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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 12 mai 1871

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1870-1871)

(Présidence de M. Thibaut, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1201) M. de Vrints procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Macar donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la Chambre

M. de Vrints présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.

« Des habitants de Bruxelles demandent une loi déclarant que la langue flamande sera la langue officielle pour les provinces des deux Flandres, d'Anvers, de Limbourg et pour les arrondissements de Bruxelles et de Louvain. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Blaton prient la Chambre d'accorder au sieur Chotteau-Duchateau la concession d'un chemin de fer d'Ath à Blaton. »

M. Descamps. - Je prie la Chambre d'ordonner le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.

- Adopté.


« Des habitants de Bruxelles déclarent que, par leur pétition du 3 mai, ils n'ont pas proposé des mesures en faveur de la langue flamande, mais que la Chambre confirme par une loi plusieurs points qu'ils énumèrent relatifs aux droits de la population flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les président et membres de la société civile des jeux de Spa font connaître que M. le ministre de justice les a autorisés à retirer l'adhésion qu'une partie des actionnaires avait donnée à la convention conclue en 1868 en vue de la suppression des jeux et que les parties qui avaient adhéré à cette convention sont entièrement dégagées. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la suppression des jeux de Spa.


« Par dépêche du 11 mai 1871, M. le ministre des travaux publics propose un amendement à l'article 10 du budget de son département pour l'exercice 1871. »

- Impression, distribution et renvoi à la section centrale.


« M. Wouters, retenu chez lui par une indisposition, demande un songé. »

- Accordé.


« M. Van Wambeke demande un congé pour cause d'indisposition. »

- Accordé.

Rapport sur une pétition

Discussion du rapport de la commission d'industrie sur des pétitions relatives à la réduction du droit de patente sur les moulins à vent

M. Vander Donckt. - Messieurs, depuis plus de quinze ans, les meuniers sont en instance pour obtenir une rédaction sur leur patente. Il y a incontestablement une grande analogie entre la patente des bateliers et celle des meuniers. C'est ce que les pétitionnaires font valoir. Les meuniers se trouvent, sous plusieurs rapports, dans la même position que les bateliers. Or, pour les bateliers, qui ont trouvé beaucoup de protecteurs dans les exploitants de charbonnages et dans les grandes villes, dans tous ceux qui ont intérêt à obtenir le charbon à bon marché sur les lieux de consommation, pour les bateliers il a été accordé d'emblée une réduction de la moitié de la patente, tandis que le gouvernement n'a jamais rien fait pour les meuniers, en faveur desquels j'ai fait plusieurs rapports, où j'ai insisté vivement sur l'injustice qui est faite aux meuniers comparativement aux bateliers.

Le gouvernement m'a répondu alors, pour toute satisfaction, que nous devions attendre la révision générale de la loi sur les patentes. Or, les meuniers restent dans cette situation pénible ; ils continuent à payer une patente qu'en réalité ils ne doivent pas, qui n'est nullement basée aujourd'hui sur le bénéfice réalisé.

Il est évident que si les bateliers ont subi une grande concurrence par les chemins de fer, les meuniers ne souffrent pas moins par la concurrence des moulins à vapeur qui les ont réduits, en quelque sorte, à la misère. Depuis vingt ou trente ans, vous ne voyez plus construire un seul moulin à vent ; à mesure que les moulins exigent de grandes réparations, on les démolit, parce que. la concurrence des moulins à vapeur les écrase complètement.

Les bateliers ont, sur les instances des industriels houillers, obtenu une réduction de la moitié de leur patente et d'autres avantages ; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas accorder une réduction raisonnable aux meuniers.

Le gouvernement précédent a constamment refusé de rendre justice aux meuniers. Nous espérons que l'honorable ministre des finances actuel voudra bien faire droit à leurs justes réclamations.

J'appuie donc les conclusions de la commission.

M. de Baets. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour appuyer très énergiquement les conclusions du rapport de la commission permanente de l'industrie.

J'ai l'obligation d'intervenir dans cette discussion pour plusieurs motifs : en ma qualité d'habitant du pays plat où l'industrie meunière mue par la vapeur est menacée de plus en plus, et ensuite parce que je représente un peu cette industrie, en décadence d'une manière spéciale. (Interruption.)

Si M. de Rossius voulait bien m'interrompre de façon à être entendu, je pourrais lui répondre.

M. de Rossius. - Je ne vous ai pas interrompu ; je n'ai pas dit un mot.

M. de Baets. - J'ai le plaisir d'avoir devant moi une caricature qui a été élaborée par les amis de MM. les interrupteurs de la gauche et où l'on m'a fait figurer de façon à m'obliger de prendre fait et cause pour les moulins à vent. (Interruption.) Oh ! messieurs, je ne demande pas mieux que d'être mis en caricature le plus souvent possible, que d'être attaqué dans les journaux le plus souvent possible, parce que je suis de cet avis que les journaux ne tuent pas, qu'ils rectifient et corrigent, que les caricatures ne tuent pas, qu'elles rectifient et corrigent.

J'avais donc l'obligation de parler en faveur des meuniers ; eh bien, messieurs, permettez-moi un argument. Nous avons, en quinze ans, sur les remparts de la ville, vu disparaître près de quarante moulins mus par le vent, ce qui prouve que la meunerie est une industrie en décadence. La vapeur lui fait une guerre acharnée ; je ne m'en plains pas, au contraire, je m'en félicite, quoique cela ait déplacé le mouvement commercial au profit de certaines villes qui ne sont pas dans les Flandres ; je veux parler de Louvain, d'Anvers et de Liège. Je ne m'en plains donc pas, c'est là la loi du progrès.

Seulement il y a ici un fait qu'il importe de ne point perdre de vue, c'est que nos meuniers sont dans une gêne très grande par suite de (page 1202) l'application de la vapeur à la meunerie. Il y a, pour eux, une période de transition difficile à traverser. Je pense donc que le gouvernement ferait chose utile et juste, je ne dirai pas en diminuant la patente des meuniers, mais en la supprimant complètement, comme on l'a fait déjà à l'égard de certaines autres industries qui occupent un nombre d'ouvriers bien moins considérable. Ainsi, on a supprimé la patente des forgerons et d'autres artisans n'occupant qu'un seul ouvrier. Eh bien, j'engage le ministère actuel à suivre, en ceci du moins, la voie tracée par le ministère précédent.

La question, messieurs, a, pour nos contrées, une importance qu'elle n'a pas dans les parties du pays accidentées où l'on peut disposer de la force hydraulique.

Dans toutes nos Flandres, au nord de Gand et à Gand même, nous ne pourrons, dans un délai rapproché, disposer d'aucune force hydraulique ; nous ne pouvons employer que la vapeur comme force motrice.

Eh bien, messieurs, je crois que ce serait faire acte de justice que de faciliter aux meuniers qui n'emploient ni la vapeur ni l'eau comme force motrice, le passage de la période transitoire qu'ils traversent en ce moment.

M. Tack. - J'appuie les observations que vient de présenter l'honorable préopinant en faveur des pétitionnaires qui demandent la réduction ou même la suppression du droit de patente payé par les meuniers.

Les meuniers sont d'anciennes connaissances de la Chambre ; chaque année, cette enceinte retentit de leurs doléances ; chaque fois on fait en leur faveur des rapports magnifiques ; chaque fois aussi, ils trouvent ici des défenseurs chaleureux, et le gouvernement a toujours répondu à ces plaintes par la promesse d'une solution satisfaisante, quand il serait question de la révision générale du droit de patente.

Dernièrement, on nous a parlé d'une loi concernant la révision de la contribution personnelle ; mais je ne sache pas qu'il soit question, en ce moment, d'une révision générale du droit de patente. De manière que si l'on renvoyait la révision sollicitée par les meuniers jusqu'au moment où l'on s'occupera de la révision générale du droit de patente, ce serait l'ajourner aux calendes grecques.

L'occasion se présente de faire droit à leurs griefs : nous sommes saisis d'un projet de loi modifiant diverses dispositions en matière d'impôts. Dans ce projet, il est question des bateliers, dont la situation offre beaucoup d'analogie avec celle des meuniers, au point de vue de la décadence de leur industrie.

L'industrie des meuniers décline tous les jours, et dès lors, il serait juste, me semble-t-il, de prendre les mêmes mesures à l'égard des uns et des autres.

J'engagerai donc M. le ministre des finances à étudier de près la demande des meuniers ; et si, en réalité, ils ont droit à une réduction, ce qui me semble manifeste, je le prierai bien de la proposer par voie d'amendement au projet de loi que nous aurons incessamment à discuter.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne refuse certainement pas d'examiner la pétition des meuniers, qui m'est recommandée par plusieurs membres de la Chambre, mais je ne puis pas admettre qu'il y ait à assimiler les meuniers aux bateliers.

On ne se rend peut-être pas bien compte de ce qu'est la patente des moulins à farine quand on en demande la réduction.

Les bateliers payaient à raison de leur tonnage qui reste toujours le même ; une diminution de bénéfice n'a pas pour eux pour conséquence une diminution du droit de patente.

La patente des meuniers, au contraire, est fixée par l'article 6 de la loi du 6 avril 1823, à 2 p. c. de la valeur locative du moulin.

Donc, lorsque la valeur locative du moulin baisse, lorsque le moulin voit diminuer ses bénéfices et, par conséquent, sa valeur, la patente diminue par là même.

La patente suit la progression ou la diminution de valeur du moulin ; c'est toujours 2 p. c. de la valeur locative ; si le moulin rapporte beaucoup, ces 2 p. c. rapportent beaucoup ; si le moulin produit peu, la patente rapporte peu.

Je puis donner à la Chambre quelques chiffres qui lui feront connaître ce que c'est que la patente des moulins à farine.

En 1864, il en existait en Belgique 4,617 :

369 avaient une valeur locative de plus de 1,000 francs,

1,630 de 500 à 1,000 francs.

1,415 de 372 à 500 francs.

1,203, de moins de 372 francs.

Total : 4,617

Le produit total de la patente de ces 4,617 moulins était de 52,706 fr. 72 c, en moyenne 12 à 13 francs. Cette moyenne n'est pas bien élevée.

Qu'il y ait eu une mauvaise répartition, que les agents de l'administration n'aient pas toujours tenu compte suffisamment de la véritable valeur locative et que la patente soit parfois disproportionnée au bénéfice fait par le meunier, cela est possible.

Je ferai ce qui dépend de moi pour amener la rectification des évaluations inexactes, de manière que chaque meunier n'ait en réalité qu'à payer, les 2 p. c. de la valeur locative de son moulin.

Je ne me refuse pas d'ailleurs à un examen plus approfondi de la question. Mais il me semble très difficile de détacher une profession de la loi générale des patentes. Pour les bateliers, il en était autrement. Nous avons depuis longtemps des lois spéciales pour ces patentables ; et c'est une loi spéciale que nous proposons de réviser en leur faveur.

Quand il s'agira de réviser la loi générale de patentes, nous trouverons beaucoup d'autres patentables qui sont grevés plus à tort que les meuniers. C'est ainsi qu'un colporteur qui se rend dans un village et qui y déballe ses marchandises dans un cabaret, est astreint par ce fait à une patente de 400 francs.

Il y a d'autres faits de ce genre. Lorsque nous réviserons la loi générale des patentes, et je désire que ce soit le plus tôt possible, on répartira mieux les charges.

Je ne puis que promettre de poursuivre l'examen de la question au point de vue de la révision générale des patentes.

M. de Baets. - Messieurs, je n'ai pas demandé pour l'industrie meunière une position privilégiée ; je demande seulement qu'on fasse pour cette industrie ce qu'on fait pour les autres. Il y a donc lieu d'examiner.

Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien se placer au point de vue des Flandres, parce que c'est là que les perturbations se sont produites de la façon la plus énergique.

Evidemment, s'il y a eu des motifs tout à fait spéciaux qui ont fait accorder aux bateliers la réduction de leur patente, nous aurions tort de demander une pareille réduction pour les meuniers.

Il s'agit donc de faire une simple enquête administrative, et comme nous avons dans la Flandre orientale, à la tête de la direction, un homme très entendu, très expert et très impartial, quoique notre adversaire politique, on pourra, de ce côté-là, se procurer des renseignements très utiles à ce sujet.

M. le ministre des finances vient de poser une autre question. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il n'y aurait pas moyen de faire avec la Hollande et les autres pays frontières un traité qui facilite les transactions commerciales entre nous et nos voisins et supprime des entraves inutiles.

Nous avons - je cite les exemples que je connais parce que je marche ainsi sur un terrain qui m'est familier - à nous créer vis-à-vis des Hollandais une position qui nous permette de travailler en Hollande comme les Hollandais travaillent chez nous.

Tous les députés qui représentent une localité voisine de la frontière seront de mon avis.

Il y a là des embarras à faire disparaître, comme il y en a un peu partout.

Ainsi, je trouve que, pour un Belge, il est souverainement absurde de devoir payer une patente à un double degré.

Vous êtes négociant dans une commune d'une certaine importance.

Vous voulez exercer votre commerce dans une localité d'une importance supérieure. Vous êtes assujetti à une patente plus forte.

Cela n'est ni rationnel ni logique.

Je comprenais les motifs de cette disposition, de ce droit différentiel entre des Belges, lorsqu'il y avait des différences entre les villes et les communes.

Depuis la disparition des octrois, il n'y a plus de villes et de villages, mais purement et simplement des communes.

Vous ne pouvez évidemment appeler Saint-Josse-ten-Noode un village, lorsque l'on appelle ville Deynze qui n'a que 2,500 âmes dans son aggloméré et Virton et d'autres localités.

La classification des patentables n'a donc, à de certains points de vue, pas de raison d'être.

J'écarte ici toute préférence pour les grandes villes, car je parle surtout pour les habitants des communes qui ne sont pas appelées villes.

Ainsi, pourquoi faire une différence entre Marchienne-au-Pont, Rueil et Charleroi ?

(page 1203) Pourquoi peut-on faire telle chose dans les faubourgs de Charleroi, alors qu'on ne peut pas la faire à un kilomètre plus moins ?

Mettons le commerce et l'industrie dans des conditions d'égalité et de justice.

J'ai saisi transcundo cette occasion de présenter mes observations, mais je pense que ceux qui s'occupent de commerce et d'industrie trouveront qu'il y a lieu de rétablir l'égalité devant la loi pour les meuniers et les industriels en général, comme nous cherchons à le faire dans toutes les autres applications de la Constitution dans ses dispositions législatives.

M. Vleminckx. - Puisqu'il s'agit de réviser la loi des patentes, j'espère que cette révision, qui nous a été promise depuis longtemps, ne se fera plus attendre.

Je voudrais obtenir la promesse qu'une nouvelle loi sera prochainement présentée à la Chambre.

Dans la loi actuelle, il y a des injustices flagrantes et nombreuses qui ont été fréquemment signalées.

J'espère obtenir une réponse favorable à cet égard.

M. Jacobs, ministre des finances. - Il est impossible de prendre un engagement à date fixe.

M. Vleminckx. - Je parle pour la session prochaine.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je ne pense pas que ce soit possible.

M. Brasseur. - Je partage entièrement la manière de voir de l'honorable M. Vleminckx.

M. Demeur. - Tout le inonde la partage.

M. Brasseur. - Mon intention est de dire quelques mots sur le rapport de la commission, ou plutôt sur les conclusions de ce rapport.

La commission reconnaît que la loi sur les patentes est mauvaise.

Tout le monde, je pense, est d'accord sur ce point. Il n'y a pas un seul article, sur les trois cents, quatre cents, cinq cents industries qui y sont relatées, qui ne donne lieu a des applications injustes et à des anomalies !

Et voilà une situation qui dure depuis 1819 !

Je ne me prononce pas sur la question des meuniers en elle-même. Je crois que leur réclamation est juste. Mais si vous entrez dans la voie de faire un projet de loi spécial pour les meuniers, car c'est là une des conclusions de la commission de l'industrie, vous aurez tous les huit jours un projet de loi spécial à discuter pour les autres industries qui se trouvent relatées dans la loi de 1819. Où irez-vous avec ce système ? Car pour être juste vous devrez faire pour les uns ce que vous aurez fait pour les autres.

Je trouve, au reste, messieurs, que la position des meuniers n'est pas précisément celle qui exige le remède le plus immédiat. L'honorable ministre des finances vient de vous prouver, par le tableau n°3, que les meuniers ne payent que proportionnellement à la valeur locative. Eh bien, si l'industrie meunière marche mal, il est évident que les loyers diminueront, et partant la patente. Mais il y a beaucoup d'industries qui sont imposées d'une manière fixe, qui payent une patente dont la base est absolue, quel que soit leur sort, même quand elles sont en perte. Leur position est donc plus mauvaise que celle des meuniers.

L'honorable ministre, des finances a oublié de nous citer le tableau n°4 qui fixe la patente des moulins à huile. Eh bien, ce tableau classe les moulins à vent depuis la classe 6 jusqu'à la classe 11 ( tarif A). Mais le législateur connaissait alors déjà les moulins à vapeur ; il les a tarifés en connaissance de cause ; il a établi la comparaison qu'il y avait à faire entre les uns et les autres, et les bénéfices présumés qu'ils pourraient faire. Ah ! je comprendrais que si les moulins à vapeur avaient été inventés après la loi de 1819 et étaient venus détruire l'industrie des moulins à vent, je comprendrais au besoin que les propriétaires des moulins à vent vinssent réclamer une diminution ou une exemption d'impôts, mais il n'en est rien.

Le législateur de 1819 avait classé les moulins en trois catégories : les moulins à vent, les moulins à vapeur et à eau et les moulins à chevaux ; par conséquent la loi de 1819 a tenu compte de la différence qu'il y a entre les moulins à vapeur d'un côté et les moulins à vent et à chevaux de l'autre. La classification a été faite. La différence de patente a été établie.

M. de Clercq. - A cette époque, les moulins à vapeur n'avaient pas encore pris l'extension qu'ils ont aujourd'hui.

M. Brasseur. - L'honorable membre qui m'interrompt me dit que las moulins à vapeur n'avaient pas encore pris une grande extension. Je l'admets, je sais fort bien que les machines à vapeur ont fait un pas plus grand que les moulins à eau et à vent. Je veux bien admettre avec lui qu'il y ait à réviser la loi, mais ce que je n'admets pas c'est qu'on procède par article spécial et qu'on fasse une loi spéciale pour chaque réclamation qui nous arrivera. Ce que j'admets encore moins, c'est qu'on prétende que les moulins à vapeur aient littéralement tué les moulins à vent ; s'il en était ainsi, les derniers n'existeraient plus et ne payeraient plus d'impôt par la nature des choses.

Il est évident que la loi sur les patentes doit être révisée. Lorsque nous nous occuperons sous peu du projet de transformation de quelques lois d'impôts, présenté par le gouvernement, j'aurai l'honneur de prouver à la Chambre, à la dernière évidence, que la loi sur les patentes est la loi la plus injuste, la plus odieuse qu'on puisse concevoir et qu'elle contient des inégalités choquantes. Les médecins payent patente et les avocats ne payent pas ; je pourrais multiplier les exemples, et citer d'autre anomalies. (Interruption.)

- Une voix. - La patente sur les banquiers.

M. Brasseur. - La patente sur les banquiers évidemment. Les banquiers qui gagnent 500,000 francs ou 1,000,000 payent une patente de 423 francs, c'est-à-dire un par mille, lorsque d'un autre côté l'agriculture paye 4 p. c. du revenu net.

Je dis du revenu net et non pas du revenu cadastral, car l'impôt sur le revenu cadastral est de 6 7/10 p. c. et va être porté à 7 p. c.

Je prouverai donc que beaucoup de patentables ne payent pas un par mille, ne payent pas un sur cinq cents ou un sur cent du revenu, qu'ii y a là des inégalités choquantes et qu'il y a lieu de procéder à une révision.

Je m'abstiendrai, pour le moment, d'entrer dans des détails. Mais je le répète, je dirai avec l'honorable M. Vleminckx, que le gouvernement devrait procéder à une révision de la loi sur les patentes, et il me semble que dans le délai de six mois, dans un délai de huit mois, on pourrait arriver à un projet qui pourrait former la base d'une discussion approfondie à la Chambre.

Quant à la pétition en elle-même, je propose de la renvoyer purement et simplement à l’examen du gouvernement et de repousser cette partie des conclusions de la commission de l'industrie tendante à demander un projet de loi spécial pour les meuniers et les huiliers.

M. le président. - Cela ne fait pas partie des conclusions.

M. Brasseur. - Pardon, M. le président. Voici ce que dit le rapport :

« Et, en ce qui concerne plus particulièrement la demande des pétitionnaires, laquelle elle croit être juste et équitable, la commission, à l'unanimité, est d'avis qu'il serait désirable de saisir la législature d'un projet de loi spécial sur cette matière. » Le rapport dit de plus : « Votre commission pense donc qu'il serait utile qu'une révision de la loi sur les patentes fût faite dans le plus bref délai possible. »

Enfin, la commission propose le renvoi au ministre des finances. Vous voyez donc que la demande d'un projet spécial fait partie des conclusions de la commission. Cette dernière propose trois choses, et moi, je proposé le renvoi pur et simple à M. le ministre des finances.

M. de Baets. - Messieurs, je ne désire pas entretenir longuement la Chambre sur cette question. Mais l'honorable M. Brasseur a très mal compris et les conclusions du rapport de la commission et mes observations.

Je ne demande pas mieux que l'on révise la loi des patentes, non seulement pour les meuniers, mais pour tout le monde ; qu'on tâche de faire une meilleure loi que celle qui a été conçue et mise à exécution en d'autres temps. Il y a une transformation complète dans les relations industrielles, commerciales et financières et nous sommes, au point de vue des principes, à trois siècles de l'époque où l'on faisait les lois financières qui cependant nous régissent encore aujourd'hui.

Je ne demande donc rien de spécial pour l'industrie meunière. Je demande simplement que M. le ministre veuille bien examiner avec bienveillance s'il n'y a pas une mesure transitoire à prendre, s'il était établi que, comme les bateliers, les meuniers se trouvent dans une position intolérable.

L'honorable M. Brasseur, et je m'étonne que cela ait échappé à sa perspicacité, n'aurait pas dû commettre des erreurs complètes de fait et de droit, puisqu'il a été pendant longtemps professeur de droit à une université et qu'il a été professeur à l'université de Gand. Comme professeur, il devrait mieux résoudre les questions de droit ; comme ayant habité la ville de Gand, il devrait mieux saisir les questions de fait.

L'honorable M. Brasseur a dit, au commencement de ses observations : Si l'on me démontrait que l'industrie meunière mue par la vapeur est venue après, quand déjà l'industrie meunière mue par le vent et par la force hydraulique existait et que la vapeur est venue détrôner, expulser l'industrie meunière à vent, je comprendrais que le gouvernement, pendant (page 1204) une période transitoire, tendît une main secourable à cette industrie jusqu'à ce que la situation générale fût parfaitement réglée.

Messieurs, quiconque a habité Gand pendant quelque temps sait parfaitement bien que nous n'avons eu dans cette ville un moulin à vapeur que pendant quelques années. Il a disparu pour ce motif entre autres, c'est que toute la puissance de la vapeur à Gand est absorbée par l'industrie cotonnière, par l'industrie linière, le sciage du bois, etc., etc. ; la vapeur s'applique à autre chose qu'à la meunerie.

Nous avions un grand établissement à la Pêcherie, qui a commencé par écarter une grande partie de nos meuniers. L'honorable M. Vander Donckt, qui a été conseiller provincial et qui connaît la ville de Gand tout aussi bien que moi, peut confirmer ce que je viens de dire. Je pourrais citer individuellement tous les moulins qui ont succombé. Depuis que je suis avocat, ce qui ne date pas de loin, puisque j'ai été examiné par l'honorable M. Thonissen qui nous promet encore une longue carrière législative et une longue carrière de professeur, depuis que je suis avocat, j'ai vu disparaître à Gand plus de quarante moulins.

- Un membre. - A vent !

M. de Baets. - D'après la caricature que j'ai citée tout à l'heure, il y a des moulins à vent qui restent debout.

Ainsi, messieurs, l'argument de l'honorable M. Brasseur disparaît complètement.

La ville de Gand avait un moulin près de la place d'Armes, qu'elle louait 4,000 francs ; on va l'abattre, on va faire disparaître tous les moulins à eau qui se trouvent à la Pêcherie,

Il n'est donc pas exact de dire que la concurrence de la vapeur est venue avant la loi.

En droit, l'honorable M. Brasseur dit que la question des baux est une question très importante. Je connais parfaitement et je pourrais indiquer, sur les bancs de la Chambre, des propriétaires de moulins, qui ne peuvent pas s'en débarrasser parce que le propriétaire ne veut pas s'engager envers le preneur quant aux éventualités et que le locataire ne veut pas assumer les risques qui résulteraient du renouvellement d'e son bail.

Je me borne, messieurs, à demander un examen et je crois que tous les membres de la Chambre désirent, comme moi, que cet examen se fasse avec la plus grande impartialité.

M. Vleminckx. - Tout à l'heure, j'ai demandé à l'honorable ministre des finances de vouloir bien nous dire si nous pouvons espérer dans un bref délai, et tout au moins dans le courant de la session prochaine, le projet de révision de la loi des patentes.

L'honorable ministre m'a répondu qu'il ne pouvait pas promettre de se rendre à ma demande.

Je persiste, quant à moi, à croire qu'avec un peu de bonne volonté, cette loi pourrait nous être apportée, comme vient de le dire l'honorable M. Brasseur, dans un très bref délai.

Le gouvernement a promis d'alléger les dépenses publiques. Or, il ne pourrait présenter une loi sur les patentes qui n'eût pour résultat de réduire les revenus du trésor. Et c'est ce qui fait qu'il ne la présentera pas. Malgré ses promesses, il ne réduira pas plus les dépenses publiques qu'il n'allégera notre situation militaire. C'est manifestement le contraire qui arrivera.

M. Vermeire. - Messieurs, je crois que la question que les meuniers et les fabricants d'huile ont soulevée n'a pas été bien élucidée par les orateurs précédents.

Les meuniers de moulins à vent ne demandent pas que leur patente soit diminuée, si tant est que celle-ci soit proportionnée à d'autres patentes donnant, à peu près, le même bénéfice.

Ils disent que, leurs profits étant considérablement diminués, à cause d'une concurrence, celle des machines à vapeur, leur patente devrait aussi être réduite.

Je dis que si la patente de ceux qui opèrent avec des moulins à vent ainsi que celle des industriels qui se servent de moulins à vapeur devait être comparée aux patentes d'autres industriels, on serait convaincu que la patente des meuniers est portée dans une classe trop élevée.

Il s'agit donc simplement d'examiner si les patentes des meuniers, qui sont encore les mêmes que celles qui leur ont été imposées par les lois générales de 1819 et de 1822, ne doivent pas être diminuées.

La loi générale sur les patentes est très mauvaise, parce qu'il y a eu de profondes modifications dans l'industrie depuis la promulgation de cette loi.

On y a déjà apporté des modifications en 1819.

J'avais déjà établi par un exemple, dans une discussion antérieure sur les patentes, qu'un moulin à vent payait autant qu'un haut fourneau.

On a été obligé de diminuer considérablement la patente des bateliers, parce que ceux-ci ont trouvé une concurrence dans les chemins de fer.

Je crois que les patentes ne doivent être é allies que sur les bénéfices réellement constatés et, si l'on ne peut les constater, que sur les bénéfices présumés. Je pense aussi que les meuniers et les fabricants d'huile sont trop imposés, comparativement à d'autres industriels.

Je ne demande donc que M. le ministre, s'il ne peut présenter un projet de loi spécial pour cette catégorie de patentables, veuille hâter au moins, dans les limites du possible, la révision de loi sur. les patentes qui est, je n'hésite pas à le dire, la plus défectueuse et la plus injuste de notre arsenal législatif.

M. Jacobs, ministre des finances. - Je suis disposé à faire ce qui dépendra de moi pour arriver à une révision de la loi des patentes ; mais il faut que les industriels et les commerçants ne se dissimulent pas qu'ils n'auront pas grand bénéfice, vraisemblablement, à cette révision. Quels que soient les membres de la commission que l'on chargera de cette mission, il est à présumer qu'elle aboutira plutôt à des augmentations qu'à des diminutions. Tout le monde reconnaît, et M. Brasseur a été le premier à le dire, que les maximums en général sont trop peu élevés.

Le maximum de la loi sur les patentes est de 400 et quelques francs ; ce chiffre n'est pas en rapport avec le produit des grandes industries, avec les patentes des sociétés anonymes, avec l'impôt foncier, avec les charges des autres impôts.

D'autre part, il est certain aussi que le minimum pourra être abaissé dans un bon nombre de cas ; de petits patentables y gagneront, mais les grands y perdront plus que les petits n'y gagneront.

Comment se fait-il, messieurs, que cette loi, qui existe depuis cinquante ans, n'a jamais été sérieusement révisée ? C'est parce qu'elle est d'une telle complication et que les intérêts qu'elle soulève sont tellement multiples qu'on a toujours hésité à en faire une étude complète et, lorsqu'on a entamé cette étude, on s'est arrêté devant les difficultés qu'elle présente.

Il est une loi beaucoup plus simple, la loi sur la contribution personnelle, qu'on a essayé une demi-douzaine de fois de réviser.

Autant de projets ont été présentés à cette Chambre, tous ont échoué. Que sera-ce quand une loi dix fois plus compliquée sera soumise à vos délibérations ? Malgré tout, je promets à la Chambre de ne pas perdre de temps pour activer cette étude.

Ce n'est pas sur moi que je compte ; je demanderai le concours d'un grand nombre pour aboutir. Mais je ne puis prendre aucun engagement quant à une date, et je me permettrai de dire ici que ceux qui réclament des engagements à date fixe pour la présentation d'un projet de loi prouvent qu'ils ne font pas idée des difficultés de la tâche qu'ils veulent faire peser sur les épaules des autres.

M. Vleminckx. - Vous l'avez promis...

M. Jacobs, ministre des finances. Cela n'a pas été promis et je vous défie de prouver votre dire. (Interruption.) Il est temps qu'on en finisse de répéter toujours à la légère de pareilles affirmations qui ne se basent sur rien. (Nouvelle interruption.) Je vous mets au défi de prouver que dans n'importe quelle circonstance la révision de la patente a été promise par moi...

M. Vleminckx. - Elle a été promise par le gouvernement.

M. Jacobs, ministre des finances. - Ni par moi, ni par le gouvernement actuel, jamais.

Revenons donc, messieurs, aux bons meuniers dont nous avons à nous occuper.

Quand j'ai donné tout à l'heure quelques explications, je ne parlais que des moulins à farine ; on a parlé des moulins à huile, des moulins à papier, ceux-là sont autrement taxés. Comme le rappelait M. Brasseur, ils sont taxés de la 6ème à la 11ème classe, c'est-à-dire d'un maximum de 122 francs à un minimum de 27 francs.

La taxe. st plus élevée là que pour les moulins à farine ; elle ne peut descendre au-dessous du chiffre de 27 francs, elle est indépendante de la valeur locative. Il se peut qu'il y ait quelque chose à faire et que l'on pourrait appliquer à cette catégorie des bases analogues à celles des moulins à farine, 2 p. c. de la valeur locative, ou une autre quotité, si on trouve que ces moulins ne doivent pas être taxés de la même façon.

Pour les meuniers comme pour les autres patentables, je ferai ce qui dépendra de moi pour saisir la Chambre de la question, en formant le vœu, quelque peu téméraire, de la voir aboutir dans cette enceinte en moins de temps que je n'en aurais mis à la préparer.

M. Brasseur. - L'honorable M. de Baets m'a pris à partie au sujet des quelques observations que j'ai présentées sur le rapport de la commission. Il a dit que je n'ai compris ni ses paroles, ni les conclusions de (page 1205) la commission, et que, quant à lui, il avait simplement recommandé cette affaire à la bienveillance de M. le ministre des finances.

J'en demande pardon à M. de Baets : il m m'a pas compris. Je n'ai pas parlé de lui, mais du rapport de la commission. Or, les conclusions de la commission sont triples : d'abord elle demande la révision de la loi sur les patentes ; en second lieu, elle demande un projet de loi spécial sur la matière qui nous occupe, et en troisième lieu, elle demande le renvoi à M. le ministre des finances.

Voilà les conclusions du rapport de la commission. (Interruption.) Cela ne peut être mis en doute. Voulez-vous que je vous relise les conclusions ?

- De toutes parts. - Non, non, c'est inutile !

M. Brasseur. - Je vous garantis que ce sont bien là les conclusions du rapport. Je ne comprends pas qu'il y ait l'ombre d'un doute à cet égard.

M. Vermeire, rapporteur. - C'est comme cela.

M. Brasseur. - C'est comme cela, me dit l'honorable rapporteur lui-même ; je suis heureux de cette déclaration : elle prouve à elle seule que je suis dans le vrai.

Il y a donc, dans ce rapport, une triple conclusion, et c'est contre cette triple conclusion que j'ai protesté, parce qu'il me paraît impossible de faire actuellement un projet de loi spécial sur cette matière.

En second lieu, l'honorable M. de Baets a parlé du professeur d'université et d'un professeur de droit, qui, ayant habile la ville de Gand, devrait connaître les fails et le droit. Quant aux faits, il est permis, je pense, d'être professeur à l'université de Gand, et d'ignorer la quantité de moulins qui existent à Gand et dans les Flandres.

Je m'en tiens à la loi de 1819 ; et je. répète que cette loi a prévu la patente pour les moulins à vapeur comme pour les moulins à eau et à chevaux. Par conséquent, le législateur a fait la classification entre ces différentes catégories de moulins. Le fait que l'honorable membre signale aujourd'hui existait en 1819.

Maintenant qu'une des branches de cette industrie ait perdu du terrain, qu'une autre en ait gagné, c'est possible, et je concède qu'il peut y avoir là une injustice à réparer, mais enfin on ne peut pas prétendre pour cela que les moulins à vapeur aient complètement tué l'industrie des moulins à vent.

M. de Baets. - Elle est tuée net.

M. Brasseur. - Mais alors elle n'a plus d'impôt à payer du tout. (Interruption.)

Il est de toute évidence que si une catégorie de moulins ne fonctionnaient plus, leurs propriétaires n'auraient plus de droit de patente à payer.

J'ai toujours vu que les industries en activité avaient seules à payer la patente ; celles qui disparaissent en sont forcément exemptes. Ne dirait-on pas que l'industrie des moulins à vent serait sauvée si on l'exemptait de quelques francs de patente ! A en croire l'honorable membre, cette industrie revivrait si on l'exonérait d'une charge imperceptible ! N'en croyez rien, messieurs ; cette industrie existe, donc elle fait des bénéfices, et le jour où elle cessera d'en faire, elle disparaîtra, car on ne produit pas pour le plaisir de produire, mais dans le but de faire des bénéfices ; or, les plaintes réitérées depuis quinze ans de la part des meuniers prouvent à elles seules l'existence et la vitalité de leur industrie.

Nous avons vu des industries disparaître par le fait de la création d'industries nouvelles ; ainsi, les hauts fourneaux au bois ont été tués par les hauts fourneaux au coke ; les premiers n'ont pas pu lutter contre ceux-ci. Ils ont subi la loi commune du progrès : ils ont disparu, mais aussi ils n'ont plus eu de droit de patente à payer.

L'honorable M. de Baets a terminé son discours en disant qu'au point de vue du droit, il ne comprenait pas comment j'ai pu soutenir la doctrine que j'ai défendue. Mais, messieurs, je cherche vainement le point de droit dans cette question.

Au premier abord, je me suis demandé si je n'avais pas avancé quelque hérésie juridique ; mais je cherche en vain où est, dans tout ceci, la question de droit.

L'honorable M. de. Baets me dit que je n'ai pas tenu compte de la question entre le propriétaire et le locataire et que c'est là une question très importante.

Messieurs, je vous le demande à tous, qu'a de commun dans ce débat la relation entre le propriétaire et le locataire ? Nous avons la question de savoir si, oui ou non, nous devons réduire ou anéantir le droit de patente des meuniers et huiliers (au moyen de moulins à vent) par une loi spéciale.

M. de Baets. - Je me suis borné à demander un examen bienveillant de la question.

M. Brasseur. - Je repousse donc le reproche d'ignorance que m'a fait l'honorable M. de Baets.

Un mot encore pour répondre à l'honorable M. Vermeire. L'honorable député de Termonde fait remarquer que les bénéfices des pétitionnaires ont diminué en raison de la diminution d'importance de l'industrie et que, de ce chef, il faut un dégrèvement d'impôt. Il est possible que l'industrie des moulins à vent ait diminué d'importance ; mais s'il fallait voter une modification d'impôt chaque fois qu'une industrie périclite ou voit diminuer ses bénéfices, nous devrions en voter tous les jours, car tous les jours ce phénomène se produit.

Nous voyons à chaque instant des mouvements, des hauts et des bas dans l'industrie. Il faudrait donc suivre pas à pas les fluctuations de chacune des branches industrielles et l'imposer davantage ou l'alléger suivant qu'elle prospère ou qu'elle décline. Cela n'est pas sérieux, cela n'est pas possible. Qu'on demande une large réforme du droit de patente, je le comprends ; nous sommes d'accord sûr ce point, mais qu'on n'entre pas dans la voie des mesures spéciales ; c'est ce que, pour ma part, je ne saurais admettre.

Quant à la loi de 1849, c'est à tort que les honorables MM. de Baets et Vermeire l'ont invoquée. En 1849, la législature a en effet modifié la loi sur les patentes ; et, par son article premier, elle a dispensé de l'impôt de patente les artisans travaillant seuls ou assistés seulement de leurs femmes et de leurs enfants, et elle a réduit la patente des artisans travaillant avec un seul ouvrier.

Le législateur a considéré les artisans non pas comme des industriels, mais comme des ouvriers. Voilà pourquoi cette mesure, toute de charité, a été introduite, mais on n'a pas entendu introduire uns exception à la loi générale, en faveur de certaines catégories d'industries proprement dites.

Messieurs, je persiste dans les considérations que j'ai présentées tout à l'heure, et, contrairement à l'avis de la commission de l'industrie, je demande le renvoi pur et simple de la pétition à M. le ministre des finances.

M. Vermeire. - Messieurs, je m'étonne des dernières observations qui ont été présentées par l'honorable préopinant. Certes, il ne faut pas changer une loi du moment qu'il y a des réclamations ; car alors, il faudrait nécessairement la modifier à chaque changement que subirait l'industrie ; on s'en emparerait pour réclamer.

Mais lorsqu'une loi date de plus de cinquante ans, le cas devient plus grave ; et lorsque pendant ce demi-siècle l'industrie a été profondément modifiée ; qu'une industrie a été substituée à une autre ; que les bases de la patente qui sont appliquées à une industrie ne sont pas les mêmes que celles qui ont été appliquées à d'autres industries, je crois qu'il est temps alors de changer cette législation ; surtout si l'on considère les abus nombreux et les nombreuses contradictions qui ont été constatés.

Il est vrai qu'en 1849, nous avons voté la loi qui affranchit de la patente les artisans travaillant en chambre seuls ou avec leur père. Mais en 1849 nous n'avons pas procédé à la révision de la loi générale des patentes ; la Chambre ne s'est occupée que de quelques catégories de patentables, sauf à continuer plus tard cette révision.

On disait alors que nos contributions n'étaient pas équitablement établies entre les différents imposables et que, par conséquent, il fallait revoir la loi générale.

Nous avons commencé, à cette époque, à faire cette révision ; nous avons affranchi les artisans de l'impôt des patentes ; nous avons aussi diminué la patente de quelques autres petits industriels. Et pourquoi l'avons-nous fait en 1849 ? Parce que 1849 était très près de 1848 et qu'à cette époque un vent démocratique soufflait sur la Belgique comme sur d'autres pays.

Je ne demande pas que la patente des meuniers soit diminuée, si celle-ci se trouve dans les conditions d'autres patentables. Je reconnais, d'un autre côté, qu'il est très difficile de réviser la loi générale sur les patentes ; je comprends très bien pourquoi M. le ministre des finances ne veut pas préciser l'époque à laquelle il déposera un projet de révision.

Il a raison de ne pas prendre d'engagement positif à cet égard... En effet, à mesure qu'on avancera dans l'examen de la question, on rencontrera certainement des difficultés ; mais de ce qu'il en sera ainsi, il n'est pas établi que la chose soit impossible. En se mettant immédiatement à l'œuvre, on pourrait peut-être aboutir plus tôt qu'on ne le pense. Mais si on recule toujours et si on s'attend à rencontrer des difficultés de plus en plus nombreuses, de plus en plus grandes, le temps s'écoulera, et on ne fera rien.

(page 1206) Nous resterons immobiles ; nous ne marcherons plus ; nous deviendrons des bornes, comme on l'a dit quelquefois.

Je crois, messieurs, qu'il faudra résolument se mettre à l'œuvre et s'efforcer de faire disparaître ces inégalités que nous trouvons encore dans la loi sur les patentes.

M. Vleminckx. - Je n'accepterai pas l'amendement de M. Brasseur ; j'accepterai les conclusions de la commission de l'industrie à une condition. C'est que, conformément à la demande de cette même commission, la Chambre attache à ce vote cette signification que la révision de la loi sur les patentes se fera dans le plus prompt délai possible.

C'est avec cette signification attachée au vote que j'appuierai le renvoi à M. le ministre des finances, et il me semble que cela ne peut pas nous être refusé.

M. Snoy. - Si cela est si facile, formulez vous-même un projet de loi.

M. le président. - C'est un vœu que vous émettez, M. Vleminckx ?

M. Vleminckx. - Non, M. le président, ce n'est pas un vœu que j'exprime ; c'est une signification que je demande que la Chambre attache au vole qui va être émis.

M. le président. - Je mets d'abord aux voix le renvoi pur et simple ; s'il n'est pas adopté je mettrai ensuite la proposition de M. Vleminckx aux voix.

- Le renvoi pur et simple est adopté par assis et levé.

M. Vleminckx. - L'appel nominal a été demandé, M. le président.

M. le président. - Le bureau déclare que lorsque l'appel nominal a été demandé, l'épreuve était déjà commencée.

M. Vleminckx. - La contre-épreuve n'a pas même été faite.

M. le président. - Sur ce point, M. Vleminckx a raison. Je prie donc les membres qui s'opposent au renvoi pur et simple de se lever.

- Quelques membres seulement se lèvent.

Le renvoi pur et simple est définitivement prononcé.

Rapport sur la pétition de marchands de beurre, oufs et fromages, à Fayt-le-Franc, relative à la suppression du droit d’entrée sur les fromages mous ou blancs

M. le président. - Je demanderai à M. le rapporteur s'il y a une conclusion à son rapport ; je ne la trouve pas formulée.

M. Balisaux, rapporteur. - La commission permanente de l'industrie a conclu au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances. Je me permets, messieurs, de joindre mes instances à celles de la commission pour prier M. le ministre des finances d'examiner cette question avec la plus bienveillante attention et dans le plus bref délai.

Cette question, messieurs, a droit à toute la sollicitude du gouvernement. En effet, il s'agit de l'abolition d'un droit exorbitant sur un produit qui sert surtout à l'alimentation de la classe ouvrière, c'est-à-dire l'abolition d'un droit de 66 p. c. sur une denrée qui constitue, comme le disent les pétitionnaires, le beurre du pauvre..

Notre traité de commerce du 1er mai 1861 grève d'un droit d'entrée de 10 centimes par kilogramme toutes espèces de fromages, ce qui fait que les fromages mous ou blancs, qui, je le répète, servent presque exclusivement à l'alimentation des classes pauvres, notamment vers la frontière française, payent 10 centimes par kilogramme de droit d'entrée en Belgique, pour une denrée d'une valeur de 15 centimes seulement par kilogramme.

J'espère que M. le ministre des finances voudra bien examiner cette question dans un bref délai. Il ne s'agit pas ici d'une mesure financière très importante et qui puisse, dans aucun cas, nuire à l'industrie du pays puisque la production des fromages mous ou blancs en Belgique est loin de suffire à la consommation.

M. Jacobs, ministre des finances. - J'examinerai le point qui m'est signalé par la commission de l'industrie et par son honorable rapporteur. Mais je dois faire observer que, depuis le tarif du 26 août 1822, on n'a jamais fait de distinction entre les diverses espèces de fromages, et cela parce que cette distinction est excessivement difficile. En effet, quand on dit un fromage mou et blanc, on ne dit pas par cela même un fromage commun. Il y a des fromages mous et blancs qui sont très fins, et par contre, des fromages qui ne sont ni mous ni blancs et qui sont très communs.

L'on n'a pas encore découvert la règle de distinction qui permettrait d’admettre à un droit réduit ou sans droit aucun les fromages ordinaires, les fromages communs, qui servent à l'alimentation de la classe inférieure.

Cette difficulté est cause que jamais, jusqu'à présent, on n'a fait de distinction entre les qualités, et comme on ne peut songer, tant que le beurre et d'autres denrées de ce genre sont soumis à des droits de douane, à rendre libres à l'entrée les fromages de luxe, il se trouve que les fromages communs, par suite de cette difficulté de se distinguer suivent le sort des fromages de luxe.

Je ferai rechercher s'il y a moyen d'établir une distinction entre ces deux catégories, de façon que le luxe ne profite pas des bienfaits que la commission d'industrie réclame pour la classe populaire.

M. Balisaux, rapporteur. - Je crois que la difficulté que signale M. le ministre des finances n'existe que dans son imagination. Il est possible qu'il y ait des fromages mous et blancs qui soient des fromages fins, mats ces fromages sont généralement connus et ont un nom spécial.

Les fromages dont il s'agit ici et qu'on appelle fromage mous ou blancs sont les gros fromages qui servent à l'alimentation de la classe ouvrière. Je pourrais leur donner une appellation particulière, mais je ne crois pas que cette appellation soit admise en langue française. Je me tairai donc, mais tout le monde me comprendra.

M. Jacobs, ministre des finances - La confusion dont a parlé l'honorable membre n'existe pas seulement dans mon esprit, mais dans l'esprit de toute mon administration. J'ai demandé naturellement des renseignements, avant de prendre la parole devant cette Chambre, sur un sujet qui m'est peu familier, et je traduis la réponse que j'ai reçue des hommes d'expérience et de pratiqué. Il est une chose certaine, c'est que les fromages durs, dit de Marolles, dont l'honorable membre parle dans son rapport, sont des fromages communs. Il n'est pas de fromage plus commun que le fromage de Marolles et cependant, d'après l'avis de la commission d'industrie, ce fromage commun continuerait à payer le droit de 10 francs, tandis que le fromage dit mou et blanc serait affranchi de toute espèce de droit.

La question n'est pas aussi simple que l'a cru la commission, et si, depuis 1822, l'administration des douanes n'a pas fait de distinction entre les fromages, c'est que cette distinction est très difficile à établir.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


Rapport de la commission de l'industrie sur la pétition des sauniers de Gand demandant la suspension de la loi du 15 mai 1870, quant à la libre entrée du sel raffiné

La commission permanente de l'industrie propose le renvoi pur et simple de cette pétition à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.


Rapport de la commission permanente de l'industrie sur une pétition du sieur Haye, relative à l'aggravation de l'impôt sur le sucre dis betterave

La commission propose, à l'unanimité, de passer à l'ordre du jour.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant les prompts rapports, feuilleton 106, n°23.

M. Vander Donckt. - Il n'y a que la pétition dont j'ai proposé l'ajournement de la discussion pour permettre à notre honorable vice-président, M. de Naeyer, qui était absent, de présenter ses observations. M. de Naeyer étant aujourd'hui encore retenu chez lui par une indisposition, je demande à la Chambre de vouloir de nouveau remettre la discussion à huitaine.

- Cette proposition est adoptée.

Prise en compte de demandes en naturalisation

Il est ouvert un scrutin sur la prise en considération de plusieurs demandes en naturalisation ordinaire.

En voici le résultat :

Nombre de votants., 63.

Majorité absolue, 32.

Jean-Nicolas Kempeners, tailleur, né à Heer (partie cédée du Limbourg), le 5 décembre 1805, domicilié à Louvain, obtient 60 suffrages.

Guillaume Bernays, avocat, né à Coblence (Prusse), le 13 février 1848, domicilié à Anvers. 55 suffrages.

Martin-Auguste Hardy, professeur au collège Saint-Michel, né à Brandeville (France), le 18 avril 1815, domicilié à Bruxelles, 48 suffrages.

Chrétien-Charles-Hubert Boisserée, propriétaire, né à Cologne, le 12 septembre 1843, domicilié à Vollezeele, 59 suffrages.

Joseph-Marie Romyn, capitaine de navire de commerce, né à Dunkerque (France), le 4 novembre 1815, domicilié à Ostende. 59 suffrages.

(page 1207) Joseph-Jean-Baptiste-Désiré Marion, propriétaire et hôtelier, né à Ostende, le 7 septembre 1832, domicilié à Ostende. 59 suffrages.

Laurent Rietzerveldt, marchand tailleur, né à Maestricht, le 14 juillet 1821, domicilié à Liège. 59 suffrages.

Michel Van Aubel, brasseur et distillateur, né à Maestricht, le 27 mars 1828, domicilié à Lanaeken (province de Limbourg). 59 suffrages.

Guillaume-Edouard Langohr, instituteur communal, né à Kohlscheid (Prusse), le 4 août 1828, domicilié à Montzen (province de Liège). 59 suffrages.

Jean-Lambert Everts, ouvrier tailleur, né à Maestricht, le 18 février 1827, domicilié à Bruxelles. 60 suffrages.

Maximilien Goebel, directeur-gérant de charbonnages, né à Zauckeroda (Saxe), le 30 janvier 1846, domicilié a Grivegnée (province de Liège), 52 suffrages.

Jean-Adolphe Zinnen, musicien, né à Larochette (grand-duché de Luxembourg), le 5 juillet 1838, domicilié à Molenbeek-Saint-Jean (province de Brabant). 59 suffrages.

Jean-Joseph Verhoeven, chaudronnier, né à Ruremonde (partie cédée du Limbourg), le 29 mars 1824, domicilié à Bruxelles. 59 suffrages.

Auguste-Alfred Meurant, banquier, né à Paris, le 18 décembre 1844, domicilié a Frameries (province de Hainaut). 58 suffrages.

Gilles Ploumen, adjudant sous-officier au 4ème régiment d'artillerie, né a Maestricht, le 4 octobre 1829, domicilié a Frameries (province de Hainaut), 58.

Joseph-Georges Mathieu, sergent-major au 6ème régiment de ligne, né àa Differdange (grand-duché de Luxembourg), le 19 février 1817, domicilié à Frameries (province de Hainaut). 59 suffrages.

Nicolas Plein, géomètre, né à Bollendorf (Prusse), le 26 janvier 1832, domicilié à Fooz (province de Namur). 58 suffrages.

Ludovic-Christian Duployez, garde particulier, né à Caumont (France), le 24 septembre 1846, domicilié à Ellignies-Sainte-Anne (province de Hainaut). 57 suffrages.

Ernest-Claude-Emmanuel Boost, receveur au chemin de fer Nord-Belge, né à Baexem (partie cédée du Limbourg), le 30 juin 1835, domicilié à Longdoz (province de Liège). 58 suffrages.

Alexandre Carpentier, propriétaire cultivateur, né à Beaurieux (France), le 3 août 1817, domicilié à Grand-Rieu (province de Hainaut). 57 suffrages.

Robert Stoht, commerçant, né a Goldenberg (Prusse), le 2 février 1835, domicilié à Bruxelles. 59 suffrages.

Nicolas Koenig, relieur, né à Heffingen (grand-duché de Luxembourg), le 1er décembre 1829, domicilié a Odeigne (province de Luxembourg). 59 suffrages.

William Chapman, commissionnaire en fruits, né à Walsoken (Angleterre), le 17 juin 1827, domicilié à Anvers. 63 suffrages.

Nicolas Wampach, cultivateur, né à Mecher (grand-duché de Luxembourg), le 23 septembre 1828, domicilié à Marcourt, (province de Luxembourg), 60.

Théophile-Antoine Clasen, surveillant à l'athénée royal, né à Grevenmacher (grand-duché de Luxembourg), le 9 septembre 1830, domicilié à Bruxelles. 60 suffrages.

En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Guillery. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission des naturalisations sur une demande de naturalisation ordinaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué et la demande qu'il concerne sera portée sur le prochain feuilleton.

La séance est levée à 4 heures et demie.