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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 24 juin 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1531) M. Wouters procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des cultivateurs à Mignault demandent la remise de l'impôt foncier pour 1871. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Champs et Bouette, section de la commune de Longchamps, demandent la construction d'un bâtiment d'école. »

- Même renvoi.

M. Van Hoorde. - Je prie la Chambre d'inviter la commission à faire un prompt rapport.

- Adopté.


« Le sieur Maurice Fuhrer, dessinateur à l'atelier de construction à Ath, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Jacquet demande le maintien de la contrainte par corps contre tous les gens de mauvaise foi. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la contrainte par corps.


« Le sieur Blanchard déclare retirer sa candidature à la place de conseiller à la cour des comptes. »

- Pris pour information.


« Par trois pétitions, des habitants de Huy, prient la Chambre de rejeter les augmentations de l'impôt foncier proposées par le gouvernement. »

« Même demande d'habitants de Ben-Ahin, Beauwelz, Nandrin, Barbançon, Warnant, Xhoris, des membres des conseils communaux de Laer, d'Overwinden et de communes non dénommées. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi modifiant les lois d'impôts.


« Par deux pétitions, des habitants de Liège demandent que le gouvernement ne relève pas les tarifs des chemins de fer pour le transport des voyageurs. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par dépêche du 23 juin, M. le ministre des. travaux publics, se conformant à la prescription de l'article 4 de la loi du 5 septembre 1870, fait connaître qu'aucun marché direct n'a été contracté par son département en vertu de cette loi, pendant la période trimestrielle du 5 mars dernier au 5 juin courant. »

- Pris pour information.

Décès d’un parlementaire

M. le président. - Messieurs, je dois vous faire part d'un triste événement ; la famille de notre jeune et aimable collègue, M. Liénart, nous annonce la perte irréparable qu'elle vient de faire dans la personne de M. Albert-Joseph-Léopold Liénart, membre de la Chambre des représentants, né à Alost le 29 mai 1840 et y décédé le 23 juin 1871. L'inhumation aura lieu lundi 30 courant, à 4 heures.

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'autoriser le bureau à adresser une lettre de condoléance à la famille de feu notre regretté collègue. Je propose aussi de désigner par la voie du sort, conformément à l'usage, une députation de six membres qui se rendra a Alost pour la cérémonie funéraire.

Les membres de la Chambre qui désireront se joindre à la députation pourront profiter du convoi spécial qui sera demandé a M. le ministre des travaux publics.

M. Coomans. - Où sera le rendez-vous, M. le président ?

M. le président. - La questure se chargera des détails. Les membres seront avertis en temps utile.

- La proposition de M. le président est mise aux voix et adoptée.

Il est procédé au tirage au sort de la députation. Le sort désigne MM. Kervyn de Volkaersbeke, Van Hoorde, Dethuin, Vander Donckt, de Macar et Royer de Behr.

Projet de loi apportant des modifications aux lois d’impôts

Discussion des articles

Articles 4 et 5

M. le président. - Nous en sommes arrivés à l'article 4 ainsi conçu :

« Les propriétaires des bâtiments mentionnés à l’article 3 sont tenus, sous peine d'une amende de 25 francs, de déclarer au receveur des contributions de la localité la date de l'occupation des maisons et de la mise en usage des autres bâtiments nouvellement construits, reconstruits ou agrandis, au plus tard dans les trente jours de cette date. »

- Adopté.


« Art. 5. Les fonctionnaires et employés des contributions directes, douanes et. accises, les porteurs de contraintes et les employés assermentes des communes ont qualité pour constater individuellement les infractions à l'article 4. Les procès-verbaux sont affranchis du timbre et de l'enregistrement. Ils sont déposés au bureau du receveur.

« Le mode de répartition du produit des amendes est fixé par arrêté royal. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. La loi du 28 mars 1828 est abrogée.

« Cependant les constructions et reconstructions nouvelles, totales ou partielles, commencées avant la mise en vigueur de la présente loi, continueront à jouir du bénéfice des exemptions déterminées par la loi de 1828. »

M. le président. - M. le ministre des finances propose d'amender cet article en remplaçant le paragraphe premier par une disposition ainsi conçue :

« Les articles 1 et 2 de la loi du 28 mars 1828 ne sont plus applicables qu'aux habitations construites par des sociétés anonymes dont l'objet exclusif est la construction, l'achat, la vente ou la location d'habitations destinées aux classes ouvrières (loi du 20 juin 1867.) »

M. Bergé, de son côté, propose l'amendement suivant :

« Ajouter à l'article 6 :

« Toutefois les communes pourront percevoir à leur profit exclusif la taxe foncière d'après la classification établie par la loi du 28 mars 1828,, sur toutes les constructions nouvelles, à la condition de justifier par leur budget qu'elles consacrent aux travaux publics ou d'assainissement une somme double du produit présumé de l'impôt foncier à percevoir sur les constructions nouvelles. »

M. de Rossius. - Je ferai remarquer que M. Bergé, l'auteur de l'amendement, n'est pas présent ; il ne tardera pas à arriver. Je prie la Chambre de suspendre momentanément le vote sur cat article. (Interruption)

(page 1532) Je fais un appel à la bonne volonté de la droite. Ce que je demande s'est fait maintes fois. (Nouvelle interruption.) Quand les séances sont fixées à une heure, on est toujours exposé à ne pas arriver au commencement de la séance.

M. Jacobs, ministre des finances. - Réservons l'article.

M. de Rossius. - Cela s'est fait maintes fois et c'est tout ce que je demande.

- L'article est réservé.

Article 7

« Art. 7. Un arrêté royal détermine :

« 1° L'époque de la remise aux receveurs des déclarations devant servir à l'assiette des contributions directes ;

« 2« Le mode à suivre pour les déclarations, la formation et la publication des rôles, le payement, les quittances et les poursuites ;

« 3° Le tarif des frais de poursuites.

« Les rôles sont rendus exécutoires par le directeur des contributions ; les contraintes sont décernées par les receveurs chargés d'opérer les recouvrements.

« Le recensement des patentables, le modèle du registre de division de cotes foncières, la forme des avertissements adressés aux locataires et indemnité due de ce chef aux receveurs sont réglés par le ministre des finances, sans que cette indemnité puisse excéder 15 centimes par article de sous-répartition. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Les réclamations contre les surtaxes ou contre les cotisations insuffisantes, en matière de contributions directes, sont adressées à la députation permanente dans les trois mois à dater de la délivrance de l'avertissement-extrait du rôle. Le réclamant ne doit pas justifier du payement des termes échus. »

M. le président. - M. le ministre propose à cet article un paragraphe 2 ainsi conçu :

« Le contribuable qui se plaint d'une cotisation insuffisante et dont la réclamation n'a pas été admise par la députation permanente peut néanmoins verser entre les mains du receveur le supplément qu'il prétend devoir, pourvu que le versement ait lieu dans le courant de l'année à laquelle il se rapporte. Le receveur est tenu de l'accepter et d'en donner quittance. »

- L'article amendé est adopté.

Articles 9 à 12

« Art. 9. La patente est remplacée par un extrait de la déclaration du patentable, qui lui est délivré sur papier libre et sans frais par le receveur. »

- Adopté.


« Art. 10. Les répartiteurs sont nommés pour trois ans par le conseil communal. Ils sont au nombre de trois dans les communes de moins de 5,000 âmes, au nombre de cinq dans les autres. La classification des communes se fait d'après le recensement décennal effectué en vertu de la loi du 2 juin 1856.

« Les répartiteurs procèdent à la classification des patentables à la date fixée par le contrôleur des contributions. »

- Adopté.


« Art. 11. Le droit de patente des bateliers est fixé comme il suit :

« 1° 12 centimes par tonneau pour les bateaux et navires employés à la navigation intérieure ;

« 2° 4 centimes par tonneau et par voyage d'aller et retour pour les bateaux et navires faisant des importations et exportations seulement ; le droit n'est dû que pour trois voyages au maximum.

« Le droit de 12 centimes par tonneau est dû pour l'année entière, quelle que soit la date de la mise en usage du bateau, s'il a été déclaré l'année précédente. Dans le cas contraire, le droit est exigible à partir du commencement du trimestre pendant lequel le bateau a été employé.

« Il n'est accordé aucune remise d'impôt aux bateaux restés en inactivité pendant un ou plusieurs mois consécutifs.

« Un arrêté royal détermine le mode de jaugeage qui sert de base à la perception du droit ; ce jaugeage doit être effectué préalablement à la déclaration de patente. »

- Adopté.

Article 6

M. le président. - Nous revenons a l'article 6, auquel se rattachent deux amendements : l'un de M. le ministre des finances, l'autre de M. Bergé. Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Bergé. - Je ne serai pas long dans les développements de l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer. En effet, la discussion générale a déjà parfaitement rencontré le point dont s'occupe cet amendement.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit simplement d'accorder aux communes la faculté de percevoir l'impôt foncier sur des propriétés qui en étaient exonérées en vertu de l'ancienne loi, tout en prononçant l'abrogation de cette loi, mais avec ce correctif que toutes les communes qui font des dépenses pour travaux d'utilité publique : l'assainissement, l'hygiène, etc., puissent être autorisées à percevoir cet impôt foncier.

Toutes les communes, alors qu'elles pourraient justifier par leurs budgets qu'elles consacrent aux travaux d'assainissement une somme double du produit présumé de cet impôt foncier, seraient autorisées à le percevoir.

Mon amendement consacre donc une disposition générale, une disposition qui n'est pas applicable seulement à tel ou tel centre, qui n'est pas applicable seulement aux quatorze communes qui jusqu'à présent ont bénéficié de cet avantage. cette disposition s'applique à toutes les communes qui se trouveront, au point de vue du bien-être matériel de leurs habitants, dans la nécessité de faire des travaux d'hygiène ou de voirie.

Dans ces conditions, il me semble que mon amendement est de nature à rencontrer les sympathies de quiconque s'intéresse à l'assainissement de nos grandes centres de population.

Dans la discussion générale, on a suffisamment démontré combien il était utile de laisser aux communes qui se développent certaines ressources extraordinaires, et bien certainement, de toutes les ressources qui se justifient le mieux, il n'en est pas de meilleure que celle dont je m'occupe, puisqu'elle est prélevée précisément à charge des populations qui profitent des travaux auxquels ces ressources sont consacrées.

Je le répète, messieurs, ma proposition a un caractère incontestable de généralité ; il ne porte atteinte aux intérêts d'aucune commune et assure à toutes celles qui se trouveront dans les conditions voulues les avantages que je voudrais leur assurer. Ces communes trouveraient dans ma proposition des ressources très sérieuses et qui hâteraient la prospérité du pays en général.

M. Jacobs, ministre des finances. - J'espère que l'honorable membre ne persistera pas dans son amendement, auquel je ne puis me rallier.

En fait, il cherche à atteindre d'une façon indirecte un but qu'il est bien plus naturel d'atteindre directement. Ce sont des subsides indirects qu'il demande à l'Etat pour les communes qui se trouvent dans les conditions indiquées par son amendement. Si ces communes ont droit à des subsides, qu'elles suivent la voie normale, qu'elles demandent des subsides proportionnés à l'utilité du travail qu'il s'agit d'exécuter.

Mais la situation que ferait l'amendement serait vraiment inextricable.

En effet, que propose l'honorable membre ? Il admet que l'impôt foncier des premières années soit perçu, en général, au profit de l'Etat ; exceptionnellement, il veut qu'il soit perçu au profit de la commune, lorsque les travaux d'assainissement, les travaux publics indiqués au budget communal dépasseront le double des prévisions relatives au produit de l'impôt foncier sur les constructions neuves.

Qu'arrivera-t-il ? C'est qu'on établira les prévisions au budget de façon que les travaux publics dépassent le double du montant des nouveaux impôts.

L'année écoulée, les travaux publics n'auront pas atteint le chiffre des évaluations, ou bien les prévisions de la taxe seront dépassées et l’on ne se trouvera pas dans le cas indiqué par l'amendement. La commune aura perçu la taxe, il faudra qu'elle la restitue.

D'autres communes, au contraire, auront établi leur budget de façon à ne pas profiter de la taxe ; l'Etat percevra à son profit. Mais à la fin de l'année, la commune aura fait exécuter plus de travaux qu'elle n'en avait prévu, ou bien les constructions neuves auront rapporté moins qu'on ne pensait ; la proportion du double sera atteinte.

L'Etat ayant perçu la taxe devra la restituer à la commune.

Vous le voyez, messieurs, ce serait nous jeter dans des embarras inextricables.

Pourquoi d'ailleurs restreindre cette prime aux dépenses des travaux publics et d'assainissement ?

Il y a des travaux publics qui n'exercent aucune influence sur le produit de la taxe.

Si, dans un quartier ancien, on construit un monument, pendant une, (page 1533) deux, trois années, les travaux exécutés dépasseront le double du produit de la taxe et cependant le monument n'influera en rien sur ce produit.

L'amendement de l'honorable membre n'est qu'un expédient qui ne vise qu'à atteindre indirectement un résultat que l'on peut atteindre directement.

Quand une commune fera de grands travaux d'assainissement ou d'utilité publique, de même que quand elle fera des dépenses considérables pour l'instruction ou les beaux-arts, l'Etat jugera dans quelle mesure il doit intervenir et il ne restera pas en défaut de remplir ses obligations.

Je ne puis donc accepter l'amendement de l'honorable membre.

M. Bergé. - Messieurs, les objections présentées par l'honorable ministre des finances ne sont pas parfaitement exactes.

Ainsi, M. le ministre nous dit que dans certaines communes il y aura des dépenses d'utilité autres que des travaux d'assainissement et entre autres des dépenses d'instruction publique.

C'est très vrai, mais les dépenses d'instruction publique sont utiles à la collectivité tout entière ; elles ne sont pas particulièrement utiles à telle ou telle classe de la population, et, si elles peuvent être spécialement utiles à une catégorie d'habitants, c'est à celle qui est dépourvue de fortune.

Il n'en est pas de même des travaux d'assainissement. Ce sont les habitants des quartiers assainis qui profilent d'une façon toute spéciale des travaux et ce sont ceux-là qui sont appelés à contribuer à l'impôt.

L'objection faite par l’honorable ministre des finances de constructions monumentales, gigantesques, qui n'amènent pas la construction de maisons nouvelles, peut être mise sur la même ligne que celle relative à l'instruction, car ces monuments intéressent la collectivité et il n'y a pas de raison de les faire payer par telle catégorie de citoyens plutôt que par telle autre.

M. Jacobs, ministre des finances. - C'est cependant un travail d'utilité publique.

M. Bergé. - Mais, comme, en définitive, il n'y a pas de maisons nouvelles, ce sera la collectivité qui payera et l'amendement répond à la situation. Si, au contraire, il y a des travaux d'assainissement qui intéressent une catégorie d'habitants, ceux-ci supporteront une part plus forte que les autres dans ces sortes de travaux.

Quant à l'objection relative au budget, sans doute la commune pourrait présenter des situations fausses.

Mais le gouvernement a en mains assez de moyens pour voir ce que les communes feront ; le gouvernement restera toujours libre de ne pas accorder l'avantage que je sollicite pour les communes, lorsqu'une commune aura usé de procédés frauduleux ; le gouvernement exigera la justification du fait ; il a en son pouvoir tous les moyens de vérification, et par conséquent il lui sera facile, si une commune a pu commettre un acte marqué de déloyauté, de se rattraper, les années suivantes, sur ce que cette commune aurait reçu d'une manière indue.

M. Guillery. - Messieurs, l'amendement présenté par l'honorable M. Bergé à l'article 6 était en quelque sorte une nécessité, par les objections qui nous ont été faites.

On a reproché aux grandes villes de vouloir un privilège ; il n'en est rien, nous voulons simplement le maintien de l'état actuel des choses, qui permet aux grandes villes de remplir leur mission dans ce qu'elle a de plus important et dans ce qu'elle a de plus coûteux, et les travaux d'assainissement sont sans doute un des objets les plus importants de la mission des grandes Ailles.

L'honorable ministre des finances a dit qu'il est de principe que l'impôt est perçu par l'Etat et que les additionnels sont perçus par les communes. Ce n'est pas là un principe ; c'est un fait.

Mais il y a un fait aussi qui frappe tous les yeux ; c'est l'impérieuse nécessité pour les grandes villes de subvenir à des travaux d'assainissement, et lorsqu'elles remplissent cette mission, est-ce leur intérêt seul qui l'exige ? Lorsqu'on vient dire à la ville de Bruxelles : Vous avez consacré 17 millions à des travaux d'assainissement ; vous avez dépensé des sommes considérables pour amener les eaux à Bruxelles ; mais ce n'est pas assez : imposez-vous de nouveaux sacrifices ; prélevez de nouveaux impôts sur vos contribuables : il faut que la capitale soit assainie. Est-ce l'intérêt particulier de ses habitants ? est-ce une fantaisie de leur part ? ou s'agit-il d'une question d'intérêt général ? Evidemment, c'est un intérêt de l'ordre le plus élevé. Et ici je rappellerai un mot qui a été prononcé par l'honorable M. de Naeyer, il y a assez longtemps, mais que j'ai retenu : que la ville de Bruxelles est la capitale de tous les Belges.

Donc c'est l'intérêt du pays entier qui demande que vous n'empêchiez pas la ville de Bruxelles de remplir cette mission, en tarissant les source de ses revenus, Or, la loi que vous faites tarit une des sources les plus importantes de son revenu, alors que ses charges augmentent tous les jours.

Accueillez donc l'amendement, admettez tout au moins que lorsque la commune consacrera aux travaux d'assainissement une somme double de l'impôt à percevoir sur les constructions nouvelles : admettez, dis-je, que cet impôt soit perçu par les villes, et qu'on leur laisse la faculté dont elles jouissent aujourd'hui.

Ce n'est pas un privilège sans doute, puisque les villes, en définitive, ne demandent que le maintien, pour elles, du droit de payer.

L'honorable ministre des finances nous dit qu'il y a d'autres dépenses importantes.

Nous le savons : il y a l'instruction, il y a les beaux-arts ; il y a des travaux qui n'ont pas pour objet l'assainissement et qui peuvent mériter un subside. Soit ; qu'on accorde un subside pour ces travaux ; mais pour les travaux d'assainissement qui véritablement touchent à l'intérêt général, admettez que les villes auront le droit de percevoir un impôt pendant les années réservées par la loi de 1828.

Il y a donc lieu de faire une exception au principe invoqué par M. le ministre des finances, à savoir que l'impôt est perçu par l'Etat et les centimes additionnels par les villes ; ce sont, en définitive, les dépenses des villes qui donnent aux constructions leur véritable valeur. Pourquoi les terrains ont-ils une plus grande valeur dans certaines villes ? C'est précisément à cause des sacrifices, des dépenses considérables que les administrations communales ont faites pour rendre ces villes spacieuses, pour les rendre agréables, pour favoriser un mouvement considérable qui permette au commerce de tirer de grands avantages, d'y faire de plus grands bénéfices, de faire beaucoup d'affaires, qui permette aux particuliers d'y trouver un séjour agréable et utile.

Voilà pourquoi les constructions ont une si grande valeur dans certaines villes. Et quand les villes demandent à percevoir l'impôt foncier sur les constructions nouvelles pendant les premières années, elles ne demandent, en définitive, qu'à rentrer dans une partie des dépenses qu'elles ont faites ; elles ne demandent aux constructeurs qu'à les indemniser d'une partie des frais qu'elles ont faits dans leur intérêt.

Lorsque des rues nouvelles sont créées dans des communes suburbaines, on demande aux propriétaires de constructions nouvelles de payer une taxe pour le pavage, pour la construction des égouts ; eh bien, lorsque des constructions nouvelles s'élèvent en ville, où tout cela existe, il est assez naturel, ce me semble, que celui qui vient participer aux avantages considérables résultant, non seulement de la construction de la voirie, mais du mouvement commercial, de l'activité qui règne dans les centres d'activité, que les propriétaires de ces constructions nouvelles restituent au trésor communal une partie des sacrifices qu'il a faits.

Cette compensation existe aujourd'hui ; elle est assurée par la législation actuelle et ce n'est que devant une nécessité impérieuse qu'il serait excusable de la faire disparaître.

Eh bien, l'honorable M. Bergé, afin que l'abus soit impossible, vous propose de ne conserver cet avantage que lorsqu'il sera justifié par une nécessité évidente. Quant aux difficultés pratiques dont a parlé M. le ministre des finances, ce sont des questions qui se présentent dans beaucoup de cas, mais il n'est pas difficile d'en triompher. S'il est prouvé, à la fin de l'année, que la ville s'est trompée dans ses calculs, ce sera à elle de supporter les conséquences de son erreur et de veiller à ce que, à l'avenir, les prévisions de son budget soient justifiées.

M. le président. - La discussion est close ; je vais mettre l'article aux voix.

Le paragraphe premier est l'amendement qui est présenté par M. le ministre des finances et qui est ainsi conçu :

« Les articles 1 et 2 de la loi du 28 mars 1828 ne sont plus applicables qu'aux habitations construites par des sociétés anonymes dont l'objet exclusif est la construction, l'achat, la vente ou la location d'habitations destinées aux classes ouvrières (loi du 20 juin 1867.) »

Je mets ce paragraphe aux voix.

- Adopté.

M. le président. - Le second paragraphe est celui proposé par la section centrale ; il est ainsi conçu :

« Cependant les constructions et reconstructions nouvelles, totales ou partielles, commencées avant la mise en vigueur de la présente loi, continueront à jouir du bénéfice des exemptions déterminées par la loi de 1828. »

- Adopté.

(page 1534) M. le président. - Le troisième paragraphe, messieurs, serait l'amendement de M. Bergé ; il est ainsi conçu :

« Toutefois les communes pourront percevoir à leur profit exclusif la taxe foncière, d'après la classification établie par la loi du 28 mars 1828, sur toutes les constructions nouvelles, à la condition de justifier par leur budget qu'elles consacrent aux travaux publics ou d'assainissement une somme double du produit présumé de l'impôt foncier à percevoir sur les constructions nouvelles. »

Je le mets aux voix.

- L'appel nominal est demandé. Il est procédé à cette opération.

75 membres y prennent part.

46 répondent non.

26 répondent oui.

1 s'abstient.

En conséquence l'amendement de M. Bergé n'est pas adopté.

Ont répondu oui :

MM. Dansaert, David, de Baillet-Latour, Defuisseaux, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Guillery, Hagemans, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Sainctelette, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem, Amédée Visart, Balisaux et Bergé.

Ont répondu non :

MM. de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Gerrits, Bayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Coomans, Coremans et Thibaut.

S'est abstenu :

M. Tesch.

M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est prié de faire connaître le motif de son abstention.

M. Tesch. - Je désire beaucoup que les grandes villes aient le moyen de se créer les ressources dont elles ont besoin pour parer aux grandes dépenses auxquelles elles sont assujetties. C'est pourquoi je n'ai pas voté contre l'amendement. Mais, d'un autre côté, l'amendement créait pour certaines communes du pays une situation privilégiée que je ne puis admettre.

M. Amédée Visart. - M. le président, il y a une rectification à faire au vote dont vous venez de proclamer le résultat. C'est par erreur que j'ai répondu oui, mon intention était de voter contre l'amendement.

M. le président. - Votre rectification sera insérée aux Annales parlementaires.

Article 12

« Art. 12. Le droit de patente des sociétés anonymes est élevé à 2 p. c. du montant des bénéfices annuels. »

M. Demeur. - Messieurs, le droit de patente des sociétés anonymes est calculé sur les bénéfices. Lorsqu'un particulier exerce un commerce, il est assujetti au droit de patente alors même qu'il ne fait pas de bénéfices, alors même qu'il est en perte. Pour les sociétés anonymes, la réalisation de bénéfices est une condition de l'exigibilité du droit de patente et la somme payée est toujours proportionnelle au bénéfice.

D'un autre côté, une partie notable des capitaux engagés dans les sociétés anonymes est représentée par des obligations et, comme l'intérêt des obligations vient en déduction des bénéfices, le droit de patente ne porte pas sur les produits de ces capitaux. Eu égard à ces circonstances, j'estime qu'il n'y a pas d'exagération à porter le droit de patente des sociétés anonymes de 1 2/3 à 2 p. c. des bénéfices. 2 p. c, c'est d'ailleurs la quotité qui avait été fixée par la loi de 1819.

Et cependant, messieurs, malgré ces considérations, je voterai contre l'article. Pourquoi ? J'ai demandé la parole uniquement pour motiver mon vote, et les motifs que je donnerai s'appliquent à tous les articles du projet.

Je voterai contre l'article 12 par la même raison qui m'a fait voter contre l'augmentation de l'impôt foncier, bien que, dans la discussion du budget des voies et moyens, j'aie soutenu que la propriété foncière ne concourt pas aujourd'hui aux charges publiques dans une proportion en rapport avec sa valeur.

Je voterai contre l'article 12, par la même raison qui m'aurait fait voter hier, si j'avais pu assister à la séance, contre la disposition relative à la contribution foncière sur les constructions nouvelles, moi qui ai démontré ici, il v a sept mois à peine, l'injustice de l'exemption consacrée par la loi de 1828.

Quelle est donc la raison de mon vote ? La voici :

Si j'envisage la loi qui nous est proposée, dans sa disposition principale, dans la disposition en vue de laquelle la loi tout entière est faite, la disposition qui abolit les droits de débit, je n'hésite pas à dire que cette loi est une monstruosité :

Au point de vue politique d'abord, parce qu'elle réduit le nombre des électeurs, alors qu'il faudrait, au contraire, l'augmenter ;

Au point de vue fiscal, parce qu'elle abolit un impôt éminemment légitime, qui, comme impôt, n'a jamais donné lieu à aucune plainte et qui pourrait être augmenté plutôt qu'on ne devrait l'abolir ;

Au point de vue de la santé, de l'hygiène publique, parce que l'abolition des droits de débit ne pourra que faciliter les excès si nuisibles dans la consommation des boissons alcooliques.

Ah ! je le sais bien, on nous dit qu'il n'y aura qu'une transposition d'impôts ; que les conseils provinciaux rétabliront les droits. Mais il ne s'agit pas ici d'intérêts provinciaux ; il s'agit d'un intérêt général, et, en cette matière, le pouvoir législatif doit conserver son autorité souveraine ; il ne doit pas subordonner son action à celle d'autres pouvoirs, quels qu'ils soient.

Je suis donc absolument et systématiquement opposé à l'idée dominante du projet de loi, à l'abolition de droits qui fournissent annuellement au trésor une ressource de deux millions, et, dès lors, je me suis demandé s'il m'était permis d'y prêter les mains, d'une façon quelconque

Non, cela ne m'est pas permis. Sans même examiner si les nouveaux impôts sont en eux-mêmes bons ou mauvais, je ne puis fournir au gouvernement les moyens de combler, dans le trésor public, un vide qu'il crée à plaisir. Sur la question de l'impôt foncier et sur la loi de 1828, mon opinion n'a pas changé. Les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte et au dehors n'ont fait que la confirmer.

Aussi, si le gouvernement était venu proposer des changements aux lois d'impôt, dans le but de dégrever les citoyens les moins aisés, s'il nous avait proposé de diminuer, d'abolir même certaines patentes, s'il avait proposé, par exemple, la réduction des droits d'accise sur les bières, ou bien encore la diminution des droits de douane sur le café, je n'aurais pas hésité un seul instant à voter les nouveaux impôts, destinés à combler le vide du trésor ; mais, dans les circonstances où les aggravations d'impôt se produisent, je ne puis mieux caractériser mon opposition au principe même de la loi qu'en rejetant d'une manière absolue toutes les propositions qui nous sont faites.

- L'article 12 est adopté.

Articles 13 et 14

« Art. 13 (nouveau). Les dispositions légales concernant l'assiette, le recouvrement, les réclamations, les poursuites et les privilèges en matière de contributions directes au profit de l'Etat, sont rendues applicables aux impositions provinciales ; toutefois, les rôles sont arrêtés et rendus exécutoires par le gouverneur.

« Les conseils provinciaux peuvent établir, pour assurer la perception des impositions provinciales, des peines qui n'excèdent pas 8 jours d'emprisonnement et 200 francs d'amende. »

- Adopté.


« Art. 14. Les fonctionnaires et employés des contributions directes, douanes et accises, les porteurs de contraintes et les employés assermentés des communes ont qualité pour constater les contraventions aux règlements provinciaux concernant les impositions provinciales. »

- Adopté.

Article 15 (disposition commune)

« Art. 15. Les articles 2, 9,10, 11 et 12 de la présente loi ne seront obligatoires qu'à dater du 1er janvier 1872. »

M. Bara. - J'avais l'intention de proposer à l'article 10 du projet du gouvernement une disposition ainsi conçue :

« L'article 31 de la loi du 21 mai 1819 est abrogé. »

Vous savez, messieurs, qu'en vertu de cet article les notaires ne peuvent passer d'actes pour des commerçants ou des industriels, lorsque ces actes sont relatifs à leur industrie ou à leur commerce, sans exiger la patente et sans en faire mention. De même, dans les actes judiciaires, la mention de la patente doit aussi être faite.

Il résulte de ces obligations de grands inconvénients et des écritures inutiles, Souvent même les particuliers doivent se procurer un double (page 1535) de leur patente pour pouvoir intenter une action judiciaire. Cette disposition avait autrefois quelque valeur, parce que la loi du 1er brumaire an VII confiait le recouvrement des patentes aux receveurs de l'enregistrement, mais il n'en est plus ainsi depuis l'an X de la République, époque à laquelle les receveurs des contributions ont été chargés de la perception des droits de patente.

En France, une disposition analogue, condamnée, du reste, par tous les auteurs, a été abrogée par la loi budgétaire du 18 mai 1850.

Je crois qu'il n'y a aucune utilité à maintenir dans notre pays l'article 31 de la loi de 1819, et puisque l'occasion se présente de le faire disparaître, -e propose à la Chambre de le supprimer.

Il suffirait de dire à la fin de la loi :

« L'article 31 de la loi du 21 mai 1819 est abrogé » ou d'inscrire cette disposition à la suite de l'article 10.

M. le président. - Proposez-vous un article nouveau, M. Bara ?

M. Bara. - Il doit y avoir un second vote, M. le président ; d'ici là, on pourrait examiner où il convient de placer cette disposition, que je propose de voter aujourd'hui.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il ne doit pas y avoir de second vote de l'article auquel- 'honorable membre voudrait rattacher cette disposition, mais on pourrait en faire le second paragraphe de l'article dernier. De cette façon on réaliserait le but auquel je me rallie pour ma part.

- La disposition proposée par M. Bara est mise aux voix et adoptée.


M. de Macar. - Messieurs, j'aurais voulu proposer un amendement ayant pour objet de décider que l'augmentation de l'impôt foncier que consacre le projet de loi ne serait perçue qu'à partir de. 1873. Cet amendement aurait trouvé sa justification complète dans la situation déplorable de l'agriculture dans une grande partie du pays. Il eût été d'autant plus justifiable que lorsque M. le ministre des finances a répondu à l'interpellation que je lui ai adressée dans la séance du 31 mai dernier, il a déclaré que toute une catégorie de cultivateurs, que cependant il reconnaît avoir subi des pertes même considérables, ne jouiraient pas du bénéfice de la loi de 1807.

Il eût donc été très juste et très sage de reculer tout au moins jusqu'en 1873 la mise à exécution de la loi, afin de permettre aux cultivateurs, dont le fonds de roulement va être considérablement réduit par la situation critique des récoltes, de traverser cette crise sans une nouvelle aggravation d'impôts.

Mais, messieurs, je suis parfaitement convaincu qu'un pareil amendement ne serait pas adopté. La droite nous a assez prouvé qu'elle entend voter le projet de loi ne varietur ; je. trouve donc assez inutile de provoquer un appel nominal qui n'aurait d'autre effet que de constater l'unanimité de la droite dans un sens et de la gauche dans un sens contraire.

Je me borne à protester vivement contre la nouvelle aggravation d'impôts qui va peser sur la propriété foncière et à déclarer que, sous aucun rapport, je ne puis me rallier aux propositions du gouvernement.

Je voterai contre le projet de loi.

M. Brasseur. - Les paroles que vient de prononcer l'honorable M. de Macar m'obligent à dire un mot sur le projet de loi au point de vue de l'augmentation de l'impôt foncier.

M. De Lehaye. - On ne peut plus rentrer dans la discussion générale !

M. le président. - Je ne puis, en effet, vous accorder la parole que sur l'article 15 et sur l'amendement de M. Bara.

M. Brasseur. - Je n'ai que deux mots à dire comme justification de mon vote.

J'ai, en plusieurs circonstances déjà établi que la propriété foncière paye en Belgique 6 7/10 p. c. du revenu cadastral, soit 4 p. c. du revenu réel. J'ai établi, en même temps, que le commerce et l'industrie ne payent, proportion gardée, que fort peu de chose, en tout cas beaucoup moins que la propriété foncière. Eh bien, je déclare que, s'il y avait dans le projet de loi une augmentation de l'impôt foncier, je n'hésiterais pas à le repousser de toutes mes forces. (Interruption.) Mais il n'en est absolument rien.

M. Tesch. - Allons-nous recommencer la discussion ?

M. Muller. - Nous demanderons tous la parole.

M. le président. - Je rappelle de nouveau que l'article 15 et l'amendement qui s'y rattache sont seuls en discussion.

M. Brasseur. - Je tenais seulement à établir mon opinion sur ce point.

M. Muller. - Il ne doit pas y avoir de privilège pour M. Brasseur.

M. Brasseur. - Je ne demande pas de privilège ; je tenais seulement à établir que le projet de loi ne consacre pas d'aggravation d'impôt foncier.

M. de Macar. - Eh bien, nous ne pouvons pas vous laisser dire cela sans avoir le droit, à notre tour, de prouver qu'il y a une aggravation réelle.

M. le président. - Quelqu'un demande-l-il encore la parole sur l'article 15 ?

M. Vermeire. - Je demande la parole.

- Voix à droite. - Non ! non !

- L'article 15 est mis aux voix avec l'amendement de M. Bara et adopté.

Second vote et vote sur l’ensemble

M. le président. - Plusieurs amendements ont été adoptés ; demande-t-on que le second vote soit remis à une autre séance.

- Voix diverses. - Non ! non !

M. le président. - Nous passons donc au second vote.

- Les amendements votés au premier vote sont définitivement adoptés.


Il est procédé au vole par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

84 membres y prennent part..

54 répondent oui.

30 répondent non.

En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui :

MM. de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Gerrits, Hayez, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coomans, Coremans et Thibaut. Ont répondu non :

MM. Dansaert, David, de Baillet-Latour, De Fré, de Lexhy. De Lhoneux, de Macar, Demeur, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Funck, Guillery, Hagemans, Jamar, Jottrand, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Mascart, Muller, Rogier, Sainctelette, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Anspach, Balisaux, Bara et Bricoult.

Ordre des travaux de la Chambre

M. le président. - Le second objet à l'ordre du jour est l'interpellation sur l'affaire de Rochefort ; mais, d'après ce qui a été entendu, cette interpellation aura lieu mardi prochain après la nomination d'un conseiller à la cour des comptes.

La Chambre pourrait s'occuper maintenant du projet de loi relatif à l'érection de la commune d'Aisemont.

M. de Macar. - Je ferai remarquer que M. le ministre de l'intérieur n'est pas présent à la séance, et que l'honorable M. Bergé, qui a l'intention de prendre part à la discussion de ce projet de loi, vient de sortir pour chercher le dossier qui y est relatif.

En attendant, nous pourrions nous occuper du projet de loi relatif à la création d'un nouveau canton de justice de paix, avec Dison pour chef-lieu. Ce projet de loi ne donnera pas lieu, je pense, à discussion et nous pourrons, après cela, aborder d'une manière sérieuse le projet de loi relatif à l'érection de la commune d'Aisemont.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il n'y a pas d'inconvénient à adopter la proposition de M. de Macar.

M. Guillery. - Je pense, messieurs, qu'en attendant la présence de M. le ministre de l'intérieur et de M. Bergé, nous pourrions procéder au vote d'un projet de loi relatif à des demandes de naturalisation.

Cette opération ne demandera pas beaucoup de temps et il y aurait un véritable déni de justice à ne pas statuer sur ces demandes.

M. Moncheur. - Messieurs, je regrette infiniment que M. Bergé ne soit pas présent.

M. de Macar. - Il va revenir.

M. Moncheur. - Dans ce cas, je demande que la discussion du projet de loi relatif à la commune d'Aisemont soit abordée immédiatement après le retour de M. Bergé.

M. Simonis. - Puisque la discussion du projet de loi relatif à la commune d'Aisemont ne peut pas être commencée immédiatement, je pense que (page 1536) la Chambre doit adopter la proposition de M. de Macar, et voter en ce moment le projet de loi relatif à la création d'un nouveau canton de justice de paix, avec Dison comme chef-lieu, qui, comme M. de Macar l'a dit, ne peut pas donner lieu à beaucoup de discussion.

- La proposition de MM. de Macar et Simonis est adoptée.

Projet de loi créant un nouveau canton de justice avec Dison comme chef-lieu

Discussion des articles

Articles 1 à 3

La discussion générale est ouverte ; personne ne demandant la parole, la Chambre passe à la discussion des articles.

« Art. 1er. Les communes de Dison, d'Andrimont, de Petit-Rechain et de Grand-Rechain sont distraites, les trois premières du canton judiciaire de Limbourg, la dernière du canton judiciaire de Verviers,.et forment un nouveau canton de justice de paix avec Dison pour chef-lieu. »

- Adopté.


« Art. 2. La commune d'Heusy est distraite du canton judiciaire de Limbourg et réunie au canton judiciaire de Verviers. »

- Adopté.


« Art. 3. Par modification au tableau annexé à loi du 29 février 1860, contenant la nouvelle répartition des conseillers provinciaux, il est attribué au canton de Dison deux conseillers et au canton de Limbourg un conseiller. »

- Adopté.

Articles 4 à 6 (dispositions transitoires)

« Art. 4. Les notaires de résidence a Limbourg et à Henri-Chapelle continueront, à titre personnel, d'instrumenter dans les communes distraites du canton de Limbourg et réunies aux cantons de Dison et de Verviers.

« Et réciproquement, les notaires de résidence à Dison continueront, à titre personnel, d'instrumenter dans les communes attribuées aux cantons de Limbourg et de Verviers.

« Les notaires de résidence à Heusy et à Olne continueront, à titre personnel, d'instrumenter, le premier exclusivement dans la commune de sa résidence et les autres communes de l'ancien canton de Limbourg, et le second dans la commune de Grand-Rechain. »

- Adopté.


« Art. 5. Les causes régulièrement introduites avant la mise en vigueur, de la présente loi seront continuées devant le juge qui en est saisi. »

- Adopté.


« Art. 6. Les conseillers provinciaux actuellement en exercice représenteront jusqu'à l'expiration de leur mandat les deux cantons réunis de Limbourg et de Dison. En cas de vacance d'un siège au conseil provincial avant ce terme, il sera procédé à l'élection d'un nouveau conseiller par les électeurs des deux cantons réunis au chef-lieu du canton de Limbourg. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

81 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence le projet de loi est adopté, il sera transmis au Sénat.

Ont répondu :

MM. Dansaert, David, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, Demeur, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Dupont, Funck, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jamar, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Lefebvre, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Magherman, Mascart, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Rogier, Royer de Behr, Santkin, Schollaert, Simonis, Snoy, Tesch, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux, Bara, Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Bricoult, Coomans, Coremans et Thibaut.

Projets de loi de naturalisation ordinaire

La Chambre adopte successivement, par assis et levé, les projets de lois de naturalisation ci-après :

« Léopold II, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Antoine-Hubert Grossart, coiffeur & Liège, né à Maestricht, le 20 février 1816, tendante à obtenir la naturalisation ordinaire ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;

« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par l'article 5 de ladite loi ;

« Les Chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Antoine-Hubert Grossart. »

La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs :

Herman Simons, cabaretier et jardinier, né à Maestricht (duché de Limbourg), le 10 germinal an XI, domicilié à Tongres.

Joseph-Jean-Baptiste-Désiré Marion, propriétaire et hôtelier, né à Ostende, le 7 septembre 1832, domicilié à Ostende.

Guillaume Bernays, avocat, né à Coblence (Prusse), le 13 février 1848, domicilié à Anvers.

Jean-Nicolas Kempeners, tailleur, né à Heer (duché de Limbourg), le 5 décembre 1805, domicilié à Louvain.

Chrétien-Charles-Hubert Boisserée, propriétaire, né à Cologne, le 12 septembre 1845, domicilié à Vollezeele (Brabant).

Martin-Auguste Hardy, professeur, né à Brandeville (France), le 18 avril 1815, domicilié à Bruxelles.

Joseph-Marie Romyn, capitaine de navire de commerce, né à Dunkerque (France), le 4 novembre 1815, domicilié à Ostende.

Guillaume-Edouard Langohr, instituteur communal, né à Kohlscheid (Prusse), le 4 août 1828, domicilié à Montzen (province de Liège).

Michel Van Aubel, brasseur et distillateur, né à Maestricht (duché de Limbourg), le 27 mars 1828, domicilié à Lanaeken (province de Limbourg).

Laurent Rietzerveidt, marchand tailleur, né à Maestricht (duché de Limbourg), le 14 juin 1821, domicilié à Liège.

Auguste-Alfred Meurant, banquier, né à Paris (France), le 18 décembre 1844, domicilié à Frameries (Hainaut).

Gilles Ploumen, adjudant sous-officier au 4ème régiment d'artillerie, né à Maestricht (duché de Limbourg), le 4 octobre 1829.

Nicolas Koenig, relieur et commerçant, né à Heffingen (grand-duché de Luxembourg), le 1er décembre 1829, domicilié à Odeigne (province de Luxembourg).

Joseph-Georges Mathieu, sergent-major au 6ème régiment de ligne, né à Differdange (grand-duché de Luxembourg), le 19 février 1847.

Nicolas Plein, géomètre, né à Bollendorf (Prusse), le 26 janvier 1832, domicilié à Fooz (province de Namur).

Ludovic-Christian Duployer, garde particulier, né à Caumont (France), le 24 septembre 1846, domicilié à Ellignies-Sainte-Anne (province de Hainaut).

Ernest-Claude-Emmanuel Boost, receveur au chemin de fer du Nord-Belge, né à Baexem (duché de Limbourg), le 30 juin 1835, domicilié a Liège.

Alexandre Carpentier, propriétaire cultivateur, né à Beaurieux (France), le 3 août 1817, domicilié à Grand-Rieu (province de Hainaut).

Robert Stoht, fabricant de cuirs, né à Goldenberg (Prusse), le 2 février 1833, domicilié à Bruxelles.

Nicolas Wampach, cultivateur, né à Mecher (grand-duché de Luxembourg), le 25 septembre 1828, domicilié à Marcourt (province de Luxembourg).

Théophile-Antoine Clasen, surveillant à l'athénée royal, né à Grevenmacher (grand-duché de Luxembourg), le 9 septembre 1830, domicilié à Bruxelles.

William Chapman, commissionnaire en fruits, né à Walsoken (Angleterre), le 17 juin 1827, domicilié à Anvers.

- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ces projets de lois.

69 membres y prennent part.

Tous répondent oui.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

Ont pris part au vote :

MM. Dansaert, de Baillet-Latour, de Clercq, De Fré, de Haerne, Delaet, De Lehaye, de Lhoneux, de Macar. Demeur. de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, Descamps, d« Smet, Dethuin, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dupont, Gerrits, Guillery, Hagemans, Hayez, Jacobs, Janssens, Jottrand, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lescarts, Magherman, Mascart, Moncheur. Mulle de Terschueren, Muller, Notelteirs, Pety de Thozée, Reynaert, Rogier, Boyer de Behr, Schollaert, Simonis, Snoy, Tesch, Thienpont, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Humbeeck, Van Wambeke, Vermeire, Verwilghen, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux, Bara, Biebuyck, Brasseur, Bricoult, Coremans et Thibaut.

Projet de loi relatif à la concession ferroviaire de Tirlemont par Diest au camp de Beverloo

Dépôt

(page 1537) M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Messieurs, au nom du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à concéder un chemin de fer de Tirlemont par Diest au camp de Beverloo avec raccordement au chemin de fer en exploitation de Hasselt à Eyndhoven.

- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de ce projet de loi qui sera imprimé et distribué.

- M. Vander Donckt remplace M. Thibaut au fauteuil de la présidence.

Projet de loi érigeant la commune d'Aisemont

Discussion générale

M. Bergé. - Messieurs, la création de communes nouvelles est une chose évidemment grave et qui mérite l'attention du législateur.

Jusqu'ici cette tendance trop grande, que l'on a pu remarquer, de diviser les territoires des communes est illimitée en quelque sorte.

On décentralise ; mais, en décentralisant, on fait mauvaise besogne et l'on crée souvent des communes qui n'ont pas les caractères essentiels que devraient présenter les communes.

Les articles 151 et 152 de la loi communale sont muets sur les conditions nécessaires à la constitution des communes indépendantes.

Cependant tout le monde doit être d'accord qu'il n'y a pas de bonne administration possible sans les éléments indispensables, c'est-à-dire, la population et les ressources financières.

Eh bien, si l'on examine les différentes communes du pays, on arrive à ce résultat que la moitié de nos communes n'ont pas une population de 1,000 âmes, qu'un quart n'ont pas 500 habitants.

J'en pourrais facilement faire l'énumération, si je ne craignais d'abuser des moments de l'assemblée.

Il y a dix ans, on comptait cinq communes ayant moins de 100 habitants ; aujourd'hui, on en compte six, dont une n'a plus que 18 habitants.

On ne trouve pas moyen, dans ces communes, d'exécuter l'article 9 de la loi communale, qui veut qu'il y ait au moins dans un collège électoral 25 électeurs ; car on n'y trouve pas 25 personnes payant 15 francs d'impositions directes. On n'y trouve pas même de quoi compléter le collège électoral en appelant, à titre d'électeurs, tous les individus majeurs domiciliés dans la commune. 319 communes du pays ne comptent pas 25 électeurs censitaires payant 15 francs d'impôts ; 19 ne comptent qu'un seul électeur pour les Chambres législatives et les conseils provinciaux, 3 n'ont pas un seul électeur pour les Chambres et la province.

Si nous nous trouvions dans d'autres circonstances, si je n'étais pas appelé à parler le dernier jour de la semaine, quand les membres de la province ont hâte de retourner chez eux et, à la fin d'une session, quand la Chambre tout entière est un peu fatiguée, je pourrais fournir à l'assemblée certains renseignements que tout le monde pourrait se procurer, mais que tout le monde ne recherche pas, renseignements d'où il résulte que quantité de communes en Belgique ont des ressources financières ridicules.

Plusieurs de ces communes sont ce qu'on pourrait dire des communes lilliputiennes ; ainsi, pour citer quelques exemples pris entre un très grand nombre, la commune de Zoetenaye consacre 36 francs pour l'enseignement, 31 francs pour le culte et 10 francs pour les dépenses extraordinaires, telles que fêtes et réjouissances publiques.

D'après l'article 4 de la loi communale, il doit y avoir 5 conseillers, mais comme il n'y a que quatre maisons, il n'y a que 5 électeurs. En 1862, il y avait 5 conseillers à élire dans cette bonne commune de Zoetenaye et l'un des trois électeurs a été empêché de se rendre au scrutin, de telle sorte qu'il n'y a eu que 2 électeurs pour élire 5 conseillers ; heureusement il y a eu entente, ce qui a évité un scrutin de ballottage. (Interruption.)

Toutes ces petites communes absorbent les fonctionnaires de la province ; elles donnent plus de travail à l'administration centrale que toutes les grandes communes réunies.

Ces petites communes qui absorbent relativement d'énormes frais d'administration ne présentent cependant qu'un triste aspect ; la maison communale qu'est-elle ? La chambre d'un cabaret ; l'école, s'il y a une école, est un réduit impossible ; l'instruction y est dérisoire et les lois, les règlements et arrêtés sont véritablement lettres mortes pour ces communes.

Ainsi vous venez d'entendre ce qui se rapporte à la commune de Zoetenaye. Mais il y en a d'autres, comme par exemple la commune de Neerglabbeek qui a 187 habitants ; elle ne donne pour l'instruction publique que 14 francs ; c'est là, on l'avouera, un chiffre vraiment ridicule. On a dû introduire dans la loi communale, pour assuré le fonctionnement des services dans ces communes, ure disposition spéciale. C'est pour ces communes qu'on a autorisé les personnes étrangères à la commune à faire partie du conseil.

L'application des lois dans toutes ces communes est véritablement dérisoire, quanti elle n'est pas odieuse. Figurez-vous le tirage au sort de la milice : Pendant deux années il n'y a pas lieu d'appeler un seul citoyen de la commune, mais à un moment donné que se présente-t-il ? C'est qu'il y a un seul individu inscrit et que l'on doit faire un tirage au sort pour un citoyen.

- Un membre. - Cela n'existe plus.

M. Bergé. - Cela s'est présenté jusque dans ces derniers temps et cela prouve, comme je le disais, que l'application des lois dans ces communes a dû donner lieu à des abus réels et exposer le pouvoir civil au ridicule.

Et maintenant si l'on recherche de quoi se composent ces petites communes, qu'y trouve-t-on ? Quelques chaumières, quelques misérables habitations, occupées par des terrassiers, des cultivateurs, des cabaretiers, et si, par hasard, il s'y rencontre un individu ayant une position un peu supérieure à celle des autres habitants, on comprend sans peine combien doit être grande l'influence qu'il exerce sur eux.

La vie politique est nulle dans ces petites communes ; l'individu absorbe tout. C'est ce qui permettait à M. le comte Vilain XIIII de dire, dans la séance du 6 février 1836, que lorsque, dans une commune, il y a un individu, souvent le plus riche, qui y exerce une trop grande influence, cet individu dispose seul de la composition de l'administration communale.

La vie politique n'y existe pas parce qu'elle se trouve absorbée par une ou deux individualités qui en disposent à leur gré et à leur profit.

Et, messieurs, qu'on ne vienne pas invoquer, en faveur de la création de ces nouvelles communes, des considérations d'éloignement ; car si l'on examine la situation de la plupart d'entre elles ; on constate que généralement elles sont assez rapprochées de grands centres de population.

Je pourrais démontrer par des chiffres réellement remarquables combien la vie politique fait défaut dans ces communes, combien, en temps d'élection, la vie électorale y fait défaut. Ainsi, dans des communes qui comptent 36, 40, 50 électeurs communaux, on ne voit paraître, - cela résulte de documents officiels, - qu'un nombre d'électeurs parfois inférieur à celui des conseillers à élire ; dans tous les cas, un nombre d'électeurs tout à fait insignifiant.

Ainsi, dans la commune de Barvaux, sur 43 électeurs inscrits, on a vu 3 votants pour élire 3 conseillers ; à Gondregnies, 5 votants pour 3 conseillers à élire ; à Magnée, 9 votants pour 3 conseillers ; à Ehein, 5 votants pour 3 conseillers.

Cela prouve suffisamment, je pense, qu'il n'y a aucune espèce de vie politique dans ces communes.

Si maintenant je me demande ce que sont les dépenses administratives dans ces communes, je constate qu'elles y sont très considérables par tête d'habitant.

Ainsi, messieurs, dans la commune de Niverlée, les frais d'administration s'élèvent à 9 fr. 50 c. par tête d'habitant ; à Vaucelles, ils s'élèvent à 11 francs ; et à Zoetenaye, ils s'élèvent à 15 francs. Eh bien, prenez au contraire les budgets de localités ayant réellement les caractères constitutifs de la commune et vous constaterez que, dans les communes des environs de Bruxelles et dans la plupart des communes des Flandres, les frais d'administration ne représentent qu'un à 2 francs par tête d'habitant.

Il y a beaucoup de localités très importantes, Bruxelles, par exemple, où, malgré les charges énormes qu'elle a à supporter comme capitale, les frais d'administration proprement dits ne s'élèvent qu'à 2 fr. 70 c par tête d'habitant, et à 8 francs, en y comprenant le service de l'éclairage et le service des pompiers et des fontainiers.

Et cependant, messieurs, malgré cette disproportion considérable, on ne dépense, dans ces petites communes, que des sommes dérisoires pour l'instruction publique, pour le secrétaire communal, pour tous les services en général.

Une observation qui n'est pas sans importance pour la création de ces communes nouvelles, c'est que, si l'on persiste dans ce système de subdivisions territoriales ; si l'on continue à ériger en communes les moindres hameaux qui ont profité de la vie de la commune mère, on finira par paralyser complètement le développement des points extrêmes du territoire communal. Et, en effet, n'est-il pas à prévoir que les communes possédant des hameaux se diront que si la population s'y accroît quelque peu, si la vie publique s'y manifeste quelque peu, elles seront bientôt exposées à une mutilation ?

(page 1538) Cela dit, examinons si la commune d'Aisemont satisfait à ces conditions, car enfin je ne veux pas venir prétendre qu'il ne faille pas créer de communes nouvelles. Dans cette session même, j'ai donné mon assentiment à la création d'une commune, parce que celle-là se trouvait dans des conditions parfaitement régulières ; parce qu'elle avait une population importante, qu'elle se trouvait séparée de la commune-mère d'une façon toute spéciale, et enfin qu'elle avait les éléments indispensables pour assurer son avenir.

Mais pour la commune d'Aisemont, je ne trouve réunis aucuns des caractères que l'on doit considérer comme étant indispensables pour la création d'une commune nouvelle.

Le budget de la future commune d'Aisemont se trouve être insignifiant et se résume en une somme de 1,847 francs de recettes et de 2,470 francs de dépenses, c'est-à-dire qu'à sa naissance même, nous trouvons déjà un budget de dépenses plus considérable que la prévision des recettes.

Je sais qu'on a critiqué le budget ; on a dit que ce budget est fictif, que, présenté par la ville de Fosses, dont Alsemont est un hameau, il est exagéré au point de vue des dépenses.

Voyons s'il en est ainsi. Il suffit d'examiner quelques chiffres.

Les traitements du bourgmestre, des échevins et du desservant sont indiqués au budget ; quel est le montant de ces traitements ? 100 francs pour le bourgmestre, 100 francs pour les échevins et 200 francs pour le desservant.

Le subside pour l'école est fixé, dans le budget simulé, à 1,318 francs, et la ville de Fosses dépensait déjà 1,420 francs pour l'école.

Il y a 5 francs pour le chauffage de la salle des séances du conseil communal.

Il n'y a rien pour l'entretien des sourds-muets et des aveugles.

Il n'est rien prévu dans le budget pour la voirie vicinale, rien pour le curage des ruisseaux, rien pour l'entretien des pompes d'incendie, rien pour une foule d'autres services.

Et cependant il est impossible qu'il ne se produise pas dans la vie du hameau d'Aisemont, transformé en commune, les divers besoins que je viens d'énoncer ; qu'il n'y ait pas un enfant trouvé à placer, un aveugle ou un sourd-muet à entretenir ; qu'il n'y ait aucune dépense de voirie à faire ; enfin, qu'il n'y ait pas une quantité de dépenses de détail qu'il faudrait porter au budget et qui ruineraient la commune nouvelle.

D'un autre côté, la commune-mère de Fosses n'a qu'une très faible population, et par conséquent, nous ne voyons pas du tout la nécessité de lui enlever un hameau, alors que ce hameau n'a lui-même qu'une population très faible.

La population de Fosses est de 3,700 et quelques habitants. Le nombre des électeurs communaux, d'après l'ancienne loi, était de 238 et le nombre des électeurs pour les Chambres, de 91.

Eh bien,- dans ces conditions, y a-t-il véritablement lieu d'aller amputer cette commune-mère ?

Est-ce que la commune de Fosses fait des dépenses exorbitantes, alors qu'elle négligerait le hameau d'Aisemont ? Pas du tout. Elle consacre 1,420 francs à l'école d'Aisemont. Elle ne consacre que 425 francs au traitement du bourgmestre et des échevins ; elle ne donne que 512 francs de traitement à son secrétaire communal.

Aisemont n'a qu'une population de 500 et quelques habitants. C'est un hameau où il n'y a aucune industrie, où il n'y a aucun avenir en perspective. Ce groupe d'habitants se compose exclusivement de petits cultivateurs dépourvus en quelque sorte de toute instruction ; et par conséquent non seulement ce hameau n'offre pas immédiatement et actuellement les conditions indispensables pour être érigé en commune distincte, mais il y a plus : il n'y a pas de gages pour l'avenir ; il n'y a pas de gages de prospérité. La commune d'Aisemont sera plus tard, selon toutes les apparences, ce qu'elle est encore aujourd'hui.

Voilà longtemps que cette demande de séparation a été produite, que, poussé par certain esprit mesquin, un petit groupe d'habitants d'Aisemont a demandé cette séparation. Cette demande s'est reproduite à différentes reprises, mais sans succès. Et on le conçoit, on ne trouve pas dans ce hameau des conditions de développement réel ; on n'aperçoit aucune cause qui puisse assurer ce développement. à n'y a donc pas lieu de faire de ce hameau une commune distincte.

D'ailleurs nous ne devons jamais songer à ce que sera une commune dans l'avenir. Quand on crée une commune distincte on doit voir quels sont, dans le moment présent, et sa population et ses ressources. Sinon, on peut être entraîné à commettre des erreurs. Nous ne devons créer de communes distinctes que lorsqu'elles satisfont à toutes les conditions voulues et, pour me servir d'une expression qui a été employée par un des honorables présidents de cette assemblée, l'honorable M. de Naeyer, je suis d'avis qu'il ne convient de donner un état civil à une commune qu'après sa naissance et non avant.

On a dit que le hameau d'Aisemont se trouvait éloigné de la commune de Fosses de 3,700 mètres, que cette distance était considérable.

Mais, messieurs, c'est ce qui se présente dans la plupart des communes ; c'est ce qui se présente notamment pour différents hameaux situés autour de Fosses, et si aujourd'hui vous accordez aux habitants d'Aisemont l'érection de leur hameau en commune distincte, demain les habitants de ces différents hameaux qui entourent la ville de Fosses viendront, et à plus forte raison, réclamer la séparation ; car ils sont au moins aussi éloignés de la commune principale et ont une population aussi considérable. Bambois, par exemple, se trouve posséder une population analogue à celle d'Aisemont et présente des conditions de prospérité égales. Par conséquent, ce que vous accorderez aujourd'hui à l'un, vous devrez l'accorder demain à l'autre.

C'est précisément parce que le hameau d'Aisemont n'offrait, en aucune façon, des garanties de prospérité et de développement que, dans plus d'une circonstance, l'autorité supérieure consultée n'a pas hésité à émettre un avis défavorable. On a dit d'Aisemont que si on l'érigeait en commune distincte, elle n'aurait qu'une chétive existence. Ces paroles, employées par le commissaire d'arrondissement, sont parfaitement vraies.

On a parlé des pétitions envoyées à la Chambre et demandant la séparation. Mais, d'autre part, vous savez qu'il y a eu un contre-pétitionnement. On a beaucoup discuté pour savoir si le nombre de ceux qui demandent l'érection d'Aisemont en commune et le nombre de ceux qui combattaient cette érection s'équilibraient. On a recherché la validité de certaines signatures. Je n'examinerai pas ces chiffres, parce que je pense que pour l'érection d'une commune, jamais on n'a eu recours à un plébiscite ; jamais on n'a appelé les habitants de la commune à se prononcer pour ou contre la séparation, parce qu'on sait que les habitants appelés à signer de pareilles pétitions cèdent souvent à des moyens d'intimidation ou se rendent peu compte de ce qu'ils signent, et si cela est vrai en thèse générale, cela est surtout vrai pour le cas qui nous occupe. Car nous voyons des pétitionnements s'établir dans un sens opposé. Les pétitions portent les noms de personnes qui ne savent ni lire, ni écrire, ni même signer. Bien plus, des personnes signent une pétition et le lendemain elles signent une pétition en sens contraire. Elles disent blanc aujourd'hui et noir le lendemain, ne sachant pas de quel côté elles doivent tourner.

Ceux qui demandent la séparation de la commune d'Aisemont se livrent à l'appréciation de la valeur des signatures de ceux qui combattent cette séparation.

Dans plusieurs circonstances, nous avons vu des pétitionnements organisés pour demander des séparations de territoire, et si l'on examinait ce qui s'est passé pour les communes des environs de Bruxelles, on serait réellement surpris de tous les pétitionnements de ce genre qui se sont produits en sens opposé. Ainsi on a vu, dans certains cas, les habitants de la commune-mère demander la séparation de parties qui faisaient sa prospérité. Le cas s'est présenté pour Schaerbeek.

Les fermiers de Schaerbeek, les habitants de la partie rurale, voyant les belles constructions qui s'élevaient dans la rue Royale et aux environs, et comprenant que l'influence de la partie rurale serait absorbée par celle de ces citadins, demandèrent la séparation, On vit donc alors un pétitionnement se produire dans un sens contraire aux intérêts de la commune. Allez demander aujourd'hui aux habitants de Schaerbeek s'ils soutiendraient encore une pareille proposition. Evidemment ils vous diraient non. Mais il y avait là certains intérêts particuliers qui venaient primer l'intérêt général.

Je laisse donc de côté le pétitionnement et le contre-pétitionnement. Si l'on peut discuter la valeur des signatures d'un côté, on peut aussi contester la valeur des signatures du côté opposé.

Mais dans la question de la commune d'Aisemont, nous voyons une individualité qui joue un très grand rôle, et je ne m'occuperais pas ici de cette individualité, si, dans toutes les pièces que j'ai eu occasion d'examiner au sujet de l'érection de la commune d'Aisemont, cette personne ne s'était mise tellement en évidence, n'avait joué un tel rôle qu'il est impossible de ne pas la mettre en cause.

Comment pourrais-je qualifier cette personne ? Je ne dirai pas un des habitants d'Aisément, il n'habite pas ce hameau, mais le futur bourgmestre, le candidat bourgmestre de la commune d'Aisemont.

- Un membre. - Le bourgmestre en herbe.

M. Bergé. - Ce bourgmestre en herbe, comme on le dit, qui vient se dévouer pour ses concitoyens, c'est M. Lambot. Il accuse Fosses (page 1529) d'avoir voulu donner à Aisemont « une église telle que les impies n'en voudraient pas pour leurs idoles, » et dans les différentes pièces à l'appui de la séparation, on voit toujours figurer des éloges très grands en l'honneur de M. Lambot.

Ainsi la commune de Fosses fait des propositions au hameau d'Aisemont si elle renonce à la séparation ; M. Lambot s'empresse de répondre à l'administration de Fosses, dans le joli style que voici :

« II est bien temps, après avoir foulé aux pieds les réclamations des parents qui demandaient de sauvegarder la santé de leurs enfants, celles de la morale et de l'hygiène, qui réclament aussi des lieux d'aisances ! »

Cette phrase, messieurs, dénote le bon goût et l'instruction de M. Lambot, le grand promoteur de la séparation.

Du reste, toutes les pièces qui émanent de M. Lambot sont conçues avec le même goût. La commune de Fosses déclare la séparation anti-économique ; M. Lambot lui répond : « Si vous voulez des économies, gérez avec désintéressement. » Et il ajoute : « Voyez-vous, messieurs, le désintéressement fossois ! Il voulait forcer les habitants à porter leurs morts à 4,500 mètres pour nourrir leur commerce ! »

Cette phrase démontre parfaitement l'esprit tout à fait mesquin qui a présidé à la protestation, et elle démontre encore que M. Lambot, qui joue le plus grand rôle dans la demande d'érection d'Aisemont, n'est pas même l'homme offrant toutes les qualités pour pouvoir gérer convenablement la commune.

Ainsi, pour vous donner une idée de ce que cet administrateur futur est en état de faire, voici un fait qui n'est pas contestable. M. Lambot voulait avoir un cimetière, et cela précisément pour empêcher les Fossois de se nourrir de leurs cadavres, comme il le dit... (Interruption.)

Et que fait-il ? Il appelle les paysans et il fait immédiatement installer un cimetière. Cela n'est pas plus difficile que cela. Quelques habitants de l'endroit sont convoqués et le cimetière est installé ; il s'inquiète assez peu des lois ; il s'inquiète assez peu des formalités à remplir en pareille matière.

Il agit déjà aujourd'hui comme il ne pourrait pas le faire s'il était bourgmestre. Mais il n'est pas encore bourgmestre, la commune même n'est pas érigée et, de son autorité privée, il constitue un cimetière et cela dans un endroit très peu convenable.

Mais enfin l'endroit eût-il été très convenable, il est évident que c'était un acte contraire à la législation qui régit cette matière.

Cela donne une idée de ce que M. Lambot pourrait faire s'il était à la tête de l'administration.

On a reproché à M. Lambot, signataire de la demande de séparation, de n'être pas même un habitant de la commune, et à cela il répond : « C'est momentanément que j'habite une partie du temps la ville de Binche (vous voyez qu'il avoue lui-même que, momentanément, il n'habite pas Aisemont), mais ma maison d'Aisemont reste et restera ma demeure ordinaire, où j'espère finir mes jours, et même en attendant je suis à la disposition des électeurs et du roi pour y remplir telles fonctions administratives qu'il leur plaira de me confier dès que la nouvelle commune sera érigée. J'ai en outre un fils qui, j'espère, me succédera et sera, comme moi, tout dévoué aux intérêts de la commune. »

Vous voyez comme il est prévoyant !

M. Lefebvre. - Mais cela ne regarde pas la Chambre ; qu'est-ce que cela nous fait ?

M. Bergé. - Ce que cela nous fait ? Cela nous fait ceci : c'est que dans la commune d'Aisemont il n'y a absolument qu'un seul homme, celui qui a joué un grand rôle pour la demande de séparation et qui l'a poursuivie depuis des années, il n'y a qu'un seul homme qui signe comme candidat bourgmestre, il n'y a qu'un seul homme qui possède une certaine instruction et qui pourrait à la rigueur remplir ces fonctions, et celui-là, c'est celui dont je viens de vous faire connaître la prose, les tendances et les actes arbitraires.

Or, quand on veut créer une commune, on doit savoir qui administrera : l'administration d'une commune ne peut pas être laissée entre les mains d'un seul homme ; il faut qu'il y ait plusieurs personnes qui soient capables de prendre le gouvernail et d'empêcher, par leur influence, la production d'actes contraires aux lois.

Eh bien, que voyons-nous ? Nous voyons qu'il n'y a personne, puisqu'il n'y a qu'un candidat volontaire et que ce candidat lui-même ne possède certainement pas les conditions requises.

M. Lambot apprécie, à propos de la pétition qui repousse la séparation, la valeur des signataires ; il examine, il fait une petite inquisition pour connaître le caractère de l'une et l'autre signatures ; il apprécie quelle doit en être la valeur en disant que celui-ci est un bon garçon, celui-là une mauvaise tête, etc.

Voilà de quelle façon il veut administrer ; mais lorsqu'on recherche quels sont les arguments qu'il veut faire valoir en faveur de l'érection de la commune d'Aisemont, on n'en trouve pas : une population à peine suffisante pour légitimer l'érection d'une nouvelle commune ; une population qui ne possède en elle-même aucun élément de prospérité et d'avenir, un budget communal insuffisant. Les dépenses de la commune qui n'est pas encore érigée seront, selon toutes probabilités, de beaucoup supérieures au chiffre des recettes.

Cela n'est, du reste, pas contesté ; M. Lambot lui-même prévoit cette situation, et qu'ajoute-t-il : c'est que, le jour où il y aura un déficit, il sera là pour le combler.

Mais peut-on, en définitive, ériger une commune alors qu'elle n'a pas les moyens d'existence ? Evidemment non : ce n'est pas ainsi que le législateur doit agir.

Je vois donc, pour ma part, de très sérieux inconvénients à l'érection de la commune d'Aisemont.

Ces inconvénients, je les ai signalés tout à l'heure ; c'est un découragement à toutes les communes-mères qui seraient disposées à développer les hameaux extrêmes.

C'est la prépondérance d'une ambition, la prépondérance de certains intérêts qui ne devraient jamais dominer dans une commune.

Ces inconvénients nombreux ne sont compensés ici par aucun avantage sérieux, et j'attends mes contradicteurs, certain qu'ils ne trouveront aucune raison puisée dans les éléments que nous fournit le dossier.

M. Brasseur. - Messieurs, l'honorable M. Bergé a fait un récit par trop fantastique de ce qui se passe à Aisemont. Il est évident que si les faits étaient tels que l'honorable membre les a présentés, le doute devrait exister dans l'esprit de tout le monde ; je pense même que tous les membres de cette Chambre devraient voter contre l'érection du hameau d'Aisemont en commune séparée.

Voici, messieurs, la vérité vraie.

L'affaire d'Aisemont a subi l'épreuve de deux instructions très sérieuse». Dans la première, il y à un rapport d'un membre de la députation permanente qui a été faire une enquête sur les lieux mêmes. Ce rapport est favorable à Aisemont. Il y a un rapport de la députation permanente ; ce rapport est favorable. Il y a un vote du conseil provincial. Et savez-vous quel est le résultat de ce vote ? 35 voix pour et 6 contre, et ce qui est à noter, pas un membre du canton de Fosses n'a voté contre.

Il y a ensuite le rapport de M. le gouverneur, qui penche plutôt en faveur d'Aisemont qu'en faveur de Fosses. Je vous laisse juge, dit ce haut fonctionnaire ; je suis contre les petites communes, mais Aisemont a autant de droit que Naninne et Mont que l'on vient d'ériger en communes.

Par contre, je dois dire qu'il y a un rapport du commissaire d'arrondissement qui est contraire aux vœux d'Aisemont et puis naturellement le conseil communal de Fosses.

L'honorable M. Pirmez, qui était alors ministre de l'intérieur, a pensé qu'en présence de ces incertitudes, il convenait d'ordonner une deuxième enquête, et il a eu raison.

Voici, messieurs, les résultats de cette deuxième enquête :

Toutes les autorités qui s'étaient prononcées pour l'érection d'Aisemont ont maintenu leur avis. Il y a eu avis très favorable de la députation permanente ; un rapport circonstancié et très remarquable de M. Delmarmol, chargé de faire une nouvelle enquête sur les lieux.

Vous trouverez, en outre, dans le dossier, un avis favorable de la commission du conseil provincial, et un vote du conseil provincial ; ce dernier vote a eu lieu à l'unanimité des voix, sans opposition aucune. L'échevin de Fosses, lui-même, n'a pas été hostile.

Il y a de plus, messieurs, deux rapports du gouverneur, très concluants et très favorables, et enfin, circonstance à noter, un nouveau rapport du commissaire d'arrondissement qui est plutôt favorable qu'hostile à Aisemont.

De sorte, messieurs, qu'après cette seconde enquête, il n'y a que la commune-mère de Fosses qui soit restée hostile à l'érection de la nouvelle commune : cela se conçoit.

J'ai fait partie de la commission qui a examiné cette question avec le plus grand soin. Nous ne nous sommes pas occupés d'une personnalité qui a été un peu maltraitée par l'honorable M. Bergé ; nous nous sommes placés à un point de vue, au point de vue de l'intérêt général. Mais quant à la personnalité que l'honorable député de Bruxelles a désignée dans cette enceinte, je lui prouverai que M. Lambot est le bienfaiteur de son hameau et, à tous égards, un homme des plus estimables.

(page 1540) Sans doute, messieurs, quand on examine théoriquement et d'une manière générale les inconvénients des petites communes, on peut se livrer à une foule de considérations qui sont on ne peut plus justes ; mais la o de savoir ce que c'est qu'une grande ou une petite commune est avant tout une question de fait dont la solution dépend d'une foule de circonstances, notamment du milieu dans lequel se trouve placé le hameau qu'il s'agit d'ériger en commune.

Voyons donc les faits, c'est-à-dire la situation d'Aisemont. L'analyse de ces faits me donne la conviction que vous adopterez les conclusions de votre commission.

Messieurs, la distance entre le hameau d'Aisemont et la commune-mère de Fosses est de 4 1/2 kilomètres. Ajoutez à cela qu'Aisemont se trouve situé sur une hauteur considérable, de sorte que les communications avec la commune-mère sont des plus difficiles et que les habitants d'Aisemont éprouvent de grands désagréments chaque fois qu'ils doivent poser des faits exigeant l'intervention de l'autorité civile, tels que mariages, naissances et décès. Ce premier point n'est contesté par personne.

Il y a absence complète de police à Aisemont, de sorte que tous les mauvais sujets de Fosses, quand, le soir, ils sont obligés de quitter la commune-mère, se retirent à Aisemont, où ils se réfugient chez un cabaretier qui ne demande pas mieux que le maintien de l'état actuel des choses. C'est encore un point sur lequel toutes les autorités sont d'accord, même le commissaire d'arrondissement qui, cependant, n'est pas très favorable à la séparation.

Il n'hésite pas à déclarer qu'il n'y a pas de police à Aisemont. M. le gouverneur et M. Del Marmol sont du même avis.

Un point qui est également constaté par tout le monde, messieurs, c'est la complète incompatibilité d'humeur entre la commune-mère et la section d’Aisemont. Vous avez, d'un côté, une population exclusivement agricole, de l'autre, une population exclusivement industrielle et commerçante, et, comme je l'expliquerai tantôt, la première est toujours sacrifiée aux intérêts de la seconde.

Un quatrième point, messieurs, qui réfute en même temps l'une des objections faites par l'honorable M. Bergé, quand il a affirmé qu'il y aurait impossibilité de constituer un conseil communal à Aisemont, savez-vous ce que répond le gouverneur, de la manière la plus formelle et la plus catégorique ? « Il y a des personnes instruites et indépendantes à Aisemont pour gérer les affaires communales. »

Je passe à la population..

Il y a, dans le hameau d'Aisemont, d'après les affirmations de toutes les autorités, environ 600 habitants.

Cela est-il suffisant pour constituer une commune ?

Eh bien, messieurs, tout est relatif ; nous nous trouvons dans la province de Namur ; nous devons donc raisonner au point de vue de cette province.

La province de Namur renferme trois arrondissements.

Dans l'arrondissement de Dinant, sur 138 communes il y en a 82 qui n'ont pas 600 habitants.

Par conséquent Aisemont se trouvera dans une position supérieure à celle de plus de la moitié des communes de l'arrondissement de Dinant. Dans l'arrondissement de Namur, sur 121 communes il y en a 59 qui ne comptent pas 600 habitants'.

• Dans l'arrondissement de Philippeville, sur 86 communes il y en a 35 qui n'ont pas une population de 600 habitants.

Je vous le demande, messieurs, pourquoi, en présence d'une pareille situation, refuserait-on à Aisemont ce qu'on a accordé à la moitié des communes de la province de Namur ?

Je passe à un autre ordre d'idées.

L'honorable M. Bergé vous a dit : Mais Aisemont n'a que 1,800 francs de recettes et aura, par contre, 2,500 francs de dépenses ! Il en conclut que l'Etat et la province devront combler le déficit annuel.

Eh bien, l'honorable M. Bergé a fait comme la commune de Fosses. Il a laissé tomber quelques recettes, il a gonflé les dépenses et il est arrivé à un déficit imaginaire.

Mais la réalité dès choses, la voici telle qu'elle a été reconnue par les autorités qui ont fait de cette question une étude spéciale.

Aisemont a droit à sa part dans les revenus communaux, et peut compter, de ce chef, sur un revenu d'environ 2,400 francs, car elle a droit au sixième de ces revenus, et non au huitième, comme l'affirme la commune-mère.

Aisemont a une fondation pour école de 200 francs et de plus une fondation spéciale de 50 francs pour les livres.

Ce n'est pas tout.

L'église a 600 francs de revenu. Ce chiffre est même porté à 800 francs par un membre de la députation.

Enfin, Aisemont a 500 francs au moins pour sa part dans les recettes du bureau de bienfaisance.

Somme toute, messieurs, vous le voyez, Aisemont, érigée en commune, aura une situation que beaucoup de communes pourront lui envier.

Puisqu'on a tant parlé de M. Lambot, qui mériterait des éloges plutôt que le blâme qu'on lui a infligé dans cette enceinte, je dirai que Fosses ferait beaucoup mieux de mettre de l'ordre dans les affaires de son bureau de bienfaisance que d'induire la Chambre en erreur par des indications inexactes.

Le commissaire d'arrondissement lui-même, dont les sympathies pour Fosses ne sont pas un mystère pour ceux qui ont lu le dossier, le commissaire d'arrondissement a vivement blâmé la commune de Fosses qui, depuis 1859, n'a plus rendu les comptes des bureaux de bienfaisance.

Une dernière observation : La commune d'Aisemont a-t-elle les bâtiments qui sont nécessaires à une commune. ? Oui, messieurs ; elle a une église, une maison de cure, une maison d'école et un cimetière.

Et puisque M. Bergé a parlé tantôt des frais occasionnés à la commune-mère au sujet desdits bâtiments, je lui donnerai quelques renseignements inédits qui l'éclaireront sur la manière dont tous ces établissements ont été érigés.

Tels sont les motifs qui ont engagé votre commission à se prononcer à l'unanimité des voix, sauf une, pour l'érection de la commune d'Aisemont, et encore l'opposant de votre commission a basé son opposition sur ce qu'il n'est pas partisan des petites communes.

M. Moncheur. - Il a dit qu'il préférait les communes de 6,000 âmes.

M. Brasseur. - Oui, c'est vrai. J'ai fait remarquer qu'il ne faut pas précisément 6,000 âmes pour qu'une commune fonctionne dans des conditions très régulières, sans quoi la province de Namur tout entière n'aurait pas quatre communes.

Quels sont, messieurs, les soutènements de la commune de Fosses ? Je viens de vous donner les arguments qui ont engagé la commune à voter l'érection ; il est juste que je vous fasse connaître les allégations des adversaires.

La commune de Fosses dit : En constituant de petites communes pour les séparer du centre, où l'instruction est plus répandue, on restreint le développement des connaissances si nécessaires à la moralisation et à l'accroissement du bien-être public !

Vous conviendrez, messieurs, que ce sont là des phrases. Ces phrases n'auraient de valeur que si la jeunesse d'Aisemont allait à Fosses recevoir l'instruction. Mais il n'en est rien. Il y a une école à Aisemont et la jeunesse d'Aisemont, depuis bon nombre d'années, reste à Aisemont.

Un second argument invoqué par la commune de Fosses et qui m'a vivement étonné, je ne le cache pas, c'est qu'il n'y aurait pas unanimité à Aisemont pour la séparation.

L'honorable M. Bergé a reproduit l'argument, mais il n'est pas allé aussi loin que la commune de Fosses. Cette commune a osé dire qu'il y a 26 voix pour la séparation et 22 contre. Il est évident que si une pareille allégation était exacte, il n'y a pas un membre de cette Chambre qui oserait voter l'érection de la commune d'Aisemont. La vérité est que cette affirmation est radicalement fausse.

La vérité est qu'il n'y a que deux ou trois opposants et savez-vous lesquels ? Le cabaretier qui profite de l'absence de police et le garde champêtre qui est sous la dépendance complète du bourgmestre de Fosses. Vous trouverez au contraire dans le dossier une pétition signée de 139 pères de famille qui demandent tous l'érection d'Aisemont en commune distincte.

M. Jottrand. - Les familles ne doivent pas être nombreuses là.

M. Brasseur. - Soit. Je ferai toutefois remarquer à l'honorable membre qui m'interrompt que j'ai précisément reçu hier l'exposé de la situation administrative de ma province. Je l'ai étudié cette nuit, et j'y ai trouvé que, pour les communes rurales, il y a 470 habitants par 100 ménages, ce qui justifie pleinement, pour Aisemont, la proportion de 139 ménages sur 600 habitants.

Je disais donc que l'allégation de la commune de Fosses est en tout point inexacte, et qu'il n'y a que deux ou trois opposants à Aisemont.

Les habitants d'Aisemont ont naturellement protesté contre cette étrange allégation de Fosses qu'il y avait 22 opposants et 26 adhérents. Vérification faite, il se trouve que la pièce émane du secrétaire communal de Fosses, et qu'elle a été transportée à domicile par le garde champêtre qui n'a rien négligé, ni prières, ni menaces, ni roueries pour obtenir des signatures à Aisemont.

(page 1541) Or, une enquête a prouvé que la plupart des prétendus signataires ne savent pas signer et que les croix apposées sur la requête sont fausses.

En troisième lieu, le conseil communal de Fosses dit qu'il n'y a qu'un homme lettré à Aisemont et qu'il a quitté ce hameau sans esprit de retour ; que, par conséquent, il n'y aurait pas moyen d'y constituer une administration.

Je viens déjà de dire que M. le gouverneur a opposé à cette déclaration une déclaration tout à fait contraire. Ce haut fonctionnaire dit qu'il y a à Aisemont des personnes suffisamment capables de constituer un conseil communal. Mais il y a plus : c'est que M. Lambot, dont on a parlé tantôt, a déclaré de la manière la plus formelle que, le jour où Aisemont sera érigé en commune distincte, il y reviendra.

Mais, dit l'honorable M. Bergé, le tout est une intrigue ourdie par M. Lambot, qui désire être bourgmestre ! Elle est vraiment grande cette ambition de vouloir être bourgmestre à Aisemont !

Je ferai remarquer à l'honorable membre que M. Lambot, pour devenir bourgmestre, n'a pas besoin d'intriguer. Il y a de ces noms qui s'imposent au suffrage de leurs concitoyens, grâce à une longue carrière honorablement parcourue, grâce surtout aux bienfaits qu'ils ont répandus autour d'eux. Or, depuis grand nombre d'années, M. Lambot et le desservant sont les bienfaiteurs d'Aisemont, ce sont eux surtout qui ont contribué pour une large part à l'érection des bâtiments publics dont ce hameau est doté.

Quant aux ressources financières d'Aisemont, j'en ai déjà parlé. La commune-mère les a établies d'une manière factice ; elle trouve 2,037 francs de recettes et 3,788 francs de dépenses. De là elle tire la conclusion qu’Aisemont ne pourrait pas vivre ; ce thème vient encore d'être repris par l'honorable M. Bergé. J'ai déjà rencontré cet argument ; je n'ai donc pas à y revenir d'une manière spéciale.

Je me bornerai seulement à relever quelques postes pour convaincre mon honorable contradicteur que la commune de Fosses ne mérite aucune croyance.

Aisemont n'aura que 2,037 francs de recettes. Oui, parce que la commune-mère ne lui attribue qu'un huitième des revenus des immeubles, tandis qu'il lui revient un sixième de ces revenus. Oui, parce qu'elle ne lui attribue que 300 francs sur le fonds communal, tandis qu'il lui reviendra plus du double. Oui, parce qu'elle ne mentionne pas les fondations spéciales de 200 et de 50 francs dont j'ai parlé.

Aisemont aura 3,788 francs de dépenses annuelles ! Oui, parce que la commune-mère porte à 200 francs les traitements du bourgmestre et des échevins, lorsque tout le monde sait que dans les petites communes agricoles ce traitement est de 52 francs. Oui, parce qu'elle alloue 300 francs au desservant ; mais le desservant ne demande rien du tout ; il a même payé de sa poche des sommes considérables dans l'intérêt de son hameau. Oui, parce qu'elle donne 50 francs à un employé de l'état civil, comme si dans une commune de 600 habitants il était d'usage de payer spécialement un officier de l'état civil !

Je ne fatiguerai pas la Chambre en entrant plus avant dans l'analyse des dépenses. Je le répète, il résulte de toutes les pièces du dossier que la commune d'Aisemont a de quoi suffire largement à ses dépenses.

La commune de Fosses fait encore deux allégations qui ne sont pas plus exactes que les premières et qui méritent d'être relevées.

« La commune-mère, dit le collège échevinal de Fosses, a satisfait à tous les besoins moraux et matériels d'Aisemont. Elle y a construit une église et un presbytère ; elle y a érigé un cimetière ; elle a entretenu les chemins vicinaux en bon état, et elle va procéder à l'agrandissement de l'école. »

Oui, messieurs, tout cela est effectivement à Aisemont. Mais qui l'a payé ? Voilà la question. La commune n'a, pour ainsi dire, rien donné ! C'est l'Etat, c'est le conseil provincial, ce sont les habitants d'Aisemont, surtout M. Lambot et le desservant qui ont fait la plupart des frais d'érection de ces établissements. La commune de Fosses a donc mauvaise grâce de venir dire que ces établissements n'existent pas à Aisemont. S'ils existent, ce n'est pas à la commune-mère qu'en revient le mérite ; et c'est précisément parce que la commune de Fosses s'est montrée si peu généreuse envers Aisemont, c'est précisément parce qu'elle a tenu une conduite de marâtre, qu'Aisemont demande à vivre d'une vie indépendante.

Je vais citer, à ce propos, un seul passage que j'extrais du dossier ; il est de M. Lambot ; je le cite, parce que tous les faits avancés par M. Lambot sont confirmés par le gouverneur et par la députation permanente ; je puis donc invoquer le témoignage de cet homme de bien :

« Quant à l'église, les plans et devis se montaient à 31,000 francs. Refus de Fosses de les admettre comme étant trop élevés.

« De guerre lasse, on s'arrangea. L'Etat et la province donnèrent 6,000 francs, la commune 12,500 francs et le reste, soit 12,350 francs, a été supporté parles habitants d'Aisemont.

« Et voilà le village d'Aisemont qu'on dépeint comme un chétif hameau, qui a fait pour l'église une dépense égale à celle de la commune-mère !

« Quant au presbytère que la commune mère se vante d'avoir, édifié, ce fut mieux encore. Il a coûté 8,000 francs. Savez-vous quel a été le chiffre de la dépense de la commune dans celle somme ? Il a été de 1,000 francs. L'Etat et la province ont donné 2,000 francs, et les habitants du village ont fait le reste, soit 5,000 francs, plus 2,000 francs pour clôture de jardin. »

Vous venez de l'entendre, messieurs, la commune-mère, qui se vante d'avoir tant fait pour Aisemont, a donné 1,000 francs sur la caisse communale !

Tous ces faits ont été constatés devant le conseil provincial de Namur.

Passons au cimetière :

« En ce qui concerne le cimetière, on dit que ce n'est qu'une œuvre de fantaisie de M. le desservant qui, un jour, sans autorisation, s'est plu à faire clore un petit espace de terrain sur la place publique. Eh bien, le cimetière est encore l'œuvre de tous les habitants d'Aisemont, indignés de ce que l'administration communale de Fosses nous forçait à transporter nos morts à une lieue de distance. Ces messieurs savent qu'ils ont été blâmés à cette occasion par M. le commissaire d'arrondissement, leur ami pourtant ! Comme grief contre l'établissement de ce cimetière, savez-vous ce qu'on a eu le courage de dire à Fosses ? Que c'était là nuire au commerce de la ville ! »

Voilà l'affaire de ce cimetière dont a parlé l'honorable M. Bergé. Il y a eu un jour un petit coup d'Etat à ce sujet. Les habitants d'Aisemont ont déclaré qu'ils allaient faire leur propre cimetière et qu'ils enterreraient leurs morts dans leur cimetière.

Evidemment cette conduite est blâmable ; évidemment il y a là un fait illégal que personne au monde ne peut approuver, mais le fait a été porté à la connaissance des autorités et savez-vous ce que dit le commissaire d'arrondissement, hostile à la séparation, et que je cite de préférence, précisément à raison de celle circonstance ?

Il dit que le fait est illégal, mais que la conduite de la commune de Fosses a été tellement étrange, que la distance était tellement grande pour transporter les morts qu'on doit passer là-dessus et ratifier ce fait illégal. Ainsi le blâme est tombé sur la commune-mère ! Et ceux qui ont payé le cimetière, ce sont encore une fois les habitants d'Aisemont !

Je passe à l'école :

« On dit que la commune-mère a porté à son budget de l'an dernier une allocation de 26,000 francs pour pourvoir à la construction d'une école. Il y a longtemps qu'on nous leurre avec de semblables allocations. Mais quand il s'agit de travailler, il n'y a jamais d'argent dans la caisse. La même chose a eu lieu pour l'église et le presbytère. La commune tenait déjà le même langage et faisait le même étalage de ses allocations pendant l'instruction de cette affaire devant le conseil provincial de Namur. »

Ainsi, messieurs, depuis un grand nombre d'années les habitants d'Aisemont réclament une plus grande école à la commune-mère, et Fosses toujours de répondre : Certainement vous aurez une école, mais il n'y a pas d'argent ; et c'est avec cet argument qu'on a conduit les habitants d'Aisemont jusqu'à ce jour, et leur école, dont ils demandent à juste titre l'agrandissement est toujours dans le même état !

Quant aux chemins vicinaux, ils sont dans un état déplorable, grâce à l'incurie de la commune. Un seul empierrement très imparfait a été construit, et ce qui a eu lieu pour l'église et le presbytère a encore dû être fait par les habitants d'Aisemont en ce qui concerne ces chemins vicinaux, c'est-à-dire que ce sont les corvées et les travaux des habitants du hameau qui ont fait la presque totalité de l'ouvrage, et que la commune-mère en a été quitte environ pour ce qu'elle a reçu de l'Etat et de la province à titre de subside.

Eh bien, messieurs, en présence de tous les avis émanant des autorités compétentes, je n'hésite pas à dire que la situation d'Aisemont, qui a une population aussi grande que. la moitié des autres communes de la province de Namur, qui a des ressources suffisantes pour vivre d'une vie indépendante et qui a tous les établissements qu'une commune peut désirer, je n'hésite pas à dire que la section d'Aisemont doit être érigée en commune séparée. Je suis convaincu que la Chambre partagera ma manière de voir.

Quant au commissaire d'arrondissement, j'ai surtout cité son rapport, parce que lui seul a été, pendant une certaine période, hostile à l'érection de la commune d'Aisemont. Cette hostilité a cessé dans un, deuxième rapport. Dans un troisième rapport, le commissaire (page 1542) d'arrondissement est revenu sur sa décision, mais pour des motifs qu'il me serait désagréable de porter à la tribune nationale. J'aurais, sous ce rapport, des choses très désobligeantes à dire à ce fonctionnaire. Je ne le ferai que si mon honorable collègue m'y oblige : je le ferai contraint et forcé.

- Plusieurs membres ; - Aux voix !

M. Bergé. - Messieurs, je n'en ai que pour cinq minutes. On a dit que les observations que j'avais présentées étaient fantastiques ; mais, messieurs, il faut bien le reconnaître, c'est le sujet qui s'y prête. Ce sont les chiffres du budget de cette petite commune ; ce sont les raisonnements et les expressions du promoteur de la séparation du hameau d'Aisemont qui présentent ce caractère fantastique que l'honorable M. Brasseur trouve à mes paroles.

Quant à l'attitude prise par les autorités dans l'enquête, cette attitude a été excessivement contestable et, dans le rapport même du commissaire d'arrondissement, nous trouvons des arguments très sérieux à opposer contre l'érection de la commune d'Aisemont.

La raison, qui me semble être la principale, qu'on invoque en faveur de l'érection de la section d'Aisemont en commune distincte, c'est l'éloignement de la commune-mère.

Mais, messieurs, c'est là, comme je vous le disais tout à l'heure, un argument que tous les hameaux pourraient faire valoir, et en l'appliquant à la commune de Fosses, plusieurs hameaux pourraient présenter les mêmes observations.

Du reste, quel inconvénient y a-t-il à être éloigné de la commune mère ?

Lorsque Aisemont sera érigé en commune distincte, si cette commune doit établir quelques rapports avec Fosses, l'éloignement sera toujours le même.

Quant aux actes administratifs, ils sont si peu nombreux, ils se présentent dans des circonstances, si particulières, que l'on ne peut considérer l'argument qu'on a fait valoir à cet égard comme déterminant. C'est à peine si, quarante ou cinquante fois par an, des habitants d'Aisemont doivent se rendre à Fosses pour des actes de cette nature. Et encore, il faut en convenir, la distance à parcourir, dans ces cas spéciaux, n'est guère plus grande que celle que bien des employés, à Bruxelles, font chaque jour pour aller au bureau ou s'en retourner chez eux.

L'honorable M. Brasseur nous a parlé des personnes instruites et indépendantes qui habiteraient cette commune. Je crois qu'en cherchant bien il n'en trouverait guère. Il suffirait de consulter les différentes pétitions pour voir par les signatures combien sont nombreux les illettrés, tant du côté de ceux qui demandent l'érection que du côté de ceux qui la combattent.

Sans doute, avoue l'honorable M. Brasseur, la commune d'Aisemont aura peu d'habitants. « Mais que voulez-vous ? ajoute-t-il. Quantité de communes se trouvent dans ces conditions ». Je sais qu'il y a beaucoup de communes qui sont dans des conditions semblables. Mais est-ce un bien ? Ne serait-il pas plutôt désirable comme on l'a proposé, de réunir ces petites communes à des communes plus importantes ?

Et si l'on se trouve devant de nombreux cas semblables, doit-on encore les augmenter ?

L'honorable M. Brasseur dit : Il n'y a en somme que deux voix opposantes. Mais je pourrais répondre que, d'autre part, il n'y a que deux personnes qui demandent l'érection de la commune, et que les autres ne sont que des comparses.

Je dis, messieurs, qu'il y a, dans les observations présentées contre l'érection, des raisons très sérieuses, des protestations très vives. En somme, je dis qu'il n'y a aucun avantage pour Aisemont à être érigé en commune distincte, et que par ce démembrement vous n'arriverez qu'à un résultat, à constituer un bourg pourri de plus dans le pays..

En un mot, les différentes considérations que j'ai fait valoir contre le projet qui nous est soumis subsistent en entier..

M. Moncheur. - Les dernières paroles que vient de prononcer l'honorable M. Bergé, à savoir que tout ce qu'il a dit contre les motifs d'ériger Aisemont en commune distincte, reste debout, pourraient et devraient peut-être provoquer, de ma part, une réponse complète. Mais la Chambre me semble tellement désireuse de se séparer et de passer immédiatement au vote, que je ne crois pas possible de traiter la question d'une manière approfondie. Cela n'est d'ailleurs pas nécessaire en présence des observations nombreuses et parfaitement justes qu'a présentées M. Brasseur.

Je me. borne donc à dire que toutes les autorités qui ont été consultées et qui ont examiné par deux fois à fond les causes et les motifs sur lesquels se base l'érection d'Aisemont en commune distincte, ont été d'accord pour dire qu'il fallait que cette séparation eût lieu ; je dis toutes les autorités, messieurs, à l'exception de M. le commissaire d'arrondissement. Encore ce fonctionnaire a-t-il formellement déclaré qu'en principe, la séparation est désirable et que s'il hésite à l'appuyer, c'est parce qu'à son avis la situation financière de la nouvelle commune n'est pas parfaitement claire à ses yeux. Mais M. le commissaire d'arrondissement a été évidemment dans l'erreur sur ce point et je n'en citerai qu'une seule preuve. Il pense qu'Aisemont n'a droit qu'au huitième des revenus de la commune totale de Fosses, tandis qu'il est constaté qu'il a droit au sixième.

Il est donc certain que la séparation peut et doit être prononcée par la législature.

M. Kervyn de Lettenhove, ministre de l'intérieur. - Messieurs, je ne prolongerai pas la discussion. Seulement le discours de l'honorable M. Bergé contient deux objections qu'il importe de réfuter.

En ce qui concerne l'opinion des habitants d'Aisemont, sans s'arrêter a ce que l'honorable M. Bergé a rapporté de pressions, de menaces, d'intimidations dont auraient été l'objet les pétitionnaires, on peut s'en rapporter au gouverneur de la province.

Ce haut fonctionnaire déclare, en effet, qu'il a interrogé lui-même un grand nombre de chefs de famille qui, tous, se sont montrés favorables à la séparation.

Quant aux ressources financières de la future commune d'Aisemont, nous avons sous les yeux le rapport du membre de la députation permanente qui a été chargé de présenter un rapport à ce sujet et qui nous exprime l'avis qu'il est évident que la commune d'Aisemont pourra faire face à toutes ses dépenses.

Le conseil provincial de la province de Namur a émis son opinion en 1864 à la presque unanimité des voix ; il y a persisté en 1869.

En cet état de choses, je pense, messieurs, que la Chambre peut sans hésitation accueillir le projet de loi soumis à sa délibération.

M. le président. - Avant de passer au vote, j'aurai l'honneur de proposer à la Chambre de fixer son ordre du jour de mardi.

- Un membre. - C'est fait.

M. le président. - Il y a en premier lieu les interpellations relatives à l'école de Rochefort et, en deuxième lieu, la nomination d'un conseiller à la cour des comptes.

La séance sera fixée à deux heures.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

Voici maintenant l'article 1er du projet relatif à l'érection de la commune d'Aisemont.

« Art. 1er. Le hameau d'Aisemont est séparé de la ville de Fosses (Namur) et érigé en commune distincte.

« La limite séparative est tracée conformément aux indications du plan annexé à la présente loi, savoir :

« Du point A à la rencontre du ruisseau de Fosses avec la limite de la commune de Vitrival et remontant ledit ruisseau vers l'est, jusqu'au point B;

« Du point B, la limite se dirige vers le nord en longeant les limites est des parcelles n°393 et 570a jusqu'au point D ; de là, en suivant la limite sinueuse à l'est de la parcelle 578f, traverse le chemin d'Aisemont à Nevremont, en laissant sur le territoire d'Aisemont les parcelles °264, 262 et 269, ainsi que la maison, écurie et grange qui y sont contiguës, longeant la limite est de la parcelle n°576f jusqu'au petit étang n°261 au point C ;

« De ce point, elle retourne vers l'est, en longeant la limite sud de la parcelle n°69i traverse une partie de la parcelle n° 69ti longe la limité sud de la parcelle n° 69h jusqu'au chemin n°100 ;

« De ce point, la limite reprend sa direction vers le nord, en suivant l'axe du chemin n°100 jusqu'au chemin n°5, en traversant la route de Ligny à Denée. Elle suit une partie du chemin n°5, dans la direction de l'ouest, sur une longueur de 50 mètres, reprend sa direction vers le nord, en suivant le sentier n°122, traversant dans son parcours le ravin dit See-Rys et le chemin n°9, et reprend l'axe du chemin n°28 jusqu'à la limite de Ham-sur-Sambre. »

- Adopté.


« Art. 2. Le cens électoral et le nombre de conseillers à élire dans ces communes seront déterminés par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au vote par appel nominal.

61 membres y prennent part.

48 répondent oui.

16 répondent non.

En conséquence la Chambre adopte.

Le projet de loi sera transmis au Sénat.

(page 1543) Ont répondu oui :

MM. David, de Clercq, de Dorlodot, de Kerckhove, Delaet, de Liedekerke, de Moerman d’Harlebeke, de Montblanc, de Naeyer, de Rossius, de Smet. de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Muller, Pety de Thozée, Reynaert, Royer de Behr, Schollaert, Thienpont, Van Cromphaut, Vanden Steen, Van Hoorde, Van Overloop, Van Wambeke, Verwilghen, Léon Visart, Wasseige, Wouters, Balisaux, Biebuyck, Brasseur, Coremans, Cruyt et Vander Donckt.

Ont répondu non :

MM. d'Andrimont, Dansaert, De Fré, Defuisseaux, de Macar, Demeur, Descamps, Dupont, Guillery, Jottrand, Rogier, Van Humbeeck, Vleminckx, Bara, Bergé et Bricoult.

(erratum, page 1593) M. Defuisseaux - J'ai dû m'absenter pendant quelques instants. Je déclare que si j'avais été présent lors du vote du projet de loi apportant des modifications aux lois d'impôt, j'aurais voté contre

M. Vleminckx. - Je fais la même déclaration.

M. d'Andrimont. - Et moi aussi.

M. Dupont. - Moi également.

M. de Rossius. - Messieurs, je crois qu'il avait été convenu que le premier objet à l'ordre du jour de mardi serait la nomination d'un conseiller à la cour des comptes.

Il peut se faire que l'interpellation de l'honorable M. Frère soit très longue et tienne toute la séance. Or, il ne faut pas laisser en suspens la nomination qui a été annoncée à jour fixe. Je crois donc qu'il est préférable de maintenir la décision qui avait été prise d'abord, de procéder à cette nomination au début de la séance.

- Il est fait droit à cette observation.

La séance est levée à i heures et un quart.