(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1705) M. de Borchgrave fait l'appel nominal à 1 heure et un quart; il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« Le sieur Bastin, gardien du bétail de la commune d'Elhe, demande une indemnité. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Martiny, ancien volontaire liégeois, demande la pension dont jouissent les blessés de 1830 et les décorés de la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« Le sieur Guiot demande qu'avant la fin de la session la Chambre modifie le décret de 1807 concernant le tarif des actes des huissiers. »
- Même renvoi.
« Le sieur Delvigne prie la Chambre de voter le service militaire obligatoire et d'augmenter la cavalerie et l'infanterie lorsqu'elle sera saisie d'un projet de loi sur la réorganisation de l'armée. »
- Même renvoi.
« Le sieur Goffin, ancien employé des accises, demande une pension et les échéances arriérées depuis le 22 mai 1846 avec les intérêts cumulés ou une indemnité équivalente. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Liège demandent le maintien du tarif actuel des voyageurs sur le chemin de fer de l'Etat. »
« Même demande d'habitants de Gand, de Courtrai et d'autres communes du pays. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de travaux publics.
« Le sieur Schachtjens demande une réduction du budget de la guerre. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.
« Le conseil provincial du Limbourg demande que le projet de loi de travaux publics comprenne un crédit pour construction de routes dans cette province. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du. projet de loi.
M. le président. - L'ordre du jour appelle le vote du projet de loi dont les articles ont été votés hier.
- Il est procédé à l'appel nominal.
65 membres y prennent part.
64 répondent oui.
1 répond non.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Ont répondu oui :
MM. Snoy, Tack, Thienpont, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Iseghem, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Allard, Bergé, Biebuyck, Coomans, Coremans, Cornesse, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delaet, Delcour, De Lehaye, de Macar, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius,
Descamps, de Smet, de Theux, Dethuin, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Elias, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Hermant, Houtart, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Magherman, Mouton, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Pety de Thozée, Reynaert, Sainctelette, Santkin, Schollaert et Thibaut.
A répondu non : M. Le Hardy de Beaulieu.
M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - La Chambre désire en finir et cela doit se comprendre. Nous sommes réunis depuis le 8 août, c'est-à-dire depuis près d'un an.
Pour avancer nos travaux, je propose donc de tenir séance ce soir à 8 heures, pour examiner le projet de travaux publics. (Interruption.) Sans cela nous serons encore ici dans huit jours. Remarquez, messieurs, que nous avons déjà de la peine à être en nombre ; aujourd'hui nous ne sommes que 65 ; si nous ne tenons pas de séances du soir, nous ne pourrons pas en finir.
M. de Baillet-Latour. - Je ne vois pas ce qui nous presse. Nous sommes ici pour faire les affaires du pays et nous devons les faire sérieusement. (Interruption.)
On nous propose d'un côté de tenir une séance du soir, j'entends d'un autre côté proposer de nous réunir le matin à 10 heures. Cela n'est pas sérieux. Il n'y a pas de péril en la demeure. Faisons notre devoir comme il convient et nous aurons fini la semaine prochaine.
- Des membres à droite. - Aux voix!
M. Dumortier. - L'honorable membre ne voit pas pourquoi nous ne resterions pas encore huit jours en séance. Nous, nous le voyons bien, nous vous avons écoutés avec beaucoup de patience, messieurs de la gauche, pendant de longues séances.
M. Sainctelette. - Je demande la parole.
M. Muller. - Vous feriez bien d'expliquer vos paroles, M. Dumortier.
M. Dumortier. - Vous avez fait pendant la session au moins trente motions d'ordre.
- Un membre à droite. - De désordre.
M. Dumortier. - Oui des motions d'ordre qui étaient des motions de désordre.
La Chambre éprouve évidemment le désir bien légitime de finir ses travaux ; chacun de nous désire rentrer dans ses foyers, et quand on songe que la session actuelle a commencé au mois d'août de l'année dernière, il est bien certain que personne au monde ne pourra nous reprocher d'avoir terminé trop tôt nos travaux.
M. Sainctelette. - La gauche a été pendant de longues années majorité; M. Dumortier était alors dans l'opposition et ne se faisait pas faute de parler.
La gauche a écouté toujours M. Dumortier, je ne dirai pas avec patience, mais avec la déférence qui est due au caractère, au patriotisme, à l'âge de M. Dumortier.
Cette année, les rôles sont changés : M. Dumortier est devenu l'un des leaders de la majorité et je m'étonne de le voir parler d'impatience et exciter la majorité à fermer la bouche aux orateurs de la gauche. (Interruption.)
Sans avoir l'incroyable facilité de parole, pour ne pas dire la prodigieuse volubilité de parole de M. Dumortier, on peut cependant présenter à la Chambre, à propos d'un projet aussi important que le projet de loi des travaux publics, des observations dignes de l'attention du gouvernement.
(page 1706) Je ne crois pas qu'il soit bon de discuter en une seule séance un projet aussi long, aussi compliqué, un projet répartissant une somme de 22 millions de travaux dans les diverses parties du pays. On n'enlève pas un pareil projet comme un escadron de cavalerie ferait d'une batterie.
Nous devons donc, au risque de prolonger notre séjour ici même pendant toute la semaine prochaine, commencer demain à l'heure accoutumée et poursuivre avec calme et sans impatience la discussion du projet de travaux publics.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dumortier - Je demande la parole.
M. le président. - Vous l'avez eue deux fois déjà et d'ailleurs M. de Macar est inscrit ; je lui donne la parole.
M. de Macar. - Je ne comprendrais réellement pas qu'on voulût discuter et voter un projet de l'importance de celui dont il s'agit en une séance. Il y a là des questions multiples très graves à résoudre : questions de travaux publics, questions de finances, etc. ; tout devrait donc être voté avec la plus extrême précipitation ; c'est impossible. Il y a, d'ailleurs, d'autres projets à l'ordre du jour avant le projet de travaux publics. (Interruption.) Vous avez donc bien peur qu'on vous donne de trop bonnes raisons contre votre projet ? (Nouvelle interruption.) Si vous n'avez pas peur de la discussion, pourquoi donc voulez-vous l'empêcher ?
Jusqu'à présent vous ne vous êtes pas plaints de la longueur exceptionnelle de la session, et aujourd'hui qu'il s'agit d'un des projets les plus importants qui nous aient été soumis, vous voudrez nous forcer à le voter en un jour !
Il me paraît bien difficile, messieurs de la majorité, qu'en voyant votre impatience d'en finir, le pays ne demande pas s'il n'y a pas là un dessous de cartes. (Interruption.) Je veux croire que cette supposition ne serait pas fondée ; mais vous ne l'empêcherez pas de se produire si vous ne laissez pas le temps de discuter. Voulez-vous un autre argument ?
Aujourd'hui encore nous sommes à peine en nombre, et il est très probable qu'après une séance qui a commencé à une heure et qui ne finira probablement pas avant six heures, peu d'entre nous auront encore la force de prendre part à une séance du soir.
Je repousse donc la proposition de l'honorable M. Dumortier.
M. le président. - Il est évident que chacun de nous désire que la session soit terminée le plus tôt possible ; mais personne ici ne veut étouffer la discussion des projets qui restent encore à voter.
Je pense donc qu'après la séance d'aujourd'hui, on pourrait décider qu'il y aura demain séance à 10 heures.
M. Crombez. - Pourquoi pas à 5 heures ?
M. le président. - On se réunirait à 10 heures, la séance serait suspendue à midi et reprise à 2 heures. Mais il s'agit d'abord de savoir si M. Dumortier maintient sa proposition d'une séance du soir.
M. Dumortier. - Oui, M. le président.
M. de Borchgrave. - Messieurs, il est évident que si la gauche tout entière est résolue à ne pas venir à la séance du soir, nous ne serons pas en nombre. Il serait bien préférable de se rallier à la proposition de notre honorable président, quelque ridicule qu'elle ait pu paraître à l'honorable M. Crombez, qui a interrompu M. le président, en disant : Pourquoi pas à 5 heures du matin ?
Nous nous réunirions donc à 10 heures ; nous resterions en séance jusqu'à midi ; la séance serait ensuite suspendue, pour être reprise à 2 heures, et nous siégerions jusqu'à 5 ou 6 heures. De cette manière nous pourrions peut-être terminer demain nos travaux.
Messieurs, la droite, comme la gauche, est fatiguée.
Plusieurs membres de l'opposition eux-mêmes m'ont exprimé le désir de pouvoir bientôt et définitivement retourner dans leurs familles.
Puisque la séance du soir risque fort d'être une séance blanche, votons donc la proposition de notre honorable président et réunissons-nous, demain à 10 heures.
M. Crombez (pour un fait personnel). - Messieurs, je regrette que l'honorable M. de Borchgrave ait dit que j'avais qualifié de ridicule la proposition de notre honorable président. Je n'ai pas dit cela ; j'ai dit : « Pourquoi pas, si vous voulez, à 5 heures du matin ? »
Cette observation s'appliquait aux diverses propositions tendantes à changer l'heure ordinaire de l'ouverture des séances de la Chambre.
Dans ce que j'ai dit, il n'est rien qui puisse laisser supposer que je me serais permis de trouver ridicule une proposition faite par l'honorable président.
M. de Borchgrave. - Messieurs, je n'ai pas dit que l'honorable M. Crombez avait qualifié de ridicule la proposition de M. le président ; mais j'ai dit : quelque ridicule qu'ait pu paraître à l'honorable M. Crombez la proposition de M. le président.
En effet, messieurs, l'honorable président propose de se réunir à 10 heures du matin, et l'honorable membre de s'écrier : Dites tout d'un coup 5 heures !
Cette interruption justifie, je crois, mes paroles, qui, du reste, n'ont rien de malveillant pour l'honorable député de Tournai.
M. de Rossius. - Messieurs, quoi qu'en ait dit l'honorable M. de Borchgrave, je ne désire pas le moins du monde qu'il y ait demain séance à 10 heures. Il est possible que l'honorable membre puisse encore aujourd'hui supporter des séances qui commenceraient à 10 heures, qui seraient suspendues à midi, pour être reprises à 1 heure et demie ou à 2 heures et finir à 5 ou 6 heures. Je n'ai plus la force de corps et d'esprit nécessaire pour me soumettre à un pareil régime. J'ai été très assidu. Chaque jour je suis ici, et je déclare que j'éprouve une extrême fatigue. C'est pourquoi, à propos de la motion de l'honorable M. Dumortier, je dois avouer qu'il me serait impossible d'être ici le soir à 8 heures après y être resté depuis 1 heure jusqu'à 5 heures. Voilà la déclaration formelle et très sincère que je fais.
Je suis tout aussi désireux que l'honorable M. de Borchgrave de quitter Bruxelles pour rentrer dans mes foyers. Mais aussi longtemps que la session n'est pas close, il faut que nous discutions sérieusement et avec une sollicitude attentive ; je m'oppose donc à ce qu'il y ait une séance du soir et à ce que la séance commence demain à 10 heures.
M. de Borchgrave. - Les paroles de l'honorable M. de Rossius pourraient s'interpréter dans un sens peu flatteur pour moi.
Je crois être aussi assidu et écouter aussi attentivement que l'honorable membre les débats qui s'agitent dans cette enceinte.
Aussi je fais ce dernier appel à mes collègues de la gauche pour qu'ils consentent à se réunir demain à 10 heures.
M. Coomans, - La séance du soir est impossible, non seulement parce que beaucoup de membres n'y assisteront pas et je doute que je puisse y assister moi-même, mais parce que je déclare qu'il n'est pas loyal de tenir des séances à l'insu de la moitié de nos collègues. Or, près de la moitié de nos collègues sont absents.
D'autre part, je reconnais qu'il est désirable que notre session ait une fin.
M. De Lehaye. - Ne perdons pas de temps.
M. Coomans. - Si nous perdons du temps, ce n’est pas ma faute.
Je veux vous en faire gagner.
Je propose donc que nous nous réunissions demain à midi, comme le faisaient nos pères et nos oncles du Congrès national. Réunissons-nous demain à midi et si nous ne sommes pas trop loquaces, je crois que nous pourrons abattre beaucoup de besogne en une séance.
Je reconnais que les questions graves doivent être sérieusement discutées, et si nous ne sommes pas en état de discuter sérieusement les questions à l'ordre du jour, nous ferons bien d'en ajourner une partie, d'ajourner les questions les plus graves au moment où nous aurons le temps d'être sérieux.
Quant à moi, je consens à ce qu'on supprime une moitié de notre ordre du jour. Mais je m'oppose à ce qu'il y ait des séances du soir.
M. David. - Nous sommes ici pour faire sérieusement les affaires du pays. (Interruption.)
Ah! messieurs de la droite, si vous voulez étouffer la discussion et voter au galop tous les objets importants à l'ordre du jour, la gauche veut, elle, examiner avec maturité.
Messieurs, cela ne s'est jamais passé dans cette Chambre, alors que nous étions en majorité. On a toujours donné à la Chambre le temps dé discuter à fond les questions importantes même à la fin des sessions et nous avons à l'ordre du jour notamment le projet de loi de travaux publics qui soulève des questions tellement graves qu'il nous faut plusieurs jours pour le discuter. Je ne vois pas de raisons de nous presser ainsi et de sacrifier nos devoirs à nos convenances.
Il y a aussi une autre question qui se rattache à ce projet de loi, c'est l'examen des pétitions qui nous ont été adressées contre le relèvement du tarif des voyageurs sur les chemins de fer ; la Chambre a décidé que cet examen viendrait à propos du projet de loi de travaux publics. C'est une question d'un immense intérêt pour le pays, elle doit être approfondie ; il faut que ceux qui connaissent toute la défaveur que rencontre l'intention de M. le ministre des travaux publics paissent exposer leur manière de voir, afin de chercher à lui faire mieux examiner cette réforme néfaste.
Je demande donc que les séances continuent la semaine prochaine, si l'ordre du jour est trop chargé.
- La discussion est close.
(page 1707) M. le président. - M. Dumortier, maintenez-vous votre proposition ?
M. Dumortier. - Oui, M. le président. Si ma proposition n’est pas adoptée, je me rallierai à la vôtre.
M. le président. - Je crois que vous pourriez retirer votre proposition et vous rallier à la mienne.
M. Dumortier. - Je retire ma proposition et je me rallie à celle de M. le président.
M. le président. - J'ai eu l'honneur de proposer de fixer la séance demain à 10 heures. (Interruption.)
M. Guillery. - Si on proposait midi, je pourrais me rallier à cette proposition. (Interruption.)
M. le président. - Il est indispensable que l'on soit d'accord, parce que nous avons trop de peine à nous trouver en nombre. S'il y a opposition à la proposition de fixer la séance à 10 heures, si on n'est pas unanime pour la fixer à midi, je crois qu'il vaudra mieux maintenir l'heure ordinaire et se réunir à une heure.
- Plusieurs membres. - A midi !
M. Guillery. - Veuillez vous rappeler, messieurs, que lors de la discussion de l'affaire d'Anvers, nous étions très pressés d'en finir, l'affaire était très importante ; nous nous sommes réunis à midi, et tout le monde est venu très exactement.
Je crois que l'heure de midi pourrait ralliée toutes les opinions.
M. de Rossius. - Je demande à quelle heure finira la séance ?
- Un membre. - A 6 heures.
M. de Rossius. - Cela peut vous être très agréable; mais nous, nous devons retourner en province. Je veux bien qu'on se réunisse à midi ; mais je déclare que je quitterai la séance à 4 heures et demie.
M. Dumortier. - Je reprends ma proposition.
M. de Rossius. - Est-il certain que nous terminerons la discussion du projet de loi de 22 millions et du projet d'emprunt de 50 millions dans une séance qui ne commencera certainement pas avant midi et demi ? (interruption.) Vous ne pouvez pas nous imposer de tolérer que la discussion continué en notre absence. Or s'il est dans tous les cas impossible de terminer demain avant 4 heures, je demande pourquoi nous nous réunirions à midi. Je crois, messieurs, que ce qu'il y a de plus raisonnable, de plus pratique et de plus décent, c’est de nous réunir demain à l'heure habituelle et de revenir mardi.
M. Delaet. - Messieurs, je crois que la proposition de l'honorable M. Guillery a été faite en vue des séances qui pourraient encore avoir lieu la semaine prochaine.
M. Guillery. - Evidemment. .
M. Delaet. - Demain, comme l'objection de l'honorable M. de Rossius, quant au départ avant six heures, est fondée, nous pourrions nous réunir exceptionnellement à onze heures et terminer avant quatre heures et demie.
M. de Rossius. - Vous voulez terminer demain !
M. Delaet. - Je vous dis que non. Je crois même que c'est impossible, mais je ne veux pas non plus prolonger la session jusqu'au mois d'août.
- Un membre à gauche. - Pourquoi pas ?
M. Delaet. - Nous ne serons plus en nombre. Mais puisque vous suspectez les intentions, laissez-moi interpréter les vôtres. Je pourrais dire que vous voulez finir la session en queue de poisson, desinere in piscem, que nous ne soyons plus en nombre et que les objets qui sont à l'ordre du jour y restent.
Je dis donc que nous pourrions nous réunir demain, exceptionnellement à 11 heures pour nous séparer à 4 heures et demie et fixer les séances à midi la semaine prochaine, si, comme je le pense, nous ne pouvons finir demain.
M. de Rossius (pour un fait personnel). - Messieurs, jamais M. Delaet ne s'est trompé plus fortement que lorsqu'il s'est imaginé que je pourrais me préoccuper de ses intentions.
Ceci dit, je ferai remarquer à la Chambre que s'il y a un membre qui ne peut mériter le reproche de vouloir que la session se termine en queue de poisson, comme l'a dit si élégamment M. Delaet, c'est celui qui a l'honneur de vous parler.
Je crois que je n'ai pas l'habitude de manquer aux séances. Depuis trois semaines, c'est avec grand-peine que la Chambre se trouve en nombre ; mon nom cependant figure toujours parmi ceux des membres présents.
Le reproche de M. Delaet est donc absolument sans valeur.
Si je désire qu'il n'y ait pas de séance demain avant une heure, c'est parce que je ne vois pas l'utilité de nous réunir à midi.
Du moment qu'il est absolument impossible que nous terminions demain la discussion sur le crédit de 22 millions et sur l'emprunt de 50 millions, je vois pas pourquoi on voudrait nous contraindre à subir des séances de 4 ou de 6 heures. II est certain que nous devrons nous représenter dans cette enceinte mardi prochain, quelle que soit la longueur de notre séance de demain,
M. le président. - L'honorable M. Guillery a fait une proposition transactionnelle, celle de nous réunir demain à midi pour terminer la séance à 4 heures ou 4 1/2 heures.
Si cette proposition soulève de l'opposition, je prierai l'honorable M. Guillery de la retirer.
M. Guillery. - Je la relire.
M. le président. - Nous nous réunirons donc demain à une heure.
Je demanderai seulement à tous les membres de la Chambre de se montrer exacts et assidus.
C'est le seul moyen d'activer nos travaux et de les terminer dans un bref délai.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, le projet soumis aux délibérations de la Chambre pour but de mettre à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour faire face à la cherté exceptionnelle des subsistances et des fourrages.
Je crois avoir donné, dans l'exposé des motifs, toutes les explications de nature à justifier le crédit sollicité.
Mais, le rapport de la section centrale m'a suggéré quelques observations que je demande à la Chambre la permission de lui soumettre.
Je lis dans ce rapport que les mesures prises par le gouvernement en raison des événements de guerre ont coûté à peu près 30 millions à la nation.
J’en demande bien pardon à la section centrale, ce chiffre est exagéré.
Remarquez d'abord, je vous prie, que l'ensemble des crédits votés par la législature ne s'élève qu'à 28,600,000 fr.
Que sur cette somme il y a 1,500,000 francs qui n'ont pas été dépensés et qui ont fait retour au trésor.
Voilà donc déjà 3,000,000 à déduire du chiffre indiqué par la section centrale.
Les 27,000,000 qui restent ont-ils été uniquement dépensés par suite des mesures prises par le gouvernement ? Evidemment non.
Une dépense de 2,500,000 francs est. due à la cherté des subsistances.
Elle porte sur les effectifs de paix et elle eût dû être faite, quand même on n'eût pas appelé un homme ni. acheté un cheval de plus. C'est donc encore 2 1/2 millions à déduire.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse porter à l'actif de l'armée les 1,200,000 ou 1,300,000 francs dépensés pour secourir les malheureux internés étrangers.
Voilà donc derechef 4,000,000 à déduire, ce qui ramène à 23,000,000 le chiffre de 30,000,000 posé par la section centrale.
Je pourrais continuer à décomposer ce chiffre de 23 millions et démontrer qu'il comprend encore plusieurs sommes qui n'ont pas encore été dépensées pour des mesures prises par le gouvernement en vue des circonstances.
Ainsi, par exemple, je pourrais citer 800,000 francs affectés à la continuation des fortifications du bas Escaut ; puis les fonds mis à la disposition du gouvernement pour l'achat des engins destinés au barrage éventuel de l'Escaut ; enfin les dépenses faites pour donner une carabine à la cavalerie, qui l'attend depuis quarante ans.
Toutes ces sommes réunies réduisent à 21,800,000 francs le chiffre des dépenses motivées par les mesures que le gouvernement a jugé devoir prendre.
Je passe à un autre ordre d'idées.
Dans la section centrale, quelques membres ont émis l'opinion qu'il serait désirable que je fisse une réduction d'effectif qui permît de réaliser une économie de 500,000 francs sur le crédit que je pétitionne.
(page 1708) Je regrette que la section centrale ne m'ait pas fait part de cette observation, car les explications que je lui aurais données l'auraient convaincu, je pense, que non seulement j'avais prévenu son désir, mais que je l'avais de beaucoup dépassé.
Dès que l'armée a été mise sur le pied de paix, j'ai réduit les effectifs au-dessous des chiffres habituels, et de ce chef j'ai réalisé près d'un million d'économie que j'ai employé à solder des dépenses impérieuses, imprévues, et pour lesquelles j'aurais pu demander à la Chambre des crédits spéciaux.
Ainsi, par exemple, toutes les dépenses qui ont été faites pour préserver le pays de l'invasion de la peste bovine, c'est le département de la guerre qui a dû les supporter et qui les supporte encore. J'ai dû, pour ce service, détacher au moins 50 compagnies sur la frontière. Les soldats sont la dispersés, logés chez l'habitant et coûtent à peu près le double de ce qu'ils coûtent dans les garnisons. J'aurais pu vous demander de ce chef un crédit d'au moins 400,000 francs, et certes la somme n'eût pas été exagérée en présence des services qu'elle représentait.
Pour faire face à cette dépense, j'ai dû faire une économie sur les effectifs.
Lorsque l'armée a été remise sur le pied de paix, il est resté des excédants de cadres qui m'ont imposé une dépense de 350,000 francs ; j'aurais encore pu, pour cette dépense, demander à la Chambre un crédit spécial : j ai préféré la couvrir au moyen d'une nouvelle réduction d'effectif. J'ai dû accorder deux mois aux officiers pour vendre leurs chevaux de guerre ; le règlement leur accorde cette libéralité.
De plus, j'ai dû donner une indemnité à MM. les praticiens civils qui sont venus patriotiquement aider leurs confrères les médecins militaires.
Ce n'était pas trop, je pense, de leur allouer deux mois de traitement.
Ce n'est pas tout.
J'ai dû mettre à exécution, à dater du 1er janvier de cette année, le nouveau code pénal militaire.
On a déchargé le budget de la justice de la dépense que lui imposait l'entretien des détenus, et on n'a pas tenu compte de cette dépense au budget de la guerre.
Je me suis donc trouvé obligé de constituer les compagnies de correction sans avoir un centime de crédit à y consacrer.
J'ai, en définitive, économisé sur l'effectif près d'un million , qui a été affecté à solder les différentes dépenses indispensables que je viens d'indiquer, et, je le répète, je ne pourrais réduire encore l'effectif sans désorganiser le service de garnison, sans même compromettre l'instruction et la discipline de l'armée.
La section centrale dit, à ce propos, que de bons cadres sont la force de l'armée.
Certainement, de bons cadres sont un des éléments de la force d'une armée, mais il y a un autre élément essentiel, c'est d'avoir des soldats instruits et disciplinés.
Ce n'est pas dans leurs foyers que les miliciens acquièrent de l’instruction militaire et se forment à la discipline.
Je le répète donc, il me serait impossible d'aller au delà des réductions que j'ai opérées et j'espère que la Chambre, reconnaissant que j'ai géré avec économie, voudra bien donner son vote approbatif au crédit que je demande.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Je propose que désormais les budgets soient ainsi libellés : Il est permis aux ministres de dépenser ce qui leur plaît ; ils en rendront compte à la Chambre quand cela leur sera convenable.
C'est ce qui se passe en ce moment ; dans ces deux dernières séances, nous n'avons fait que voter des crédits supplémentaires, complémentaires, et extraordinaires pour payer les dépenses que les ministres ont fait ou laissé faire dans leurs départements en dehors des allocations budgétaires.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Pas en dehors des allocations.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Dans le cas actuel, nous dépassons un peu la mesure. Ces derniers jours, il s'agissait de sommes de deux, trois ou quatre cent mille francs ; aujourd'hui il s'agit de millions et cela après une année dans laquelle nous avons été obligés, par des circonstances tout à fait indépendantes de notre volonté, de dépenser, d'après le dire même du ministre, plus de 20 millions pour mesures que l'on a prises ou que l'on a cru devoir prendre pour mettre le pays à l'abri de l'invasion.
S'il y avait une occasion où le ministre aurait dû se renfermer strictement dans les allocations qui lui ont été données, allocations que Jj trouve déjà beaucoup trop considérables pour les services que rend l'armée, c'était bien pendant cette année calamiteuse.
Nous sommes à une époque qui non seulement suit une année de guerre et de calamités de tout genre, mais nous sommes dans une année plus désastreuse par suite des circonstances atmosphériques. C'est, tout au plus, si, nous autres paysans, nous parviendrons à nouer les deux bouts de l'année, à satisfaire à nos charges, à payer nos fermages et nos loyers.
Si M. le ministre de la guerre s'était rendu compte de la situation véritable du pays, il se serait efforcé de réaliser sur son budget des économies égales aux dépenses supplémentaires qu'il devait faire par suite de l'augmentation du prix des fourrages et des vivres.
Je motive donc mon vote contraire à ce crédit qui nous est demandé, par cette raison qu'il est indispensable que les ministres se renferment dans les allocations de leurs budgets et j'ajoute que M. le ministre de la guerre devrait se persuader que son budget est une charge très considérable pour les contribuables et qu'il ne faut rien faire qui puisse l'augmenter encore.
M. Coomans. - Il m'est impossible d'accorder un vote approbatif à ce projet de loi, et cela pour deux raisons que je suis las d'exposer à la Chambre et ailleurs.
La première est que je n'accorderai pas un centime à l'Etat belge pour l'armée aussi longtemps que notre détestable organisation militaire sera maintenue.
Voilà ma thèse depuis bien des années et il est vraiment étrange qu'elle soit encore combattue alors qu'elle a pour elle toutes les autorités compétentes, alors que tout le monde, généraux compris, l'honorable général Guillaume en tête, reconnaît que notre organisation militaire est mauvaise et à réformer presque complètement.
Oui, elle est mauvaise à mes yeux ; elle est mauvaise pour différentes raisons, dont la principale est l'odieuse et absurde loterie militaire, dont heureusement les partisans pourront bientôt faire leur deuil. Mais la Chambre est désireuse d'en finir et, quant à moi, je ne. suis pas désireux de prolonger un débat sur une question bien connue. Je me borne donc au simple énoncé de ce premier motif.
Le second motif qui m'empêche de voter ce crédit, c'est le refus obstiné, convaincu et loyal, je n'en disconviens pas, mais le refus obstiné du département de la guerre de congédier une bonne partie de nos miliciens à une époque de l'année où ils sont si nécessaires, je ne dirai pas seulement à leur famille, mais à la patrie. Le plus grand de tous les intérêts nationaux, surtout en temps de paix et en présence d'une situation pacifique, qui, probablement, se prolongera plusieurs années, le plus grand de tous les intérêts nationaux, c'est d'avoir de bonnes récoltes.
Or, messieurs, vous retenez inutilement, indûment, selon moi, sous les armes des milliers d'hommes que vous devriez renvoyer chez eux.
Je ne dis pas qu'au point de vue militariste, l'honorable général Guillaume ait tort ; je n'entreprendrai pas une discussion sur ce point, quoiqu'il me fût peut-être possible de le discuter sous le couvert de beaucoup d'officiers supérieurs.
Du reste, ce point de vue est trop large, trop arbitraire, et je n'ai nullement l'intention de m'y égarer.
Mais au point de vue réellement national comme au point de vue de la justice, il n'est pas permis de retenir inutilement sous les armes des milliers d'hommes si nécessaires chez eux et si nécessaires à la patrie.
Je voudrais bien savoir quel est l'effectif actuel, à la mi-juillet.
Je crois qu'il est plus considérable qu'à pareille époque d'autres années. (Interruption.) Eh bien, il devrait l'être moins ; dans tous les cas, il est trop élevé. Vous pourriez certainement pendant deux à trois mois de l'année, à l'époque où l'agriculture a le plus besoin de bras, renvoyer chez eux la moitié de nos soldats ; ce serait un service rendu au pays et un hommage rendu à son bon sens.
Messieurs, où s'arrêtera-t-on dans la voie du progrès des dépenses militaires ? Depuis vingt-quatre ans que j'ai l'honneur de siéger ici, j'ai souvent entendu demander et souvent, entendu promettre des réductions du budget de la guerre ; mais jamais je ne les ai vues ; au contraire, chaque fois qu'on a examiné la situation, on a trouvé des arguments pour l'empirer encore, et aujourd'hui nous en sommes arrivés à un budget de la guerre de plus de 40 millions ; car le chiffre de 37 millions est un chiffre purement nominal qui, chaque année, s'accroît de quelques millions de crédits supplémentaires, complémentaires, extraordinaires, etc. ; en sorte que nous arrivons régulièrement à un budget de quarante et des millions.
Et, messieurs, je ne parle ici que du budget proprement dit; car j'ai fait très attentivement, depuis de longues années, ce calcul que nos dépenses (page 1709) militaires s'élèvent annuellement à 70 millions de francs. Voila la vérité vraie.
Or, je crois qu'aux yeux de bien des gens ce n'est pas encore assez et qu'ils travaillent à obtenir davantage.
Je crois encore une fois qu'ils n'atteignent pas le but. Le chiffre de 70 millions, voilà le chiffre réel pour les hommes sérieux qui cherchent la vérité. Le chiffre de 37 millions est celui qu'on donne aux badauds. Je n'en suis pas, et je me réserve de démontrer à la première occasion la réalité de mon chiffre de 70 millions, bien entendu que j'ai le droit de traduire en écus les charges personnelles que vous imposez au public, notamment aux miliciens.
Messieurs, permettez-moi de revenir sur un point qui est amendable, car il dépend de M. le ministre de la guerre de me donner raison sur ce point-là : c'est d'accorder des congés de quelques mois à quelques milliers de miliciens, et cela dans l'intérêt de l'agriculture.
Je connais des militaristes dans cette Chambre qui se lamentaient l'autre jour sur l'outrecuidance de mon honorable ami, M. Jacobs, qui ose élever de 5 p. c. l'impôt foncier (interruption), et l'élever dans certaine hypothèse qu'on ne réalise pas ; mais qui votent, comme si de rien n'était, des charges militaires beaucoup plus lourdes pour nos paysans. On a cherché à ameuter contre l'honorable M. Jacobs tous les paysans de Belgique. Et qui a cherché cela ? Ceux qui approuvent l'expropriation de travail et de liberté, commis criminellement, selon moi, au détriment d'un très grand nombre de Belges.
Cette augmentation de 5 p. c. de l'impôt foncier n'est pas exclusivement payée par le locataire ni même par le propriétaire ; elle sera payée en définitive par le consommateur. (Interruption.)
Je suppose que les provinces commettent la sottise de ne pas accepter les impôts que leur a abandonnés l'honorable M. Jacobs, alors je reconnais qu'il y aura une augmentation, mais légère et acquittée par le consommateur.
Je suppose donc qu'il y ait une augmentation réelle de 5 p. c. sur l'impôt foncier,-cette augmentation n'est rien auprès des vingt-quatre mois de travail que vous enlevez aux sept huitièmes des Belges ; les sept huitièmes de nos miliciens sont des paysans et vous leur enlevez je ne sais combien de francs pour cent de leur petit revenu ou capital.
La justice gît dans la logique ; la justice exige l'égalité ; elle emploie des balances justes.
Eh bien, hier encore l'honorable M. Wasseige qualifiait avec raison, selon moi, de démocratique la réforme qu'il a l'intention d'introduire dans le tarif des voyageurs sur le chemin de fer ; il soutient que les gens riches ou aisés profitent de certains privilèges accordés aux longs parcours. C'est ma pensée. Mais remarquez que ce privilège-là, pour les gens riches et pour les longs parcours en toute chose, existe toujours en Belgique.
Quoi ! vous allez nous proposer une augmentation des pensions militaires ?
Pour qui ? Pour les officiers, pour des fonctionnaires qui, comparativement aux miliciens, sont des gens riches, qui ont été rétribués comme des fonctionnaires privilégiés à long parcours de service et qui jouissent déjà d'une pension depuis un plus ou moins grand nombre d'années ; et vous proposez de leur payer un supplément, et même rétroactivement ; et vous osez faire cela quand depuis quarante ans un demi-million de miliciens belges ont été expropriés sans indemnité du bien le plus précieux : la liberté ; et aujourd'hui vous ne proposez aucune indemnité pour les miliciens ; mais on en propose une pour les officiers. Pas d'indemnités pour les miliciens, rien. Mais une indemnité arbitraire pour les officiers ; encore une fois, ce sont les classes supérieures qui vont l'emporter.
Quant à moi, je voterai contre toute augmentation de pension pour les officiers et même contre toute pension quelconque, aussi longtemps qu'il n'y aura pas quelque peu de justice, un atome de justice pour les miliciens.
Vous me direz que vous avez fait une loi qui dans trente-cinq ans leur donnera quelques centimes par jour. D'abord je la nie ; cette loi, vous ne l'appliquerez pas. Elle est morte ; je la considère comme enterrée. Par conséquent les malheureux miliciens que vous exploitez resteront privés de la juste rémunération à laquelle ils ont droit.
Messieurs, je vous demande pardon. Je suis un peu vif sur ces questions ; ce sont les seules qu'il m'est impossible de discuter froidement. Ma conviction est si profonde que nous manquons à la justice distributive comme à la logique, que ma conscience ne me permet pas de ne pas vous le dire dans toutes les occasions qui peuvent s'offrir.
Par conséquent, je voterai contre ce projet de loi comme je voterai contre tous les projets qui tendent à augmenter ou à maintenir nos dépenses militaires.
M. Brasseur, rapporteur. - Comme rapporteur de la section centrale, il m'est impossible de ne pas prendre la parole pour répondre à M. le ministre de la guerre et à l'honorable M. Coomans.
Quant à l'honorable M. Coomans, je ne le suivrai pas dans ses pérégrinations sur des questions qui auront leur tour, qui seront débattues en temps et lieu, mais qui, certainement, ne trouvent pas leur place dans ce débat.
C'est ainsi que quand l'honorable M. Coomans vient nous dire que jamais il ne consentira à augmenter les pensions militaires, parce qu'il y a beaucoup de gens plus malheureux que nos officiers, c'est un débat complètement étranger à la question qui nous occupe ; et quand nous nous occuperons des pensions militaires, je prouverai à l'honorable membre que les 10 p. c. d'augmentation qu'on leur accorde ne répondent pas encore aux sentiments de justice qui devraient nous guider en cette matière. Les officiers ont droit à une augmentation de pension : c'est une question de justice.
M. Coomans. - Et les miliciens rien!
M. Brasseur, rapporteur. - Nous nous occuperons des miliciens plus tard, si vous voulez. Si on commet une injustice à leur égard, est-ce un motif pour en commettre une seconde à l'égard des officiers ?
M. le président. - Laissons ces questions de côté.
M. Brasseur, rapporteur. - Je les laisse de côté, M. le président. J'allais finir ; je constate que l'honorable M. Coomans a provoqué ce débat.
Quant à M. le ministre de la guerre, je regrette de ne pas pouvoir le féliciter de la critique qu'il a faite du rapport de la section centrale. Selon lui, la section centrale a eu tort de dire qu'on avait dépensé 30 millions pour frais de guerre. D'abord, je ferai remarquer que la section centrale n'a pas dit cela. Elle a dit : près de 30 millions, ne voulant pas examiner les chiffres dans tous leurs détails.
Mais M. le ministre de la guerre vient de décomposer ce chiffre. Je n'ai pas reçu 30 millions, nous dit-il ; ce chiffre est inexact. Il faut en défalquer 1 million et demi que j'ai restitué à l'honorable M. Jacobs, qui doit en être charmé. Calculs faits, il reste 27 millions, et encore y a-t-il dans ce chiffre des dépenses qui ne sont pas relatives à la guerre.
Eh bien, toute l'argumentation de M. le ministre de la guerre ne prouverait qu'une chose : c'est que le budget de la guerre n'était pas suffisant pour combler les dépenses ordinaires et, par conséquent, au lieu d'avoir un budget de la guerre de 37 millions, nous avons, avec les crédits supplémentaires, tels que ceux employés à l'achat de carabines pour la cavalerie, au barrage, de l'Escaut, etc., un budget ordinaire de 40 à 41 millions.
Peu nous importe que vous appeliez cela des dépenses pour carabines de cavalerie, pour barrage de l'Escaut, etc. En fait, vous avez dépensé près de 30 millions passés. De sorte que lorsque dans mon rapport j'ai indiqué une forte dépense pour frais de guerre, j'ai dit une chose exacte : peu importe le libellé ; c'est là une question de détail. Du reste, le but de la section centrale n'était pas d'insister sur ce point, et sous ce rapport M. le ministre de la guerre n'a pas bien saisi la pensée qui a guidé la section centrale.
Voici le raisonnement de la section centrale : Nous avons dépensé depuis deux ans des sommes énormes ; nous avons eu près de 30 millions de dépenses de guerre ; nous allons avoir pour 22 millions et demi de dépenses pour travaux publics; travaux très utiles, travaux nécessaires, j'en conviens ; mais il n'en est pas moins vrai que voilà 52 millions-et demi de dépenses.
Il y a ensuite 450,000 francs pour « transfert de l'académie militaire » ; il y a encore d'autres et de nombreux crédits supplémentaires qui ont été demandés ; enfin il faut tenir compte qu'il y a encore une augmentation au budget de la guerre de 1872 sur 1871, et, si mes renseignements sont exacts, nous allons encore avoir une augmentation de près de 300,000 fr. par an, parce que la commission instituée pour le pain a trouvé que le pain militaire n'est pas assez bon.
Eh bien, messieurs, je le demande, avec toutes ces dépenses improductives, où allons-nous ?
La section centrale s'est demandé si, en présence de toutes ces dépenses extraordinaires, il ne convenait pas de faire provisoirement, sans toucher aux questions d'organisation, qui seront débattues dans la session prochaine, s'il ne serait pas possible de faire une légère économie sur le budget de la guerre qui, en définitive, consacre des dépenses inutiles..., pardon, je me trompe, je voulais dire des dépenses improductives.
M. Coomans. - Dites : inutiles; l'expression est très juste.
M. Brasseur. - Pardon, M. Coomans, je ne dirai pas inutiles. Sous ce rapport, il y a un abîme entre nous deux. Je suis militariste, je (page 1710) soutiendrai le système du service obligatoire pour tout le monde. Je trouve que le remplacement militaire est une chose tout simplement inique.
J'en reviens donc à la petite prière que nous faisons a M. le ministre de la guerre. Nous pensions qu'il devait agir comme un bon père de famille agit dans des circonstances analogues.
Quand ce dernier passe par de douloureuses épreuves, quand les temps sont durs, comme on dit en termes vulgaires, il restreint autant que possible ses dépenses.
Eh bien, nous disons à M. le ministre de la guerre : Faites une petite économie sur les millions que vous nous demandez, afin d'adoucir, dans une certaine mesure, les charges extraordinaires qui pèsent sur le trésor public et qui s'élèvent à un chiffre exorbitant.
En définitive, messieurs, nous en sommes à un budget ordinaire de 43 millions, et de la façon dont vous y allez, vous allez transformer cette situation en situation permanente.
M. le ministre de la guerre vous a dit avec une loyauté qui l'honore que toute l'organisation de l'armée doit être changée.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je n'ai pas dit cela.
M. Brasseur. - Vous croyez n'avoir pas dit cela en ces termes, mais vous avez fait un exposé tel de notre organisation militaire que j'arrive forcément à cette conclusion.
Je vous le prouverai.
Dans votre rapport sur la mobilisation de l'armée, vous avez critiqué presque chaque organe de notre armée.
Or, messieurs, l'armée est un grand mécanisme ; du moment qu'un seul rouage ne fonctionne pas convenablement, tout le mécanisme est détraqué ; il ne remplit pas son but.
Pour en revenir à ce demi-million .dont nous avons demandé l'économie, l'intention de la section centrale n'était nullement, je le répète, de toucher aux questions vitales de l'organisation de l'armée ; nous avons uniquement voulu engager M. le ministre de la guerre à restreindre un peu, momentanément, les dépenses en présence des années calamiteuses que nous traversons.
Par contre, l'agriculture s'est trouvée et se trouve encore aujourd'hui dans une situation déplorable.
Qu'on ne se fasse pas d'illusion et qu'on ne parle pas de demi-récolte, de trois quarts de récolte.
Cela peut être vrai dans quelques arrondissements, mais cela n'est pas vrai en général pour le pays.
Dans de pareilles circonstances, je n'aurais pas trouvé d'inconvénient à ce que, conformément aux conclusions de l'honorable M. Coomans, M. le ministre de la guerre eût renvoyé dans leurs foyers quelques milliers de miliciens. C'eût été une chose éminemment utile à l'agriculture.
Ce n'est pas seulement une diminution de dépense d'un demi-million que nous obtiendrons, mais, comme l'a fort bien fait remarquer l'honorable M. Coomans, ces miliciens travaillant à la campagne réaliseraient un gain considérable.
Voilà un point qu'il faut prendre en considération.
Je pense que le gouvernement ferait un grand bien à l'agriculture en renvoyant pendant quelques mois quelques milliers de miliciens dans leurs foyers, d'autant plus que les circonstances politiques sont de nature à rendre une pareille mesure parfaitement praticable ; aucune puissance ne songera pour le moment à faire la guerre : la situation politique est dans un état de calme plat.
Je propose, par voie d'amendement, de diminuer d'un demi-million les 3,250,000 francs que l'honorable ministre de la guerre sollicite de la législature.
M. David. - L'honorable ministre de la guerre nous a fait une communication que je considère comme assez grave.
Il a dit qu'il avait dépensé, en dehors des allocations du budget, un million, se composant des frais de l'occupation militaire de la frontière pour 400,000 fr., de 100,000 fr. pour solde de médecins civils adjoints à l'armée en 1870 et d'autres sommes dont je n'ai pu prendre note.
Ce acte serait une inconstitutionnalité et contraire à la loi de comptabilité.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Vous avez mal compris, je n'ai pas dit cela.
M. David. - S'il en était ainsi, M. le ministre devrait solliciter de la Chambre une autorisation de transfert ; mais comme j'ai mal compris, paraît-il, je dois terminer ici mes observations.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre.- Messieurs, J'ai été mil compris par MM. Le Hardy de Beaulieu et David, Ces honorables membres supposent que j'ai dépensé de l'argent qui ne m'avait pas été alloué.
C'est une erreur, je n'ai pas dépensé un centime qui n'eût été voté. J'ai simplement disposé des fonds de chaque article du budget, en raison des circonstances, sans opérer aucun transfert irrégulier, ni dépensé ce qui ne m'avait pas été alloué.
L'honorable M. Coomans a dit que j'ai déclaré que l'organisation de l'armée est mauvaise.
Je n'ai jamais fait une semblable déclaration.
J'ai fait connaître en diverses circonstances et j'ai dit expressément dans mon rapport que l'organisation est bonne, mais qu'il y a certains services à compléter.
L'honorable M. Coomans a prétendu que l'effectif que j'avais sous les armes était plus élevé qu'en temps ordinaire.
De ce que je ne l'ai pas interrompu, il a inféré que j'avais reconnu qu'il en est ainsi. Eh bien, c'est une complète erreur.
Je compare l'effectif au 1er juillet de cette année et l'effectif au 1er juillet 1870. Au 1er juillet 1870 il y avait sous les armes 38,940 hommes ; au 1er juillet de cette année il y en avait 35,074, soit en moins, 3,866 hommes, c'est-à-dire qu'il y a aujourd'hui environ 4,000 hommes de moins qu'au 1er juillet 1870. Et de plus, il y avait sous les armes l'année dernière tous les hommes qui avaient été rappelés pour le camp, ce qui constituait un effectif total de 46,112 bommes.
Vous voyez que j'ai été au-devant du désir de la section centrale et de votre propre désir en diminuant l'effectif de manière à réaliser des économies et à pouvoir faire face aux dépenses extraordinaires que j'ai énumérées.
L'honorable rapporteur de la section centrale, dans les explications qu'il a données, a confirmé ce que je vous ai dit relativement aux dépenses qui ont été réellement faites en vue des circonstances.
Mais l'honorable M. Brasseur dit : Qu'importe l'emploi ? L'argent a été dépensé. Mais, messieurs, il m'importe beaucoup à moi que l'on n'exagère pas les dépenses occasionnées par les mesures qui ont été prises en vue des événements, car on a dit précédemment que le gouvernement, grossissant à plaisir les dangers qui menaçaient le pays, avait exagéré les dépenses. Il m'importe donc à moi qu'on ne mette pas sur le compte des mesures prises par le gouvernement, et que j'ai conseillées, des dépenses qui ne se rapportent pas à ces mesures.
Je n'ai pas besoin de dire que je repousse l'amendement proposé par l'honorable rapporteur de la section centrale ; il me convie à consentir à une réduction de 500,000 francs en renvoyant quelques hommes en congé.
M. Brasseur. - Quelques milliers.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Quelques milliers ! Je demanderai à l'honorable rapporteur de la section centrale s'il s'est donné la peine de calculer quel nombre de milliers de soldats il faudrait renvoyer, pour réaliser 500,000 francs d'économie ? Eh bien, je vais le lui dire : il faudrait en renvoyer 14,000 à 15,000.
M. Brasseur. - En un mois.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Pendant la moisson, comme vous l'avez demandé.
M. Coomans. - Jusqu'à la fin de l'année.
M. Brasseur. - Pour moi, c'était pendant quelques mois.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Quelqu'un dans cette Chambre croit-il sérieusement qu'il me soit possible de renvoyer 14,000 à 15,000 hommes ?
M. Coomans. - Moi, je le crois.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Vous croyez cela? Eh bien, permettez-moi de vous rappeler que le roi Henri IV passant par une ville de France où l'on n'avait pas tiré le canon demanda pourquoi on ne l'avait pas tiré. On lui répondit : Pour 36 raisons et la première, c'est qu'il ne s'y trouvait pas de canon.
Eh bien, je n'ai pas sous les armes les 15,000 miliciens que l'on demande de renvoyer.
Vous voyez donc qu'il m'est impossible de consentir à l'amendement de M. Brasseur.
M. Hayez. - Je crois que l'économie que demande le rapporteur de la section centrale est très réalisable.
M. le ministre de la guerre parle de la faiblesse des compagnies, mais je lui rappellerai un fait qui est encore assez récent et qui s'est produit à l'époque où l'on construisait les fortifications d'Anvers.
Les prévisions de M. le ministre de la guerre se sont trouvées de beaucoup dépassées. Qu'a fait M. le ministre de la guerre ? Pendant deux ou (page 1711) trois ans peut-être il a fait des travailleurs des soldats, si bien que la plupart des compagnies étaient réduites à 6, 7 ou 8 hommes.
Ce qu'on a fait à cette époque, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire encore. A mon avis, on pourrait, sans nuire au service de garnison, réaliser assez de réductions sur l'effectif pour arriver à une économie de 500,000 francs.
Une raison qui m'engagerait à ne pas balancer sur cette réduction est celle-ci : A toutes les époques difficiles où l'on a fait appel aux miliciens, ils ont rejoint leur régiment avec un empressement très louable.
Ainsi, je suppose que M. le ministre de la guerre renvoie un grand nombre de soldats et que, quelque temps après, on ait besoin d'eux ; je suis convaincu qu'en huit jours ils auraient tous rejoint leur drapeau. Les précédents sont là pour le prouver;
Voilà donc une première économie réalisée sur la solde des soldats en activité.
Je demanderai ensuite pourquoi on garde un effectif de chevaux plus fort que celui du temps de paix. (Interruption.) Si l'effectif est celui du pied de paix, mon observation tombe.
Mais il y a d'autres objets sur lesquels on peut réaliser des économies ; je citerai entre autres les travaux de Termonde ; on y a exproprié des terrains, pour mettre à exécution le projet d'ériger une citadelle ; eh bien, je le répète parce que c'est ma conviction intime, Termonde est une affreuse bicoque dont on ne fera jamais rien...
M. Vanden Steen. - Au point de vue des fortifications.
M. Hayez. - Bien entendu ; et puisque j'ai soulevé quelques susceptibilités, j'ajouterai même qu'on ferait parfaitement bien, dans mon opinion, de renverser toutes les fortifications qui se trouvent à Termonde et de permettre à la ville de s'étendre au dehors.
M. Vermeire. - Voilà un bon argument.
M. Hayez. - Il y a encore un autre article du budget sur lequel il serait possible de faire des économies. L'article 24 porte une somme de 600,000 francs environ.- Cette somme comporte 20,000 francs pour deux citadelles, je crois, les deux citadelles de Liège. Je n'ai pas le budget ici; je ne puis vérifier l'exactitude de mon assertion en ce qui regarde la ville.
Il y a d'autres travaux encore sans ceux de Termonde, entre autres à Diest. Je crois qu'on pourrait parfaitement bien supprimer toutes ces dépenses et réaliser très facilement la réduction de 500,000 francs réclamée par l'amendement du rapporteur de la section centrale.
L'honorable ministre de la guerre a parlé aussi du barrage de l'Escaut.
Je demande d'abord si ce barrage est exécuté.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Non, on l'étudié.
M. Hayez. - Eh bien, puisqu'il en est ainsi, je conseillerai en ami à M. le ministre de la guerre d'abandonner ce projet et d'appliquer plus utilement la dépense qu'il occasionnerait. Jamais il n'y aura de chose plus inutile parmi tant d'inutilités que je pourrais citer, que ce barrage sur l'Escaut. Chaque fois que vous voudrez interdire le passage de ce fleuve, vous le pourrez facilement sans barrage ; je dirai même que vous pourrez le faire plus efficacement qu'avec un barrage. Voilà, messieurs, la raison pour laquelle j'appuierai la proposition du rapporteur de la section centrale et pourquoi je voterai la diminution de 500,000 francs.
M. Coomans. - Je n'ai demandé de nouveau la parole que pour répondre aux objections que m'a faites M. le ministre de la guerre, objections qui tendent à me convaincre d'inexactitude.
Je crois pouvoir démontrer que l'erreur est du côté de l'honorable ministre.
J'ai dit, en effet, que, selon moi, dans la pensée de l'honorable ministre de la guerre, l'organisation de l'armée est mauvaise.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je n'ai jamais dit cela.
M. Coomans - L'honorable ministre se récrie contre cette conclusion sommaire de ce que j'ai cru avoir remarqué dans son langage et dans son entourage. Il est vrai que je n'ai pas entendu dire par l'honorable ministre que notre organisation militaire était mauvaise ; mais j'ai le droit de tirer cette conclusion de son langage.
Quoi ! il déclare que les bases de l'organisation sont mauvaises ! (Interruption.) Voyons, c'est une question de bonne foi ; la question de forme est Ici tout à fait indifférente. Eh bien, selon moi, l'honorable ministre désapprouve les bases de l'organisation. Et, en effet, il désapprouve la loterie militaire exceptionnelle à la charge des pauvres, et il désapprouve le remplacement. Or, ce sont bien là, je pense, les deux bases de l'armée belge. Far conséquent, nous sommes parfaitement d'accord et j'en félicite sincèrement l'honorable ministre. J'avais donc raison, je pense, de m'étonner que l'on continuât à faire tant de dépenses pour une organisation militaire qu'on reconnaît n'être pas bonne. Et, soit dit par parenthèse, je trouve qu'on se hâte bien peu de modifier un état de choses déclaré mauvais.
Quoi t ! on hésite à renvoyer chez eux 2,000 à 3,000 pauvres diables sous prétexte que la patrie serait en péril, et on maintient cette patrie dans la situation que vous savez, on garde une organisation militaire qu'on ne trouve pas bonne. Mais le premier de vos devoirs, le premier de vos besoins, c'est de réformer votre armée, si telle est votre conviction profonde, comme je n'en doute pas ; et c'est une question très secondaire de savoir si l'absence momentanée de 2,000 à 3,000 soldats compromettrait la patrie. (Interruption.)
Avec une telle conviction, vous devez hic et nunc réformer votre armée et vous permettre de ne pas donner suite au plan excessif que nous connaissons.
Seconde objection. L'honorable ministre de la guerre a élevé contre moi le drapeau blanc d'Henri IV. J'ai commis une grave absurdité : je lui avais demandé de congédier 15,000 miliciens, quand M. le ministre de la guerre n'a pas 15,000 miliciens.
Je suis bien étonné que M. le ministre de la guerre ne connaisse pas mieux ce point-là de notre organisation militaire. Il dit : « Je n'ai pas 15,000 miliciens, » et il a dit tantôt que son effectif est de près de 36,000 hommes aujourd'hui.
Or, d'autres statistiques démontrent que nos volontaires sont au nombre de 8,000 à 9,000.
Si je défalque ces volontaires de l'effectif des 36,000 hommes, il me reste le chiffre de 25,000 hommes. Il est évident que nous avons plus de 15,000 miliciens, que nous en avons 25,000 sous les armes. (Interruption.)
Vous avez certainement 25,000 miliciens sous les armes.
Donc, si j'avais demandé le renvoi de 15,000 miliciens, je n'eusse pas été dans les conditions d'absurdité où vous m'avez placé. On pourrait très bien défalquer 15,000 hommes des 36,000 et conserver encore un bon contingent.
Du reste, je n'ai pas demandé le renvoi de 15,000 hommes; je vous ai demandé le renvoi de quelques milliers d'hommes, non pas pour un mois, car il vous a fallu supposer que j'ai demandé un mois seulement pour fabriquer votre chiffre de 15,000 hommes ; j'ai demandé le renvoi pour 6 mois. Or, si vous deviez renvoyer 15,000 hommes pendant un mois pour arriver à une économie de 500,000 francs, il est clair que cette économie sera égale à celle qui résultera du renvoi de 2,000 hommes pour six mois.
Eh bien, si on nous accorde le renvoi de 2,000 hommes pendant six mois, j'en serais fort reconnaissant à l'honorable ministre de la guerre, et, ce qui le touchera davantage, la Belgique lui en sera fort reconnaissante.
Messieurs, le budget de la guerre s'élève à 43 millions ; ce chiffres est venu après celui de 26 millions, qu'on nous déclarait, sur l'honneur militaire, suffisant pour garantir la défense du pays. Il est étrange que, sur ce chiffre de 43 millions, on ne puisse pas nous faire, à nous antimilitaristes, la gracieuseté d'une aumône de 500,000 francs, car je déclare que ce serait une aumône à mes yeux.
Je voterai l'amendement de l'honorable M. Brasseur ; ce serait toujours quelque chose de pris sur l'ennemi militariste. Je reconnais que 500,000 francs, c'est très peu de chose relativement à ce que je demande, mais commençons.
Messieurs, un mot encore. On a beau me dire (c'est l'honorable M. Brasseur qui a fait cette remarque) que je reste dans des considérations trop générales et que les principes viendront à leur heure ; je n'admets pas ce raisonnement. On renvoie toujours les principes ; on les ajourne facilement et pendant qu'ils sont à la porte de cette Chambre, on les méconnaît complètement ici, non pas en gros, mais en détail. Quant à moi, j'aime toujours à revenir aux principes. J'en ai posé quelques-uns ; il y en a encore d'autres.
Je vous déclare, et je crois être présent d'esprit en ce moment, comme le disait de lui-même l'honorable M. de Rososius, je vous déclare qu'il m'est impossible de comprendre qu'après la désastreuse et lumineuse expérience de la dernière campagne entre la Prusse et la France, vous vous obstiniez à fortifier Anvers, Termonde et autres lieux, (Interruption.)
Comment ! jamais les fortifications des villes, surtout des grandes villes, n'ont été démontrées aussi inutiles et aussi dangereuses que dans cette guerre-là. Si l'on était logique, si l'on avait le courage d'être logique, de (page 1712) faire triompher la vérité et de la débarrasser des intérêts matériels et des vanités personnelles qui l'étouffent sans cesse, vous auriez décrété la démolition des fortifications d'Anvers.
Quoi! ces mêmes fortifications que vous avez qualifiées (je ne dis pas vous, mais votre frère et d'autres) d'imprenables, vous les qualifiez aujourd'hui d'inutiles et même de dangereuses.
Un général me disait, l'autre jour, d'accord avec un officier supérieur, vraiment supérieur celui-là, que dans l'état actuel d'Anvers, c'était un danger que les fortifications d'Anvers, qu'Anvers était trop facilement prenable et qu'il fallait augmenter considérablement le dispositif militaire. Eh bien, quand vous aurez refait votre nouveau plan, vous devrez le défaire et le refaire encore ; nous n'en finirons jamais. Vous n'aurez rien sauvé et vous aurez tout compromis.
Voilà la vérité. Je sais bien que parce que j'ai l'habitude de la dire, on me fait passer pour un original, pour un obstiné. Mais que voulez-vous? Je suis trop vieux pour changer et assez vieux pour être convaincu que la vérité pure passe toujours pour impossible, et que la complication des intérêts, des préjugés est cause qu'une vérité quelconque ne peut se faire accepter sans un considérable alliage d'erreurs ! Nous en sommes là.
Vous maintenez Anvers non pour le salut du pays, mais pour un prétexte : le maintien d'une grande armée. Eh bien, puissé-je ne pas assister à la réalisation de ma prophétie ! mais je vous dis que les fortifications d'Anvers seront la perte d'Anvers et peut-être de la Belgique.
Quand je vous demande une petite économie de 500,000 francs sur un budget de 44 millions, sur des dépenses extraordinaires facilement modifiables, vous devriez être bien heureux d'avoir l'air conciliant et de nous donner cette petite satisfaction.
M. Brasseur, rapporteur. - Je ne relèverai qu'un point du discours qu'a prononcé M. le ministre de la guerre. Il m'a accusé de ne pas m'être rendu compte de ce que j'ai dit dans mon rapport, en demandant une diminution de 500,000 francs par le renvoi d'un certain nombre de miliciens dans leurs foyers. Eh bien, nous dit M. le ministre de la guerre, savez-vous combien je devrais renvoyer d'hommes dans leurs foyers pour économiser 500,000 francs ? Vous n'y avez pas songé ! Vous n'avez pas réfléchi à la question qui a été posée ! Vous ne vous rendez pas compte des conséquences de la proposition que vous faites ! Voilà bien la pensée de l'honorable ministre de la guerre.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je n'ai pas dit cela.
M. Brasseur, rapporteur. - Pardon, M. le ministre, vous l'avez dit. Le fond de votre pensée est un reproche de légèreté.
Quand on dit au rapporteur de la section centrale qu'il ne s'est pas rendu compte des conséquences de son opinion, c'est bien là un reproche de légèreté. Il n'appartient pas à un rapporteur d'une section centrale de venir alléguer des faits dont il n'aurait pas apprécié toutes les conséquences.
J'ai pour habitude d'examiner sérieusement les questions dont je m'occupe. Et savez-vous comment M. le ministre vient me combattre? Il dit que pour entrer dans mon ordre d'idées, il devrait renvoyer 14,000 hommes ! Oui, parce qu'il suppose un congé d'un mois. A ce compte, s'il avait supposé un congé de quinze jours, il serait arrivé au chiffre de 28,000 hommes, et, pour huit jours, à un chiffre de 56,000 hommes, que nous n'avons pas. Mais si M. le ministre avait établi ses calculs sur trois ou quatre mois de congé, il serait arrivé à un résultat tout autre ; il aurait précisément trouvé le chiffre que j'ai indiqué, c'est-à-dire, quelques milliers d'hommes.
M. le ministre de la guerre nous a dit qu'il n'avait que 15,000 fantassins, mais auparavant il a avoué avoir sous les armes 35,000 hommes.
Eh bien, messieurs, quand on a 35,000 hommes à sa disposition, ne peut-on pas faire une économie de 500,000 francs en renvoyant dans leurs foyers un certain nombre d'hommes qui, dans ce moment, seraient très utiles à l'agriculture ? Voilà toute la question.
Tel est, messieurs, le but de mon amendement ; les militaristes comme les antimilitaristes peuvent s'y rallier et le voter.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, on m'accuse d'inconséquence parce que j'ai dit qu'il y a 35,000 hommes d'effectif et que je n'ai pas 14,000 miliciens à renvoyer dans leurs foyers. La chose est cependant toute simple : je ne puis pas renvoyer les miliciens de l'artillerie ni de la cavalerie, car il me faudrait vendre les chevaux pour renvoyer les hommes ; les congés de cette nature ne peuvent donc porter que sur l'infanterie, qui n'a en ce moment que 20,000 hommes ; or, parmi ces 20,000 hommes il y a 5,000 à 6,000 volontaires. Vous voyez donc, messieurs, qu'il est de toute impossibilité de renvoyer 14,000 miliciens dans leurs foyers.
Je m'étonne, messieurs, qu'après avoir déclaré si positivement que l'effectif actuel est de 4,000 hommes au-dessous du chiffre normal ; que l'on ne peut pas maintenir convenablement le service de garnison, qu'on ne peut pas soigner l'instruction des soldats ni des cadres, je m'étonne qu'après cette déclaration, l'on maintienne une demande de réduction dans laquelle, si la Chambre l'adoptait, je verrais un amoindrissement de la confiance qu'elle m'a toujours accordée.
M. Coomans. - Messieurs, je trouve déplorable qu'on mêle une question personnelle à une question d'intérêt matériel. L'honorable général Guillaume peut m'en croire, je ne fais de compliments gracieux à personne et je n'en ferai certainement jamais à un ministre de la guerre, mais l'honorable général peut m'en croire, il n'y a personne dans cette Chambre qui lui en veuille individuellement. Il est plus favorisé que l'honorable M. Wasseige, sous ce rapport. (Interruption.)
Oui, sous ce rapport, il est plus privilégié que l'honorable M. Wasseige, je pense.
Personne ne lui en veut et il a tort, selon moi, de mêler sa personnalité à une question d'argent. Cela est très fâcheux.
Par cette tactique on va empêcher plusieurs membres de voter la mesure proposée en section centrale.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Il faut l'espérer.
M. Coomans. - Il faut l'espérer, dit l'honorable ministre. C'est une circonstance aggravante, selon moi. Vous allez empêcher beaucoup de membres de voter selon leur conscience.
M. le président. - Vous ne pouvez pas dire cela, M. Coomans.
M. Coomans. - J'ai le droit, comme représentant, de qualifier les discours et d'exprimer les impressions que j'en reçois.
Il n'y a rien de désobligeant pour l'honorable ministre de la guerre dans ce que je dis. Je saisirai toutes les occasions de lui être agréable, mais dans des choses qui n'engagent pas la conscience.
J'avais sur le cœur, depuis longtemps, de m'opposer à ces questions personnelles qui falsifient le régime parlementaire.
Je suis obligé de relever une erreur que vient de faire l'honorable ministre de la guerre.
Il nous assure que jamais l'effectif n'a été au-dessous du chiffre de 1871. Or, cet effectif est de 36,000 hommes.
Je suis sûr qu'en montant à la bibliothèque j'arriverai à prouver que notre effectif a été de 29,000, de 30,000, de 32,000 hommes au grand complet.
L'argument ne vaut donc rien.
L'honorable ministre a constaté que, l'année dernière, il y avait eu 38,000 hommes sous les armes, parce qu'il y avait eu des exercices.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - C'est une erreur. J'ai dit précisément le contraire.
M. Coomans. - Nous avions mal entendu. Reste alors mon autre observation que votre effectif a été souvent inférieur à ce qu'il est maintenant, qu'en conséquence, vous pouvez le réduire.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Quand j'ai dit que l'effectif était réduit en dessous de ce qu'il était précédemment, j'ai cité le 1er juillet de l'année dernière et j'ai comparé la situation de cette époque avec celle qui existait au 1er juillet de l'année courante.
J'ai ajouté que cet effectif était indépendant des troupes qui avaient été rappelées pour le camp, car l'effectif présent au 1er juillet 1870 était de 46,112 hommes.
M. de Borchgrave. - Messieurs, mon vote sera favorable à la demande faite par l'honorable ministre de la guerre, mais ce vote ne pourrait préjuger mes votes futurs.
Je dois dire que beaucoup de membres de cette Chambre sont découragés comme moi, à propos des demandes de congés qu'ils font en faveur de miliciens. Ces demandes sont toujours écartées par la même fin de non-recevoir, les nécessités du service.
Je voudrais savoir quelles sont ces nécessités et quels sont les congés qui ont été accordés, car il est positif que tout l'effectif n'est pas sans cesse sous les armes.
Ne sont-ce pas les représentants de la nation qui sont le plus à même d'apprécier la situation des familles dont les enfants sont sous les drapeaux ?
(page 1713) le ne sais si d'autres membres sont plus heureux que moi, mais, pour le moment, pas un seul milicien n'est en congé par le fait d'une demande provenant de ma part ; elles ont toutes été écartées.
Je voudrais que l'honorable ministre se montrât un peu plus large, surtout quand il s'agit de demandes fondées.
L'honorable ministre doit savoir que bon nombre de familles avaient fait exempter leurs fils par l'association Counhaye. Beaucoup ont payé 900, 1,200, 1,500 francs dans ce but.
La société Counhaye a fait faillite et tous ces malheureux jeunes gens ont dû payer l'impôt du sang après l'avoir payé en argent.
il en est résulté de grands malheurs. Je n'en citerai qu'un seul, mais triste exemple. Un père de famille de mon arrondissement est devenu malade en apprenant la nouvelle de ce désastre et quelques jours après il était mort.
Je déclare donc que si l'on persiste à repousser toujours mes demandes de la même manière, je demanderai, pour autant que ce soit mon droit, que l'on dépose un relevé des congés qui ont été accordés.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Je crois que tous les membres de la Chambre reconnaîtront que je me suis toujours montré très bienveillant en fait de congés pour les malheureux.
Si je suis obligé d'en refuser beaucoup, c'est que les demandes dépassent toute mesure.
M. de Borchgrave. - Pas de mon côté.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Il n'y a pas de jour où il n'arrive une cinquantaine de demandes au ministère.
Quant aux familles victimes de la faillite Counhaye, j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour les soulager.
Toutes ont obtenu des délais et des congés.
Si l'honorable membre a recommandé des miliciens qui n'ont pas obtenu de congés, c'est que, probablement, les nécessités du service ne l'ont pas permis ou que les miliciens qu'il a recommandés étaient dans une position moins malheureuse que ceux recommandés par ses collègues. (Interruption.)
Mais les miliciens des plus jeunes classes qui savent à peine l'exercice ne peuvent être les premiers à obtenir des congés.
Jamais on n'a accordé plus de congés que maintenant. Si l'honorable membre insiste pour que je dépose la liste des congés qui ont été accordés, je m'engage volontiers à la déposer.
M. de Borchgrave. - Je ne la demande pas.
M. Brasseur, rapporteur. - Messieurs, je regrette que l'honorable ministre de la guerre ait jugé convenable de poser une question de portefeuille, au sujet d'une affaire purement administrative. Quant à moi, je n'entends pas en faire.
Libre à M. le ministre de dire qu'il ne cède ni un homme, ni un clou, ni un cheval, et d'ajouter aujourd'hui : ni un sou ; avec un pareil système, il n'y a plus de discussion possible. Poser la question de portefeuille pour des questions administratives, c'est compliquer ces dernières d'un élément nouveau et porter atteinte à l'indépendance des députés.
M. Orts. - Il fallait dire cela hier à M. Wasseige.
- Des membres. - La clôture !
M. Bara. - Je demande la parole.
M. le président. - La parole est à M. Thonissen.
- Des membres. - Non ! non ! la clôture !
M. Thonissen. - Je ne m'oppose pas à la clôture; mais, si le débat continue, je demande que mon tour de parole me soit maintenu.
- Voix nombreuses. - La clôture !
M. Bara. - Comment, la clôture ! on ne pourra donc pas même expliquer son vote ?
M. le ministre a introduit dans le débat un élément nouveau, la question de confiance, sur lequel les membres de la majorité seuls ont été appelés à s'expliquer et on prononcerait la clôture ! Je demande que la discussion continue.
M. de Borchgrave. - Laissons s'expliquer M. Bara.
M. le président. - Si on ne persiste pas dans la demande de clôture, je donne la parole à M. Thonissen inscrit avant M. Bara.
M. Thonissen. - Messieurs, on a longuement discuté sur toutes les questions militaires, sur le remplacement, sur le recrutement, sur les vices que renferme l'organisation de l'armée, sur les fortifications d'Anvers, mais on n'a encore rien dit pour justifier l'amendement présenté par l'honorable M. Brasseur.
D'après moi, on s'est placé jusqu'ici à côté de la question. L'honorable ministre de la guerre demande un crédit de 3,250,000 francs pour couvrir des dépenses résultant de l'accroissement imprévu du prix des fourrages et du pain ; il réclame donc une chose indispensable. (Interruption.)
L'honorable M. Brasseur objecte au ministre qu'on pourrait réduire le crédit d'une somme de 500,000 francs, en envoyant des miliciens en congé ; mais l'honorable député de Philippeville aurait dû prouver qu'il y a moyen d'accorder ces congés sans désorganiser le service. Or, c'est ce qu'il a oublié de la manière la plus complète.
L'honorable ministre lui répond : « Il m'est impossible de renvoyer des artilleurs, puisque l'artillerie est déjà réduite à sa plus simple expression ; il m'est impossible, d'autre part, de renvoyer des cavaliers, puisque les hommes présents suffisent à peine pour soigner les chevaux indispensables. »
Qu'est-ce que l'honorable M. Brasseur répond à cette argumentation î Rien, absolument rien ! Quant à l'infanterie, nous savons tous qu'elle a été réduite dans une proportion incroyable. (Interruption.)
Oui, messieurs, il n'y a que deux classes de milice sous les armes, et les compagnies se composent de vingt à vingt-cinq hommes! Comment voulez-vous faire le service de garnison avec des compagnies réduites à ce chiffre ?
Pour moi, j'approuve hautement l'attitude digne et énergique de M. le ministre de la guerre. Il déclare à la Chambre qu'il lui est impossible de consentir à la réduction que l'on demande ; il engage, pour ainsi dire, dans cette déclaration, son honneur militaire et sa dignité personnelle.. Si, malgré ces déclarations formelles, nous persistions à soutenir que les réductions sont possibles, il aurait le droit de se sentir atteint dans sa dignité.
Je te répète, je l'approuve d'avoir posé la question de confiance ; et si l'honorable M. Brasseur veut qu'on vote son amendement, il doit prouver, lui, contrairement aux déclarations de M. le ministre de la guerre, c'est-à-dire d'un homme compétent, honorable et responsable, il doit prouver, dis-je, que les réductions qu'il demande sont possibles, De simples allégations ne suffisent pas pour faire voter un amendement de cette importance.
M. Bara. - L'honorable ministre de la guerre vous a dit qu'il m pouvait pas accepter l'amendement de M. Brasseur et qu'il faisait du vote sur cet amendement une question de confiance.
C'est, en deux jours, la deuxième question de confiance que nous allons devoir subir. .
Cette déclaration place les membres de la gauche dans une situation très difficile. Plusieurs d'entre eux étaient disposés à voter la loi. Mais quel est le rôle que prennent quelques membres de la droite, députés de certains arrondissements où l'on n'est pas partisan des dépenses militaires ? Ils viennent faire des discours contre le projet, bien persuadés qu'il ne peut en arriver aucun mal au cabinet.
Le cabinet lui-même, du moins par quelques-uns de ses membres, a fait croire au public qu'il allait diminuer les charges militaires ; maintenant il nous demande des crédits considérables et vous voulez que, dans ces conditions, nous lui donnions un vote de confiance ! Cela nous est impossible. S'il s'agissait d'un vote de confiance dans la personne de M. le général Guillaume, je ne me refuserais nullement à le lui donner ; je n'ai absolument rien contre l'honorable ministre de la guerre.
Mais du moment que l'on veut me faire donner un vote de confiance au ministre de la guerre comme membre du cabinet et pour m'associer à la conduite politique du cabinet en matière de dépenses militaires, alors je ne puis pas voter, car je ne ferais plus les affaires du pays, mais celles du parti qui a pris le pouvoir.
Nous ne sommes pas ici, que je sache, pour faire les affaires de la majorité ; nous ne sommes pas ici pour jouer le rôle du parti qui soutient le ministère. C'est aux membres de ce parti à défendre le cabinet qui les représente au pouvoir ; c'est à eux de savoir s'ils ont à préférer la satisfaction de leurs convictions au maintien du ministre.
Dans cette position-là, il me sera impossible de voter contre l'amendement proposé.
M. Rogier. - Je ne demandais pas mieux que de voter le crédit, et quand j'ai entendu M. le ministre de la guerre faire de la proposition de réduction une question de portefeuille lui-même, j'avoue que j'ai été péniblement impressionné, moi qui ai confiance dans M. le ministre de la guerre. Ce n'est pas la première fois que je lui fais cette déclaration ; il sait qu'elle est aussi loyale que spontanée.
(page 1714) On comprend que, dans des circonstances données, un cabinet fortement attaqué pose la question de cabinet. Cela est parfaitement régulier et parlementaire. Mais si, sur des questions purement administratives, comme un crédit supplémentaire, on pose la question de confiance, on gêne la liberté même des membres de l'opposition qui sont disposés à voter le crédit lui-même.
J'engage donc l'honorable ministre de la guerre à vouloir bien adoucir sa première déclaration, qui a pu lui échapper dans la chaleur de l'improvisation. Je l'engage à retirer cette formule menaçante qui nous met dans une position difficile ; sinon je devrais au moins m'abstenir et je le regretterais parce que je se suis pas un adversaire des dépenses militaires quand elles sont justifiées.
J'engage donc l'honorable ministre à ne point se refuser à accueillir l'invitation qui lui est faite par un membre de l'opposition.
M. Brasseur, rapporteur. - Je demande la parole. (Interruption.)
M. le président. - La Chambre consent-elle à entendre encore M. Brasseur ? (Interruption.)
M. Brasseur, rapporteur. - Je me borne à déclarer que je retire l'amendement que j'ai proposé. (Interruption.) Libre à vous, messieurs de la gauche, de le reprendre.; mais je ne veux pas faire d'une pareille question une question de portefeuille : telle n'a pas été mon intention.
Par conséquent, le but étant dépassé, je puis, sans faiblesse aucune, retirer mon amendement.
M. Hayez. - Je déclare reprendre l'amendement de M. Brasseur.
M. Van Humbeeck. - M. le ministre de la guerre, n'a pas répondu à la demande d'explication faite par l'honorable M. Bara. Maintient-il sa déclaration ? Le vote sera-t-il un acte de confiance ?
La position est embarrassante pour les membres de la gauche disposés à accepter la dépense proposée, si on la considère seulement en elle-même ; après les honorables MM. Bara et Rogier, je me crois encore tenu d’insister sur ce point.
S’il s'agissait d’un vote de sympathie pour l'armée, nous ne ferions pas difficulté de nous y associer ; s'il s'agissait d'un vote de bienveillance pour le général Guillaume, contre lequel nous n'avons pas d'antipathie et à qui nous ne montrons comme administrateur aucune défiance, un vote affirmatif serait aussi possible de notre part.
Mais là question n'est pas du tout celle-là. Il est de notoriété que le général Guillaume est entré dans le cabinet en faisant au ministère ses conditions, et après avoir vu ses collègues les accepter.
Dès lors, les mesures militaires proposées au parlement ne sont pas l'œuvre exclusive de M. le ministre de la guerre, mais du cabinet tout entier qui s'est engagé à s'y associer.
Et chose étrange ! dans cette situation-là, le cabinet demande un vote de confiance à propos de dépenses militaires calculées sur le maintien des contingents et des effectifs que trois de ses membres critiquaient dans l'opposition, c'est-à-dire qu'ils nous demandent, sous forme d'un vote de confiance, l'approbation de ce qu'on a appelé leur palinodie.
Dans ces circonstances-là, je le répète encore, une déclaration comme celle qui a été faite met l'opposition dans un véritable embarras. Il faut absolument une explication sur la question posée par les honorables MM. Bara et Rogier; il faut éclaircir celte situation, sinon, l'opposition n'aura d'autre parti à prendre que de s'abstenir, car si l'incident prend des proportions plus graves, nous pourrons même devoir aller jusqu'à un vote négatif.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Messieurs, on veut exiger de moi une réduction de dépenses à laquelle il m’est absolument impossible de consentir ; si donc, après les explications que j'ai données, la Chambre m'impose cette réduction que je déclare formellement ne pas pouvoir accepter, je ne pourrai donner à son vote qu'une signification : c'est que je n'ai pas la confiance de la Chambre.
M. Bara. - Messieurs, en présence de la déclaration que vient de faire M. le ministre de la guerre et que je comprends, je demande si l'un de ses collègues ne nous expliquera pas la différence qu'il peut y avoir entre l'attitude de M. le ministre de la guerre et celle que prennent les autres membres du cabinet.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - M. le général Guillaume s'est expliqué avec une entière franchise ; il vous a prouvé, me paraît-il, d'une manière péremptoire que le crédit qu'il a demandé et que le cabinet a demandé avec lui est nécessaire pour satisfaire aux besoins de l'armée. Mais nous n'avons pas fait du vote de ce crédit une question de cabinet. Que vous a dit M. le ministre de la guerre ? II vous a dit : « Je ne puis pas consentir à la réduction proposée ; je crois la somme
demandée absolument nécessaire. Si, malgré mes explications, la Chambre votait cette réduction, cela signifierait, à mes yeux, que la Chambre n'a pas confiance dans mes paroles. »
Ce n'est pas là poser la question de cabinet ; ce n'est pas là au moins soulever une question politique ; c'est une simple question d'appréciation des besoins actuels de l'armée.
En effet, M. le ministre de la guerre a cherché à vous démontrer que sans le vote de ce crédit le service pourrait souffrir, et il a ajouté qu'il ne voulait pas assumer cette responsabilité.
Mais s'agit-il là d'une question politique pouvant provoquer un vote politique ?
Evidemment non, et je vous avoue ne pas concevoir comment les membres de l'opposition, qui trouvent que le crédit demandé est suffisamment justifié, qui trouvent qu'ils n'ont aucun motif de le repousser, comment ces membres viennent dire qu'ils voteront contre ce crédit à raison des paroles prononcées par M. le ministre de la guerre.
Cette manière d'agir de l'opposition ne me semble vraiment pas sérieuse.
M. Orts. - C'est ce qui s’appelle jeter proprement son collègue à la mer.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Pas du tout.
M. Bara. - Je ne sais pas si M. le ministre des affaires étrangères veut nous donner une nouvelle définition de la question de confiance. Mais je voudrais savoir comment M. le ministre de la guerre aurait pu poser la question de confiance politique autrement qu'il ne l'a posée. M. le ministre des affaires étrangères nous dit : Il ne s'agit pas de question politique. Sans doute, il ne s'agit pas de question cléricale, je le veux bien ; mais il s'agit d'une question politique. Le budget dé la guerre n a-t-il pas été longtemps un thème politique pour l'opposition ? N'a-t-elle pas été un thème politique pour plusieurs membres du cabinet ici et devant le corps électoral ?
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Le budget de la guerre n'est pas en cause.
M. Bara. - Mais il s'agit des dépenses militaires ; il s'agit des dépenses de l'armée. Et l'honorable M. Coomans lui-même, qui a parlé longtemps tout à l'heure, n'est-il pas venu dire qu'il voterait l'amendement pour obéir à ses convictions antimilitaristes, et l'honorable M. Hayez, quand il reprend l'amendement de M. Brasseur, n'est-ce pas au point de vue de ses convictions militaires et politiques ?
M. Hayez. - Pas politiques.
M. Bara. - Oh ! je le sais, vous voulez cumuler les profits de votre opposition antimilitaire et ceux de partisan du maintien du cabinet. Cela n’est pas possible. (Interruption.)
M. le ministre de la guerre nous à dit : Je ne puis pas me passer de cette somme ; et voyant que cet argument d'administrateur ne suffit pas auprès de certains membres... (Interruption.) Je ne dis pas que les arguments de l'honorable ministre étaient faibles, je dis que, voyant que certains membres de la majorité n'étaient pas convaincus, M. le ministre de la guerre a dit : J'en fais une question de cabinet. Il a invoqué la confiance qu'on devait avoir en lui et il a fait entendre qu'il faisait du vote une question ministérielle. C'est ce que j'appelle engager la question de confiance. Si cette question lui est personnelle, que le reste du cabinet nous dise que M. le ministre de la guerre occupe une position spéciale, qu'ils ne font pas du vote qui va avoir lieu une question de cabinet, qu'ils ne s'associent pas à la déclaration de M. le ministre de la guerre, qu'il souffrirait dans sa dignité, dans ses principes, dans ses convictions, si l'amendement était adopté.
Vous avez MM. les ministres, discuté et adopté ensemble un programme, vous devez le défendre devant la Chambre. L'honorable général Guillaume a déclaré qu'il entendait suivre, pour l'armée, tel système déterminé et vous vous êtes associés à lui.
Vous ne pouvez aujourd'hui le séparer des autres ministres. Je comprends que s'il s'agissait d'un ordre militaire donné par l'honorable général Guillaume, il fût seul responsable. Mais il s'agit ici d'un projet de loi signé par M. le ministre de la guerre, signé par M. le ministre des finances.
M. Orts. - Qui ne dit rien.
M. Bara. - Qui ne dit rien, comme le fait remarquer mon honorable ami, M. Orts. Et l'on viendra nous dire que la question de confiance n'est engagée que pour M. le ministre de la guerre tout seul. Je ne puis admettre cette distinction et cette subtilité.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Ce n'est pas une subtilité du tout.
(page 1715) M. Bara. - Vous ne pouvez séparer M. le ministre de la guerre du
cabinet et prétendre que, parce que nous aurions pour lui des sympathies, nous devrions approuver le rôle que joue le ministère en ce qui concerne la question politique des dépenses militaires.
La sympathie personnelle que nous pouvons avoir pour M. le ministre de la guerre n'a rien à faire ici.
Nous avons devant nous un cabinet que nous combattons, et nous ne pouvons pas l'aider lorsqu'il fait de la politique.
Dans cette situation, je voterai l'amendement s'il est présenté et je voterai contre le projet de loi.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - S'il y a ici une question politique, elle a été introduite par M. Bara ; elle n'existait pas, elle ne pouvait pas exister. «
De quoi s'agit-il, en effet ? Il s'agit de pourvoir aux conséquences qui résultent de la cherté des vivres ; il s'agit aussi de donner à nos soldats un pain meilleur que celui dont, jusqu'à ce moment, ils ont eu à se nourrir. C'est en cet état de choses, c'est en présence de cette situation que l'on vient contester je crédit demandé par M. le ministre de la guerre...
- Un membre. - C'est à droite qu'on le conteste, ce n'est pas à gauche.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - C'est M. Bara qui dit qu'il y a là une question politique. Eh bien, messieurs, nous repoussons cette assertion ; la question est simplement administrative et n'a absolument rien de politique. (Interruption.) M. Bara introduit ici une question politique, et c'est contre cela que nous avons besoin de protester... (Interruption.)
Le projet de loi a, avant tout, un caractère d'utilité, de nécessité. C'est notre œuvre commune, et, en vous en demandant l'adoption, nous nous unissons à notre honorable collègue, M. le ministre de la guerre.
M. Van Humbeeck. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire que la question politique n'existe pas dans le projet ; il n'avait pas besoin de nous l'apprendre, cela est trop évident ; mais la question politique est née d'une déclaration partie du banc ministériel. Nous avons demandé que celte déclaration fût retirée, afin de n'être pas forcés de voter contre le crédit.
Au lieu de cela, que fait M. le ministre de l'intérieur ? Loin de faire une concession en ce sens, il vient déclarer que, dans cette question, tous les ministres se rendent solidaires de M. le ministre de la guerre ; c'est dire que la question de confiance ne se restreint pas à un membre du cabinet, mais qu'elle s'étend au cabinet tout entier.
Dans cette discussion, nous entendons véritablement des choses extraordinaires.
Ainsi, M. le ministre des affaires étrangères, dont cependant l'expérience parlementaire est grande, a tout à l'heure trouvé très étonnant que des membres de l'opposition vinssent annoncer l'intention de ne pas voter le crédit, bien qu'à leurs yeux la dépense fût justifiée en elle-même et n'eût considérée ainsi qu'un caractère purement administratif.
Mais n'arrive-t-il pas tous les jours dans la vie parlementaire qu'une question politique soit posée de celte manière ? Ne voit-on pas une opposition rejeter un budget dont elle n'aurait pu cependant, au fond, critiquer aucun article ? Et pourquoi ? Parce que le vote de ce budget, si légitimes qu'en fussent toutes les allocations, prenait le caractère d'un vote de confiance donné à un gouvernement que l'opposition n'entendait pas soutenir.
Messieurs, cela est dans le droit des oppositions comme cela est dans les choses usuelles de la vie parlementaire. Tout ce qu'on peut demander en pareil cas à une opposition, c'est de dire pourquoi elle repousse un budget tout en ne critiquant pas, au fond, les dépenses qu'il comprend.
Toutes les oppositions n'ont pas même toujours suivi cette règle. Nous en avons connu qui s'affranchissaient de ce devoir. Ah! M. le ministre des affaires étrangères, il n'y a pas longtemps que siégeait au Sénat une opposition dont vous étiez le chef ; un jour, cette opposition avait à voter le budget de la justice, budget qui n'est presque en entier que l'exécution de lois organiques, échappant par conséquent à toute discussion sérieuse. L'opposition, dont je parle, rejeta cependant ce budget, le repoussa sans une critique ni une explication, le repoussa silencieusement. Lorsqu'on a dans son passé parlementaire de tels souvenirs, on ne devrait pas avoir de critiques aussi vives contre une opposition qui n'agit ici que loyalement et dans les limites de son droit.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Messieurs, l'honorable M. Van Humbeeck vient de rappeler un fait qui s'est passé au Sénat. Il a rappelé le rejet du budget de la justice.
Ce fait, excessivement simple, a {été expliqué, à différentes reprises, au Sénat.
Je ne pense pas que la Chambre désire qu'une nouvelle discussion soit ouverte à ce sujet, et que nous fassions connaître, une fois de plus, les motifs qui ont engagé les membres de l'opposition de cette époque au Sénat à voter le rejet du budget de la justice.
Je me bornerai donc à répondre quelques mots à l'honorable M. Van Humbeeck, relativement à ce qu'il vient de dire à propos de la seule question qui doit nous occuper.
Le ministère tout entier, par l'organe de nos honorables collègues les ministres de la guerre et des finances, a présenté la demande de crédit soumise à la Chambre.
Ce crédit a été attaqué par des membres de la majorité non pas, cela va sans dire, pour des raisons politiques, mais ce crédit a été attaqué uniquement parce que ces membres ne le considèrent pas comme intégralement nécessaire.
L'honorable ministre de la guerre a déclaré alors, comme je vous l'ai fait remarquer dans mon premier discours, qu'il regardait ce crédit comme indispensable pour les besoins du service et il a ajouté, par voie de conséquence, que si on refusait les moyens de maintenir l'armée dans l'état où, d'après lui, elle doit être, il y verrait la preuve qu'on n'a pas confiance dans ses assertions. Ce manque de confiance ne pouvait donc avoir aucun caractère politique, et ne pouvait se rapporter qu'à une question purement administrative.
Comment cette observation si simple et si naturelle pourrait-elle déterminer les membres de l'opposition à voter contre un crédit, qu'avec nous, ils trouvent utile et parfaitement justifié.
Si le ministère vous disait qu'il vous demande ce vote comme une preuve de confiance, je concevrais votre opposition Mais le ministère déclare, au contraire, de la manière la plus formelle, qu'il n'attribuera à votre vote aucune signification approbative pour la politique du cabinet. Ce n'est donc en aucune façon un vote de confiance pour le ministère que nous vous demandons.
Cette déclaration est franche et catégorique, elle est de nature à dissiper tout doute, toute incertitude sur le caractère du vote que la Chambre est appelée à émettre.
Messieurs, les institutions de la Hollande et les nôtres sont identiques.
La position où se trouve le parlement belge s'est présentée deux fois en peu d'années dans le parlement hollandais.
Ainsi que cela se présente ici, l'opposition a voulu associer les ministres civils malgré eux au ministre de la guerre dans la question de son budget, mais le ministère et sa majorité n'ont pas donné dans le piège ; le ministre de la guerre ayant vu rejeter son budget, s'est retiré, il a été remplacé par un autre apportant un budget modifié qui a été adopté.
Voilà des précédents à consulter.
M. De Lehaye. Messieurs, permettez-moi de vous citer un antécédent qui a une très grande analogie avec ce qui vient de se présenter.
Je me rappelle que le général De Liem a, dans le temps, fait une demande de crédit à la Chambre. Il y avait une très vive opposition et l'on demanda quelle serait la position du ministre de la guerre.
Le ministre fit la même déclaration que vient de faire le général Guillaume. Il fit connaître que pour lui la somme était absolument nécessaire et qu'il envisagerait comme un manque de confiance le rejet de sa demande.
Aujourd'hui que se passe-t-il ? M. le général Guillaume fait une déclaration pareille ; il vous dit que, dans sa pensée, si le crédit qu'il sollicite de la Chambre ne lui est pas alloué intégralement, il se trouvera dans l'impossibilité de continuer à administrer son département.
Quelques membres de la droite attaquent une disposition du projet de crédit et déclarent qu'ils ne peuvent pas lui donner leur assentiment. Que fait immédiatement la gauche ? Elle profite de la circonstance et déclare qu'elle fera du vote de cette disposition une question de confiance.
Mais, messieurs, rappelez-vous bien ceci.
A une autre époque, le général De Liem avait cru ne pas pouvoir céder ; ses collègues du ministère avaient déclaré qu'ils ne posaient pas la question de cabinet ; le général De Liem persista néanmoins et se retira seul.
Eh bien, la situation est la même aujourd'hui ; si vous refusez le vote du crédit qui vous est demandé, c'est précisément le seul homme du cabinet en qui vous avez déclaré avoir confiance que vous allez forcer à la retraite.
Cela ne serait pas logique.
Vous nous avez souvent reproché d'être toujours unanimes quand il s’agissait de soutenir le cabinet, et il suffit que parmi nous il y ait quelques (page 1716) dissidents sur une question pour qu'immédiatement vous vous joigniez à eux en posant la question de confiance contre le ministère. Cela est-il sérieux ? Je ne le pense pas.
Pour moi, puisque la gauche fait de l'amendement proposé une question de confiance, j'engage mes honorables collègues à ne pas donner leur adhésion à cet amendement ou à ne pas voter. (Interruption.)
Quant à moi, si j'avais eu l'intention de voter la réduction de 500,000 francs, en présence de l'attitude de la gauche, je m'abstiendrais pour ne pas prêter la main a ce que je considère comme une tactique. Mais je déclare de nouveau qu'il n'y a pas de question de cabinet, qu'il n'y a qu'une simple question de confiance personnelle en M. le ministre de la guerre. (Interruption.)
Comment ! M. le ministre de la guerre vient vous déclarer sur son honneur qu'il croit la somme qu'il demande indispensable. (Interruption de M. Bara.) M. Bara, qu'ont fait ceux qui étaient ici avant vous ? La position du général De Liem était exactement la même que celle du général Guillaume ; eh bien, le général De Liem s'est retiré, au grand regret de ceux qui combattaient le ministère alors. Si vous avez confiance en M. le ministre de la guerre, pourquoi provoquez-vous sa démission ?
J'engage donc mes collègues de la droite à donner leur adhésion au projet ou à s'abstenir.
M. Guillery. - La déclaration de M. le ministre des affaires étrangères me paraît impliquer nécessairement l'adoption de l'amendement. Je me demande si les collègues de M. le ministre de la guerre ne sont pas assez convaincus de la nécessité de cette dépense pour accepter la solidarité des actes de M. le ministre de la guerre. On ne doit pas demander à la Chambre plus de confiance dans cette occasion que les membres du cabinet n'en ont eux-mêmes.
Il devait nécessairement se présenter une occasion dans cette Chambre, où un cabinet formé d'éléments hétérogènes aurait à supporter les conséquences de sa constitution. L'année des élections, vous étiez antimilitaristes et progressifs.
L'honorable baron d'Anethan en profite pour constituer un ministère catholique. Je ne m'y attendais guère ; j'avoue que je me croyais dans le camp des vainqueurs. Je ne m'attendais certes pas à être l'un des ministres futurs ; mais je me croyais parmi les vainqueurs et voici que ce sont mes adversaires politiques qui prennent le pouvoir.
Heureusement on me dit : Mais ce sont des progressistes qui arrivent au pouvoir : il y a le ministre de la justice, il y a le ministre des finances qui a présenté avec vous plusieurs amendements ; vous les avez présentés et défendus ensemble.
Ce sont donc vos idées en beaucoup de matières qui arrivent au ministère ; soyez donc content.
J'ai été content pendant quelque temps. (Interruption.) Mais bientôt nous est arrivée la nouvelle que M. le ministre de la guerre avait un système à lui et qu'il prétendait faire de son administration une administration indépendante de celle de ses collègues.
Je n'étais pas encore complètement désillusionné parce que, sachant que M. le ministre des finances tient les cordons de la bourse, je me disais : M. le ministre de la guerre trouvera à qui parler et quand il proposera des dépenses militaires, il trouvera devant lui un homme énergique, convaincu, qui saura faire prévaloir sa volonté.
Mais voilà qu'aujourd'hui la question se présente sous son aspect le plus favorable : il s'agit de la réforme la plus innocente du monde ; on ne compromet rien ; tout se borne au renvoi de quelques miliciens pendant deux ou trois mois.
L'Europe ne sera certainement pas compromise d'ici à quelques mois ; il n'y a ni danger intérieur ni danger extérieur à redouter. La section centrale, composée d'hommes politiques paraissant favorables à la réforme, l'a votée.
Et voici qu'ù propos de celte réforme, on pose une question ministérielle personnelle à M. le ministre de la guerre. Et quand on interroge les membres du cabinet, ils disent : Mais M. le ministre de la guerre a eu tort d'en faire une question de portefeuille ; c'est son affaire; quant à nous, nous n'entendons pas du tout accepter la solidarité de cette déclaration.
Eh bien, si le gouvernement n'est pas assez convaincu de la nécessité du crédit demandé pour se regarder comme solidaire, comment donc la majorité pourrait-elle répondre à l'invitation de M. De Lehaye ? Les membres de la majorité ne voudront évidemment pas être plus ministériels que les ministres eux-mêmes. Ils voteront avec une entière indépendance, se souvenant de la déclaration que faisait dernièrement M. le ministre de la justice que le ministère n'entendait exercer aucune pression sur la majorité, s'agît-il même de faire disparaître de nos codes certaines dispositions barbares qui s'y trouvent encore.
Pour moi, messieurs, je voterai la réduction de 500,000 francs.
M. Dumortier. - Ce qui se passe aujourd'hui est le renouvellement de ce qui s'est passé hier : on veut faire naître une question de cabinet avant la fin de la session. (Interruption.)
M. Rogier. - C'est le ministère qui l'a provoquée.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Vous exagérez.
M. Dumortier. - Comme le dit M. le ministre des affaires étrangères, c'est en exagérant la portée des paroles de mon honorable confrère et ami, M. le général Guillaume, qu'on arrive à en faire sortir une question de cabinet. (Interruption.)
Vous créez une question de cabinet parce que vous en. avez besoin dans l'intérêt de votre politique.
Le langage de l'honorable général a été digne autant que rationnel : il a justifié les dépenses pour lesquelles des crédits sont demandés, à ce point que plusieurs membres de la gauche ont déclaré être prêts à rejeter l'amendement proposé.
Voilà votre déclaration ; et après cette déclaration, vous cherchez à faire naître une question de cabinet, pour pouvoir dire : « J'ai voté contre. »
Eh bien, c'est là de la palinodie; je dis qu'il n'est pas digne d'une minorité de faire de la palinodie en pareille matière. J'adjure mes honorables amis de la droite qui voulaient voter pour la réduction proposée ; je les adjure de s'abstenir ou mieux encore de voter contre. La question de cabinet est posée par nos adversaires ; nous devons être d'accord sur ces bancs pour déjouer leur tactique.
M. Cornesse, ministre de la justice. - Messieurs, j'ai demandé la parole uniquement pour signaler la contradiction qui existe entre le langage que tenait hier l'honorable M. Orts sur la demande d'enquête parlementaire et l'attitude que prend aujourd'hui la gauche.
Hier, en développant sa proposition d'enquête, ou plutôt en répondant à M, Dumortier, l'honorable M. Orts disait que cette proposition était faite en dehors de toute préoccupation d'esprit de parti ; que la gauche n'avait nulle envie de poser une question de cabinet, de provoquer une crise ministérielle.
Nous n'aurions pas un grain de bon sens, ajoutait-il, s'il avait pu entrer dans notre tête, vu l'état numérique de la droite et de la gauche, de chercher à provoquer cette crise.
Aujourd'hui, au contraire, que voyons-nous ? Nous voyons la gauche s'emparer des paroles sorties de la bouche de M. le ministre de la guerre, ne tenir aucun compte des déclarations faites par d'autres membres du ministère, et vouloir faire une question de cabinet, malgré nous. Il y a une contradiction évidente, choquante entre le langage d'hier et l'attitude d'aujourd'hui. Je la signale à l'attention de la Chambre et du pays ; tout le monde se dira que la conduite de la gauche n'est que pure tactique, stratégie parlementaire ; et en présence de cette manœuvre, la majorité comprendra qu'elle ne doit pas être dupe de l'habileté de nos adversaires.
M. Gerrits. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. De Lehaye inviter ses amis à voter contre la réduction proposée ou du moins à s'abstenir.
Pour ma part, je ne puis accéder à cette demande. Je ne le puis, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une question personnelle, mais d'une question de principe...
- Un membre. - On en fait une question de cabinet.
M. Gerrits. - L'honorable M. d'Anethan a déclaré de la manière la plus formelle que le ministère n'en faisait pas une question de cabinet. Je ne reconnais pas à nos adversaires le droit de poser des questions de cabinet quand il leur plaît. Ce droit appartient aux ministres seuls et ils ne peuvent en user que collectivement.
Il est vrai que M. le ministre de la guerre a déclaré qu'un vote négatif lui serait personnellement et particulièrement désagréable. Quoique je regrette de devoir désobliger M. le lieutenant général Guillaume, je ne puis, par considération personnelle, renier mes convictions.
Je suis convaincu qu'il est possible de donner satisfaction aux réclamations des membres qui demandent une économie de 500,000 francs. La possibilité de la réduction m'a été démontrée de la manière la plus évidente par mon honorable collègue, le colonel Hayez. Il vous a dit que, dans d'autres circonstances, l'effectif des compagnies a été réduit jusqu'à sept hommes, et aujourd'hui on nous a avoué qu'il y en a encore vingt-cinq. Pourquoi ne pourrait-on renvoyer dans leurs foyers les miliciens dont le travail à la campagne ou dans les ateliers serait si utile ?
(page 1717) Je disais tout à l'heure que pour moi il s'agit d'une question de principes. En effet, j'attache à mon vote une signification plus grande que celle d'une simple économie de 500,000 francs.
Vous savez tous que, depuis quelque temps, on s'est beaucoup occupé dans le pays, dans les journaux et dans les commissions, d'une aggravation considérable des charges militaires.
Je saisis la première occasion, - celle qui se présente aujourd'hui, - pour protester publiquement contre ces tendances.
Voilà la signification que je donne à mon vote et cette portée est assez grande pour qu'à aucun prix je ne consentirais à voter le crédit sollicité ou à m'abstenir.
M. Delaet. - Messieurs, une partie des explications que je comptais donner ont été fournies par mon honorable ami, M. Gerrits. Mais il est un point sur lequel je désire appeler l'attention de la Chambre et du gouvernement. J'approuve fort l'intention du gouvernement de ne pas poser la question de cabinet que la gauche veut lui faire poser. Je le loue sans réserve de la virile attitude qu'il a prise.
En effet, quelle est la situation ? Il y a une demande de crédit soumise à la Chambre et contre laquelle certains membres croient devoir voter. M. le ministre de la guerre déclare qu'il ne veut pas de réduction et il pose la question non pas de cabinet, mais de portefeuille. Mais, messieurs, cet honorable ministre entraîne-t-il nécessairement et inévitablement le cabinet à sa suite ?
Dans l'affirmative, il n'y aurait plus de ministère possible ; la susceptibilité personnelle d'un ministre pourrait à chaque jour, à chaque heure, amener le renversement du cabinet. Je ne crois donc pas, messieurs, qu'il puisse dépendre d'un ministre de poser la question de cabinet sans avoir consulté ses collègues. Il peut poser la question de portefeuille, rien de plus.
Je déclare donc que ma confiance dans le cabinet est entière, mais j'ajoute que, quand même la question de cabinet serait posée sur la question militaire, je ne me mettrais pas en contradiction avec mes principes.
M. Orts. - L'honorable ministre de la justice a accusé la gauche d'inconséquence ou tout au moins il m'a accusé d'inconséquence à raison des paroles que j'ai prononcées hier, et de l'attitude de la gauche à laquelle je m'associe aujourd'hui.
Sans doute, messieurs, j'ai dit hier que dans l'état actuel de la constitution de la Chambre, en présence de la supériorité numérique de la droite et de l'infériorité numérique de la gauche, ce ne serait point une chose raisonnable de poser la question de cabinet ; mais cette question de cabinet que je déclarais hier ne pas pouvoir et ne pas vouloir poser parce que, selon moi, elle serait stérile, immédiatement le ministère l'a posée.
En effet M. le ministre des travaux publics nous disait : La proposition d'enquête n'est qu'une question de confiance. Il ne disait pas même de confiance personnelle. Et ses collègues ne se détachaient pas le moins du monde de lui, et les adjurations de M. Dumortier à la majorité l'ont invitée, en repoussant ma proposition, à donner une marque de confiance solidaire et générale au cabinet. Si donc il y a inconséquence, ce n'est pas de ma part ; c'est dans l'attitude qu'on prend au banc ministériel qu'il faut la trouver.
Nous n'avons pas davantage provoqué aujourd'hui la question de cabinet.
Qu'avons-nous fait ? Devant la situation créée par la déclaration nette, loyale, franche, digne du ministre de la guerre que si le crédit qu'il sollicite de la Chambre n'est pas adopté, le respect de son honneur de soldat, le soin de sa dignité personnelle, le sentiment de sa responsabilité vis-à-vis du pays ne lui permettent plus de rester à la tête du département de la guerre. Devant cette déclaration avons-nous demandé au cabinet de s'y associer ? Avons-nous provoqué les ministres civils à poser une question de cabinet ? Non, ce n'est pas une question de cabinet, mais une question de franchise que nous avons posée en demandant une solution. Nous n'avons pas voulu émettre un vote sur la déclaration de M. le ministre, sans savoir si ses collègues civils, dans cette circonstance, se séparaient de lui ou s'associaient à sa déclaration.
Nous n'avons pas demandé à ces messieurs de choisir la solidarité avec M. le ministre de la guerre plus tôt que la séparation de leur politique civile d'avec la politique militaire. Nous avons demandé simplement quelle était leur préférence, ce qu'ils choisissaient, et c'était notre droit d'opposition. Maintenant qu'a répondu le cabinet à cette demande d'explication? Il a répondu de façon à augmenter le doute et à prolonger l'obscurité dans laquelle se trouvait plongée la question.
L'honorable M. d'Anethan nous a dit et il en avait parfaitement le droit constitutionnel ; « Pour nous ce n'est pas une question de solidarité, M. le ministre de la guerre croit que si on réduit le crédit qu'il sollicite il ne peut plus conserver son portefeuille ; c'est là une appréciation qui lui est toute personnelle et s'il en est battu, il s'en ira tout seul. » C'est ce qui m'a amené à interrompre et à dire : C'est ce qui s'appelle jeter proprement son collègue à la mer.
Après l'honorable M. d'Anethan arrive M. le ministre de l'intérieur qui dans une péroraison très chaleureuse, malheureusement ressemblant assez peu à l'exorde. dans une péroraison faite sans doute sous l'empire des emportements de l'improvisation, a soutenu la solidarité niée par M. le ministre des affaires étrangères.
Selon M. le ministre de l'intérieur, tout le cabinet est avec M. le ministre de la guerre ; d'après M. le ministre des affaires étrangères, M. le ministre de la guerre est tout seul et ses cinq collègues forment bande à part.
Vient maintenant M. le ministre de la justice ; pour lui, non seulement h M. le ministre de la guerre est tout seul, mais qu'il a posé la question de portefeuille sans avoir même consulté ses collègues, contrairement à l'intention de ses collègues, malgré eux.
M. le général Guillaume, ministre de la guerre. - Ma déclaration résulte de l'incident qui s'est produit pendant la séance ; avant cela, il n'en avait pas été question avec mes collègues du cabinet.
M. Orts. - Je suis très enchanté de l'interruption que vient de faire l'honorable ministre de la guerre. Cela amènera peut-être M. le ministre des finances à s'expliquer à son tour.
Maintenant je persiste à le demander ; est-ce M. le ministre des affaires étrangères qui a raison ; est-ce M. le ministre de l'intérieur, ou bien encore, le cabinet a-t-il été pris à l'improviste et si c'est malgré lui, comme l'a dit M. le ministre de la justice, que M. le ministre de la guerre a annoncé son intention de se retirer si le vote que la Chambre doit émettre n'est pas favorable au crédit qu'il sollicite. Devant ces trois versions, je demande la version officielle. La question est assez importante, me semble-t-il, pour que nous obtenions une réponse nette et catégorique, pour que nous sachions quel choix il faut faire entre trois solutions émanées de trois membres du cabinet.
Ce n'est pas une petite chose, en effet, que le dissentiment qui s'établirait entre M. le ministre de la guerre et ses collègues les ministres civils, sur la question qui vous est soumise et je n'en veux pour preuve que la déclaration très nette et très franche des honorables députés d'Anvers que vous venez d'entendre.
Il est évident que de la solution à donner à ce débat va sortir ceci : un divorce entre la politique militaire des ministres civils et la politique du général Guillaume, telle que cette politique a été définie dans le programme du cabinet, lorsqu'il s'est fondé. M. le ministre de la guerre a dit alors, qu'il avait en matière militaire une politique conservatrice, qu'il voulait le maintien de ce qui est ; pas des dépenses nouvelles, mais le maintien complet de ce qui existe.
Les ministres civils se sont néanmoins associés à l'honorable général Guillaume. Cependant le voisinage d'un ministre conservateur militaire devait singulièrement gêner les membres antimilitaristes du cabinet, surtout en présence de certaines promesses imprudentes faites avant qu'ils fussent membres du cabinet. Je désire savoir aujourd'hui si l'accord existe encore.
Pour moi, c'est une question de la plus haute importance. Je suis un conservateur militaire comme M. le ministre de la guerre, et si son influence était prépondérante dans le ministère, comme il s'agit d'un intérêt particulièrement grave, je serais tenté de modérer mon opposition au cabinet ; mais du moment que le cabinet persiste à se porter du côté où, selon moi, est le danger au point de vue de la défense nationale, du moment que le cabinet se prive de la dernière garantie qu'il me présentait sur cette question spéciale en lâchant [(je ne puis trouver d'autre mot, la Chambre me le permettra) le collègue qu'ils avaient eu soin de s'associer au début, je suis dans une situation complètement imprévue qui demande des éclaircissements. Nous avons donc raison de solliciter des explications qui nous montrent si, en matière militaire, la politique modérée sur laquelle s'est fondé le cabinet est encore aujourd'hui sa politique ou s'il l'abandonne pour faire retour à d'anciens amis et à d'anciennes promesses.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne prolongerai pas une discussion qui a été suffisamment longue, mais il est un point au sujet duquel je reconnais aux membres de la gauche le droit d'interroger le cabinet, et puisque j'ai été spécialement mis en cause, je vais leur répondre nettement.
On nous demande si nous sommes d'accord avec le général Guillaume. Ainsi que l'a dit M. Kervyn, nous sommes complètement d'accord avec l'honorable général sur le fond du projet de loi ; nous sommes (page 1718) complètement d'accord avec lui pour demander à la Chambre le crédit postulé, crédit, du reste, que personne n'a réellement contesté, car les critiques ont porté sur un point étranger au crédit lui-même, sur la question de savoir si, à côté des dépenses occasionnées par le renchérissement des vivres, on ne pourrait faire une économie en renvoyant chez eux un certain nombre de miliciens.
Donc, sur le fond du projet, et c'est ce qu'a déclaré M. le ministre de l'intérieur, nous sommes parfaitement d'accord.
Mais, parlons sérieusement, a-t-il pu venir à l'idée d'un membre de la gauche que la question de cabinet aurait été posée par nous, par le cabinet actuel, sur la question qui occupe la Chambre ? A-t-il pu venir à l'idée de quelqu'un que le cabinet vînt poser la question de cabinet sur ce point?
- Un membre. - Elle a été posée.
M. Jacobs, ministre des finances. - Elle n'a pas été posée. Oh ! je comprends que l'honorable général Guillaume, en butte aux critiques qui ont été formulées dans cette enceinte, voyant un travail consciencieusement fait par lui attaqué sur différents bancs de la Chambre, je comprends que, lui qui connaît dans leurs moindres détails les nécessités du service, aiguillonné par les contradictions, vienne vous dire : Je ne puis conserver mon portefeuille si l'on ne vote pas les crédits qui me sont nécessaires.
Cette déclaration on la comprend dans la bouche du général Guillaume, mais tout le monde comprend aussi que le cabinet ne peut faire dépendre son existence d'une pareille question administrative.
L'honorable général Guillaume a posé la question au point de vue des besoins du département de la guerre ; mais je ne conçois pas qu'il ait pu entrer dans l'esprit de n'importe quel membre de la Chambre, que le ministère, après avoir réclamé de nombreux crédits, avoir affronté de si nombreux votes sans poser la question de cabinet, aille la poser aux derniers jours d'une session à propos d'un crédit du genre de celui qui fait l'objet de la discussion.
Messieurs, nous sommes parfaitement d'accord avec notre collègue de la guerre pour insister auprès de la Chambre pour qu'elle vote le crédit demandé ; nous insistons d'autant plus pour obtenir ce vote que, si la Chambre le refusait, nous n'aurions pas seulement le regret de voir rejeter le crédit, mais le regret plus vif encore de devoir nous séparer d'un collègue dont nous apprécions toute la valeur.
M. Orts. - S'il s'en va, il s'en ira tout seul.
M. De Lehaye. - Il fera ce qu'a fait M. Frère. Il s'est retiré sur la question de l'or et ses collègues ont conservé leur portefeuille.
M. Jacobs, ministre des finances. - Libre à nos adversaires de poser la question de cabinet malgré nous et contre nous ; cela n'est plus que de la stratégie parlementaire.
Ils nous ont demandé de la netteté et de la franchise ; je pense qu'ils seront satisfaits.
M. Rogier. - Nous recevons des bancs du ministère et des bancs de la droite une singulière leçon : la droite, nous dit-on, use de tactique, cherche à poser une question de cabinet à la fin d'une session ; elle est la cause du gâchis, puisque le mot est entré dans le vocabulaire parlementaire, du gâchis dans lequel on est tombé. Mais quelle est donc l'origine et quels sont les provocateurs de ce désordre ? Quels sont les auteurs de cette conspiration qui, tout à coup, éclate contre le ministère ? Mais n'est-ce pas des bancs de la droite qu'est parti le premier coup de feu ? N'est-ce pas sur une proposition de l'honorable rapporteur de la section centrale que la question de la réduction du crédit a été introduite, puis soutenue par des membres de la droite ? M. le ministre de la guerre déclare qu'il ne lui convient pas d'accepter cette réduction et, poussant très loin la susceptibilité, ce dont cependant je ne veux pas le blâmer d'une manière absolue, il dit que si les 500,000 francs sont retranchés du crédit il sera obligé de se retirer.
Qu'avait à faire la droite en présence de cette déclaration? Elle avait à retirer la proposition, qui devait, si elle était acceptée, amener la retraite de M. le ministre de la guerre.
Si la proposition était émanée de la gauche, si elle avait usé d'une semblable tactique, elle n'eût fait qu'imiter les anciennes pratiques parlementaires de la droite.
Non seulement la gauche n'a pas introduit la proposition de réduction, mais quand elle a été retirée par son autre auteur, c'est un autre membre de la droite qui l'a reprise.
Que l'honorable M. Hayez la retire à son tour, ce n'est pas nous qui la reprendrons et tout sera dit.
Je vois le ministère très embarrassé. (Interruption.) Si vous n'êtes pas embarrassés, vous n'êtes pas difficiles. Mais votre position saute aux yeux.
M. le ministre de l'intérieur a déclaré positivement qu'il était solidaire de son collègue de la guerre.
M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Dans la présentation du projet de loi.
M. Rogier. - Je suis fâché d'avoir à retenir le compliment que je me proposais de vous adresser à l'occasion de cette déclaration chevaleresque.
Donc maintenant vous n'êtes plus solidaires et M. le ministre de la guerre reste solitaire.
M. Orts. - Ils sont solidaires quand il s'agit de créer la dette ; ils ne le sont plus quand il s'agit de la payer.
M. Rogier. - Je ne puis accepter la moindre part du reproche fort injuste adressé à l'opposition dans cette circonstance.
Les membres de l'opposition se sont montrés de la meilleure composition ; ils ont dit qu'ils étaient disposés à voter le crédit. Moi-même, je l'aurais voté aveuglement.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Et pourquoi ne le votez-vous pas ?
M. Rogier. - Je crois que la discussion qui vient d'avoir lieu l'explique assez. Je ne suis pas ici pour vous tirer d'embarras.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Nous ne sommes pas du tout dans l'embarras.
M. Rogier. - Vous avez la conscience large et facile. Je suis embarrassé pour vous.
Que les membres de la droite retirent leur amendement. Si vous n'avez pas assez d'influence sur vos amis pour obtenir d'eux ce sacrifice, je ne trouve pas votre position, comme gouvernement représentatif, bien nette ni bien solide.
Je prie, moi, les membres de la droite de retirer leur amendement.
M. Coomans. - Cela ne serait pas digne. Nous avons des convictions, nous !
M. Rogier. - Je ne sais à qui vous opposez ce « nous. » Est-ce sur les bancs de la gauche que vous trouvez des membres qui manquent de conviction, ou si c'est sur les bancs de la droite ou du ministère qu'on en manque ?
M. Coomans - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Rogier. - Je tiens à constater en finissant que l'incident dont nous sommes témoins n'est pas provenu du fait de la gauche et que ce sont des membres de la droite qui ont mis en avant et qui persistent à maintenir cet élément de discorde.
Je ne suis pas chargé, après tout, d'établir la conciliation entre la droite et le cabinet.
Je ne veux pas dire non plus, que la gauche ne doit pas chercher à se débarrasser, selon les circonstances, d'un ministère qui ne lui convient pas.
Je ne l'engagerais pas, le cas échéant, à user d'une trop grande condescendance.
Je constate seulement que c'est par la plus flagrante injustice qu'on incrimine ici la conduite de la gauche, et que le mal, si mal il y a, vient de la droite, qui seule en est responsable.
M. le président. - La parole est à M. Nothomb.
M. Coomans. - Je l'avais demandée pour un fait personnel.
M. le président. - N'insistez pas.
M. Coomans. - Pardon, je le dois.
On me demande une explication ; je tiens à la donner immédiatement.
L'honorable préopinant nous conseille de retirer l'amendement parce qu'il gêne le ministère. Alors tout sera fini, nous dit-il. J'ai répondu : Non ; nous avons des convictions, nous. Cela veut dire que le conseil que l'honorable M. Rogier veut bien nous donner a été pratiqué souvent sur les bancs de la gauche.
Je ne l'apprécie pas, je ne le juge pas. L'honorable M. Rogier peut ne pas le trouver mauvais puisqu'il le donne. Mais nous disons que nous ne voulons pas suivre un pareil conseil. Nous avons des convictions; nous les maintenons et nous disons : Amicus ... n'importe qui mais magis amica conscientia.
M. Nothomb. - Tantôt j'avais demandé la parole quand l'honorable M. Guillery me paraissait donner une fausse interprétation de l'opinion de la section centrale et j'ai réitéré ma demande lorsque l'honorable (page 1719) M. Rogier a attribué à la section centrale l'amendement proposé. (Interruption.) La section centrale n'a pas proposé la réduction ; au contraire, elle l'a combattue, car la question qui s'agite ici y avait été longuement débattue
La proposition d'une diminution du crédit a été faite, mais sans aucune pensée politique, encore moins dans une pensée de méfiance à l'égard de l'honorable ministre de la guerre.
Comment se présentait la dépense ? D'après le projet, il y avait deux catégories de dépenses, l'une inévitable, nécessaire, l'autre moins, pouvant se discuter ; nous, qui voulions l'accepter en entier, nous disions : Il y a là des dépenses qu'on ne peut pas réduire, qu'il faut subir, dépenses résultant du renchérissement de certaines denrées, etc.
Mais un membre de la section centrale a demandé alors s'il n'y aurait pas possibilité de réduire le nombre d'hommes sous les drapeaux ; et à cette question la majorité de la section centrale a répondu négativement ; nous avons pensé qu'eu égard aux circonstances actuelles, on ne peut pas, on ne doit pas du jour au lendemain passer d'un état qui n'est plus le pied de guerre, mais n'est pas encore tout à fait celui de paix, sans désorganiser l'armée.
C'est pour ce motif que la section centrale n'a pas accepté la proposition de réduction et que deux de mes collègues et moi avons voté le chiffre proposé par le gouvernement.
C'est donc bien à tort qu'on donne à ce débat de pareilles proportions qu'il ne comporte pas, et je me demande pourquoi on discute encore; car enfin la question de cabinet me paraît avoir disparu, et même sérieusement elle n'a jamais pu exister pour un aussi mince objet.
La gauche s'en défend ; le ministère ne la pose pas et M. le ministre de la guerre non plus, car il doit avoir l'intime conviction qu'il n'est entré dans la pensée de personne de formuler un vote de défiance à son égard.
Enfin, il n'y a aucun principe en jeu, car tout le monde doit reconnaître que le projet de crédit n'est, d'un côté, que la conséquence de l'application des lois organiques de l'armée, à part toute opinion pour l'avenir, et de l'autre, le résultat imposé par des circonstances de force majeure auxquelles personne n'aurait pu se soustraire.
M. de Theux.- L'honorable M. Orts a dit qu'il faut traiter la question avec franchise.
Je suis parfaitement de son avis. Quant à moi, j'approuve complètement la déclaration faite par l'honorable baron d'Anethan qu'il n'entendait pas faire de cet incident une question de cabinet. Jusqu'à présent, la majorité de la Chambre a accordé sa confiance au cabinet tout entier.
Or, au dernier jour de la session, la majorité, à propos d'une somme de 500,000 francs à dépenser une fois, irait lui retirer sa confiance !
C'est absurde de le penser.
Non, il n'y a pas lieu de faire de cela une question de cabinet, de la part du gouvernement, comme de la part de la Chambre. On lirait plus tard dans l'histoire du parlement belge qu'un cabinet qui avait la confiance de la grande majorité de la Chambre s'est retiré pour le refus d'une somme de 500,000 francs à dépenser une fois !
Pour l'honneur du gouvernement et du parlement belge, je désire qu'il n'en soit pas ainsi.
M. le ministre de la guerre a montré de la susceptibilité dans cette question. C'est son droit, il lui appartient d'apprécier les nécessités du service qui lui est confié ; il lui appartient de décider si une somme de 500,000 francs en plus ou en moins peut compromettre la situation militaire. C'est une appréciation toute spéciale à M. le ministre de la guerre et que lui seul, je le répète, a le droit de faire.
On a parlé d'un incident qui a eu lieu quand M. le général De Liem était ministre de la guerre ; on a dit que ce ministre s'était retiré par suite d'un vote de la Chambre et que ses collègues étaient restés aux affaires.
Messieurs, la situation était alors grave en elle-même ; il s'agissait de la réduction annuelle de plusieurs millions. Les millions n'ayant pas été votés, M. le général De Liem s'est retiré. Mais ses collègues, qui croyaient que l'administration de la guerre pouvait se faire sans ces millions, sont restés, et même restés longtemps après.
Messieurs, s'il s'agissait d'une question grave, de la question de savoir si l'on maintiendra le remplacement militaire, question résolue affirmativement sur le rapport fait par l'honorable M. Muller, je conçois que, sur une question pareille, il puisse y avoir une division sérieuse et profonde dans un cabinet, que la partie succombante doive se retirer.
Mais la situation actuelle ne présente, aucune analogie avec celle que je suppose. L'honorable M. Rogier a dit : Que l'on retire l'amendement proposé par M. le rapporteur de la section centrale et qu'on finisse le débat !
Pour moi, je suis d'avis qu'il y a lieu de suivre le conseil de l'honorable membre et je. crois que ce serait une attitude honorable et à laquelle le pays applaudirait, car véritablement il ne valait pas la peine d'user le temps comme nous l'avons fait pour cette misérable somme de 500,000 francs une fois dépensée.
Messieurs, dans tous les parlements, il s'élève quelquefois des incidents, en ce sens qu'un ministre pose une question de portefeuille sur un point déterminé. Je dois encore le répéter : je regrette que M. le ministre de la guerre ait fait ici une question de portefeuille ; je trouve qu'une pareille attitude ne doit pas être prise trop légèrement; cela a toujours été ma manière de voir.
Il y aurait, selon moi, de très graves inconvénients à ce qu'il en fût autrement, car chacun des ministres pourrait, à propos d'un article quelconque de son budget, poser cette question de cabinet. Si cependant la conviction de M. le ministre de la guerre est telle qu'il croie sa considération personnelle engagée, qu'il pense que la réduction proposée, si elle était adoptée, serait une atteinte à la confiance dont il jouit dans la Chambre, alors il a raison de prendre cette détermination.
Mais ici ce n'était point le cas.
Personne n'a témoigné de défiance à M. le ministre de la guerre ; au contraire, il a reçu de toutes parts des marques de confiance. Je crois donc que M. le ministre de la guerre ferait bien, à tout événement, de réfléchir plus mûrement aux paroles qu'il a lancées dans un moment d'improvisation. Mais, pour moi, je préférerais de beaucoup que notre honorable collègue, le colonel Hayez, renonçât à son amendement. Je suis persuadé que cet acte patriotique et courageux lui vaudrait l'approbation de tout le pays ; mais quoi qu'il arrive, il est impossible que de ce misérable incident il résulte une question de cabinet.
- La discussion est close.
M. le président. - Nous passons à l'examen des articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au département de la guerre un crédit supplémentaire de trois millions deux cent cinquante mille francs, pour faire face aux dépenses résultant de la cherté extraordinaire des denrées alimentaires et fourragères, ainsi que de la nourriture des chevaux qui ont existé en sus de l'effectif du pied de paix pendant l'année 1871. »
L'amendement de M. Brasseur, qui est repris par M. Hayez, consiste à remplacer la somme de 3,500,000 francs par la somme de 2,500,000 fr.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
M. le président. - D'après tous les précédents de la Chambre, quand deux chiffres sont en présence, on commence par voter sur le chiffre le plus élevé.
M. Muller. - Quand il y a plusieurs amendements.
M. le président. - Je vous demande pardon ; l'usage constant de la Chambre est de procéder de cette manière. Je vais donc mettre aux voix le chiffre de 3,500,000 francs.
- Il est procédé au vote par appel nominal.
80 membres y prennent part.
42 répondent oui.
36 répondent non.
2 s'abstiennent.
En conséquence, le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.
Ont répondu oui :
MM. Simonis, Snoy, Tack, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Cornesse, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Reynaert, Schollaert et Thibaut.
Ont répondu non :
MM. Thienpont, Van Humbeeck, Allard, Anspach, Bara, Bergé, Boucquéau, Bricoult, Coomans, Coremans, Couvreur, Crombez, David, de Baillet-Latour, De Fré, Delaet, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Rossius, Dethuin, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Muller, Orts, Pirmez, Rogier et Sainctelette.
Se sont abstenus :
MM. Van Iseghem et Brasseur.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Van Iseghem. - J’étais disposé à voter pour l'article, mais en (page 1720) présence des explications peu claires du gouvernement, j’ai cru devoir m'abstenir.
M. Brasseur. - Après avoir retiré mon amendement je n'ai pas pu voter contre le crédit pétitionné.
Je n'ai pas pu voter pour, parce que ma conviction est qu'on pouvait opérer une réduction.
« Art. 2. Ce crédit sera réparti par arrêtés royaux entre les articles du budget de 1871, suivant les besoins du service. »
- Adopté.
« Art. 3. Ce crédit sera couvert par les ressources ordinaires. »
- Adopté.
« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
72 membres répondent à l'appel nominal.
45 votent pour le projet.
25 votent contre.
2 s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. Simonis, Snoy, Tack, Thonissen, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Biebuyck, Cornesse, de Baillet-Latour, de Borchgrave, de Clercq, de Kerckhove, Delcour, De Lehaye, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Theux, de Zerezo de Tejada, Dumortier, Hermant, Jacobs, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Magherman, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Nothomb, Pety de Thozée, Reynaert, Rogier, Schollaert et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Van Humbeeck, Allard, Anspach, Bara, Bergé, Coomans, Coremans, Couvreur, David, Delaet, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Rossius, Dethuin, Elias, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Houtart, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu et Sainctelette.
Se sont abstenus :
MM. Van Iseghem et Brasseur.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Van Iseghem. - Je me suis abstenu pour les motifs que j'ai donnés tout à l'heure.
M. Brasseur. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que sur l'article premier.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.