1864, 345,907 fr. 33 c.
En 1865, 266,917 fr. 42 c.
En 1866, 509,158 fr. 53 c.
En 1867, 715,453 fr. 08 c.
En 1868, 690,161 fr. 90 c.
En 1869, 219,965 fr. 84 c.
En 1870, 648,309 fr. 30 c.
Total des sommes dépensées : 3,990,792 fr. 17 c.
Et les restants disponibles transférés à l'exercice 1871 s'élèvent à 1,254,207 83
Total égal au montant des crédits votés à ce jour : 5,245,000 fr.
Ainsi il restait disponible, au 1er janvier, et il était transféré à l'exercice courant, 1,254,207 fr. 83 c.
Quand on a 1,250,000 francs, il me semble qu'il n'y a pas péril en la demeure !
Je me suis demandé s'il n'y avait pas eu des payements faits depuis le 1er janvier 1871, absorbant le solde disponible à cette date.
Comme la section centrale et le gouvernement ne voulaient rien dire, je me suis adressé à la personne qui devait naturellement me renseigner sur ces matières, à la cour des comptes.
Eh bien, à la date du 13 juillet depuis le 1er janvier, il avait été liquidé des dépenses à concurrence de 320,165 fr. 86 c, et il restait disponible une somme de 934,041 fr. 97 c.
En chiffres ronds, l'ensemble des dépenses effectuées se divisait comme suit :
Acquisitions d'immeubles, 300,000 fr.
Travaux de construction et d'appropriation, 2,833,000 fr.
Ameublement, 225,000 fr.
Mur de clôture, place du Trône, 257,000 fr.
Espèces remises à la liste civile en exécution de la loi du 25 décembre 1865, 700,000 fr.
Total des payements, 4,315.000 fr.
Solde, 930,000 fr.
Total égal aux crédits votés, 5,245.000 fr.
Il restait donc disponible, le 13 de ce mois, 930,000 francs.
Comment se fait-il, quand on a en caisse une pareille somme, qu'on nous demande 750,000 francs ?
Messieurs, le gouvernement ne dit pas toujours la vérité à la Chambre. Il induit quelquefois la Chambre en erreur.
Ainsi, l'année dernière, on est venu demander à la Chambre un crédit de 300,000 francs, et la demande a été formulée dans les termes suivants : « Un crédit de 300,000 francs est indispensable pour la continuation des travaux pendant l'année actuelle. »
Ce n'est pas pendant la « période » actuelle, mot dont on se sert aujourd'hui et que je ne comprends pas bien, c'est « pendant l’année actuelle », c'est-à-dire pendant l'année 1870.
Eh bien, j'ai examiné à la cour des comptes ce qui avait été dépensé sur cette somme. Combien a-t-on dépensé à l'heure qu'il est ? Pas un sou.
Le crédit est intact ! Le gouvernement, en 1870, au mois de juin, a déclaré qu'un crédit de 300,000 francs était « indispensable pour la continuation des travaux pendant l'année actuelle. »
M. Pirmez. - Il faut tenir compte des engagements contractés.
M. Demeur. - M. Pirmez m'interrompt et M. Bara aussi. Ils étaient au pouvoir, quand ce crédit a été demandé. On me dira encore que j'attaque ici les libéraux, quoique libéral moi-même.
Eh bien, oui, j'attaque ce que je considère comme injuste, lorsque cela est fait par l'honorable M. Pirmez, libéral, comme lorsque cela est fait par des catholiques.
Vous dites que les travaux ont été exécutés l'année dernière.
Qu'avait-on besoin des 300,000 francs l'année dernière ? est-ce qu'il était indispensable de les voter ? Comment ! lorsqu'il s'agit de voter un emprunt on nous dit : Les fonds sont engagés, la Chambre a voté des crédits ; nous devons emprunter 50 millions, et cet argent reste des années sans emploi dans les caisses de la Banque Nationale. (Interruption.)
Vous direz que c'est là une pratique qui doit être légitimée ! (Interruption de M. Pirmez.)
Je sais que M. Pirmez connaît tout, mais je le prie de me laisser continuer.
Je dis donc que si l'on n'avait pas voté le crédit de 300,000 francs, les choses seraient dans le même état, et que si l'on ne suivait pas cette pratique, on ne se trouverait pas dans la nécessité de faire des emprunts de 50,000,000 de francs, quand le trésor a dans ses caisses 40 à 50 millions.
Il y avait même au mois de juin 1870 près de 90 millions dans les caisses de la Banque nationale.
M. Pirmez. - Fort heureusement.
M. Demeur. - Oui, mais c'était pour payer des crédits votés par les Chambres et non utilisés, comme le crédit de 300,000 francs.
M. Pirmez. - Voulez-vous me permettre une petite explication ?
M. Demeur. - Si vous vouliez me laisser continuer, vous me feriez grand plaisir.
Ceci est du reste le petit côté de la question ; le côté important est celui-ci : avons-nous le droit de voter cette dépense ? Cette dépense est-elle constitutionnelle ?
Je parle de ce qui concerne l'ameublement et je crois pouvoir démontrer que la législature n'a pas le droit de voter la dépense. La Constitution porte que la loi fixe la liste civile pour toute la durée du règne.
La première loi, votée le 28 février 1832, a mis les habitations royales à la disposition du Roi, « à charge par la liste civile de pourvoir à leur entretien et à leur ameublement » ; et cette clause est reproduite textuellement dans la loi du 25 décembre 1865 qui, tout en portant la liste civile à 3,300,000 francs, a mis à la disposition de celle-ci un crédit extraordinaire de 700,000 francs, pour restauration intérieure des habitations royales et pour ameublement.
L'entretien et l'ameublement des habitations royales est une charge de la liste civile.
Cela est-il assez formel ? (Interruption.)
La loi ne fait aucune distinction. Faut-il quelque chose de plus formel encore ? Je vais rappeler ce qui s'est passé en 1832, lors du vote pour la première fois de la liste civile. Après la lecture des paroles qui ont été prononcées alors, personne ne pourra dire que la dépense que l'on nous demande de faire est constitutionnelle. Un projet avait été présenté, fixant la liste civile à 1,200,000 florins, et voici comment s'exprima le rapporteur de la section centrale, M. Dumortier :
« Quant à l'entretien des palais, vos sections ont unanimement manifesté une grande répugnance de voir chaque année cet objet mis en délibération, et elles ont préféré augmenter la somme proposée pour la liste civile, de manière à laisser au Roi l'entretien et l'ameublement de ces palais.
« L'ameublement des palais exige cette année de grandes dépenses, et dans plusieurs sections il avait été question d'affecter, sur le budget de 1832, une allocation pour cet objet. Mais votre section centrale a cru qu'il était préférable de majorer de 100,000 florins la somme proposée et de laisser ainsi au Roi les dispositions qu'il croira nécessaires. Au moyen de cette somme, le budget des dépenses sera dorénavant exempt de toute allocation pour entretien et ameublement des habitations royales..
« D'après ces considérations, votre section centrale vous propose de fixer à 1,300,000 florins la dotation de la liste civile. Sans doute, messieurs, quand vous considérerez que, d'après notre législation constitutionnelle, le Roi ne peut pas disposer d'un denier sur les fonds de l'Etat ; quand vous réfléchirez aux nombreux bienfaits qu'il ne cesse de faire sur sa cassette particulière, alors cette somme vous paraîtra loin d'être exagérée, et nous eussions tous désiré de l'augmenter, si l'état de nos finances n'eût imposé des bornes à nos vœux.
« Tels sont, messieurs, les motifs qui ont dirigé la section centrale dans les modifications apportées au projet de. loi sur la listé civile. »
Messieurs, cent mille florins par an, de 1831 à 1865, cela fait une somme d'un peu plus de 7 millions de francs, et cette somme a été payée par le trésor public, à charge de l'entretien et de l'ameublement des palais.
Cependant, c'est un fait de notoriété publique, aucun changement n'a été introduit dans le mobilier du palais, de 1830 à 1865. La charge n'a donc pas été remplie.
De 1865 à 1870, nous avons encore un million de francs pour entretien et ameublement, compris dans la liste civile.
Si nous ajoutons ce million aux 700,000 francs votés très légitimement, conformément à la Constitution, le 25 décembre 1865, nous arrivons à (page 1792) 1,700,000 francs, somme qui paraît déjà assez raisonnable à elle seule pour un ameublement.
Tout ce qui est voté, tout ce qu'on nous propose de voter en dehors de ces 100,000 florins annuels et du crédit extraordinaire de 700,000 francs de 1863, est inconstitutionnel.
Il y a, messieurs, une personne dans cette enceinte qui ne me contredira pas.
Le projet qui nous est soumis, messieurs, a été présenté à la Chambre par trois ministres, MM. Wasseige, Kervyn de Lettenhove et Jacobs.
Les idées que je viens d'exprimer sont celles de l'honorable M. Jacobs. Aussi je m'explique mal sa signature au bas du projet qui est soumis à la Chambre.
M. Jacobs, ministre des finances. - Mais j'ai voté le crédit sur les observations qui m'ont été faites.
M. Demeur. - Vos souvenirs vous servent mal, M. le ministre. En 1869, le gouvernement demandait à la Chambre un crédit de 700,000 francs, je l'ai dit, pour le palais du Roi ; dans ces 700,000 francs, il y avait 400,000 francs pour l'ameublement. Ce crédit, suivant une habitude très mauvaise, avait été accolé à une demande d'un million de francs pour maisons d'école et de 500,000 francs pour la création d'écoles normales. Je dis que c'est là une pratique mauvaise et que j'aurais condamnée sous l'ancien ministère comme je la condamne aujourd'hui.
On avait donc demandé à la Chambre 500,000 francs sous le couvert de l'intérêt que les Chambres portent naturellement à l'instruction publique. (Interruption.)
Pour refuser de voter le million demandé pour maisons d'écoles, l'honorable M. Jacobs... (Interruption.) Pardon, M. Jacobs, vous n'avez pas voté la loi ; votre mémoire vous sert mal ; vous vous êtes abstenu, et voici les paroles par lesquelles vous avez motivé votre abstention ; vous n'avez pas prononcé ces paroles ; c'est un de vos honorables collègues, M. Hayez, qui les a prononcées ; mais vous vous êtes abstenu en déclarant que c'était pour le même motif :
« L'ameublement des palais royaux étant une charge de la liste civile, je n'ai pu voter un projet de loi qui impose une charge de 400,000 francs de ce chef. »
Cela est-il clair ?
Messieurs, j'ai parlé de la question constitutionnelle ; je ne dirai que deux mots de la question de nécessité et d'utilité.
Cette somme de 750,000 francs concerne une dépense qu'on peut assurément appeler de luxe, luxe excessif en présence des crédits précédemment votés et des sommes restant encore à liquider sur les crédits votés.
Il y a d'autres travaux, reconnus indispensables par le gouvernement pour une somme bien supérieure à 750,000 francs et qu'il déclare ne pouvoir entreprendre, faute de fonds, et en même temps il nous demande de voter ce qui n'est pas nécessaire, ce qui a été déclaré n'être nullement nécessaire pour l'occupation du palais, même par la commission chargée de la surveillance des travaux, dans une lettre adressée à la Chambre. (Interruption.)
Vous voulez que je lise le texte de la déclaration de la commission. Le voici, signé par M. de Brouckere, président de la commission et alors membre de cette Chambre :
« Bruxelles, le 11 mars 1868.
« Monsieur le président,
« Selon le désir exprimé dans votre lettre d'hier, cabinet, sans n°, j'ai réuni ce matin, !a commission des travaux du palais et je lui ai soumis les deux questions suivantes :
« 1° La somme de 1,800,000 francs indiquée dans les devis de M. l'architecte Balat, suffira-t-elle parfaitement, dans son opinion, à l'achèvement complet de tout ce qui est nécessaire pour que le palais puisse être convenablement occupé ;
« 2° Une double réserve étant faite pour l'ameublement et pour la décoration artistique du palais, est-il bien entendu que cette décoration (les travaux de dorure exceptés) peut rester en dehors des travaux à exécuter, sans empêcher le palais de recevoir sa destination. »
« J'ai l'honneur de vous informer que l'une et l'autre question ont été résolues affirmativement, sans divergence d'opinion.
« Agréez, etc.
« Le président de la commission des travaux du palais,
« H. de Brouckere. »
Qui paye, en définitive, ces travaux ? Si ceux qui sont disposés à les voter, les payaient de leurs deniers, je n'aurais rien à dire. Mais il n'en est pas ainsi.
Dans une discussion récente, on a cité un chiffré qui à semblé frapper tout le monde.
On a constaté que la moitié des maisons de la Belgique ont une valeur locative imposable inférieure de 42 fr. 32 c. par an. Eh bien, ce sont les habitants de ces maisons qui contribuent à payer ces dépenses énormes.
Je vais vous citer un autre chiffre. Pour arriver à faire cette somme de 750,000 francs, savez-vous à combien de personnes le fisc doit s'adresser ? Savez-vous combien cela représente de patentes, par exemple ?
Eh bien, cette somme de 750,000 francs représente environ 200,000 patentes, de telle sorte que le fisc va frapper à la porte des pauvres gens, les sommes de payer à l'Etat, un franc, deux francs, trois francs, à titre de patente, comme condition du droit de travailler, pour les employer dans les dépenses que j'indique ! (Interruption.)
Cela n'est pas exagéré ; il y a en Belgique 191,620 patentes de moins de 7 francs qui représentent ensemble 654,654 fr. 80 c.
Il y a 8,556 patentes de moins de 1 franc produisant 6,228 fr. 37 c., 69,252 patentes de 1 à 3 francs produisant 130,397 fr. 20 c., 73,405 patentes de 3 à 5 francs produisant 287.685 fr. 34 c. et 38,627 patentes de 5 à 7 francs produisant 230,323 fr. 89 c. soit 194,620 patentes produisant ensemble 654,634 fr. 80 c.
Et bien, si vous ne faisiez pas cette dépense, vous pourriez exempter bien des malheureux du payement d'un impôt qu'ils doivent prendre sur ce qui est nécessaire à la nourriture et à l'éducation de leurs enfants (Interruption.)
Oui, c'est sur le nécessaire que ces dépenses de luxe sont prélevées et quant à moi, je ne consentirai jamais à les voter.
M. Pirmez. - Messieurs, le gouvernement répondra probablement à M. Demeur pour ce qui concerne le crédit en lui-même. Je veux, pour ma part, répondre quelques mots à ce que l'honorable membre a dit touchant les faits qui se sont passés sous mon administration.
M. Demeur, qui a les plus étranges idées en matière de comptabilité, m'accuse d'avoir voulu tromper la Chambre.
Voici où il a découvert cette tentative coupable :
J'ai demandé, l'année dernière, un crédit de 300,000 francs en déclarant qu'il était nécessaire pour faire les travaux de Tannée.
M. Demeur s'est hâté d'aller à la cour des comptes et il a trouvé qu'on n'avait rien payé sur ce crédit ; d'où il conclut qu'on n'a rien fait des travaux annoncés !
Je demanderai à l'honorable M. Demeur comment il fallait faire pour exécuter les travaux qui ont été exécutés dans l'année dernière. Fallait-il exécuter les travaux avant d'avoir fait voter le crédit par la Chambre ? Dites oui ou non.
M. Demeur. - Ces travaux ne sont pas encore exécutés à l'heure qu'il est.
M. Pirmez. - Vous m'avez accusé de tromperie, je vous forcerai à avouer que je n'ai pas trompé la Chambre, et vous l'avouerez.
Je vous demande si, oui ou non, un ministre doit demander des crédits avant de faire exécuter des travaux.
M. Demeur. - Vous aviez des fonds.
M. Pirmez. - Pourquoi les aurais-je demandés si je les avais eus ? Comment pourrais-je demander deux fois les fonds pour les mêmes travaux ?
Vous n'avez pu constater que j'avais des fonds pour faire les travaux que j'avais demandé à la Chambre l'autorisation de faire ; ces fonds ont une destination spéciale ; et c'est avec ces fonds qu'il fallait faire les travaux auxquels ils sont affectés.
Il est clair que quand je demandais à la Chambre 300,000 francs pour faire des travaux, ces travaux n'étaient pas faits, mais devaient être faits postérieurement.
Ce qui a trompé M. Demeur, c'est qu'il ne connaît pas la comptabilité de l'Etat, qu'il n'est pas depuis longtemps dans cette enceinte ; tous ici nous comprenons facilement son erreur ; pour moi, je la lui pardonne bien volontiers, à raison de son évidence.
La situation est bien simple. Je demande, en juin, 300,000 francs pour les travaux de l'année ; il s'agit donc de travaux futurs, qui se sont faits après le vote du crédit. Qu'on ait reçu et liquidé ces travaux ou qu'on ne fait pas fait à l'heure qu'il est, c'est ce qui est indifférent. M. Demeur croit qu'on demande le crédit quand il faut payer, tandis qu'on doit le demander avant d'exécuter les travaux.
Si je n'avais pas suivi cette règle, savez-vous ce qui serait arrivé ? C'est qu'en faisant exécuter ces travaux, je le faisais à mes risques et périls et que je m'exposais à les payer sur ma fortune personnelle, si la Chambre (page 1793) ne trouvait pas convenable de les voter. Je suppose que j'aie suivi le système de M, Demeur et que l'honorable M. Demeur soit à la tête d'une majorité, j'aurais, l'année dernière, fait faire les travaux, et M. Demeur, venant, avec ses idées démocratiques, calculer combien il fallait de patentes pour payer cette somme, aurait démontré qu'il fallait rejeter le crédit et le faire supporter au ministre, qui eût fait la dépense sans un vote de la Chambre.
Il faut parler sérieusement. Pénétrez-vous un peu des idées constitutionnelles en matière de comptabilité. Sachez une bonne fois que, pour qu'un ministre dispose des fonds de l'Etat, pour qu'il s'engage dans des travaux, il faut d'abord qu'il les fasse voter par la législature.
Lorsqu'il fait cela, il suit les règles constitutionnelles, et lorsqu'on fait le contraire, on suit le système des gouvernements personnels ; on place la volonté du gouvernement au-dessus de celle de la législature, on méconnaît les idées les plus élémentaires des gouvernements représentatifs.
M. Demeur a trouvé une autre chose qui me paraît tout aussi étonnante. On a demandé à la commission chargée des travaux du palais (remarquez que c'est la commission qui surveille l'architecte, commission où se trouve le secrétaire général des travaux publics, un ingénieur du département de l'intérieur, etc.) : Avec les 1,800,000 francs, le palais sera-t-il habitable ? Elle a répondu : Oui, certainement, il sera parfaitement habitable.
Je le demande à toute personne de bonne foi, est-ce que, quand on demande si une maison sera habitable, on entend dire par là que cette maison doit comprendre son mobilier ?
Quand on dit qu'une maison sera habitable, cela signifie qu'on peut y entrer avec ses meubles. Si on demande à un architecte une maison habitable, entend-on demander par là une maison qui a un mobilier ?
Il faut avouer que notre habileté ne devait tromper que l'honorable M. Demeur. Mais ce n'est pas tout ; dans cette fameuse pièce de 1868, on trouve les détails occupant deux pages, pages 16 et 17, M. Demeur, les détails de l'emploi des 1,800,000 francs tous relatifs aux travaux du palais ; pas un mot du mobilier, et nous aurions voulu faire croire qu'ils comprenaient le mobilier !
Je ne veux pas fatiguer la Chambre par la lecture de. cette pièce, je crois qu'elle ne serait pas agréable à l'honorable M. Demeur.
M. Demeur. - Elle me ferait plaisir, au contraire.
M. Pirmez. - Je vais la lire. Quand vous en aurez assez, je m'arrêterai.
M. Delaet. - C'est ce détail qu'a visé la section centrale ; seulement l'honorable M. Demeur voudrait que, déjà en 1868, l'honorable M. Vleminckx eût rendu compte des travaux qui étaient à effectuer.
M. Vleminckx. - Comment en aurais-je rendu compte, s'ils n'étaient pas faits ?
M. Pirmez. - Voici la liste des travaux :
« Evaluation des travaux intérieurs et extérieurs à exécuter sur nouveaux crédits.
« A. Escalier d'honneur. Enduits et ornementation en plâtre des plafonds et des murs ; menuiserie ; serrurerie ; marbrerie de l'escalier et des pavements ; ravalements et sculpture de la pierre ; parquets peintu-age ; glaces des fenêtres, etc. »
Ce n'est pas du mobilier sans doute cela. Et l'évaluation est tout entière ainsi.
« B. Grande galerie. - Enduits. »
- Des membres. - Assez ! assez !
M. Pirmez. - Il est donc bien clair qu'on n'a pas voulu comprendre l'ameublement dans les 1,800,000 francs. Personne n'a été trompé, ni n'a pu s'y tromper. Je voudrais bien savoir pourquoi M. Demeur s'y serait trompé ?
Voilà donc les deux griefs de l'honorable M. Demeur. Voilà comment nous sommes coupable ; il paraît que ces accusations sont un peu légères.
Maintenant vous parlez d'inconstitutionnalité ; ii est assez étonnant que personne n'ait fait cette découverte. La législature est engagée depuis longtemps dans cette voie inconstitutionnelle, et personne ne l’aurait vu ! Non, M. Demeur, on l'eût vue ayant vous cette violation de la Constitution, si elle eût existé.
Faut-il parler de la dépense en elle-même ? Messieurs, les ameublements aujourd'hui coûtent cher ; les exigences augmentent avec la richesse publique, et ce qui est vrai chez chacun de nous est vrai dans les palais. Je suis le premier à reconnaître qu'ici comme partout il faut de la modération, il faut rester dans de justes bornes.
Mais en les respectant, il faut aussi que la royauté soit entourée d'un certain prestige, et ce prestige, dans nos mœurs, est inséparable d'un certain éclat de luxe et de pompe.
Celui qui a l'autorité sociale la plus élevée dans notre pays le représente non seulement en Belgique mais vis-à-vis de l'étranger. C'est le pays, dans ses rapports internationaux, qui se personnifie dans le Roi, c'est lui qui doit recevoir les souverains des autres Etats, que le hasard ou des intérêts politiques amènent ici ; ii doit pouvoir le faire d'une manière convenable pour la nation.
Je crois donc que la Chambre, en votant le crédit, fera un acte de dignité nationale, et si l'honorable M. Demeur gémit sur ces dépenses, je désire n'avoir jamais à gémir sur d'autres pertes.
J'aime mieux payer des dépenses de cette espèce, sous un régime qui nous a assuré quarante ans de calme, de liberté et de prospérité morale et matérielle, que d'avoir, par ceux qui agitent les passions démagogiques dans le langage du genre de celui que nous venons d'entendre, à couvrir les pertes cent fois supérieures que peuvent produire les mauvais instincts ainsi surexcités.
M. Defuisseaux. - Messieurs, je ne veux pas exciter les passions démagogiques auxquelles M. Pirmez a cru devoir faire appel pour justifier des dépenses qui ne se justifient nullement. Je ferai, au contraire, appel au bon sens de cette Chambre, au bon sens du peuple belge qui n'aime pas, pour parler un langage peut-être vulgaire mais vrai, qui n'aime pas à porter l'eau à la rivière, mais qui préfère consacrer son argent à des dépenses utiles plutôt que de le porter là où la générosité de notre Roi le refuserait.
Si nous avions fait tous nos travaux d'utilité publique, si tous les chemins de fer étaient construits, tous nos canaux approfondis, toutes nos routes en bon état, si même l'on avait fait tous les travaux d'utilité publique, je parle des fortifications d'Anvers, par exemple, et si le trésor était gorgé de richesses, je crois que nous ne devrions pas encore voter le crédit qu'on demande.
En effet, messieurs, ce crédit n'est pas nécessaire au Roi ; il n'est pas compatible avec sa dignité ni avec celle de la Chambre.
Messieurs, nous ne sommes pas des courtisans ; loin de là, nous sommes les représentants d'un peuple libre ; nous voulons, autant que possible, épargner ses deniers. (Interruption.)
Si la maison royale de Belgique n'avait pas, grâce à la sage économie du roi Léopold Ier, acquis une grande fortune ; si elle était dans un état de dénuement qui rendît une augmentation de crédit indispensable, les véritables royalistes de cette Chambre devraient voter le crédit qui nous est demandé ; mais notre roi a, outre la fortune considérable que son père lui a laissée, une dotation très respectable de 3 1/2 millions, qui lui permet de renouveler son ameublement, de réparer son palais et de vivre comme un roi constitutionnel doit vivre dans la libre Belgique.
Je suis persuadé que si le Roi savait les débats auxquels donne lieu cette modique somme, qui est une goutte d'eau dans son immense fortune, il serait le premier à nous dire : J'ai suivi vos débats parlementaires, j'ai vu que 750,000 francs aideraient à construire un chemin de fer, à creuser un canal ; je sais que quelques fonctionnaires pensionnés désirent avoir 200 ou 300 francs de plus par an et que le budget ne permet pas de les leur donner. Je sais tout cela. Eh bien, consacrez, messieurs, ces 750,000 francs à ces bonnes choses ou à ces pauvres gens.
Le Roi est assez patriote pour tenir un pareil langage.
M. Dumortier. - Laissez le Roi en dehors de ces débats.
M. Defuisseaux. - Permettez-moi de vous dire, sans crainte d'être démenti, que je crois être, en parlant ainsi, l'organe du Roi.
M. le président. - M. Defuisseaux, vous feriez mieux de ne pas parler, dans ce débat, de la personne du Roi, même pour lui adresser des compliments.
M. Defuisseaux. - Je ne puis m'empêcher de parler du Roi quand il s'agit d'un crédit qui lui est destiné.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. le président, il m'est impossible de laisser porter plus loin ce débat. Le gouvernement prend la responsabilité du crédit, mais nous ne pouvons admettre que le pouvoir royal soit mêlé à ces discussions.
M. le président. - J'ai, moi-même, invité M. Defuisseaux à ne pas mêler la personne royale à ces débats.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. le président, j'insiste...
M. le président. - M. Defuisseaux, vous devriez vous rappeler que la personne du Roi doit rester en dehors de nos débats.
(page 1794) M. Defuisseaux. - Il m'est encore une fois impossible de ne pas parler du Roi quand on vient nous demander un crédit pour lui.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Nous sommes placés sous un régime constitutionnel qui ne permet pas de faire intervenir le Roi dans nos débats ; je demande que l'orateur soit rappelé à la question.
M. Defuisseaux. - Je crois avoir été l'interprète des idées généreuses, des idées véritablement patriotiques du roi Léopold II.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. - Vous avez la parole.
M. Dumortier. - Le règlement se réfère avant tout à la Constitution ; or, que porte l'article 63 de la Constitution ?
« La personne du Roi est inviolable ; ses ministres sont responsables. »
Eh bien, le discours de l'honorable membre depuis le premier mot est une attaque directe à la personne royale... (Interruption.) On discute le Roi, nous ne pouvons le tolérer ; depuis quarante ans que je siège dans cette Chambre, jamais je n'ai vu un pareil scandale.
Les ministres sont responsables, attaquez-les ; mais vous n'avez pas le droit, vous qui êtes le dernier venu dans cette enceinte, de mettre le Roi en cause.
Si l'honorable membre continue sur le terrain où il s'est placé, je demande qu'il soit rappelé à l'ordre et qu'on lui retire la parole.
M. le président. - Je dois, par application du règlement, engager M. Defuisseaux à rester dans la question ; il s'agit de la continuation des travaux de construction et d'ameublement au palais du Roi.
M. Defuisseaux. - Je continue et je fais un appel à cette Chambre, à son impartialité pour lui demander si j'ai prononcé un mot quelconque qui puisse blesser le Roi ou ses nombreux amis et admirateurs. Je ne crois pas que ce soit injurier le Roi que de supposer qu'il voudrait refuser...
M. le président. - M. Defuisseaux, je vous rappelle à la question.
M. Defuisseaux. - Je suis dans la question, M. le président.
M. le président. - Du tout, M. Defuisseaux, et si vous en sortez encore je devrai consulter la Chambre sur le point de savoir si elle vous maintiendra la parole.
M. Defuisseaux. - Vous la consulterez, si vous le croyez juste, M. le président ; quant à moi, je suis envoyé ici pour dire ma pensée tout entière. Je n'ai pas insulté le Roi, j'en appelle à tous ceux qui m'entourent ; j'ai, au contraire, rendu hommage à ses sentiments de générosité.
M. le président. - Je vous rappelle à la question, M. Defuisseaux.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
On ne peut pas faire intervenir ici la personne du Roi, soit pour l'approuver, soit pour la blâmer. Nous acceptons la responsabilité de nos actes.
M. le président. - M. Defuisseaux, je vous ai rappelé deux fois à la question ; si vous n'y rentrez pas, je consulterai la Chambre sur le point de savoir si elle vous laissera la parole.
M. Defuisseaux. - Je suis dans la question en disant que nous ferons chose agréable à la couronne.
M. le président. - M. Defuisseaux, ici je dois vous arrêter. Je consulte la Chambre pour savoir si la parole vous sera Continuée.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je crois qu'après l'incident qui vient de s'élever, je réponds au sentiment de la Chambre et du pays tout entier en demandant que ce débat soit abrégé.
La Chambre, surtout aujourd'hui, dans ce patriotique anniversaire, ayant devant elle le grand souvenir de quarante années...
M. Defuisseaux. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Interruption.)
M. le président. - M. le ministre, je dois vous faire remarquer que vous ne parlez pas sur la question.
M. Defuisseaux. - J'avais la parole ; je suis interrompu...
M. le président. -Veuillez attendre la décision de la Chambre. Je croyais que M. le ministre voulait parler sur la question que j'avais posée à la Chambre. Je dois consulter la Chambre pour savoir si la parole sera continuée à M. Defuisseaux. J'ai rappelé deux fois M. Defuisseaux à la question, l'orateur a refusé d'écouter l'avertissement que je lui ai donné.
M. Muller. - Mais si ; il a fini sur ce point.
M. le président. - Je consulte la Chambre pour savoir si elle veut maintenir la parole à M. Defuisseaux.
M. Bara. - Je demande la parole.
M. le président. - La parole est à M. Bara.
M. Bara.--Je ne partage pas les idées de l'honorable membre sur la question qui nous occupe. Mais il est une grande liberté que nous ne pouvons pas laisser violer ; elle est indispensable à nos institutions : c'est la liberté de la tribune. Et je ne veux en aucune façon, même quand j'entends des opinions qui ne me conviennent pas, laisser amoindrir cette grande, cette indispensable liberté !
L'honorable M. Defuisseaux a parlé du Roi ; il le pouvait sans le séparer de ses ministres responsables : le roi est le chef du pouvoir exécutif, il représente le gouvernement. J'admets parfaitement qu'on puisse parler du Roi dans nos discussions ; mais entre la constatation du droit et la convenance d'en faire usage il y a une grande différence.
Si l'honorable M. Defuisseaux a attribué au Roi exclusivement les dépenses qui ont été faites, il aurait manqué à la règle constitutionnelle. Mais évidemment en parlant ici du Roi il ne peut en parler que comme représentant du pouvoir exécutif composé du Roi et de ses ministres. (Interruption.) Il s'attaque au ministère. C'est ainsi seulement que nous pouvons comprendre son discours.
Sous ce rapport, le nom du roi ne peut évidemment pas être banni de nos discussions, comme on semble le réclamer, puisque le Roi est le chef du pouvoir exécutif.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - M. le président...
M. Bara. -- Permettez-moi donc de continuer. Vous avez aujourd'hui des impatiences de parler vraiment singulières, et les autres fois, quand on vous interroge, vous refusez de parler. (Interruption.)
Je dis, messieurs, que, quelle que soit l'opinion qu'on puisse avoir sur la convenance des paroles de l'honorable membre, nous devons faire respecter la liberté de la tribune. Chacun de nous peut exprimer ses opinions, libre à ses collègues d'apprécier l'usage qu'il fait de ce droit. Mais je crois que vous feriez grand tort à la discussion en enlevant la parole à M. Defuisseaux, et je dis que ceux qui sont partisans des idées contraires aux siennes feraient plus de tort à leurs idées que s'ils le laissaient librement parler.
M. le président. - Je dois dire, en réponse à M. Bara, que je n'entends nullement enlever aux orateurs la liberté de la parole. Mais cette liberté n'existe qu'à la condition de respecter le règlement. Or, le règlement exige que l'orateur reste dans la question ; lorsqu'un orateur sort de la question, il y est rappelé par le président ; s'il continué à s'en écarter, le président l'y rappelle une seconde fois et ensuite il consulte la Chambre pour savoir si la parole ne sera pas interdite à l'orateur. Je ne puis que me référer à cette prescription du règlement et l'appliquer. On dit que M. Defuisseaux a fini sur le point qui a motivé mes observations. Je demande à M. Defuisseaux s'il a l'intention de continuer à parler dans l'ordre d'idées qu'il a suivi jusqu'à présent.
M. Defuisseaux. - J'ai la conviction de n'être pas sorti de la question.
M. le président. - Alors je dois consulter la Chambre.
M. Defuisseaux. - Si j'e ne puis pas dire ici ce que je pense, je préfère renoncer à la parole. La Chambre décidera.
M. le président. - La Chambre est-elle d'avis que M. Defuisseaux continue son discours ? (Oui.)
La parole vous est continuée, M. Defuisseaux.
M. Defuisseaux. - Messieurs, le crédit qui nous est demandé n'est justifié à aucun point de vue ; il l'est d'autant moins qu'une loi détermine, pour la durée du règne, les émoluments que le Roi doit recevoir.
Il y a plus : l'honorable M. Demeur vous a révélé un fait qui domine toute la question : c'est qu'en 1865 on a ajouté à la liste civile une somme supplémentaire, précisément destinée à subvenir aux frais de restauration des palais royaux et en général de toutes les propriétés que l'Etat belge met à la disposition de S. M. Léopold II.
Si donc, à cette époque, on a cru nécessaire de voter une somme fixe pour ces dépenses-là, il n'est pas admissible qu'on vienne nous présenter je dirai presque des notes accessoires que nous devons solder à chaque instant, chaque année et à chaque sujet.
Aussi, je m'étonne vraiment de la susceptibilité qu'on montre dans cette enceinte ; comment la concilier, en effet, cette susceptibilité avec les choses dont il s'agit en ce moment ? Quoi ! la liste civile est fixée pour la durée (page 1795) du règne, en vertu de la Constitution ; une loi supplémentaire a fixé le chiffre exact, spécial, auquel doivent s'arrêter les dépenses à faire pour les palais royaux, et c'est vous qui vous irritez de ce que je vous rappelle à l'observation de la loi, de la Constitution ?
Tout à l'heure, en entrant dans la Chambre, j'entendais un honorable membre justifier le crédit en faisant l'éloge du Roi, en disant que la maison royale devait avoir un certain apparat ; qu'il y a lieu de maintenir autour d'elle cet aspect de grandeur qui convient à une cour royale.
J'ai entendu ces paroles et j'espère qu'en les répétant, je ne serai pas l'objet de nouvelles interruptions ; j'espère même qu'on me permettra de n'être pas de l'avis de M. Pirmez et d'ajouter que la grandeur qui entoure la monarchie en Belgique doit avoir ses limites. Nous sommes dans un pays qui, sous ce rapport, a déterminé exactement le chiffre des sacrifices qu'il entendait s'imposer ; il a fixé le chiffre même de la liste civile ; il a fixé ensuite une somme supplémentaire pour les palais royaux ; il n'a pas voulu aller plus loin. Nous, en mandataires honnêtes, convaincus, sérieux, nous devons nous dire : Cette somme une fois atteinte, nous ne pouvons plus voter des allocations supplémentaires. Si nous n’agissons pas ainsi, où nous arrêterons-nous dans cette voie indéfinie des dépenses ? Et comment nous serait-il possible d'entrer dans l'examen du détail de ces dépenses ?
Messieurs, c'est précisément à cause de cet inconvénient que le Congrès et les assemblées législatives qui l'ont suivi ont fixé d'une manière permanente le chiffre de la liste civile et celui de l'allocation supplémentaire ; c'est parce qu'à leurs yeux il fallait laisser le Roi en dehors de nos discussions, ne pas mêler sa personne à des questions d'argent ; ils n'ont pas voulu que le gouvernement pût venir, chaque année, demander, pour tel ou tel objet d'ameublement déterminé, des crédits supplémentaires, de nature à faire naître ces questions si délicates, de nature à porter atteinte au prestige de la couronne.
Eh bien, le ministère a manqué à ce grand principe, à cette règle de prudence, en venant proposer à la législature une nouvelle allocation qui n'est nullement nécessaire.
Voilà pourquoi je proteste contre le crédit de 750,000 francs qui nous est aujourd'hui demandé.
Je suis convaincu que je suis ici l'interprète de l'immense majorité du peuple belge.
J'ai dit en commençant que, selon moi, le Roi ne désire pas cette somme ; le peuple ne tient pas à la payer, nous ne devons donc pas la voter. Vous êtes, messieurs, très royalistes. Eh bien, dans l'intérêt de la dynastie, dites au roi Léopold II que les peuples aiment les rois non pas en proportion de l'argent que les peuples leur donnent, mais en proportion de l'argent que les rois leur laissent.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Je dois d'abord protester énergiquement contre la théorie de l'honorable M. Bara. Oui, nous entendons maintenir la liberté parlementaire, mais dans le cercle tracé par la Constitution ; et par cela même que la personne royale est inviolable, il n'est permis à personne de l'introduire dans nos débats. (Interruption.)
Elle est placée au-dessus des luttes de partis, au-dessus de toutes les discussions.
La responsabilité des projets que nous apportons dans cette enceinte, nous l'acceptons tout entière ; nous la revendiquons pour nous seuls. (Interruption.)
L'honorable M. Bara a soutenu qu'on pouvait mêler à nos débats une personne auguste qui ne doit pas y intervenir. (Interruption.)
La Constitution, je le répète, a placé la royauté au-dessus de toutes les luttes de partis. (Interruption.) Et il n'est personne qui ne comprenne qu'en fortifiant cette institution placée au faîte de toutes les autres, en l'entourant de l'autorité et du prestige qui lui sont nécessaires, on fortifie la nationalité belge tout entière.
- Plusieurs membres. - Très bien !
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est, messieurs, le sentiment que ressent tout le pays et qu'éprouve toute la Chambre.
Messieurs, je dois cependant quelques explications à l'honorable M. Demeur.
- Plusieurs membres. - Non ! non !
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Il est incontestable, selon moi, que lorsque en 1832 la liste civile a été réglée, on a eu en vue l'entretien et l'ameublement ordinaire du palais et rien de plus ; et, par conséquent, que les travaux extraordinaires n'y ont jamais été compris.
J'ai ici sous les yeux quelques lignes de la discussion de 1832, et il y a dans ces lignes des considérations que je rattacherai volontiers à la discussion d'aujourd'hui. L'un des orateurs disait tout à l'heure que dans le sein du Congrès on ne comprenait pas la dignité de la royauté telle que nous l'interprétons actuellement.
Eh bien, je tiens à rappeler qu'au moment où la liste civile fut votée en 1832, alors que les finances du pays se trouvaient encore dans un état de gêne, il y avait chez les législateurs, sortis en grand nombre du Congrès, un sentiment unanime qui voulait maintenir, dans les limites de ces ressources, la dignité, l'autorité, le prestige indispensables à la royauté.
C'était un ancien membre du Congrès (M. Tiecken de Terhove) qui s'exprimait en ces termes :
« Messieurs, nous avons voulu un gouvernement monarchique constitutionnel ; nous avons eu le bonheur, que peu de peuples partagent avec nous, d'avoir un roi de notre choix. Ce roi s'est identifié avec la nation, avec nos institutions : nous voulons donc tous, sans doute, que son trône soit environné de quelque éclat ; que le chef de l'Etat ait les moyens de répandre quelques bienfaits, de laisser quelques traces de sa munificence et de soutenir dignement le rang élevé qu'il occupe. Nous n'imiterons pas nos voisins qui ont débattu longuement tous les besoins de la royauté et ébréché ainsi ce prestige, ce respect et cette considération dont le trône doit être environné.
« Il serait peu digne de nous, et de ce trône que le peuple belge a élevé, de nous engager dans de longues discussions pour un objet qui ne peut en être susceptible et que de hautes convenances nous commandent d'abréger. »
Tel était le sentiment qui animait la législature lorsque le crédit affecté à la liste civile fut voté à la presque unanimité de la Chambre, car il n'y eut que trois opposants. (Interruption.) L'honorable M. Dumortier, comme il le rappelle, était rapporteur de ce projet de loi et il avait insisté sur les mêmes considérations ; et, depuis lors, combien de fois la législature ne s'est-elle pas occupée de crédits semblables à celui qui est demandé aujourd'hui, reconnaissant ainsi qu'il y avait des dépenses supplémentaires, des dépenses extraordinaires, non pas seulement dans l'intérêt de la royauté, mais surtout au point de vue bien plus général de la dignité de nos institutions, parmi lesquelles la royauté occupe la première place ?
La Chambre connaît ces crédits précédemment votés ; mais je tiens à lui rappeler que dans la note de 1868, communiquée par l'honorable M. de Brouckere, qui, à cette époque, reçut l'approbation unanime de la Chambre, on prévoyait de nouveaux crédits qui n'ont pas été dépensés jusqu'à ce jour, car on portait à 1,500,000 francs les frais de construction, et dans la note de M. Balat on indiquait à part, en faisant une réserve expresse, les dépenses qui seraient nécessaires pour l'ameublement du palais.
Je tiens à faire remarquer d'ailleurs à la Chambre que ces dépenses d'ameublement, dont parle l'honorable M. Demeur, ne sont pas stériles, qu'elles embrassent des intérêts chers au pays ; je veux parler non seulement du développement des industries de luxe, mais aussi du développement des arts, qui tiennent une place si légitime dans les édifices où l'éclat du trône s'associe à ce qui fait la gloire du pays.
Il est surtout une considération que la Chambre ne peut perdre de vue. Le palais affecté à la résidence de la royauté n'a rien de fastueux, et l'étranger qui le voit pour la première fois, s'étonne bien plus de son infériorité à tant d'autres monuments de la capitale. La royauté elle-même a conservé son caractère essentiellement patriotique et populaire. Depuis son origine, elle a représenté notre attachement à nos institutions. C'est en elle, dans ces derniers temps, que s'est personnifiée notre ferme volonté de maintenir notre indépendance.
Lorsque la royauté repose sur de tels principes, lorsqu'elle s'appuie sur de si grands intérêts, sa dignité est la dignité de la nation tout entière, et le pauvre qui porte son obole, aussi bien que le riche qui verse son or, comprend qu'il y a là une institution qui n'a pas un caractère personnel, mais un caractère national, parce qu'elle représente, pour tous les citoyens, leurs droits et leurs intérêts.
J'espère que la Chambre, en approuvant le crédit, suivra l'exemple de toutes les législatures précédentes, qui ont toujours émis un vote approbatif, même sans en faire l'objet d'une discussion.
- La clôture est demandée.
M. Bara (contre la clôture). - On a dit que j'avais soutenu qu'il était permis de faire intervenir le Roi isolé de ses ministres dans nos discussions ; je n'ai pas soutenu cela le moins du monde, mais j'ai soutenu qu'on n'avait pas le droit, chaque fois qu'un orateur prononce le nom du roi, de prétendre que c'est inconstitutionnel. (Interruption au banc des ministres.)
Je n'ai pas besoin de m'expliquer, mais vous en avez besoin, MM. les ministres, vous avez des antécédents sur lesquels on pourrait à bon droit nous demander des explications.
(page 1796) Je dis plus, messieurs, je dis que les mots : le roi, représentent le gouvernement, le pouvoir exécutif : dans fa Constitution, quand on veut désigner le gouvernement, on dit : « le Roi », et non « les ministres ».
Ainsi l'art. 29 dit :
« Au Roi appartient le pouvoir exécutif tel qu'il est réglé par la Constitution.
« Art. 65. Le Roi nomme et révoque ses ministre».
« Art. 66. Il confère les grades dans l'armée.
« Il nomme aux emplois d'administration générale, etc.
« Art. 67. Il fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, etc.
« Art. 68. Le Roi commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance et de commerce, etc.
« Art. 69. Le Roi sanctionne et promulgue les fois.
« Art. 72. Le Roi peut ajourner les Chambres.
« Art. 73. Il a le droit de remettre et réduire les peines prononcées par les juges, etc. »
Et ainsi de suite. Il n'est jamais question que du roi. On ne dit jamais : « Le ministère, le gouvernement. »
Donc il n'est pas inconstitutionnel de parler du roi dans cette enceinte. C'est tout ce que j'ai voulu dire et c'est ce que je crois avoir démontré.
- Voix nombreuses. - Aux voix ! la clôture !
M. le président. - La clôture est régulièrement demandée.
M. Demeur. - Je demande à répondre quelques mots à l'honorable M. Pirmez. (Parlez.)
M. le président. - Si la Chambre laisse continuer la discussion, je l'invite à faire silence.
M. Demeur. - J'ai dit qu'en 1870 on avait trompé la Chambre en avançant qu'une somme de 300,000 francs était nécessaire pour des travaux à faire en 1870.
L'honorable M. Pirmez aura beau dire que je ne connais pas la comptabilité ; j'ai dit, et je répète, que si les travaux avaient été faits en 1870, ils seraient payés à l'heure qu'il est, le crédit de 300,000 francs ne serait pas intact en juillet 1871.
D'après les renseignements qui m'ont été fournis par la cour des comptes au 13 juillet, je pose en fait que pas un centime du crédit n'a été liquidé.
Le gouvernement n'a pas répondu à une question que je lui ai posée, à savoir ce qu'il entend par les mots : « la présente période. »
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Dans le cours de la saison, immédiatement, le plus tôt possible.
M. Demeur. - Ce n'est pas là une réponse ; cela n'implique aucun terme précis.
Pour justifier, au point de vue constitutionnel, le crédit relatif à l'ameublement et qui comprend 650,000 francs, on dit qu'en 1832, en mettant à charge de la liste civile l'ameublement des palais, les Chambres n'ont eu en vue que les palais existants.
Cela est tout à fait inexact.
Les paroles que j'ai rappelées et qui soit celles du rapporteur de la loi, l'honorable M. Dumortier, ne distinguent pas entre les palais existants et ceux à construire. Il dit : Au moyen de l'allocation de 100,000 florins par an, il n'y aura plus aucune dépense à porter au budget de ce chef.
Et répondant à une interpellation de l'honorable M. Liedts, l'honorable M. Dumortier dit dans un autre passage :
« La section centrale a entendu que, la liste civile étant portée à 1,300,000 florins, il ne serait plus rien alloué pour l'ameublement et le cabinet particulier du roi. »
Du reste, messieurs, en supposant qu'on doive admettre cette interprétation, évidemment contraire à tout ce qui ressort des débats de 1832 ; en supposant qu'on doive admettre que l'ameublement des anciens palais soit seul à la charge de la liste civile, l'objection que je faisais serait encore juste, car les ameublements dont il s'agit ne sont pas destinés à des constructions nouvelles.
Voilà un point de fait.
Il y a au palais des ailes qui ont été créées nouvellement construites et votre opinion ne s'appliquerait qu'à cette nouvelle partie du palais.
Eh bien, les travaux dont il s'agit ne sont pas destinés à cette partie. (Interruption.) Vous ne le croyez pas, eh bien, nous allons voir.
Voici l'exposé des motifs :
« Cette somme serait utilisée de la manière suivante :
« 1,650,000 francs pour l'éclairage et le mobilier des grands appartements et des locaux destinés aux réceptions, aux fêtes, etc., tels que les vestibules, l'escalier d'honneur, la grande galerie, la salle de bal, les salons d'honneur et la salle des dîners, situés dans la partie centrale du palais. »
Voilà ce qui est dit dans l'exposé des motifs ; il ne s'agit pas là d'un nouveau palais ou d'une nouvelle partie du palais ; il s'agit de la partie centrale du palais, de celle qui existait en 1832, et vous ne pouvez soutenir assurément que, pour changer les dispositions prises en 1832, il suffirait de reconstruire le palais !
L'ameublement tout entier est une charge de la liste civile ; le trésor a dépensé 8 millions de francs depuis 1831 pour l'ameublement des habitations royales. Avec cette somme, on peut avoir un ameublement convenable pour une monarchie constitutionnelle, fût-elle sacrée, ainsi que la qualifiait tout à l'heure M. Kervyn.
- La discussion est close.
M. le président. - Je mets le paragraphe aux voix.
M. Defuisseaux. - Je demande l'appel nominal.
M. Dumortier. - Je le demande aussi.
M. Kervyn de Volkaersbeke. - Et moi aussi.
- Il est procédé à l'appel nominal.
69 membres y prennent part.
57 membres répondent oui.
8 membres répondent non.
4 s’abstiennent.
Ont répondu oui : MM. Bara, Biebuyck, Brasseur, Cornesse, Crombez, d'Andrimont, de Baillet-Latour, de Lexhy, de Liedekerke, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Funck, Hermant, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Lescarts, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Snoy, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbrugghe, Amédée Visart, Léon Visart, Vleminckx, Wasseige, Wouters, Allard, Anspach, Balisaux et Thibaut.
Ont répondu non : ;
MM. Boulenger, Coremans, David, Defuisseaux, Demeur, Gerrits, Houtart et Jottrand.
Se sont abstenus :
MM. Delaet, de Moerman d'Harlebeke, Hayez et Magherman.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Delaet. - En présence des théories beaucoup trop absolues qui, de part et d'autre, ont été émises dans le courant de ce débat, j'ai cru ne pouvoir émettre un vote qui eût pu me rendre solidaire de l'une ou l'autre de ces opinions. J'espère que bientôt se présentera l'occasion de discuter, en la plaçant sur son véritable terrain, la question très sérieuse, très importante des crédits extraordinaires pétitionnes pour la construction, l'agrandissement et l'ameublement des bâtiments royaux.
M. de Moerman d’Harlebeke et M. Hayez déclarent s'être abstenus pour les mêmes motifs.
M. Magherman. - La discussion a soulevé dans mon esprit un doute constitutionnel qui n'a pas été dissipé.
M. le président. - Vient maintenant un article 2 nouveau de la section centrale, auquel M. le ministre des travaux publics s'est rallié, je pense.
Il est ainsi conçu :
« Les architectes employés par l'Etat ne toucheront pas d'honoraires pour les dépenses qui dépasseraient leur devis primitif. »
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je dois faire remarquer que je ne me suis rallié à cet amendement qu'autant qu'il fût bien entendu qu'il ne peut pas être ici question de fonctionnaires et employés du département des travaux publics. Voici, messieurs, la raison de cette réserve : il existe, au département des travaux publics, des architectes qui sont attachés au service des bâtiments civils ; ce sont eux qui sont les (page 1797) auteurs des plans relatifs aux travaux à faire au palais de la Nation et aux ministères. Ces fonctionnaires ont des traitements variant entre 3,500 et 4,500 francs, et ne touchent pas un centime de plus du chef de la direction des travaux qui leur sont confiés.
Il ne peut être question, dans l'amendement de la section centrale, que d'architectes étrangers à mon département.
- L'article 2 (nouveau) proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
Le chiffre de 22,050,000 formant le total de l'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2 du projet primitif (3 nouveau). Le gouvernement est autorisé à conclure, aux conditions qu'il déterminera, un emprunt d'un capital effectif de 50,000,000 de francs. »
M. Jottrand. - Je désirerais savoir du gouvernement quelles sont ses intentions relativement au mode d'émission de l'emprunt de 50 millions.
Je sais que c'est une habitude prise, du moins depuis le dernier emprunt voté par la Chambre, de laisser, comme aujourd'hui, à l'absolue discrétion du gouvernement le choix du mode à suivre ; mais je crois cependant qu'en accomplissement de notre devoir de représentants nous devons obtenir du gouvernement des renseignements sur ce qu'il compte faire.
Si le gouvernement entend nous répondre qu'il désire n'être point lié, au moins doit-il nous faire connaître quelles sont les dispositions qu'il projette et quel est, entre les divers procédés auxquels il peut avoir recours, celui auquel il donnera probablement la préférence.
Quant à moi, je suis partisan de l'émission des emprunts par voie d'appel direct au public. Un grand pays voisin vient encore de recourir avec succès à ce procédé pour des sommes que, je l'espère, notre dette publique n'atteindra jamais.
Je demande au gouvernement si ses sympathies penchent aussi du côté de ce mode d'émission. Je dois dire que si l'emprunt devait être émis par voie de contrat amiable, avec un ou plusieurs banquiers, sans intervention même d'une adjudication publique entre eux, je voterais nettement contre l'emprunt. Si, au contraire, le gouvernement a recours au mode d'émission qui a mes sympathies, mon vote pourra être affirmatif.
M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, ce n'est pas depuis le dernier emprunt qu'on donne en quelque sorte carte blanche au gouvernement pour régler les conditions d'émission ; c'est depuis 1840. Tous les emprunts qui se sont faits depuis lors ont été décrétés d'après la formule que nous présentons. L'on s'en est bien trouvé, notamment en 1840. A cette époque, la question d'Orient a surgi à l'improviste et le gouvernement, qui avait l'intention de recourir à la souscription publique, a été très heureux de traiter avec la maison Rothschild.
En principe, je partage l'avis de l'honorable M. Jottrand ; un Etat dont le crédit est aussi solide que celui de la Belgique, doit en règle générale, pour ses emprunts, s'adresser au public, sans l'intermédiaire de banquiers.
Cependant, même dans les derniers emprunts, on a cru utile d'accorder ferme une part à de grands établissements financiers, concurremment avec la souscription publique.
Si la Chambre vote l'article, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, je me réserve de juger, d'après les circonstances, s'il est plus favorable de mettre tout l'emprunt en souscription publique, ou d'en laisser une fraction aux principaux établissements financiers du pays.
(page 1805) M. Sainctelette. - Messieurs, lors de la discussion de la proposition d'enquête faite par MM. Orts, Jamar et moi, M. le ministre des travaux publics nous a opposé le vote unanime de son budget comme constituant une approbation donnée à son projet de réforme du tarif des voyageurs sur les chemins de fer.
Cette interprétation de notre vote ne peut pas passer sans protestation. La question des tarifs n'a point fait, ni directement ni indirectement, l'objet d'un vote et le budget des travaux publics a été voté sans qu'un seul mot de la discussion ait attaché à ce vote une signification quelconque.
Mais, puisque M. le ministre des travaux publics donne à nos votes une signification aussi erronée, je désire, avant de me prononcer sur le projet de loi en discussion, que M. le ministre des travaux publics nous déclare qu'il ne se prévaudra pas d'un vote favorable comme d'une adhésion à ses projets de réforme du tarif des voyageurs.
(page 1797) M. Rogier. - Messieurs, je désire motiver mon vote en quelques mots.
Je suis en complet dissentiment avec M. le ministre des travaux publics sur deux points.
Le premier point, c'est la tendance qu'il a manifestée en ce qui concerne le tarif des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat.
Le second point, c'est l'attitude qu'il a prise en ce qui concerne les intérêts de l'arrondissement de Tournai.
Malgré cette divergence, je voterai pour le projet de loi, parce qu'il renferme des dispositions d'utilité générale ; mais avec la réserve que mon vote ne soit pas invoqué comme une marque de confiance que j'aurais donnée à M. le ministre.
M. Orts. - Les honorables MM. Sainctelette et Rogier viennent d'expliquer a la Chambre les motifs du vote affirmatif qu'ils comptent donner au projet de loi. Je demande à pouvoir faire la même chose pour expliquer le vote que j'émettrai sur le projet en sens diamétralement opposé.
Mon vote sera négatif sans que ce vote implique la moindre idée de désapprobation contre le projet en lui-même, ni la moindre idée d'hostilité personnelle contre l'honorable ministre qui l'a présenté. Mais le vote de ce projet de loi a été demandé à la Chambre par un rapport de la section centrale qui était blessant dans la forme pour la ville de Bruxelles, et le cabinet qui était indiqué, par le rapport dont il s'agit, comme complice de ces choses désobligeantes, n'a pas trouvé moyen de glisser un mot de réponse aux appréciations émises par le rapporteur.
Dans de pareilles circonstances, je n'ai pas d'autre moyen de protester contre cette appréciation de la majorité de la section centrale, confirmée par le silence du cabinet, je n'ai pas d'autre moyen de témoigner combien je regrette cette hostilité du cabinet et de la majorité contre la ville de Bruxelles, que de voter contre le projet de loi.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Il est parfaitement entendu, messieurs, que les honorables préopinants sont libres de donner à leur vote la signification qui leur convient et que je ne puis y voir que ce qu'ils y voient eux-mêmes. Autre chose était la situation dans laquelle nous nous trouvions lorsque nous discutions le budget à propos duquel j'avais fait appel à la confiance de la Chambre.
Le vote du budget est, d'ailleurs, un jugement porté sur les actes et sur les projets d'un ministre. J'ai donc pu, sans m'écarter aucunement des traditions parlementaires, apprécier le vote du budget comme je l'ai fait. La situation est bien différente ici, où il s'agit simplement d'un projet de loi spécial auquel l'abaissement des tarifs n'a été mêlé que d'une manière incidente et en ordre très subsidiaire.
M. le président. - La Chambre entend-elle passer immédiatement au second vote ?
- Voix nombreuses. - Oui ! oui !
- Les articles amendés, adoptés au premier vote, sont définitivement adoptés.
M. le président. - Avant qu'il soit procédé à l'appel nominal, je demande si l'intention de la Chambre est de s'ajourner après la séance de ce soir. (Oui ! oui !)
La Chambre décide donc qu'elle s'ajournera après la séance de ce soir. Mais elle a décidé qu'après le vote elle entendrait les développements de la proposition de loi de M. de Lexhy.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
69 membres répondent à l'appel nominal.
52 votent pour le projet.
16 votent contre.
1 (M. de Baillet-Latour) s'abstient.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cornesse, d'Andrimont, Delaet, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, de Smet, de Zerezo de Tejada, Drion, Dumortier, Elias, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Pirmez, Reynaert, Rogier, Sainctelette, Schollaert, Simonis, Snoy, Tack, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Wambeke, Verbruggen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Bara, Boulenger, Crombez, David, Defuisseaux, de Lexhy, Demeur, Funck, Houtart, Jamar, Jottrand, Lescarts, Orts, Vleminckx, Allard et Anspach.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité a faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, j'avais espéré que mon collègue en députation, mieux placé que moi vis-à-vis du gouvernement, aurait pu obtenir, pour l'arrondissement de Philippeville, une part dans la répartition des fonds demandés pour les travaux publics.
J'ai le regret de voir que l'arrondissement de Philippeville est mis de côté, bien qu'il soit un de ceux où le progrès est le plus nécessaire et le plus demandé.
(page 1798) J'aurais voté la loi des travaux publics si elle nous avait accordé quelque chose. En présence du contraire, mes dispositions ont changé. Ne voulant pas nuire aux améliorations concédées à d'autres arrondissements, je n'ai pas voté contre. Maïs je devais à mes concitoyens si mal traités de ne pas sanctionner par un vote favorable l'oubli peu mérité dont ils sont l'objet. Tel est le motif de mon abstention.
M. le président. - Reste la résolution à prendre sur les pétitions. J'en propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Ce renvoi est ordonné.
M. de Lexhy. - En présence de la fatigue de la Chambre et de l'heure avancée, je craindrais d'abuser de la patience de la Chambre en lui donnant lecture des développements de ma proposition. Je prie la Chambre de m'autoriser à les faire insérer dans les Annales parlementaires.
- La Chambre décide que ces développements seront insérés aux Annales parlementaires.
La séance est levée à 11 heures et demie.
(Développements de la proposition de M. de Lexhy)
(page 1799) Messieurs, dans la séance du 31 mai, l'honorable M. de Macar et moi nous avons interpellé le gouvernement sur le point de savoir quelle serait l'application qu'il comptait donner à l'article 57 de là loi du 15 septembre 1807, qui porte :
« Les propriétaires qui, par des grêles, gelées, inondations ou autres intempéries, perdraient la totalité ou une partie de leur revenu, pourront se pourvoir en remise totale ou en modération partielle de leur cote de l'année dans laquelle ils auront éprouvé cette perte. Le montant de ces remises ou modérations sera pris sur le fonds de non-valeur. »
Dans cette séance, mon honorable ami, M. de Macar et moi, nous nous sommes efforcés de faire un tableau exact de la situation de l'agriculture dans les provinces de l'Est, tableau bien sombre, mais vrai.
Nous avons constaté, ce qui ne sera contredit par personne, que les neuf dixièmes des semailles de grains d'hiver, dans nos régions avaient été détruites par les gelées et les intempéries. Les statistiques qui seront sans doute demandées aux communes, par le département de l'intérieur, viendront certainement corroborer nos allégations. Nous avons, en conséquence, cru devoir réclamer l'application de l'article 37 de la loi de 1807.
M. le ministre des finances s'est attaché à nous démontrer que cette loi dont nous invoquions le bénéfice ne pouvait pas s'appliquer aux cas que nous indiquions, et que, d'ailleurs, si son application était même possible, elle ne pouvait jamais être aussi large que nous le demandions.
Il nous répondit que la loi de 1807 n'a eu en vue que le cas où la propriété ou une partie de la propriété ne donne aucun revenu ; que l'absence de récolte est le seul cas où la modération d'impôt s'applique.
Cette interprétation peut être conforme aux traditions de l'administration sur cette matière, mais on doit reconnaître qu'elle est d'une rigueur extrême et contraire à l'équité.
Déçus dans notre espoir, nous avons dû chercher une autre moyen de venir en aide à l'agriculture en proposant une loi spéciale.
La loi de 1807 n'a eu en vue que des cas ordinaires et isolés de pertes de récoltes par suite des intempéries, et elle n'a pu prévoir un désastre semblable à celui qui est venu nous frapper.
En effet, de mémoire d'homme, on n'a plus vu les semailles de grains d'hiver détruites entièrement par les gelées.
A un mal extraordinaire, il faut un remède extraordinaire.
Les cultivateurs des provinces de l'Est vont essuyer des pertes énormes : perte des grains de semence, perte des frais de labour, perte de la paille, qui constitue la base de la richesse des cultures. Le capital agricole sera atteint et diminué considérablement.
Ce n'est donc que justice de revendiquer, en faveur des cultivateurs, l'exonération de l'impôt pour les terres qui auront été ensemencées de grains d'hiver et dont l'emblavure aura été détruite, c'est-à-dire dont le revenu sera diminué des deux tiers.
L'équité et la justice distributive militent en faveur de la proposition que j'ai l'honneur de soumettre à la Chambre, de concert avec mes honorables amis, MM. Elias, Bricoult, de Macar, de Vrints, Mascart, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Guillery, Hagemans, Dethuin, Houtart, Descamps, de Lhoneux, De Fré et Boulenger.
Quant aux moyens financiers destinés à faire face au découvert qui résultera de notre proposition, ils ont été indiqués par M. le ministre des finances lui-même, dans la séance du 31 mai ; nous n'avons donc pas à nous y arrêter.
Le caractère tout à fait exceptionnel du mal dont nous vous demandons une faible réparation, vous donne la garantie qu'on ne pourra considérer la mesure que nous vous proposons de prendre comme un précédent dangereux pour le trésor public.