(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Présidence de M. Thibaut, premier vice-président.)
(page 1408) M. Wouters procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Reynaert donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Wouters présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre :
« Le sieur Flamand prie la Chambre de dispenser de l'impôt foncier de l'année courante les cultivateurs de Tourinne-la-Grosse. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Poulin demande la suppression du régiment des grenadiers et son remplacement par un 13ème régiment de ligne. »
- Même renvoi.
« Le sieur François Theunîssen, demeurant à Anvers, né à Echt (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des habitants et propriétaires de Loxbergen demandent le maintien du tracé qui à été arrêté pour le chemin de fer à construire de Tirlemont à Diest. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des fermiers à Niverlée demandent la remise des contributions qu'ils doivent verser au trésor. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Ransberg demandent que le chemin de fer à construire de Tirlemont à Diest passe par Neerlinter, Budingen, Geet-Betz, etc. »
- Même renvoi.
«. Le sieur Cauptt propose des mesures pour améliorer la position du corps de la gendarmerie. »
M. Lelièvre. - Cette requête mérite un examen spécial. Je demande qu'elle soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Des habitants d'Hoeylaert demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française.
« Même demande des sieurs Cox, président, et Vanderfall, secrétaire, de la société Vlaanderen den Leeuw. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.
« Des habitants d'Autre-Eglise prient la Chambre de rejeter les augmentations de l'impôt foncier proposées par le gouvernement. »
« Même demande d'habitants de Wavre, Lens-Saint-Remy, Avennes et Lincent. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui apporte des modifications aux lois d'impôts.
« Des bouchers à Anvers prient la Chambre de différer l'ouverture de nos frontières pour l'exportation du bétail jusqu'à un moment plus favorable. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Les membres du conseil communal de Stuyvekenskerke demandent l'exécution de travaux pour mettre cette commune à l'abri des inondations. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Tilliez, milicien de la levée de 1871, incorporé dans le contingent de réserve du 7ème régiment de ligne, demande d'être renvoyé dans ses foyers. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vanden Sype, instituteur en chef de l'école communale de Bevere, prie la Chambre de discuter, avant la fin de la session, le projet de loi relatif à la caisse générale de prévoyance des instituteurs primaires. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Des facteurs de la poste à Bruges demandent une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Des habitants d'Anvers demandent que le savoir lire et écrire soit une condition pour l'éligibilité au Sénat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Nothomb, obligé de s'absenter, demande un congé de deux jours. »
- Accordé.
M. le président. - J'ai reçu de M. le président de la cour des comptes la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Satisfaisant à l'article 13 du règlement d'ordre de la cour des comptes, approuvé par le congrès national le 9 avril 1831, j'ai l'honneur de donner avis à la Chambre des représentants qu'un siège de conseiller est vacant à la cour des comptes, par suite du décès de M. Van Hoobrouck de Mooreghem, survenu le 12 de ce mois.
« Veuillez, monsieur le président, agréer l'hommage de ma haute et respectueuse considération.
« Le président de la cour des comptes,
« Th. Fallon. »
Il y aura lieu de procéder à l'élection d'un membre de la cour des comptes, en remplacement du membre défunt. (erratum, page 1422) Je propose de fixer cette élection au mardi 27 juin, c’est-à-dire d’aujourd'hui en quinze.
- Cette proposition est adoptée.
M, David. - Je demande la parole pour faire une rectification aux Annales parlementaires.
Dans mon discours de samedi, j'ai cité un extrait d'un rapport de la commission permanente de l'industrie ; les Annales me font dire que ce passage est extrait d'un rapport de la section centrale.
Je tiens à faire cette rectification parce que la commission permanente d'industrie est composée d'un plus grand nombre de membres que les sections centrales ordinaires et parce qu'elle est composée, par la Chambre, des hommes les plus compétents dans les questions de péages entre autres.
Les Annales me font dire aussi que depuis que je fais partie de cette Chambre je n'ai jamais voté contre aucun budget des travaux publics ; la chose est vraie, mais, j'ai dit dans mon discours de samedi, que je n'avais jamais voté contre aucun crédit demandé pour travaux publics.
M. le président. - Les observations de M. David serviront de rectification.
M. Cornesse, ministre de la justice. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi portant prorogation de la loi du 7 juillet 1863 relative aux étrangers.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de la justice du dépôt de ce projet, qui sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen des sections.
(page 1409) M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Avant de répondre aux divers orateurs qui ont discuté depuis plusieurs jours la question des tarifs, je demanderai à la Chambre la permission de vider, en quelques mots, l'incident que l'honorable M. Jamar a soulevé à propos des paroles que j'avais prononcées sur les chemins de fer de la Flandre occidentale.
L'honorable membre a cru voir dans ces paroles l'intention particulière d'être désagréable à l'ancien cabinet ; cette intention était loin de ma pensée ; depuis que j'ai l'honneur d'être ministre des travaux publics, je me suis toujours efforcé, chaque fois que j'ai eu à apprécier les actes de mes prédécesseurs, d'y mettre la plus grande convenance.
Je regrette que l'honorable membre n'ait pas suivi cet exemple. Qu'ai-je dit à propos de cette question ? J'ai dit que la situation actuelle est rendue plus difficile par la conduite de l'ancien cabinet ; j'ai dit que, quand les pourparlers étaient ouverts, si l'on avait joint les négociations et pour les lignes reprises et pour celles de la Flandre occidentale, si l'on avait déclaré que l'arrangement n'aurait lieu que pour le tout, on serait probablement ou au moins plus facilement parvenu à obtenir la généralisation du système et à rendre justice aux populations de la Flandre occidentale, populations auxquelles j'ai voué les plus vives sympathies.
J'ai dit, messieurs, que si cela n'avait pas eu lieu, ce que j'ignore, c'était, à mon avis, peut-être une faute irréparable. J'ai dit que c'était une faute parce que, quand le gouvernement entre en négociations, ce n'est pas comme spéculateur qu'il doit agir, ce n'est pas une pensée de lucre qui doit l'inspirer (à supposer, ce qui n'est pas encore démontré, ce que l'avenir seul nous apprendra, que la convention d'avril 1870 doive être financièrement avantageuse pour l'Etat), mais qu'il devait aussi avoir égard à l'intérêt public, à l'intérêt des populations qui sont en cause.
Je pense que si les négociations avaient été conduites de la manière que je viens d'indiquer, il eût peut-être été possible d'arriver à un bon résultat et si cela n'a pas eu lieu, je suis autorisé à blâmer le gouvernement de ne pas au moins avoir tenté la chose. Mais ce blâme, messieurs, est l'expression d'une opinion sur une question purement administrative, c'est-à-dire sur une de ces questions sur lesquelles les divergences d'opinions sont parfaitement légitimes. Je ne croyais donc pas que mes paroles fussent de nature à surexciter la mauvaise humeur de l'honorable M. Jamar.
Je ne puis accepter davantage, messieurs, le reproche que m'a fait l'honorable membre de ne pas avoir continué les négociations pour la reprise des lignes du Nord belge et pour la reprise de la concession de Hesbaye-Condroz. L'honorable membre connaît les circonstances terribles qui sont venues arrêter les pourparlers commencés et il sait que, jusqu'à ce jour, il n'aurait guère été possible de les reprendre. Mais qu'il me permette de le lui dire, j'ai peine à croire que des négociations distinctes, des négociations sérieuses aient pu être entamées pour la reprise des lignes de Hesbaye-Condroz.
M. de Macar. - Cela est parfaitement vrai pourtant.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - L'honorable M. Jamar a déclaré qu'il était décidé à ne jamais payer les lignes à reprendre, que leur valeur vraie, sans chercher à former des moyennes acceptables par l'adjonction de lignes plus fructueuses. Il a dû se convaincre bien vite que la reprise des lignes de Hesbaye-Condroz, sans y adjoindre les lignes du Nord belge, se présentait dans des conditions qui la rendaient impossible pour une administration qui, comme celle de l'Etat, doit faire face à des exigences auxquelles les compagnies ne sont pas exposées.
Quant à moi, je crois qu'on peut joindre les deux négociations en y faisant entrer de bonnes lignes et des lignes moins bonnes, de façon à obtenir une moyenne convenable.
Aussi, messieurs, avec cette opinion, je puis encore donner un certain espoir aux lignes de Hesbaye-Condroz, et dire que peut-être les négociations pourront encore être reprises, en sorte que l'honorable M. de Macar, tout en conservant ses sympathies pour le cabinet libéral, pourra se dire peut-être qu'à quelque chose malheur est bon.
M. de Macar. - C'est peu probable. Je crois que vous nous ajournez à bien longtemps.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'arrive maintenant à la question des tarifs.
Et d'abord, je constate que sur cette question nous différons peu d'opinion, quant à un point, avec l'honorable M. Sainctelette, Lui-même a déclaré que nous sommes d'accord sur le maintien des tarifs différentiels pour le transport des marchandises à longues distances. Nous sommes également d'avis l'un et l'autre qu'il y a lieu de diminuer les frais de transport des marchandises à petites distances. Seulement l'honorable membre a déclaré que, d'après lui, ce n'est point par la diminution des frais fixes, mais par un tarif spécial sur des trains complets qu'il faut procéder. Cette question n'est pas résolue ; j'examinerai, avec l'attention qu'il mérite, le système préconisé par l'honorable M. Sainctelette.
Pour ce qui concerne le tarif des voyageurs, je suis en dissentiment avec la plupart des orateurs qui nous en ont entretenus jusqu'ici. Cependant chacun convient qu'il y a quelque chose à faire ; que le système actuel ne peut être maintenu tel qu'il est, qu'il doit y être apporté des améliorations. Nous ne différons que sur les moyens. Le rapport de 1806 reconnaît lui-même que le système n'est pas complet, qu'il y a lieu de le corriger.
Voici en effet comment s'exprime l'honorable M. Jamar à la fin des conclusions de ce rapport :
« Le gouvernement mettra fin à la situation anomale provenant de l'abaissement du prix des voyages à l'intérieur du pays et du maintien des prix élevés pour les voyages internationaux.
« Il se réserve donc de rectifier, dans l'application du principe de la réforme, les dispositions qui seraient de nature à diminuer les recettes sans développer le mouvement des voyageurs.
« Le gouvernement recherchera, par de nouvelles expériences, les mesures à prendre pour rendre plus faciles et plus économiques les voyages à petit parcours. »
L'honorable membre n'indique pas d'une manière précise quels étaient ses projets ; je pense cependant qu'ils devaient consister dans l'extension des tarifs réduits à la distance aux zones dans lesquelles ceux-ci n'avaient pas encore fonctionné, c'est-à-dire dans l'application de la réforme aux trois zones, soit en une, soit en deux étapes.
L'honorable M. Sainctelette nous a présenté son système à lui. Si je l'ai bien compris, car ses paroles n'ont pas encore été publiées aux Annales parlementaires, l'honorable membre a dit que son système consistait à n'appliquer la réforme qu'aux voyageurs de la deuxième et de la troisième classe.
Quant à moi, j'ai déjà eu l'honneur de le déclarer : mon système c'est le retour aux tarifs proportionnels, modérés et améliorés par la création des billets d'aller et de retour.
Examinons ces divers systèmes en détail.
Celui de l'honorable M. Jamar, s'il est bien tel que je l'ai supposé, ne pourrait que provoquer un déficit nouveau et plus considérable que celui dont nous nous plaignons aujourd'hui.
En effet, une diminution de taxes, quelque minime qu'elle soit, pour les zones où le nombre des voyageurs est si grand, provoquerait tout de suite une réduction importante dans le revenu.
Dans un mémoire publié avant la mise à exécution de la réforme, l'auteur des tarifs du 1er mai 1866 a lui-même évalué cette diminution à 1,400,000 francs, en ne faisant ses calculs cependant que sur le mouvement de 1864, mouvement qui s'est bien accru depuis lors.
Les idées de mon honorable prédécesseur ne pourraient donc être appliquées qu'en nous obligeant à renoncer pour bien longtemps à beaucoup de mesures utiles.
Ajournement de la réduction du tarif des marchandises pour les petits parcours. Ajournement de toute espèce d'améliorations, telles que création de stations, extensions de voies de garages, développement des moyens d'exploitation, etc., réclamées si vivement par tout le monde. Ajournement de la reprise des lignes concédées les moins fructueuses. Concurrence plus forte et plus injuste contre les compagnies, et par conséquent, situation bien empirée pour les populations déshéritées qui ne jouissent pas de lignes exploitées par l'Etat.
Voilà, ce me semble, bien des raisons pour repousser le système de M. Jamar.
A mon avis, la conséquence inévitable du rejet de ce système est le relèvement des tarifs actuels. Je chercherai tout à l'heure à justifier cette pensée.
Si j'ai bien compris l'honorable M. Sainctelette et si sa pensée est, en réalité, qu'il y a lieu de n'accorder de réduction qu'aux deuxièmes et troisièmes classes, je me permets de lui dire qu'il paraît manquer de logique. En effet, si les moindres frais qu'on doit faire pour transporter les voyageurs à une longue distance sont une raison déterminante pour abaisser les prix et les mettre ainsi en rapport avec le coût du transport, ce raisonnement doit s'appliquer aussi bien aux premières classes qu'aux secondes et aux troisièmes. Ce qui est bon pour l'un doit être bon également pour l'autre Ce serait, selon moi, déplacer l'injustice au lieu de la réparer.
Je pense que le régime doit être le même pour tous, que la justice doit (page 1410) être égale pour les pauvres et pour les riches, pour les voyageurs de première classe et pour les voyageurs de troisième classe.
Reste donc, messieurs, le système que j'ai eu l'honneur de vous exposer, c'est-a dire le rétablissement du tarif proportionnel, avec billets d'aller et retour.
Mais, m'a-t-on dit, c'est vous qui manquez de logique, et si vous déclarez que les tarifs différentiels sont rationnels lorsqu'il s'agit du transport des marchandises, par la même raison vous devez les admettre pour le transport des voyageurs.
Examinons l'objection. Ce qui justifie les tarifs différentiels pour les marchandises, cela vous a été expliqué et longuement développé par les orateurs qui m'ont précédé ; je n'ai rien à ajouter à leur démonstration. C'est l'influence du prix réduit du transport sur le développement du trafic ; c'est aussi la diminution du prix de revient proportionnellement à l'allongement du parcours. cette dernière considération seule serait applicable au transport des voyageurs, mais encore n'est-elle pas suffisante pour justifier la mise en pratique du principe ; si elle peut être logique, elle n'est pas raisonnable ; elle conduit à une perte sèche pour le trésor et cette perte ne pourrait être compensée que par un espoir fondé d'un accroissement suffisant de mouvement.
Le mouvement voyageur, il faut bien le reconnaître, obéit à d'autres lois que le mouvement marchandises ; il est impossible, avec la meilleure volonté du monde, de comparer l'homme au colis. Ce qui fait voyager, ce sont des besoins, ce sont des convenances personnelles, ce sont des relations de famille, ce sont des relations d'affaires, ce sont même les plaisirs.
Ces vérités, messieurs, vous ont été parfaitement exposées déjà dans la séance de samedi par mon honorable ami M. Moncheur ; cela me dispensera d'entrer dans de plus longs développements sur ce point.
Cependant je ne puis m'abstenir de faire voir que ces idées étaient aussi celles d'un homme dont vous ne récuserez pas l'opinion puisqu'il est reconnu comme l'auteur qui ait écrit de la façon la plus complète sur l'exploitation des chemins de fer belges et qu'il a déjà été cité avec éloge par nos honorables contradicteurs eux-mêmes.
Que dit, sur ce sujet, feu l'ingénieur Alph. Belpaire ?
« Passons aux voyageurs.
« Pour les voyageurs, le principe de la diminution des prix en raison de la distance n'est pas applicable, par le motif que la dépense du parcours, surtout sur de longues distances, n'est pas la principale considération qui influe sur la détermination de celui qui se met en route. Nous avons déjà fait voir que la perte de temps constitue en réalité la plus grande dépense du voyageur. Nous avons vu que celui-ci est astreint, en outre, à une quantité de frais accessoires dont son déplacement est l'occasion, et qu'il résulte de là que la dépense proprement dite du parcours n'est plus, comme pour les marchandises, la considération prépondérante.
« Le principal avantage que le chemin de fer offre au voyageur, c'est la rapidité, c'est l'économie de temps. »
Or, la rapidité, l'économie de temps qui s'obtiennent par des trains spéciaux, par des trains express, peuvent parfaitement bien se concilier avec le tarif proportionnel.
« La première condition propre à attirer les voyageurs, c'est donc d'organiser le service d'une manière bien régulière, de soigner la coïncidence des convois, de multiplier ceux-ci autant qu'on le peut, sans contrevenir à cette autre règle posée ci-dessus, qui exige que les convois soient aussi remplis que possible pour utiliser le travail des machines.
« Quant aux prix, nous ne pouvons donner d'autre règle générale, que de ne pas les fixer assez haut, pour que la dépense, du parcours devienne la dépense principale du voyage dans les longs trajets.
« L'expérience a prouvé aussi qu'il convient de ne pas établir une trop grande différence entre les prix des diverses classes de voitures. Cette circonstance, qui offre aux voyageurs des classes supérieures l'appât d'une grande économie, en regard d'une gêne relativement légère, les engage souvent à déserter les voitures de première classe. Au contraire, en rapprochant les prix des différentes classes, la répartition des voyageurs dans ces différentes classes devient plus uniforme, les recettes augmentent, et le matériel peut être mieux utilisé.
« En nous résumant, nous trouvons que le meilleur moyen d'utiliser la route consiste :
« Pour les voyageurs, dans une grande régularité du service ; dans une marche rapide, mais sûre, des convois ; dans l'établissement de relations nombreuses et fréquentes ; enfin dans des tarifs modérés, où la séparation des classes ne soit pas trop tranchée ;
« Pour les marchandises, dans des encouragements accordés à tous les objets pour lesquels la célérité et l’exactitude des envois sont précieuses ; dans l'adoption d'un tarif modéré de la base soit décroissante en raison de l'augmentation des distances. »
Vous le voyez, messieurs, il est impossible de donner de meilleures raisons pour le rétablissement du changement que je projette.
M. Descamps. - Je demande la parole.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Il est une chose bien remarquable : c'est que l'administration du chemin de fer de l'Etat belge est la seule qui ait adopté le tarif différentiel pour les voyageurs. Toutes les sociétés particulières ou ont conservé le tarif proportionnel ou l'ont rétabli peu de temps après avoir fait la triste expérimentation du tarif différentiel.
Cependant, si le tarif différentiel n'a, que je sache, pas été adopté autre part qu'en Belgique, ce n'est pas faute d'avoir été mûrement étudié et soigneusement examiné
A la vérité, les compagnies pourraient être plus ou moins soupçonnées d'agir dans leur intérêt propre et encore je ne pense pas que cela soit, car, au résumé, si le système est bon, si l'accroissement du mouvement doit venir compenser la diminution des tarifs, la combinaison est bonne également pour les sociétés qui y auraient trouvé leur profit. Quoi qu'il en soit et en supposant que les compagnies puissent être suspectées d'avoir examiné les choses au point de vue étroit de leur revenu, il ne peut en être de même pour le gouvernement français, qui a envisagé la question sous le rapport des intérêts généraux recherchant ce qui devait se faire pour les populations de la France.
Or, le gouvernement français a envoyé en Belgique un inspecteur général des chemins de fer, M. Prosper Tourneux, et après un examen attentif, approfondi et minutieux de ce qui s'est passé dans notre pays, ce fonctionnaire a déclaré que le système est mauvais. Cette déclaration a été renouvelée par le ministre du commerce et des travaux publics de France, M. Forcade, qui s'exprimait ainsi devant le corps législatif à la séance du 22 juillet 1867 :
« Le système belge n'est ni celui de la France, ni celui de l'Angleterre, ni celui de l'Allemagne : c'est un essai qu'on ne peut encore juger. Ce qui est certain, c'est qu'il a produit une diminution dans les recettes... Les compagnies (en France.) raisonnent ainsi : S'agit-il de petites distances ? Il est utile de développer les billets d'aller et de retour. Il est certain que ces billets activent la circulation en affranchissant les voyageurs des dépenses d'auberge et de séjour que peut entraîner un déplacement. Il y a de même des tarifs réduits pour les ouvriers allant à l'atelier, pour les enfants allant à l'école. Il y a les jours de foire, de marché, de comice agricole. Ce système favorise le mouvement des voyageurs les jours mêmes où ils sont appelés à se déplacer. Pour les grandes distances, il n'y a point de réductions de ce genre. Elles n'augmenteraient pas sensiblement le nombre des voyageurs. Il est certain que dans un voyage de Paris à Bordeaux, par exemple, les frais de transport ne sont qu'une partie secondaire de la dépense. Une diminution de 20 francs ou de 25 francs serait ici insignifiante. Voilà le système qui a prévalu en France. Les compagnies et les voyageurs s'en trouvent bien. »
Vous le voyez, messieurs, tous les auteurs et toutes les autorités que j'ai l'honneur de vous citer condamnent unanimement le système inauguré en Belgique et recommandent le système antérieur à la réforme.
Mais, me dit-on, vous avez vous-même approuvé la réforme en votant le projet de loi de 1865.
Messieurs, il faut le dire bien franchement, la main sur la conscience, le projet de loi de 1865 n'a été examiné et discuté sérieusement, ni à la Chambre, ni au Sénat. Je fais une exception toutefois : l'honorable M. de Naeyer, qui étudie toujours si consciencieusement les questions, a discuté le système différentiel et y a donné son adhésion, mais il a été le seul, je crois, dont le vote fût déterminé par une appréciation mûrie et raisonnée. Nous avons accordé le vote de confiance réclamé par un ministre qui le méritait à juste titre.
Parmi les partisans actuels de la réforme, il en est peu, s'il en est, qui me démentiront à cet égard. Le vote émis était à ce point un vote de confiance, que le fonctionnaire chargé de préparer les mesures d'exécution de la loi hésita à se prononcer entre l'introduction du tarif différentiel et la conservation du tarif proportionnel.
Longtemps M. Gendebien, alors inspecteur général, a été indécis sur la combinaison qu'il proposerait et il s'est demandé avant tout s'il ne se prononcerait pas pour le maintien de l'ancienne taxe proportionnelle, réduite d'une manière uniforme. Vous pouvez vous assurer de ce que j'ai l'honneur de vous dire en relisant son rapport du 5 janvier 1866.
(page 1411) Mais le plus grand reproche que fait au système que je combats n'est pas la diminution de recettes, c’est surtout qu'il n'a rien fait pour les voyageurs les plus nombreux, les plus pauvres et les plus dignes d'intérêt, pour ces voyageurs qui prennent la voiture de 3ème classe, qui vont rarement au loin, qui ne se déplacent jamais pour longtemps.
L'honorable M. Jamar a dit qu'il est bon de pousser les populations aux déplacements à grande distance, de mettre le Wallon à même d'aller fraterniser avec le Flamand et vice-versa, de rapprocher toutes les intelligences du contact des grands centres. C'est là une simple théorie, une théorie brillante, surtout dans la forme qu'a su lui donner l'honorable M. Jamar, mais enfin ce n'est qu'une théorie.
Les relations de la bourgeoisie et de l'ouvrier se concentrent dans le cercle restreint de leurs intérêts, de leurs travaux et de leurs relations habituels, de leurs affections, de leur famille, voire même de leurs plaisirs, car on a parlé de kermesses en paraissant me reprocher de remplacer par la satisfaction de grossiers instincts la satisfaction de l'intelligence et la recherche des distractions que procure le progrès des lumières. Mais ne devons-nous pas favoriser les plaisirs du pauvre comme on favorise les plaisirs du riche ?
Les vieilles coutumes de nos ancêtres doivent-elles être abandonnées ? Doivent-elles céder la place à des tentatives souvent peu réussies qui, sous le prétexte de contribuer au développement des intelligences, n'aboutissent parfois qu'à des résultats qui ne sont pas toujours des progrès ?
Et d'ailleurs quels sont ceux qui ont institué les trains de plaisir ? Ce n'est pas nous, ce sont nos honorables prédécesseurs et je ne les en blâme pas.
Les relations lointaines, messieurs, pour les gens qui voyagent en 3ème classe, sont des exceptions et des exceptions telles que vos réductions de tarifs ne les développeront pas.
Les lois, au surplus, ne peuvent être faites pour les exceptions ; elles doivent s'appliquer aux généralités.
Nous n'avons eu jusqu'à présent que les apparences du bienfait. Je veux en faire une réalité.
Vous avez donné des paroles séduisantes à ceux qui voyagent en troisième classe, je veux leur donner des billets d'aller et de retour à prix réduit. Je crois qu'ils préféreront mes billets à vos paroles.
La réalité est que votre réforme n'a profité qu'aux classes aisées et aux étrangers ; je le prouve.
Les voyageurs de la 3ème classe, vous le savez tous, la statistique l'indique, forment plus des trois quarts du mouvement total.
Voulez-vous savoir quelle est la moyenne des parcours faits par trains ordinaires ?
Pour la 3ème classe, elle est de 24 kilomètres ; pour la 2ème classe, de 31 kilomètres et, pour la première, de 45 kilomètres.
La réduction du tarif ne commençant qu'au 36ème kilomètre, il en résulte à l'évidence que la 3ème classe n'a que très peu ou point profité de la réforme ; que la 2ème classe n'en a tiré qu'un mince avantage ; que la 1ère classe et les étrangers, eux, en ont eu tous les bénéfices.
En un mot, je crois pouvoir affirmer qu'un dixième au plus du mouvement général a joui des diminutions de taxes que vous avez accordées. J'ai donc le droit de qualifier la réforme d'aristocratique.
Examinons-la maintenant dans ce qu'elle a produit, c'est-à-dire au point de vue du mouvement et des recettes.
Occupons-nous d'abord du mouvement. Prenons les quatre années qui ont précédé l'introduction du tarif de 1866.
En 1862, par rapport à 1861, l'accroissement du mouvement a été de 3 5/10 p. c
En 1863, il a été de 8 4/10 p. c.
En 1864 de 6 8/10 p. c.
En 1865 de 13 3/10 p. c.
Après la réforme, en 1866, l'accroissement a été de 8 9/10 p. c.
En 1867, de 8 4/10 p. c.
En 1868, de 1 6/10 p. c.
En 1869, de 5 9/10 p. c.
Si j'élague des années qui ont précédé la réforme, l'année 1865, comme exceptionnelle et l'année 1863 que l'on peut trouver encore trop favorable à ma thèse, je puis au moins prendre comme moyenne admissible la proportionnelle de 1864, c'est-à-dire la moyenne d'une année normale. cette moyenne a été de 6 8/10 p. c, et si je l'applique aux années 1866, 1867, 1868 et 1869, j'arrive à un mouvement total de voyageurs de 13,891,000 pour 1869, tandis qu'au contraire, le mouvement réel n’a été que de 13,577,000 voyageurs.,
Il s'en est donc fallu de 300,000 voyageurs que le mouvement de 1869 atteignît le chiffre auquel il serait parvenu, si l'accroissement annuel avait continué à être ce qu'il était avant la réforme, pour une année normale.
Bien loin de ma pensée de vouloir attribuer ce déchet à l'effet de la réforme, ce serait absurde ; mais cela au moins m'autorise à dire que la réforme a trompé vos prévisions et n'a pas surexcité le mouvement, chose qu'il était indispensable d'obtenir, même d'après vous, pour couvrir le déficit auquel vous vous attendiez dans la recette.
Voilà des chiffres qui ont leur éloquence.
Quant à la recette, il y a diminution, cela est positif ; cela est reconnu par tout le monde, même par l'honorable M. Jamar qui, dans son rapport de 1869, en a fixé le chiffre à 600,000 francs. Mais il faut s'entendre : ce n'est pas 600,000 francs pour les trois années qui se sont écoulées après la réforme, c'est 600,000 francs par année. Et encore, dans les annexes du rapport, vous pourrez voir que le chiffre était controversé par des hommes très compétents, qui évaluaient la perte, les uns à 1,300,000 fr., les autres à 1,600,000 francs.
L'honorable M. Sainctelette a cru trouver un grand argument à m'opposer dans l'accroissement de la recette brute réalisée depuis 1865 ; il a voulu tirer de cet accroissement la preuve que le relèvement des tarifs n'était pas nécessaire. Il vous a dit, en prenant les chiffres officiels, que, de 1865 à 1869, il y a eu un accroissement de 1,500,000 francs de recettes et que, par conséquent, il n'y a pas lieu de relever les tarifs. Mais, messieurs, le même raisonnement est applicable aux années antérieures à la réforme, et si je prends l'accroissement qui s'était produit de 1861 à 1865, c'est-à-dire, sous le régime des taxes proportionnelles, je trouve que l'accroissement n'a pas été de 1,500,000 francs, mais de 2,800,000 francs. Vous voyez que la réforme, au lieu d'ajouter à l'accroissement normal des recettes, l'a diminué notablement.
D'autre part, M. Sainctelette a négligé de mettre, dans son raisonnement, l'accroissement qu'il signalait en rapport avec la longueur de chemin de fer exploitée. Car il faut remarquer qu'à dater de 1866 les lignes se sont accrues de 114 kilomètres. M. Sainctelette n'a pas tenu compte de cette circonstance. S'il avait voulu arriver à une solution qui eût quelque valeur, il aurait dit calculer le produit moyen par kilomètre et voici le résultat auquel il serait arrivé : en 1865, le kilomètre avait produit 19,500 francs, et en 1869, quatrième année de la réforme, il n'a plus produit que 18,600 francs. Suis-je autorisé à conclure de ces chiffres que, depuis la réforme, l'accroissement diminue au lieu d'augmenter ? Et si l'on récuse l'année 1865, comme une année exceptionnelle, ce qui est vrai, qu'on prenne, si l'on veut, l'année 1864 et l'on trouvera que, par kilomètre exploité, la recette de 1869 n'a pas dépassé celle de 1864.
M. Sainctelette a cité un autre chiffre dont il a cru pouvoir faire grandement état. Nous connaissons, vous a-t-il dit, le produit des lignes pour le mois de janvier 1871 ; eh bien, ce produit présente une augmentation de 174,000 francs sur le produit du mois correspondant de 1870.
Je dois le dire, l'honorable membre avait oublié d'allumer sa lanterne ; il a perdu de vue qu'en 1871 nous exploitions 607 kilomètres nouveaux repris de la Société générale d'exploitation ; s'il y avait fait attention, cela aurait changé notablement les résultats qu'il nous a indiqués.
Je crois avoir établi, par les chiffres que je viens de citer, que, pour réparer l'injustice criante qui a été commise envers la classe la plus nombreuse et la plus déshéritée, il faut, pour ne pas compromettre davantage la situation financière, en arriver à un relèvement des tarifs pour les grands parcours. Ce relèvement sera-t-il un retour complet à l'ancien barème de 1851 et 1854 ? La chose n'est pas certaine.
La question est soumise à un examen qui n'a pas encore produit de résultat définitif. Mais, la nécessité d'en revenir au barème de 1851 et 1854 fût-elle démontrée, il ne resterait pas moins vrai que le système belge serait encore pour le public le plus avantageux de toute l'Europe. Quelques indications sommaires suffiront à le prouver.
D'après le barème de 1851 et 1854, on payait, en Belgique, par trains ordinaires :
En voitures de première classe 8 centimes par kilomètre, de deuxième classe, 6 centimes et de troisième classe 4 centimes.
Pour les trains express, il y avait une surtaxe de 25 p. c, ces trains ne comprenant toutefois pas de voitures de 3ème classe ; les prix étaient donc :
10 centimes en voiture de première classe par kilomètre.
7 1/2 centimes en voiture de deuxième classe par kilomètre.
En ajoutant, comme on l'a fait depuis la réforme, des voitures de 3ème classe aux express et en appliquant aux voyageurs de cette classe la base (page 1412) de tarification admise pour les autres, on percevrait du voyageur de troisième classe 5 centimes par kilomètre.
En France, les bases sont respectivement, par trains ordinaires et par kilomètre : 11 5/10 centimes en voiture de première classe, 8 4/10 en voiture de deuxième classe, 6 1/10 en voiture de troisième classe.
10 - 5« -
Il n'y a pas de surtaxe pour les trains express ; niais ces trains se composent exclusivement de voitures de première classe, auxquelles on ajoute parfois des voitures de 2e classe.
En Angleterre, les taxes kilométriques varient ; elles sont, au minimum, par trains ordinaires :
De 11 1/2 centimes en voiture de première classe. 8 1/2 - 2e -
5 1/2 - 5° -
Elles s'élèvent jusqu'à 14 7/10, 10 1/2 et 6 6/10 centimes pour les trains ordinaires et vont jusqu'à 18 (première classe) et 13 8/10 (deuxième classe) centimes pour les trains express, qui ne comprennent non plus pas de voitures de troisième classe.
En Allemagne, les taxes varient aussi ; elles sont, au minimum, par trains ordinaires : de 8 1/3 centimes en voiture de première classe, 5 3/4 en voiture de deuxième classe, 3 85/100 en voiture de troisième classe.
Elles vont jusqu'à 13 28/100, 7 1/2 et 5 53/100 centimes, même par trains ordinaires.
Par trains express, elles sont, au minimum, de 10 4/10, 6 9/10 et 5 81/100 centimes et vont jusqu'à 14 6/10, 9 13/100 et 6 64/100 centimes.
En Autriche, les taxes sont plus uniformes ; elles sont, par trains ordinaires, de 11 86/100, 8 9/10 et 5 93/100 centimes.
Par trains express, elles sont de 14 17/100 centimes en voiture de première classe, de 10 54/100 centimes en voiture de deuxième classe. II n'y a pas de voitures de troisième classe dans les trains express.
En Suisse, dans ce pays que l'on compare habituellement à la Belgique, voici quel est le tarif appliqué sur le chemin de fer de l'Etat bernois :
Par trains ordinaires : 10 42/100 en voiture de première classe. 7 29/100 en voiture de deuxième classe, 5 21/100 en voiture de troisième classe.
Les compagnies ont toutes adopté des prix égaux ou supérieurs à ceux-ci ; ils vont jusqu'à 13, 9 et 7 centimes. Les trains express se composent seulement de voitures de première et de deuxième classes.
Enfin, dans les Pays-Bas, on trouve, par trains ordinaires, 10 63/100, 7 97/100 et 4 1/4 centimes. Par trains express, il y a une surtaxe de 20 p. c. et exclusion de la troisième classe.
J'avais donc raison de dire, messieurs, que, dût-on, pour accorder aux voyageurs les avantages que je me propose de leur procurer, reconnaître qu'il faut en revenir au barème de 1851 et 1854, - ce qui n'est pas encore décidé,- nous serions encore dans la situation la plus avantageuse de tous les chemins de fer européens.
En résumé, mon but principal, en formulant mon programme, a été de réparer une injustice trop longtemps soufferte par les classes les plus pauvres, les plus nombreuses et les plus intéressantes, en offrant à ceux qui voyagent en troisième classe des compensations auxquelles ils ont droit et que le régime actuel leur a refusées jusqu'à présent, au moins pour les petits parcours.
Ces compensations, je désire les trouver dans le relèvement des prix perçus pour les longs parcours. J'espère, de plus, en réalisant cette idée, améliorer en même temps le produit du chemin de fer.
C'est là mon second but, et ce but n'est pas à dédaigner. J'espère qu'en relevant modérément les tarifs et en créant des billets d'aller et de retour, je parviendrai à faire produire par le chemin de fer un surplus de recette qui, pour la première année, pourra atteindre au moins un million.
Dans mon intention bien arrêtée, les produits du chemin de fer, lorsqu'ils viennent à s'accroître, doivent être consacrés à l'amélioration du chemin de fer lui-même, dans l'intérêt général. Il n'est donc pas question, dans ma pensée, d'employer les ressources nouvelles à couvrir des dépenses militaires ; il n'est pas question non plus de pourvoir à l'insuffisance des ressources du trésor et de remplacer des impôts par une augmentation de péages.
Les nouvelles recettes que je me promets des mesures que j'ai annoncées doivent servir à créer des stations nouvelles, à permettre la réduction du tarif des marchandises pour les petits parcours, et à améliorer le service général du chemin de fer dans l'intérêt du public. Voilà mon but nettement défini.
En dehors de ces deux principes, de la substitution du régime proportionnel au régime différentiel, avec le correctif des billets d'aller et de retour, les questions restent entières ; elles font l'objet des études les plus sérieuses.
Les billets d'aller et de retour seront-ils étendus à toutes les classes et à toutes les relations ? Seront-ils valables pour un jour ou pour plusieurs jours ? Toutes ces questions peuvent avoir une grande influence sur les résultats du système que j'ai eu l'honneur d'exposer.
Je prierai donc la Chambre de suspendre son appréciation jusqu'au moment où elle aura pu juger de l'œuvre dans son ensemble et dans ses résultats.
J'ai d'autant plus de droit de réclamer cette marque de confiance que la Chambre a déjà bien voulu l'accorder à l'honorable M. Vanderstichelen dans des conditions bien moins favorables que celles où je me trouvé.
En effet, j'aurais pu, usant des pouvoirs que la loi me confère et dont je dispose, introduire mon système sans l'annoncer au Parlement. Mais j'aurais cru, en agissant ainsi, manquer de loyauté et méconnaître la déférence dont je ferai toujours preuve à l'égard de la législature.
M. Delaet.- Messieurs, j'ai lu dans les Annales parlementaires, avec toute l'attention qu'ils méritent, les divers discours qui ont été prononcés à propos des tarifs du chemin de fer.
J'ai dû m'absenter quelques instants : je ne sais donc pas si la question que j'entendais traiter n'a pas été abordée par M. le ministre des travaux publics. A tous risques, je m'explique.
Messieurs, il y a bien longtemps que la loi des tarifs des chemins de fer a été déterminée ; elle l'a été lorsque les chemins de fer étaient pour ainsi dire encore tout nouveaux en Belgique, en 1846, par un des ingénieurs les plus méritants qui aient jamais honoré le service belge. Feu M. Alp. Belpaire, dans un livre très remarquable et qui a été fort remarqué surtout à l'étranger : le Traité des dépenses d'exploitation du chemin de fer, a étudié par le détail et a résumé de main de maître ce que je puis appeler la loi des tarifs des chemins de fer.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai fait cette citation, M. Delaet.
M. Delaet. - Qu'a cité M. le ministre ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai cité ce qui regardait le tarif des voyageurs.
M. Delaet. - Messieurs, il y a longtemps que ce livre, qui n'est pas assez répandu, a été imprimé. Il porte la date de 1847, et comme j'ai remarqué que la plupart des orateurs qui ont pris la parole, dans ce débat n'avaient pas lu les pages remarquables dont M. le ministre des travaux publics n'a cité que peu de lignes, je crois qu'il est bon de les soumettre à l'attention de la Chambre, de les soumettre surtout à l'appréciation du pays. C'est pourquoi je demande la permission d'en donner lecture. Elles paraîtront ainsi dans les Annales parlementaires.
Après avoir établi la progression décroissante que suivent les frais d'exploitation du chemin de fer par myriamètre de voie parcourue, M. Alp. Belpaire continue :
« Cette progression décroissante, que suivent les dépenses par myriamètre, en raison de l'augmentation de la distance, est précisément celle qu'il convient de faire suivre aux prix des transports, pour réaliser l'encouragement qui doit être accordé aux longs trajets.
« Tout se réunit donc pour montrer que le principe fondamental, d'après lequel doivent être rédigés les tarifs des chemins de fer est l'abaissement progressif des prix par myriamètre parcouru, à mesure que la distance augmente.
« Les dépenses permettent cette marche, les transports la commandent.
« Dans tout ceci, nous n'avons considéré la question que sous le point de vue de l'intérêt propre des chemins de fer ; mais on a droit d'exiger de ces voies nouvelles d'autres avantages que ceux qui les concernent exclusivement, et puisqu'un chemin de fer doit être avant tout une œuvre utile et d'un intérêt général, il faut que les meilleures conditions de son exploitation coïncident aussi avec la plus grande utilité que la société puisse retirer de son établissement.
« Les chemins de fer, aussi longtemps qu'ils ne tendent qu'à enlever aux anciennes voies de communication les transports que celles-ci effectuaient, aussi longtemps qu'ils ne font que se mettre en concurrence avec elles, ne rendent en réalité aucun service nouveau, et manquent complètement leur but social. Lors même que, par un moyen quelconque, ils parviendraient à s'emparer de tous les transports des routes et des canaux, ils n'auraient encore fait que rendre inutiles de si grands ouvrages, que (page 1415) rendre improductifs les capitaux énormes que leur construction a absorbés. Or, si les chemins de fer, au lieu de créer une valeur nouvelle, ne font que détruire une valeur existante, s'ils ne desservent aucun besoin nouveau, s'ils ne dotent la société d'aucune utilité nouvelle, si enfin ils ne font que remplacer des moyens de transport dont le public était déjà en possession, devrons-nous donc tant nous applaudir de les voir ruiner sans aucun avantage réel les industries rivales de la leur, de les voir supprimer à leur profit le roulage et la navigation ? Evidemment, telle n'est pas leur mission, tel n'est pas le rôle qu'ils sont destinés à jouer.
« Les chemins de fer, pour être réellement une œuvre utile, au profit de tous, ne doivent chercher leur prospérité qu'en offrant au public des avantages nouveaux que nul autre transport ne peut lui donner, qu'en rendant possibles des relations de commerce, des échanges de produits qui auparavant étaient impraticables.
« Quels sont donc les avantages nouveaux que les chemins de fer peuvent offrir, et que les autres voies de communication ne possèdent point ; quelle est leur utilité spéciale ?
« Et d'abord, traitons la question par rapport aux transports par eaux.
« Le plus grand avantage des chemins de fer, la supériorité la plus marquée qu'ils possèdent sur les voies navigables, consiste dans la rapidité et dans l'exactitude des envois.
« Cet avantage, s'il était bien compris, paraîtrait considérable, et il le deviendra de plus en plus, à mesure que les habitudes anciennes du commerce se seront mises en rapport avec l'usage qu'il convient de faire du nouveau mode de transport. Si nous voyons augmenter de mois en mois les expéditions de marchandises par les chemins de fer, c'est qu'insensiblement leurs avantages sont mieux appréciés, leur utilité spéciale mieux reconnue. Le temps ne peut manquer de faire évaluer à sa juste valeur le bénéfice que l'on peut retirer de la facilité apportée dans les transports par le nouveau mode de communication.
« Auparavant, les approvisionnements ne pouvaient se faire que par la voie coûteuse du roulage, ou par la voie lente de la navigation ; il en résultait pour le commerce l'obligation d'avoir toujours des magasins bien fournis, pour être en mesure de satisfaire aux demandes, sans se voir forcé, soit de payer un prix excessif au roulage, soit d'attendre pendant plusieurs semaines les expéditions par canaux. Cette nécessité conduisait indirectement à des dépenses de toute nature : intérêts considérables d'argent pour les capitaux enfouis dans ces approvisionnements, frais de magasinage, loyers de locaux, frais de surveillance, détérioration des marchandises, chances de fluctuation dans les prix durant le long espace de temps qui s'écoulait entre l'expédition de la marchandise et l'époque où l'on parvenait à s'en défaire. Toutes ces causes de perte étaient rendues encore plus sensibles par l'incertitude et l'irrégularité dont les anciens modes de transport n'étaient jamais exempts. En été, les rivières manquaient d'eau pour la navigation, les canaux devaient être mis à sec pour être curés ; en hiver, les rivières étaient impraticables par suite des crues, les canaux étaient fermés par les glaces. Il fallait se précautionner contre toutes ces éventualités ; il fallait, à la fin de l'été, faire des commandes de charbons par exemple, pour les recevoir avant l'hiver par les canaux. Alors qu'arrivait-il ? On faisait de fortes commandes dans la prévision d'un hiver rigoureux ; l'hiver était doux, et l'on ne trouvait pas à placer ses approvisionnements ; ou bien on faisait de petites commandes ; l'hiver durait plus longtemps qu'on n'avait calculé, et il fallait faire venir à grands frais des charbons par chariots, fermer les fabriques et les usines et renvoyer les ouvriers lorsqu'ils avaient le plus grand besoin d'ouvrage. Aujourd'hui aucune de ces craintes ne peut plus subsister ; les chemins de fer ne sont jamais interrompus ; les expéditions sont sûres et promptes, les commandes peuvent se faire à mesure des besoins ; partant, plus d'intérêts de capitaux dans les approvisionnements, plus de loyers de magasins, plus de détérioration de marchandises ni de frais de surveillance. Les spéculations et les combinaisons commerciales, que la lenteur des expéditions rendait chanceuses, sont devenues plus aisées, parce qu'un des éléments principaux du calcul, le temps, peut être estimé exactement et d'une manière positive. »
N'oublions pas que cela a été écrit en 1846, c'est-à-dire après dix ans d'existence des chemins de fer ; que par conséquent, il y a là des prévisions qui toutes se sont vérifiées et qui par conséquent vont donner plus d'autorité encore à ce qui suit.
« Mais il y a plus.
« Tous les articles pour lesquels la rapidité et la facilité du voyage étaient des conditions essentielles, et qui ne pouvaient pas se servir de canaux, parce que ce mode de transport était trop lent, ni du roulage, parce qu'il était trop cher, ont pu être transportés à des distances auxquelles ils n'étaient jamais parvenus. Ainsi le poisson de mer, que l'on transportait à grand-peine jusqu'à 30 lieues des côtes maritimes, peut, au moyen des chemins de fer, parvenir sans difficulté jusqu'à 100 lieues dans l'intérieur du continent ; le marché de cet article se trouve donc agrandi dans des proportions énormes. Le bétail, que l'on ne pouvait transporter qu'à de petites distantes, à moins de dépenses et de pertes excessives, parcourt sur les chemins de fer les plus longues distances sans aucun inconvénient. Les boissons distillées communes, qui ne se transportaient en quantité considérable que dans les endroits où se trouvaient des canaux, peuvent à des prix modérés être amenées indistinctement sur tous les points que les chemins de fer atteignent.
« Tels sont en abrégé les principaux avantages que la promptitude et l'exactitude des expéditions par chemin de fer offrent au commerce.
« Il est évident que toutes les marchandises ne profitent pas également de ces avantages. Les matières pondéreuses, encombrantes et de peu de valeur relative, celles dont les prix ne sont pas sujets à varier considérablement, celles dont la consommation est constante, régulière et assurée, toutes les marchandises en un mot pour le transport desquelles la question de temps n'est qu'accessoire, préféreront toujours la voie plus lente, mais aussi plus économique, des canaux et des rivières, partout où ces voies navigables existent, et dans toutes les circonstances où des motifs d'une nature particulière ne les forceront pas à les abandonner accidentellement. Tous ces articles ne tirent des chemins de fer qu'une utilité restreinte, et l’on aurait tort de faire de grands efforts pour les y amener ; ce serait, comme nous l'avons déjà dit, s'engager dans une lutte inégale, d'où ne pourrait résulter aucun avantage ni pour l'exploitation ni pour le public.
« Sous ce premier point de vue donc, l'utilité des chemins de fer, et par conséquent l'usage auquel on doit les employer, sont parfaitement bien déterminés. Les chemins de fer doivent transporter les marchandises pour lesquelles la célérité et l'exactitude sont de quelque intérêt, soit accidentellement soit essentiellement ; ces marchandises, ils doivent les attirer par tous les moyens raisonnables qui peuvent être mis en œuvre, et réduire autant que possible leurs prix sans se constituer en perte. Quant aux autres articles, ils ne doivent pas chercher à les enlever aux voies navigables, partout où celles-ci sont en état de leur faire concurrence, c'est-à-dire, de faire le transport à des prix auxquels les chemins de fer ne couvriraient pas convenablement leurs frais.
« Tel est le rôle que les chemins de fer doivent jouer par rapport aux voies navigables.
« Etudions à présent leurs relations avec les transports par voie de terre. C'est à l'égard de ces transports surtout, que leur influence mérite d'être étudiée, que leur intervention peut donner lieu à des avantages tout à fait nouveaux et inconnus.
« La supériorité caractéristique des chemins de fer sur les routes ordinaires, réside dans le bas prix de leurs tarifs par rapport à ceux du roulage, et surtout dans cette propriété remarquable, que nous avons déjà démontrée plus haut, en vertu de laquelle les dépenses du transport n'augmentent pas en proportion de la distance.
« L'économie que le transport par chemin de fer présente sur le roulage, n'existe pas pour les petites distances. On conçoit en effet que les marchandises qui doivent se servir d'un chemin de fer, étant astreintes à deux transbordements, l'un pour le chargement des waggons dans la station de départ, l'autre pour leur déchargement dans la station d'arrivée, préfèrent, pour les petits parcours, les routes ordinaires qui leur évitent cette double opération.
« C'est à cette circonstance qu'il faut attribuer l'importance que conservent les chaussées même parallèlement aux chemins de fer, importance qui, d'après les statistiques, est encore telle, que les routes les plus déshéritées conservent à côté des chemins de fer un parcours annuel équivalent à 30, 40 et jusqu'à 100 mille tonneaux de marchandises. Ce parcours se compose exclusivement de transports à petite distance ; il indique que pour ces transports, et en général pour toutes les relations locales, les routes ordinaires conservent la supériorité sur les chemins de fer ; il montre que le rôle spécial de ceux-ci doit être de s'occuper des transports à grande distance, et nous ramène ainsi au principe que nous ayons déjà énoncé.
« Nous allons y revenir encore par une autre voie.
« De ce que les dépenses de transport du chemin de fer n'augmentent pas en proportion de la distance, il doit résulter pour l'industrie des avantages particuliers et extrêmement remarquables, que nous tâcherons de faire connaître en peu de mots.
« Supposons un producteur qui veuille agrandir le marché de ses produits dans le but d'en augmenter la consommation, et par suite, (page 1416) d'en diminuer le prix de revient. Pour doubler, par exemple, son marché, il doit doubler le parcours de sa marchandise. Or, dans le système des anciens modes de transport, un parcours double exige une dépense exactement double ; par le chemin de fer, au contraire, l'augmentation de la dépense ne représente qu'une fraction de la dépense primitive. Le même avantage est donc obtenu au chemin de fer au prix d'un bien moindre sacrifice.
« Pour fixer les idées, supposons qu'ainsi que cela s'est passé au chemin de fer belge en 1844, le myriamètre parcouru par un tonneau de marchandises coûte 74 centimes, et qu'à ce prix la marchandise puisse se transporter à une distance moyenne de 7 1/4 myriamètres. cette limite prouve que le consommateur ne consent à payer la marchandise que 74 c. fois 7 1/4, soit 5 fr. 36 c. au-dessus du prix auquel le producteur peut la laisser sortir de chez lui, et l'on en peut conclure que, quels que soient les moyens de transport que celui-ci fera suivre à sa marchandise, il ne pourra par chacun d'eux la faire arriver que jusqu'au point où les frais de transport s'élèveront à 5 fr. 36 c.
« Cela posé, doublons la distance du transport et admettons que la marchandise parcoure 15 myriamètres. Si le transport s'effectue par le roulage ou par la navigation, la dépense deviendra évidemment de 74 c. fois 15, soit 11 fr. 10 c, c'est-à-dire qu'elle sera augmentée de 5 fr. 74 c. Le consommateur, pour qui la marchandise ne valait jusque-là que 5 fr. 56 c. en sus du prix de production, puisqu'il refusait d'en donner davantage, refusera encore de la payer plus cher, et c'est le producteur qui sera obligé de 'trouver dans l'accroissement de son marché les moyens de diminuer son prix de revient de toute l'augmentation de 5 fr. 71 c. qu'il subit dans les frais de transport. Or, il peut arriver que, malgré l'extension donnée à sa production, il ne lui soit pas possible de réaliser celle économie sur sa fabrication.
« Examinons à présent ce qui se passerait, si le producteur avait à sa disposition un chemin de fer pour effectuer ses transports. Dans son premier système, il atteignait à une distance de 7 1/4 myriamètres au moyen d'une dépense de 5 fr. 36 c. Le chemin de fer, ainsi que nous l'avons montré, plus haut, doit à l'influence de ses frais généraux, de ne pas voir augmenter ses dépenses en proportion des distances, de sorte que, si le transport à 7 1/4 myriamètres coûte 5 fr. 56 c, le transport à 15 myriamètres ne revient, comme nous l'avons vu précédemment, qu'à 7 fr. 61 c. Le producteur, dans ce cas, pour arrivera 15 myriamètres, n'aura à subir qu'une dépense de 7 fr. 61 c, c'est-à-dire que ses frais ne seront augmentés que de 2 fr. 25 c, au lieu de l'être de 5 fr. 71 c, comme dans le cas du transport par roulage ou par navigation.
« Or, si dans le premier cas une économie de 5 fr. 74 c. à effectuer sur les frais de production pouvait être hors de proportion avec l'avantage résultant d'une production double, il est évident que dans le second cas, où l'économie à obtenir n'est plus que de 2 fr. 23 c, la combinaison offre bien plus de chances de réussite.
« Cet exemple montre d'une manière palpable l'avantage particulier que les chemins de fer peuvent offrir aux transports. On peut l'énoncer d'une manière générale en disant que si, pour une certaine augmentation de dépense dans le transport de ses marchandises, le producteur double son marché en se servant du roulage ou de la navigation, il pourra, au moyen de la même augmentation de dépense, tripler ou quadrupler son marché par le chemin de fer.
« Cette conclusion est très remarquable, en ce qu'elle indique un rôle spécial, et l'on pourrait même ajouter bienfaisant, que les chemins de fer doivent remplir dans le transport des marchandises. Ce sont les expéditions à grande distance qu'ils doivent favoriser, ce sont les longs trajets qu'ils doivent encourager, non seulement pour le bénéfice qu'ils en retirent en augmentant leur circulation, mais encore pour les avantages nouveaux, et jusqu'ici inconnus, dont ils peuvent doter le commerce et la société tout entière.
« En favorisant les transports à grande distance, ce sont des relations nouvelles qu'ils créent, c'est une valeur qu'ils produisent pour des objets qui n'en acquièrent que par le déplacement ; c'est une sorte de nivellement qu'ils établissent dans les distances. Or, c'est surtout dans les nouveaux échanges de produits que les chemins de fer rendent possibles, qu'ils doivent, ainsi que nous l'avons montré tout à l'heure, chercher l'accroissement d'activité qui leur est nécessaire. La prospérité qu'ils en retireront ne sera pas fictive, comme celle qui résulterait d'un simple déplacement des transports existants. Chaque objet qu'ils mettront ainsi à la portée d'une classe de consommateurs qui jusqu'alors avaient dû s'en priver, constituera pour la généralité une valeur nouvelle, pour le commerce une branche à exploiter, pour leur propre administration enfin une augmentation de produits.
« Ce but a-t-il été atteint jusqu'ici ? C'est ce que pourra nous apprendre l'exemple du chemin de. fer belge en 1844.
« Le tableau n°51 montre que, sur 367,000 tonneaux de grosses marchandises transportées entre des stations tarifées, et dont on connaît par conséquent les parcours d'une manière exacte,
« 204,000 ont été transportés à moins de 3 myriamètres,
« 670,000 l'ont été entre 3 et 10 myriamètres,
« 56,000 l'ont été entre 10 et 15 myriamètres,
« 41,,000 l'ont été entre 15 et 20 myriamètres,
2,000 l'ont été à plus de 20 myriamètres.
« Quant aux transports provenant des stations intermédiaires non tarifées, on ne connaît pas en détail leur parcours, mais on sait qu'en moyenne la distance qu'ils ont tous parcourue sur le chemin de fer ne s'élève qu'a 5 myriamètres.
« Il existe entre les chiffres que nous venons de citer des disproportions assez grandes, qui ne sont pas en rapport avec ce que nous avons fait voir ci-dessus au sujet de la diminution relative de la dépense du transport, à mesure de l'augmentation de la distance. Il est infiniment probable que sur d'autres chemins de fer la disproportion est beaucoup plus grande encore, parce que le chemin de fer belge offre plusieurs encouragements aux longs transports dans ses tarifs. On peut donc dire que l'influence favorable, exercée par les chemins de fer sur les transports à grande distance, n'est pas aussi grande qu'elle pourrait l'être, et que les avantages nombreux que les consommateurs, que le commerce, que l'exploitation même pourraient retirer de cette influence sont trop négligés.
« C'est cette branche trop peu cultivée, et improductive faute de soins, qu'il faut s'attacher à rendre féconde. Les longs parcours pour toute espèce de marchandises, pour les chevaux, le bétail, les équipages ; les longs parcours, qui occasionnent peu de frais et rapportent beaucoup, voilà ceux que l'exploitation doit encourager par un abaissement de tarif, parce que ce sont les seuls pour lesquels les prix de transport puissent être avantageusement diminués, parce que ce sont les seuls qui puissent être attirés par les moyens que l'exploitation possède, parce qu'enfin ce sont les seuls qui puissent aider les chemins de fer à satisfaire à cette double nécessité de leur existence : augmenter les transports pour diminuer les dépenses ; créer des transports nouveaux pour remplir leur mission d'utilité publique.
« Or, ce but ne sera atteint que par l'adoption d'un tarif gradué, dont les prix, par myriamètre parcouru, diminueront à mesure qu'augmentera la distance du parcours. C'est donc dans ce tarif que doit se trouver le moyen le plus efficace d'augmenter la circulation des chemins de fer, en ce qui concerne les marchandises.
« Passons aux voyageurs.
« Pour les voyageurs, le principe de la diminution des prix en raison de la distance n'est pas applicable, par le motif que la dépense du parcours, surtout sur de longues distances, n'est pas la principale considération qui influe sur la détermination de celui qui se met en route. Nous avons déjà fait voir que la perte de temps constitue en réalité la plus grande dépense du voyageur. Nous avons vu que celui-ci est astreint en outre à une quantité de frais accessoires dont son déplacement est l'occasion, et qu'il résulte de là que la dépense proprement dite du parcours n'est plus, comme pour les marchandises, la considération prépondérante.
« Le principal avantage que le chemin de fer offre au voyageur, c'est la rapidité, c'est l'économie de temps. La première condition propre à attirer le voyageur, c'est donc d'organiser le service d'une manière bien régulière, de soigner la coïncidence des convois, de multiplier ceux-ci autant qu'on le peut, sans contrevenir à cette autre règle posée ci-dessus, qui exige que les convois soient aussi remplis que possible pour utiliser le travail des machines.
« Quant aux prix, nous ne pouvons donner d'autre règle générale, que de ne pas les fixer assez haut, pour que la dépense du parcours devienne la dépense principale du voyage dans les longs trajets.
« L'expérience a prouvé aussi qu'il convient de ne pas établir une trop grande différence entre les prix des diverses classes de voitures. Cette circonstance, qui offre aux voyageurs des classes supérieures l'appât d'une grande économie, en regard d'une gêne relativement légère, les engage souvent à déserter les voitures de première classe. Au contraire, en rapprochant les prix des différentes classes, la répartition des voyageurs dans ces différentes classes devient plus uniforme, les recettes augmentent, et le matériel peut être mieux utilisé.
« En nous résumant, nous trouvons que le meilleur moyen t'utiliser la roule, consiste : pour les voyageurs, dans une grande régularité du service ; dans une marche rapide, mais sûre, des convois ; dans l'établissement (page 1415) de relations nombreuses et fréquentes ; enfin dans des tarifs modérés, où la séparation des classes ne soit pas trop tranchée ; pour les marchandises, dans des encouragements accordés à tous les objets pour lesquels la célérité et l'exactitude des envois sont précieuses ; dans l’adoption d'un tarif modéré dont la base soit décroissante en raison de l'augmentation des distances. »
Un mot pour finir.
De la loi des transports de chemin de fer formulée par M. Alphonse Belpaire, il résulte, comme M. le ministre des travaux publics l'a déjà fait remarquer, que, pour les voyageurs, le principal intérêt n'est pas le bas prix des transports, mais la rapidité et la facilité des communications. Or, qu'est-il arrivé lorsqu'on a abaissé les prix pour les longues distances ? On a bientôt constaté que les recettes du chemin de fer diminuaient, et l'on a trouvé une compensation là où il ne fallait pas la chercher d'après la loi formulée, dans la suppression de convois. Eh bien, je crois que si le gouvernement veut réellement revenir au véritable régime économique des chemins de fer, il augmentera les prix pour les longues distances et en même temps le nombre des convois, c'est-à-dire les facilités de départ et de retour. C'est le seul moyen de rendre service aux voyageurs sérieux. Le système actuel favorise surtout les touristes, pour qui le temps a moins de valeur que l'argent.
(page 1437) M. Le Hardy de Beaulieu. - Messieurs, je réclame encore un instant votre attention.
Je ne puis laisser passer sans la combattre la théorie émise d'abord par l'honorable M. Moncheur, inspiré, sans doute, par l'administration, et soutenue ensuite par l'honorable M. Jamar, à savoir que les chemins de fer doivent être assimilés aux routes et aux canaux et que, par conséquent la dette que le pays a contractée pour les construire doit rester une dette permanente qui ne doit jamais être amortie. D'abord, en fait, les routes et les canaux ont été amortis et quelques-uns même plusieurs fois. Je parle des routes et des canaux anciens. Le canal de Charleroi a été payé plusieurs fois par le commerce et l'industrie. Le canal de Mons à Condé et tous les canaux construits à la même époque ont été plusieurs fois amortis.
Les routes anciennes, dans le Brabant et dans les provinces industrielles du pays, rapportaient largement, par les barrières, jusque dans ces derniers temps, l'intérêt et l'amortissement de leur coût, surtout lorsqu'on y ajoute le produit des plantations.
Le fait avancé par les honorables membres n'est donc pas exact. Nos prédécesseurs ont toujours admis que les travaux publics devaient se payer par leurs produits ; c'est depuis quelques années seulement que le communisme administratif a fait pénétrer d'autres et funestes idées dans l'esprit public.
Mais les routes n'eussent-elles pas été amorties, encore ne pourrait-on comparer les chemins de fer à ces voies de communication.
Les routes, une fois construites, ne demandent qu'un peu d'entretien et de réparation ; il est même des routes où, ainsi que je l'ai constaté l'autre jour, on n'a pas changé les pavés depuis un siècle ou davantage.
Pour les canaux, il suffit d'entretenir les portes d'écluse et les chemins de halage. Si l'alimentation ne doit pas se faire au moyen de la force mécanique, l'entretien des routes et des canaux coûte donc très peu.
Tout leur revenu brut servait à en amortir le coût.
Mais il n'en est pas de même des chemins de fer : à l'exception des terrains où ils sont établis et des gros terrassements, les chemins de fer s'usent par le fait même de leur existence et ils doivent être fréquemment renouvelés.
Ainsi, le matériel de transport qui, pour les lignes exploitées par l'Etat, emporte un capital de 57 millions se détruit très rapidement ; on ne peut pas lui donner une existence de plus de douze ans, en moyenne ; il faut donc pourvoir, pour cette partie du capital employée, aux chemins de fer à un amortissement de 4 à 5 p. c. en sus de l'intérêt du capital, c'est-à-dire de 9 1/2 p. c. à 10 1/2 p. c. en tout.
Il en est de même des rails, des billes et du ballast, qui ont une durée moyenne de quatorze à quinze ans et qui doivent, par conséquent, être amortis dans le même espace de temps.
Quant aux travaux d'art, il peut arriver qu'on doive les démolir avant qu'ils ne soient usés et on a vu, dans ces derniers temps, des travaux d'art destinés à durer des siècles détruits en quelques heures par la précipitation irréfléchie de ceux qui sont chargés de la défense du pays. Donc pour ne pas peser éternellement sur le contribuable, il faut que tout cela soit amorti dans un délai qui est indiqué par la nature même des choses, c'est-à-dire de soixante à nonante ans. Les sociétés amortissent leur dette et doivent l'amortir pendant la durée de leur concession ; l'Etat n'est pas exactement placé dans une position identique ; mais il a des obligations positives et strictes envers les contribuables ; il doit donc amortir la partie du capital qui s'use, dans le délai même de l'usure.
Ceci, messieurs, démontre l'exactitude de ce que j'ai soutenu, que les finances du chemin de fer doivent être complètement séparées de celles de l'Etat et que les mêmes règles ne doivent pas être suivies pour ces deux branches de notre dette nationale ; il faut donc établir, pour les chemins de fer, des règles spéciales et créer pour leur dette envers le trésor et les contribuables un service spécial d'amortissement analogue à celui adopté par les entreprises privées de travaux publics.
(page 1415) M. Descamps. - - M. le ministre des travaux publics croit que le principe de la taxe différentielle n'est point applicable au transport des voyageurs, et il étaye son opinion sur celle,d'un homme qui fut éminemment compétent en ces matières, - je suis le premier à le reconnaître, - d'un ingénieur au talent et à la science duquel, comme M. Delaet l'a fait tout à l'heure, je rendais hommage ici même, il y a quelques jours, et qui nous a légué un livre extrêmement remarquable, remarquable surtout eu égard à l'époque où il a été conçu et écrit.
Mais, messieurs, l'opinion de M. Alphonse Belpaire exclut-elle les principes exposés par mon honorable ami, M. Sainctelette, dans la séance de samedi ? Pas letmoins du monde, et si M. le ministre des travaux publics s'est donné la lâche d'étudier dans toutes ses parties le livre de M. Belpaire, s'il ne s'est pas contenté de s'en tenir au seul extrait isolé dont il nous a donné tout à l'heure lecture et qui semble donner raison à la théorie qu'il a indiquée, il reconnaîtra que l'auteur de ce livre est parfaitement d'accord avec l'honorable député de Mons, quant à l'assimilation, si je puis m'exprimer ainsi, du voyageur à la marchandise, dès qu'il s'agit de calculer le prix de revient du transport de l'un et de l'autre, selon les distances, parcourues.
Seulement, messieurs, il y a cette remarque à faire : c'est que, au moment où M. Belpaire écrivait son livre, il y a 24 ou 25 ans déjà, les transports à grandes distances des marchandises n'avaient pas pris un développement bien considérable.
« Les chemins de fer, disait M. Belpaire, n'ont pas développé jusqu'ici dans une proportion notable les transports à grandes distances, du moins en ce qui concerne les grosses marchandises. » Et plus loin :
« Les chemins de fer ont pris une position mixte entre le roulage, dont les prix étaient plus élevés, et la navigation, dont les prix sont plus bas ; et en résumé ils n'ont encore servi qu'un petit nombre des intérêts nouveaux pour lesquels ils étaient spécialement créés. Ils ont copié les voies rivales au lieu de se placer en dehors d'elles, en ne prenant exemple que sur eux-mêmes. Ils n'ont pas assez compris que leur rôle ne consistait pas à continuer ce que les anciennes voies avaient fait avant eux, mais bien à commencer des choses nouvelles que celles-ci n'avaient pas su faire jusqu'alors. Ils ont voulu appliquer les moyens anciens à un but nouveau ; qu'y a-t-il d'étonnant si les résultats sont demeurés les mêmes que par le passé ?
« Sous ce rapport, les voyageurs ont été traités d'une manière toute différente. A ceux-ci, les chemins de fer ont réellement procuré une utilité nouvelle, inconnue, nous dirons même hors de prix. Aussi, la révolution que le nouveau mode de transport a causée dans la circulation des hommes, a-t-elle été immense. »
Quel était le but que se proposait M. Belpaire ? C'était de provoquer pour le mouvement des marchandises les mêmes progressions qui avaient marqué le transport des voyageurs.
Niait-il que le principe qu'il cherchait à faire prévaloir pour les marchandises fût applicable aux voyageurs ? Niait-il que l'une des conditions principales d'une bonne exploitation fût de faire parcourir aux voyageurs embarqués le plus long trajet possible ? Nullement ; il reconnaissait, au contraire, d'une manière explicite que le principe que je viens d'énoncer était applicable an transport notamment des voyageurs de 2ème et de 3ème classe, ceux surtout en faveur desquels l'honorable M. Sainctelette a réclamé.
Nous lisons en effet encore dans l'ouvrage cité par M. le ministre :
« Si l'on prend pour point de départ une exploitation moyenne, et que l'on veuille connaître séparément l'économie que produirait une manière plus complète d'utiliser les différents moyens d'exploitation, on trouve :
« Que si l'on utilise deux fois mieux le travail d'embarquement, on obtiendra une économie :
« De 3 p. c. sur les voyageurs de première classe ;
« De 8 p. c. sur les voyageurs de troisième classe ;
« De 13 p. c. sur les grosses marchandises. »
M. Belpaire examine encore l'économie qui résultera d'une meilleure utilisation de la route, des machines et des voitures, puis il ajoute :
« On peut tirer de là d'importants principes d'exploitation.
« La troisième condition d'une bonne exploitation est d'utiliser complètement le travail d'embarquement, c'est-à-dire de faire parcourir aux charges embarquées le plus long trajet possible ; cette condition cependant est peu importante pour les voyageurs de première classe. »
Pour les voyageurs de la troisième classe, il évaluait que l'économie à faire sur le travail d'embarquement se rapprochait de celle qu'il y avait à opérer pour les grosses marchandises.
La pensée de M. Belpaire, ai-je dit, avait été de provoquer, en faveur des marchandises, un mouvement analogue à celui qui s'était manifesté d'une manière si large pour les voyageurs dans les premières années de l'établissement des chemins de fer.
Dans ce but, il croyait qu'on devait réserver tous les moyens d'attraction pour les marchandises, appliquer la tarification différentielle à cette branche du trafic et maintenir pour les voyageurs le statu quo, c'est-à-dire le tarif proportionnel, regardé par lui comme suffisamment avantageux quand il le comparait aux prix de parcours par les anciens modes de locomotion.
Aujourd'hui, messieurs, les choses ont changé de face ; le mouvement des marchandises a progressé depuis 1846 dans une proportion bien plus grande que celui des voyageurs.
Je viens de résumer dans un petit tableau le mouvement comparatif des marchandises et des voyageurs à ces deux époques significatives : en 1846, au moment où M. Alph. Belpaire écrivait son ouvrage, et en 1865, c'est-à-dire quelque temps avant l'inauguration du nouveau tarif des voyageurs.
Voici ce tableau :
Années 1846
Mouvement des marchandises : 778,008 tonnes
Mouvement des voyageurs : 3,700,111.
Années 1865
Mouvement des marchandises : 76,006,195 tonnes
Mouvement des voyageurs : 10,677,963
Ces chiffres nous apprennent que si le mouvement des marchandises ne s'élevait, en 1846, qu'à 12.95 p. c. de celui qui se manifesta plus tard en 1865, le mouvement des voyageurs était alors de 34.65 p. c. de celui qui se produisit à la deuxième époque.
Enfin, la recette des marchandises, qui n'était, en 1846, que de 5,669,874 fr., alors que la recette des voyageurs était de 6,962,219 fr., s'éleva, en 1865, à 21,195,690 fr. contre une recette de 14,589,836 fr. pour voyageurs.
Les rôles sont donc changés depuis 1846, et les marchandises fournissent aujourd'hui l'élément très prédominant du mouvement sur le railway.
N'y a t-il pas lieu, dans cette occurrence, de maintenir l'attraction des voyageurs créée par la réforme de 1866 ?
Celte réforme n'a-t-elle point répondu aux espérances de ses auteurs ? Pourrait-on soutenir encore raisonnablement aujourd'hui que le principe de la diminution des prix, en raison de la distance, n'est pas applicable au transport des voyageurs, sous le prétexte que le motif de la dépense du parcours n'est pas la principale considération qui influe sur la détermination de celui qui se met en route ?
Les résultats de l'expérimentation tentée depuis 1866 doivent singulièrement modifier cette opinion. En effet, l'augmentation du nombre des voyageurs de 1868 sur 1865, qui a été dans la première zone d'environ 19 p. c. pour la première classe, et de 16 p. c. pour chacune des deux autres classes, s'éleva, dans la troisième zone, à environ 47, 81 et 67 p. c. pour les trois classes respectivement.
A ce propos, je dirai que je ne comprends pas l'observation que nous faisait tout à l'heure M. le ministre des travaux publics, quand il prétendait que la réforme avait été aristocratique, c'est-à-dire qu'elle avait eu des (page 1416) résultats beaucoup plus avantageux pour la classe riche de la société que pour la classe ouvrière.
La classe moyenne et la classe ouvrière voyagent dans les voitures des deux dernières catégories, et l'on voit que la progression du nombre des voyageurs à longues distances a été, dans ces voitures, de 81 et de 67 p. c. alors que l'augmentation du nombre des voyageurs dans les voitures de première classe n'a été que de 47 p. c. Ces chiffres constituent un argument brutal qui met à néant les appréciations de M. le ministre des travaux publics sur la réforme de 1866,
Ces chiffres répondent encore victorieusement à toutes les hypothèses peu avantageuses à l'adoption du barème différentiel pour le transport des voyageurs.
Je n'entrerai point aujourd'hui, messieurs, dans d'autres détails sur les résultats obtenus de la réforme de 1866 ; j'avais seulement à démontrer que la tarification différentielle peut et doit être aujourd'hui appliquée au transport des voyageurs, et que les principes mathématiquement démontrés par M. Belpaire viennent, quoi qu'en pense M. le ministre, à l'appui de l'opinion que j'ai eu l'honneur de vous exposer.
(page 1419) M. Rogier. - Mon intention, messieurs, n'est pas d'entrer dans la discussion de chiffres, très intéressante d'ailleurs, qui s'est produite à propos des tarifs, du prix de revient et des frais d'exploitation du chemin de fer.
Un thème auquel je ne puis me rallier en aucune façon, c'est celui qui représente le chemin de fer comme une machine à battre monnaie. Il faut, avant tout, dans ce système, par n'importe quels moyens, que le chemin de fer produise au trésor beaucoup d'argent et couvre par ses recettes, non seulement les frais d'entretien et d'exploitation, niais les intérêts et l'amortissement du capital dépensé pour sa construction.
Ainsi, dit-on, l'a voulu la loi de 1834 ; la loi de 1834 aurait formellement ordonné que les péages sur le chemin de fer eussent à couvrir toutes ces dépenses.
Messieurs, cette discussion a déjà beaucoup duré ; si je remonte, avec un honorable préopinant, à la création du chemin de fer, ce n'est pas que j'aie la fatuité de faire de cette question une affaire personnelle. Mais je dois protester quand on attribue à la loi de 1834 cette idée saugrenue d'avoir décrété une recette obligatoire, suffisante pour couvrir les intérêts et l'amortissement des capitaux engagés, ainsi que les dépenses d'entretien et d'exploitation.
La loi de 1834, messieurs, a simplement dit, en son article 5, que le produit des péages des chemins de fer servirait à payer les dépenses dont il s'agit. Rien de plus. Et, messieurs, pouvait-elle en dire davantage ? Est-ce que, par hasard, s'il avait plu au législateur de 1834 de décréter que le chemin de fer avait à produire 20 ou 40 millions de bénéfice net par an, eût-il fallu, ce beau principe décrété, réaliser n'importe comment ce bénéfice que la loi aurait ordonné ?
Après cela, messieurs, je me hâte de déclarer qu'en fait, le chemin de fer remplit parfaitement et beaucoup au delà les obligations que la loi de 1834 lui aurait imposées.
Non seulement il couvre parfaitement toutes ses dépenses de fondation et d'exploitation, mais il laissé encore un bel excédant au trésor. Je parle de ses produits directs. Que dirai-je des bénéfices indirects que le pays tout entier retire du chemin de fer ? C'est par millions que se chiffrent ces bénéfices, pour ne parler que des bienfaits matériels que le chemin de fer répand chaque jour dans le pays. Est-ce que chacun des milliers de voyageurs que le chemin de fer transporte chaque jour ne fait pas un bénéfice considérable sur la dépense qu'il aurait à supporter par toute autre voie ?
La même économie se produit pour le transport des matières premières et des marchandises. Producteurs et consommateurs profitent des réductions de frais de transport. Pour apprécier au vrai la valeur productive du chemin de fer, il faut tenir compte, en dehors des recettes directes, de tous ces éléments d'économie dont chaque citoyen profite personnellement. Qui dira dans quelle proportion la fortune publique et les fortunes privées se sont accrues et doivent encore s'accroître par la seule action du chemin de fer ?
Donc je soutiens, et je suis sans doute d'accord ici avec M. le ministre des travaux publics, je soutiens que le chemin de fer remplit parfaitement l'obligation que la loi de 1834 lui aurait prétendument imposée. D'après le dernier compte rendu, il produit encore un revenu net de 6 p. c. Ce résultat serait-il, par hasard, jugé insignifiant ou insuffisant ?
Ajoutez à cela les avantages multiples et divers que ce magnifique réseau national répand sur le pays entier ; et dans cette situation, quand je vois qu'on vient le discuter ici d'une manière mesquine, le débattre par les (page 1420) petits côtés, le critiquer même dans son origine, j'avoue que je ne puis, pas entièrement garder mon sang-froid.
M. le ministre des travaux publics, prenant une position habile, nous dit : « Nous voulons revenir sur la réforme de 1866, réforme qui n'a pas profité au peuple, qui n'a favorisé que les classes aristocratiques ; nous, nous voulons favoriser le peuple. »
Quoi donc ! la réforme aristocratique dont on accuse les prédécesseurs de MM. les ministres démocrates actuels, n'était pas conçue dans l'intérêt des autres classes ? La réduction des tarifs a porté sur les longs parcours. Or, ces longs parcours, avant la réforme de 1866, étaient interdits ou difficilement accessibles aux classes populaires ou peu aisées.
Aujourd'hui ils leur sont possibles. Et la preuve qu'il en est ainsi, nous la trouvons dans les résultats que la réforme a produits.
En effet, les zones de parcours auxquelles la réduction des tarifs a été appliquée ont eu, en une seule année, un accroissement de. 500,000 voyageurs, auxquels on serait en droit de dire que ce parcours était interdit.
On vient de dire que le prix du parcours ne fait rien pour le voyageur ; que le voyageur n'en voyagera pas moins, qu'il paye un peu plus on un peu moins.
Cet argument mérite-t-il une réfutation ? Le prix du parcours fait le voyageur. Abaissez vos prix, vous augmenterez vos clients. La vérité n'est pas neuve.
Puisqu'on a parlé de colis-voyageurs opposés aux colis-marchandises, plaçons la question sur ce terrain-là. Eh bien, si l'on compare ces deux catégories de colis, on peut soutenir qu'on transporte les voyageurs à un tarif unitaire, si l'on compare le prix du transport des voyageurs au prix du transport des marchandises.
Or, M. le ministre des travaux publics déclare qu'il ne se propose pas de relever le tarif des marchandises ; mais il relèvera le tarif des voyageurs qui parcourent au delà de 7 lieues.
Quel est le tarif respectif de l'une et l'autre catégorie de colis ?
Pour les marchandises, le tarif est en moyenne de 4 centimes par kilomètre et par tonne de 1,000 kilogrammes. Pour un seul voyageur, le tarif minimum est aussi de 4 centimes pour le même parcours ; ce qui est un prix dix fois supérieur, en attribuant à chaque voyageur le poids respectable de 100 kilogrammes.
Est-ce que le transport de 1,000 kilogrammes de matières coûte dix fois plus que le transport de 1,000 kilogrammes de voyageurs ? (Interruption.)
Messieurs, vis-à-vis des frais d'établissement, d'entretien et de traction, tous les poids à transporter sont égaux. Tout en tenant compte des différences dans la valeur des voitures de transport, on peut soutenir sans paradoxe que 1,000 kilogrammes de matières premières ne coûtent pas dix fois moins à transporter qu'un transport de voyageurs d'un poids équivalent, et encore je prends pour ces derniers le tarif le plus bas, soit 4 centimes par kilomètre et par train ordinaire, troisième classe.
Si je m'élève à la classe aristocratique, puisque aristocratie il y a, c'est huit centimes par kilomètre et par voyageur que l'on exige, c'est-à-dire autant pour un seul voyageur que pour deux tonnes de matières premières. Eh bien, messieurs, de deux choses l'une : ou bien le chemin de fer perd considérablement au transport des marchandises, ou bien, me semble-t-il, il fait des bénéfices usuraires sur le transport des voyageurs. (Interruption.)
Je sais que la comparaison peut, à première vue, paraître singulière. Je la livre à la discussion. Ce n'est qu'en passant que je me permets de développer une thèse que je n'ai encore entendu exposer nulle part.
Pourquoi traite-t-on d'une manière usuraire le colis-voyageur comparativement au colis-marchandise ? Le colis intelligent se meut, se place, se déplace sans le secours d'aucun employé, sans aucun embarras pour l'administration, que la délivrance d'un billet. Le colis-matières exige des ouvriers pour le transporter, le charger, le décharger, des manœuvres, des écritures très coûteuses au départ et à l'arrivée.
Il y a une énorme différence entre le tarif des marchandises et le tarif imposé aux voyageurs.
Je ne dis pas que le prix du transport des marchandises est trop modéré ; je voudrais même le voir abaisser encore pour certaines matières, et sans demander égalité de tarif pour les personnes et pour les choses, je soutiens que le tarif imposé aux voyageurs est de beaucoup supérieur aux dépenses qu'ils occasionnent. Et lorsque je vois un nouveau ministre, au bout de six mois d'exercice, déclarer sans plus d'expérience, sans plus d’études, qu'il veut revenir sur une réforme, non pas aristocratique, mais libérale, j'en viens à regretter qu'une disposition de la loi de 1834 ne soit plus en vigueur. La loi de 1834 dit, en termes formels, que chaque année les péages devront être réglés par le pouvoir législatif. Et cependant on ne supposait pas alors l'immense développement des transports et l'énorme produit des péages. Ceux qui ont proposé et voté le chemin de fer se livraient à cette époque à des prévisions ridicules par leur modicité, par leur timidité ; personne n'aurait osé prédire ce que deviendrait ce grand instrument de prospérité, de richesse et de force nationales.
On ne savait pas quelle serait l'importance du chemin de fer au point de vue de la recette. Mais on n'en prescrivit pas moins que les tarifs seraient réglés chaque année par la législature.
En 1835, l'honorable M. de Theux, qui était devenu ministre, proposa une loi pour remettre au gouvernement la faculté de régler pour un an les tarifs. L'expérience était à peine commencée. Le chemin de fer de Malines à Bruxelles venait d'être ouvert. On ne savait pas encore à quels tarifs on s'arrêterait et le gouvernement fut autorisé à les régler provisoirement.
Après plusieurs tâtonnements législatifs, nous en sommes revenus au système de la loi de 1835.
Et voilà comment M. le ministre est investi de la faculté de modifier les tarifs sans l'intervention de la législature.
Ce n'est pas un grief personnel que j'impute à M. le ministre ; il ne fait que suivre l'exemple de ses prédécesseurs ; mais avec les dispositions que montre M. le ministre, je regrette presque que la disposition de la loi de 1834 ait disparu, et si quelqu'un proposait de la rétablir, en présence des dispositions de M. le ministre des travaux publics, et probablement de ses collègues, je n'hésiterais pas à voter le rétablissement de cette disposition. Le législateur de 1834, sous ce rapport, avait fait preuve de prévoyance.
Que la Chambre me permette maintenant de répondre un mol à l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
Cet honorable membre a blâmé le gouvernement d'avoir choisi d'abord, comme point central des chemins de fer, la ville de Malines.
La ville de Malines n'a pas été choisie comme point central par prédilection. Elle s'est rencontrée comme point nécessaire, comme point inévitable. Il s'agissait de construire un chemin allant de Bruxelles à Anvers, un chemin reliant Liège à Anvers et à Ostende. Le chemin de fer d'Anvers à Bruxelles passait nécessairement par Malines. Le chemin de fer d'Anvers vers Liège passant par Malines, se continuait par la voie la plus courte vers Liège d'une part, vers Ostende d'autre part. Voilà comment Malines devint le centre des chemins de fer.
La route d'Anvers à Bruxelles et à Ostende par Malines ne rencontrait pour ainsi dire aucun accident de terrain. Le bon marché seul aurait décidé à faire ce qui a été fait au début.
Mais depuis lors, par la force des choses, Bruxelles est devenu un second centre des chemins de fer. Et ici je dois défendre l'ingénieur distingué auquel j'ai fait dernièrement allusion dans une interruption. On a voulu faire de Bruxelles le centre des chemins de fer. Mais d'après un système qu'il a énergiquement combattu, on a trouvé bien de planter Bruxelles au beau milieu de cet immense fleuve national qui devait tout traverser sans rencontrer ni barrières ni entraves.
On a dit aux voyageurs qui d'abord débarquaient à l'Allée-Verte : Vous aurez une nouvelle station, celle du Nord et vous n'irez pas plus loin. Bruxelles occupera le lit de ce fleuve que vous voulez suivre, vous irez le retrouver à l'autre extrémité de la ville.
Voilà une faute qui a été commise et l'ingénieur à qui on reproche d'avoir indiqué Malines comme point central, a fait, je le répète, une grande opposition à cette étrange combinaison.
Je ne veux pas remonter aux circonstances qui ont pu, sur ce point, modifier profondément la situation du chemin de fer. Mais voilà une faute véritable : celle qui a consisté à arrêter le chemin de fer à Bruxelles, au milieu de son cours et en créant ainsi un obstacle à la continuation directe des transports.
Je sais qu'à cette époque il se rencontrait des esprits qui vantaient les bienfaits des chemins de fer à halte forcée. On disait : Il faut encore que les voyageurs mènent pied à terre, qu'ils aillent au cabaret, à l'hôtel, cela fait du bien au petit négoce. C'était ce qu'on appelait le système du rehaussement, qui a été récemment encore préconisé dans cette enceinte.
M. Dumortier. - Et qui a bien changé depuis vous.
M. Rogier. - Vous n'étiez pas un fanatique partisan du chemin de fer ; je ne veux pas vous ranger toutefois parmi ceux qui attaquaient le chemin de fer en se plaçant au point de vue aristocratique ; mais il ne manquait pas d'opposants qui se disaient : Comment ! nous faisions en chaise de poste nos trois lieues à l'heure, ce qui était très bien, et voilà que le dernier des manants en fera plus du double dans le même temps et voyagera désormais aussi rapidement que nous ! Nous allons être envahis par la démocratie !
(page 1421) Le chemin de fer a commis le crime que voici : Beaucoup de braves gens qui ne pouvaient, faute d'argent ou de temps, se permettre de voyager, le peuvent aujourd'hui et aussi rapidement que tous leurs compagnons de route. C'est de l'égalité ; de la bonne !
Le généreux et puissant coursier qu'on appelle locomotive ne s'inquiète pas de ce qu'il traîne après lui. Il dépense libéralement ses forces pour tout le monde.
Est-ce un mal ?
J'ai connu et estimé particulièrement un excellent homme, qui n'est plus et qui ne voulait pas des bas tarifs des chemins par la raison que voici : il n'aimait pas le déplacement des populations ; il disait : Le paysan est fait pour rester dans son village, l'ouvrier est fait pour rester dans sa ville ; il croyait que ce grand mouvement répandait des idées nouvelles, des germes d'ambition ou de corruption.
Voilà quelle était son opinion, qui était nettement contraire à l'abaissement des tarifs. Je l'ai vu très irrité lorsque j'apportais en 1840 une réforme qui permettait à ceux qui étaient privés de cet avantage, d'user du waggon, de profiter du chemin de fer.
Il n'était pas content de moi et, soit dit en passant, il ne serait pas content non plus de l'honorable M. Wasseige avec lequel, politiquement, il aurait été d'accord ; l'honorable M. Wasseige veut, il le dit, faire de la démocratie, en ce qui concerne le chemin de fer ; quant à l'aristocratie, elle voyagera, elle ne voyagera pas, cela lui est égal, mais elle payera, cela suffit.
Qu'est-ce que c'est donc que l'aristocratie ? Ce sont, vis-à-vis du chemin de fer, les gens riches.
En Belgique, il ne faut pas croire qu'il y ait beaucoup de voyageurs aristocrates auxquels 12 ou 15 francs d'économie par voyage soient une chose indifférente. Pour ceux qui voyagent en famille, et c'est un hommage qu'il faut rendre à la Belgique, qu'on y voyage volontiers en famille, eh bien, pour une famille aisée, une économie de 20, 30 ou 40 francs n'est pas à dédaigner et la perspective d'une économie de 20 ou 40 francs, soit 10 ou 20 francs pour l'aller et 10 ou 20 francs pour le retour est un puissant encouragement à voyager.
On a cité un accroissement de 500, 000 voyageurs dans les deux zones pour lesquelles le tarif a été réduit.
Ce chiffre est-il exact ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Je le conteste.
M. Rogier. - Je l'emprunte au discours de l'honorable M. Jamar et au rapport officiel.
M. Jamar. - Je demande à M. Wasseige s'il conteste l'exactitude des chiffres du rapport ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - On peut faire dire aux chiffres tout ce que l'on veut.
M. de Rossius. - Ce sont là toutes vos raisons ?
M. Rogier. - Pourquoi l'honorable M. Wasseige invoque-t-il les chiffres s'ils ne signifient rien ?
Je prends donc, jusqu'à preuve contraire, les chiffres du rapport et des hommes autorisés.
Dire d'ailleurs que la réduction du prix de transport augmente le nombre des voyageurs, c'est dire une vérité à la façon de La Palisse.
Si l'honorable ministre des travaux publics en vient à augmenter les tarifs dans les deux zones où la réduction opère, il frappera un grand nombre de voyageurs des deuxième et troisième classes qui usent aujourd'hui de la réforme.
Il est possible cependant que, malgré l'augmentation des prix, il y ait un accroissement de recettes, car, quoi qu'on fasse, le chemin de fer marche toujours. On a beau chercher à l'amoindrir, c'est une force irrésistible à laquelle aucun petit moyen ne pourra jamais s'opposer efficacement.
II est donc possible que M. le ministre vienne nous dire, dans un an, s'il a le malheur de faire la contre-réforme qu'il médite : Vous voyez qu'elle n'a fait diminuer ni le nombre des voyageurs ni le chiffre de la recette.
C'est tout, naturel. Le mouvement ira toujours croissant, à moins que l'on n'arrive à des tarifs exorbitants, extravagants.
M. Julliot. - Les prix sont plus bas chez nous qu'ailleurs.
M. Rogier. - Tant mieux ; le chemin de fer rend-il plus de services ici qu'ailleurs ? Voilà la question.
Mais qu'appelez-vous « ailleurs » ? Savez-vous ce qui se passe, par exemple, en Amérique ? Là, il y a eu des progrès à toutes les époques et sous tous les rapports, et nous aurions, au point de vue des chemins de fer, des progrès à leur emprunter.
Quoi qu'il en soit, il est une vérité incontestable, c'est que le chemin de fer entre les mains de l'Etat doit être exploité dans des conditions tout autres qu'un chemin de fer entre les mains d'une compagnie privée.
On nous dit dans cette Chambre : Regardez les sociétés, elles n'agissent pas comme vous. Qu'est-ce que cela fait ? Il y a beaucoup de choses que font les sociétés particulières et que je ne voudrais pas faire, surtout si j'étais gouvernement.
Les sociétés civiles ont un but unique en vue : gagner de l'argent ; battre monnaie. Elles ont entre les mains un instrument qui, pour elles, n'a rien de mieux à faire. Peu leur importe le reste.
Elles rendraient au pays dix fois moins de services en gagnant 10 millions qu'en gagnant 9 millions, elles préféreront le système des 10 millions.
Leur but essentiel est de gagner de l'argent et de faire des distributions de dividendes aux actionnaires ou obligataires, quand il y a lieu, ce qui n'arrive pas toujours.
Je ne blâme pas les sociétés civiles. Elles n'ont pas la charge des intérêts généraux ; elles ne sont pas obligées d'agir comme doit le faire l'Etat, c'est-à-dire le gouvernement représentatif de la société tout entière.
C'est justement parce que le chemin de fer est dans les mains de l'Etat qu'il doit tenir compte à la fois des ressources directes et indirectes que les chemins de fer procurent au pays. Et quand on viendra me dire qu'il doit se régler sur les sociétés particulières, je répondrai que ce serait le plus mauvais exemple qu'il pourrait suivre.
J'admets parfaitement que les citoyens s'associent et associent honnêtement leurs capitaux pour une concession de chemin de fer qui doit leur rapporter des bénéfices ; cela est légitime ; mais je blâme le système qui malheureusement a été suivi en matière de concessions de chemins de fer. Le principe de la loi de 1834 était : l'exécution des chemins de fer par l'Etat, les chemins de fer entre les mains de l'Etat. J'ai admis, en même temps, qu'on accordât à des sociétés la concession de chemins de fer particuliers, locaux ou même provinciaux, aboutissant aux lignes nationales.
Jamais je n'ai approuvé des concessions de chemins de fer en concurrence directe avec les lignes de l'Etat ou des chemins de fer traversant le pays d'une frontière à l'autre. A une époque où ces demandes de concessions sont venues assaillir la Chambre, je les ai combattues énergiquement et j'en ai démontré les graves inconvénients.
Ces inconvénients, on a pu les apprécier par la suite, à tel point que le gouvernement s'est vu obligé à racheter à un prix élevé, selon moi, plus de 600 kilomètres de chemins de fer concédés.
Et M. Wasseige vient vous dire : Il faut faire une réforme en rehaussant les tarifs ; cela pourra adoucir les aspérités que nous sommes appelés à rencontrer dans les sociétés anonymes encore debout quand il s'agira de racheter leurs lignes ; il faut ménager les sociétés anonymes. Nous pouvons avoir besoin d'elles.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - J'ai dit qu'il fallait ménager les populations qui n'ont que des chemins de fer concédés.
M. Rogier. - Vous avez dit qu'il fallait augmenter le tarif, afin de faciliter vos projets de négociation avec les sociétés.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - En faveur des populations qui n'avaient que des chemins de fer concédés.
M. Rogier. - Je trouve que le gouvernement doit agir dans toute sa liberté, avoir pour seul but l'intérêt général et laisser chacun à sa place et dans le cercle de ses obligations.
Messieurs, on peut se laisser entraîner loin en cheminant sur le railway. On s'y plaît, et j'avoue que si je ne craignais de fatiguer la Chambre je dirais encore beaucoup de choses, car j'ai encore beaucoup de choses sur le cœur. Mais je ne veux pas prolonger plus longtemps cette discussion ; je dois seulement engager M. le ministre des travaux publics à ne pas brusquer sa réforme réactionnaire.
Le ministère dont il fait partie s'attribue à honneur déjà d'avoir fait une réforme politique ; il a créé des électeurs nouveaux et le discours au Sénat de l'honorable inspirateur ou défenseur de cette réforme se terminait par ces belles paroles :
« Notre Constitution n'a pas voulu que nous restions depuis 1830 cloués immobiles à nos bancs et à perpétuité.
« Elle a voulu que nous la fécondions, que nous retendions dans la mesure de ce que réclament les besoins des populations, la justice et l'intérêt du pays. »
Ce que l'honorable M. Malou a dit de la constitution politique du pays, je le dirai, à mon tour, du chemin de fer, qui a été comme la constitution matérielle de la Belgique : elle aussi veut être étendue et fécondée dans la (page 1422) mesure de ce que réclament les besoins des populations, la justice et l'intérêt du pays.
Voilà tout ce que l'honorable M. Malou voyait dans la réforme électorale.
Eh bien, je demande à MM. les ministres qui ont créé des électeurs nouveaux, de vouloir bien créer aussi de nouveaux voyageurs ; de ne pas étouffer les voyageurs, tout en créant des électeurs ; de ne pas augmenter les contributions tout en abaissant le cens électoral.
Appelez les voyageurs au chemin de fer ; ne craignez pas que les voyageurs y affluent. Songez au travail utile, au progrès moral et politique qu'exercent les relations faciles et fréquentes entre les citoyens.
Vous plaçant au point de vue des résultats purement matériels, du bas prix des transports pour les voyageurs, comptez les bénéfices que procure à une multitude d'industriels, de négociants et marchands de tout degré, la faculté de se rendre à prix réduits sur les divers marchés du pays.
Mais je n'insiste pas sur ce côté de la question, je veux la tenir à la hauteur de l'intérêt moral et politique. Bien qu'il y ait en Belgique beaucoup de Belges qui font usage du chemin de fer, il est certain qu'il y a encore un grand nombre de nos concitoyens qui ne connaissent pas la Belgique, qui n'ont jamais visité Anvers, Ostende, Gand, Liège ou Bruxelles.
On favorise, dit-on, les trains de plaisir, les trains spéciaux pour le transport de sociétés de toute espèce, et, en dernier lieu, pour les pèlerinages. Eh bien, je prierai M. le ministre de vouloir bien répondre à la question que voici : Les trains a prix réduits ont-ils, oui ou non, une source de bénéfice pour le trésor ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Quand ils sont organisés dans de bonnes conditions et avec opportunité, je crois qu'ils peuvent être une source de bénéfice.
M. Rogier. – Qu’entendez-vous par bien appliqués ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Quand ils provoquent un grand déplacement de voyageurs.
M. Rogier. - Nous envisageons ici la question au point de vue purement financier. Croyez-vous que le gouvernement perde à transporter les voyageurs à moitié prix ?
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Quand, cette réduction a pour effet d'augmenter considérablement le nombre des voyageurs et d'occuper toute, ou à peu près toute la place offerte, je crois que le chemin de fer ne fait pas une mauvaise affaire, mais j’ajoute que votre réforme n’a jamais eu ce résultat.
M. Rogier. - Ainsi, quand, l’abaissement des tarifs a pour effet d'augmenter suffisamment le nombre des voyageurs, il vous procure un bénéfice et vous faites une bonne affaire.
Eh bien, n'en faut-il pas conclure qu'en réduisant les tarifs vous attirerez un plus grand nombre de voyageurs, et que ce plus grand nombre de voyageurs compensera et au delà la réduction ?
Je n'aime pas cette expression ; « train de plaisir », mais enfin pourquoi les convois à prix réduits sont-ils presque toujours pleins de voyageurs ? Evidemment parce que les voyageurs peuvent voyager à meilleur compte.
Donc, en règle générale, réduisez vos prix et vous augmenterez vos recettes, parce que vous aurez des convois remplis non pas seulement de gens de plaisir, mais de gens d'affaires et de voyageurs qui se déplacent pour des relations d'affaires, des intérêts de famille, etc. etc.
i| y a, pour les classes moyennes et inférieures, une diversité de nécessités auxquelles il faut les aider. Elles aussi ont des relations de famille, d'affaires. Quand elles peuvent se visiter, ces relations se fortifient et s'étendent. Des correspondance s'ensuivent.
Il se fait, entre toutes les contrées du pays, un travail de fusion, un travail que j'appellerai de « nationalisation ». Les diverses provinces et communes se mettent en rapport ; elles apprennent à se connaître et à s'attacher l'une à l'autre.
A ce point de vue, c'est une grande école d'éducation et de patriotisme que le chemin de fer.
Donc, loin d'être favorable à un relèvement de tarif quelconque, j’estime qu’il y a lieu de maintenir et d'étendre encore le système actuel.
Que M. le ministre de travaux publics veuille diminuer le tarif pour les petites distances, je ne m’y oppose pas.
C'est un principe déposé dans la réforme de 1866 ; qu'il applique ce principe et j'y applaudirai des deux mains.
Mais je supplie le ministre de ne pas introduire en même temps une « anti-réforme » en renforçant les taxes dans les zones supérieures à huit et seize lieues.
Qu'il y réfléchisse bien avant de se lancer dans cette voie.
Rien ne presse. M. le ministre des travaux publics, après un exercice de six mois seulement, sera parfaitement excusable de ne pas modifier un système qu'il trouve établi, qui n'a pas été établi à la légère, qui a été longtemps médité et étudié, qui a produit déjà de bons résultats, et si j'étais son ami politique, je l'engagerais vivement à ne toucher à la réforme de 1866 que pour la rendre plus libérale encore.
(page 1416) M. le président. - La liste des orateurs qui s'étaient fait inscrire pour parler sur l'administration du chemin de fer de l'Etat étant épuisée, nous passons à celle des orateurs qui se proposent de traiter des questions de détail, La parole est à M. Hagemans.
M. Hagemans. - Messieurs, mon honorable collègue, M. Puissant, vous a dit, dans la séance du 25 mai, l'intolérable situation où, par suite d'un isolement exceptionnel, se trouve le canton de Beaumont, qui réclame en vain depuis tant d'années la construction de son chemin de fer, toujours promis, toujours retardé.
Il vous a dit le profond mécontentement qu'avait de nouveau produit, parmi nos populations, l'arrêté du 30 novembre dernier, qui supprimait la section de Bonne-Espérance à Beaumont.
Espérons que cette ligne nous sera rendue, lorsqu'on concédera celle d'Athus à Givet, dont elle deviendrait un prolongement indispensable.
Mais en attendant que ce désir puisse se réaliser, nous demandons avec insistance qu'on fasse sortir le canton de Beaumont d'une situation si préjudiciable a son industrie.
M. le ministre des travaux publics le peut ; il peut, sans léser des intérêts généraux, faire droit, du moins en partie, et en attendant mieux et plus, aux justes réclamations dont nous avons dû malheureusement depuis plusieurs années fatiguer la Chambre.
Voici ce que nous demandons, et vous le verrez, messieurs, nous ne sommes pas bien exigeants.
L'arrêté du 30 novembre dernier reporte comme extrême délai au juillet 1872 la reprise des travaux de la ligne de Beaumont à Thuillies et Berzée.
Il en renvoie également, comme extrême délai, l'achèvement au 1er juillet 1874.
Or, que M. le ministre des travaux publics consente à déclarer que l'Etat s'engage à exploiter cette ligne dès que les travaux seront achevés, et au lieu de devoir attendre encore trois longues années, quelques mois suffiront pour faire sortir Beaumont de son isolement.
Comme le constate en effet le rapport de la députation permanente du Hainaut pour l'année 1870 :
« Avec un peu d'activité, les travaux pourraient être terminés dans le courant de 1871. »
Cette activité, il dépend de M, le ministre qu'elle soit donnée, et quelques mois, je le répète, peuvent suffire pour que le canton de Beaumont obtienne enfin satisfaction.
Peu de chose en effet reste à faire.
La ligne de Beaumont à Berzée ne mesure que 16,700 mètres. Les déblais et remblais sont terminés et les voies sont en partie posées ; les terrassements sont presque terminés sur une longueur de six kilomètres ; de nombreux ouvrages d'art sont construits ; les briques pour le reste des constructions sont approvisionnées. Les rails et les accessoires, billes, etc., sont dans le dépôt de la ligne. Le matériel de construction est à pied d'œuvre. La majeure partie des terrains sont achetés.
D'après les renseignements qui m'ont été fournis, la compagnie des Bassins houillers n'aurait plus à dépenser que 450,000 francs pour la main-d'œuvre, plus 50,000 francs pour des terrains qui restent à acheter.
La compagnie est tout à fait disposée à se remettre à l'œuvre sans retard, comme il est de son intérêt de le faire pour ne pas laisser improductifs les 833,500 francs qu'elle a déjà dépensés.
Elle n'y met qu'une condition bien naturelle, c'est que l'Etat belge prenne l'engagement d'exploiter cette ligne aussitôt qu'elle sera achevée, conformément à la convention du 25 avril 1870.
Cet engagement, l'Etat peut le prendre, car cet engagement ne peut, je le répète, léser en rien d'autres intérêts. Les travaux qui restent à terminer entre Beaumont et Berzée ne sont pas, en effet, de nature à retarder l'achèvement d'autres lignes que la compagnie est tenue de construire dans un délai déterminé et qu'elle continuera à construire, de concert avec celle-ci, sans nul préjudice pour les autres travaux.
Je prie, en conséquence, M. le ministre des travaux publics de prendre l'engagement que je sollicite de lui.
Il rendra ainsi un immense service à un canton trop longtemps sacrifié ; il donnera satisfaction à nos industriels, nos sucriers, nos filateurs, nos marbriers, nos commerçants, à nos populations tout entières ; enfin, il donnera de l'ouvrage à nos ouvriers, si éprouvés par les derniers événements qui ont suspendu tant de travaux.
Le gouvernement a lui-même, du reste, le plus grand intérêt à voir cette ligne promptement construite, car, je n'hésite pas à le dire, elle sera des plus lucratives.
En effet, tous les produits du canton, produits nombreux et importants, sucres, laines, bois, marbres, etc., etc., s'écouleront par cette voie, au lieu de devoir aller au loin chercher d'autres moyens de transports coûteux et difficiles.
Notre cause est si juste, notre droit est si fondé, notre demande, est si raisonnable que je crois inutile d'insister davantage et je ne doute pas que M. le ministre des travaux publics ne consente à me donner à une réponse favorable.
M. de Macar. - Dans la séance du 28 avril, après avoir constaté les tendances du gouvernement libéral en ce qui concerne les reprises d'exploitation des chemins de fer concédés, j'ajoutais :
« Je puis le dire, l'arrondissement de Huy eût profité dans une large mesure des dispositions du gouvernement. Je puis affirmer que, quant au chemin de fer de Landen à Aye, les dispositions de l'honorable M. Jamar étaient des plus bienveillantes.
« Je ne doute pas que si le cabinet libéral était resté aux affaires, l'exploitation de ce chemin de fer, d'une si haute importance pour mon arrondissement, serait aujourd'hui reprise par l'Etat.
« J'ajoute qu'il y avait des raisons très sérieuses d'espérer une solution prochaine et favorable dans le même sens en ce qui concerne le chemin de fer de Namur à Liège, auquel M. le ministre des travaux publics actuel doit, je pense, prendre quelque intérêt. »
Dans la séance du 2 juin, l'honorable ministre des travaux publics a paru contester l'exactitude de ce que j'avais avancé.
La Chambre comprendra que je doive protester contre l'expression d'un doute à cet égard.
Je serais réellement coupable si je produisais devant elle un fait d'une si grande importance, avec la légèreté que l'honorable ministre a semblé m'attribuer.
L'honorable M. Wasseige m'a donné une espèce de démenti. Je doute qu'il doive être bien satisfait de cet acte. En effet, messieurs, l'ancien ministre des travaux publics, mon honorable ami, M. Jamar, a parlé après lui et il est venu confirmer pleinement, complètement la vérité de mes allégations.
(page 1417) Si à cette preuve il était utile d'en joindre d'autres, je dirais à M. Wasseige que je puis invoquer le témoignage des anciens administrateurs de la ligne Hesbaye-Condroz. L'un d'eux, M. de Lhoneux-Detru est mort, mais MM. H. d'Andrimont et Eugène Godin m'ont accompagné plus d'une fois chez le ministre et c'est même pour protester contre l'opposition qui m'était faite aux élections dernières par une personnalité importante de la société de Hesbaye-Condroz que l'honorable président de ce conseil, M. Eugène Godin, témoin des démarches actives que j'avais faites et des résultats obtenus, a donné sa démission malgré tout ce que j'ai pu faire pour l'en dissuader.
Une dernière preuve. Dans une audience que nous a accordée l'honorable M. Jamar, car à cette époque le ministre des travaux publics accordait des audiences, dans cette audience, a laquelle se trouvaient MM. de Tornaco, de Sélys-Longchamps, de Lexhy et moi (M. Preud'homme était alors malade), M. le ministre nous a déclaré qu'il était tout disposé à reprendre la ligne Hesbaye-Condroz ; que nous étions d'accord sur le principe et qu'il n'y avait plus que des questions de faits et de conditions à examiner. Ce que j'ai dit est donc un fait établi.
J'espère que M. le ministre aura la loyauté de reconnaître qu'il s'est trompé et qu'il ne cherchera plus à enlever à son prédécesseur l'honneur d'avoir voulu réparer envers l'arrondissement de Huy la criante injustice dont celui-ci a à se plaindre.
Un mot sur la question des routes de l'Etat aboutissant à Huy, bien que je reconnaisse qu'elle sorte un peu de la discussion actuelle.
Le discours très complet, très concluant de mon honorable collègue M. de Lhoneux doit avoir produit quelque effet dans l'esprit de M. le ministre des travaux publics.
J'espère que celui-ci nous fournira le travail qu'il a promis, de manière qu'il puisse être discuté en même temps que le projet de travaux publics qui est annoncé. Nous examinerons alors s'il n'y a pas lieu, à raison de la situation extraordinaire et tout à fait anomale où se trouve la ville de Huy, de comprendre dans ce projet une mesure de dégrèvement qui sera un léger bienfait, une part de gâteau très minime en présence des grandes dépenses que l'on veut faire ailleurs.
Messieurs, je ne veux pas cependant ne faire entendre que des plaintes. Je constate une réponse favorable faite par M. le ministre des travaux publics à la note que j'avais mise à son dossier. Il est vrai qu'il l'a adressée à l'honorable M. de Theux ; mais peu importe, puisque le résultat est acquis !
Les matières fertilisantes pourront donc être transportées prochainement dans des conditions avantageuses pour l'agriculture.
Je crois qu'au bilan de l'intérêt agricole, le ministère est en train de se créer un passif considérable. J'inscris ceci à son actif et je reconnais que le poste a bien son importance.
j'aurais à présenter des observations sur un arrêté ministériel qui assimile complètement les pierres de Namur aux pierres de taille des Ecaussinnes, du Condroz et de l'Ourthe.
Mais je crois que cette question pourra être utilement traitée a l'occasion du projet de travaux publics. J'y renonce donc pour le moment.
J'ai deux mots à dire quant à l'indulgence dont on use envers les compagnies.
Lorsque j'ai demandé à M. le ministre des travaux publics d'agir auprès des compagnies pour obtenir des abonnements en faveur des classes ouvrières et des jeunes gens se rendant aux écoles, il m'a répondu : Je ne puis agir que par voie de persuasion, par voie de conseil, et c'est ce que je ferai. Je le reconnais, sur ce point M. le ministre a raison. Mais il n'en est pas de même en ce qui concerne les correspondances. Je crois qu'en cela les cahiers des charges des compagnies sont positifs et qu'ils doivent être compris dans ce sens que l'intérêt général doit primer l'intérêt de la compagnie.
Or, actuellement, M. le ministre le sait positivement, il est impossible de se rendre de Bruxelles à Huy sans subir des retards considérables.
Je ne crois pas que les deux compagnies du Luxembourg et du Nord aient le droit d'empêcher les correspondances régulières. Je crois que c'est là une question de bonne administration que le gouvernement doit juger et trancher.
M. de Rossius. - J'ai quelques mois à dire pour adresser à M. le ministre des travaux publics et pour justifier une requête qui ne concerne pas mon arrondissement, mais celui de son honorable collègue de la justice. A ce dernier, j'offre une coalition dans l'intérêt de ses électeurs. Vu ses antécédents, je ne doute pas qu'il l'accepte. Je compte donc sur son concours : il appuiera ma motion.
L'honorable M. Simonis a signalé l'opportunité d'une série de mesures en faveur des populations de l'arrondissement de Verviers. Comment a-t-il pu négliger le point très essentiel dont je vais m'occuper ?
Actuellement le chemin de fer de Welkenraedt à la frontière prussienne est en construction. La première section, qui s'étend de Welkenraedt au Bleyberg, est terminée et, depuis plusieurs mois déjà, elle est ouverte pour le service des marchandises.
Deux stations ont été organisées, celle d'Henri-Chapelle et celle de Bleyberg, point d'arrivée.
Pourquoi ne pas mettre dès à présent cette première section à la disposition des voyageurs ? J'en fais la demande formelle à l'honorable ministre des travaux publics. Les localités desservies par cette voie nouvelle sont importantes : Henri-Chapelle, Gemmenich, Montzen, Hombourg, Moresnet et d'autres communes encore renferment ensemble une population considérable, dix mille âmes au moins.
La voilà enfin dotée, cette population, d'un chemin de fer. Elle l'a attendu longtemps. C'est son droit d'en réclamer tons les bénéfices. N'est-ce pas un devoir pour l'administration de l'affecter sans délai au service des voyageurs ?
L'ouverture de la seconde section qui s'étend de Bleyberg à la frontière, tardera. Elle sera subordonnée à l'achèvement de la partie allemande de la ligne, de Gemmenich à Aix-la-Chapelle, partie qui comprend la construction d'un tunnel très long. Il faut se reporter jusqu'à la fin de l'année 1872 pour entrevoir l'époque où la deuxième section belge pourra être mise en exploitation.
C'est un acte de justice que je réclame et les populations qui en profiteraient en seraient reconnaissantes. Bien entendu, je ne demande pas un service complet ; un service complet n'est pas possible encore. Il ne pourra être organisé que plus tard.
Mais il existe aujourd'hui des trains réguliers de marchandises ; que l'on donne quelque fixité aux heures de départs de ces trains, que l'on y attelle une ou deux voitures de voyageurs selon les besoins et l'on aura une organisation provisoire satisfaisante.
Je sais qu'il faudra créer des bureaux pour la distribution des coupons. Mais leur installation sera peu coûteuse. On pourrait en limiter le nombre à deux, l'un à Henri-Chapelle, l'autre au Bleyberg ou, mieux peut-être, à Alensberg, point qui peut être considéré comme plus central.
Je passe à un autre sujet dont l'honorable M. Bricoult devait s'occuper avec plus d'autorité que moi : je veux parler du déclassement des engrais. Les engrais sont tarifés à la 2ème classe au lieu de l'être à la 4ème.
L'honorable ministre des travaux publics, dans son discours du 8 juin, s'est occupé de cette question ; il nous a dit ceci :
« La révision du mode de tarification des petites marchandises, le déclassement des engrais, la réduction des frais fixes pour les petits parcours, ce sont des questions d'une importance beaucoup plus grande.
« Cependant le gouvernement reconnaît qu'il y a quelque chose à faire, et il est décidé à ne pas demeurer inactif ; mais il réserve son heure et son moment ; cette heure sera d'autant plus avancée que les produits du chemin de fer seront plus avantageux. »
Le gouvernement réserve son heure et son moment.
Pour qui sait comprendre, c'est un ajournement indéfini qu'a formulé l'honorable ministre. (Interruption.) M. de Macar vient de dire le contraire, dites-vous. Il a confiance, je ne la partage pas. J'ai une opinion diamétralement oppose à la sienne.
En effet, il est certain que les agriculteurs n'auront pas beaucoup à se louer du gouvernement. Actuellement tout se coalise contre eux ; et le gouvernement qui, sans tenir compte de la situation très pénible qui leur est faite, par un hiver trop rude et un printemps qui n'a rien réparé, s'empresse d'aggraver leur sort.
Certes on ne pourra plus s'écrier : Bien heureux les laboureurs !
Vous vous rappelez l'accueil qu'a reçu la motion faite en leur faveur par l'honorable M. de Macar, motion si énergiquement appuyée par l'honorable M. de Lexhy.
On supplie le gouvernement de prendre en pitié les souffrances de l'agriculture, le gouvernement est impitoyable ; il oppose une fin de non-recevoir qui ne laisse aucune espérance.
M. De Lehaye. - Que voulez-vous qu'il fasse ?
M. Coomans. - Il ne peut pas empêcher les gelées.
M. de Rossius. - Si l'honorable M. Coomans avait été présent à la séance où l'honorable M. de Macar a fait sa motion, il comprendrait comment le gouvernement pourrait réparer, dans une certaine mesure, le tort fait par les gelées.
M. le président. - La question n'est pas à l’ordre du jour.
(page 1418) M. de Rossius - J'en demande pardon à M. le président, je suis dans l'ordre du jour. Il s'agit du déclassement des engrais. J'ai sans doute le droit de m'occuper du tarif des engrais dans la discussion du chapitre du budget qui concerne le chemin de fer.
M. le président. - Il s'agit de tarifs, mais pas d'exemptions d'impôt.
M. de Rossius. - Est ce que cela déplait à la majorité que j'use de mon droit pour plaider la cause de l'agriculture ?
Je prétends que le gouvernement a été jusqu'à présent très indifférent aux souffrances de l'agriculture. Les mesures qu'il refuse de prendre, les projets que nous connaissons m'autorisent à tenir ce langage.
Ce qui me fait croire que le déclassement des engrais est indispensable, c'est que nous sommes en face d'une récolte qui ne donnera pas de paille. Il y aura nécessité de procéder à l'achat d'engrais étrangers.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Les mauvaises prévisions de récolte ne sont pas générales.
M. de Dorlodot. - Elles sont mauvaises partout.
M. d'Anethan, ministre des affaires étrangères. - Ce n'est pas exact.
M. de Rossius. - Si l'honorable chef du cabinet me disait que l'on a essayé de réparer le mal, que les agriculteurs ont fait de grands efforts pour remplacer les céréales par la plante industrielle, dans certaines localités où cela a été possible, je serais d'accord avec lui. Mais ma thèse reste debout.
Nous sommes dans l'attente d'une récolte qui ne donnera pas de pailles, qui, par conséquent, ne rendra pas à la terre la somme ordinaire d'engrais. Ce sera là la perte la plus grande de l'agriculture, son préjudice le plus grave.
C'est donc à titre de nécessité impérieuse que je signale à l'honorable ministre des travaux publics le déclassement des engrais.
Il faut que leur transport passe de la seconde à la quatrième classe, qu'il se fasse au meilleur marché possible. Il importe que sans attendre son heure et son moment, le gouvernement donne satisfaction à la demande dont, après d'autres, je me fais l'organe, et que l'honorable M. Bricoult devait développer et appuyer avec plus d'autorité, je le répète, vu sa compétence reconnue par la Chambre entière.
- Plusieurs voix. - A demain !
M. De Lehaye. - Je demande que la séance soit continuée ce soir.
- Voix nombreuses à gauche. - Non ! n'on !
M. Bara. - Pour qu'il y ait séance du soir, il faut que l'on soit pressé par des projets de lois urgents. Je demande quels sont ces projets ?
M. Jacobs, ministre des finances. - La modification des impôts. Ce projet de loi est très urgent, parce qu'il est en rapport avec les décisions à prendre par les conseils provinciaux qui se réuniront le mois prochain.
M. Bara. - Je ne comprends pas qu'il soit urgent de demander des impôts au pays.
M. Jacobs, ministre des finances. - Nous n'augmentons rien..
M. Bara. - Vous supprimez l'impôt sur les boissons alcooliques et vous y substituez des centimes additionnels sur les patentes et sur le personnel.
Mais vous oubliez une chose, c'est qu'il n'est pas du tout certain que les conseils provinciaux vont prendre vos impôts et supprimer des centimes additionnels. (Interruption.) Et puis est-il juste de venir dire qu'on n'augmente pas les impôts lorsqu'on les fait passer d'une tête sur une autre ? Les buveurs de boissons alcooliques étaient frappés, voici qu'on les dégrève, pour frapper les travailleurs et ceux qui n'usent pas de boissons alcooliques.
MfJ. - Nous discuterons cela.
M. le président. - Ne discutez pas le fond, M. Bara.
M. Bara. - Je ne discute pas le fond, M. le président. On veut nous imposer des séances du soir sous prétexte qu'il y a des projets urgents ; j'ai donc le droit de démontrer que les projets que l'on veut voter n'ont aucun caractère d'urgence. (Interruption.) Si l'on veut nous imposer des séances du soir, que l'on nous démontre qu'il y a urgence. Mais on ne le saurait pas ; il n'y a d'urgence que pour vous déjuger et chanter une nouvelle palinodie...
M. Jacobs, ministre des finances. - C'est ridicule.
M. Bara. - Votre conduite est ridicule, oui. Que faisiez-vous à la veille des élections ? Ecoutez ce que disait l'âme du cabinet. (Interruption.) Ah ! il faut que le pays sache pourquoi l'on veut discuter le projet de loi sur les impôts.
Voici donc ce que disait l'âme du cabinet, M. Malou, devant les électeurs ébahis de Saint-Nicolas ;
« Lorsque j'avais l'honneur d'être ministre du Roi, nous avions un budget des voies et moyens de 112 à 114 millions. Aujourd'hui ce même budget atteint 180 millions ! Ce chiffre n'indique-t-il pas une réforme à accomplir ? N'y a t-il rien à faire ? Faut-il laisser la proportion s'élever jusqu'à 190 et 200 millions ? Je crois, pour ma part, que le moment est venu de faire aux contribuables la part la plus large dans la prospérité publique. Plus de substitution d'impôt à un autre impôt, mais un dégrèvement sérieux. J'espère que ce sera là un des bienfaits de la nouvelle administration et son don de joyeuse entrée. » (Approbation prolongée.)
Voilà les moyens à l'aide desquels on a surpris les suffrages. Ce discours a été publié partout à grand son de trompe. Et aujourd'hui, loin d'un dégrèvement sérieux, on substitue un impôt à un autre et l'on augmente les impôts qui grèvent la classe bourgeoise et les honnêtes travailleurs. Est-ce honnête ?
Ayez au moins la pudeur d'attendre une année avant de faire le contraire de ce que vous promettiez. M. Malou dit : Plus de substitution d'un impôt à un autre impôt. Or, vous substituez des centimes additionnels à un autre impôt.
M. Jacobs, ministre des finances. - Nous discuterons cela.
M. Bara. - Oui, nous le discuterons. Mais je dis qu'il n'y a pas d'urgence à le discuter, qu'il n'y a pas d'urgence à surcharger les contribuables après une année calamiteuse, qu'il n'y a pas d'urgence à aggraver la situation des cultivateurs, qu'il n'y a pas d'urgence à frapper le travail par l'augmentation de la patente et, selon moi, il y aurait de l'inconvenance de la part de l'assemblée à dire que, dans la situation actuelle, la Belgique pourrait périr si, pour faire disparaître quelques électeurs, on ne votait pas immédiatement de nouvelles lois d'impôt.
Pour moi, je proteste contre un pareil procédé ; je dis que, de la part du ministère, proclamer l'urgence, c'est l'acte le plus inconcevable qu'il soit possible d'imaginer. (Interruption.) Vous disiez aux électeurs : « Nous allons diminuer vos impôts ; ce sera notre don de joyeuse entrée, » et maintenant vous voulez que, même nuitamment, nous votions des augmentations d'impôts ; je le répète, c'est une palinodie incroyable. (Interruption.)
M. Jacobs, ministre des finances. - Je comprends qu'on prétende à gauche qu'il n'y a pas urgence à résoudre la question des, cabaretiers ; mais à droite, où cette solution a toujours été demandée, on estime qu'il y a urgence à aborder la discussion.
La Chambre a décidé que le projet de loi d'impôts serait placé à l'ordre du jour immédiatement après la discussion du budget des travaux publics. Elle a donc décidé qu'elle le discuterait dans la présente session.
Il reste différents autres objets à discuter encore. En ce moment, il ne s'agit que de savoir jusque quand siégera la Chambre. Il importe peu à l'honorable M. Bara et à moi, qui habitons Bruxelles, que la Chambre siège jusqu'à la fin de juillet ou d'août. Mais je me préoccupe de nos collègues de province, à qui il n'est certainement pas indifférent de siéger pendant un mois encore avec une séance par jour ou quinze jours seulement avec deux séances ; nous devons subordonner nos convenances à celles de nos collègues de provinces, qui seront heureux de rentrer dix jours plus tôt dans leurs foyers.
J'insiste donc pour que la Chambre prenne une décision sur la proposition de siéger le soir.
M. Dumortier. - J'avoue franchement que je ne comprends pas le mouvement extraordinaire que s'est donné M. Bara pour s'opposer à la proposition de siéger le soir, proposition dont j'avais déjà fait ressortir la nécessité à la fin de la semaine dernière.
Messieurs, nous siégeons depuis le mois d'août de l'année dernière ; il est donc bien naturel que les députés qui habitent la province éprouvent le désir de rentrer chez eux.
J'admets que pour les membres qui, comme M. Bara, habitent la capitale, venir passer quelques heures à la Chambre soit une distraction, mais ces membres constituent la très petite minorité et, je ne crains pas de dire que, si les sessions devaient se prolonger indéfiniment, on finirait par ne plus trouver de citoyens disposés à accepter le mandat de député.
Mais, nous dit-on, pour justifier la demande de séances du soir, il faut que l'on constate l'urgence des projets à discuter et cette urgence n'est pas constatée.
Mais, messieurs, voyez l'ordre du jour qui nous est distribué chaque soir ; voyez l'énumération de tous les travaux que nous avons à faire encore avant de nous séparer et vous reconnaîtrez bientôt qu'il est plusieurs projets de loi dont la discussion ne peut pas être différée. Ainsi, parmi ces (page 1419) projets il en est dont la Chambre a été unanime à proclamer l'importance ; c'est celui qui concerne les cabaretiers.
Nous avons à statuer sur le projet relatif à l'impôt sur les débits de boissons, cette criante injustice, à l'égard des débitants, qui n'a été maintenue que trop longtemps ; cette source d'abus électoraux scandaleux qu'il est de la dignité de la législature de faire disparaître.
M. le président. - M. Dumortier, je dois vous prier, comme j'ai prié M. Bara, de ne pas discuter le fond en ce moment.
M. Dumortier. - Je cherchais, M. le président, à démontrer l'urgence de voter les projets de loi dont j'ai parlé et, par conséquent, de hâter nos travaux. Il importe que ces projets soient votés dans le cours de la session actuelle, si l'on veut que les listes électorales soient dressées au mois d'août prochain d'après la nouvelle législation.
Voilà pourquoi nous tenons à ce que les projets de loi d'impôt soient votés sans retard. Quant aux membres qui veulent en ajourner la discussion, c'est probablement pour continuer à profiter des abus actuels en les maintenant. J'appuie donc la proposition faite à la Chambre de siéger le soir.
M. Bara. - Messieurs, je n'ai nullement l'intention de mettre mes honorables collègues de la province dans la nécessité de rester plus longtemps en session ; bien au contraire ; j'ai déclaré et je déclare encore que je ne vois pas à l'ordre du jour des travaux urgents, de nature à exiger longtemps la présence de la Chambre. La discussion du budget des travaux publics marche à son terme et vous pouvez avoir fini dans huit jours la session de la Chambre.
Vous voulez qu'on vote le projet d'impôts. (A droite : Oui ! oui.) Ah ! Voilà ce que vous voulez. Eh bien, ce projet de loi n'a aucun caractère d'urgence ; vous voulez donc nous retenir plus longtemps pour augmenter les impôts du pays.
L’honorable M. Dumortier nous dit que la question des cabaretiers doit être tranchée par la loi ; que l'impôt des, cabaretiers ne pourra plus être compté pour former le cens électoral. Eh bien, puisque c'est votre opinion, faites voter cette mesure.
Mais il y a une grande différence entre la suppression de l'impôt des cabaretiers pour la formation du cens législatif et son remplacement par des impôts qui portent sur la contribution personnelle, sur les patentes et sur le foncier.
Il vous faut donc de nouveaux impôts, et vous dites qu'il est urgent de les voter. Nous qui avons laissé 80 millions dans le trésor, nous vous disons qu'il n'est pas urgent de voter ces nouveaux impôts. (Interruption.) Votre politique financière commence à être jugée par le pays. (Nouvelle interruption.)
Vous, riez, M. De Lehaye ; mais le pays ne rira pas quand les citoyens auront à payer une augmentation d'impôt sur les patentes, sur la contribution personnelle, sur le foncier ; quand ils devront payer plus cher pour voyager en chemin de fer, ils ne riront pas ; les onze pour cent, M. De Lehaye, à l'aide desquels vous êtes arrivé dans cette Chambre, ne riront pas non plus. (Interruption.)
Votez les nouveaux impôts ; nous, nous avons pour mission de déclarer ici que ces impôts dont on veut grever le pays n'ont aucun caractère d'urgence. (Aux voix ! aux voix !)
M. De Lehaye. - Si les onze pour cent ont voté pour moi, je les en remercie. Vous avez prétendu que nous étions venus dans cette enceinte avec le secours des cabaretiers. Eh bien, nous vous demandons qu'on leur enlève leur droit électoral, joignez-vous donc à nous. Vous n'en ferez rien, parce que vous savez bien que leur vote vous est acquis.
Messieurs, le discours de M. Bara nous prouve qu'on ne veut pas de la loi sur la radiation des cabaretiers. Nous qui la voulons, nous devons vouloir le vote de la loi, et pour y arriver, je demande la séance du soir.
- Voix nombreuses. - L'appel nominal !
- Il est procédé à cette opération.
56 membres seulement sont présents.
Ce sont :
MM. Bara, Berge, Biebuyck, Boucquéau, Coomans, Cornesse, Crombez, Cruyt, d'Andrimont, Dansaert, David, de Clercq, de Dorlodot, Defuisseaux, de Haerne, De Lehaye, de Lexhy, de Macar, Demeur, de Muelenaere, de Naeyer, de Rossius, Descamps, de Smet, de Vrints, de Zerezo de Tejada, Drion, Drubbel, Dumortier, Elias, Funck, Hagemans, Hayez, Jacobs, Jamar, Julliot, Kervyn de Lettenhove, Kervyn de Volkaersbeke, Lefebvre, Mulle de Terschueren, Muller, Pety de Thozée, Reynaert, Rosier, Snoy, Tack, Thibaut, Vanden Steen, Vander Donckt, Van Hoorde, Van Iseghem, Van Overloop, Amédée Visart, Léon Visart, Wasseige et Wouters,
Sont absents avec congé ;
MM. Van Renynghe, Bouvier-Evenepoel, Liénart, Van Humbeeck, Simonis, Ansiau, Vandenpeereboom, Delcour, Jottrand, d'Hane-Steenhuyse, de Liedekerke, Houtart, Nothomb et Vilain XIIII.
Sont absents sans congé :
MM. Allard, Anspach, Balisaux, Beeckman, Boulenger, Braconier, Brasseur, Bricoult, Coremans, Couvreur, de Baets, de Baillet-Latour, de Borchgrave, De Fré, de Kerchkove, Delaet, de Lhoneux, de Moerman d’Harlebeke, de Montblanc, de Theux, Dethuin, Dupont, Frère-Orban, Gerrits, Guillery, Hermant, Janssens, Landeloos, Le Hardy de Beaulieu, Lelièvre, Lescarts, Magherman, Mascart, Moncheur, Mouton, Notelteirs, Orts, Pirmez, Puissant, Rembry, Royer de Behr, Sainctelette, Santkin, Schollaert, Tesch, Thienpont, Thonissen, Van Cromphaut, Van Outryve d’Ydewalle, Van Wambeke, Vermeire, Vermeire, Verwilghen, Vleminckx et Warocqué.
- La séance est levée à 5 heures et un quart.