(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)
(Président de M. Thibaut, vice-président.)
(page 1235) M. de Borchgrave fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Vrints donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Borchgrave présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Defrasnes demande la nomination d'un instituteur à Ellignies-lez-Frasnes. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Ory, congédié du service pour infirmité, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension. »
- Même renvoi.
« La veuve Matthys, occupant deux machines à battre le grain, se plaint d'être imposée de ce chef au droit de patente de 12ème classe, tarif A et prie la Chambre de modifier la loi. »
- Même renvoi.
« La chambre de commerce et des fabriques d'Arlon demande que le projet de chemin de fer d'Athus à Gand soit compris dans l'ensemble de travaux publics qui sera présenté par le gouvernement. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vanden Driessche, demande un congé de quatre à cinq mois pour son fils Jules-François, caporal au dépôt du 2ème régiment de chasseurs à pied, à Saint-Bernard. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Miscom demandent que le chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest passe par Vissenaeken, Bombeke, Hoeleden, Kersbeek-Miscom, Cortenaeken, etc. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Gérin demandent que le chemin de fer projeté de Charleroi sur Athus prenne son point de départ à Châtelineau ou bien à Acoz. »
- Même renvoi.
« Le sieur Philippe demande une place de domestique dans une école ou un collège. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Ixelles, Saint-Josse-ten-Noode et Schaerbeek prient la Chambre de s'occuper de la question des cimetières. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Léau demande que le chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest en partant de la station de l'Etat à Tirlemont laisse cette ville à gauche pour se diriger sur Wommersom, Melckwezer, Heelenbosch et Léau et qu'on établisse une station entre Léau et le hameau Bosch. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Wortel prie la Chambre d'accorder au sieur Maréchal la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers sur Bréda. »
« Même pétition du conseil communal de Hasselt et du conseil communal d'Ulbeck qui demandent, en outre, que la ligne de Borgloon à Hasselt passe par Wellen et Ulbeck. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants de Vorsselaer demandent que la langue flamande soit, en tout, mise sur le même rang que la langue française. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur des pétitions identiques.
« Le sieur Joos Verstuyft demande une augmentation de traitement pour les percepteurs des postes de la dernière classe. »,
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« Le sieur Geens appelle l'attention de la Chambre sur la nécessité de faire exécuter des travaux d'élargissement et d'approfondissement de la Ghète entre Neerlinter et Budingen. »
- Même dépôt.
« Le conseil communal de Bièvre demande le retrait de l'arrêté qui prohibe la sortie du bétail vers la France. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Les membres du conseil communal de Porcheresse demandent que le gouvernement lève la prohibition du bétail à la sortie sur la frontière d'Athus à la mer ou du moins qu'il rende libre la frontière française qui touche a la province de Luxembourg. »
« Même demande des membres des conseils communaux de Graide, Gembes, Chanly, Houffalize, Bellefontaine, Anlier, Saint-Médard, Grapfontaine, Houdremont, Membre, Anloy, Noirefontaine, Ochamps, Laforêt, Fauvillers, Bohan, Sart-Custine, Daverdisse, Transinne, Framont, Louette-Saint-Pierre, Bagimont, Wellin, Focant, Felenne, Redu, Arville, Patignies, Bleid, Wibrin, Malvoisin, Louelte-Saint-Denis, Vresse, Longchamps, Jehonville, Tintange. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Nil-Saint-Vincent-Saint-Martin demandent que la loi consacre le principe de l'obligation en matière d'enseignement primaire. »
« Même demande d'habitants de Bruxelles. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi relative à l'enseignement primaire obligatoire.
« Par message en date du 19 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté le projet de loi contenant le budget de l'intérieur pour l'exercice 1871. »
- Pris pour notification.
« M. Waeghemans adresse à la Chambre 126 exemplaires du programme des connaissances exigées pour obtenir le grade de conducteur des ponts et chaussées et celui de garde du génie. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. Dansaert demande une prolongation de congé pour cause d'indisposition. »
- Ce congé est accordé.
M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition suivante :
« Les soussignés ont l'honneur de déposer la proposition de loi suivante :
« Par dérogation aux articles premier, 11 et 14 de la loi du 27 décembre 1817 sur le droit de succession, les immeubles dépendant de la succession d'un habitant du royaume, situés en pays étranger, ne doivent pas être compris dans la déclaration prescrite par l'article 4 de la même loi.
« (Signé) : X. Lelièvre, de Baets. »
M. Lelièvre a demandé que la Chambre veuille bien entendre les développements de sa proposition jeudi 1er juin.
- Les développements sont fixés à jeudi prochain.
(page 1236) M. Vleminckx (pour une motion d’ordre). - Le budget de la guerre ne nous a été distribué qu'hier. M. le ministre de la guerre n'étant point présent, j'attendrai qu'il se rende demain à la séance pour soumettre à la Chambre la proposition de ne pas envoyer le budget de la guerre aux sections avant que la grande commission chargée d'examiner le projet de l'organisation de l'armée ait terminé son travail.
M. Brasseur (pour une motion d’ordre). - M. le secrétaire vient de lire un grand nombre de pétitions relatives à la mesure qui défend la sortie du bétail belge vers la France. Je regrette que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas présent ; je voulais lui demander quels sont les motifs qui l'ont déterminé à prendre cette mesure. Je ne développerai pas, pour le moment, les motifs qui m'engagent à demander immédiatement le retrait d'une défense que je considère comme désastreuse pour une industrie importante de notre pays. J'attendrai la présence de M. le ministre, et alors le débat pourra s'engager sur une question que je considère comme très importante, surtout pour deux de nos provinces : je veux parler des provinces de Luxembourg et de Namur.
M. Le Hardy de Beaulieu (pour une motion d’ordre). - Ma motion est relative à la discussion du budget des travaux publics. Ordinairement ce budget donne lieu à une série de discours qui ont rapport, les uns au budget même, les autres à des objets qui ne s'y rapportent qu'indirectement. Il en résulte des discussions extrêmement confuses ; les réponses n'arrivent souvent que plusieurs jours après les questions, ce qui ne contribue guère à élucider le débat, et s'il y a une explication à demander, ce n'est encore que longtemps après le discours du ministre qu'elle peut être produite.
Je demanderai à la Chambre si elle ne croit pas qu'il serait à la fois plus utile, plus simple et plus prompt de discuter chaque question spécialement.
Les questions relatives aux détails du budget pourraient être rattachées aux chapitres ou articles ; celles, comme les demandes de concessions de stations ou de travaux particuliers, pourraient faire l'objet d'un débat spécial que l'on épuiserait avant d'aborder une autre question.
Si nous continuons à suivre les anciens errements, la discussion générale pourra durer toute la semaine et peut-être plus longtemps encore, comme cela est arrivé si souvent, au grand préjudice de la clarté de la discussion.
M. Dumortier. - L'honorable membre qui vient de se rasseoir part d'un principe qui est vrai : « Il faut, dit-il, qu'il y ait de l'ordre dans le débat. » Je suis complètement de cet avis ; mais pour atteindre à ce but, il ne faut que suivre le règlement.
Le règlement prescrit d'abord une discussion générale, discussion qui doit se borner à ce qui a le caractère d'une discussion générale, et j'engage tous mes honorables collègues qui ont l'intention de faire des observations sur tel ou tel article, de ne pas les présenter dans la discussion, mais de parler lorsque la Chambre arrivera aux articles que leurs observations concernent.
Maintenant il est bien entendu qu'il faut laisser à M. le ministre des travaux publics, comme à tous les autres ministres, le temps de répondre aux orateurs ; il doit choisir son moment.
Sous ce rapport, je ne puis me rallier a la manière de voir de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu.
Je le répète, si nous nous conformons au règlement, si nous nous bornons maintenant à ce qui est de discussion générale, si nous renvoyons les diverses questions aux chapitres et articles y relatifs, on arriverait au but que l'honorable membre s'est proposé. Ainsi, les honorables membres qui ont à parler, soit sur les chemins de fer, soit sur les canaux, soit sur les routes, soit sur les postes, soit sur les télégraphes, prendraient la parole aux chapitres et aux articles que ces objets concernent respectivement. Vous aurez ainsi une discussion extrêmement régulière.
M. Le Hardy de Beaulieu. - Ce que je demande à la Chambre, c'est qu'on ne dissémine pas les demandes et les réponses ; mais que l'on concentre chaque objet sur l'article auquel il s'applique.
L'honorable M. Dumortier et moi, nous sommes donc d'accord au fond.
M. Jamar. - Je ne saurais me rallier, messieurs, ni au système de l'honorable M. Le Hardy de Beaulieu, ni au mode préconisé par l'honorable M. Dumortier. Je ne sais quel sera le sentiment de non honorable successeur ; mais je pense qu'eu égard à la diversité des questions qui sont soulevées à l'occasion du budget des travaux publics, il est bien plus simple de suivre la marche adoptée depuis si longtemps, qui est la plus propre à abréger les débats. Si, comme le demande l'honorable M. Dumortier, on n'aborde les questions spéciales qu'aux articles du budget auxquels elles peuvent se rattacher, on peut être certain que ces questions sont si nombreuses et si diverses que M. le ministre des travaux publics na saurait sur l'heure donner aux divers orateurs les renseignements qu'ils sont en droit d'en attendre.
Dès lors, je le répète, il est beaucoup plus simple que les orateurs inscrits soient entendus dans la discussion générale. Le ministre peut alors, par l'agencement même de ses réponses, économiser le temps de la Chambre.
M. Dumortier. - Je me rallie à cette opinion.
M. le président. - Il n'y a pas de proposition. Nous passons à la discussion générale du budget des travaux publics.
La parole est à M. Nothomb.
M. Nothomb. - Je partage complètement l'opinion que vient d'émettre l'honorable préopinant, et je crois aussi qu’en procédant ainsi on assure beaucoup mieux l'ordre de la discussion.
M. le ministre des travaux publics connaîtra, par nos différentes observations, quelles sont nos vues et quels sont les intérêts des arrondissements que nous représentons, et il sera mieux à même de répondre.
Je profite donc de la présente discussion pour remplir un des devoirs les plus importants de notre mandat : celui d'exposer au gouvernement et de faire valoir devant lui les droits et les besoins généraux de l'arrondissement de Turnhout en fait de travaux d'utilité publique.
L'arrondissement qui me fait l'honneur de m'envoyer ici est placé, sous ce rapport, d'après mes honorables collègues et moi, dans des conditions d'inégalité, aussi contraires au principe de justice distributive qu'elles sont préjudiciables aux intérêts légitimes d'une population considérable, par conséquent à ceux mêmes de la généralité, qui trouve toujours son compte et son profit dans la satisfaction donnée aux justes réclamations d'une fraction de la nation.
C'est, aujourd'hui, une vérité élémentaire jusqu'à la banalité, que de dire que les intérêts d'une contrée, dans ce qui touche aux trois sources essentielles de la fortune publique, l’agriculture, l'industrie et le commerce, se développent ou languissent en raison de l'état des voies de communication ; l'isolement est funeste et peut devenir mortel, surtout quand il procède du manque de voies ferrées.
Il n'est pas besoin d'insister sur ce point : l'expérience économique démontre surabondamment que le défaut de chemin de fer, et même seulement un certain éloignement, est pour les populations, fussent-elles les plus favorisées par la nature, une cause irrémédiable d'infériorité et de décadence. En ce qui concerne les chemins de fer, telle est la situation fâcheuse de l'arrondissement de Turnhout. C'est donc de cette question, la plus importante de toutes, que je veux d'abord parler.
Comparé à d'autres parties du pays, notre arrondissement est, sous ce rapport, bien mal partagé. Je ne veux pas faire de comparaisons, je ne voudrais surtout pas les faire d'un œil jaloux ou envieux : j'admets volontiers que c'est en toute justice, et pour le plus grand avantage général, que d'autres ont obtenu si largement ces instruments nécessaires au développement du bien-être : mais nous avons aussi le droit d'invoquer le même principe de justice et d'affirmer que son application chez nous produirait les mêmes conséquences favorables à la prospérité commune. Il suffit de jeter un regard sur notre réseau de chemins de fer pour se convaincre que la plainte que j'élève, que l'infériorité que je signale ne sont que trop vraies. En effet, et comme le rappelait encore si bien ces jours derniers un de mes honorables amis, que possède l'arrondissement de Turnhout en fait de lignes ferrées ? Bien peu de chose : en partie le tronçon d'Aerschot à Herenthals et la ligne, courant rapide et presque sans arrêt, d'au delà de Lierre par Turnhout vers la Hollande, en tout environ 50 kilomètres.
Et cependant notre arrondissement a une étendue considérable, près de 135,000 hectares et une population d'au delà de 105,000 habitants ; il renferme les éléments précieux de prospérité, qui, mis en possession de nouvelles voies de communication, prendraient un prompt et grand élan. Par ses landes à défricher, par ses prairies à assainir, par ses terrains a boiser, par les produits de ceux qui le sont déjà, par ses nombreuses et si importantes industries à développer, cet arrondissement verrait sa richesse augmenter à vue d’œil et rendrait vite et au décuple au trésor (page 1237) public les dépenses, je pourrais dire les avances qu'il aurait faites pour nous. Et déjà l'arrondissement contribue largement aux charges publiques, car, j'ai hâte de le dire, la Campine anversoise n'est restée en arrière d'aucun progrès ; grâce à son intelligence et à son énergie, sa population n'a pas reculé devant les difficultés que lui opposaient son sol infertile, son rude climat et l'isolement séculaire dont je parlais tantôt.
Sous le rapport de l'instruction, elle n'a aucune comparaison à redouter - une condition de lire et écrire n'aurait guère exclu d’électeurs. Sous le rapport de l'industrie, elle tient une place honorable dans diverses branches du travail et du commerce ; il me suffit de citer deux grands centres industriels, Turnhout et Herenthals. La fabrication des cartes à jouer, des papiers et cartonnages dans la première de ces villes est une grande, très grande industrie dont la réputation est universelle ; celle des coutils y est également importante. La seconde, Herenthals, est un marché commercial considérable : l'industrie lainière y occupe un rang distingué, l'extraction du minerai et la fonderie de fer méritent d'être mentionnées. D'autres localités doivent l'être aussi. Je ne veux citer que les plus importantes et en bloc. Ainsi, le canton de Moll, pour sa fabrication drapière est une industrie nouvelle qui est appelée ù un sérieux avenir ; l'extraction du sable blanc propre à la fabrication du cristal et de la porcelaine ; la ville de Gheel, pour ses briqueteries ; le canton d'Arendonck, pour sa fabrication de bas et un commerce de bois très important ; celui de Hoogstraeten, le plus isolé de tous, pour ses distilleries, ses poteries, son exploitation de bois de sapinières.
Si je parle de tout ceci, c'est pour montrer ce qu'il y a là d'éléments de richesses et de travail, les uns en activité, les autres en formation ; tous - et c'est notre devoir de le faire comprendre - recevront un essor immense le jour qu'ils auront à leur disposition le moyen, l'instrument indispensable : des chemins de fer et des voies de communication. Ouverture de nouveaux débouchés, création de moyens de transport, facilités et diminution de frais pour ceux qui existent : telles seraient les conséquences immédiates et fécondes d'une situation nouvelle, que nous réclamons comme un droit légitime.
L'espoir en est apparu quelquefois pour nous : puis il a disparu comme un mirage. Je n'incrimine pas le passé et j'aime mieux, me tenant au présent, compter sur un meilleur avenir : j'en ai pour garant les paroles rassurantes prononcées par M. le ministre des travaux publics tout récemment, dans la séance du 5 de ce mois. Ce jour, mon ami et honorable collègue, M. de Zerezo de Tejada, a attiré l'attention du département des travaux publics sur la ligne d'Anvers à Gladbach, celle d'Anvers à Bréda par le canton de Hoogstraeten, et sur celle d'Ans à Bréda par Looz, Hasselt, Beverloo, Molle, Arendonck, Turnhout et Hoogstraeten, avec embranchement de Moll à Herenthals par Gheel et de là à Aerschot par le canton de Westerloo.
J'adhère en tout point aux observations si judicieuses présentées par mon honorable collègue. La première de ces lignes est concédée depuis longtemps sur notre territoire : des difficultés internationales se sont présentées pour le prolongement sur les territoires étrangers. L'honorable ministre nous a fait connaître qu'elles s'aplanissent de ce côté. Il y a donc un perspective sérieuse de voir ce grand travail s'accomplir.
Pour la seconde de ces lignes, celle d'Anvers à Bréda, que le gouvernement est autorisé à concéder, nous avons appris avec satisfaction que les négociations continuent avec espoir de les voir aboutir. Nous la recommandons à la sollicitude de M. le ministre.
Enfin, c'est sur la troisième ligne, celle d'Ans à Breda, que nous appelons avec insistance cette sollicitude tout entière du gouvernement.
Pour nous, pour les intérêts que nous représentons, cette ligne a une valeur capitale ; c'est, on peut bien employer cette expression, une maîtresse-ligne. Son importance, son utilité générale ne sauraient être contestées ; elle intéresse d'autres provinces et le pays tout entier ; elle serait le signal de la transformation rapide de la Campine anversoise et pour le canton de Moll, qui compte plus de 33,000 hectares d'étendue et au delà de 25,000 habitants, elle lui apporterait un moyen immense de développement. Toutes les conditions semblent donc réunies pour que la concession en soit promptement accordée : demande sérieuse, plans déposés depuis près de trois mois, aucun subside sollicité de l'Etat, intérêt général, intérêt local, et j'ajoute intérêt militaire, car la ligne serait reliée au camp de Beverloo : toutes ces considérations, dont chacune a sa valeur et qui, réunies, ont une puissance incontestable, nous font espérer la prompte et heureuse solution d'une question vitale pour notre arrondissement.
Maintenant j'arrive à un second objet, également très important ; je veux parler des travaux de canalisation et de l'amélioration du régime des cours d’eau dans l’arrondissement de Turnhout.
En premier lieu, dans cet ordre d'intérêts, je dois réclamer du gouvernement l'achèvement du canal de Turnhout à Anvers par Saint-Job ; on est arrivé à la troisième et dernière section. Ici ce n'est pas une faveur que nous sollicitons, c'est l'accomplissement d'un strict droit, l'exécution d'une loi trop longtemps différée. Le premier crédit a été voté le 2 juin 1861, il y a donc dix ans ; le second, le 14 août 1862, le troisième le 8 juillet 1865. Nous demandons aujourd'hui le quatrième et dernier crédit pour l'achèvement de ce travail.
Nous n'avons cessé de le réclamer ici avec insistance ; je l'ai fait notamment dans la séance du 20 février 1867. Le complément de cette voie navigable fera cesser un état de choses nuisible à tous les intérêts, à ceux de l'Etat comme à ceux des particuliers ; le canal ne sera plus une impasse comme aujourd'hui et son complément sera surtout un bienfait pour le canton de Hoogstraeten, le plus isolé de tous, et où plusieurs établissements se sont fondés en vue de son achèvement. Le rapport de la chambre de commerce de l'arrondissement de Turnhout pour 1870 fait parfaitement ressortir ce point.
En second lieu, je dois insister, comme je l'ai déjà fait les autres années, sur les travaux à exécuter à la Grande-Nèthe, spécialement en ce qui concerne les irrigations. Cette question touche aux intérêts les plus sérieux ; elle a été souvent discutée ici et le conseil provincial d'Anvers n'a cessé de s'en préoccuper ; dans sa dernière session, le 20 juillet 1870, il adressait encore au gouvernement une réclamation pressante pour obtenir l'achèvement des travaux à cette rivière. Aujourd'hui, comme précédemment, nous nous joignons au conseil provincial. C'est aussi un droit dont nous poursuivons la revendication. La Grande-Nèthe est entrée par la loi de 1858 dans le domaine de l'Etat. C'est donc à l'Etat à intervenir largement et efficacement dans la construction des ponts-barrages reconnus indispensables pour obvier aux dommages et aux inconvénients signalés de toute part. Le gouvernement, je me hâte de le dire, ne méconnaît pas ses obligations, et déjà le rapport de la section centrale nous donne, à cet égard, une assurance dont nous remercions M. le ministre des travaux publics ; nous appelons sur cet objet toute sa bienveillante attention.
Je signalerai également à M. le ministre des travaux publics l'amélioration du régime de la Petite-Nèthe. Là les inondations sont fréquentes et elles causent aux riverains des dommages considérables. La Chambre, à plusieurs reprises, a été saisie de réclamations nombreuses à cet égard. Il y a là de basses terres à assainir, il y a à faire des dépenses que les riverains ne peuvent pas s'imposer seuls, il y a lieu de faire des travaux qui sont d'utilité générale. Il y a là des étendues considérables à rendre à l'agriculture et à fertiliser : c'est en outre une question d'hygiène publique aussi bien que pour les polders.
Elle mérite que le gouvernement la fasse étudier avec soin ; il appréciera à quelle cause principale tiennent ces funestes inondations ; je l'engage à mettre cette étude en rapport avec celle, très importante aussi, de la canalisation de la Petite-Nèthe et de ses affluents, dans la partie septentrionale de l'arrondissement. Je recommande cet objet à la sollicitude de M. le ministre.
Enfin, messieurs, pour terminer je dirai quelques mots d'un objet plus modeste, mais qui a aussi son importance : je veux indiquer la création de routes et de chaussées pavées.
Nous désirons le prompt achèvement de la route de Turnhout par Gierle, Lille, Poederlé à Herenthals. Cette route est décrétée ; les travaux sont commencés, mais nous paraissent marcher avec une regrettable lenteur. Je prie donc M. le ministre de prendre des mesures pour hâter l'achèvement de cette voie de communication.
Il y a dans la partie supérieure du canton de Hoogstraeten une localité absolument séparée par une longue distance de la commune principale ; c'est le village de Meersel qui devrait être relié à la commune de Meerle par une route pavée, laquelle serait prolongée ultérieurement dans la direction de la station de Bar-le-Duc et deviendrait ainsi un affluent non sans valeur pour la voie ferrée. Je mentionnerai encore la création d'une route de Merxplas à Gierle, passant par Beersse et Vosselaer. Elle développerait l'industrie des briqueteries, tuileries et le commerce de bois de la contrée et surtout serait en communication directe avec le canal de Turnhout à Anvers ; je signale également l'avantage d'une route à établir de Lichtaert vers Casterlé et Rethy.
Enfin, il y a une partie complètement isolée, sur laquelle j'appelle spécialement le bon vouloir de l'honorable ministre. C'est cette région qui compte entre autres les localités d’Olne, Meerhout et Eynthout ; une route les reliant dans la direction de Westerloo et plus tard vers le chemin de fer serait pour cette population un acte d'équité et une source de prospérité.
(page 1238) Tels sont les besoins généraux de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter. Je les recommande à l'esprit de justice de M. le ministre des travaux publics. Il se convaincra que nos réclamations sont fondées et je me persuade qu'il tiendra à honneur d'ouvrir pour nous une ère de réparation.
M. Thonissen. - Messieurs, je commencerai par remercier l'honorable ministre des travaux publics de la réponse bienveillante qu'il a daigné adresser, il y a quelques jours, à mon honorable collègue et ami, M, Wouters, qui réclamait lu prompte concession du chemin de fer projeté de Tirlemont à Wychmael, par Diest et le camp de Beverloo. Les populations du nord du Limbourg ont accueilli cette réponse avec une vive satisfaction. Elles ont été heureuses d'apprendre que, suivant toutes les probabilités, la session actuelle ne s'écoulerait pas sans la concession d'une voie ferrée qu'ils désirent si ardemment depuis un grand nombre d'années et qui aura pour inévitable résultat de développer leurs ressources au point de transformer complètement l'aspect de cette partie du pays.
Mais l'honorable ministre me permettra que, tout en lui payant un juste tribut de reconnaissance, je vienne, en exécution d'un devoir impérieux, appeler son attention sur un autre chemin de fer dont la concession est vivement réclamée depuis 1864 et dont l'établissement serait un immense bienfait pour la province que j'ai l'honneur de représenter ; je veux parler du chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle, par Tervueren, Weert-Saint-Georges, Tirlemont, Saint-Trond, Looz, Tongres et Visé.
Ce chemin, je le sais, rencontre une objection : on prétend qu'il viendrait faire concurrence au chemin de fer de l'Etat, de Bruxelles à Aix-la-Chapelle par Liège et Verviers.
Cette objection, je dois le dire, ne me semble pas bien sérieuse.
Il y a un quart de siècle, le même langage fut tenu à l'égard du projet de chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost. Alors aussi on disait : Vous allez nuire aux intérêts de l'Etat, puisque celui-ci exploite déjà un chemin de fer se dirigeant de Bruxelles vers Gand par Malines.
A une époque plus rapprochée, la même objection fut faite au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ; et, en effet, elle se présentait là dans toute sa force. Le gouvernement, disait-on, qui transporte aujourd'hui les voyageurs et les marchandises de Louvain à Bruxelles par Malines, le gouvernement verra croître ses dépenses de toutes les sommes que réclameront la construction et l'exploitation de la ligne nouvelle.
Plus récemment encore, on rencontra les mêmes résistances pour le chemin de fer direct d'Anvers à Aix-la-Chapelle, par Aerschot, Diest, Hasselt et Maestricht. Cependant les trois chemins, malgré les résistances énergiques que le gouvernement avait commencé par leur opposer, finirent par être construits. On fit valoir, avec raison, que la législature, en décrétant la construction des premiers chemins de fer, c'est-à-dire, des lignes les plus importantes, n'avait pas été guidée par des considérations exclusivement ni même principalement financières. On allégua que le gouvernement n'avait pas le droit de sacrifier à un intérêt fiscal le progrès industriel et agricole de nombreuses populations. On dit enfin, que les Belges ne devaient pas être divisés en deux catégories distinctes : les uns dotés d'un admirable instrument de progrès, d'une source inépuisable de prospérité et de richesses, les autres réduits à se servir de moyens de transport lents et coûteux, radicalement incompatibles avec les exigences impérieuses de l'industrie moderne.
Les trois chemins de fer dont je viens de parler furent donc construits, et bientôt des faits irrécusables vinrent prouver que les craintes conçues par le gouvernement avaient été mal fondées, pour ne pas dire chimériques. Au lieu de diminuer, les recettes de l'Etat suivirent une marche constamment ascendante.
Je suis bien persuadé que les faits se passeraient de même pour le chemin de fer direct de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. Je le suis d'autant plus qu'il est très facile de réfuter, dans le cas actuel, l'éternelle objection de la concurrence à faire aux lignes de l'Etat.
Le chemin de fer dont je m'occupe et dont on demande la concession présente une grande analogie avec celui dont l'Etat lui-même avait conçu le projet en 1832 et 1833. Après avoir commis la faute grave de choisir Malines pour point central, on voulait construire une ligne directe entre cette ville et Aix-la-Chapelle par Saint-Trond, Tongres et Visé. On sait pourquoi ce projet fut abandonné et remplacé par une voie plus longue et plus coûteuse se dirigeant vers Aix-la-Chapelle par Liège et Verviers ; mais on sait aussi qu'il était alors dans la pensée de tous que, plus tard, une voie ferrée plus courte et plus directe serait construite, pour rapprocher le centre de notre pays de Cologne et de l'Allemagne. C'est cette voie que nous venons aujourd'hui, après trente-cinq ans d'attente, recommander à l'examen impartial et bienveillant de M. le ministre des travaux publics.
Faut-il repousser cette demande, en lui opposant une prétendue lésion qu'éprouveraient les intérêts financiers de l'Etat ?
A mon avis, quand même cette lésion serait certaine et inévitable, le gouvernement n'aurait pas le droit, au moins en principe, de s'en prévaloir pour repousser une demande juste et raisonnable à tous égards.
Il y a quelques années, un congrès d'économistes se réunit à Hanovre, et les hommes les plus éminents de l'Allemagne en firent partie. On y discuta longuement la question de savoir si l'Etat est moralement obligé de concéder des lignes parallèles aux siennes. Après un débat brillant et approfondi, le congrès décida que « les chemins de fer étant avant tout des entreprises d'intérêt public, et les revenus qu'ils assurent aux capitaux étant peu de chose en présence des richesses qu'ils créent par l'accroissement d'activité industrielle qu'ils provoquent, l'Etat, tuteur et gardien des intérêts généraux, ne devait pas un instant hésiter à préférer ceux-ci à l'intérêt infiniment plus restreint du trésor public. »
Telle est, en effet, la réponse dictée à la fois par la raison et par la justice.
De quoi s'agit-il dans le cas actuel ?
Des populations nombreuses et actives sont arrêtées dans leur développement industriel et agricole. Ces populations s'élèvent à plus de 400,000 âmes. L'Etat pourra-t-il venir leur dire : « Le chemin de fer que vous réclamez transformerait votre territoire et doublerait vos richesses. Ce chemin de fer vous vaudrait des millions ; mais vous ne l'aurez pas, parce que, moi, gouvernement, je pourrais perdre quelques centaines de mille francs. »
Je suis bien certain que tel ne sera jamais le langage de l'honorable M. Wasseige.
Mais laissons de côté la question de principe et examinons le problème en fait.
La concurrence de la ligne nouvelle serait-elle tant à redouter pour le chemin de fer de l'Etat ?
Comparée à ce qui existe aujourd'hui, la nouvelle voie ferrée abrégerait de 30 kilomètres le parcours de Bruxelles à Aix-la-Chapelle.
Est-ce là un résultat tel que l'Etat devrait s'en alarmer ?
Evidemment non. Les craintes sont manifestement exagérées.
Nous savons tous que les voyages à longue distance forment une exception. Ils sont tellement rares que l'honorable M. Vanderstichelen s'est prévalu du fait pour modifier de fond en comble le tarif des voyageurs et celui des bagages. L'Etat ne peut donc pas faire de ce chef une perte bien considérable. D'ailleurs, ces voyages à longue distance ne lui échapperaient pas tous. Il conserverait, en tout cas, à partir de Malines, tous les voyageurs anglais et américains débarquant soit à Anvers, soit dans les ports du nord de la France, et se dirigeant de là vers l'Allemagne par Malines.
L'Etat ne perdrait donc jamais qu'une faible partie des parcours à longue distance. Pour le surplus, il conserverait le mouvement actuel, mouvement qui s'accroît d'année en année, au point d'entraver sérieusement le service. Il ne perdrait rien, absolument rien du trafic entre Ostende et Bruxelles, ni du trafic entre Bruxelles, Louvain, Liége et Verviers. En moins d'une année, la progression normale des transports suffirait pour lui faire récupérer et même dépasser le chiffre des recettes qu'il perçoit aujourd'hui, si tant est que la voie nouvelle doive momentanément les diminuer.
L'expérience du passé suffit ici pour écarter toute crainte au sujet de l'avenir.
L'Etat possédait d'abord le monopole des transports de Belgique vers l'Allemagne. Ce monopole, il ne sut et ne voulut pas le maintenir. A côté de ses propres voies, il a consenti, d'une part, à la création de la ligne d'Anvers à Cologne, par Aerschot, Diest, Hasselt et Maestricht ; d'autre part, à l'établissement de la ligne de Paris à Cologne, par Namur et Liège.
Qu'a-t-il perdu en concédant ces lignes, à peu près parallèles aux siennes ? Rien, absolument rien.
Nous en dirons autant d'autres lignes parallèles qu'il a concédées à une époque plus rapprochée, notamment celles des plateaux de Herve et de Hal à Ath.
Depuis plusieurs années, un grand nombre de concessions nouvelles n'ont eu d'autre but que de raccourcir les distances et de rectifier les lignes existantes.
Pourquoi ne ferait-on pas pour une communication directe entre Bruxelles et l'Allemagne, c'est-à-dire, en vue d'un immense intérêt public, ce qu'on a fait dans le seul but d'abréger les distances, de faciliter et de (page 1239) développer les communications entre des villes de second et de troisième ordre ?
Dans le cas dont j'ai l'honneur d'entretenir la Chambre, il s'agit, en effet, d'un intérêt public de premier ordre. Ainsi que je l'ai déjà dit, les populations riveraines du tracé que je recommande s'élèvent à près de 400,000 âmes. Qu'on me permette d'ajouter à ce chiffre éloquent quelques lignes d'un mémoire rédigé par M. le géomètre Poucet :
« Non seulement la distance des points extrêmes de la ligne (Bruxelles et Aix) serait diminuée de 30 kilomètres, mais les villes de Tirlemont, de Saint-Trond, de Tongres seront reliées directement à la capitale, dont elles seront singulièrement rapprochées. Il en sera de même de Hasselt, chef-lieu de la province de Limbourg.
Tandis qu'on emploie respectivement deux, trois et cinq heures pour se rendre de Tirlemont, de Saint-Trond, de Tongres à Bruxelles, on n'emploiera plus qu'une heure à une heure et demie sans compter les facilités provenant de correspondances directes et la différence de prix.
« Les cantons d'Aubel, de Dalhem, de Sichen, de Tongres, de Léau et de Tervueren, privés jusqu'à présent de voies ferrées, verront créer des débouchés aux produits de leur sol et de leur industrie et atteindront bientôt à un niveau de prospérité inconnu jusqu'à ce jour.
« Enfin la création probable d'une station nouvelle, commune avec la ligne projetée de Bruxelles à Mayence, dans l'un des principaux quartiers de la capitale, augmentera beaucoup l'importance de celle-ci et donnera à ses habitants de grandes facilités pour se porter rapidement d'un point à l'autre de leur populeuse cité. »
Nous formulons donc une demande justifiée à tous égards. Les populations séparées des voies ferrées, ou obligées de faire de longs détours sur les voies ferrées dont elles peuvent disposer, se trouvent dans une position d'infériorité qu'il n'est pas possible de nier. Entre elles et les populations mieux favorisées, il existe une inégalité choquante. La justice exige, le principe d'égalité, qu'on trouve à la base de toutes nos institutions, réclame que le gouvernement, dans la mesure du possible, les place toutes dans des conditions d'égalité.
L'honorable ministre des travaux publics est un administrateur prudent, je le sais ; mais il ne doit pas pousser cette prudence à l'excès. Il ne doit ici concevoir aucune crainte pour les recettes de la ligne de Bruxelles à Aix-la-Chapelle. Le chemin de fer projeté sera une source féconde de prospérité pour une partie considérable du pays, dont il accroîtra immédiatement la production agricole et industrielle. Or, l'honorable ministre sait, mieux que moi, que c'est surtout cette prospérité qui alimente les impôts et vient remplir, plus encore que les recettes des voies ferrées, les coffres du. trésor public.
M. Wouters. - Messieurs, si je prends l'un des premiers la parole dans la discussion générale du budget des travaux publics, c'est qu'il m'a paru qu'entre les réclamations et les demandes qui allaient être soumises à l'honorable chef de ce département, il en était une qui les primait toutes, en justice et en équité ; j'entends parler de l'agrandissement de la station de Louvain. C'est là un travail de nécessité première, sur l'urgence duquel chacun est parfaitement d'accord aujourd'hui.. Il y a longtemps que mes honorables collègues et moi, nous nous sommes faits les défenseurs de cette cause, et aujourd'hui qu'elle est gagnée devant l'opinion publique, j'en prends occasion pour demander à l'honorable M. Wasseige de réaliser enfin les promesses si formelles et si fréquemment réitérées qui nous ont été faites par ses honorables devanciers.
Ai-je besoin de rappeler les engagements qui ont été pris par l'honorable M. Vanderstichelen en 1866 et 1867, les assurances qui nous ont été données depuis, par l'honorable M. Jamar ? Invoquerai-je également les bienveillantes intentions que nous a manifestées l'honorable M. Jacobs pendant le court passage qu'il a fait a l'hôtel de la place Royale ?
Vous le voyez, messieurs, amis et adversaires politiques, gouvernement libéral et ministère catholique, tout le monde est d'accord pour avouer que l'état de choses dont nous nous plaignons nécessite de prompts changements. Et je puis le dire sans témérité, le jour, très prochain J'espère, où seront demandés à la Chambre les crédits pour cet objet, il ne s'élèvera pas une voix contre leur application ; chacun reconnaîtra que ces crédits sont justes ; et pour être tardivement accordés, ils n'en seront que mieux justifiés.
Pourrais-je, dès lors, craindre un instant de me voir refuser le concours de l'honorable M. Wasseige ?
Il connaît les longs et persévérants efforts de la députation de Louvain, la justice de notre cause lui est suffisamment démontrée ; à lui de mettre fin à nos griefs.
Déjà l'honorable ministre s'est prononcé dans ce sens. Je n'ai point perdu le souvenir des paroles qu'il a prononcées, dans la séance du 7 février dernier, alors que, sans y avoir été sollicité par aucun de nous, il a dit :
« La station de Louvain attend depuis longtemps une réparation, qui lui est certainement due et que je serai heureux de lui donner. »
Tout récemment encore, à la question qui lui fut posée par l'honorable et savant rapporteur de la section centrale, à savoir : si les études relatives à la construction d'une nouvelle gare couverte à Louvain et aux installations définitives à établir dans la station de cette ville étaient terminées, l'honorable ministre a répondu :
« Mon département pourra prochainement communiquer à l'administration communale le résultat des études qu'il a faites en vue de l'amélioration de la station de Louvain, en prenant pour base le déplacement du bâtiment des recettes et la suppression du passage à niveau de la route de Diest. »
Je remercie l'honorable ministre de cette déclaration ; je le remercie surtout d'avoir proposé une solution si conforme aux vrais intérêts de la ville de Louvain et aux réclamations que nous avons si souvent formulées dans cette enceinte.
Tout projet qui ne reposerait pas sur le déplacement du bâtiment des recettes n'aurait pour effet, en obviant à quelques inconvénients signalés, que de nous doter d'un nouveau provisoire et d'entraîner à des dépenses considérables et hors de toute proportion avec le but que l'on doit désirer atteindre.
Deux manières se présentent d'opérer ce déplacement. La première, indiquée par la situation, consisterait à reculer le bâtiment et à le reconstruire sur l'emplacement du jardin de la station, ce qui permettrait d'élargir les passages et de dégager les voies.
Dans la seconde, le bâtiment, tout en étant maintenu dans l'axe de la rue de la Station, serait avancé dans la direction du talus qui lui fait face. La réalisation de ce plan, qui nécessiterait l'achat d'une bande de terrain d'une quarantaine de mètres environ de profondeur, offrirait ce grand avantage de redresser toutes les courbes, que l'effacement du bâtiment vers la rue de la Station aurait pour effet d'accentuer encore davantage, et de doubler le nombre des voies de garage ; de plus, il rendrait disponible tant au sud qu'à l'est de la station tout le terrain nécessaire pour y établir dans de bonnes conditions et avec un abord facile la gare des marchandises, le hangar des bières et des spiritueux, dont l'installation est depuis si longtemps réclamée à Louvain, l'habitation du chef de station, les bureaux des employés subalternes du chemin de fer de l'Etat et du Grand Central, de même que celui du personnel de la douane ; un hangar pour remiser les locomotives, les voies spéciales pour le stationnement des voitures, en un mot, toutes les annexes indispensables au service.
On conçoit que je n'ai pas à me prononcer sur le mérite incontestable de ce plan, dû aux études d'un des fonctionnaires les plus distingués du département des travaux publics, puisque M. le ministre a promis de le soumettre à l'examen des membres de l'administration communale de Louvain ; je le prierai d'en adresser également une copie aux membres de la chambre de commerce, afin que toutes les observations puissent se produire en temps utile.
Le complément indispensable du travail d'agrandissement de la station de Louvain, c'est la suppression du passage à niveau de la porte de Diest ; ce passage, seul lien de communication entre la ville, le village populeux de Kessel-Loo, les localités avoisinantes et les ateliers du Grand-Central, est une source perpétuelle de dangers et d'accidents.
C'est l'exiguïté de ce passage qui, l'an dernier, a donné lieu à un conflit sur la voie entre un train de marchandises et un train de voyageurs stationnant dans la gare, et l'on se demande comment, en présence des difficultés du service, ces malheurs ne sont pas plus fréquents ?
Il y a longtemps que l'on a examiné les moyens d'arriver à cette suppression. Ici encore des plans et des devis ont été faits.
Le moins coûteux de ces projets, et qui remédierait à la situation en laissant toutes choses en état, consisterait à détourner la voie, à la reporter à 150 mètres en arrière sous le remblai du railway et à la faire communiquer ainsi, d'une part avec la chaussée de Diest, d'autre part avec la grande rue de la Station.
Je me permets de soumettre ce plan, qui se combinerait avec la démolition de la prison de la porte de Diest, devenue aujourd'hui sans emploi, à l'appréciation éclairée de M. le ministre.
Messieurs, je disais en commençant qu'il y a plusieurs années que la nécessité de ces travaux a été proclamée. Depuis lors, de nombreux millions ont été dépensés en travaux d'utilité publique de tous genres, et (page 1240) Louvain, malgré les promesses qui lui ont été faites, malgré les protestations énergiques et réitérées de ses mandataires, n'a rien obtenu.
L'an dernier encore, plus de 15 millions furent répartis en largesses sur le pays, et Louvain fut privée d'une légitime quote-part dans la distribution de ces faveurs. Alors qu'un grand nombre de nos collègues retournaient dans leurs arrondissements, heureux des avantages qu'ils avaient obtenus pour leurs concitoyens, seuls, ou à peu près seuls, les députés de Louvain revinrent les mains vides, mais je puis le dire aussi, la conscience tranquille, car il n'avait pas dépendu d'eux que le gouvernement ne les traitât sur le même pied d'égalité que leurs voisins.
Aussi est-ce une réparation, pour me servir de l'expression même de l'honorable M. Wasseige, est-ce une réparation que nous venons lui demander aujourd'hui ; c'est le payement d'une vieille dette, dont l'échéance n'a été que trop reculée.
En admettant que l'on mette de suite la main à l'œuvre, il faudra plusieurs années avant que le travail soit conduit à bonne fin.
J'espère donc, sans craindre cette fois d'être trompé dans mes espérances, que l'honorable ministre ne tardera pas à déposer un projet de loi tendant à obtenir de la législature des crédits pour divers travaux d'utilité publique, et que dans ces crédits figurera une allocation considérable pour la station de Louvain.
Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour dire à M. Wasseige que la population louvaniste a accueilli avec une satisfaction sincère la bonne nouvelle du prochain établissement, au centre de la ville, d'un bureau télégraphique à transmission directe, pour Bruxelles et au delà, qui permettra d'éviter de longs retards dans la remise des dépêches.
Je lui demanderai de ne pas borner là ses bienfaits et de nous doter également d'un bureau de petites marchandises, comme il en existe dans la plupart des grandes villes du pays. Ce bureau serait d'une installation peu coûteuse, et rendrait de grands services aux habitants.
J'ajouterai que la ville de Tirlemont se trouve dans une situation analogue à celle de Louvain, distante, comme cette dernière, de plus d'un kilomètre de la station ; il suit de là que les modifications que je viens d'indiquer y seraient d'une utilité incontestable.
Il importe de remarquer que dans l'acquisition qui a été faite il y a quelques années d'un bâtiment des postes, l'on a tenu compte de la convenance qu'il y aurait à y annexer dans l'avenir un bureau des petits paquets. Une proposition émanée de la direction des postes a même, je pense, été faite dans ce sens ; j'espère que l'honorable M. Wasseige ne verra nulle difficulté de réaliser une mesure qui sera reçue avec faveur et reconnaissance par le commerce de la seconde ville de notre arrondissement.
Un mot encore avant de me rasseoir.
L'honorable M. Thonissen vient de nous entretenir du chemin de fer projeté de Tirlemont à Diest ; je lui sais gré de me fournir ainsi l'occasion de remercier M. le ministre pour l'excellente réponse qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser dans une séance précédente.
Je m'en réfère d'ailleurs aux observations que j'ai présentées alors. Ce que je réclame de nouveau de son impartiale obligeance, c'est qu'il examine avec soin les diverses demandes de concessions qui ont été introduites, qu'il les soumette à une étude spéciale de la part des fonctionnaires de son département et qu'il se décide ensuite pour la solution qui lui paraîtra servir le mieux tous les intérêts engagés.
M. de Vrints. - Messieurs, la discussion du budget du ministère des travaux publics me donne l'occasion de traiter ici une question d'un intérêt majeur pour une partie très notable de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette Chambre.
Ce n'est pas seulement une question d'intérêt local qui me préoccupe ici, mais il s'agit bien plus du respect qu'on devrait avoir pour une convention signée par le gouvernement et par une compagnie de chemin de fer.
Vous comprenez déjà que je fais allusion à la compagnie du chemin de fer du Luxembourg et que je vais parler des griefs de la ville de Wavre.
Vous me permettrez, messieurs, de faire l'historique de cette affaire en quelques mots.
La loi du 18 juin 1846 fut reçue avec une vive satisfaction par un grand nombre de communes de l'arrondissement de Nivelles et par celles des arrondissements voisins.
Le réseau consistait, d'après les termes de ces concessions, en :
1° Un chemin de fer direct de Bruxelles à Wavre ;
2° Un chemin de fer direct de Wavre à Namur ;
3° Un chemin de fer direct de Louvain à Wavre ;
4° Un chemin de fer direct de Wavre à Charleroi, et
5° Un chemin de fer direct de Manage à Wavre.
On voit que c'est un réseau complet et que le texte est formel et précis.
Il est évident qu'il n'y a pas plus de chemin de fer direct de Bruxelles à Wavre que de Wavre à Namur, et que la gare centrale est à Ottignies à six kilomètres de distance.
Dans les discussions qui ont eu lieu à la Chambre des représentants pendant les années 1846, 1848 et même bien après, il a toujours été entendu, par tous les orateurs qui ont traité cette question, que Wavre serait le centre de tous ces chemins de fer.
Il est utile de citer ici que l'honorable député de Nivelles de cette époque, M. Jonet, défendit chaudement les droits de la ville de Wavre, dans la séance du 18 février 1848.
Il réclamait pour cette ville d'être reliée directement à la capitale, par la ligne principale du chemin de fer du Luxembourg.
M. Jonet présenta un amendement dans ce sens, et M. Frère-Orban, ministre des travaux publics de cette époque, déclara cet amendement inutile, puisque la demande de l'honorable député se trouvait formulée dans le texte même de la concession.
Je pourrais même joindre ici les paroles de M. le ministre :
« Messieurs, disait M. le ministre, je suivrai l'ordre des observations qui ont été présentées par les divers préopinants. Et d'abord, l'honorable M. Jonet, favorable au projet de loi, a demandé qu'on insérât dans la loi un amendement propre à faire disparaître l'équivoque qu'il croit remarquer dans le cahier des charges de la concession au profit de la compagnie du Luxembourg.
« Messieurs, il est très vrai qu'on s'est ému à Wavre de la crainte que le chemin de fer projeté ne vienne pas aboutir dans cette localité, et qu'il n'y ait pas de station en cet endroit.
« Plusieurs pétitions m'ont été remises dans ce sens. J'ai dès lors en occasion d'examiner la question qui a été soulevée par l'honorable M. Jonet ; et quant à moi, elle ne me paraît pas faire l'objet d'un doute sérieux.
« Il faut d'abord, pour bien connaître l'esprit de la convention, se référer à une convention antérieure, faite avec la compagnie de Louvain à la Sambre ; ces deux conventions sont corrélatives ; elles ont un point commun. Dans la convention faite avec la compagnie de Louvain à la Sambre, on lit ce qui suit :
« Le chemin de fer de Louvain à la Sambre prendra son origine à Louvain, aux abords de la porte du Canal, vis-à-vis des bassins, entre l'embranchement ferré appartenant à l'Etat et l'ancien mur d'enceinte. Le tracé, après avoir traversé une partie de la ville, dont il coupera le rempart entre la vieille porte de Bruxelles et le Voer, se développera sur la rive gauche de la Dyle jusqu'à la hauteur du château d'Heverlé ; après quoi il franchira cette rivière dont il suivra la rive droite jusqu'au-delà de Wavre, en passant par les communes de Vieux-Heverlé, Weert-Saint-George et Archennes ; de Waore, le tracé s'élèvera à l'ouest de la route de Bruxelles à Namur, sur le versant de la vallée de la Dyle, et atteindra Gembloux, en laissant à sa droite les communes de Blammont, Chastre et Ernage. »
« Ainsi, dans la convention faite avec la compagnie de Louvain à la Sambre, l'on a bien expressément déterminé le point de Wavre : c'est de Wavre que le tracé doit s'élever à l'ouest de la route de Bruxelles à Namur. Voilà un point fixe bien déterminé.<
« Dans la convention faite peu après avec la compagnie du Luxembourg sous la date du 13-20 février 1846, on s'est exprimé comme suit :
« Le chemin de fer du Luxembourg partira de Bruxelles. D'une station située au quartier Léopold, il se dirigera vers !e chemin de fer de Louvain à la Sambre, qu'il atteindra à Wavre et avec lequel il pourra, en outre, être relié au moyen d'un raccordement aboutissant à l'une des stations intermédiaires de la station de Wavre à Gembloux. »
« Il résulte manifestement de ces dispositions qui ne sont pas moins obligatoires pour les compagnies que pour le gouvernement, que la faculté de jonction réservée à la compagnie du Luxembourg, surabondamment, en outre, n'est pas exclusive de la stipulation principale qui exige d'une manière impérieuse, dans les deux cas que le chemin de fer de Louvain à la Sambre et le chemin de fer du Luxembourg atteignent le point déterminé de Wavre. Cela ne me paraît faire l'objet d'aucun doute.
« C'est en ce sens que les agents du gouvernement s'en sont expliqué, et dès lors l'amendement déposé par l'honorable M. Jouet est tout à fait inutile. La compagnie du Luxembourg n'a pas déposé de projet de plans pour la section de Genval à Wavre, par la raison que la compagnie de Louvain à la Sambre n'a pas déposé ses projets de plan pour la section de Gastuche à Wavre. Il faut, pour que la compagnie du Luxembourg dépose ses projets, que le projet de la compagnie de Louvain à la Sambre soit arrêté.
(page 1241) « Ces projets une fois soumis, il ne peut exister l'ombre d'un doute qu'on se maintiendra, sous tous les rapports, dans les termes exprès des conventions, et partant que c'est à Wavre, point indiqué, que passeront les deux chemins de fer que je viens d'indiquer. Sous ce rapport donc, je considère l'amendement comme étant entièrement inutile. »
Des ministres de différentes opinions politiques se sont succédé depuis cette loi et cette discussion.
Quant à la compagnie du Luxembourg, elle n'a aucunement rempli ses obligations, elle a agi comme si elle était indépendante de tout contrôle, et le résultat le plus clair de tout ceci est que les habitants de Wavre doivent, pour eux et pour l'expédition de leurs marchandises, faire un long détour pour atteindre soit Bruxelles, soit Namur.
L'inconvénient du transbordement à Ottignies augmente encore cette position fâcheuse.
Je regrette vivement ce manque d'énergie des pouvoirs publics à faire respecter la loi.
Les populations sont trompées par de belles promesses, et on ne donne que trop souvent de l'eau bénite de cour aux députés qui défendent les intérêts de leurs commettants.
Nous demandons avec la plus grande instance au gouvernement de nous dire s'il compte prendre des mesures efficaces pour obliger la compagnie du Luxembourg à remplir des obligations qu'elle a contractées librement et qu'il ne dépend pas d'elle de méconnaître.
Tout en réservant nos droits, je désire aussi savoir si le gouvernement est favorable à un projet d'un chemin de fer de Maestricht à liai passant par Braine-l'Alleud, Rixensart, Wavre et Jodoigne, etc., etc.
Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que la demande de concession de cette ligne passant par les centres les plus populeux du pays wallon donnerait grande satisfaction à de nombreux intérêts du Limbourg et du Brabant.
Ce projet améliorerait certainement la position industrielle de Wavre.
J'engage donc M. le ministre à perdre une résolution favorable à nos intérêts et à nos droits.
M. de Zerezo de Tejada. - Messieurs, de même que mon honorable collègue et ami, M. Nothomb, je viens, dans la discussion du budget qui nous occupe, signaler quelques travaux qui, tout en intéressant la province d'Anvers en général, se rapportent particulièrement à l'arrondissement de Turnhout, et j'espère que la Chambre ainsi que le gouvernement accueilleront favorablement les vœux que j'exprimerai à ce sujet.
Comme, dans les sessions antérieures, j'ai longuement parlé de ces mêmes travaux ; comme j'ai fait valoir les nombreux arguments qui militent en leur faveur et ai exposé les puissants motifs qui l'ont désirer leur exécution, je ne ferai plus aujourd'hui de ces questions l'objet d'un examen détaillé, et je les traiterai aussi sommairement que possible.
J'appellerai tout d'abord l'attention du gouvernement sur le canal de Turnhout à Anvers.
On a procédé, le 6 juin 1869, à l'adjudication publique de l'entreprise des travaux de construction de la deuxième section de ce canal, qui commence dans la commune de Saint-Léonard pour aboutir à celle de Saint-Job in 't Goor.
Je crois qu'il serait extrêmement désirable et opportun que la troisième et dernière section, qui compte une longueur d'environ 8,000 mètres, fût exécutée le plus tôt possible. A ce que l'on m'assure, presque toutes les emprises sont faites et il ne manque plus que les crédits nécessaires pour mener à bonne fin ce grand et utile travail.
Tant qu'il ne sera point parachevé, les sacrifices d'argent considérables auxquels le gouvernement a consenti, pour la construction des deux premières sections, resteront sans résultat. L'argent dépensé ne deviendra productif que lorsque la voie d'eau dont je vous parle ne constituera plus une simple impasse, mais reliera directement la Campine à la ville d'Anvers, notre métropole commerciale.
Il est donc de l'intérêt de tous, de l'Etat comme des populations riveraines, que ce canal soit terminé dans un bref délai.
Pour ce qui concerne la Grande-Nèthe, j'ai lu attentivement la réponse faite par mon honorable ami, M. le ministre des travaux publics, à la question qui lui a été posée par la section centrale relativement à la répartition des barrages à établir sur cette rivière.
Il semble résulter de la communication transmise dans cette circonstance par l'honorable ministre que l'avant-projet présenté à son département pour l'amélioration du régime de la Grande Nèthe est adopté en principe, à la différence des études fournies antérieurement sur le même objet, qui donnaient toujours lieu à de nombreuses objections et qui partant n'aboutissaient jamais. Nous pouvons donc espérer raisonnablement que nous approchons cette fois d'une solution.
SI cette hypothèse est fondée, comme je l'espère bien, j'en remercie et j'en félicite l'honorable M. Wasseige, d'autant plus qu'il s'agit ici de la réparation d'un véritable déni de justice.
En effet, lorsque, dans la session de 1869-1870, le gouvernement a demandé à la législature et en a obtenu sur les crédits spéciaux à concurrence de 15,595,500 francs, une somme de 400,000 francs pour travaux à effectuer à l'Yser et n'a pas sollicité en même temps le moindre subside pour la Grande-Nèthe, il a eu évidemment deux poids et deux mesures, et il s'est montré trop exclusif, comme on le lui a reproché avec raison.
Jusqu'à ce moment, les deux rivières, l'Yser et la Grande-Nèthe, s'étaient toujours trouvées placées sur la même ligne et avaient marché de pair.
Ensemble elles avaient été reprises pour le compte de l'Etat par la loi budgétaire du 1er janvier 1854, ensemble elles figuraient dans la loi du 8 mai 1858, qui accepte les offres de concours présentées par la province, les communes riveraines et les propriétaires intéressés, relativement aux dépenses nécessaires pour améliorer le régime de ces cours d'eau. Mais, dans la session précédente, on changea complètement de système et les deux rivières restèrent si peu sur le même pied que l'Yser obtint, sans difficulté aucune, une allocation importante dont je vous ai cité le chiffre, tandis que pour la Grande-Nèthe on ne daigna pas même nous laisser espérer un crédit éventuel. A mes réclamations et à celles de mon honorable collègue, M. Coomans, on répondit par une fin de non-recevoir et tout fut dit.
Il est donc de mon droit comme de mon devoir de demander que l'on fasse aujourd'hui pour la Grande-Nèthe ce qui a été effectué pour l'Yser, et que, sur ce point, l'on rétablisse l'équilibre rompu l'année dernière.
Depuis longtemps les populations intéressées, qui ont d'ailleurs fait pour cet objet des sacrifices d'argent, attendent une satisfaction. J'espère qu'elles l'obtiendront dans un avenir très prochain.
Je l'espère d'autant plus que j'ai lu dans le rapport de la section centrale que le gouvernement va procéder à un commencement d'exécution des ponts-barrages que nous sollicitons, puisque celui de Zoerle-Parwys va être l'objet de la rédaction d'un projet définitif, conformément à la proposition du comité permanent consultatif.
Je prie donc l'honorable ministre des travaux publics de vouloir bien demander le plus tôt possible à la législature un crédit spécial pour la construction des six barrages sur la Grande-Nèthe, destinés à améliorer la navigabilité de cette rivière et à permettre les irrigations.
Comme peu de jours se sont écoulés, messieurs, depuis que j'ai eu l'honneur de vous entretenir d'une question vitale pour la Campine, c'est-à-dire de celle des chemins de fer, indispensables à sa prospérité ; que d'ailleurs mon honorable collègue, M. Nothomb, vient de vous en parler pendant cette séance, je ne présenterai pas, en ce moment, de nouvelles considérations à ce sujet. Toutefois, je profiterai de cette occasion pour remercier M. le ministre des travaux publics des paroles si obligeantes qu'il a bien voulu m'adresser dans la séance du 5 mai et que mon arrondissement a accueillies avec une grande satisfaction, parce qu'elles lui l'ont espérer que l’honorable M. Wasseige compte prendre ses intérêts à cœur.
Il ne me reste donc plus, messieurs, qu'à dire un mot en faveur de la Petite-Nèthe et à recommander cette rivière à la sollicitude du gouvernement.
Dans la vallée qu'elle arrose en amont d'Herenthals, se trouve une grande étendue de prairies devenues marécageuses et presque improductives à la suite, des inondations et dont il serait facile de tripler la valeur au moyen de travaux d'approfondissement. d'endiguement et de rectification peu coûteux, qui modifieraient considérablement le régime de la Petite-Nèthe, dont le lit est aujourd'hui tellement défectueux qu'il ne suffit pas à contenir ses propres eaux et celles de ses affluents. A plus forte raison, doit-elle déborder lorsqu'on y déverse périodiquement celles du canal de la Campine pour en opérer le curage.
Je conçois fort bien que le gouvernement utilise cette rivière dans ce but, puisque, côtoyant le canal sur tout son parcours et se trouvant dans une situation plus déclive que ce dernier, elle est admirablement placée pour lui servir de décharge, mais on ne peut nier que l'Etat est responsable des dégâts occasionnés par une surabondance des eaux provoquée par son fait, et que, par conséquent, le devoir lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour prévenir de semblables désastres. La même réflexion s'applique à la partie non navigable de la Grande-Nèthe, qui, elle aussi, subit des inconvénients analogues à ceux que je viens de signaler et au sujet desquels les habitants de la commune de Gheel viennent récemment d’adresse des réclamations à M. le ministre.
(page 1242) Pour concilier donc toutes les exigences et sauvegarder tous les droits, à conviendrait, messieurs, que le gouvernement, comme le lui a proposé la députation permanente d'Anvers, se chargeât d'effectuer à ses frais les travaux nécessaires à la Pelite-Nèthe avec l'intervention de la province, des communes et des propriétaires riverains. On pourrait insérer dans la loi budgétaire des travaux publics un article dans ce sens, qui fixerait un premier subside et stipulerait en même temps le concours des intéressés.
Comme la Petite-Nèthe a fait l'objet d'une étude, qu'un plan d'amélioration de cette rivière est élaboré, que le montant des dépenses est connu, l'instruction de cette affaire peut être terminée en fort peu de temps.
Je soumets ce point à la bienveillante appréciation de l'honorable ministre des travaux publics.
M. de Baets. - Je vous demande pardon, messieurs, si je reviens à la charge pour recommander itérativement aux Chambres et au gouvernement les intérêts de notre ville, qui demandent de prompts et d'énergiques remèdes pour relever notre commerce et notre industrie de l'état de prostration où ils se trouvent.
Lorsque j'entends un de. nos plus populaires poètes dire, dans son admirable trilogie sur les trois grandes cités flamandes, en parlant de Gand :
« Gij zijt niet meer
« Gelijk weleer
« De trotsche wereldstad die koningen deed beven »,
je suis obligé de constater avec lui une triste réalité, car notre bonne ville de Gand, qui s'appelait encore, il y a quelques années, la seconde ville du royaume, reste stationnaire, tandis qu'autour d'elle les circonstances politiques ont fait de Bruxelles une grande capitale, qu'Anvers s'avance rapidement vers de grandes destinées, pourvu que les entraves militaires ne l'arrêtent pas ; que Saint-Nicolas, Courtrai et Roulers voient tous les jours leur prospérité se développer. Gand ne dépérit pas, mais Gand n'avance pas dans la mesure de son droit, et je lui dis d'autant plus volontiers avec le poète :
« En toch, noch nu
« Bemin ik u
“O Gend, gelijk een spruit van adelijken bloede. »
Et je le lui redis d'autant plus volontiers que je ne vénère pas seulement en elle les souvenirs d'une grandeur passée, d'un ancien temple des arts, du forum de la liberté communale, mais aussi le berceau certain de la renaissance de notre cité à une vie nouvelle où les prodiges des temps modernes ne feront pas disparate avec les monuments des temps passés.
Débarrassez la chrysalide de ses enveloppes et elle resplendira radieuse de nouveau au milieu de la pléiade des grandes cités de notre petit pays.
Et ne croyez pas, messieurs, que lorsque nous venons reconquérir notre place au soleil commun de la patrie, nous soyons mus par un vil sentiment de rancune ou de jalousie : les temps sont passés où Montaigne posait en axiome que
« Le doumage de l'un est le profict de l'autre. »
Des idées plus larges se sont fait jour dans les lois économiques, et Béranger le sentait d'instinct quand il disait :
« Aux échanges l'homme s'exerce,
« Mais l'impôt barre le chemin. »
Les entraves, les obstacles, les rivalités et les jalousies ne vivifient pas, elles tuent. Et juste, comme Liverpool, Leeds, Birmingham et Manchester ne tuent pas Londres et ne sont pas tués par la grande cité, la splendeur d'Anvers rejaillira sur Gand, la richesse de Gand enrichira Anvers : les charbonnages, les hauts fourneaux, le Hainaut, Namur et le Luxembourg ont leurs intérêts étroitement liés aux nôtres.
Aussi quand la Chambre partagera la conviction intime des Gantois que Gand doit être sauvé parce qu'elle peut être sauvée (conviction que le gouvernement partage), vous n'hésiterez pas un instant à nous prêter votre concours énergique pour l'exécution de tous les travaux nécessaires, et ils ne sont pas même considérables. De notre côté, nous n'hésiterons pas à vous prêter, sans marchander, notre concours pour tous les travaux utiles que réclament nos cités rivales, comme on disait autrefois, nos cités sœurs, comme nous le disons maintenant.
Ici cependant, messieurs, je dois faire une réserve formelle (et je n'entends engager en aucune manière la responsabilité de mes honorables collègues), je déclare que j'entends, pour ma part, me réserver le droit d'examiner sévèrement les propositions de dépenses et de charges militaires nouvelles que de certaines rumeurs nous annoncent comme prochaines. Et je profite de l'occasion pour dire, entre parenthèses, que je proteste contre ceux qui induisent d'un vote contre certaines dépenses militaires, voire même contre le budget, que nous sommes ennemis de l'armée. Je déclare au contraire que j'aurais volontiers accordé une large part des millions, que l'on a jetés autour d'Anvers, pour améliorer la position des officiers en fonctions et des officiers pensionnés. Je prends acte de cette déclaration. Les développements ne seraient pas bien placés ici, ils trouveront leur place en lieu et temps opportuns.
J'avais l'honneur de vous dire, messieurs, que Gand doit être sauvée parce qu'elle peut l'être. Je ne répéterai pas les preuves que j'ai apportées à cet égard dans une précédente séance. Je me bornerai à y ajouter quelques considérations nouvelles.
Les exemples valent quelquefois des démonstrations, vous me permettrez d'en citer quelques-uns. J'entends dès à présent l'objection : Si parva licet componere magnis. J'estime que quelques instants de réflexion non prévenue écarteront l'objection d'autant plus que je ne veux appliquer à Gand le bénéfice des exemples que dans la mesure de l'importance respective et des lieux et des travaux.
Lorsqu'un cultivateur trouve que ce que nous appelons en Flandre un ou une heule ou duff le gêne pour l'écoulement des eaux, il coupe l'obstacle ; si au contraire l'eau empêche ou rend difficile l'accès de ses terres, il met un ponceau, voire même une planche.
M. Ferdinand de Lesseps, reprenant l'idée du roi d'Egypte, supprime l'isthme de Suez qui s'interposait entre l'Orient et l'Occident ; vous n'oseriez pas plus calculer les conséquences de ce travail, que les honorables ministres d'Etat, MM. Rogier et de Theux, n'auraient osé supposer les conséquences de l'établissement du railway que la Belgique inaugura la première sur le continent.
Il n'a pas suffi aux infatigables Américains du chemin de fer de Panama pour relier par une voie rapide le Pacifique avec l'océan Atlantique. Time is money, se sont-ils dit, et une grande merveille est venue s'ajouter à toutes leurs merveilles. Les innombrables villes de l'Est, dont plusieurs, il y a cent ans, n'existaient pas ou étaient de petits villages, envoient leurs marchandises et leurs voyageurs à San-Francisco dans le même temps que nous menions, il y a un demi-siècle, à nous rendre à Paris. Et cependant il y avait à franchir là un espace énorme, à sauter à pieds joints sur des fleuves immenses et rapides, à traverser l'immensité des forêts et des savanes, à faire bonne garde contre les Indiens, à grimper sur les montagnes Rocheuses dont nos collines belges ne sont que des miniatures. Un voyage par l'Océan, l'Amérique, le Pacifique et la Chine ne sera bientôt plus qu'une excursion de plaisir, pendant laquelle l'électricité prendra et vous remettra votre correspondance journalière avec ceux que vous laissez à quelques mille lieues derrière vous.
Descendons à des travaux de dimensions moins colossales, mais plus rapprochés, et dont nous constaterons d'ici les résultats.
Voyez ce qu'a fait l'Angleterre pour rapprocher les grandes villes de sa côte occidentale, Liverpool, Manchester, Sheffield, etc., des ports de Hull, de Goole, etc., et établir ainsi une communication directe entre la mer du Nord et les ports belges, hollandais et allemands.
Amsterdam sentait le Zuiderzee lui échapper par l'envasement. Bien vite le canal du Nord est décrété : cela ne suffit pas il lui faut la Hollande op zijn smalst.
Et nous, messieurs, nous sommes assis au confluent de l'Escaut, qui nous met en contact d'un côté avec le Hainaut et la France, de l'autre côté avec Anvers ; de la Lys, qui nous mène, par Courtrai, encore dans le Nord de la France ; du canal de Bruges, qui nous conduit par cette ville à Ostende et à la mer. Je ne fais que rappeler pour mémoire les affluents principaux de ces voies navigables : la Dendre, le canal de Schipdonck, la Lieve, le canal de Nieuport, etc., etc. Nous avons 120,000 habitants, nous sommes incontestablement la première ville du pays pour les industries cotonnière et linière, et nous devrions être en outre le grand dépôt des matières premières qui servent à ces industries.
Nous avons un canal à petite section qui nous conduit jusqu'à la frontière néerlandaise : cela fait à peu près 20 kilomètres.
A quelques pas de là, au Sas, commence un canal à grande section maritime qui conduit, à travers quinze kilomètres, au port et à la rade magnifique de Terneuzen sur l'Escaut, c'est-à-dire à la mer.
Donc pour permettre aux navires de grand tonnage qui peuvent arriver à Terneuzen et jusqu'à l'écluse du Sas à Gand, il faut élargir et approfondir une section de 20 kilomètres, dans un terrain entièrement uni et sablonneux, c'est-à-dire qu'il faut pour ce travail une bêche, une pompe et de la bonne volonté.
Nous sommes certains de la bonne volonté du gouvernement belge, de toute la sympathie de la Hollande, nous comptons fermement sur la vôtre ; avec cela le reste suivra.
(page 1245) Et ici, messieurs, permettez-moi de rencontrer deux objections que j'ai entendu formuler, bien entendu en dehors de cette enceinte. On dit d’abord : Vous n'avez pas assez de navigation pour faire un grand canal.
Je réponds : Donc il ne fallait pas faire des chemins de fer, parce que les diligences ne transportaient pas assez de voyageurs ; donc il ne fallait pas donner à Alost, ville qui se développe si bien, et où le chemin de fer fait de magnifiques recettes, un chemin de fer parce que la carriole d'Auweghem était quelquefois sans voyageurs.
On dit, d'autre part, et maintenant c'est une objection en sens inverse : Les Anversois vous combattront, vous ne réussirez pas, parce que vous tendez à les détrôner.
Celte objection n'est pas plus sérieuse : j'y ai déjà répondu en partie, ajoutant que tant que la belle cité anversoise se mirera dans l'Escaut, libre et dégagée d'entraves, on ne lui ravira pas son sceptre, et que la richesse de ses sœurs ne fera qu'ajouter de nouveaux fleurons à sa belle couronne.
Nous nous contentons pour notre ville, comme ville maritime, d'un rôle plus modeste ; mais nous demandons qu'on lui donne ce qui lui revient comme ville maritime, pour que, comme ville industrielle, elle puisse prendre la position qui sera une splendeur de plus pour elle, pour Anvers, pour Charleroi, Liége et la Belgique entière.
Nous n'entendons pas devenir un entrepôt d'exportation et de réexportation pour le monde entier. Nous voulons, et nous y avons droit, devenir une ruche industrielle et commerciale, où nos voisins apporteront le concours de leur activité spéciale pour recueillir avec nous leur part de bénéfices. Nous ne sommes pas outillés, permettez-moi l'expression, pour écraser Anvers, et quand nous léserions, Gand ne tuerait pas plus Anvers que Rotterdam ne tue Amsterdam. Il y a des circonstances extrinsèques, des cas de force majeure, la guerre, l'embastillement à outrance, les traités politiques qui coupent les chemins et qui tarissent les sources : ces circonstances-là tuent ou énervent pour longtemps ; l'histoire de nos provinces le prouve malheureusement à toute évidence.
Et maintenant, messieurs, sommes-nous comme les anguilles de Melun qui crient avant qu'on les écorche ; ou sommes-nous comme la cigale qui t'en allait, quand la bise fut venue, crier famine chez la fourmi sa voisine pour avoir chanté tout l'été ?
A ce dernier point je réponds : Voyez dans Rapsaet les efforts énergiques que les Gantois ont faits à travers les siècles pour avoir un accès direct à la mer.
A la première question je réponds : Si nous avions à Gand un sas de la même section que celui du sas à Terneuzen, nous recevrions directement du port d'expédition tout ce dont a besoin la consommation locale, nous pourrions réexpédier par la même voie une grande partie de nos produits. Je vous cite un exemple : Lorsque après le traité de 1839 la Hollande a ouvert le canal et qu'on l'a ensuite approfondi quelque peu, les Américains nous ont immédiatement expédié quelques navires chargés de coton : je me rappelle bien avoir vu dans nos bassins le Magellan, le Calcutta et d'autres.
L'expérience était bien vite faite, ils n'avaient pas assez d'eau sous les navires, pas assez d'espace à côté, pas de quai commode pour le déchargeaient et ils ne sont pas revenus.
Or, quelle est notre consommation annuelle de coton en laine ?
Je n'ai pas voulu me fier à mes recherches personnelles, et j'ai demandé des renseignements à l'honorable secrétaire de notre chambre de commerce, M. l'avocat Groverman, et voici les chiffres qu'il a bien voulu me donner en ce qui concerne ce point. Je saisis l'occasion de le remercier de l'empressement qu'il met, lui et les honorables présidents et membres de la chambre de commerce et du cercle commercial, de l'ardeur incessante qu'ils mettent à la défense de nos intérêts.
De ces chiffres il résulte que la ville de Gand consomme annuellement 12 à 13 millions de kilogrammes de coton en laine.
Le fret de Liverpool à Gand par steamer de 200 à 300 tonneaux, et en partie par chemin de fer, s'élève, pour le coton, à 44 francs les mille kilogrammes.
Par contre, à Anvers, où l'on peut recevoir directement des vapeurs de 800 à 1,000 tonneaux, le fret de la tonne (1015 kilog.) de Liverpool à Anvers n'est que de 25 francs, différence 19 francs la tonne.
Par le même motif, le fret de Gand à Londres est de 12 shillings la tonne, soit 15 francs, tandis qu'il n'est que de 7 fr. 50 c. soit 6 shillings sur Anvers. Beaucoup de coton des Indes nous vient de Londres.
Je vous indique ces chiffres, calculez le résultat du système.
J'ai pris un exemple entre plusieurs. Je pourrais vous dire ce que nous perdons en ce qui concerne le bois, le pétrole, le guano. Inutile tous indiquer les conséquences qui résultent de cet état de choses sur l'ensemble général de notre situation pour la grande industrie, le haut commerce, la finance, pour la bourgeoisie et la classe ouvrière.
Je me résume en disant : II nous faut le canal à grande section, il nous faut les bassins. C'est pour Gand la question to be or not to be. Vous ne permettrez pas, et nous ne voulons pas que la ville de Gand glisse vers sa perte. Si un jour le mouvement descensionnel était devenu trop rapide, il n'y aurait plus moyen de l'arrêter.
Maintenant, messieurs, au point de vue technique, permettez quelques réflexions à un profane et laissez-lui constater quelques faits.
Dans plusieurs provinces néerlandaises, ce qui manque surtout, c'est la terre, c'est le sable : citons la Zélande et la Hollande proprement dite ; ce qui y abonde et surabonde, c'est l'eau. Nos voisins du Nord se préoccupent certainement et toujours de cette situation singulière et anomale que la nature leur a faite. Mais ils envisagent les difficultés en face et le terrain qu'ils ont conquis, pied par pied, sur la mer et aux fleuves, ils le défendent et le récupèrent patiemment et énergiquement jusqu'à ce que l'obstination de leurs efforts leur ait fait atteindre le but. Ils trouvent polder par polder dans les vases déposées par les fleuves envahisseurs de quoi museler ces ennemis.
Le Haarlemmeer devenait sournoisement menaçant contre Haarlem et même contre Amsterdam ; ils ont jeté le lac par-dessus bord dans la mer du Nord et construit des fermes magnifiques là où voguaient les navires il y a quelques années.
Ils ont rendu la tranquillité à deux grandes villes et rendu 18,000 hectares à la culture.
Le Zuiderzee n'échappera probablement pas à son arrêt de mort et cette petite mer deviendra probablement dans un avenir prochain un polder que Pierre le Gand contemplerait certes avec un certain étonnement quoiqu'il ait également jeté les fondations de Saint-Pétersbourg, dans les marais de la Néva.
Eh bien, messieurs, c'est, me semble-t-il, un singulier contraste de ne savoir ni utiliser nos sables, ni nous débarrasser de nos eaux. Nous manquons d'eau dans le bassin de l'Escaut et dans le canal, et quelque pénurie qu'il y en ait, nous en laissons encore absorber des quantités prodigieuses par la grande crique appelé Axelsche Vlakte qu'aucun barrage ne sépare du canal.
Si la Hollande avait un intérêt à faire le barrage, il eut été fait depuis longtemps. Nous qui avons un grand intérêt à le faire et qui y sommes autorisés par des conventions internationales, nous avons, à une lieue et demie de là, une vaste saisonnière que le canal et deux chemins de fer traversent, nous ne faisons pas de barrage qui ne demanderait pas plus d'art ni de labeur que la construction d'un petit bout de terrassement pour un railway.
Mais du côté du canal nous laissons croupir les eaux dans les polders d'Assenede et de Bouchaute, et au lieu de rendre un grand nombre d'hectares à la culture nous laissons régner la fièvre. Eh bien, si vous ne pouvez pas chasser directement ce eaux malfaisantes vers la mer, mettez une machine d'épuisement sur la berge à l'extrême frontière, et déversez les eaux dans le canal, qui en a grand besoin.
En Hollande on est allé jusqu'à étayer (si je puis parler ainsi) les machines d'épuisement pour déverser dans les rivières ayant un niveau d'eau beaucoup plus élevé que les prairies et les polders. Pourquoi serait-il plus difficile d'élever les eaux à quelques mètres que de faire monter un convoi sur le plan incliné d'Ans ?
Je livre ces réflexions pour ce qu'elles valent à l'honorable ministre des travaux publics et à l'honorable ministre de l'intérieur qui représentent l'arrondissement de la Flandre orientale où se trouvent les communes que je viens de citer,
Mais, je le répète, allons, en fait de travaux hydrauliques, prendre des leçons chez nos voisins qui sont devenus experts par nécessité, et osons quelque chose quand nous les voyons combler l'immense Escaut oriental et le Sloe et faire rouler la locomotive triomphante là où l'on vit naguère circuler les bateaux à vapeur.
J'ai une autre observation ou plutôt une énergique protestation à faire contre un projet que l'on prête au gouvernement. Je vous disais : Nous devons ménager les eaux du bassin de l'Escaut et de la Lys avec une parcimonie extrême, et nous laissons dépenser inutilement des quantités importantes dans l'Axelsche-Vlakie, en même temps qu'on laisse sur la gauche croupir l'eau dans les criques. Il ne s'agirait de rien moins que d'enlever au canal des affluents très considérables qui viennent s'y (page 1244) déverser. Je veux parler des diverses branches du Burggravenstroom et de la Goule, etc., que l'on ferait tout bonnement passer par un siphon sous le canal de Terneuzen pour les déverser dans le Morvaert, dont le niveau est plus bas que celui du canal de Terneuzen.
J'ai contre ce projet à faire valoir trois objections dont le gouvernement comprendra certainement l'importance.
Lorsque je dis et je répète : le canal manque d'eau, il est évident que je ne puis consentir à ce que l'on fasse une inutile et large saignée. C'est ma première objection.
En second lieu, et ceci concerne plusieurs communes très importantes de mon district et de celui d'Eecloo, je ne puis consentir à ce que l'on supprime de gaieté de cœur plusieurs voies navigables, et que l'on empêche l'extension de cette navigation, ce qui pourrait se faire moyennant des frais très minimes.
Je vous ai démontré, dans une séance précédente, qu'avec des travaux insignifiants on pouvait rétablir la navigation entre toute la Flandre occidentale et Anvers en passant par Eecloo. Pour quiconque connaît les localités, cela crève l'œil. La construction d'un siphon inutile supprimerait la navigation qui existe et rendrait à plus forte raison toute extension impossible.
Enfin, messieurs, ce travail compromettrait gravement les intérêts agricoles de plusieurs communes. Toute la zone sablonneuse qui s'étend entre Heydinge, Ertvelde, Oost-Eccloo, Waerschoot, Lembeke et Eecloo, serait impropre a toute culture, deviendrait un désert si on y enlevait l'eau dont elle manque toujours,
Au lieu de faire ce travail qui ne ferait que du mal, élargissez le Burggravenstroom, augmentez les voies de communication entre les deux rives, coupez les voûtles trop basses et remplacez-les par des longerons en fer, ouvrez à toutes les branches de cet important cours d'eau un large accès au canal du Sas, de Schipdonck et de Bruges, et vous aurez à peu de frais fait une œuvre vivifiante, au lieu d’une œuvre coûteuse qui ne ferait que détruire.
Le Moervaert, lui, n'a pas besoin de s'alimenter des eaux du Burggravenstroom. Il a sa large prise d'eau dans le canal de Terneuzen.
Je finis, messieurs, en disant merci à l'honorable ministre des travaux publics, qui pousse énergiquement à l'achèvement du chemin de fer de ceinture. J'espère qu'il ne s'arrêtera pas au tracé actuel et qu'il raccordera cette importante voie à la ligne de Bruges. L'utilité et la nécessité n'en sont pas discutables.
Je remercie également le. cabinet pour l'accueil bienveillant qui a été fait aux justes réclamations du commerce de Gand, et j'espère que nous aurons, dans un délai rapproché, notre canal et nos bassins nouveaux.
L'avenir et le salut de notre ville en dépendent.
Je réserverai pour les discussions des articles les observations qua j'ai a présenter, entre autres relativement au service des malles-postes entra Ostende et Douvres, à la voirie, au service des rivières et à l'administration des postes et télégraphes.
(page 1277) M. Brasseur. - Je rentre dans la discussion générale.
A l'occasion du budget des travaux publics, je me propose de traiter un certain nombre de questions qui touchent aux problèmes les plus graves que puissent soulever les entreprises de chemins de fer.
Je pense que dans l'administration des travaux publics il y a des réformes à introduire. Ce n'est pas que j'entende faire peser sur l'honorable ministre actuel la responsabilité des fautes qui ont été commises. Non ; ces fautes datent déjà d'assez loin. Je ne puis qu'en recommander le redressement à la bienveillante sollicitude du gouvernement.
Mais au préalable et avant d'entrer en matière, permettez-moi de faire une observation de détail, une observation purement administrative : je veux parler de l'âge auquel on est exclu des fonctions au ministère des travaux publics.
Le croiriez-vous, messieurs ? à l'âge de 25 ans, personne ne peut plus entrer dans l'administration centrale des travaux publics ; à 25 ans, c'est-à-dire quand l'homme acquiert sa majorité politique !
Ainsi un docteur en sciences politiques et administratives, qui aurait 25 ans - et il arrive souvent qu'on ne termine ses études qu'à cet âge - et qui voudrait entrer au département des travaux publics pour y faire une carrière, se verrait impitoyablement repoussé par cette administration pour cause d'âge !
Oh ! je sais bien qu'il faut certaines conditions de capacité pour obtenir n'importe quelles fonctions publiques, mais ce que je ne comprends pas et ce que je n'admets pas, c'est que l'âge soit une des causes d'exclusion de ces fonctions. J'ai toujours pensé, qu'en vertu de notre Constitution, tous les Belges étaient également admissibles aux fonctions publiques.
Je me suis demandé ce qui peut avoir provoqué cette mesure incroyable. Je suis allé aux renseignements et voici la réponse que j'ai obtenue :
On m'a dit que pour certains emplois il faut de petits commis bien dociles, qu'il faut prendre des hommes jeunes, des jeunes gens de 17 à 25 ans, afin de pouvoir les dresser et les styler au métier.
Eh bien, messieurs, s'il est vrai de dire que vous pétrissez une pâte molle, que vous formez un bon petit employé en prenant le fonctionnaire à l'âge où son caractère n'offre encore aucune résistance, il n'est pas moins vrai de dire aussi que vous formez ainsi un personnel sans expérience et sans connaissances.
N'oubliez pas que ces mêmes petits commis deviennent plus tard des chefs de bureau, puis des chefs de division, des sous-directeurs, des directeurs, des directeurs généraux, de sorte qu'en somme votre système a cet inconvénient de vous donner un personnel dont le développement intellectuel laisse évidemment à désirer.
Mais à supposer que vous ayez raison et que, pour certaines fonctions publiques, il faille entrer jeune, je veux bien l'admettre, ce n'est pas un motif pour exclure en général et en principe toutes les personnes âgées de 25 ans. Admettez tout le monde à l'examen : après coup vous avez encore la faculté de choisir parmi les candidats capables celui qui convient le mieux à la fonction. Si pour un emploi spécial il faut un jeune homme, soit, donnez-lui la préférence ; mais à coup sûr le jeune âge n'est pas une nécessité pour toutes les fonctions administratives du département des travaux publics. Eh bien, tout ce que je demande, c'est que le gouvernement n'érige pas en principe absolu et général ce qui devrait être tout au plus l'exception.
Je vous demande de rendre en principe les fonctions accessibles à tous ceux qui sont capables.
Un second motif que l'on a allégué, c'est celui des pensions. Si, dit-on, nous prenons des hommes ayant dépassé un certain âge, nous aurons à servir des pensions élevées au bout d'un petit nombre d'années.
Franchement, messieurs, je ne comprends pas cette observation.
Un homme qui entre à trente ans dans l'administration et qui est pensionné vingt ans après ne reçoit qu'une pension proportionnée à la durée de ses services ; il ne peut obtenir plus que ne lui attribue la loi des pensions : le trésor public ne subit donc aucune perte.
Voilà, messieurs, une question de détail que je soumets à l'appréciation de l'honorable ministre des travaux publics.
Je suis convaincu qu'il s'empressera d'abolir une mesure qui est incompatible avec l'esprit de notre Constitution.
J'aborde maintenant un ordre d'idées plus élevé et qui présente un caractère d'intérêt général. J'examinerai d'abord l'exploitation de nos chemins de fer au point de vue financier.
La loi qui régit nos chemins de fer au point de vue financier est la loi du 1er mai 1834. Le principe qu'elle consacre est que le chemin de fer doit payer tout ce qu'il reçoit, frais de premier établissement, interdis, enfin tous les frais quelconques, n'importe leur nature.
Comme c'est le trésor qui a fait l'avance des fonds, comment s'est-il procuré ces fonds ? En s'adressant au public, en émettant du 4 1/2 ou des bons du trésor.
Ainsi, la position de nos chemins de fer est celle-ci : l'Etat est responsable vis-à-vis du public, à raison des valeurs qu'il a émises pour le chemin de fer ; et le chemin de fer est débiteur, envers le trésor, de tout ce qui a été payé pour son établissement. Le trésor est donc un intermédiaire qui a donné son aval au chemin de fer, vis-à-vis du public : le chemin de fer, considéré comme personne, doit réaliser tout ce qui a été emprunté pour lui tant en intérêt qu'en capital. Il est donc traité comme un véritable industriel, à qui on remet un certain capital, à condition d'en payer les intérêts et de le rembourser au fur et à mesure de l'exploitation.
D'où cette conséquence que, pour rester conforme à l'esprit de la loi de 1834, il aurait fallu établir pour les chemins de fer une comptabilité tout à fait spéciale, qui ne devait avoir rien de commun avec nos budgets ordinaires, ni avec le budget des finances, ni avec le budget des travaux publics.
Voyons maintenant de quelle façon la loi de 1834 a été exécutée : voyons les faits.
D'après le dernier compte rendu, celui de 1869, qui nous a été distribué récemment, les chemins de fer ont absorbé 290,913,950 fr. 53 c., en y comprenant les 21,000,000 environ qui sont encore disponibles et qui sont votés par la législature.
Par contre, le chemin de fer doit 217,512,642 fr. 92 c., de sorte qu'on a amorti jusqu'à concurrence de 63,401,307 fr. 62 c.
Voilà donc toute la situation en quelques mots. C'est ce qu'on appelle le boni, boni dont on fait tant de parade et dont la signification véritable sera expliquée tantôt.
Eh bien, je vais vous prouver qu'il n'y a jamais eu de boni, et que l'exploitation du chemin de fer, depuis 1835 jusqu'à ce jour, est encore en perte.
Quatre considérations suffiront pour prouver la vérité de mon assertion.
En effet, depuis la création du chemin de fer jusqu'en 1851, l'exploitation annuelle a donné un déficit avoué par les comptes rendus du gouvernement lui-même. Veuillez remarquer, messieurs, que tous les chiffres que je citerai sont empruntés, non pas à la statistique, mais aux livres de la comptabilité même : ils ont donc un caractère officiel.
Pendant dix-sept ans l'exploitation annuelle a été en perte, et cette perte s'élevait, au 31 décembre 1856, au chiffre de 54,816,417 fr. 78 c. sur l'exploitation.
Or, messieurs, le chemin de fer doit payer tout ce qu'il a reçu du trésor et c'est le trésor qui a payé cette perte. Mais comment le trésor public a-t-il payé cette somme ? Il se l'est procurée en l'empruntant au public par l'émission de titres à 4 1/2 p. c. ou bien par l'émission de bons du trésor à 4 p. c, l'un des deux ; il n'y a pas à sortir de là. Et puisque les chemins de fer doivent rendre tout ce qu'ils reçoivent, en vertu de la loi de 1834, il est incontestable que le trésor public, qui a dû emprunter les 54,000,000 de perte et en payer les intérêts, doit rentrer dans tous ses débours. De là la conséquence que le chemin de fer doit rembourser les sommes dépensées à cet effet par l'Etat, c'est-à-dire non seulement les 54,000,000, mais encore les intérêts de cette somme.
Or, messieurs, le compte des intérêts depuis 1835 jusqu'en 1869 ; car, notez-le bien, aujourd'hui encore figure au passif du bilan de 1839 une somme de neuf millions des cinquante-quatre millions de déficit, somme qui n'est pas encore amortie ; le compte des intérêts, dis-je, dont les bilans n'ont pas fait mention, et que cependant le trésor a liquidés, s'élève à environ 55 millions. J'ai fait le calcul des intérêts depuis 1835 jusqu'à ce jour et toutes les sommes accumulées de la dette s'élèvent environ à ce chiffre.
- Une voix. - En tenant compte de l'intérêt des intérêts.
M. Brasseur. - Du tout, je ne parle pas de l'intérêt des intérêts, cela n'est pas conforme aux habitudes commerciales ; je ne parle que de l'intérêt annuel.
Je vous le demande, messieurs, que devient le fameux boni de 63 millions ? Le trésor public a dû payer un intérêt, les intérêts de votre déficit ; et vous n'en tenez pas compte, lorsque la loi de 1834 s'exprime cependant (page 1278) de la manière la plus formelle à cet égard, c'est-à-dire que les chemins de fer doivent rembourser tout ce qu'ils coûtent au trésor.
De plus, messieurs, et c'est la seconde considération que je vais présenter ; voyez le bilan. Il y a là un terme qui m'a vivement intrigué au premier abord. Au passif du bilan, messieurs, bilan, du reste, très bien fait comme système de comptabilité, au passif du bilan, je trouve 67,753,598 fr. 79 c. de dette intitulés : « Ressources ordinaires. »
Je comprends au besoin que le terme « Ressources ordinaires » se trouve à l'actif d'un bilan ; cela se conçoit, quoique ce soit encore très vague ; mais trouver dans le passif d'un bilan un pareil terme et pour un chiffre de 67,000,000, je le répète, cela me paraît étrange. La signification de la perte m'a vivement intrigué. Je suis allé aux renseignements et en voici le sens : c'est une espèce de compte courant gratis, c'est-à-dire que le trésor public prête au chemin de fer gratuitement une somme de 67,000,000.
Et voilà ce qu'on appelle traiter le chemin de fer en industriel qui doit rendre tout ce qu'il reçoit en intérêts et en capital ! Ainsi le chemin de fer a reçu et reçoit encore gratuitement des sommes considérables et savez-vous depuis quand, messieurs ? Depuis 1859.
Une substitution s'est faite d'une manière excessivement habile. Voyez les bilans. Auparavant, la dette du chemin de fer était représentée soit par de la dette consolidée, soit par des bons du trésor. Le chemin de fer devait payer 4 p. c. de ces bons.
Eh bien, voyez le bilan de 1858. Vous trouverez au passif les termes « bons du trésor », 15 millions. C'est très bien. Le chemin de fer devait 4 p. c. de ces bons du trésor,
En 1859, le bilan indique encore « bons du trésor », 15,196,000 francs, et en 1860, il n'y a plus de bons du trésor, mais il y a le terme « ressources ordinaires », 16,969,000 francs. On a donc converti une dette dont le chemin de fer payait l'intérêt en une dette dont il ne paye plus l'intérêt. Et voilà douze ans que vous suivez de pareils errements ; et depuis douze ans, savez-vous ce que sont devenues ces ressources ordinaires, qui, contrairement à la loi, sont mises gratuitement à la disposition du chemin de fer ?
Ecoutez :
En 1860, les ressources ordinaires étaient de 16,969,000 fr. En 1861, elles se sont élevées au chiffre de 24,300,000 ; en 1862 à 36,200,000 fr., en 1864 à 42 200,000 fr., en 1865 à 45,200,000 fr., en 1866 à 51,900,000 fr., en 1868 à 62,200,000 fr. et en 1869 à 67,700,000 fr.
Mais, messieurs, si l'on avait obéi à l'esprit de la loi et suivi les anciens errements qui étaient bons, il est évident qu'on aurait dû tenir compte et débiter les chemins de fer de l'intérêt de ces sommes. Voilà encore un grand nombre de millions à ajouter au passif.
Encore une fois, je vous le demande, que devient votre boni ?
Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que je ne comprends pas cette substitution qui s'est faite en 1859. J'ai commencé par déclarer que je n'entendais pas le rendre responsable de ce qui s'est passé à cette époque, mais je crois remplir un devoir en signalant au pays les irrégularités qui me paraissent inexplicables.
Je passe à une troisième considération que j'ai à présenter à la Chambre. Il y a, dans le bilan de 1869, une erreur manifeste qu'aucun industriel ne se permettra jamais de commettre. La voici. Il reste à amortir, dit le bilan, 135,407,982 francs. Ce sont les anciennes dettes consolidées émises par le trésor pour compte du chemin de fer, en partie éteintes par l'amortissement.
Il reste encore aujourd'hui à amortir 135 millions (chiffre rond), mais on calcule les valeurs effectives d'après le produit de l'émission. C'est là l'erreur. Je suppose que vous fassiez un emprunt, cet emprunt de 100 rapporte 95. Que devez-vous rembourser ? Est-ce 95 ? Non. Pouvez-vous mettre dans votre passif 95 ? Nullement. Vous devez mettre dans votre passif de deux choses l'une : ou bien le nominal, si vous promettez le remboursement au pair ; ou bien le taux du cours du jour, si vous permettez le remboursement par rachat à la bourse.
Or, comme notre 4 1/2 p. c. belge est au-dessus du pair, il est évident qu'en le cotant au pair dans votre passif, vous serez encore au-dessous de la réalité. Par conséquent, ce n'est pas la somme que vous avez reçue qui constitue votre passif, mais c'est bien la somme que vous devez rembourser. Vous devez donc faire figurer à votre passif la dette nominale, c'est-à-dire 141,534,181 francs et de ce chef, vous avez encore environ six millions à ajouter à votre passif qui n'y figurent pas.
Mais, objectera-t-on, et l'observation vient du gouvernement dans un de ses rapport annuels, c'est une erreur de croire qu'il faille mettre le nominal au passif, car alors vous devez le mettre également à l'actif et vous aurez ainsi un actif colossal. Eh bien, messieurs, cela n'est pas admissible ; vous ne pouvez mettre à l'actif que ce que vous avez réellement reçu. Supposez un emprunt de 100, vous l'émettez à 90 ; qu'est-ce qui est entré dans la caisse du chemin de fer ? C'est 90 !
Cette somme est employée à la construction d'une voie ferrée, qui ne vaudra que 90. Vous ne pouvez donc mettre dans votre actif que 90, et encore, à condition que la contre-valeur des 90, l'immeuble, conserve sa valeur.
Enfin, messieurs, voici une quatrième et dernière observation que j'ai à présenter au sujet du boni de votre bilan.
Les frais de l'administration centrale ne figurent pas au compte du chemin de fer. C'est comme si l'on disait à un industriel : « Vous allez fabriquer et vous ne porterez au compte de votre fabrication qu'une partie de vos frais généraux. »
Le budget des travaux publics s'élève à 38,000,000 et le chemin de fer en absorbe 29,000,000, c'est-à-dire la majeure partie du budget. Les frais de l'administration centrale montent à 927,000 francs. Il est évident que le chemin de fer devrait supporter une bonne partie de cette somme.
Si le gouvernement n'avait pas les chemins de fer, il n'aurait pas certainement pour 927,000 francs de frais d'administration centrale. Je crois être très modéré en disant qu'il y aurait au moins un demi-million par an à porter, de ce chef, au compte passif du chemin de fer.
Eh bien, messieurs, redressez tous ces postes tels qu'ils devraient être redressés, et vous arriverez certainement à la conclusion qu'au 31 décembre 1869, l'exploitation des chemins de fer de l'Etat s'est soldée par un mali.
Nous voilà loin du fameux boni de 63 millions.
D'un autre côté et pour être juste, je dois dire qu'il y a aussi des recettes qui ne figurent pas au compte du chemin de fer et qui devraient y figurer.
M. Wasseige, ministre des travaux publics. - Compensons.
M. Brasseur. - Oui, M. le ministre, compensons, mais toute compensation faite, le boni de 63,000,000 aura toujours horriblement souffert.
Ce que je demande, c'est qu'on fasse les choses régulièrement, et s'il en résultait un boni, je serais le premier à applaudir au résultat.
Depuis vingt ans, vos comptes rendus parlent de boni et cette assurance que notre chemin de fer nous procure des bénéfices peut avoir de sérieuses conséquences sur l'esprit public. Plus d'une fois, j'ai lu dans la presse, et si je ne me trompe, dans un rapport de la Chambre de commerce de Mons, fait par l'honorable M. Sainctelette, que, déduction faite des intérêts et de l'amortissement, le chemin de fer avait encore un boni considérable tous les ans. Or, messieurs, c'est là une erreur.
Je rentre dans mon sujet.
Je disais donc qu'il est également juste de tenir compte au chemin de fer de certaines recettes qu'il faudrait faire figurer à son actif.
Dans cet ordre d'idées, je rappellerai d'abord le principe admis par le législateur que le chemin de fer doit payer tous ses frais, tous indistinctement, intérêts et amortissement.
Mais s'il en est ainsi, pourquoi, par quelle inconséquence l'obligez-vous à faire des transports gratuits ou à prix réduit ? C'est ainsi que dépêches, bureaux ambulants, militaires, bestiaux, fourrages, détenus, douaniers, chevaux de course, sociétaires, etc., tout cela est transporté gratuitement ou à prix réduit.
Pouvez-vous adresser pareille exigence à une exploitation que vous traitez comme une véritable industrie ? Non, messieurs, et raisonnablement vous devriez porter à l'actif toutes ces exemptions ou réductions des recettes annuelles du chemin de fer. Vous n'en faites rien ; vous n'en tenez pas compte. Passe encore pour les services publics ; mais ce qui dépasse toute imagination, messieurs, c'est que l'on force le chemin de fer à transporter à prix réduit des chevaux de luxe, des chevaux de course. Je voudrais bien savoir par quelle raison quelque peu plausible on peut justifier une telle faveur. Ah ! je comprendrais que, s'il fallait entrer dans la voie des faveurs, l'on accordât un dégrèvement de taxe aux chevaux servant à l'agriculture ; mais quant aux chevaux de course, il m'est impossible de comprendre à quel titre ils jouissent de la faveur du transport à prix réduit.
J'en dirai autant du transport de sociétés de chanteurs, d'archers, d'arbalétriers, etc. A quel titre leur accorde-t-on des réductions de prix de transport ? Ces sociétés ont le plaisir pour but ; pourquoi ne pas faire payer le même prix à ceux qui se réunissent pour s'amuser qu'à ceux qui (page 1279) se servent du chemin de fer pour leurs affaires ? Je défie qui que ce soit de me donner un motif plausible de cette différence de traitement.
Il y a donc de ce chef une certaine somme à porter à l'actif des recettes annuelles des chemins de fer.
Voici un second élément à porter a l'actif du chemin de fer. Le budget ordinaire contient depuis vingt ans une certaine somme pour améliorations.
Savez-vous ce que c'est que ces améliorations ?
Ce ne sont pas des dépenses d'entretien, mais des dépenses nouvelles qui augmentent la valeur de l'immeuble : ce sont donc des frais de premier établissement.
Le compte rendu du chemin de fer le reconnaît lui-même. En effet, quand il fait le calcul du coût de son exploitation, il a soin de vous faire observer qu'il faut défalquer des dépenses ordinaires, les frais d'amélioration, précisément parce que ce ne sont pas des dépenses ordinaires, mais des dépenses de premier établissement.
Après cette défalcation, on arrive à un prix de revient de 55 p. c. environ.
J'établirai que notre coût d'exploitation s'élève à 60 p. c. au moins. Il y a donc au budget des travaux publics un article qui ne devrait pas y être, celui des améliorations.
Au fond, il y a même là une illégalité.
Comment ! quand un ministre veut faire une dépense de 1,000 francs, il saisit la Chambre d'un projet de loi..
Cela n'est que juste, puisque nous avons le contrôle de toutes les dépenses.
Or, quand on inscrit au chapitre des frais d'entretien, dans le budget ordinaire, des dépenses qui sont une véritable augmentation de l'immeuble, des frais de premier établissement, il y a évidemment violation de l'esprit de la loi. C'est une manière d'obtenir indirectement de l'argent que l'on devrait demander régulièrement aux Chambres par crédit spécial.
Il n'en est pas moins vrai cependant que si ces dépenses d'amélioration n'y étaient pas, les dépenses annuelles du chemin de fer seraient moins élevées, et parlant le bénéfice de chaque exercice plus considérable.
Voilà, messieurs, un premier ordre d'idées que je viens de développer.
Mais je vais plus loin. Je suppose votre bilan exact sous tous les rapports, eh bien, je soutiens que vos 63 millions ne constituent pas un boni, un bénéfice net.
C'est ce que j'aurai l'honneur de prouver dans la séance de demain.
(page 1244) M. Jacobs, ministre des finances. - D'après les ordres du Roi, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi accordant de nouveaux crédits provisoires au département des travaux publics.
Je propose le renvoi de ce projet à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 5 heures.