(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1514) M. Reynaert procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Wouters donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Reynaert présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Les membres du conseil communal de Reninghe demandent l'exécution de travaux pour mettre cette commune à l'abri des inondations. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi de travaux publics.
« Des habitants de Soy demandent le rétablissement de la malle-poste faisant le parcours d'Hotton à Erezée en passant par Soy. »
• - Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Welle demande qu'il soit pris des mesures pour donner aux prairies riveraines de la Dendre leur valeur et leur fertilité primitives qu'elles ont perdues par la canalisation de cette rivière. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Solre-Saint-Géry prient la Chambre de rejeter les augmentations de l'impôt foncier proposées par le gouvernement. »
« Même demande d'habitants de Renlies, Vergnies, Hollogne-aux-Pierres, Vinalmont, Froid-Chapelle, Montbliart, Thirimont, Burdinne,. d'une commune non dénommée et du conseil communal de Wanghe. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi modifiant les lois d'impôts.
« Le sieur Van Winghem, occupant une machine à battre le blé, se plaint d'être imposé de ce chef au droit de patente de la 12ème classe, tarif A, et prie la Chambre de modifier la loi. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Van Mol, Meses et autres membres de la société de Veldbloem demande une loi prescrivant que, dans les provinces flamandes, les commandements et les ordres de la garde civique se feront en langue flamande. »
- Même renvoi.
« M. Nothomb, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. Jottrand (pour une motion d’ordre). - Messieurs, suivant des affirmations de source française, un grand nombre de nos compatriotes figureraient parmi les prisonniers faits à Paris pendant la répression de la déplorable insurrection dont celle ville vient d'être le théâtre.
J'ignore absolument et tout le pays ignore comme moi si ces affirmations sont fondées.
Pour sortir de cette incertitude, je prie l'honorable ministre des affaires étrangères de bien vouloir nous dire le nombre de Belges dont il a constaté l'arrestation en France à la suite des derniers événements.
Je le prie, en même temps, de nous faire connaître les mesures qu'ont prises nos agents diplomatiques en France, pour obtenir l'élargissement immédiat des Belges qui n'auraient été détenus que par erreur évidente ou sur lesquels ne pèseraient pas de charges sérieuses.
Enfin, je le prie de nous dire si nous pouvons être assurés que ceux de nos compatriotes sur lesquels pèseraient des accusations sérieuses ne seront frappés qu'en vertu de jugements réguliers, après un débat public et une défense libre et complète.
Je me trouvais récemment en Angleterre et non en France, - ou soit dit en passant, je n'ai pas mis les pieds depuis quatre ans, - lorsque les lords Grandville et Enfield ont, le 9 juin, donné des renseignements détaillés aux deux chambres du Parlement, quant à leurs nationaux, sur les trois points que je viens d'indiquer, et j'ai pu constater la satisfaction avec laquelle l'opinion publique anglaise a accueilli ces renseignements.
Depuis lors, le 16 juin, lord Granville a spontanément complété ses explications primitives, et cet empressement à parler a démontré combien les ministres anglais regardent comme impérieux leur devoir de protéger diplomatiquement leurs nationaux dans les circonstances difficiles du moment, et d'éclairer leur nation sur les résultats de cette intervention diplomatique.
Personnellement, messieurs, - il est à peine besoin de le dire - je réprouve énergiquement les desseins politiques et économiques que la Commune semble avoir eu pour but de réaliser ; je réprouve plus énergiquement encore, s'il est possible, les moyens employés pour arriver à faire prévaloir ces desseins, mais cette réprobation ne saurait m'amener, pas plus que tous les esprits justes, à détourner les yeux, avec horreur, de tous ceux qu'a pu frapper la tempête soulevée par cette criminelle entreprise.
Au contraire, me semble-t-il, une sollicitude spéciale leur est due ne fût-ce que pour arriver à séparer rapidement les malheureux d'avec les coupables. Car, on ne peut méconnaître que c'est dans de pareils cataclysmes que l'erreur est surtout facile, que l'innocent est surtout menacé.
Tous les rapports ordinaires sont rompus.
Les protections individuelles, qui s'exercent dans les circonstances usuelles, ont disparu. Si l'on y fait appel, elles se cachent, les individus craignent de se compromettre. Tous les moyens de défense habituels sont affaiblis, énervés.
Il ne reste debout dans ces conjonctures que la protection diplomatique, qui n'est jamais suspectée. Aussi est-ce alors que celle protection doit surtout s'affirmer.
Le gouvernement anglais l'a parfaitement compris et les résultats de son intervention démontrent combien elle était nécessaire.
On avait parlé, dans la presse européenne, de 8,000 Anglais qui auraient pris part à l'insurrection parisienne ; or, les démarches des diplomates anglais ont constaté que 21 Anglais en tout avaient été arrêtés. De ces 21 Anglais, 9 seulement restaient en prévention à la date des derniers renseignements ; 12 avaient évidemment été arrêtés par erreur ; de ces 12, 10 ont été mis en liberté, 2 sont égarés ; ils se trouvent probablement perdus dans un des nombreux lieux de détention que la force des choses a obligé le gouvernement français à établir, à l'improviste, sur divers points de son territoire.
Je ne doute pas que notre gouvernement n'ait compris et accompli son devoir de protection comme le gouvernement anglais l'a fait, et j'attends avec confiance le compte rendu exact que va nous donner M. le ministre des affaires étrangères de la situation de nos nationaux en France.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - L'honorable M. Jottrand m'a adressé trois questions auxquelles je vais avoir l'honneur de répondre.
« La première question est celle de savoir quel est le nombre de Belges prisonniers à la suite de l'insurrection de Paris. »
Messieurs, ce nombre n'est pas encore exactement connu. Notre ministre à Versailles a reçu 100 réclamations de Belges qui étaient arrêtés ; à Paris, le chargé d'affaires en a reçu 65, de manière qu'en tout il n'y a (page 1515) que 165 réclamations qui soient parvenues à notre légation, et comme il n'est pas probable que beaucoup de Belges arrêtés se soient abstenus de réclamer, nous sommes autorisés à conclure que le nombre de Belges arrêtés ne dépasse guère 165.
Afin de connaître ce nombre aussi exactement que possible, un secrétaire de la légation belge s'est rendu auprès des prisonniers pour tâcher de découvrir les Belges qui se trouvaient parmi eux, pour s'informer de leur situation et recueillir, au besoin, leurs réclamations. Cette démarche prouve avec quelle sollicitude notre légation s'est enquise du sort de nos compatriotes.
Je dois pourtant dire à la Chambre qu'il est possible qu'un nombre plus considérable de Belges que celui que j'ai indiqué soit, en ce moment, en état d'arrestation. En voici le motif : Les prisonniers étaient d'abord envoyés à Saint-Cyr ou à Satory, et, de là, après une instruction très sommaire, ils étaient expédiés vers les différents ports de mer. C'est là seulement que pourra se faire le dénombrement exact des prisonniers. Des instructions ont été données à nos consuls dans ces ports de mer afin de rechercher les Belges qui pourraient se trouver parmi les prisonniers et de leur prêter, le cas échéant, leurs bons offices.
Voilà tout ce que je puis répondre quant au nombre de Belges arrêtés ; je le répète, je ne saurais faire connaître ce nombre d'une manière certaine, mais je crois, d'après les renseignements reçus jusqu'ici, qu'il a été considérablement exagéré.
La seconde question que m'a adressée M. Jottrand est celle-ci :
« Quelles mesures ont été prises pour obtenir la mise en liberté immédiate de ceux contre lesquels il n'y a pas de charges sérieuses ? »
Messieurs, toutes les réclamations qui ont été adressées au gouvernement à Bruxelles et qui ont été transmises à notre ministre à Paris, ainsi que toutes celles qui ont été adressées directement à notre ministre en France, ont fait l'objet d'un examen spécial et sérieux.
Dès le 3 juin, notre légation à Paris était à même de les soumettre à l'autorité française compétente, avec des pièces et documents qui étaient de nature à faire croire à l'innocence des individus arrêtés.
J'ai à peine besoin de dire que le gouvernement n'a accordé son appui qu'aux réclamations de Belges qui se prétendaient victimes d'une erreur ou qui invoquaient des motifs de nature à faire présumer leur innocence. Quant à ceux sur lesquels pèse d'une manière sérieuse, la grave accusation d'avoir participé aux crimes qu'a réprouvés et flétris toute conscience honnête, nous les abandonnons à la vindicte des lois et nous ne cherchons pas à les soustraire au châtiment qu'ils ont mérité.
Jusqu'ici aucune des réclamations qui ont été faites n'a été accueillie ; conséquemment aucun Belge, arrêté à la suite de l'insurrection de Paris, n'a été mis en liberté. Cela s'explique facilement par le grand nombre d'individus arrêtés et par la difficulté qu'éprouve naturellement le gouvernement français pour discerner les innocents d'avec les coupables.
Il est à observer, en outre, que la plupart des individus qui ont été arrêtés ont été pris les armes à la main, revêtus d'uniformes ; plusieurs même d'entre eux avaient un grade dans l'armée insurrectionnelle. On conçoit dès lors que le gouvernement français n'est guère disposé à remettre en liberté, un peu à la légère, les individus qui se trouvent dans ces conditions.
Jusqu'au 11 juin, aucune légation n'avait été plus heureuse que la nôtre, c'est-à-dire qu'aucune n'avait pu obtenir la mise en liberté d'un seul de ses nationaux.
Depuis, comme l'a dit l'honorable M. Jottrand, l'Angleterre est parvenue à obtenir la libération de 10 ou 12 Anglais. Lord Granville l'a annoncé à la chambre des lords. Ce matin même, j'ai reçu une dépêche où l'on m'apprend que la légation suisse a obtenu également la mise en liberté de quelques-uns de ses nationaux. Cette mise en liberté a été obtenue à la demande du ministre suisse, qui s'était porté garant de la moralité et de l'innocence de ses compatriotes.
Quant aux autres nations, elles sont dans la même situation que nous.
Ces précédents en ce qui concerne la Suisse et l'Angleterre, nous aurons soin de nous en prévaloir et nous continuerons nos efforts pour obtenir la mise en liberté des Belges qui seraient en droit de réclamer notre protection, en faisant valoir des motifs admissibles de justification ou d'excuse.
La troisième question que me fait l'honorable M. Jottrand est la suivante :
« Quelles sont les mesures prises par nos agents pour obtenir à ceux des prisonniers sérieusement accusés un jugement public et légal avant toute punition ? »
Je réponds que ce serait faire injure au gouvernement français que de lui supposer l'intention de frapper à la légère, arbitrairement et sans garanties les personnes qui ont été arrêtées.
Les dispositions prises par le gouvernement français sont d'ailleurs connues : des commissions ont été instituées pour procéder au jugement des accusés. Nous n'avons pas à apprécier le caractère de ces dispositions ; nous n'avons pas à examiner la composition de ces tribunaux extraordinaires ni les règles de procédure qui seront suivies ; nous constatons seulement que le gouvernement français a établi des commissions, des tribunaux, quelque nom qu'on leur donne, devant lesquels les accusés seront traduits, et conséquemment admis à faire valoir leurs moyens de défense. Je rappellerai à la Chambre que lorsqu'il y a quelque temps des journaux anglais avaient accusé le gouvernement français de procéder sommairement et sans jugement à des exécutions, le gouvernement français a énergiquement protesté et fait insérer sa protestation et un démenti catégorique dans le Journal officiel du 18 juin.
Je crois donc que nous devons avoir pleine et entière confiance dans les mesures qu'a prises le gouvernement français. Il fera traduire les prisonniers devant des commissions militaires et il n'y aura pas d'exécution sans jugement régulier. Le gouvernement français l'a formellement déclaré et aucun doute ne peut s'élever sur ses intentions, conformes aux règles de la justice.
Voilà, messieurs, les seuls renseignements que je puis donner à la Chambre en réponse à l'interpellation de l'honorable M. Jottrand. Mais je demande à la Chambre la permission d'ajouter quelques mots, relativement à la conduite de notre diplomatie à Paris pendant les événements qui s'y sont passés. Ce sera en quelque sorte le complément de ma réponse à l'interpellation qui m'a été adressée.
Pendant les deux sièges que Paris a eu a soutenir, les membres de la légation belge sont restés à leur poste et n'ont pas cessé, avec un zèle et un dévouement au-dessus de tout éloge, de venir en aide à nos compatriotes par des secours matériels, par des conseils et par une protection efficace.
Rien ne les a arrêtés dans l'accomplissement de leurs devoirs, ni les privations, ni les fatigues, ni même les dangers auxquels ils ont été exposés, dangers réels et qui ont failli coûter la vie à un ou deux de nos secrétaires.
M. Van Overloop. - C'est de notoriété publique à Paris.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - La Chambre sait que, pendant le règne de la Commune de Paris, les insurgés ont fait arrêter un grand nombre de personnes auxquelles ils ont donne la qualification d'otages. Parmi ces otages, se trouvaient des Belges. Eh bien, grâce à des efforts persévérants, nos diplomates sont parvenus à faire relâcher une dizaine de Belges et à les soustraire ainsi à une mort presque certaine.
Voilà, messieurs, les résultats obtenus par notre diplomatie.
- Voix nombreuses. - Très bien !
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Le gouvernement a déjà récompensé par des distinctions honorifiques la conduite intelligente, dévouée et courageuse de ces diplomates...
M. Van Overloop. - Et il a bien fait.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - ...et je suis certain que la Chambre, apprenant avec bonheur ce qu'ils ont fait avec autant d'abnégation que de courage, ratifiera les éloges que je me plais ici à leur donner publiquement.
- Voix nombreuses. - Très bien !
M. Guillery. - Messieurs, je ne puis que remercier, quant à moi, M. le ministre des affaires étrangères des explications qu'il vient de nous donner et je n'aurais pas voulu que l'incident fût clos sans qu'on manifestât, d'un côté ou de l'autre de cette Chambre, l'expression de confiance complète et de véritable reconnaissance pour ce que le gouvernement a fait pour la défense des intérêts de nos nationaux à Paris.
Je crois être également l'interprète des sentiments de tous les membres de cette Chambre en exprimant pour notre légation à Paris la satisfaction que nous inspire la manière dont elle s'est acquittée de sa mission.
- Voix nombreuses. - Très bien ! très bien !
M. le président. - La parole est continuée à M. le ministre des finances.
M. Jacobs, ministre des finances. - Messieurs, j'ai établi hier que la loi de 1828 n'a plus de raison d'être. J'ai établi que, si le gouvernement n'avait pas autorisé un certain nombre de villes a s'emparer de l'impôt (page 1516) foncier auquel il renonce, l'abolition de la loi de 1828 ne trouverait ici aucun contradicteur.
J'ai établi enfin que pour les dix communes de second ordre il n'y aura aucun déficit sérieux.
Pour quelques unes il y aura bénéfice ; pour d'autres il y aura une faible balance : 15 francs pour Mons ; deux cents et quelques francs pour Ostende ; pour Verviers et Louvain seulement elle sera de quelques milliers de francs.
La question n'a d'importance que pour les quatre grandes villes du pays. Et quand je dis, les quatre grandes villes, ce nombre doit être réduit de moitié. L'honorable M. Anspach dans son discours, a fait un parallèle entre Anvers qui trouve, - cela est clairement démontré dans le rapport de l'honorable M. Liénart, - un bénéfice dans le projet de loi, et Bruxelles et Liège qui éprouvent un préjudice.
A côté de la ville d'Anvers, je dois placer la ville de Gand, qui cependant réclame. En effet, si vous consultez le tableau annexé au rapport de la section centrale, qui indique les résultats de l'abrogation successive de la loi de 1828 par suite du respect des droits acquis, vous voyez que la ville de Gand conserve constamment, avec même une certaine augmentation, les 34,058 francs qu'elle percevra en 1871.
La ville de Gand se plaint, non de ce qu'on lui enlève quoi que ce soit, mais de ce qu'on brise des espérances qu'elle avait conçues : elle espérait obtenir beaucoup plus dans l'avenir ; ces espérances ne se réaliseront pas.
Vous saisissez de suite, messieurs, combien la situation de la ville de Gand est moins intéressante que celle des villes de Bruxelles et de Liège, qui vont subir une perte réelle, une diminution de recettes.
Sans doute, il est désagréable de voir ses espérances déçues ; mais cela ne détruit pas l'équilibre du budget, cela ne constitue pas de perte.
Ce contre-temps fera tourner d'un autre côté les vues et les espérances d'avenir, tandis que les villes de Bruxelles et de Liège doivent se retourner d'un autre côté pour maintenir les ressources du présent.
Examinons, messieurs, quelles sont les pertes réelles de ces deux grandes villes, les seules qui soient réellement atteintes par l'article 3 du projet de loi.
Je vais m'occuper d'abord de Bruxelles. Le produit de la taxe y est de 109,900 francs. Je ne parle que de la taxe extraordinaire ; les maisons exemptées de la contribution foncière sont frappées comme les autres de la taxe normale, qui est de 3.60 p. c. du revenu cadastral. Nous maintenons une année d'exemption, pendant laquelle Bruxelles pourra continuer à percevoir la taxe à son profit comme par le passé, ce qui donne, à raison d'un huitième, 13,746 francs. Les sept autres années, frappées désormais de la contribution foncière, vont dès lors se trouver assujetties au payement des vingt centimes additionnels communaux ou de l'impôt équivalent à 1.35 p. c. du revenu cadastral. De ce chef, la ville de Bruxelles récupérera 17,340 francs.,
Enfin, l'élévation du taux des centimes additionnels à la contribution foncière par suite de l'augmentation du principal, ces centimes additionnels portant désormais sur 7 p. c. au lieu de porter sur 6-70 du revenu cadastral, donne encore à la caisse communale bruxelloise une compensation de 8,044 francs.
La pétition du conseil communal croit ne pas devoir faire entrer cette dernière somme en ligne de compte parce qu'elle a transformé ces 20 centimes additionnels en un impôt sur le revenu cadastral, de 1.35 p. c.
Il y a ici une confusion ; la ville de Bruxelles a obtenu l'autorisation de percevoir 20 centimes additionnels ; mais, pour la facilité de la perception, elle les fait rentrer sous forme de 1.35 du revenu cadastral. Ce qu'elle est autorisée à percevoir ce sont 20 centimes et ces 20 centimes équivaudront désormais à 1.40 ; Bruxelles percevra 1.40 au lieu de 1.35.
L'ensemble de ces trois compensations s'élève à 39,120 francs ; la perte nette sera de 70,780 francs. C'est-à-dire, messieurs, si l'on met ce chiffre en rapport avec la population, 40 centimes par habitant. La ville de Bruxelles devra résoudre cette énorme difficulté de frapper ses habitants de 40 centimes d'impôts annuels par tête !
J'ajoute qu'elle n'aura pas à résoudre cette difficulté immédiatement.
C'est par septième que le découvert se produira à partir de 1874. Elle devra percevoir 3 centimes par habitant en 1874, 10 centimes en 1875, 15 centimes en 1876 et ainsi de suite jusqu'en 1880. Elle devra trouver 10,000 francs de ressources nouvelles par an pendant sept ans.
Mais, quand je fais ce calcul, j'exagère encore à un double point de vue.
Je n'ai défalqué, eu égard à l’année qui reste à la ville de Bruxelles, qu'un huitième. Or, il y a lieu de défalquer davantage. Remarquez que la taxe que perçoit la ville de Bruxelles porte aussi bien sur les exemptions de trois ans et de 5 que de 8 ans. Sur les premières, elle continuera à percevoir un tiers, sur les deuxièmes un cinquième, sur les troisièmes un huitième. En ne prenant qu'un huitième du tout, je fais tort à la ville de Bruxelles d'un certain nombre de milliers de francs.
La seconde rectification porte sur une mauvaise perception de l'impôt au profit de l'Etat. La loi de 1828 porte que le terme de l'exemption de huit et de cinq ans partira du 1er janvier de l'année de la première occupation. On occupe une maison neuve en 1871 ; les huit années partent du 1er janvier 1871.
Tel est, messieurs, le sens évident de la loi. C'est ainsi qu'elle a toujours été appliquée en Hollande. Mais en Belgique, petit à petit on a ajouté une année.
L'honorable M. Liedts, lorsqu'il était ministre des finances, par une circulaire du 5 septembre 1853, a introduit une distinction qui n'existe pas dans la loi :
« Si un bâtiment, dit-il, achevé en 1851 sur un terrain nu, est occupé en 1852, l'exemption des huit années s'applique à partir du 1er janvier 1832, parce que à cette époque le bâtiment serait imposable. Si le bâtiment, achevé en 1851, a été occupé la même année, l'exemption ne prend cours qu'au 1er janvier 1832, parce qu'avant celle époque, ce bâtiment n'était pas imposable. »
Cette distinction n'existe pas dans la loi ; la raison, tirée de ce que le bâtiment est imposable ou ne l'est pas, n'a rien de fondé, car on peut faire dater du moment où un bâtiment n'est pas imposable une période ou série d'années d'exemption. La vérité est que le point de départ de l'exemption est le 1er janvier de l'année de l'occupation.
M. Muller. - C'est votre interprétation.
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est là le texte même et le sens évident de la loi ; personne ne le contestera. Je l'ai soumise aux fonctionnaires du département des finances, et ils n'ont pas eu le moindre doute à cet égard.
M. Muller. - Il y a eu une pratique constante contraire.
M. Jacobs, ministre des finances. - Non, il n'y a pas eu une pratique constante contraire. Je me suis enquis de ce qui se pratiquait en Hollande.
M. Muller. - En Hollande !
M. Jacobs, ministre des finances. - Mais c'est la même loi et M. Uytterhoeven, directeur général des contributions, a eu l'obligeance de me renseigner sur la façon dont la loi y est appliquée ; l'usage y est conforme au sens que je lui donne et qui, suivant moi, est évident.
Ici qu'est-il arrivé ? On a eu recours en 1853 à une interprétation qui, évidemment, n'est pas légale, à une distinction évidemment non fondée. D'abord la loi n'était pas appliquée ainsi, mais peu à peu il s'est établi dans les provinces un usage, qui n'est pas constant, qui ne date pas de loin, mais qui tend à tolérer que le commencement de la période d'exemption, qui doit partir du 1er janvier de l'année de l'occupation, soit reporté au 1er janvier après l'année de l'occupation. Il s'ensuit qu'on a accordé huit années pleines d'exemption tandis qu'il ne devait y en avoir que sept, et les communes naturellement perçoivent ce que l'Etat abandonne.
La loi étant appliquée comme elle devait l'être et comme elle le sera désormais, quelle que soit la décision de la Chambre sur la question des exemptions, enlèvera encore à la ville de Bruxelles un huitième des ressources qu'elle retire de cette taxe, de huit huitièmes les produits seront réduits à sept huitièmes.
Puisqu'il faut chiffrer les conséquences du projet de loi, la perte qu'il occasionne, au lieu d'être de la somme de 70,780 francs, s'établira comme suit :
Produit, 96,200 fr.
A réduire une année 13,746 fr.
20 centimes additionnels, 14,863 fr.
Majoration des centimes, 8,044 fr.
Soit, 36,643 fr.
D’où perte nette : 59,557 fr. au lieu de 70,780.
En encore, messieurs, par suite de l'effet non rétroactif de la loi, cette perte de 50,000 à 60,000 francs doit se répartir sur six années, soit moins de 10,000 francs par an.
Quelles seront les conséquences de cette situation ?
L'honorable bourgmestre de Bruxelles est allé jusqu'à nous faire (page 1517) entrevoir l'émigration de contribuables vers les faubourgs, si l'on augmente si peu que ce soit les contributions de la capitale !
Il y a, messieurs, d'autres villes que Bruxelles qui ont donné carrière au génie de l'impôt.
La ville de Liège revendiquait dernièrement l'honneur d'être la mieux pourvue de taxes communales de tous genres.
Je n'ai pas de conseils à donner à la ville de Bruxelles, mais il existe une foule d'exemples qu'elle peut suivre.
Je constate qu'à Liège la taxe sur les chiens est de 5 francs par tête, tandis qu'à Bruxelles la règle n'est que 2 francs et l'exception 3 francs. Il existe à Liège une taxe sur les balcons ; une taxe de 6 francs par cheval-vapeur.
Il se peut que les industriels quittent Bruxelles pour les faubourgs si l'on établit cette taxe, mais ni les habitants de la ville ni ses finances ne s'en plaindront. Sur les vastes terrains occupés par les usines, on bâtira des maisons d'habitation qui alimenteront la caisse communale, mieux que ne le font ces usines.
Liège possède une taxe sur les domestiques mâles, une taxe sur les avocats, une taxe sur les assurances, enfin 50 centimes additionnels aux droits de débit de boissons alcooliques et de tabacs.
La ville de Bruxelles n'aura qu'à choisir pour rétablir son équilibre financier sans chasser pour cela les contribuables de l'enceinte bruxelloise.
Elle trouvera, en outre, au bout d'un certain temps, la compensation que trouve, dès aujourd'hui, la ville d'Anvers dans le fonds communal.
Lorsque le fonds communal permettra de donner à chaque commune l'équivalent de toutes les impositions perçues sur son territoire, toute imposition au profit de l'Etat se traduira en restitution d'une somme égale dans la caisse communale.
Or, messieurs, ce moment est-il bien éloigné ? Lors de la mise à exécution de la dernière loi sur les alcools, l'honorable M. Frère a introduit une disposition qui est de nature à rendre le fonds communal plus régulier, à empêcher de trop brusques soubresauts.
« Quant au fonds communal, disait-il dans la séance du 27 avril 1870, nous prendrons des mesures pour que les résultats que craint l'honorable membre ne viennent pas à se réaliser. II est vrai que, par suite de l'annonce d'une élévation des droits sur les alcools, des importations plus considérables se font en ce moment, et nous sommes assurés, comme nous l'avons d'ailleurs prévu, d'un ralentissement dans la perception du droit nouveau ; mais nous aurons, par contre, une perception de droits énorme cette année-ci, tant sur les quantités produites que sur les quantités importées. Elle sera tellement considérable que je crois qu'il serait fort imprudent de la laisser dans son intégralité à la disposition du fonds communal. C'est pourquoi je proposerai, à l'article 12, un amendement ainsi conçu :
« Si le montant des sommes à allouer aux communes, en 1870, conformément à l'article 3 de la loi du 18 juillet 1860 (Moniteur, n° 204) dépasse 19,000,000 de francs, l'excédant sera provisoirement déposé à la réserve du fonds communal, pour être réparti entre les communes pendant les années suivantes. Toutefois, la part d'une année ne pourra, du chef de cette dernière répartition, être supérieure de plus de 5 p. c. à celle qui aurait été calculée d'après la même progression pour l'année précédente. »
« Nous éviterons ainsi d'avoir des sommes tout à fait extraordinaires, réellement exorbitantes, à attribuer au fonds communal cette année, pour retomber, l'année prochaine, à des sommes infiniment moindres.
« Dans cet ordre d'idées, nous aurons la progression suivante :
« Le minimum à répartir a été :
« En 1869 de 18,615,000
« Il serait en 1870 de 19,000.000 fr., en 1871 de 19,950,000, en 1872 de 21,930,000, en 1873 de 22,420,000 fr., en 1874 de 23,095,000 fr. et en 1875 de 23,625,000. »
J'ai demandé à l'administration des finances des calculs au sujet des résultats de ces prévisions. Les voici :
D'après le montant connu des contributions, en 1870, le marc le franc de la répartition du fonds communal, en 1871, sera de 83-13, si la somme à répartir est de 19,920,000 francs.
En prenant la même base de répartition et en supposant que les prévisions indiquées dans la discussion de la loi du 15 mai 1870 se réalisent, le marc le franc s'élèvera successivement, pour les années 1871 à 1873, aux chiffres indiqués ci-dessous :
1871 : revenu supposé : 19,950,000 ; marc le franc : 83-13
1872 : revenu supposé : 21,930,000 ; marc le franc : 98-56
1873 : revenu supposé : 22,420,000 ; marc le franc : 102-35
1874 : revenu supposé : 23,095,000 ; marc le franc : 106-73
1875 : revenu supposé : 23,635,000 ; marc le franc : 110-04
Or, messieurs, il suffit, pour que la ville de Bruxelles entre dans la répartition normale du fonds communal, d'arriver à 104 ; c'est précisément la première année où cette ville supportera une perte de 8,000 francs par suite de la loi actuelle, qu'elle trouvera, si ces prévisions se réalisent, une augmentation dans le fonds communal, augmentation d'autant plus forte que ses contributions seront plus considérables au profit de l'Etat.
Vous avez vu quelle est la situation de Bruxelles en dehors des espérances du fonds communal. Vous voyez ce qu'elle est en présence de ces espérances.
J'arrive à la ville de Liège.
Le produit de la taxe extraordinaire y est de 71,018 francs.
La recette d'une année, pour la ville, évaluée à un huitième, est de 8,877 francs.
Reste une perte de 62,141 francs.
Mais, comme ce n'est pas toujours 1/8, mais parfois 1/5 et 1/3 qui lui reste, je puis estimer la perte à 60,000 francs, chiffres ronds.
Ajoutez à cela que, ramenée à son sens naturel, n'exemptant plus pour huit années pleines, mais seulement pour sept, la loi de 1828 ne permettra à la ville de Liège que de conserver les sept huitièmes de ce qu'elle recueille. De ce chef elle doit perdre 9,000 francs environ en toute hypothèse ; les conséquences propres de la loi actuelle se réduisent à une perte de 50,000 francs, soit un peu moins de 50 centimes par habitant.
Et ces 50 centimes sont divisés sur une période de six années.
Ce sera donc une somme, de 9,000 francs d'impôts la première année ; 18,000 francs la deuxième, 27,000 francs la troisième..., qu'elle devra établir.
Ici encore, on me demande : Comment remplacer ? Ici de nouveau je n'ai pas de conseils à donner.
Mais si la ville de Liège à son tour voulait se retourner vers la ville de Bruxelles, elle y trouverait des impositions qui n'existent pas à Liège ou qui n'y existent pas au même degré. Elle y trouverait la taxe sur les agents de change.
M. d’Andrimont. - Nous l'avons supprimée.
M. Jacobs, ministre des finances. - Ah ! vous supprimez vos taxes. Je ne vous plains plus.
M. d'Andrimont. - Nous l'avons supprimée malgré nous.
M. Jacobs, ministre des finances. - Comme celle-ci sera supprimée malgré vous.
M. Muller. - Qu'est-ce que cette taxe rapporterait à Liège ? C'est un mythe.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je vais vous citer un chiffre plus considérable.
Il y a à Liège comme à Bruxelles une taxe sur les constructions ; c'est celle qui naturellement semble appelée, à certains égards, à remplacer la taxe actuelle qui frappe aussi les constructions nouvelles, mais qui, au lieu de les frapper en une fois, les frappe en six fois. Cette taxe à Liège figure, dans les prévisions du budget pour 40,000 francs ; à Bruxelles, elle figure au budget pour 150,000 francs ; il y a disproportion entre ces deux chiffres. Si Bruxelles a des prévisions de 150,000 francs, Liège peut en avoir de 100,000 francs ; elle trouvera là un supplément de 60,000 francs à son budget.
La ville de Liége n'a pas seulement à jeter les yeux du côté de Bruxelles ; si nous établissions ici le tableau de l'immense variété des taxes communales en Belgique, depuis les cotisations des campagnes jusqu'aux centimes additionnels des villes, nous en trouverions un bon nombre qui n'existent pas à Liège et entre lesquelles elle aura un choix.
J'ai dit, et les calculs auxquels j'ai été obligé de me livrer le démontrent clairement, j'ai dit que le but des deux communes de Bruxelles et de Liège est bien moins d'empêcher d'abolir la loi de 1828 que d'obtenir des indemnités de ce chef. Si l'on supprimait la loi de 1828 en donnant une compensation aux villes de Liège et de Bruxelles, elles ne feraient aucune opposition à l'abrogation de la loi de 1828. Elles voudraient avoir leur petit préciput, comme on l'a établi lors de la loi abolitive des octrois.
(page 1518) Les villes de Bruxelles et de Liège sont cependant au nombre de celles qui ont le moins le droit de se plaindre de la situation que le gouvernement leur a faite. Le préciput établi en 1860 peut servir de compensation pour les deux pertes qu'elles subissent, et pour les octrois et pour ce que nous leur enlevons. Si elles n'avaient pas obtenu en 1860 un préciput aussi considérable, elles obtiendraient aujourd'hui, comme la ville d'Anvers, un dédommagement complet du petit préjudice qu'elles éprouvent.
Le dédommagement qu'Anvers obtient aujourd'hui, Liége et Bruxelles l'ont depuis 1860 ; elles ne le sentent plus parce qu'elles s'y sont habituées. (Interruption.)
Quand le préciput fut établi en faveur des villes à octroi, ce fut l'opinion générale, dans la minorité d'alors, majorité d'aujourd'hui, que ce préciput ne devait pas être perpétuel, qu'il devait avoir une durée déterminée.
Si à ce moment on avait fixé une durée de dix années, on aurait trouvé que la situation n'était déjà pas si mauvaise pour les grandes villes.
M. de Theux, se rendant l'organe de la minorité, demandait qu'il y eût un terme assigné à cette période transitoire, qu'elle ne pût être ni perpétuelle ni indéfinie.
Or, si l'on avait suivi cette idée, si l'on avait établi une période de dix années, voici la situation à laquelle les grandes villes seraient réduites aujourd'hui :
Gand aurait 838,552 fr. 52 c. en 1871 au lieu de 1,549,000 francs.
Liège 748,565 fr. 76 c. au lieu de 1,267,362 fr. 98 c.
Bruxelles 2,117,994 fr. 14 c. au lieu de.2,750,641 fr. 74 c.
Voilà ce que leur eût donné la répartition normale du fonds communal telle qu'elle se fait pour toutes les communes : une perte de 700,000 francs pour Gand, de 500,000 francs pour Liège, de 600,000 francs pour Bruxelles.
Voilà quelle serait la situation si l'on avait adopté ce mode, qui était au moins discutable et qui était proposé par la minorité presque unanime. Anvers, moins bien traitée comme préciput, n'eût rien perdu.
A côté de ceux qui demandaient un préciput à durée limitée, il en était d'autres qui demandaient au moins un préciput décroissant ; ce n'était plus seulement dans la minorité que se trouvaient ces membres. L'honorable M. Pirmez proposait, par un amendement rejeté le 21 juin 1860, d'accorder la première année 95 p. c. du produit des octrois de 1859 ; la seconde année 92 1/2 p. c ; la troisième année 90 p. c. ; la quatrième année 87 1/2 p. c. ; la cinquième année 85 p. c. ; la sixième année 82 1/2 p. c. ; la septième année et les suivantes 80 p. c.
A partir de 1867, voici ce qui se serait présenté dans l'ordre d'idées de l'honorable M. Pirmez.
La ville de Gand aurait obtenu 1,239,240 francs au lieu de 1,549,051 ; perte 309,810 francs.
La ville de Liège aurait obtenu 1,013,890 francs au lieu de 1,267,362 ; perte nette 233,472 francs.
La ville de Bruxelles aurait obtenu 2,290,552 francs au lieu de 2,865,116 francs ; perte nette 572,634 francs.
Anvers enfin, dans cette hypothèse-là comme dans celle de l'honorable M. de Theux, obtenait alors comme aujourd'hui 1,353,374 fr. 66 c.
Une troisième combinaison a été adoptée en Hollande lorsque les octrois y ont été abolis par la loi du 7 juillet 1865.
En Hollande, ce n'étaient pas 78 communes sur 2,500, mais 931 sur 1,158 qui avaient des octrois. Il n'était pas possible, dès lors, d'établir des préciputs ; il y en aurait eu pour tout le monde. On n'en établit donc pas : on accorda tout bonnement à chaque commune hollandaise quatre cinquièmes du produit de la contribution personnelle sur son territoire.
Voici, messieurs, quel fut le résultat de cette nouvelle législation pour les quatre grandes villes des Pays-Bas, que je vais comparer aux quatre grandes villes de la Belgique.
La Haye obtenait de son octroi, en 1861, 671,757 florins : les quatre cinquièmes de la contribution personnelle ne lui donnèrent plus, en 1868, que 432,331 florins ; perte annuelle, environ 220,000 florins.
Rotterdam percevait 590,677 florins ; elle ne touche plus que 410,341 florins ; perte nette, 180,000 florins.
Amsterdam touchait 1,442,812 florins ; elle ne touche plus que 879,912 florins ; perte annuelle, 600,000 florins environ.
Utrecht, enfin, ville moins considérable, percevait 222,258 florins ; elle ne touche plus que 197,058 florins ; perte annuelle, 25,000 florins.
La perte totale des quatre communes réunies est de 987,462 florins ; leur perte moyenne est de 34 p. c. de leurs revenus.
Bien loin de leur garantir la totalité de leur octroi, après un certain nombre d'années ces villes n'obtiennent encore que 66 p. c. de leur ancien revenu.
M. Muller. - La contribution personnelle s'accroît tous les ans.
M. Jacobs, ministre des finances. - Bien entendu, de même que le fonds communal s'accroît chaque année.
Si le même système avait été admis en Belgique, voici ce qu'il aurait produit pour nos quatre grandes villes.
Bruxelles, au lieu de 2,865,166 francs, n'aurait reçu que 1,219,249 fr. ; soit une perte de 1,643,917 francs.
Anvers, au lieu de 1,350,579 francs, n'aurait touché que 818,600 fr. ; perte nette 531,979 francs.
Gand, au lieu de 1,549,051 francs, n'aurait plus obtenu que 480,830 fr. ; perte nette 1,008,221 francs.
Liège, au lieu de 1,267,565 francs, n'aurait plus touché que 379,035 fr. ; perte nette 888,328 francs.
La perte, en Belgique, eût été relativement plus considérable qu'en Hollande ; elle eût été de 52 p. c. au lieu de 34 p. c.
M. d'Andrimont. - Nous aurions été propres alors !
M. Jacobs, ministre des finances. - Même avec une perte réduite à 34 p. c, les villes auraient encore été dans une situation que M. d'Andrimont vient de dépeindre d'un mot.
Messieurs, les villes de Hollande, aussi importantes que les villes belges, sont sorties de cette situation ; elles n'en sont pas sorties sans efforts ; elles ont dû établir des taxes élevées ; mais enfin, elles en sont sorties, et quand j'ai demandé si les grandes villes de Hollande se plaignaient de la situation qui leur était faite par l'abolition des octrois, on m'a répondu que non :
« L'opinion publique, m'écrit-on, et la sympathie des habitants pour l'abolition des octrois ont forcé les autorités communales des grandes villes à supprimer ces droits et à les remplacer par les ressources que les tableaux indiquent. »
L'opinion publique a poussé les administrations des grandes villes à établir des taxes directes en remplacement des octrois.
Voici le tableau qu'on m'a envoyé de La Haye : [Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée].
(page 1519) C'est par les capitations et par les centimes additionnels au personnel et au foncier que les villes de Hollande ont comblé la différence entre le produit des octrois et les quatre cinquièmes de la contribution personnelle que l'Etat leur a abandonnés en compensation.
Messieurs, lorsqu'on compare toutes les combinaisons que j'ai énumérées avec celle qui a été réalisée en Belgique, il faut reconnaître que jamais on n'a proposé rien d'aussi favorable aux villes de Bruxelles, de Liège et de Gand, que la combinaison dont elles profitent et je vous demande si ces villes ont le droit de se plaindre.
Si en 1860 la Belgique n'avait pas eu a prendre l'initiative, si la Hollande l'avait précédée dans la voie de l'abolition des octrois au lieu de la suivre, les grandes villes n'auraient pas été traitées aussi favorablement qu'elles l'ont été ; elles ont été si ménagées que l'honorable M. de Naeyer, dans le discours qu'il a prononcé le 11 juin 1860, allait jusqu'à dire :
« C'est un caractère fâcheux de la loi, je le dis à regret, mais quand on examine attentivement le projet du gouvernement, il est impossible de ne pas être convaincu que ses auteurs ont été dominés par cette pensée, que l'abolition des octrois ne pouvait se faire qu'avec la permission des grandes villes. »
Il semblerait qu'aujourd'hui encore le gouvernement et les Chambres ne peuvent abolir la loi de 1828 qu'avec la permission des villes de Bruxelles et de Liège.
Ces villes se plaignent de ne pas obtenir de compensation comme la ville d'Anvers ; elles n'en reçoivent pas en ce moment parce qu'elles touchent leur compensation depuis plus de dix ans.
Divisez le préciput garanti à chaque ville par le nombre d'habitants, vous arriverez aux résultats suivants selon que vous prendrez la population constatée par le recensement de 1866, ou l'état de la population au 31 décembre 1859, année qui sert de base pour l'établissement du préciput. [Ce tableau n’est pas repris dans la présente version numérisée.]
Si la ville d'Anvers avait reçu ce qu'a reçu la ville de Liège, au lieu de 11 fr. 51 c. ou 11 fr. 75 c. par habitant, elle aurait touché 12 fr. 78 c. ou 13 fr. 38 c.
Voici comment cela se traduit en chiffres :
Dans l'hypothèse de la population du 31 décembre 1866, Anvers à raison de 12 fr. 78 c. par habitant eût obtenu un minimum de 1,498,697 fr. 82 c. au lieu de 1,350,578 fr. 98 c. soit en plus par an 148,118 fr. 84 c. Depuis l'abolition des octrois, la ville d'Anvers aurait touché en plus 1,500,000 francs. Elle n'aurait encore aucune augmentation de sa part du fonds communal, elle en serait toujours à sa part fixe ; elle ne trouverait aucune compensation dans le projet de loi. Elle n'aurait toujours que 1,498,697 francs, tandis que grâce à la compensation (si elle s'élève, comme je le pense, à 63,905 francs), Anvers aura 1,417,279 francs. Voyez donc l'heureuse ville ! Elle va avoir 1,417,279 fr. pour la première fois, tandis que, si elle avait été traitée comme Liège, elle aurait eu 1,498,697 francs depuis plus de dix ans ! Il y avait d'autant plus de raison de traiter la ville d'Anvers au moins aussi bien que la ville de Liège que, si on avait accordé 12 fr. 78 c. par tête d'habitant à toutes deux, Liège continuerait à toucher 295,000 francs de plus que l'ensemble de ses contributions, tandis qu'Anvers toucherait 265,000 francs de moins que l'ensemble des siennes.
Si je prends la population de 1859 où Liège reçoit 13 fr. 38 c, la ville d'Anvers à ce taux eût obtenu 1,537,375 francs, soit en plus par année, 180,796 francs, soit 2 millions depuis l'institution du fonds communal. Dans ce cas encore et à plus forte raison, elle n'aurait pas encore de part variable, elle ne trouverait pas de compensation dans le projet de loi ; mais elle se garderait bien de se plaindre, car, sans compensation, elle aurait 1,537,375 francs, tandis qu'avec, la compensation, elle n'aura aujourd'hui que 1,417,279 francs.
Il y aura pour elle une différence, une perte de 120,000 francs, malgré la compensation, eu égard à ce qu'elle aurait reçu si elle avait été traitée comme Liège.
Elle recevra encore, dans cette hypothèse, 209,000 francs de moins que ses contributions, tandis que Liège touche 294,000 francs de plus.
Assurément, messieurs, dans ces conditions et après ces comparaisons, je suis bien en droit de dire que, si Anvers ne se plaint pas, Liège et Bruxelles n'ont pas le droit de se plaindre ; elles ont touché leur compensation depuis dix ans ; Anvers ne la touche, bien petite, qu'aujourd'hui.
Vous avez vu comment ont agi les villes hollandaises ; si l'abolition des octrois était à refaire en Belgique, il est probable que cet exemple ne serait pas de nature à faire traiter les villes aussi bien qu'elles l'ont été en 1860 ; elles ont profité du bon moment ; elles ont eu la sagesse de renoncer à leurs octrois quelques années plus tôt ; je ne leur marchande pas la compensation qu'elles ont reçue alors, mais je crois qu'elles n'ont pas le droit d'en réclamer une nouvelle.
M. Guillery. - Vous êtes bien bon !
M. Jacobs, ministre des finances. – Je suis en tout cas meilleur que l'honorable M. de Theux, que l'honorable M. Pirmez et que les ministres hollandais qui ont établi des bases infiniment moins favorables.
M. de Rossius. - Il faut savoir si cela est juste.
M. Jacobs, ministre des finances. - Je constate que jamais en aucune hypothèse on n'a présenté aux grandes villes des conditions aussi bonnes que celles qu'elles ont obtenues ; toutes les propositions qui se sont produites en divers pays et sur divers bancs de cette Chambre démontrent que les grandes villes ont été traitées, en 1860, aussi bien qu'elles pouvaient l'espérer.
Je comprends, messieurs, un préciput dans la loi des octrois. Quelle en a été la raison ? L'honorable M. Frère l'exposait en réponse à l'honorable M. de Naeyer : La grande difficulté, disait-il, pour les villes, c'est d'établir une quantité considérable d'impôts directs en remplacement de ces impôts indirects.
M. de Naeyer, qui n'admettait pas, en principe, l'impossibilité administrative de cette transformation, ne s'opposait pas cependant à une période transitoire.
La difficulté gisait dans l'obligation de substituer l'impôt direct sur une vaste échelle à l'impôt indirect. Ici le cas est bien différent, Il ne s'agit pas de substituer l'impôt direct à l'impôt indirect. Il s'agit de substituer un impôt direct à un autre impôt direct et l'un n'est pas plus difficile à établir que l'autre. Les villes ont recours à des impôts directs excessivement variés. Chacune a son impôt préféré. L'une préfère l'impôt sur les façades, une autre l'impôt sur les trottoirs, une troisième l'impôt sur le cube des constructions, une quatrième l'équivalent de l'impôt foncier, d'autres préfèrent d'autres taxes encore.
Les villes de Bruxelles et de Liège n'auront à demander rien de plus à leurs contribuables. Elles leur demanderont la même somme d'impôt direct sous une autre forme ; au lieu de tel impôt, ce sera tel autre. Seront-ce des centimes additionnels ? Sera-ce une taxe supérieure sur les façades ? Peu importe. Elles ne demanderont qu'un impôt direct en remplacement d'un autre impôt direct ; l'un n'est pas plus lourd à supporter que l'autre. L'impôt direct a un grand nombre de formes ; quand l'une vient à faire défaut, les autres vous restent.
Ici, certainement, l'honorable M, de Naeyer serait d'accord avec moi que non seulement il n'y a pas impossibilité, mais qu'il n'y a pas même difficulté administrative.
Et puis que serait-il arrivé si le gouvernement n'avait pas autorisé cette taxe, si le gouvernement belge, comme le gouvernement hollandais, comme le gouvernement du grand-duché de Luxembourg, fidèle à l'esprit de la loi de 1828, d'accord avec la députation permanente du Brabant, ne l'avait pas tolérée ?
Ces villes seraient dans la même situation qu'aujourd'hui. Elles s'en seraient tirées. Elles s'en tireront d'autant plus facilement qu'il leur restera deux ressources toutes spéciales : les centimes additionnels sur les constructions nouvelles et la première année d'impôt foncier que l'Etat leur abandonne. La situation sera infiniment meilleure que si cette taxe n'avait pas été autorisée et si le gouvernement avait prohibé toute taxe directe sur ces bâtisses pour en protéger le développement.
A ce propos, messieurs, je dois protester contre la pensée politique que me prêtait l'honorable M. Anspach. Nous traiterions bien les villes catholiques ; nous traiterions mal les villes libérales. Il oublie que, parmi les villes plus ou moins victimes, se trouve la ville de Louvain à côté de villes libérales, et que. Parmi les communes qui bénéficient se trouvent les communes de Schaerbeek, de Saint-Gilles, de Seraing, qui assurément sont (page 1520) des plus libérales. La pensée politique est une invention qui ne résiste pas à l'examen.
Quelle est, messieurs, la situation delà ville d'Anvers, puisque c'est d'elle surtout qu'on a parlé ? La voici : La première des grandes villes, elle touche une part variable dans le fonds communal ; elle profite d'une part de toute augmentation du fonds communal, et d'autre part, de toutes les augmentions de matières imposables qui se produisent chez elle, car la base de la part variable est double : le chiffre des impositions de la commune et celui du fonds communal.
Si l'Etat perçoit plus d'impôts à Anvers, la ville en profite ; si le fonds communal est agrandi, comme il l'a été par la loi sur les alcools l’année dernière, la ville d'Anvers en profite encore. Toutes les augmentions de contributions au profit de l'Etat, toutes les augmentations du fonds communal vont profiter à toutes les villes qui, comme Anvers, se trouvent avoir une part variable dans le fonds communal ; et si certaines communes n'ont pas le même avantage, c'est que, lors de l'abolition des octrois, nombre de communes n'ont obtenu par le fonds communal que 31 p. c. de leurs contributions, tandis que d'autres obtenaient jusque 191 p. c.
Aujourd'hui l'écart est moindre ; les communes les moins avantagées obtiennent 77 p. c. de leurs impositions ; mais il en est qui touchent encore 150 p. c.
Eh bien, je dis que les communes comme Gand, Liège et Bruxelles, qui touchent au delà de 100 p. c. de leurs contributions, ne doivent pas jalouser la condition des villes qui, comme Anvers et d'autres, ne touchent que la répartition normale !
Ces considérations, messieurs, vous convaincront, je l'espère, que le gouvernement est dans son droit en supprimant une exemption d'impôt foncier qui ne se justifie plus et qu'il n'y aura pas de difficultés sérieuses pour les deux seules communes réellement intéressées à remplacer la taxe dont elles perdent le bénéfice, bénéfice sur lequel elles n'ont jamais dû compter.
M. David. - Messieurs, le ministère clérical que nous avons devant nous réagit dans tous les sens contre le progrès de la civilisation moderne. (Interruption.)
Je réponds immédiatement à vos interruptions ; je vous apporte la preuve de ce que j'avance.
L'honorable M. Wasseige, par l'élévation des tarifs des voyageurs, diminue la fréquence et la longueur des voyages. Est-ce que les voyages ne favorisent pas la diffusion des idées, les relations sociales, commerciales, industrielles et agricoles, en un mot, le développement de la civilisation et de la prospérité nationale ?
L'honorable ministre de l'intérieur, lui, en supprimant à son budget les subsides pour l'instruction, n'agit-il pas dans le même sens ? Il entrave la diffusion des lumières ?
Eh bien, messieurs, le projet actuel a le même but ; je vais vous le démontrer immédiatement.
II y a bien peu d'années, messieurs, nous avons voté une loi sur les expropriations par zones, pourquoi ? Mais pour faciliter aux villes insalubres, aux grandes agglomérations les mesures d'assainissement et d'amélioration que leur situation réclamait impérieusement.
Les villes se sont mises vigoureusement à l'œuvre, elles ont tracé de grandes et larges rues pour faire entrer l'air pur et la lumière dans les parties de leur enceinte qui n'étaient que des bouges infects, des foyers de lièvres et de maladies contagieuses, et ont rendu sains et habitables des quartiers tout entiers. Pour réaliser ces améliorations, les villes ont dû faire des dépenses très considérables et elles ont compté sur l'avantage qui pourrait leur revenir de l'impôt sur les nouvelles constructions momentanément exemptées de l'impôt foncier ; elles ont compté sur cet impôt pour les aider à couvrir les frais qu'elles faisaient pour assainir les parties insalubres de leur territoire.
Elles n'ont pas pu supposer que jamais en Belgique il existerait un ministère qui viendrait les arrêter dans le développement de leur prospérité et de leur bien-être ; elles ont dû compter que l'autorisation qui leur était donnée de percevoir l'impôt sur les nouvelles constructions était et réitérait une autorisation définitive,
Il est évident, messieurs, que le ministère est hostile aux grandes villes parce qu'elles sont libérales ; il veut obliger les administrations des grandes villes à établir de nouvelles taxes, il veut les forcer par là à se rendre impopulaires, afin que les électeurs les renversent le plus tôt possible, pour les remplacer par de ses amis politiques.
D'après l'honorable ministre des finances, la perte sera insignifiante pour les villes intéressées ; il y aura même avantage pour certaines d'entre elles ; suivant ses calculs, la ville de Verviers ne doit perdre que 7,000 fr. ; mais la question a été traitée au conseil communal de Verviers, et d'après les évaluations, que je cite de mémoire, l'administration communale l'estime de 16,000 à 17,000 francs.
M. Jacobs, ministre des finances. - La taxe ne rapporte que 14,000 francs.
M. David. - Je parle de mémoire, je n'ai pas les pièces sous les yeux, mais en supposant que la perte ne fût que de 14,000 francs, ce serait toujours le double du chiffre indiqué dans les documents distribués par M. le ministre des finances à l'appui du projet de loi.
Eh bien, admettons que ce ne soit que 14,000 francs. Mais, messieurs, c'est là la perte actuelle que fait la ville de Verviers ; mais voyons l'avenir.
Vous devez savoir les vastes projets d'agrandissement que cette ville a formés. Elle va pour ainsi dire se doubler en établissant des boulevards, de grandes percées et elle a compté, pour couvrir en partie la dépense à faire en ce moment pour amener les eaux de la Gileppe, objet qui lui coûtera 3 à 4 millions, sur l'augmentation précisément du revenu de l'impôt sur les constructions neuves à établir le long de tous les vastes terrains à livrer à la bâtisse, au moyen des dépenses importantes à supporter par elle.
L'honorable ministre nous disait tantôt : Il est facile aux villes de trouver d'autres moyens pour remplacer les pertes insignifiantes qu'elles vont subir.
Si les administrations communales avaient un esprit financier aussi inventif que l'honorable ministre des finances, cela irait tout seul. Mais il y a beaucoup de villes qui se sont ingéniées à tout frapper, et Verviers, je crois, est dans ce cas.
Lors de la suppression des octrois, après avoir épuisé tous les autres moyens de battre monnaie, elle a adopté une répartition personnelle de 80,000 à 100,000 francs.
Bien que la ville n'ait que 50,000 âmes, et que la plupart des personnes qui l'habitent soient bien connues de tous, cette répartition a été très difficile à établir. Elle a donné lieu à beaucoup de réclamations. Il y a des personnes qui payent une cotisation de 600 à 800 francs, et moi je ne vois plus où la ville de Verviers pourra prendre de l'argent.
À Bruxelles et à Liège, il serait impossible de donner une assiette équitable à une répartition personnelle.
Savez-vous, M. le ministre, ce que peut payer tel particulier, tel commerçant qui a un bel étalage ?
Je crois que l'honorable ministre des finances n'a jamais été conseiller communal ni échevin, car, dans ce cas, il saurait combien il est difficile de trouver des ressources par des charges locales dans une commune.
Messieurs, il y a d'autres parties du projet que je ne puis admettre.
Pour me résumer, je déclare que je voterai contre l'ensemble du projet de loi.
M. Anspach. - Messieurs, hier, en répondant aune observation que j'avais eu l'honneur de lui faire, M. le ministre a fait une déclaration dont j'ai soigneusement pris acte. C'est que le produit nouveau créé pour l'Etat par l'abrogation de la loi de 1828 n'est point nécessaire pour combler une partie quelconque du vide qui va se former par l'abolition du droit de débit sur les boissons et le tabac.
Ainsi, messieurs, vous l'entendez, la disposition que je critique, contre laquelle je m'élève, peut parfaitement disparaître du projet, sans en altérer l'économie.
Elle n'est point nécessaire aux finances de l'Etat.
Il y a plus, le gouvernement a si peu besoin de ce surcroît de recettes que l'honorable M. Jacobs disait : Le produit futur de cette recette nouvelle, je l'appliquerai au dégrèvement des impôts.
Eh bien, cette déclaration de M. le ministre me fournil un argument puissant pour la thèse que je soutiens.
Si le ministre des finances déclare, d'un côté, que cette nouvelle ressource n'est pas indispensable à l'Etat, et si, de l'autre côté, j'ai établi qu'elle est indispensable, au contraire, pour les grandes communes de le conserver, quel est le motif sérieux qui engage le gouvernement à changer ce qui est ?
Si le gouvernement pouvait nous dire ; « Cette ressource que je reprends aux communes m'est absolument nécessaire pour assurer les services publics de l'Etat ; je ne puis y renoncer sans les compromettre, » j'aurais compris ce langage et je m'y serais soumis peut-être, tout en me réservant d'examiner si la mesure nouvelle n'est pas désastreuse pour les communes, car on semble l'oublier parfois dans cette enceinte : les communes réunies, c'est le pays aussi sous une autre forme.
Ce langage n'a pas été tenu par le gouvernement et je me demande comment, de gaieté de cœur, sans nécessité, on va compromettre gravement les finances des grandes villes du pays. Oui, je l'établirai, M. le ministre, (page 1521) malgré tous les calculs auxquels vous venez de vous livrer, la situation financière des grandes villes est difficile et c'est véritablement faire preuve d'imprévoyance que de venir troubler leurs finances dans un pareil moment.
Il me semble que M. le ministre des finances a pris une peine bien inutile en venant parler longuement de l'historique de la loi de 1828, de l'historique de la première application au profit des communes de l'impôt qui frappe sur les propriétés d'abord exonérées. Et tout cela pour établir quoi ? Une chose que personne ne contestait, à savoir le droit du législateur de disposer d'une manière souveraine des impôts, de décider qu'on les reprendra aux communes et qu'on les rendra au gouvernement.
Sans aucun doute le législateur est parfaitement libre de décider en ces points comme il l'entend, mais la question n'est pas la ; la question est de savoir si vous avez des motifs sérieux de nous reprendre les ressources que nous possédons et de vous les attribuer.
A quoi sert encore l'argumentation de M. le ministre sur l'inutilité de la protection accordée par la loi de 1828 aux bâtisses nouvelles ?
Je lui concède ce point, je le lui concède pour la ville de Bruxelles et pour les treize autres communes. Mais ce que je lui concède pour Bruxelles et les communes qui ont fait disparaître cette protection, je ne vous le concède pas pour les autres communes du pays. Je crois que le gouvernement en faisant disparaître cette protection accordée à l'industrie de la bâtisse pose un acte d'une certaine gravité et je m'en vais vous citer tout de suite un exemple.
Vous démantelez des villes, vous créez par conséquent de vastes emplacements prêts à être bâtis et il faudrait y élever le plus tôt possible, dans l'intérêt de la prospérité des villes, de nouveaux quartiers. Eh bien, M. le ministre, demander aux députés de Tournai et de Charleroi si l'effet de l'abrogation de la loi de 1828 ne sera pas désastreux pour ces villes ; demandez-leur si cette abrogation ne paralysera pas longtemps la création des nouveaux quartiers.
Mais, messieurs, je le répète, la question de savoir s'il est utile ou non que l'industrie de la bâtisse soit protégée, n'en est pas une pour les communes qui ont supprimé la protection à cette industrie.
Toute la question est de savoir quel motif vous pouvez avoir de nous faire la proposition que je combats, alors que vous déclarez n'avoir pas besoin de l'impôt sur les constructions nouvelles.
Comment, dit encore M. le ministre des finances, mais il n'y a que quatorze communes en Belgique qui sont intéressées dans la question ; et encore, de ces quatorze communes, n'y en a-s-il que sept qui réclament ; et encore de ces sept qui réclament, il n'y en a que deux dont il faille S'occuper : Liège et Bruxelles.
M. de Rossius. - Et Gand.
M. Anspach. - L'honorable ministre ne s'occupe pas de la ville de Gand. Il n'admet comme vraiment intéressées que les villes de Liège et Bruxelles et il fait le raisonnement suivant : J'ai établi que cette exemption d'impôt ne devait pas être maintenue, qu'elle était inutile. Est-ce que, pour ces deux communes, nous allons renoncer à une réforme qui est bonne pour le reste du pays ?
Encore un peu, l'honorable ministre traitait ces communes d'insurgées : Il nous a dit, en effet, que ce n'était qu'avec la permission des grandes villes qu'on avait pu décréter l'abolition des octrois, et maintenant il faudrait la permission de Bruxelles et de Liège pour abroger la loi de 1828.
C'est très mal poser la question. Jamais les villes opposantes ou réclamantes n'ont demandé une législation spéciale pour elles ; jamais elles n'ont demandé un privilège ; jamais elles n'ont demandé à être traitées autrement que toutes les autres communes. Elles se sont bornées à dire : Vous méditez, vous gouvernement, l'aggravation, dans une forte mesure, de l'impôt foncier, déjà très élevé dans notre pays, car l'abrogation de la loi de 1828 n'est qu'une aggravation de l'impôt foncier sous une forme déguisée.
Eh bien, ne le faites pas, puisque, de votre propre aveu, vous n'en avez pas besoin ; ne le faites pas, parce que vous allez jeter la perturbation dans les finances des principales communes du pays ; ne le faites pas, parce que vous léserez un très grand nombre de communes encore en dehors de celles qui réclament.
En quoi donc avons-nous demandé quelque chose qui ressemblât à un privilège ? Et, d'ailleurs, M. le ministre reconnaissait si bien lui-même que son argument n'était pas à l'abri de la critique que, immédiatement après, il nous disait : Proposez donc une mesure générale, applicable à toutes les communes ; nous examinerons, nous discuterons. L'honorable M. Jacobs semblait dire : Je n'ai point de parti pris ; je ne dois refuser que parce que vous vous mettez en dehors de la loi commune et parce que je ne puis pas accorder de privilège ; mais proposez-nous une mesure générale ; nous verrons si elle peut être acceptée. Et il ne s'apercevait pas que ce que nous demandons c'est précisément une mesure générale qui fût applicable à toutes les communes du pays. Nous disons : N'abrogez pas la loi de 1828 ; laissez à toutes les communes qui le demanderont la faculté de s'attribuer l'impôt dont celle loi exempte les constructions nouvelles pendant les huit premières années. Est-ce là réclamer un privilège ; est-ce demander une position exceptionnelle pour Liège et Bruxelles ? Non sans doute.
Il en est de cet impôt comme de tous les autres. Prenons l'impôt foncier, par exemple.
Personne, à coup sûr, ne contestera que toutes les communes de la Belgique ne puissent établir des centimes additionnels à l'impôt foncier.
Il y a un grand nombre de communes qui le font ; rien n'empêche qu'elles le fassent toutes. Mais parce que certaines communes prélèvent ces centimes additionnels, et tandis que d'autres, comme la ville de Bruxelles, par exemple, ne les prélèvent pas, prétendra-t-on qu'elles ne sont pas toutes sur le même pied ? Il en est exactement de même de l'impôt sur les constructions nouvelles.
Messieurs, M. le ministre des finances a cherché, et l'on devait s'y attendre, à diminuer autant que possible l'effet de la mesure pour les finances des villes de Liège et de Bruxelles.
Dans ce but, M. le ministre des finances est entré dans une série de calculs. Je voyais le moment où l'honorable ministre allait nous prouver que la ville de Bruxelles allait y gagner ; je croyais voir un prestidigitateur qui fait disparaître sous sa main tous les objets qui s'y trouvent.
Les calculs auxquels M. le ministre des finances s'est livré ont été faits aussi au sein du conseil communal de Bruxelles par des gens intéressés à voir clair dans la situation ; ils ont été établis dans des conditions de sincérité telles qu'on peut y avoir la plus grande confiance.
Je pourrais reproduire ces calculs et les opposer à ceux de M, le ministre des finances. Seulement je ferai remarquer que les calculs faits par les conseils communaux de Liège et de Bruxelles ont une physionomie qui les rend beaucoup plus acceptables que ceux de M. le ministre des finances ; car l'honorable ministre a commencé par se tromper ; il a été obligé à deux reprises de rectifier ses calculs.
Je ne reproduirai pas tous les calculs de la ville de Bruxelles ; cette ville déclare, et je persiste dans cette déclaration, qu'elle perdra 80,000 francs par an.
M. Jacobs, ministre des finances. - Actuellement ; mais que se passera-t-il en 1874 ?
M. Anspach. - Nous parlerons tout à l'heure de 1874.
M. le ministre des finances, prenant la chose très légèrement, dit à l'administration communale de Bruxelles qu'elle attache une importance exagérée à cette question ; qu'il ne s'agit en définitive que d'un fait insignifiant ; qu'il s'agit de remplacer un revenu très minime par une ressource très minime aussi.
Non, le fait est grave, et la perte que vous faites subir à la ville de Bruxelles est irréparable.
Du reste, le point de savoir quel est le chiffre exact de la perte que la ville de Bruxelles va subir, c'est le petit côté de la question. Je vais montrer l'intérêt qu'a la ville de Bruxelles, à deux points de vue différents, de conserver dans les ressources ordinaires de son budget l'impôt que vous voulez lui enlever.
Pour se rendre compte de la prospérité des finances d'une ville ou d'un Etat, il ne faut pas prendre l'importance des chiffres de leur budget ; il faut prendre, d'une part, les services que cette ville ou cet Etat doit accomplir, et d'une autre part, voir les moyens qu'elle a sa disposition pour y faire face.
Or, prenez le budget de la ville de Bruxelles, et vous verrez que l'écart entre les dépenses ordinaires et les recettes ordinaires ne s'élève qu'à 200,000 francs. Et encore pour arriver à ce chiffre, suis-je obligé de compter les 100,000 francs que j'ai demandés au gouvernement comme subside pour l'instruction primaire. Mais je le laisse figurer dans mes calculs, parce que, s'il y a une justice au monde, nous l'obtiendrons bientôt.
Ainsi donc régulièrement la ville de Bruxelles ne peut, en dehors des services ordinaires, consacrer à des entreprises de tous genres qu'une somme annuelle de 200,000 francs. Si la somme de 80,000 francs par an est peu de chose au point de vue des 8, 9 ou 10 millions qui forment la balance du budget de la ville de Bruxelles, c'est une somme considérable au point de vue de l'excédant des recettes ; car qui de 200,000 ôté 80,000 ôte une part importante du disponible de la ville de Bruxelles.
(page 1522) Un second point, messieurs, sur lequel M. le ministre des finances a tout à l'heure passé très rapidement, c'est la valeur d'avenir de l'impôt, c'est un impôt qui commence et sur lequel les villes croyaient pouvoir compter. Mais je vais prouver à M. le ministre des finances que le chiffre de 90,000 francs que la ville de Bruxelles perd aujourd'hui n'est qu'un chiffre purement accidentel, que ce n'est pas un chiffre normal.
Lorsque nous avons pour la première fois établi cet impôt en 1866 nous avons eu quelque chose de bien simple à faire pour évaluer le produit de cet impôt. Nous avons pris les constructions faites pendant les dix dernières années à Bruxelles ; nous avons établi la moyenne et nous avons vu que l'impôt que nous allions établir pour la première fois, avec l'autorisation du gouvernement, allait nous rapporter une somme flottante entre 150,000 et 200,000 francs par an, et c'est cette somme que nous avons portée au budget.
En effet, la première année nous avons à peu près atteint le chiffre de 150,000 francs, mais depuis, d'année en année, cette somme a décru et elle est tombée successivement de 150,000 à 109,000 francs pour 1870. a quoi tient cette dépression ? Est-ce que la ville de Bruxelles perd de sa prospérité ? Non, elle tient à une cause qui vous a été expliquée d'une manière complète par M. Frère dans son discours d'avant-hier ; c'est parce que l'état de crise dans lequel nous avons passé depuis quatre ans a surtout frappé la propriété foncière, et en même temps a paralysé l'industrie des constructions nouvelles.. Cette crise a fait disparaître les capitaux qui sont nécessaires pour de telles entreprises.
Nous sommes donc dans une situation anomale, mais ce qui est certain c'est que le jour où cette situation exceptionnelle viendra à disparaître, ce n'est plus 90,000 francs, c'est 200,000 francs que vous prendrez à la ville de Bruxelles. Et puis, ce ne sera pas seulement 200,000 francs, ce sera plus du double.
Un jour, messieurs, l'administration de la ville de Bruxelles, vaincue par la nécessité, obéissant à un devoir tellement impérieux qu'elle ne pouvait s'y soustraire, celui de sauvegarder la vie de ses citoyens, s'est décidée à ce travail d'assainissement et a consenti à faire une dépense qui n'est pas inférieure à 17 millions. Tandis que le gouvernement n'intervenait dans ce travail gigantesque que pour une somme de 6 millions, la ville de Bruxelles n'hésitait pas, elle, à s'imposer un sacrifice de 17 millions.
Messieurs, lorsque nous sommes venus devant le conseil communal de Bruxelles avec la responsabilité de cette grande résolution, lorsque nous sommes venus lui demander, ce qui était excessif pour une ville, une somme aussi considérable, qui n'avait été égalée par aucune ville du pays, pour un travail qui dépasse tout ce qui a été fait jusqu'à présent, nous avons eu soin de lui dire : Dans nos prévisions, nous allons trouver une certaine compensation à nos dépenses dans une recette qui ne peut pas nous manquer : celle du revenu des constructions exonérées sur un nombre de maisons qui n'est pas inférieur à douze cents, sur douze cents maisons de premier ordre qui vont se construire le long de cette large voie qui vient de s'ouvrir dans la ville.
Nous avons évalué, à cette époque, le produit de l'impôt de ce chef à 200,000 francs, de sorte que ce n'est pas 80,000 francs, ce n'est pas 200,000 francs que M. le ministre nous prend, c'est de 1,400,000 francs qu'il prive la ville de Bruxelles.
Et remarquez que cette augmentation une fois acquise ne disparaîtra plus ; les misérables bâtisses qui se trouvent dans toutes les ruelles environnantes vont disparaître et seront remplacées par des constructions nouvelles. La ville de Bruxelles aurait trouvé, dans les maisons nouvelles qui vont se faire dans les environs de ce grand travail, la compensation du revenu qui lui échapperait au bout de huit années des constructions primitives.
Pour donner une forme plus claire à ma pensée, non pour cette Chambre mais pour le dehors, comme la ville de Bruxelles obtient les fonds dont elle a besoin à raison d'un peu plus de 4 p. c, c'est une somme de 10 millions que M. le ministre des finances vient prendre à la ville de Bruxelles.
Ainsi, M. le ministre des finances avait tort tout à l'heure lorsqu'il disait : Mon Dieu ! la ville de Bruxelles et la ville de Liège, je sais comment les apaiser.
Un gâteau à Cerbère, et nous passerons une petite compensation pour ces villes, et elles ne diront plus rien.
Non, M. le ministre, elles parleront encore. Elles vous parleront dans un esprit d'avenir. Elles vous montreront combien elles doivent tenir, depuis qu'elles n'ont plus la recette progressive des octrois, à tout ce qui a le caractère d'un revenu progressif, et elles vous demanderont, elles vous supplieront de ne pas porter ce coup fatal aux finances des villes par l’abrogation de la loi de 1828.
Mais M. le ministre des finances à d'autres cordes à son arc, et c'est le fonds communal surtout qu'il vient faire miroiter à nos yeux.
C’est là que les grandes communes trouveront la compensation qui leur est nécessaire.
Je n'hésite pas à déclarer que cette espérance n'est qu'un leurre et que la ville de Bruxelles ne se trouvera jamais en situation de venir prendre part à une augmentation quelconque du fonds communal. Je vais le démontrer.
La Chambre sait que le fonds communal se partage entre toutes les communes du pays au prorata des impositions directes que ces mêmes communes payent à l'Etat.
M. de Naeyer - Non, de la contribution foncière sur les bâtisses seulement et non de toute la contribution foncière.
M. Anspach. - Sans doute. Et d'après les tableaux fournis par M. le ministre des finances lui-même et non d'après ses calculs de fantaisie sur ce qui peut se passer dans les années subséquentes, mais sur la réalité de ce qui s'est passé jusqu'ici, à cause de cette augmentation extraordinaire duc aux nouvelles lois sur les accises, cette part proportionnelle des communes est arrivée à 77 p. c. de ce qu'elles payent à l'Etat.
Il en est tout autrement des communes qui avaient l'octroi, et spécialement la ville de Bruxelles touche pour sa part, dans le fonds communal, 104 p. c. de ce qu'elle paye en impôts directs à l'Etat.
Il faut donc qu'il y ait une augmentation de 27 p. c. dans le fonds communal pour que la ville de Bruxelles puisse commencer à espérer de venir partager dans une augmentation quelconque. Cette augmentation n'arrivera jamais ; la raison en est très simple ; je vais la dire à M. le ministre des finances, et je crois qu'il va être bien vite de mon avis.
De quoi se compense le fonds communal ? Il se compose de trois éléments : des droits d'accise sur les boissons distillées, de droits de douane sur les cafés, et de revenu des postes ; il n'y en a pas d'autres. Et c'est cet ensemble qui produit maintenant de quoi partager entre toutes les communes 77 p. c. de ce qu'elles payent à l'Etat en impôts directs.
Il se peut parfaitement que cet ensemble de ressources augmente d'une manière indéfinie grâce à la prospérité générale, mais si cette augmentation a lieu, l'opinion publique réagira aussi contre elle et viendra vous demander des dégrèvements que vous ne pourrez pas refuser. Le ministère précédent n'a pas pu refuser l'abaissement de la taxe des lettres à 10 centimes, pour tout le pays.
Eh bien, messieurs, quand on viendra vous demander de dégrever le café et la bière, vous ne le refuserez pas et je vous applaudirai quand vous pourrez dégrever ces deux boissons si nécessaires à la classe laborieuse.
M. Jacobs, ministre des finances. - Est-ce que le fonds communal a pâti de la réforme postale ?
M. Anspach. - Il a trouvé une compensation dans l'augmentation du droit d'accise sur les alcools.
M. Jacobs, ministre des finances. - Eh bien, il y aura encore des compensations.
M. Anspach. - Mais M. le ministre ne voit-il pas que quand le fonds communal aura augmenté dans une certaine proportion, l'opinion publique dira : Profitez donc de cette augmentation pour dégrever les matières premières !
Mais le dégrèvement des matières premières, c'est l'avenir, c'est la sauvegarde de la prospérité du pays, et si mes renseignements sont exacts sur des études qui se sont faites au ministère des finances, je crois que M. le ministre des finances est un libre échangiste très avancé, ce dont je le félicite et s'il pouvait, comme un jour on en a eu l'idée, faire de la Belgique un vaste entrepôt franc, il aurait donné à la prospérité commerciale et industrielle du pays, comme à son indépendance, une assise que rien ne pourrait jamais ébranler.
Ainsi donc, messieurs, le fonds communal n'augmentera pas indéfiniment et à priori ; je puis vous démontrer qu'il n'arrivera jamais à 100 p. c. des impôts directs. Le jour où il serait arrivé à 100 p. c. des impôts directs payés par toutes les communes, il devrait disparaître, car y aurait-il quelque chose de plus bizarre que de voir le gouvernement prendre l'impôt direct aux communes et le leur rendre ensuite bien exactement sous une autre forme ; mais ce serait contraire au bon sens. Il ne faut pas qu'il y ait de ces circuits.
Le talent de M. le ministre des finances m'est un sûr garant qu'il viendra nous proposer lui-même de mettre un terme à ce qui serait très contraire aux règles les plus élémentaires du recouvrement des impôts. Il viendra nous dire : Nous donnerons aux communes les impôts directs, nous (page 1523) conserverons les impôts indirects. C'est ainsi en Angleterre. L'Etat n'a autre chose que les impôts indirects ; les communes jouissent des impôts directs.
De ce que je viens de dire il résulte qu'on n'arrivera pas pour le fonds communal à cette proportion de 100 p. c. et si l'on y arrivait, on ne le dépasserait jamais.
Vraiment, messieurs, je ne sais que répondre aux aimables remarques, j'allais presque dire si le sujet n'était pas si grave, aux aimables plaisanteries de mon honorable collègue, M. le ministre des finances, quand, pour consoler la ville de Liège de ce qu'elle va perdre, il la renvoie a la ville de Bruxelles pour prendre exemple sur elle et vice-versa.
Cela n'est pas très sérieux.
J'ai fait connaître, dans un discours que j'ai prononcé dans une séance précédente, à M. le ministre des finances, une situation qu'il connaissait comme moi et sur laquelle j'ai, à différentes reprises, attiré l'attention de la Chambre. C'est la situation exceptionnelle où se trouve Bruxelles.
La capitale ne peut, sans un immense danger, surcharger ses habitants d'impôts, parce que le gouvernement, d'une part et les communes suburbaines de l'autre, donnent une très forte prime à l'émigration.
Dans les localités comme Gand, Liège et tant d'autres, on peut frapper les administrés très fortement, parce qu'ils sont bien obligés de rester dans la ville, mais à Bruxelles, en est-il de même ?
La capitale est donc obligée de tenir exceptionnellement aux ressources qu'elle a déjà, afin de ne pas devoir en créer de nouvelles, car une augmentation d'impôts peut se traduire pour elle par une diminution de revenus.
M. le ministre, des finances a fait des calculs à perte de vue à propos des changements qui ont eu lieu dans la législation en Hollande, à propos des propositions qui se sont produites dans cette enceinte lors de l'abolition des octrois.
Mais dit l'honorable membre, si l'on vous avait moins bien traités, votre situation serait bien plus mauvaise. J'en conviens. C'est une vérité naïve.
Si l'on nous avait moins bien traités, nous serions dans une position moins bonne. Que prouve tout cela ? Examinons la situation réelle.
On nous a donné le net de ce que rapportait l'octroi au moment de la disparition.de cet impôt et puis l'on nous dit : Vous aviez un accroissement progressif chaque année ; vous ne l'aurez plus.
Vous frapperez des impositions nouvelles et directes pour remplacer cette augmentation.
Nous l'avons fait, messieurs, j'ose le dire, avec courage, en foulant aux pieds notre popularité, notre prestige, notre force ; mais nous ne nous attendions pas alors que nous nous inclinions devant cette déplorable nécessité de surcharger nos habitants pendant que toutes les autres communes étaient dégrevées, puisqu'elles recevaient une part dans le fonds communal.
Nous ne nous attendions pas, dis-je, à ce que le gouvernement vînt porter la main sur le trésor communal.
Messieurs, je termine en relevant un mot que l'honorable ministre des finances a prononcé hier et qui me paraît singulier dans la bourbe d'un ministre des finances. Il vous a dit : Mais les villes de Liège et de Bruxelles n'ont pas une bonne raison à nous offrir : leur seule raison est celle-ci : Je perds. Ce sont les mots de M. le ministre.
Mais en matière d'impôts il n'y a pas d'autres raisons, M. le ministre. Il y a toutes sortes de bonnes raisons pour abolir les impôts, pourquoi ne le faisons-nous pas ? Mais parce que nous ne le pouvons pas, parce que les impôts sont des nécessités sociales que nous devons subir.
Nous venons effectivement vous dire : Nous perdons, et c'est parce que nous perdons que nous nous plaignons. Nous vous avons démontré que vous n'aviez pas besoin de cet impôt que vous nous reprenez, que la prospérité des grandes villes était compromise si vous persistiez dans votre projet et c'est pour cela que nous vous supplions encore une fois de ne pas proposer à la Chambre l'abrogation de la loi de 1828.
M. d'Andrimont. - Mon collègue de Bruxelles vient de traiter la question qui nous occupe avec une véritable éloquence et une grande largeur de vues. Il a rendu ma tâche plus facile.
Le discours que vient de prononcer l'honorable ministre des finances m'a complètement découragé. La cause des grandes villes est perdue ; la droite sera unanime à voter le projet de loi : on exécutera sommairement Bruxelles, Liège, Gand et Verviers.
Je m'attendais cependant à voir, sur les bancs de la droite, quelques membres présenter de timides observations.
M. Cruyt, qui fait partie de la députation gantoise, a fait l'apologie de la nouvelle loi des impôts ; il a tapé (interruption), le mot est lâché. D'ailleurs il est juste et il est parlementaire, ! (Interruption.) Il a frappé à tort et à travers sur les cabaretiers et un peu aussi sur mon dos, par ricochet. Mais il ne s'est pas du tout préoccupé de l'influence qu'aura l'application de la nouvelle loi sur les finances de la ville de Gand. J'espérais que M. De Lehaye, qui a eu l'honneur d'être bourgmestre de la ville de Gand, prendrait la parole dans le débat. Il doit être compétent ; il a administré une grande cité. Il sait quels sont ses besoins, quelles sont les ressources dont elle peut disposer. J'avais donc tout lieu de croire qu'il défendrait énergiquement les intérêts menacés et compromis de la ville qui l'a envoyé siéger sur les bancs de la Chambre.
Mais, jusqu'à présent, il s'est tenu coi. Je ne désespère pas, cependant, de le voir entrer dans le débat pour expliquer son attitude, et celle des autres députés de Gand qui me semblent disposés à voter des deux mains la loi qui est en discussion.
M. De Lehaye. - Si l'honorable membre veut me permettre de l'interrompre, je pourrai le satisfaire immédiatement.
M. d'Andrimont. - J'aime mieux vous fournir l'occasion de nous faire un discours.
Il paraît, messieurs, que l'exemple donné par l'honorable M. Kervyn de Lettenhove est contagieux sur les bancs des ministres : quand une question embarrasse l'honorable M. Jacobs, il fait comme son collègue : il ne répond pas. Hier l'honorable M. Tesch vous a démontré de la façon la plus claire, la plus nette, la plus précise, avec chiffres à l'appui, et comme il le fait toujours du reste, que la propriété foncière en France ne paye que la moitié de l'impôt qui la frappe en Belgique.
Ces chiffres, d'une éloquence incontestable, n'ont pas été contredits par l'honorable M. Jacobs.
Or, s'il est prouvé que ces chiffres sont d'une rigoureuse exactitude, la conviction de la droite dans l'excellence des mesures financières proposées par M. le ministre des finances doit en être tant soit peu ébranlée.
Envisageant la situation telle qu'elle est réellement et non au travers des nuages de la rhétorique de M. le ministre des finances, quelques-uns d'entre vous, messieurs, faisant un retour sur eux-mêmes, devraient calculer les conséquences de la loi d'impôt qui nous est soumise et se joindre à nous pour en atténuer les effets.
Mais, si M. le ministre des finances n'a pas essayé de réfuter les chiffres de l'honorable M. Tesch, c'est que cela n'était pas possible. J'ai trop de confiance dans la façon dont l'honorable député d'Arlon fait ses calculs pour croire un seul instant qu'il ait pu s'y glisser une erreur. Or, si ces chiffres sont exacts, j'y trouve une force nouvelle à l'appui de l'argumentation que j'ai produite dans mon dernier discours.
Je disais, vendredi dernier, qu'en France, le gouvernement se proposait de créer pour 450 millions d'impôts, environ un demi-milliard. Et à qui le gouvernement français a-t-il réclamé ces impôts ? Il a eu bien soin, messieurs, de ne s'adresser ni à la contribution foncière, ni à la personnelle, ni à la patente. Et cependant, comme vous l'a dit l'honorable M. Tesch, la propriété foncière ne paye en France que la moitié de ce qu'elle paye en Belgique.
Il eût donc suffi à l'illustre M. Thiers d'employer, pour obtenir de l'argent, le moyen facile de l'honorable M. Jacobs, moyen que l'honorable M. Tesch appelait, avec raison, le pont aux ânes ; il lui eût suffi de proposer quelques centimes additionnels à la foncière, à la personnelle et à la patente pour obtenir immédiatement des millions. On ne l'a pas fait, messieurs, et pas une voix dans (erratum, page 1530) l’assemblée de Versailles ne s'est élevée, jusqu'à présent, pour demander qu'on frappât ces trois bases d'impôts d'un seul centime additionnel.
Comme je l'ai dit, comme je le répéterai, comme je le démontrerai tantôt, ces trois bases appartiennent aux communes. Que l'Etat perçoive le principal, soit ; mais qu'il n'y ajoute pas les centimes additionnels.
La France l'a bien compris. Plusieurs villes ont eu beaucoup à souffrir de la guerre ; leurs caisses sont vides, il s'agit de les remplir et c'est au moyen de centimes additionnels sur la personnelle, sur l'impôt foncier et sur les patentes qu'elles y parviendront.
M. le ministre des finances se plaît à mettre de la confusion dans le débat. Il nous prête d'abord des idées que nous n'avons pas, que nous n'avons jamais eues. Il nous a dit hier :
« Mais (il y a toujours un mais) il se fait que, précisément, une partie de ces communes en faveur desquelles l'Etat a toléré la perception d'une taxe communale équivalente à l'impôt foncier auquel il renonçait et qui se sont emparées de cette ressource, trouvent dur de voir l'Etat la reprendre.
« Cela paraît d'autant plus dur aujourd'hui que cela était plus commode autrefois.
(page 1524) « Mais, messieurs, ces communes peuvent-elles prétendre qu'une disposition légale, déclarée inutile par le gouvernement, soit maintenue dans 2,540 communes qui n'en retirent aucun bénéfice, pour 14 qui en profitent ? »
Nous n'avons jamais demandé à être avantagés, à avoir ce privilège à posséder seuls le droit de percevoir l'impôt sur les constructions exonérées en vertu de la loi de 1828.
Loin de nous cette pensée ; nous voulons être traités comme tout le monde, rester dans le droit commun.
Ce que nous réclamons, c'est le statu quo et pas autre chose. Qu'on laisse cet impôt à toutes les communes, que celles qui ne s'en sont pas servies en fassent usage.
L'honorable M. Frère l'a dit l'autre jour.
Si cette situation que vous prétendez être anomale, n'existait pas, il faudrait la créer, l'inventer.
N'est-il pas démontré d'une façon péremptoire que la propriété privée augmente de valeur en raison des travaux que font les villes pour l'embellissement, l'hygiène et le confort, et le gouvernement, par l'élévation croissante de l'impôt foncier et personnel, ne tire-t-il pas un rapide et large profit de cette situation prospère ?
Le tableau de la marche progressive des impôts directs prélevés à Liège le prouve surabondamment.
Ce tableau comprend une période de dix ans, c'est-à-dire la période pendant laquelle la ville de Liège ne profitant plus des accroissements des recettes de l'octroi, s'est vue obligée de percevoir des impôts pour une somme de 821,155 francs.
En 1860, l'impôt foncier à Liège rapportait à l'Etat 220,842 francs ; en 1869, ce chiffre s'éleva à 359,428 francs, soit une différence en plus de 137,616 francs ; soit 60 p. c.
La contribution personnelle, en 1860, atteignait la somme de 410,967 francs ; en 1869, elle se trouvait être de 467,361 ; soit une augmentation de 55,398 francs, autrement dit, 13 1/2 p. c.
Différence en plus 55,398 francs, toujours au profit de l'Etat, soit 1 1/2 p. c.
La patente, elle, chose singulière et que je ne m'explique pas, les tableaux que j'ai sous les yeux sont cependant des tableaux officiels que je contrôlerai ultérieurement, la patente, dis-je, au lieu d'augmenter, a diminué. Dans la ville de Liège, elle était de 223,000 francs en 1860, et en 1869, elle n'est plus que de 195,300.
Ainsi donc, messieurs, l'Etat, depuis dix ans, a élevé à Liège 60 p. c. de plus sur le foncier et 13 1/2 p. c. de plus sur la personnelle. A qui doit-on cette augmentation ? Est-ce au gouvernement ?
Non, c'est à la commune seule qu'on la doit, le gouvernement n'est pas intervenu pour un centime dans les grands travaux d'assainissement, d'élargissement de rues et dans la création de nouveaux quartiers à Liège. Je vais le prouver encore par des chiffres authentiques. J'ai fait publier dans le Moniteur deux tableaux que je vais résumer ici en quelques lignes afin de pouvoir vous faire saisir toute l'importance qu'ils ont dans la question qui s'agite ici. Les nouvelles rues ouvertes et élargies, de 1856 à 1866, ont occasionné, à la ville de Liège, une dépense de 2,098,816 francs.
Avant l'ouverture des rues, les terrains valaient 2,282,000 francs. Après l'ouverture des rues, ils valaient 5,455,100 francs, soit une plus-value de 3,173,100 francs, dont ont profité les particuliers et l'Etat. Les particuliers ont contribué dans la dépense pour une somme de 268,100 francs et le gouvernement n'a pas donné un centime. De 1856 à 1866 on a projeté des rues : les unes sont en voie l'exécution ; les autres le seront bientôt.
La ville aura à sa charge de ce chef une somme de 994,300 francs, la plus-value des terrains sera de 3,269,280 francs, l'intervention des particuliers sera de 227,200 francs et l'intervention de l'Etat... zéro.
On prétend, messieurs, que quelques communes seulement se trouvent lésées par le projet de loi ; mais il est une chose dont on ne tient pas compte : c'est que ces communes, par leurs populations, forment le dixième de la Belgique et que ce dixième de la population paye entre le sixième et le septième de la totalité des impôts. Bruxelles paye 2,750,641 fr. 74 c. d'impôts directs ; Gand 1,089,029 fr. 27 c. ; Liège 972,163 fr. 32 c. et Verviers 227,759 francs ; total 5,034,000 francs, soit la septième partie de la totalité des impôts directs, qui s'élèvent à la somme de 34,130,000 francs ; et vous croyez, M. le ministre, qu'il ne vaut pas la peine de s'intéresser au sort de ce dixième de la population et à ce septième des contribuables, qu'on peut, d'un trait de plume, supprimer des recettes qui permettent aux grandes villes d'équilibrer le budget.
Messieurs, si les habitants des villes ont des avantages, ils ont incontestablement de très lourdes charges et ces charges deviendront écrasantes si le gouvernement poursuivant la voie qu'il s'est tracée ne vient pas au secours des grandes villes, mais au lieu de réduire leurs charges il semble, au contraire, qu'on cherche à les aggraver.
Tout récemment encore, il y a de cela trois ans, le gouvernement nous a retiré le produit des amendes du tribunal de simple police, revenu de 8,000 à 10,000 francs par an, sans rien nous donner en échange qu'une augmentation de frais pour l'incarcération et le transport des mendiants.
Tantôt on réorganisera la garde civique ; soyez certains qu'on mettra encore au compte des communes une partie des frais de la nouvelle organisation.
Messieurs, la position financière des grandes villes, on ne saurait trop le répéter, est excessivement fâcheuse ; elle s'aggrave tous les jours. M. le ministre nous dit : L'Etat reprend son bien où il le trouve. Vous, Bruxelles et Liège, vous êtes riches, vous êtes prospères, votre population augmente.
Tout cela est vrai ; mais ce qui est vrai aussi, c'est que nos besoins augmentent, c'est qu'il nous faut des écoles pour ces populations, des travaux d'assainissement dans tous les quartiers.
L'habit devient trop étroit ; à force de le mettre, il finit par s'user ; il faut le renouveler, on le fait à la nouvelle mode. Cela coûte naturellement plus cher. On se moquerait de nous évidemment si nous nous commandions un vêtement suranné. Notre habit doit donc être taillé selon le dernier goût.
Je sais qu'il est des villes qui sont plus besogneuses, qui vivent à l'écart, qui ne reçoivent guère de monde, qui n'ont pas à faire de la représentation. Celles-là peuvent porter un habit ayant une pièce à la manche, (erratum, page 1530) elles peuvent même se laisser voir avec un habit du temps passé.
Mais ce qui est possible pour une petite ville qui est en dehors du courant des affaires ne peut être accepté par des villes comme Bruxelles et comme Liège, qui sont de grands centres de population.
Messieurs, les besoins des villes vont toujours en grandissant, nul ne peut le méconnaître, et c'est dans la période la plus critique, comme l'a dit mon honorable collègue, M. Anspach, que vous venez prélever 70,000 francs dans la caisse communale de la ville de Liège. Je ne dis pas maintenant ; mais les villes n'ont pas une existence qu'on peut limiter ; quelques années pour elles ne comptent guère dans leur vie. Je considère non le résultat de la mesure du gouvernement pour l'année 1874, mais le résultat de l'année 1880. Eh bien, je dis qu'en 1880 nous perdrons non pas 70,000 francs, mais une somme beaucoup plus considérable, je dirai presque aussi importante que celle qu'on enlève à la ville de Bruxelles.
Il est, en effet, un point sur lequel je désire appeler votre attention : c'est que la ville de Bruxelles ne peut pas s'étendre ; la ville de Bruxelles a quelque chose comme 700 à 800 hectares. La commune de Liège en a précisément le double.
Nous avons de nouveaux quartiers à créer ; de nouvelles voies de communication à percer ; il y a beaucoup plus de terrains à bâtir à Liége qu'à Bruxelles. Il s'ensuit que dans un temps plus ou moins éloigné, notre impôt sur les constructions exonérées deviendra un impôt absolument progressif et qu'un jour peut-être, il dépassera celui qu'on percevrait à Bruxelles.
Notre position, du reste, est encore plus mauvaise que celle de Bruxelles. Dès que la répartition du fonds communal se fera sur le pied de 104 p. c, la capitale verra son fonds communal croître et sa taxe sur les constructions rentrer dans la caisse. Quant à nous, pour obtenir ce résultat, il faudra que le fonds communal donne 130 p. c.
L'Etat dit : Je reprends mon bien où il se trouve. Mais il oublie aussi qu'avec l'assentiment des Chambres il peut prélever quelle somme il lui plaît sur les hommes et sur les choses.
Messieurs, à Liège, le gouvernement ne vient pas seulement nous prendre une recette certaine et progressive ; mais il prélève des centimes additionnels sur l'impôt foncier.
Or, savez-vous ce que font les 5 centimes additionnels sur la contribution foncière à Liège ? C'est 18,000 francs qu'on nous enlève immédiatement et qu'en conscience, il faut ajouter aux 70,000 francs déjà soustraits.
M. le ministre frappe d'impôts nouveaux des communes qui sont déjà surchargées. Enfin, après le précédent qui va être posé, qui sait si, ne tenant aucun compte des faits accomplis, le gouvernement ne viendra pas un jour s'emparer de nos taxes locales ? Nous avons à Liège une taxe sur les assurances. Elle rapporte 25,000 francs par an. M. le ministre peut un jour se dire : Cette taxe est bonne ; entre nos mains, elle peut produire plus ; prenons-la pour nous. Liège se plaindra bien un peu, mais qu'est-ce que cela nous fait ? Ne sommes-nous pas majorité ?
(page 1525) Messieurs, quand nous sommes entrés en 1867 à l’administration de la ville de Liége, nous nous sommes trouvés dans une position difficile, nous avons dû créer des impôts pour 400,000 francs. Pour les obtenir, nous avons frappé à toutes les portes, nous avons fait ce que l’honorable M. Tesch conseillait hier à M. le ministre des finances, nous avons augmenté l’impôt patente sur les banquiers, sur les notaires ; cette surtaxe existe donc à Liége, et il m’a semblé qu’hier, par un signe affirmatif, M. le ministre des finances approuvait l’avis de notre collègue d’Arlon.
Nous avons encore surchargé un impôt auquel M. le ministre des finances, dans son projet, a également accolé des additionnels.
Je veux parler de la redevance des mines ; nous avons porté de 50 à 100 les centimes additionnels à cette taxe. Nous nous sommes dit que les charbonnages amènent une nombreuse population ouvrière, pour laquelle il faut des écoles ; ses charrettes pour transporter le charbon, soit à la Meuse, soit à la gare, détériorent nos pavés ; il est juste, dès lors, qu'ils payent une partie au moins des frais qu'ils occasionnent.
Nous avons également, mus par un sentiment de justice distributive, décomposé aussi la contribution personnelle ; nous avons établi des impôts sur les bases que j'appellerai des bases de luxe, en ayant soin de ne pas surcharger les bases plus ou moins justes qui grèvent les classes peu aisées, telles que les portes, foyers et fenêtres.
Nous avons aussi taxé le cheval-vapeur, et pour couronner l'œuvre, comme l'a dit M. le ministre des finances, nous avons atteint l'ordre des avocats, en exigeant d'eux une espèce de patente. Qu'il plaise au gouvernement actuel de réviser, l'an prochain, la personnelle et la patente et il nous enlèvera du coup ces quelques taxes qu'à grand-peine nous sommes parvenus à établir. Voilà l'avenir que nous entrevoyons !
Pour le moment, vous nous demandez d'abord 70,000 fr. net, 70,000 fr. qui, suivant une marche incontestablement progressive, atteindraient le chiffre de 120,000 à 150,000 francs. Vous nous enlevez de plus, comme je le disais tantôt, 18,000 fr. net, par vos 7 p. c. sur la contribution foncière. Enfin, vous nous empêchez en surchargeant abusivement certains impôts, tels que les redevances des mines, les p. c. sur les sociétés anonymes, les 10 p. c. sur les patentes, les 5 p. c. sur le personnel, vous nous empêchez, dis-je, de mettre des additionnels sur certaines taxes et vous nous obligez ainsi à chercher des ressources en dehors de celles que nous avons sous la main.
Vous nous « tondez », comme on dit, la laine sur le dos. Vous ne devez donc pas être étonnés de nous voir protester avec énergie contre cette opération.
Ce que vous voulez, messieurs, c'est enrayer la prospérité des grandes villes, leur créer des embarras, leur susciter des difficultés financières et politiques. Voilà vos tendances !
Les intérêts de la ville de Liège sont en jeu et sont compromis : c'est à outrance que je lutterai pour les défendre, d'autres seront plus éloquents, mais nul ne le fera avec plus de cœur.
M. de Rossius. - Messieurs, après les discours que vous venez d'entendre, je ne prends pas la parole pour occuper longtemps la bienveillante attention de la Chambre. Je désire rencontrer en quelques mots l'argumentation juridique qui, s'il fallait en croire l'honorable ministre des finances, justifierait à suffisance la disposition soumise à nos délibérations.
L'honorable M. Jacobs nous a refait l'historique de la loi de 1828. Pour lui, tout est dit lorsqu'il est établi, d'une part, que le but poursuivi par le législateur de 1828 a été la protection de l'industrie du bâtiment et, d'autre part, que cette protection est devenue inutile, de l'aveu même du cabinet précédent, qui a autorisé quatorze communes à frapper d'une contribution locale les constructions récemment édifiées et, à ce titre, exemptées de l'impôt foncier : Cessante causa cessat effectus, voilà l'axiome qui légitimerait l'article que l'on nous convie à voter.
J'estime, au contraire, que l'on abrite sous ce brocard juridique une disposition très injuste et, en tout cas, très égoïste.
Et, lorsque l'honorable ministre des finances vient nous déclarer qu'il reprend, en quelque sorte, son bien où il le trouve, je pense que jamais ministre des finances n'a tenu un langage plus éloigné de la vérité.
Messieurs, en réalité, ce qui a séduit le cabinet, c'est encore ici la simplicité, la facilité du procédé, qui va placer dans les caisses de l'Etat une rente de 600,000 francs destinée à s'accroître d'année en année.
De tout le reste, il se préoccupe assez peu, et cependant le reste a bien son importance : Ce sont les embarras des communes dont les énormes dépenses ont créé la valeur imposable ; c'est la nécessité de substituer d'autres ressources à celles que l'Etat leur enlève, c'est-à-dire l'aggravation des charges qui pèsent sur leurs contribuables.
Messieurs, il appartenait à l'administration nouvelle, qui a conquis le pouvoir, comme chacun sait, sous les auspices de ce programme quelque peu fallacieux de la réduction des charges, de ne s'occuper, jusqu'ici, de l'agriculture aux abois que pour la frapper, de ne s'occuper des villes que pour entraver leur développement et détruire leurs combinaisons financières, combinaisons que souvent l'Etat a connues, qu'il a approuvées, dans lesquelles on peut dire qu'il a été partie, comme cela est arrivé pour Bruxelles lorsque cette ville a décidé ce travail gigantesque que l'on appelle l'assainissement de la Senne.
L'honorable ministre des finances s'imagine-t-il, pour parler de la ville que je représente plus spécialement dans cette enceinte, que, lorsque de longues négociations ont été entamées entre l'administration des finances et le collège échevinal de Liège pour le rachat des vastes terrains de l'île du Commerce, notre conseil communal aurait consenti à en donner un million, dont le recouvrement était subordonné à une dépensé postérieure de 2 ou 3 millions, s'il n'avait eu l'espoir de trouver une compensation dans l'imposition locale dont elle avait le droit de frapper les constructions exemptées de l'impôt au profit de l'Etat ?
L'honorable ministre de la justice fait une objection ?
M. Cornesse, ministre de la justice. - Pas à vous.
M. de Rossius. - Comme vous connaissez bien Liège, je pensais que vous faisiez une objection.
M. Muller. - C'est précisément pour cela qu'il n'en, parle pas !
M. de Rossius. - Pas plus que l'honorable M. d'Andrimont, je ne me fais d'illusion. Jusqu'ici, dans le débat, je ne vois pas apparaître l'intérêt des Flandres. (Interruption.) Je sais que tout est bien quand les Flandres sont satisfaites et je dis que, ne voyant pas, dans le projet, l'intérêt immédiat des Flandres, je m'attends à voir la droite tout entière voter la disposition.
Mais je prétends que la législature, en cédant aux instances du gouvernement, se fera son complice pour trahir un double devoir de l'Etat : d'abord, messieurs, le respect, sinon d'une convention expresse, au moins d'une situation acquise avec le concours de tous, de l'Etat comme des communes ; ensuite cette mission que chacun considère comme étant de premier ordre aujourd'hui : la conservation de la salubrité, la préservation de la santé publique, pour laquelle on convie chaque jour et provinces et communes à souscrire de nouveaux sacrifices.
Serrons de près le raisonnement de l'honorable ministre des finances.
Les communes privilégiées, vous a-t-il dit, que veulent-elles ? Un préciput sur un fonds commun ; elles demandent que la loi frappe dans quelques localités au profit de la commune et dans le reste au profit de l'Etat. Cela est impossible, car cela est illégitime.
Messieurs, cela n'est pas illégitime.
Quelle est la situation réelle ? On ne peut contester une chose et les chiffres produits par M. d'Andrimont dans sa réplique lèvent tout doute à cet égard : C'est que les grandes communes ont créé la matière imposable ; que, par des sacrifices énormes, en contractant des emprunts, grâce à leur bon crédit, mais en consentant à s'obérer, elles ont, tout au moins, hâté le moment de la création de la matière imposable.
Dès lors, je le demande, l'attribution de l'impôt à la commune n'est-elle pas la plus légitime qu'on puisse concevoir ?
N'est-il pas incontestable que c'est justement que les communes jouissent des fruits de cette matière imposable, de son produit fiscal pendant l'espace de temps que l'on peut assigner à cette création anticipée ? Voilà, messieurs, la situation, et n'est-il pas vrai qu'il n'y a rien à reprendre à la législation qui la crée et qu'on prétend modifier ?
La situation actuelle est légitime.
La législation qui la produit est donc aussi légitime.
D'où je conclus que l'argumentation de l'honorable ministre est paradoxale.
Ce qui donne à cette argumentation une apparence de valeur, c'est l'historique de la législation. Aussi avons-nous lu cet historique, d'abord dans l'exposé des motifs, ensuite dans le rapport de la section centrale. De plus, il a tenu une large place dans le discours de l'honorable M. Jacobs.
La loi de 1828, a dit cet honorable ministre, établit des exceptions sous l'empire d'une préoccupation qui n'est pas fondée : favoriser l'industrie du bâtiment. Donc, il faut rapporter la loi, et le cabinet nous convie, en conséquence, à modifier la législation, bien qu'elle ait permis une répartition de l'impôt parfaitement juste, parfaitement équitable.
L'honorable ministre abuse d'un argument de forme.
Si nous ne voulons pas nous égarer, nous devons envisager la législation dans les résultats qu'elle produit.
Supposons, messieurs, que la loi organique de l’impôt foncier, au lieu (page 1526) de frapper toutes les propriétés bâties dès le moment de leur édification, y ait soumis les constructions élevées depuis huit années.
Une seule loi aurait créé la situation qui est la nôtre et qui est due au concours de deux lois : la loi de l'an VII et la loi de 1828. Nous aurions vu les villes soumettre, comme aujourd'hui, les constructions nouvelles, pendant huit années, à une imposition locale, équitable compensation de leurs vastes travaux non d'embellissement, mais d'assainissement.
Mais nous n'aurions pas une loi créant une règle au profit du trésor de l'Etat et une loi postérieure restreignant l'application de la règle, diminuant sa sphère d'application. Nous aurions une loi unique, à sphère d'application circonscrite, laissant à la commune, au pouvoir local, la possibilité de créer la situation actuelle.
Dans l'hypothèse indiquée, l'argument de forme de l'honorable M. Jacobs disparaîtrait. Il ne pourrait plus être question de l'historique d'une loi postérieure, qui n'existerait pas.
Eh bien, que penserait-on d'un ministre des finances qui, étant donné l'état de choses que j'ai supposé, se présenterait devant la Chambre et lui dirait : La loi établit un impôt au profit de l'Etat sur les propriétés qui comptent huit années d'existence. Les communes ont frappé d'une imposition spéciale les. constructions neuves, à raison des lourds sacrifices auxquels elles se sont résignées pour hâter leur édification. Je prétends laisser aux villes leurs sacrifices, que j'approuve fort, et profiter de la matière imposable, en confisquant la taxe locale qui pèse sur elle.
Est-il, messieurs, un seul membre de cette Chambre qui méconnaîtrait l'injustice d'un pareil langage ? Et si ce langage est inique, qui ne voit que la répartition de l'impôt entre les communes et l'Etat, répartition qu'ont permise nos deux lois de l'an VII et de 1828, est justifiée et que, dès lors, l'argument que l'honorable ministre a tiré de l'historique de la seconde de ces lois est un argument sans valeur ?
Messieurs, on comprendrait, comme l'a fait remarquer l'honorable M. Anspach, que toutes les considérations que nous faisons valoir fussent sans poids aux yeux de l'honorable ministre s'il s'agissait pour lui de parer à une détresse financière. Mais les finances sont prospères ; c'est lui-même qui l'affirme. Il déclare, je le sais, qu'il existe une ombre au tableau. Mais elle concerne nos excédants, qui ne seraient pas entièrement assurés. Voilà tout. Et encore ! Nous avons appris à nous défier quelque peu des appréciations de l'honorable ministre des finances, dont les réductions d'impôts, promises au pays par les membres du cabinet, sont remplacées par des aggravations de charges. En tout cas, si l'espoir des excédants s'évanouit, l'équilibre n'est pas menacé, de l'aveu même de l'honorable M. Jacobs, qui n'hésite pas à retarder jusqu'en 1874 le moment où la recette nouvelle entrera dans ses caisses.
C'est donc tout à fait gratuitement, en présence d'un trésor dont la situation est excellente, c'est sans nécessité que l'honorable ministre des finances met les communes en demeure d'inventer de nouvelles taxes et d’en frapper leurs contribuables.
L'honorable ministre a semé son discours de plaisanteries agréables, comme on l'a déjà fait remarquer, sur les ressources des villes, sur les bases multiples d'impôts dont Bruxelles et Liège pourraient s'emparer pour combler le déficit.
Si l'honorable ministre, au lieu d'être seulement plaisant, avait voulu aussi être sérieux, il vous eût fait connaître la somme totale des charges énormes qui frappent déjà l'habitant de ces grandes villes.
Qu'avait-il besoin de nous apprendre que la capitale a eu recours à certaines bases, que Liège a fait choix de bases différentes ? La chose essentielle et peu plaisante : c'est la somme payée dans chacune de ces grandes communes.
Il y avait un chiffre à nous révéler, un chiffre, qui vous eût édifié. L'honorable M. Jacobs s'en est abstenu.
J'aurais compris son silence s'il s'était agi de statistiques plus ou moins compliquées. Les ministres ont mis à la mode, dans cette Chambre, le dédain des statistiques, témoin l'honorable M. Wasseige qui, s'occupant récemment de l'une des questions les plus délicates de son département, le tarif des voyageurs sur nos voies ferrées, commençait par écarter du débat celles qui sont dressées par ses propres fonctionnaires !
Ce chiffre des taxes locales de Bruxelles et de Liège eût été plus probant que l'argumentation joyeuse dont nous avons entendu le développement.
Messieurs, comment les villes pourraient-elles se consoler du vote de l'article 3 ? S'il était vrai, - ce que je pense, puisque, à force de sacrifices, elles créent la matière imposable, mais ce que je veux pour le moment supposer, - s'il était vrai que l'Etat ne fait que reprendre son bien, qu'aujourd’hui l'Etat leur abandonne du sien, il serait vrai aussi qu'il abandonne une partie de son superflu. Je concevrais sa résistance aux supplications des villes qui sont en face d'inextricables embarras financiers, s'il retranchait pour elles de son nécessaire, s'il leur donnait le denier de la veuve.
Mais quand l'Etat cède seulement quelque chose de son superflu, le cabinet qui, sans nécessité aucune, retire ce quelque chose, ne peut échapper à l'accusation d'agir en haine des grandes villes dont il redoute et déleste l'esprit libéral, et de formuler un article qui, pour employer le langage de l'honorable M. Jacobs, peut être, à bon droit, qualifié de disposition conçue in odio.
M. Jacobs, ministre des finances. - La Chambre comprendra que je ne réponde pas aux dernières paroles de l'honorable membre. Je me bornerai à réfuter les quelques raisons que mes contradicteurs ont fait valoir.
L'honorable M. Anspach, moins perspicace en cela que M. de Rossius, semblait croire que le gouvernement, pas plus que les communes, n'était guidé dans le choix des impôts par aucune raison.
D'après lui, le gouvernement prend pour prendre, et les communes font de même ; pour couvrir leurs besoins, elles ont pris ce que l'Etat négligeait. Cette ressource, elles l'ont ; elles vont la perdre ; elles sentent la perte, et elles s'en plaignent.
L'honorable membre trouve que cela suffit pour qu'on s'arrête.
La question des impôts se réduirait à une question de total budgétaire, peu importe comment ce total est perçu et sous quelle forme.
Il n'en est rien, messieurs.
Il y a des règles en matière d'impôts, et il y a là, comme le disait M. de Rossius, jusque des questions de droit.
Le premier point que j'ai développé, c'est que le but de la loi de 1828 n'exigeait plus l'emploi des moyens décrétés alors ; la protection de la bâtisse est inutile, cela est reconnu ; faisons donc cesser cette exception non justifiée.
Mais, répond-on : supposons un moment que l'exemption accordée par la loi de 1828 fait été par la loi originaire de l'an VII, que celle-ci ait exemple de sept années d'impôt foncier les constructions nouvelles, auriez-vous encore pris la mesure que vous proposez ?
Oui, messieurs, et je vais vous en dire la raison.
Il y a, je le disais, certaines règles en matière d'impôts. M. d'Andrimont en a indiqué une incidemment dans son discours. Je puis l'énoncer en ces termes :
Pour les grandes contributions directes, l'impôt foncier, l'impôt personnel, l'impôt patente, le principal de l'impôt revient à l'Etat, les additionnels seuls sont des ressources provinciales et communales.
M. d'Andrimont. - Vous faites le contraire.
M. Jacobs, ministre des finances. - Non que l'Etat ne puisse prendre aucun additionnel, car remarquez que le taux du principal n'est pas quelque chose d'invariable ; quand l'Etat perçoit des additionnels à son profit, que fait-il ? Il augmente le principal.
Mais vous, communes, quel que soit le principal de l'Etat, vous n'avez à prendre que des additionnels, et les provinces de même. Voilà le rôle des provinces et des communes quant aux trois grandes contributions directes.
Il faut que toute propriété foncière paye le principal à l'Etat à moins qu'il n'y ait une raison d'exception. La loi de 1828 a jugé que, dans l'intérêt de la bâtisse, cette exemption, dont ne jouissent pas les terres arables, est nécessaire aux constructions.
Qu'une île se forme dans le lit d'un fleuve, elle n'est pas exempte pendant sept ans de la contribution foncière. C'est exclusivement pour protéger et favoriser les bâtisses qu'on les a exemptées de l'impôt foncier pendant les premières années ; du moment que cette raison n'existe plus, il faut que toute matière imposable paye le principal de l'impôt foncier à l'Etat, de même que pour la contribution personnelle, il faut que toute matière imposable paye le principal à l'Etat. En matière de patente, il en est encore de même.
L'honorable M. de Rossius observe que, si les villes ne créent pas la nouvelle matière imposable, au moins elles hâtent par leurs travaux l'époque de sa création.
C'est, messieurs, parce que l'Etat, la province, la commune, chacun dans sa sphère, concourent à la création des nouvelles matières imposable» que chacun a le droit de percevoir un impôt sur ces matières.
L'Etat, son impôt principal ; les provinces et les communes, leurs impôts additionnels.
Voilà les règles qui ont toujours été observées.
Aucune matière imposable ne peut se soustraire à l'impôt de l'Etat. Aucune matière ne peut lui dire : « Vous me protégez, vous me sauvegardez, je (page 1527) ne vous payerai rien. » Dès qu'une matière imposable existe, elle doit son tribut à l'Etat, à moins, je le répète, qu'une raison spéciale de protection n'existe. Or ici, et cela n'est pas contesté, il n'en existe plus aucune.
Cependant, nous dit-on, cela peut être encore utile dans certaines villes, a Charleroi et à Tournai, par exemple.
Comment ! le gouvernement a autorisé la perception de la taxe, il a supprimé l'exemption de l'impôt foncier, il a anéanti la protection à Grivegnée et à Ensival, et vous direz qu'elle est encore nécessaire à Charleroi et à Tournai !
Cela n'est pas soutenable ; en France, cela n'existe pas, et la bâtisse y prospère ; dans le Luxembourg, cela n'existe pas, et la bâtisse y prospère ; en Belgique, cela n'existera plus, et la bâtisse continuera à prospérer aussi bien dans les moindres hameaux que dans les plus grandes villes.
Au moins, nous dit-on, changeant quelque peu de terrain, abandonnez cet impôt à toutes les communes, à toutes celles qui le demandent.
L'objection de principe est la même ; s'il y a là une matière imposable, protégée par l'Etat, il faut qu'elle paye, non seulement aux communes qui jugeront à propos d'établir une taxe équivalente à l'impôt foncier de l'Etat, mais à l'Etat et partout.
Une matière imposable ne peut pas payer selon la volonté des communes. La volonté des communes n'a d'action que sur les centimes additionnels ; elles peuvent en établir ou ne pas en établir. Elles ne peuvent avoir d'action sur le principal. Ont-elles jamais pensé à revendiquer pour elles les premières années de la contribution personnelle ? Cependant elles pourraient dire aussi qu'elles contribuent à la créer, car les maisons nouvelles sont matière à contribution personnelle. Pourquoi ne le réclament-elles pas ? Elles n'y ont jamais songé.
Pour la patente aussi elles pourraient prétendre que les industries nouvelles qui se forment et qui payent la patente sont l'œuvre de la commune. Pourquoi pas sept ans de contribution personnelle, sept ans de patente ?
Le gouvernement, dit-on, agit bien mal en venant ruiner toutes les spéculations entreprises par les communes sur la foi de cette taxe sur les bâtisses.
Je vous ai lu hier, messieurs, la dépêche de mon prédécesseur à son collègue de l'intérieur, dans laquelle il réservait formellement le droit du gouvernement et des Chambres d'abroger du jour au lendemain la loi de 1828 et de priver ainsi les villes de cette ressource. Jamais le gouvernement n'a entendu aliéner sa liberté ni celle des Chambres. Jamais il n'a entendu prendre d'engagements vis-à-vis des communes.
Et puis, messieurs, on grossit la perte de la ville de Bruxelles. Ce ne serait pas 60,000 francs, comme je l'ai établi, pas même 200,000 francs, ce serait 400,000 francs de rente, et en capitalisant à 4 p. c. ce serait 10 millions en capital que nous lui prendrions 1
Messieurs, cela n'est pas sérieux. Ce que nous prenons à la ville de Bruxelles, c'est ce qu'elle a. Quant aux espérances qu'elle pouvait avoir, ces espérances à certain degré se réaliseront au moyen des centimes additionnels ; et quant aux espérances qui ne se réaliseront pas, je dis que c'étaient des espérances qu'elle n'avait pas le droit de concevoir.
Plus tard, une compensation complète s'offrira quand le fonds communal permettra de donner à la ville de Bruxelles une somme variable et supérieure au montant de ses impositions au profit de l'Etat, supérieure à 104 p. c. de ses contributions.
Ce moment n'arrivera jamais, selon M. Anspach ; vous ne pourrez résister aux demandes qui vous seront faites de réduire l'impôt sur le café et l'impôt sur la bière, de même qu'on n'a pu résister aux demandes de réduction de la taxe postale. J'ai interrompu l'honorable membre en lui demandant si le fonds communal avait pâti de la réduction de la taxe postale.
La loi qui a réduit la taxe a augmenté le fonds communal dans une proportion énorme, et l'honorable M. Frère, dans la discussion, donnait les chiffres probables auxquels il atteindrait.
Il fixait à l'année 1874 l'époque où le fonds communal pourrait donner à la ville de Bruxelles 106 p. c. de ses impositions directes.
Sans doute, personne n'est infaillible, pas plus l'honorable M. Frère que moi. Mais ce sont des prévisions sérieuses, et rien n'autorise l'honorable M. Anspach à les traiter aussi légèrement.
Du reste, ce qui me frappe dans cette discussion, c'est le soin qu'ont pris les défenseurs des deux villes, les seules en cause, de prétendre chacun qu'il était le plus infortuné.
Ecoutez l'honorable bourgmestre de Bruxelles : Pour Liège, pas d'embarras sérieux ; le contribuable ne peut lui échapper ; cette ville a une grande banlieue, tandis que Bruxelles a un périmètre très restreint, et dès qu'elle élève un peu ses contributions, les contribuables lui échappent, ils se réfugient dans les faubourgs.
Ecoutez ensuite l'honorable M. d'Andrimont : Vous, ville de Bruxelles, vous avez une banlieue restreinte, et la contribution foncière chez vous n'offre pas d'avenir. Mais nous, Liégeois, nous avons un territoire immense, nous avons de vastes quartiers à créer ; nous devons nous attendre à une extension considérable des bâtisses et, dès lors, la perte pour nous sera énorme.
il suffît, messieurs, de mettre les deux arguments en parallèle pour que l'exagération saute aux yeux et qu'ils se détruisent l'un l'autre.
Non, messieurs, ni la ville de Liège, ni la ville de Bruxelles ne pâtiront comme elles le disent ; elles perdront les sommes que j'ai indiquées, sommes qui sont relativement minimes et qui ne seront pas, pour le contribuable, une source de lourdes charges nouvelles.
Ces villes chercheront dans d'autres impôts directs de quoi couvrir la perte peu considérable que la loi leur impose jusqu'au moment où elles trouveront une compensation dans le fonds communal.
M. Simonis. - L'honorable M. David a voulu se poser tout à l'heure en vaillant défenseur des intérêts de la ville de Verviers, mais il n'a guère obtenu l'effet qu'il désirait.
L'administration communale de Verviers, messieurs, a décidé de se joindre à celle de la ville de Liège pour protester contre la suppression. des exemptions établies par la loi du 28 mars 1828.
Mais il résulte de la discussion qui s'est produite à ce sujet an conseil communal de Verviers, que cette décision n'avait guère pour mobile le désavantage que causera aux finances de cette ville la mesure proposée par le gouvernement.
Quatre membres du conseil communal de Verviers ont voté contre la proposition qui lui était soumise ; au nombre de ceux-ci se trouvait M. Mali, dont M. David ne contestera pas l'autorité ni la compétence en matière de finances.
La perte que subira la ville de Verviers par la mesure en question sera de peu d'importance ; en effet, messieurs, la taxe sur les nouvelles constructions y produit, d'après les données officielles, 14,951 fr.
Les centimes additionnels perçus par la ville, qui proviendront :
1° De la suppression des exemption seront de 8,250 fr.
2° De l'élévation du taux de 6.70 à 7 p. c. de l'impôt foncier, de 1,783 fr.
Reste 4,918 fr.
Ce déficit ne s'élève donc qu'à 4,918 francs et 1il sera facile de le combler, si c'est nécessaire, fût-ce même par une augmentation de la taxe sur la fortune présumée, qui paraît si antipathique à mon honorable collègue, mais qui me semble destinée à entrer de plus en plus dans nos mœurs.
Je ne m'arrêterai donc pas à ce faible inconvénient que le projet de loi du gouvernement aura pour la ville de Verviers et je le voterai avec confiance, car il produira, j'en suis convaincu, d'heureux résultats pour le pays.
M. Bara. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a constamment dit qu'il n'y avait que les villes ayant décrété un impôt sur les bâtiments exemptés qui étaient hostiles à la mesure prise par le gouvernement. Je viens, au nom des intérêts que je représente, protester contre cette mesure.
La ville de Tournai ne se trouve pas au nombre de celles qui imposent les propriétés nouvellement bâties, mais il n'en est pas moins vrai qu'elle éprouvera le plus grand préjudice par la loi que le gouvernement propose.
Je comprends parfaitement que dans certaines grandes localités, qui jouissent d'une prospérité considérable, ce n'est pas l'impôt qui empêche les constructions ; mais, messieurs, dans des localités où cette grande prospérité n'existe pas, il est certain que le particulier qui veut se donner une maison plus commode, mieux située, plus salubre, serait puissamment encouragé à le faire par l'exemption de l'impôt pendant huit ans.
Nous avons, nous Tournaisiens, été pendant longtemps entourés de fortifications ; nous avons éprouvé un préjudice considérable dans un intérêt public. Un jour, l'Etat nous a dit : Vos fortifications ne nous sont plus nécessaires, nous les supprimons.
C'est bien, mais au moins qu'on continue à nous aider, comme nous l'avons été par le gouvernement précédent.
Nous avons vu abolir les fortifications, niveler les terrains. Maintenant il nous faut bâtir. Les particuliers ont profité des facilités de la situation (page 1528) pour se construire des maisons plus à leur convenance ; ils y ont été engagés par l'exemption de l'impôt foncier ; je crains bien que vous n'arrêtiez tout ce mouvement ; ce ne sont pas des entrepreneurs qui bâtissent, ce sont les particuliers.
Vos mesures sont désastreuses pour bien des intérêts. Qui eût pu jamais croire que dans la magnifique situation où se trouvait la Belgique, il faudrait augmenter les impôts ? Sans nous donner aucune espèce d'indemnité, vous venez encore empêcher les citoyens d'une ville qui a été si longtemps fortifiée, vous venez les empêcher d'embellir cette ville et d'y bâtir des maisons plus salubres et plus aérées. Eh bien, je proteste contre cette mesure.
Je dis que nous n'avons pas besoin d'impôts nouveaux. Vous aviez le droit, je le veux bien, de prendre l'impôt sur les constructions nouvelles, mais vous ne deviez le faire que dans le cas de nécessité absolue.
D'un côté, certaines villes ont absolument besoin de cette ressource, et d'un autre côté des villes, comme Tournai et comme un grand nombre de localités où l'on ne bâtit pas par spéculation, où le particulier achète un terrain pour sa convenance, ces localités, dis-je, sont lésées ; car les constructeurs comptent sur l'exemption de l'impôt foncier. Je proteste donc contre la disposition qui nous est soumise.
Je n'ai voulu, messieurs, que m'élever contre cette assertion de l’honorable ministre des finances, qu'il n'y a que les villes où l'impôt sur les bâtisses est établi qui protestent contre la mesure proposée.
M. De Lehaye. - Messieurs, l'honorable M. d'Andrimont vient de me mettre en cause. Il a eu l'obligeance de me rappeler que j'ai été bourgmestre de Gand. Il aurait pu me rappeler également que j'ai siégé dans cette enceinte pour la ville de Gand pendant un grand nombre d'années.
Il n'est pas nécessaire, je pense, messieurs, que je dise quelle sympathie j'ai rencontrée dans la ville de Gand.
Elle sait parfaitement que, lorsque ses intérêts seront menacés, je ne serai pas le dernier à les défendre.
J'ajouterai cependant que si les intérêts de Gand se trouvaient en opposition avec l'intérêt général, je m'abstiendrais peut-être ; il m'en coûterait d'émettre un vole qui serait hostile à cette ville.
On nous a dit, messieurs, que nous n'avons qu'un but par ce projet de loi : c'est de frapper les grandes villes libérales.
Je pense, messieurs, que nous serions plus fondés, pour répondre à cette accusation, de dire que nos adversaires n'ont d'autre but que de maintenir de faux électeurs sur les listes électorales.
Tout les arguments que l'on a fait valoir, et dont l'honorable ministre des finances a si éloquemment montré l'inanité, ne prouvent qu'une seule chose : c'est que ce n'est pas le retrait de la loi de 1828 qui contrarie nos adversaires, mais bien le retrait du droit de vote aux cabaretiers.
On a prétendu que j'étais l'élu des cabaretiers. Eh bien, ceux qui ont soutenu cela me rendront au moins cette justice de reconnaître que je fais preuve ici d'une grande abnégation.
J'ai été le premier à demander que les cabaretiers n'eussent plus le droit de vote.
M. le président. - M. De Lehaye, vous n'êtes plus dans la discussion générale.
M. De Lehaye. - Messieurs, la loi, telle qu'elle avait été présentée par l'honorable ministre des finances, renfermait, au point de vue de la ville et de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, deux dispositions qui ne convenaient ni à moi ni à ceux dont je défends les intérêts.
Ce qui me paraît étrange, messieurs, c'est qu'un des orateurs qui ont combattu le projet s'est figuré que ces grands défauts existaient encore, car il a reproché à l'honorable ministre des finances les inconvénients qui résultent des baux.
Mais, dans le projet qui est soumis à vos délibérations, la section centrale, d'accord avec le gouvernement, a retranché toutes les dispositions relatives aux baux.
L'autre disposition que j'ai combattue et qui a été également supprimée de commun accord, c'est celle qui établissait la rétroactivité.
Je dois dire, messieurs, qu'à Gand on s'est si peu ému de ce projet de loi, que, sans l'administration, personne ne s'en serait occupé.
On argumente, messieurs, de la diminution de ressources qui va résulter de la loi.
Je vous le demande, est-ce que des villes comme Gand, comme Bruxelles, comme Liège seront arrêtées dans leur essor parce qu'on leur aura enlevé quelques mille francs ? (Interruption.)
Je ne m'occuperai que de Gand. Soyez persuadés cependant, messieurs, que, comme Belge, je voterai toujours tout ce qui nous sera proposé dans l’intérêt de Bruxelles.
Dans ma pensée, l'administration de Gand ne se serait point alarmée si la loi avait été présentée sous l'ancienne administration. Elle aurait trouvé facilement le moyen de combler la perte légère que le projet lui fait subir.
Pourquoi attaque-t-on avec tant de violence le projet en discussion ? C'est parce que ceux qui l'ont présenté sont assis au banc des ministres.
Je suis étonné de l'interruption de M. d'Andrimont ; il nous reprochait tout à l'heure de ne pas avoir d'autre but que de taquiner les administrations libérales ; qu'il nous permette de nous expliquer. M. d'Andrimont vous a dit que dans la ville de Liège le produit de la contribution foncière avait augmenté, ainsi que le produit de la contribution personnelle, mais que le produit de la patente avait diminué. Que faut-il en conclure ? C'est que sans doute vous avez frappé les patentables à votre profit ? Quel pourrait être, en effet, le motif de la diminution du produit des patentes ?
La prospérité matérielle de Liège, vous l'avez dit vous-même, est très grande, la propriété bâtie a augmenté de valeur ; je ne comprends pas dès lors que la patente puisse diminuer. (Interruption.) Vous avez insisté sur l'augmentation de la contribution foncière et de la contribution personnelle, deux éléments essentiels qui prouvent la prospérité d'une localité. Mais vous avez ajouté que la patente diminuait. Or, il doit y avoir là contradiction, et si la chose est vraie, ce ne peut être que parce que vous avez frappé la patente au profit de la ville.
J'ai le droit de m'étonner qu'une ville aussi industrielle que Liège ait pu songer à atteindre la patente ; je suis certain que si quelque chose pouvait me rendre impopulaire à Gand, ce serait une pareille mesure, et jamais je ne prêterai les mains à ce que la ville perçoive à son profit un droit sur les patentes.
Du reste, je n'adresse pas de blâme à l'administration communale de Liège, je ne me permets jamais d'attaquer les autorités qui agissent dans la plénitude de leurs pouvoirs, mais après ce qu'il nous a dit de la situation de la ville de Liège, je trouve que M. d'Andrimont a mauvaise grâce de venir prétendre que cette ville sera ruinée parce qu'on lui fera payer quelques mille francs de plus.
D'ailleurs, lui fait-on payer cela ?
Le gouvernement cède à la province le droit de débit de boissons alcooliques et de tabac, ces provinces diminueront les centimes additionnels sur la contribution foncière et sur la contribution personnelle (Interruption.), elles peuvent du moins le faire et, si elles le font, je ne vois pas pourquoi la ville de Liège n'accepterait pas cette situation. (Interruption.)
Est-il juste, messieurs, je le demande à tous les négociants et à tous les industriels, est-il juste de frapper la patente et de ne pas atteindre la contribution foncière ni la contribution personnelle ? Pour moi, cela n'est pas logique. (Interruption.) Vous êtes libres de la frapper.
M. d'Andrimont. - On ne pouvait pas faire autrement.
M. De Lehaye. - Soit ; vous êtes libres de la frapper, mais nous sommes libres d'apprécier cette mesure comme nous sommes libres d'approuver ou de ne pas approuver la loi qui nous est soumise. (Interruption.)
En vérité, je ne comprends plus rien à la vie parlementaire. Quoi ! nous ne serions pas libres d'approuver le projet de loi ?
- Une voix à gauche. - Mais qui vous dit cela ?
M. De Lehaye. - Je me résume donc.
Je crois que M. le ministre des finances a répondu à tous les arguments mis en avant, que pas un seul de ces arguments n'est resté debout et, quant à moi, je voterai la loi avec confiance, parce qu'on en a supprimé la disposition relative au renouvellement des baux, parce qu'elle n'aura pas d'effet rétroactif et enfin parce qu'elle détruit un abus dont on m'a reproché d'avoir profité.
J'ai dit.
M. Guillery. - Je regrette que l'honorable préopinant ait cru devoir mêler au débat la question des cabaretiers, que je croyais définitivement résolue.
M. le président. - Je ferai remarquer que j'ai prié M. De Lehaye de ne pas insister sur ce point.
M. Guillery. - Je le reconnais, M. le président, et je partage entièrement votre opinion.
Mais il fallait faire intervenir les cabaretiers pour avoir l'occasion de lancer à la gauche une attaque aussi injuste que blessante... (Interruption) d'accuser la gauche de n'agir, dans cette circonstance, que par un esprit de parti... (Nouvelle interruption.), et uniquement parce que le ministère qui propose la mesure est un ministère catholique. Il m'est impossible, messieurs, d'admettre dans nos débats parlementaires une semblable argumentation ; je ne puis pas admettre que, chaque fois qu'un membre de l'opposition se lèvera pour critiquer une mesure on puisse lui répondre : (page 1529) Vous ne pensez pas ce que vous dites ; s'il y avait un ministère libéral au pouvoir, vous auriez une altitude et un langage différents. Si c'est là ce qu'on appelle respecter ses adversaires et la dignité parlementaire, je déclare que j'en suis bien désolé.
Quant à moi, je ne reproche pas au gouvernement d'avoir enlevé le droit électoral aux débitants de boissons ; je lui reproche de ne s'être pas borné à cette mesure ; je lui reproche de n'avoir pas maintenu une imposition qui était commandée par les règles d'une sage et morale administration ; je lui reproche d'avoir réduit le nombre des électeurs sans avoir proposé à la législature des moyens de compenser cette diminution : c'eût été plus digne d'un ministère qui est arrivé aux affaires au nom de la réforme électorale ; et si un ministère libéral eût proposé une mesure comme celle que la Chambre a votée hier, je l'eusse combattue avec la même liberté, avec la même franchise que je le fais, en ce moment, devant un ministère catholique. Mais je ne puis pas, pour m'épargner les mauvais compliments qu'on croit devoir adresser à l'opposition, renoncer à défendre des intérêts que je regarde comme de la plus haute importance et comme reposant sur le principe d'une incontestable équité.
L'honorable préopinant est prêt, nous a-t-il dit, à sacrifier l'intérêt privé à l'intérêt général ; mais il a oublié de démontrer qu'il y avait ici un intérêt général ; il a oublié que M. le ministre des finances lui-même a reconnu qu'il n'y avait aucune nécessité financière d'agir comme il le fait. C'est donc sans nécessité, sans que le gouvernement y soit obligé par des exigences financières, qu'il vient créer une situation aussi désastreuse pour certaines grandes villes. Voilà, messieurs, la situation. Eh bien, je le demande, pouvez-vous sans nécessité causer un mal pareil, un mal évident, un mal irréparable peut-être ?
Vous dites : Les grandes villes ne manquent pas de moyens de se créer d'autres ressources. Mais non, messieurs, c'est une erreur ; les grandes villes sont à bout de ressources.
M. Coomans. - Parce qu'elles dépensent trop.
M. Guillery. - C'est vraiment bien facile à dire. Mais je voudrais bien savoir ce qu'elles dépensent en trop. Les grandes dépenses des villes sont celles qui ont pour objet l'assainissement, l'instruction, la voirie. Est-ce sur ces services que des réductions sont possibles ? Reprochez-vous à Bruxelles de dépenser trop pour l'assainissement, pour sa police, pour sa voirie, pour l'instruction publique ? Prenez son budget, et dites-moi donc, je vous prie, quel article de dépense est susceptible d'une réduction sérieuse.
Les grandes villes, messieurs, et c'est là un point sur lequel j'appelle toute votre attention, toute votre impartiale attention, toute votre bienveillante attention, les grandes villes ne sont plus dans la même situation qu'autrefois ; le vœu du pays se prononce pour la décentralisation ; les charges des grandes villes augmentent chaque année et augmenteront encore dans l'avenir, parce que les charges, qui de leur essence sont des charges communales, sont précisément celles qui se développent le plus. C'est sur celles-là que se porte surtout l'attention publique.
Si vous voulez que les grandes villes se maintiennent ou se placent à la tête de la civilisation, il faut que leurs budgets soient en rapport avec les besoins de toute nature qui s'y manifestent. Mais il est des économies que l'on peut faire ; il est des économies qu'on nous avait promises : ce sont les économies dans le budget de l'Etat ; j'espère bien que l'honorable M. Coomans m'aidera dans cette voie de progrès et de simplifications administratives.
Il s'agit d'économies sur le budget de l'Etat ; il s'agit de réductions d'impôts. Voilà ce qu'on nous avait promis et ce que nous attendions.
Au lieu de cela, nous voyons augmenter les péages du chemin de fer, augmenter l'impôt foncier en général et, comme si ce n'était pas assez, on augmente l'impôt foncier par une contribution qui frappera en réalité sur les grandes villes, non seulement parce qu'elle jette la perturbation dans leurs finances, mais parce que ce sont lies habitants de ces villes qui la payeront à l'Etat ; c'est dans les grandes villes que se font presque toutes les constructions.
M. le ministre des finances, dans un discours très habile, mais très cruel, il faut le dire, pour les grandes villes, sans parler des épigrammes qui ont marqué la fin de son dernier discours ; M. le ministre des finances place, d'un côté, 14 communes, et de l'autre, 2,540 communes. Comment, dit-il, faut-il sacrifier 14 communes à 2,540 communes ?
Or, ce n'est pas du tout la question. Il est évident que ces 14 communes seraient bien exigeantes, si elles prétendaient qu'on leur sacrifiât 2,540 communes. Il y aurait là à faire tout un acte d'accusation contre des prétentions tyranniques. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit, où se font les constructions nouvelles ? C'est dans les grandes villes. L'exposé des motifs en fait foi. Sans entrer dans tous les détails qu'il donne, j'y trouve la preuve que les villes retirent de cet impôt la somme de 490,000 francs et l'Etat ne compte en retirer que 600,000 francs ; c'est-à-dire 110,000 fr. de plus. C'est donc pour un intérêt de 110,000 francs que vous aller priver ces villes d'un revenu considérable.
Ce sont donc, en réalité, les grandes villes où se perçoit cet impôt ; ce sont elles qui le payent. Les grandes villes sont très maltraitées. On ne peut assez insister sur ce point. La loi sur la contribution personnelle est injuste ; elle frappe les grandes villes d'une manière exorbitante au profit de communes tout aussi prospères, tout aussi riches, et qui versent moins dans le trésor de l'Etat. Il faut donc que les habitants des grandes villes, déjà surtaxés par les impositions communales, soient encore surtaxés par les impositions de l'Etat. Ainsi la ville de Bruxelles est frappée bien plus fortement que les communes de l'agglomération au centre de laquelle elle est située, communes qui participent à tous les avantages de la capitale et qui n'entrent nullement dans les charges.
C'est dans cette situation déjà si pénible, résultant d'une législation vicieuse, qu'on vient frapper les grandes villes. Et n'y eût-il que la ville de Bruxelles intéressée, je dirais à l'honorable M. De Lehaye : « Je ne veux pas mettre l'intérêt d'une ville au-dessus de celui de l'Etat. S'il s'agissait véritablement de l'intérêt de l'Etat, l'intérêt de la ville de Bruxelles devrait être sacrifié, à l'Etat ; mais l'Etat n'est pas intéressé. »
Il ne s'agit pas de fait disparaître un abus criant ; il s'agit au contraire de priver toutes les communes d'une exemption dont elles jouissent aujourd'hui ; je demande, moi, le maintien de l'exemption pour toutes les communes.
C'est une exemption pour la plupart d'entre elles ; mais ce n'est pas une véritable exemption pour certaines villes, parce que les charges communales sont tellement considérables que les habitants doivent verser dans la caisse communale ce qu'ils sont dispensés de verser dans la caisse de l'Etat.
Vous voyez, d'ailleurs, par les paroles de l'honorable M. Bara, que les villes qui n'ont pas prélevé de taxes sur les constructions nouvelles sont très intéressées à conserver une exemption dont elles profitent, et dont elles ne feraient le sacrifice que dans l'intérêt communal.
Ne perdons pas de vue que la ville de Bruxelles est précisément dans les circonstances où la mesure devait être la plus cruelle pour ses finances, au moment où elle vient de dépenser 17,000,000 de francs pour l'exécution de travaux d'assainissement, au moment où les impôts ont été augmentés dans une proportion considérable, au moment où elle s'attendait à tirer un revenu considérable des constructions nombreuses à faire sur le nouveau boulevard ; c'est à ce moment qu'on veut la frapper et abolir la loi de 1828 ; et on ne tient aucun compte des nombreux travaux qu'elle a exécutés et qu'elle exécute encore sous l'empire d'une promesse qui ne devait pas se réaliser.
M. le ministre des finances a dit que les droits de l'Etat avaient toujours été réservés. Je suis loin de le contester ; je dis même qu'on n'avait pas besoin de le réserver, cela n'était pas nécessaire. Ce droit existait pour le gouvernement ; ce droit, nous ne le contestons pas, mais est-il opportun d'en user ? Lorsque vous frappez un impôt, ne devez-vous pas tenir compte de la situation, ne devez-vous pas vous demander si votre loi est juste, légale pour tous ? Ce n'est pas un privilège que nous réclamons, c'est l'égalité. Nous demandons de ne pas être sacrifiés ; nous demandons qu'on ne vote pas une loi qui sera très peu de chose pour l'Etat et qui sera cruelle pour la ville de Bruxelles. Nous demandons que vous ne sacrifiiez pas les intérêts de certaines villes à un intérêt que je ne saisis même pas ; parce que, d'après la déclaration du gouvernement lui-même, je ne vois aucun intérêt sérieux engagé dans la mesure qui nous est proposée.
Enfin vous remarquerez que si le ministère précédent a réservé les droits de l'Etat, il a eu la discrétion de n'en pas user,
Je ne veux pas, messieurs, rentrer dans la discussion qui a eu lieu, mais je suis obligé, avant de terminer, de protester contre la façon dont on traite la ville dont il s'agit. M. le ministre des finances, qui sait fort bien manier la parole et qui sait fort bien dire exactement ce qu'il veut dire, n'a pas cru devoir discuter beaucoup, puisqu'il n'a pas une seule fois démontré ni essayer de démontrer que l'Etat eût un véritable intérêt à faire ce qu'il fait,
Il s'est borné à dire aux villes : Vous trouverez assez de sources d'impôts ; Liège, regardez Bruxelles, Bruxelles, regardez Liège et prenez là vos exemples ; vous trouverez toujours assez de taxes communales à établir. C'est assez singulier de la part de M. le ministre des finances qui est obligé, lui, pour trouver des ressources, de venir prendre une aussi (page 1530) mauvaise base d'impôt qui cause un si grand préjudice à une partie du pays. Est-ce que cette partie du pays est moins intéressante que d'autres ?
La façon dont M. le ministre des finances a terminé son discours me paraît ne pas prouver une très grande bienveillance pour les intérêts de ces villes ; il me paraît que le principe de l'honorable ministre est celui-ci : « Nous sommes majorité ; nous ferons ce qui nous convient ; libre à vous d'être contents ou mécontents ; cela nous est bien égal. » Voilà le sens des paroles qu'il a prononcées.
En résume, nous avons cru nous trouver en présence d'un ministère auquel, quoi qu'en pense M. De Lehaye, nous n'étions pas disposé à faire une opposition quand même. Nous pensions même qu'il émanerait de lui des propositions progressistes que nous serions heureux d'appuyer.
Nous pensions qu'il aurait réalisé, en quelques points au moins, le pompeux programme qui a servi à amener dans cette Chambre la majorité qui le soutient, parce qu'il ne faut pas oublier que la majorité qui est au pouvoir y est arrivée au nom des idées progressistes. (Interruption.)
Oui, messieurs, les élections ont été progressistes. Le pays a nommé des progressistes, des progressistes sincères, des progressistes déguisés, des progressistes avec des noms d'emprunt, avec des principes d'emprunt, avec des principes qui devaient disparaître une fois l'élection assurée.
« Semblables à ces (erratum, page 1543) vœux dans l'orage formés
« Qu'efface un prompt oubli quand les flots sont calmés. »
Le pays, qui avait vu partout des programmes progressistes, qui n'entendait parler que de démocratie, de progrès, de réduction d'impôts, de diminution dans les dépenses de l'Etat, de diminution des tarifs, de réduction du budget de la guerre, le pays s'est trouvé fort surpris en voyant que les élections démocratiques avaient amené aux affaires un ministère d'Anethan !
Malgré cela, et malgré de sinistres présages, je déclare que, quant à moi, j'étais décidé à appuyer toutes les mesures de progrès qui émaneraient de ce ministère. Nous pouvions être en dissentiment sur les principes politiques, et concourir néanmoins à diminuer les dépenses de l'Etat ; nous pouvions nous trouver d'accord sur certaines questions de progrès ; au lieu de cela, nous ne voyons que des espérances déçues : une réforme électorale trompeuse et des augmentations d'impôts ; nous verrons bientôt des augmentations de dépenses ; nous voyons, des promesses d'emprunt et surtout nous voyons frapper sans pitié ni miséricorde les grandes villes.
Nous ne pouvons nous incliner sans protestation devant une politique pareille.
- Des membres. - La clôture !
M. d'Andrimont. - Je demande à dire deux mots pour une simple rectification.
L'honorable M. De Lehaye a fait tantôt avec volubilité une étrange contusion de chiffres : il les a entremêlés les uns dans les autres : il semble ne pas avoir compris les arguments que j'ai voulu en tirer. La conséquence était celle-ci : c'est que, tandis que notre impôt foncier avait augmenté dans une proportion considérable, c'est-à-dire de 60 p. c, grâce aux travaux publics que la ville de Liège a fait de ses deniers, nos patentes ne progressaient pas et avaient même une tendance à la baisse.
A cette occasion, l'honorable M. De Lehaye s'est permis d'attaquer l'administration de la ville de Liège, en prétendant qu'elle avait eu tort de surtaxer la patente.
M. De Lehaye. - Nullement.
M. d'Andrimont. - Mais j'ai les chiffres de Gand, M. De Lehaye, je vais vous battre avec vos propres armes.
La ville de Gand avait, en 1859, un impôt foncier de 345,530 francs. Il était, en 1869, de 237,432 francs, c'est-à-dire qu'à Gand l'impôt foncier n'a augmenté que de 1/2 p. c. A Liège, au contraire, l'impôt foncier a progressé de 60 p. c.
Quant aux patentes, vous prétendez que si elles ne rapportent plus autant au gouvernement, c'est parce que, à Liège, nous les avons frappées de trop d'additionnels. Mais quand on ne sait où trouver de l'argent, il faut aller le prendre un peu partout. (Interruption.)
Mais si le gouvernement enlève aux communes le plus clair de leurs revenus, où voulez-vous que nous allions chercher de quoi remplir notre caisse ?
Or donc, les impôts des patentes à Gand n'ont pas beaucoup augmenté depuis dix ans. Comme à Liège, cet impôt n'a pas suivi une marche très ascendante ; il a progressé de 3 1/2 p. c. seulement, et Gand cependant est une ville plus industrielle, plus manufacturière, plus commerciale encore que Liège.
Cette proportion est bien minime, et l'honorable M. De Lehaye n'avait pas besoin de faire tant de bruit à propos d'un impôt qui, somme toute, ne progresse guère plus à Gand qu'à Liège.
M. De Lehaye. - Ce que vient de dire l'honorable membre confirme, ce que j'ai dit et je l'avais bien compris, et les observations qu'il vient de faire sont la preuve évidente que ce qu'il avait dit en premier lieu n'était pas fondé.
Comment ! A Gand, les patentes ont augmenté, et il est reconnu que l'industrie de cette ville est en souffrance ; tandis qu'il est reconnu aussi que la ville de Liège est dans la prospérité, et cependant les patentes y diminuent. Que faut-il en conclure ? C'est que les patentes y ont diminué, parce que vous les avez frappées ; c'est que les répartiteurs peuvent avoir pris en considération l'augmentation dont la ville de Liège frappe le droit perçu par l'Etat. C'est précisément ce que j'ai dit et j'engage vivement le gouvernement à examiner quelles ont été les causes de cette diminution ; je dis qu'elles ne peuvent avoir été autres que celles-ci.
Ainsi, d'un côté, prospérité et réduction des patentes ; de l'autre, manque de prospérité et augmentation des patentes. Eh bien ; je répète que la réduction qu'on remarque à Liège ne peut provenir que d'une seule chose : de l'élévation du taux de la patente que la ville perçoit à son profit.
M. le président. - Plus personne ne demandant la parole, je mets l'article 3 aux voix.
- L'appel nominal est demandé. L'article est mis aux voix par appel nominal.
92 membres sont présents.
56 adoptent.
36 rejettent.
En conséquence l'article est adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Beeckman, Biebuyck, Brasseur, Coomans, Coremans, Cornesse, Cruyt, de Borchgrave, de Clercq, de Haerne, de Kerckhove, Delaet, De Lehaye, de Liedekerke, de Moerman d'Harlebeke, de Montblanc, de Muelenaere, de Naeyer, de Smet, de Zerezo de Tejada, d'Hane-Steenhuyse, Drubbel, Dumortier, Gerrits, Hayez, Hermant, Jacobs, Janssens, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Magherman, Moncheur, Mulle de Terschueren, Notelteirs, Pety de Thozée, Rembry, Reynaert, Royer de Behr, Santkin, Simonis, Snoy, Thonissen, Van Cromphaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Outryve d'Ydewalle, Van Overloop, Van Wambeke, Vermeire, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige et Thibaut.
Ont voté le rejet :
MM. Anspach, Balisaux, Bara, Berge, Bricoult, d'Andrimont, Dansaert, David, de Baillet-Latour, De Fré, Defuisseaux, de Lexhy, de Lhoneux, de Macar, de Rossius, Descamps, Dethuin, de Vrints, Funck, Guillery, Hagemans, Houtart, Jamar, Jottrand, Lelièvre, Lescarts, Mascart, Muller, Orts, Rogier, Sainctelette, Tesch, Vandenpeereboom, Van Humbeeck, Van Iseghem et Vleminckx.
- La séance est levée à 5 heures.